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Entre air, eau et terre : voile-bivouac en Zef

Zef ? C'est quoi ce truc ? C'est un petit voilier dériveur de 3m70 conçu dans les années 60. Pas rapide, mais très polyvalent : c'est un voilier (il a même un spi :) ) sur lequel on peut aussi ramer. J'ai trouvé une bonne affaire sur LeBonCoin cet été, il va me permettre de réaliser un vieux rêve : naviguer à la voile en rase-cailloux le long des cotes du Finistère nord.

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Je suis au moins autant passionné de voile que de rando, j'ai déjà associé voile et bivouac en Hobie Cat 16 (deux équipiers) entre la rade de Brest et Camaret, à plusieurs bateaux. Je me suis déjà baladé entre les cailloux en kayak (presqu'ile de Crozon et Molène par exemple). Je voudrais mixer les trois : voile, bivouac et rase cailloux, en solitaire le long d'une côte aux roches légendaires.

Une p'tite carte pour illustrer le type de terrain de jeu, j'ai aussi choisi le Zef parce qu'en cas de contact avec le fond la dérive et le safran se relèvent en pivotant, ça me sera utile une fois ou deux :) :

Je prends deux jours pour préparer le bateau, notamment pouvoir bloquer la barre (utile en solitaire) et un système me permettant de dormir sur le bateau. 7 jours d'eau et de nourriture et c'est parti.

Jour 1

Départ de la plage du Vougot, près de Guissény.

Le temps est beau, vent d'ouest-nord-ouest léger (5-6 noeuds). La houle est presque inexistante. Je commence à tirer des bords de près, heureux :) . Je voudrais aller visiter les abers (l'Aber-Benoit et l'Aber Vrac'h) qui sont plus à l'ouest, j'espérais attraper la fin de la marée descente pour m'aider à rejoindre l'île Vierge, mais j'ai trop tardé. La marée commence à monter, je tire mes bords de près à contre courant. Après une heure à tirer des bords carrés je me résigne à jeter l'ancre près du port du Koréjou. Petite sieste d'une heure à bord, bercé par la petite houle. La mi-marée est passée, on est en milieu d'après-midi, j'espère que le courant de flot diminuant je pourrais continuer vers l'ouest.

C'était sans compter que le vent faiblit lui aussi. 2 heures durant, je lutte. A la voile, en essayant de barrer fin, puis à la rame en désespoir de cause. La houle est maintenant bien présente : la marée est montée, les roches qui bloquaient la houle du large sont maintenant immergées, de gros paquets déferlent un peu partout, je me dis que les rames me permettent au moins de rester mobile pour s'échapper si le courant venait à m'entraîner vers une zone de déferlement. Alors que je commence à fatiguer et à douter que je pourrais remonter le courant, “clac” ! Une dame de nage casse. Eh merde, je ne peux plus ramer. Je n'ai pas le temps de réparer ou d'improviser une fixation pour godiller, le courant commence à m'entraîner vers une zone de déferlantes. Je hisse les voiles, aller c'est bon : demi-tour. Avec le peu d'air qu'il reste en cette fin de journée, j'arrive à revenir au port de Koréjou en évitant les déferlantes. Le moral en a pris un coup, j'envisage même de rentrer, je ne suis qu'à 3 km de mon point de départ ! La loose totale, quoi :-D . Le moral atteint son minimum alors que je me traine à 0,5 nœuds dans le port. J'arrive sur une plage au fond du port et j'arrête de gamberger au moment où j'essaie de réparer. Une sangle passée dans le trou de la dame de nage me permet de réutiliser la rame à peu près efficacement. C'est la fin d'après midi, la marée est presque haute, donc le bon moment pour repartir vers l'ouest avec le jusant, mais je sais que dans 12h et quelques la marée sera à nouveau favorable. J'échoue le bateau sur une plage isolée non loin. Une vague frappe le tableau arrière et projette du sable et de l'eau partout. Boaf au point où j'en suis ! :lol :

Quelques photos, dîner, j'installe ma toile d'abri (la même qu'en rando) sur la bôme et mon système de couchage, dodo.

