Dans le dernier Carnets D'aventures un article "vélo grimpe dans l'ouest américain" avec certains points communs dans la démarche.
avec une référence www.bikeandclimb.be vers le site des protagonistes.
]]>T'avais un cycliste Décathlon de 150g avec toi? C'est lui qui pédalait?
]]>belle et originale réalisation de ta part qui d'ailleurs m'a donné quelques regrets car je suis
passé dans le coin juste après toi ( je venais du Sud ) ; ayant vu pas mal de neige sur le Viso
les jours précédant je n'ai même pas tenter son ascension...
Merci pour ce récit Noucho ! Le sac vert qui emballe ton sac dos, c'est ta housse de pluie ?
Ben c'est plutôt moi qui remercie les lecteurs !
Oui, ce truc vert est la housse de pluie du sac à dos, en silnylon. J'ai fait toutes mes randonnées à vélo avec ce principe : sac à dos protégé par une housse, plus de petites sacoches de ville pour les affaires utilisables en journée. A l'origine, c'est un système par défaut choisi pour son faible coût. Mais dans le cas précis de cette rando hybride, c'était aussi la solution la plus légère !
Par contre, le silnylon léger a un peu pris cher avec tous les frottements (tendeurs, supports variés du vélo...). Ma vieille housse décath de 200g tenait mieux les chocs !
@Julos : Salut mon ami ! Bienvenue sur ce forum, ô combien précieux...
]]>petit bémol : les crampons "minimaliste" sans piolet dans les mains. Je ne sais pas la gueule ni l'inclinaison qu'avait les pentes de neige ( ni sur quoi elle donnait ) que tu as remonté ou descendu mais je considère que c'est exposer inutilement la viande au moindre dérapage que de rester les mains vides sans pioche sur ce genre de terrain.
Tout à fait d'accord avec toi. Je n'attendais pas la quantité de neige rencontrée, mais j'aurais dû emmener un piolet de toutes façons, par anticipation. La montée au Viso n'est pas très aérienne mais il y a tout de même des langues de neige un peu pentues et exposées. Si j'avais été seul (et donc sans aucun secours en cas d'éventuelle chute), je ne serais sans doute pas monté. J'ai conscience d'avoir été un peu borderline au niveau de la sécurité ce jour-là.
A ma décharge, le bâton stabilise pas mal l'équilibre et rend une chute d'autant moins probable ; et les microspikes étaient suffisants pour le terrain rencontré. Avec un piolet, je me serais senti parfaitement en confiance.
ps : Bon Viso par avance, alors. C'est vraiment un belle course.
Quand tu te séparais de ta monture est-ce que tu l'attachais avec un câble et cadenas?
Ouuuuiii, je l'ai oublié de la liste de matos. Un petit U sans marque noir et rouge, juste de quoi dissuader les curieux. Je l'ai rajouté dans mon premier post.
En fait, ma crainte allait plutôt vers les affaires de bivouac (sac de couchage, bivi), qui sont restées avec le vélo pendant mes montées aux sommets. Je les mettais dans un sac poubelle noir anonyme au pied du vélo. Servez-vous m'sieurs-dames ! Mais bon, je ne pense pas qu'il y eût trop de risques vu l'endroit. A la Madeleine, j'ai laissé vélo et affaires sur la terrasse de la buvette, qui est un peu cachée aux regards. Je n'ai pas du tout attaché le vélo, pour laisser à penser que le propriétaire était tout près. Au Galibier, j'ai laissé vélo et affaires derrière une bosse de terrain qui le cachait de la route.
je n'ai pas encore lu mais reagis de suite auxvraiment très jolies photos montées ensemble
super
Myrtille
Jours 0 à 2 - Découvertes humides
Je suis arrivé à Genève le soir du 10 septembre en TGV. En l'absence de compartiment vélo, j'avais emballé Bubu --mon fidèle VTC hybride-- à l'aide de sacs poubelle et de scotch, la transmission et les extrémités de tube protégées avec du papier bulle, les deux roues et les pédales démontées dans un second sac. Ca marche super bien ! Juste la bonne taille pour rentrer dans un compartiment bagage à l'étage supérieur. Compter 30 min d'emballage à la gare et 20 min de déballage/remontage à l'arrivée... où on peut jeter tout l'emballage.
Premiers coups de pédale vers 23h, une quinzaine de kilomètres le temps de quitter l'agglomération genévoise. Premier bivouac dans une lisière de champ peu avant Reigner. Des froufrous audibles un peu plus loin et de récents souvenirs de bivouac sur ce genre de lisière me font redouter les visites de nos amis les sangliers... mais il n'en sera rien et je passe une première nuit reposante.