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Jour 2

Le vent est très faible comme la veille : 1 ou 2 nœuds, il vient en gros du sud-ouest. Je me traine jusqu'au niveau des rochers que je n'ai pas réussi à passer la veille, la marée descente fait tout le boulot, je suis littéralement porté par le courant. Le vent me permet à peine de maintenir l'orientation du bateau. La matinée se passe ainsi, je prends mon petit déjeuner paisiblement, affalé dans le cockpit à regarder les roches défiler doucement. Je ne m'en approche pas trop car ça déferle encore. A deux reprises je dois quand même prendre les rames pour éviter d'être drossé sur des roches.

A ce moment là seulement je commence à rentrer dans l'aventure. Je commence à m'imprégner du rythme de la mer, de ses contraintes et de ses possibilités.

Jacques Sternberg était un inconditionnel du Zef et du Solex, sûrement parce qu'ils ont quelques ressemblances. Ce qu'il dit ci-dessous sur le solex s'appliquerait très bien au Zef.

“Et, comme j'aurais pu le prévoir, mon Solex m'aura surtout servi, non pas à gagner du temps, mais à en perdre avec infiniment de douceur. Pour goûter cette douceur, il faut évidemment remplir certaines conditions: avoir en soi un inaltérable mépris de la vitesse et du record, savoir comment remettre à plus tard n'importe quel rendez-vous, préférer le vent aux courants d'air et le soleil à la chaleur des radiateurs, n'entretenir qu'un minimum d'ambition sociale, posséder au plus haut point l'art de faire passer le plaisir avant l'efficience et aussi celui de pouvoir à n'importe quel moment remettre les choses au lendemain. Il faut également entretenir une inépuisable soif de liberté, être toujours à la disposition, non pas d’un patron ou d'une femme, mais de cette liberté.”

J'arrive à 500m de l'île de Stagadon vers 10h, je termine à la rame et fait un tour sur cette île aux plages bien sympatiques. Un groupe sort du gîte petit à petit.

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Debout sur un rocher j'observe les remous créés par le jusant à la sortie de l'aber Wrac'h, je voudrais traverser et aller vers l'aber Benoit. J'essaie d'anticiper une trajectoire qui me fera profiter au mieux des contre-courants pour éviter d'être trop déporté vers le large.

Je repars à la rame, slalomant entre les roches en m'aidant au mieux des courants et des contres-courants. Puis toujours à la rame je longe la presqu'ile de Saint Marguerite alors qu'une petite pluie vient mettre une ambiance bien locale. Parfois je m'arrête de ramer pour contempler les laminaires qui ondulent au fond : sans vent la surface est comme la vitre d'un aquarium.

J'échoue le zef sur une plage qui est apparue à marée basse, il est 13h. Avec la renverse je vais pouvoir remonter l'aber Benoit aidé par le courant. Le temps que je mange un peu, un léger vent d'ouest se lève. Hop, profitons-en.

Je hisse les voiles et croise un phoque curieux qui joue à cache cache parmi les roches. Le ciel se découvre, j'entre dans l'aber Benoit au vent arrière, sous le vent, porté par le courant. Allongé à l'arrière du cockpit, la barre par dessus l'épaule et la vision à 360°, c'est le bonheur.

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Toute l'après midi je remonte l'aber à la voile, en passant progressivement de l'ambiance marine à celle de la campagne. Empannant au gré des méandres, au niveau d'un pont routier je démate, puis remate de l'autre côté pour continuer ma curieuse navigation à la voile jusqu'à l'extrémité de l'aber. Je croise plusieurs pêcheurs et promeneurs, l'un d'eux me salue d'un grand sourire et d'un “Ca va c'est cool ?”. “Le pied !” je lui réponds. A l'extrémité j'affale les voiles et explore un peu à la rame, je passe sous la D13 au niveau de Maner Ruz. Le cours d'eau devient étroit (5m?) et j'arrive en vue d'une petite cascade. Alors que je fais demi-tour une dame qui sort de sa maison est surprise de me voir rehisser les voiles au fond de son jardin, je veux profiter de la petite brise qui descend le vallon.