=========================================== Jour 1 ==============================================
Le jour des premières ! Pour commencer, le premier col alpin de ma vie de cycliste, et qui doit me servir de banc d'essai : le Col des Aravis (côté La Clusaz). Dès les premiers kilomètres de la longue et douce montée, mes genoux se rappellent à mon bon souvenir et reçoivent leur première ration d'anti-inflammatoire. Ce sera leur nourriture régulière, à raison d'une application tous les jours ou deux, pendant le reste de cette randonnée... en contrepartie de quoi ils m'auront laissé relativement en paix.
Derniers kilomètres de l'ascension, dans les 8% ; je découvre cette sensation si particulière aux longs cols à vélo : les cuisses en feu, intensément, durablement. Jééééésus Marie Joseph, ça fait maaal !! Ni la plaine ni les collines ne préparent à ce ressenti si particulier et qui, je le comprends peu à peu, constitue bel et bien la drogue masochiste du cycliste montagnard. Moi-même il m'arrivera par la suite de --presque-- éprouver quelque plaisir à cette brûlure infernale. Mais pas pour l'instant. Bien plus prosaïquement, j'en chie et me dis déjà que la suite risque d'être trèèèèès compiquée.
Arrivée au col des Aravis vers 12h45, et seconde première en perspective : la piste en balcon qui court sur une dizaine de kilomètres du col des Aravis au col de l'Arpettaz où je compte passer la nuit. Mon vélo, un vtc hybride, est-il capable d'affronter de telles pistes pierreuses, plus propices aux vtt ? Réponse à l'image du vélo, mi-figue, mi-raisin : Ca passe, mais à deux à l'heure. D'une part, les courtes côtes sont très éprouvantes tant le vélo dérape sur les pierres. D'autre part, les descentes se font au pas, taqué sur les freins, car j'ai peur de la casse. Au final, il me faudra deux bonnes heures pour relier le col de l'Arpettaz -- sans compter une enorme pause sieste -- et je me félicite d'avoir globalement omis de telles pistes de la suite de mon parcours. Durant tout le trajet, je vois se rapprocher le Mont Charvin, mon objectif sommital du lendemain.
Le temps d'une bière au très sympa chalet-auberge du col de l'Arpettaz, et voici que le ciel de plus en plus bouché annonce ma troisième première de la journée : dormir sous la pluie dans un simple sursac imperméable. A peine établi dans une carrière à deux pas du refuge, je reçois mes premières gouttes. Installation du couchage, entrée dans le sac, préparation précipitée du dîner. Ca forcit et j'engloutis en trente secondes un couscous tiède dans une soupe à moitié diluée. Sac à dos et chaussures sont sous leurs protections respectives... Maintenant ça claque dur. Je mets le polycree sur ma tête pour pouvoir respirer en dehors du bivi. J'essaye de dormir. La bâche froide me colle au visage sous le poids de l'eau. Je comprends vite que c'est râpé pour le Mont Charvin, et concentre tous mes efforts à passer une nuit la moins éprouvante possible. J'essaye sur un côté, sur l'autre, sur le dos... Je somnole sporadiquement, profitant des quelques accalmies pendant la nuit ; mais à chaque fois ça repart de plus belle. Humidité ambiante et/ou tissus saturés d'eau, le bivy est tout humide à l'intérieur, surtout son sol en silnylon qui est maintenant absolument trempé.
=========================================== Jour 2 ==============================================
Arrive le matin glauque, toujours sous pluie battante. J'attends la prochaine accalmie pour tenter une sortie. Sept heures du matin. Huit heures. Ca pisse sans discontinuer. Ivre d'impatience je décide de décamper de toutes les facons. Vise un peu Noucho en collant sous la pluie, en train de batailler avec son futal qui finit trempé en dix secondes, suivi des chaussures qui subissent le même sort... Il fourre ses affaires dans son sac, roule son couchage trempé sous l'autre bras, et court dare-dare vers le refuge tout proche où les patrons regardent tomber la pluie avec effarement depuis le petit matin. Vise les affaires explosées tout autour du poële tandis que j'engloutis un petit déjeuner complet en bénissant la douce chaleur qui me sèche. Je tâte mon sac de couchage : il est humide à l'extérieur mais pas gorgé d'eau, et je pourrais certainement passer une deuxième nuit dedans en l'état. Mais davantage de nuits... sans aucune occasion de sécher... je ne crois pas que ce serait viable.