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Je repars vers la sortie de l'aber, le vent a un peu tourné au nord et m'aide à remonter la fin de marée montante. Je m'arrête à marée haute sur la berge en face du lieu dit Trouzilit pour y passer la nuit. Super journée de 12h de balade aujourd'hui, il n'y a pas d'endroit à terre où me poser. Pas de soucis, je dormirai cette nuit encore sur le bateau échoué.

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L'ambiance de la soirée est magique, je n'entends pas un seul bruit artificiel, c'est le calme absolu, parfois animé par une colonie de gros oiseaux qui nichent de l'autre côté de l'aber et s'envolent parfois bruyamment. Leur manège dure jusqu'à ce que la nuit arrive, je m'endors avec eux.

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Jour 3

Super bien dormi, je me réveille vers 7h15 alors que l'étrave du bateau est déjà dans l'eau. Hop il est temps de partir, je démonte mon bivouac et pousse le bateau à l'eau. C'est encore la pétole, je sors les rames et commencer à me diriger vers la sortie de l'aber, en me laissant flotter je fais quelques pauses pour prendre mon petit déjeuner et savourer la tranquillité des lieux.

Je passe St Pabu et sors de l'aber Benoit sous un grand soleil, toujours sans vent. Je suis en short et t-shirt et décide d'aller vers les ilets Trévors, poussé par le courant de jusant.

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J'avais cru y voir une plage sur la carte, mais elle n'est accessible qu'à marée haute, après deux heures à ramer, je mouille l'ancre parmi les rochers et les algues. Ma combi sèche me permet de rejoindre terre au sec, je fais un petit tour sur l'ilot principal et arrivé en haut un vent léger se lève, de nord-ouest. Youpi !

Je reviens au bateau et hisse les voiles. De 2-3 noeuds, le vent monte progressivement à 5-6 noeuds, je suis grisé par la vitesse :-D après ces heures à ramer. Je me dirige au près vers l'entrée de l'aber Wrac'h en me faufilant entre les rochers et les bancs de sable de la presqu'ile de Saint Marguerite.

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Je m'éclate, la mer est limpide et la surface à peine ridée, les fonds sablonneux donnent une couleur presque caribéenne à l'eau. Je fais un stop à l'île Guénioc où deux standup pagayeurs me rejoignent, eux aussi ravi des conditions du jour.

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Je retourne au bateau pour y prendre mon déjeuner, je déplace le bateau un peu plus loin pour me mettre à l'abri de l'échouage, la marée descend toujours. Je suis fasciné par l'aquarium sous moi, il y a 6 ou 8 m de fond et je distingue parfaitement tous les étages du biotope, des crabes au fond aux les longues laminaires qui remontent jusqu'à la surface.

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En repartant je m'arrête sur l'une des plages secrètes que découvre la marée basse. Je ne sais plus très bien où je suis sur la carte, c'est un vrai dédale qui disparaîtra à marée haute.

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Je retrouve le même chenal qu'hier pour aller vers l'aber Wrac'h, ça passe juste ! Il ne doit pas y avoir plus de 20cm d'eau par endroits. Dérive relevée complètement, safran à 80%, au largue je passe comme une fleur :) .

La renverse est passée, la marée monte et m'emporte avec elle dans l'aber.

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Comme hier, au vent arrière je m'allonge au fond du bateau et profite du paysage. Il y a beaucoup plus d'activité que dans l'aber Benoît et de nombreux bateaux sont mouillés là.

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Plus loin je me retrouve seul. Je démate pour passer sous le pont de Paluden, puis un deuxième pont m'offre assez de d'espace pour passer dessous sans démater.

J'arrive au fond de l'aber trois heures après la marée basse, je suis bloqué par un vieux pont en pierre inondable. Pont Krac'h, même pas indiqué sur la carte IGN.

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Je m'y promène et mange quelques mûres, mais j'ai rapidement la bougeotte. Le problème c'est que j'aurai un courant contraire presque maximal si je veux faire demi-tour, et un vent de face aussi. Mais bon c'était un peu trop facile ces deux derniers jours et j'aime le défi alors j'installe mes rames et c'est parti !

J'avance… mais vraiment pas vite :-D . Le vent assez consistant m'incite tenter de remonter l'aber à la voile. Je sais que j'aurai des bords à tirer dans un chenal qui ne fait que quelques mètres de large, mais le défi me plait (bis ! :D ) .

Et c'est parti pour 4h à remonter 2m par bord, puis les perdre au bord suivant parce que le vent a faibli, à coincer la dériver chaque fois que je veux raser un peu trop la rive. Un excellent jeu d'adresse et de patience ! L'avantage que j'ai dans cette remontée laborieuse, c'est que la mi-marée étant passée, le courant faiblit petit à petit et au fur et à mesure que la marée monte le chenal s'élargit.

Je suis toujours dans l'aber à 19h30, le vent est presque tombé, la marée est haute, je décide de m'arrêter en vue du port de l'aber Wrac'h et pose mon bivouac sous un arbre à 3 mètres du bateau. 1h pour aller au fond, 4h pour remonter les 3/4 !

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Les zigzags sur cette carte ne sont qu'une infime partie de la centaine de virement que j'ai du réaliser cette après-midi là :) .

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Jour 4

La marée haute continue à se décaler de jour en jour, 7h24 hier, 7h52 ce matin (prévu à Portsall), grasse matinée donc :) . Pas de condensation sous l'abri, l'arbre m'a protégé du refroidissement nocturne.

Le maximum de coefficient de marées est passé, le marnage diminue maintenant : la mer monte de moins en moins haut, je dois pousser le bateau un peu plus qu'hier pour le mettre à l'eau.

Il fait encore beau aujourd’hui, un léger souffle d'air me permet d'avancer tout doucement à la voile pendant que je mange mon petit déjeuner. Devant le port de l'aber Wrac'h je ferle le foc, installe une balancine sur la bôme pour éviter d'avoir à affaler la grand-voile et prend les rames. J'améliore petit à petit mes automatismes lors de ces multiples manipulations, je commence à devenir efficace et rapide.

Je vire vers le nord pour me diriger lentement vers l'île Vierge. Un peu de vent se lève à nouveau, je hisse et rejoins un groupe de kayaks de mer qui joue à rase cailloux comme moi à contre-courant. Le vent faiblit à nouveau, je m'arrête sur une île pour buller et déjeuner. Bon l'île Vierge c'est pas gagné, dommage je serai bien allé au pied de son immense phare (83 m !).

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La renverse est à 14h, je repars en chemise et short avec ce vent faible de nord-ouest, puis vire vers l'est pour aller… je ne sais pas où :) . “On verra bien !” me dis-je.

Je me retrouve près du vent arrière, “Tiens !” essayons le spi me dis-je, vu le vent faible si ça cafouille je ne risque pas grand chose.

Je prépare bien l'affaire en bloquant la barre pour libérer mes deux mains, tangon, hale-haut, hale-bas, bras, écoute, tangon, drisse. Tout est prêt, j'affale le foc et hisse le spi, impec ! Il se gonfle mollement, je fais quelques ajustements, ma vitesse a doublé, je passe de 1 noeud à 2 noeuds ! :-D

Le vent reste faible pendant une heure, puis commence à monter, ma vitesse aussi ! Je jubile. Je borde-choque le spi avec son écoute dans la main gauche, la barre dans la main droite, j'arrive rapidement à une première pointe que je passe au ras des cailloux, puis une deuxième (Pontusval), il y a un bon force 4 maintenant, j'essaie de suivre ma progression sur mes cartes en A4, mais je passe d'une carte à l'autre plus rapidement que je pense et je perds le fil.

L'après midi passe ainsi, je prends un pied pas possible à glisser poussé par le vent. Je passe à côté d'un poisson lune que je reconnais grâce à sa nageoire dorsale qu'il bascule d'un côté à l'autre.

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Je dépasse Brignogan, puis passe au large de Goulven et de Kernic, une île commence à se découper au loin droit devant, l'île de Batz !

Il est 18h les conditions sont idéales, mais il commence à faire un peu plus froid, le ciel s'est couvert.

Pour ne pas avoir à le faire dans les tas de roches qui précèdent l'arrivée à l'île de Batz j'enfile ma combinaison sèche au large de l'île de Siec.

J'arrive sur les premières balises qui délimitent le chenal entre Roscoff et l'île de Batz, C'est la foule, beaucoup de bateaux, certains dessus me dévisagent. Il y a encore pas mal de monde sur les plages, je passe devant Porz Kernok et décide de continuer ma route. L'ile Callot est à une heure environ, c'est un coin que je connais et que j'aime bien.

J'empanne le spi et termine cette après midi fabuleuse en arrivant à Callot vers 20h avec un vent mollissant. Non sans avoir flippé à l'approche : la marée est haute, donc les algues ne balisent plus la présence de roches et en fin de journée les récifs sont impossibles à voir à cause des reflets et de l'absence de lumière plongeante.

La marée est haute, l'île presque déserte : à Callot la foule vient à marée basse puisqu'une route inondable permet d'y accéder à vélo ou à pied.

Je reste longtemps assis sur un caillou profiter des dernières lumières du jour. Le bateau s'est échoué avec la marée descendante, je mange mes pâtes au beurre et à l'ail en regardant les étoiles : le ciel semble s'être dégagé.

Mon épouse et mon fils sont à 4km de là, je les appelle pour leur proposer de faire un tour en bateau demain, ils m'apprennent que la météo sera mauvaise, mais ils sont motivés ! :)

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Jour 5

Hier soir j'ai veillé jusqu'à minuit en regardant les étoiles, je me lève vers 8h sous un ciel gris, la marée haute est vers 9h20 (comme je suis plus à l'est je dois ajouter ajouter 40 minutes par rapport aux horaires de Portsall). La mer va encore monter, donc j'en profite pour prendre des repères et localiser les zones rocheuses dans la baie de Morlaix. Ca m'évitera de stresser comme hier soir.

Vent de sud léger ce matin, ciel couvert, ça sent le mauvais temps qui arrive. Je pars sous la pluie et rejoins mon fils et mon épouse sur la cale du Kelenn.

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On retourne sous spi à Callot pour y faire une petite balade et manger des mûres.

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Le mauvais temps ne semble pas les déranger du tout, tant mieux moi non plus :) , on repart naviguer dans la baie de Morlaix alors que le vent monte progressivement à force 4.

On longe des merveilles déjà parcourues maintes fois en kayak : le chateau du Taureau, l'ile Louët, jusqu'à la rade de Morlaix. Ca me fait plaisir de partager ça sur le Zef, et de voir le petit aussi à l'aise en mer, même à la barre :) .

Vers 13h on accoste, j'amarre le bateau et on se retrouve autour d'un bon repas dans la maison familiale.

L'après midi le vent a viré un peu sud-ouest en fraichissant force 5, je ne résiste pas à l'envie de retourner naviguer sous les averses, même au largue le zef ne plane pas comme les dériveurs plus modernes, mais je m'amuse avec les éléments. La combinaison sèche est une merveille dans ces conditions. Rien à voir avec les vestes, combinaisons néoprènes et autres vêtements que j'ai utilisés autrefois pour naviguer toute l'année en Bretagne en kayak, dériveur, planche à voile, catamaran ou croiseur.

Le soir je laisse le bateau amarré à un bout que j'avais pris soin de passer - à marée basse - dans un corps mort inutilisé. Je double la tenue avec l'ancre et rejoins la terre à la nage. Je passe la soirée en famille et prends connaissance de la météo des prochains jours, pas idéale, enfin ça dépend ce qu'on recherche :) . Force 5 à 6, localement 7 en rafale, averses. Direction sud-ouest, je l'aurai donc pile dans le nez ou presque :-D . Ca va donner.

Jour 6

(désolé pas beaucoup de photo ce jour là)

Pour profiter au mieux de la marée descendante, vers 9h je retourne au bateau à la nage. La météo est… comme prévu ! Le vent doit être à force 5, pluie ou crachin. Mais comme hier je suis très bien dans ma combi sèche. Pantalon nylon en bas, t-shirt et polaire en haut. Chaussettes en laine aux pieds dans la combi et bottillons néoprène par dessus. Casquette bien serrée sur la tête.

Jusqu'à Roscoff je suis travers au vent donc c'est cool. J'y arrive alors que la mer a commencé à descendre, le courant me porte vers l'ouest. C'est bien parce que c'est vers là que je vais…et c'est pas bien parce que le vent contre courant lève une mer bien hachée entre l'île de Batz et Roscoff. Mon bateau passe dans cette marmite sans trop taper, surtout parce qu'il est petit :) . Je commence à tirer des bords au milieu des rochers, en faisant bien attention à ne pas me rater. Le courant fait effet tapis roulant et le ressac sur les rochers me ballote à droite à gauche quand je passe trop près.

En tête je n'ai aucun lieu précis à atteindre comme objectif de la journée, je sais que les conditions seront difficiles, alors autant éviter les bêtises en ne se mettant pas la pression.

Je laisse l'île de Batz sur la droite et passe près de la pointe de Jacobins pour faire un peu de tourisme. Mais je ne m'y attarde pas après le virement : chaque fois que je tourne la tête pour regarder la pluie me cingle le visage (par beau temps c'est ça).

Le jeu va continuer ainsi pendant environ 7h (11h - 18h) avec un vent qui forcit au fur et à mesure avec rafales sous les grains.

Du près, du près, du près, virement sur virement.

Avec d'un côté la tentation d'aller plus au large bâbord amure pour un vent plus régulier, et de l'autre la tentation de passer encore plus près des cailloux tribord amure pour une mer un peu plus calme. Mais casser un truc au large c'est pas cool quand le vent ne ramène pas à terre et se fracasser sur les rochers non plus !

Multiples séances d'écopage tout en barrant pour vider les litres d'eau qui rentrent quand une rafale plus forte que les autres me surprend et fait trop gîter le bateau. Le fait qu'il ne soit pas auto-videur est un des rares défauts que j'ai trouvé au zef dans ces conditions.

De la matinée je me souviens avoir récupéré un chasseur sous-marin dans l'anse du Pouldu ou près de l'île verte (je n'ai pas regardé sur la carte).

Je le vois plonger d'un caillou et partir en crawl. C'est assez anormal pour m'inciter à dévier ma route et passer près de lui. Quand je passe à ses côtés, il lève la tête de l'eau, sans rien dire. Je lui demande si tout va bien, il me répond : “Ben… pas trop” et je n'entends pas la suite. Je vire et me mets à ses côtés pour qu'il monte à bord. Il m'explique que le courant l'empêche de rejoindre la côte. Il est bien content de pouvoir faire du bateau-stop dans ces conditions et moi je suis bien content d'avoir un grand costaud à bord pour faire du lest dans ce vent (avec ses plombs et sa grosse combi il doit peser 90kg) :) . Je le dépose près de la plage d'où il est parti.

Je me souviens aussi être allé voir l'anse du Guillec, mais la marée était déjà trop basse pour que je puisse y rentrer.

(tracé trèèèès approximatif, les zigzags sont fait un peu au pif)

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Vers 14h je m'arrête brièvement sur une plage (an Amied) pour prendre un ris car le vent a commencé à monter à force 6 dans les rafales et même au rappel maxi (celui qui fait bien bosser les abdos et les jambes :) ) mon poids ne suffit plus à tenir le bateau. Quand je repars avec ma grand-voile réduite ça va mieux, je reprends ma progression en zigzag en continuant à ne pas me poser de questions. Je n'ai ni chaud ni froid, je ne ressens pas vraiment de fatigue. Le zef est un dériveur très facile, je barre très détendu. Entre les grains je mange ce que j'ai mis dans ma poche de gilet et bois régulièrement.

Les heures passent, la marée s'inverse vers 16h, j'ai maintenant le courant contraire.

Je me rapproche de Porz Meur près de l'anse du Kernic. Le vent monte encore d'un cran et même avec mon ris je pars au tas dans une bonne rafale. Le bateau embarque, j'écope comme je peux, pas complètement puisque je suis maintenant presque obligé de rester au rappel maxi. J'abandonne l'idée de faire du près serré et choque légèrement la grand-voile, le bateau se tient mieux mais les bords sont moins efficaces. J'arrive finalement vers 18h sur l'immense plage de Ker Emma, tout près de la rivière qui sort de l'anse du Kernic. Je ferle les voiles tout de suite pour ne pas les laisser claquer et vais faire un tour sur les dunes pour voir l'anse, ça me plait ! Je décide de m'arrêter là. L'anse est bien protégée, il y a quelques petites plages où le bateau pourra échouer et déséchouer pendant la nuit sans risque de casse.

(tracé trèèèès approximatif, les zigzags sont fait un peu au pif)

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En attendant que la marée monte et me permette de rentrer dans l'anse du Kernic, je bulle sur la plage, toujours très bien dans ma combi sèche. Je mange un peu en regardant les kites et les planches à voiles se régaler de ce vent fort.

Je fais un bref essai de halage dans la rivière, mais il n'y a pas assez de fond et le courant est de toute façon assez fort. Pas grave, je patiente en décalant le bateau au fur et à mesure que la marée monte, sans l'échouer car de petites vagues se forment au bord et le malmènent.

Quand la marée arrive au niveau du déversoir de l'anse, j'embarque et rentre à la voile en me faufilant dans l'anse. Je passe un moment à trouver un coin sablonneux avec un rocher bien placé pour accrocher le bateau de façon sûre. Je me suis rendu compte que mon ancre tenait très mal dans le sable.

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Je retire la combinaison pour avoir une allure plus civile et patiente près du bateau le temps que la marée monte. Les petites plages que j'avais repérées sont en fait parsemées de cailloux indélogeables, j'ai donc amarré le bateau par l'avant et l'arrière pour réduire la zone d'évitement et maximiser les chances que cette nuit il échoue sans se poser sur un rocher. Il n'est pas amarré trop court non plus pour ne pas couler à marée haute :) .

Je suis étonné de voir comme mon rythme a changé pendant ces quelques jours de mer. A vivre au rythme de la marée 6h - 6h (à peu près), je me suis adapté et regarder l'eau monter millimètre par millimètre ne m'ennuie pas du tout. Tirer des bords pendant 7h non plus. La mer m'aurait-elle rendu patient ?

Une fois que je suis assuré que le bateau est amarré correctement, je vais me promener alentour pour visiter et trouver un coin sympa où dormir. L'endroit a un riche passé et des blocs de granit aux formes fantastiques. Je choisis finalement l'herbe épaisse du terrain près du bateau. Pas mal de gens se promènent par ici, j'attends la nuit pour m'installer. La pluie a cessé en fin de journée, le ciel est toujours gris mais les nuages sont plus hauts. Après un copieux plat de nouilles au beurre et à l'ail je décide de m'installer à la belle étoile. Avec l'abri à côté près à être mis en couverture au cas où ;) .

Jour 7

Bé j'ai eu du bol :D . Pas une goutte !

Je me réveille sur mon matelas d'herbe, c'était confort et bien abrité du vent. Premier regard pour mon bateau, il est là et il n'a pas l'air de s'être posé sur une roche pendant la nuit. Cool.

Deuxième regard pour la météo : toujours gris, du vent, mais un peu moins fort qu'hier soir, comme hier midi je dirais, force 4 à 5. Et il a viré un peu au sud-ouest, un peu favorable donc :) .

Je ne suis pas pressé : la mer est encore loin, l'étang de Kernic continue de se vider petit à petit. Des roches m'empêchent de tirer le bateau jusqu'à l'eau.

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Après un petit déjeuner fait essentiellement de gâteau breton (bien sûr ! :) ), je profite du temps que me donne la marée pour ranger le bateau et améliorer deux trois trucs pour rendre le cockpit plus ergonomique.

J'ai vite fini alors je m'assois près de l'eau et … je regarde la marée monter :) .

Le courant s'inverse, ça doit être la mi-marée : la mer a atteint la hauteur du déversoir de l'étang et rentre dedans. Imperceptiblement l'eau monte et j'attends. C'est lent, mais je suis bien, en paix et heureux. J'ai pris le rythme.

Dans mon coin abrité il n'y a pas une vague, pas une ride sur l'eau. J'approche mes yeux de l'interface mer-terre et je distingue maintenant nettement la montée lente et régulière de l'eau. Les petits bouts d'algues et de cailloux sont engloutis les uns après les autres, ça me fascine un moment puis mon imagination prend le relais. Certains appelleront plutôt ça de la méditation :) .

J'en ressors au moment où l'eau est assez haute pour tirer le bateau à l'eau. Hop c'est parti ! Je tire le bateau sur 5m et j'embarque. Le courant est contraire, mais le vent me pousse bien, je sors sans soucis de l'étang de Kernic et traverse tout droit en visant la pointe à l'est de Brignogan. Je suis au près bon plein, le bateau avance bien, c'est un régal ! Je sais qu'il y a des roches un peu partout, mais le faible tirant d'eau du bateau, mes lunettes polarisées et la petite houle réduisent les chances de heurter un récif.

Je me faufile entre les cailloux à la sortie du port de Brignogan, il est midi et certains coins de ciel bleu apparaissent alors je me fais plaisir en tentant quelques raccourcis audacieux.

Ensuite je me mets au près serré et c'est reparti comme hier : zig zag zig zag. En milieu d'après midi je passe la pointe qui précède l'anse de Tresseny et je décide d'aller y faire un tour.

Bien m'en a pris, c'est magnifique ! Le soleil est là maintenant et il ne reste que 50cm d'une eau limpide sur cette immense plage immergée. Le bateau file dessus, je me mets debout pour mieux apprécier la glisse. Au fur et à mesure que j'approche du fond de l'anse, la hauteur d'eau diminue encore, je fais demi-tour dans 20 cm d'eau et me trouve un coin pour poser le bateau.

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Je fais une petit sieste pendant que la mer descend, un couple de kiteux vient essayer de naviguer. Sans succès mais ils ont bien essayé pendant une heure !

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Je pars faire une petite balade pour me dégourdir les jambes, mais c'est naviguer dont j'ai envie. Impossible vu que la mer est à 1 km maintenant. Je sais aussi que demain matin est le dernier jour que je peux m'accorder et je suis à 2km d'un point de récupération facile d'accès pour ma famille. Donc c'est presque la fin :/ .

J'appelle pour confirmer l'heure et le lieu de récupération et j'installe mon bivouac sur les rochers au dessus du bateau, à la belle étoile. Je suis tranquille : j'ai échoué le bateau devant la seule pointe du coin où ne passe pas le sentier côtier :D . Alors que je m'endors en regardant les étoiles, un feu d'artifice est déclenché sur la côte juste en face de moi, je profite du spectacle en le prenant comme un clin d'oeil du hasard. Et je m'endors.

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Jour 8 : fin

(très courte nav :) )

Pééééétole !

Ah ben ça faisait longtemps. Pas une ride sur l'eau.

Ce matin quelqu'un ne veut pas que je parte : je galère pour retirer le grappin. Je l'avais coincé entre des cailloux et pendant la nuit les vagues l'ont ensablé à 50cm, seul le câblot dépasse. Je dois creuser le sable jusqu'à bout de bras entre les rochers pour arriver à le sortir en tirant comme un boeuf. Bah voilà j'aurai encore appris un truc :) .

Je rame 1 heure assez activement pour contrer le courant et … ma deuxième dame de nage casse ! Comme au premier jour. Je prends alors une deuxième sangle et bricole comme pour la première.

Me voilà arrivé à bon port, un peu en avance. Voilà c'est la fin de cette balade en dériveur qui ne sera très certainement pas la dernière dans le coin qui est un terrain de jeu fabuleux pour ce genre d'embarcation.

voile-bivouac_en_zef.txt · Dernière modification : 2015/12/05 17:10 de oli_v_ier