Pas d'accalmie prévue avant le lendemain, et les patrons attendent une escouade de clients importants (tout le gratin savoyard, en fait ) à déjeuner. Je me prépare donc lentement à reprendre la route, sous une pluie admirablement constante. Départ vers midi, et une nouvelle première pour ma pomme : descendre un col sous une pluie froide et battante. Insoluble dilemme entre prendre de la vitesse et subir le vent glacial, ou se traîner davantage et prolonger le martyre. Ayant opté pour la première solution, j'arrive en bas (à Ugine) absolument frigorifié ; je ne sens plus ni mes pieds ni mes mains. Sous un porche, je retire mes pompes et frotte vigoureusement les secondes contre les premiers. Je tremble de froid. Je remonte rapidement en selle pour rejoindre Albertville au plus vite. Pour tenir le coup durant ce trajet mené à vive allure, j'imagine déjà comment je me mettrai au chaud dans le premier bar venu, puis prendrai une chambre à l'hôtel où je commanderai trois pizzas, une caisse de champagne et une prostituée.
Arrivé à Albertville et reprenant un peu du poil de la bête j'ai finalement fait une croix sur la fin de ce programme, me contentant d'un sandwich/chocolat chaud dans une brasserie, et d'une réservation de chambre un peu plus loin sur ma route. Quelques heures, kilomètres, et courses plus tard, j'ai donc pris possession d'une magnifique chambre dans un motel d'autoroute à la Bâthie, et procédé à la seconde explosion d'affaires de la journée. Il y avait même une baignoire ! Bain chaud ! Ravioles du Dauphiné ! Lessive ! Lit douillet ! Voilà bien le minimum pour me redonner courage avant le premier gros morceau du trajet, le Col de la Madeleine. Par la fenêtre je vois tomber les dernières gouttes de cette aqueuse journée -- normalement une amélioration est prévue à partir du lendemain.
Jours 3 à 6 - Cyclosommets
=========================================== Jour 3 ==============================================
Je quitte le motel vers 8h du matin, un horaire relativement matinal au vu de la courte journée que je me suis prévue : je monte au col de la Madeleine, et basta. J'escompte ainsi finir de récupérer de ma nuit blanche précédente, tout en me laissant autant de marge que possible pour l'ascension de mon premier grand col. Enfin, un bivouac a proximité du col me permettra d'entamer la journée du lendemain par une ascension alpine matinale, comme préconisé en montagne.
Aussitôt dit, aussitôt... argh. Je suis au pied de la montée vers les 9h, et au sommet du col --25 km et 1600m plus haut-- vers 12h40, soit plus de 3h30 plus tard ! Entre les deux, des arrêts réguliers pour m'hydrater et m'alimeter, une courte pause déjeuner, et 4 interminables kilomètres finaux à 9%. Parti le premier, je me suis fait doubler par une tripotée de cyclistes qui, pour la plupart, étaient trop à leur effort pour même daigner répondre à mes saluts.
Et voilà un grief que je pourrais adresser au vélo en montagne, par opposition à la randonnée pédestre: on croise trop de gens, et trop de ces gens sont trop des kékés, ce qui ne favorise pas trop les échanges. Adieu les trois mots ou plus, échangés de ci de là lorsqu'on progresse à pied, et qui assaisonnent une randonnée en solitaire. Ici, l'effort est trop rude et le chrono trop important. De surcroît, bon nombre des cyclistes sportifs se déplacent en larges meutes totalement autosuffisantes du point de vue des échanges verbaux. Ceci dit, à chaque fois que je me suis arrêté pour tripatouiller mon vélo, il y a toujours eu un cycliste de passage pour vérifier que j'aie bien tout ce qu'il faut --la plupart du temps avec un bel accent anglais ou hollandais. La solidarité est donc bien là, mais ne s'encombre guère de fioritures.
Arrivé au col de la Madeleine, pour tout dire, je me suis bien emmerdé ! Rapidement rabattu dans la buvette sommitale par un fort vent du nord (mais qui apporte le beau temps !), j'ai fait traîner un grand café puis un chocolat chaud, avant de demander aux patrons l'autorisation de dormir sur leur terrasse, seul coin des alentours protégé du vent. Sympa ils acceptent, tout en me mettant en garde contre le froid. La nuit suivante sera effectivement la plus froide de mon séjour, piquant à -2°. Tous mes vêtements étaient sur moi et je me suis senti tout juste à la limite du confort.
Sous les effets conjoints de mon coucher tôt (20h30), du froid, de l'impatience du lendemain, et du simple fait de dormir dehors, je me réveille très tôt --vers 2 ou 3 heures du matin-- et peine à me rendormir. De fait, ce schéma sera celui de presque toutes mes nuits suivantes . Peut-être qu'une toile au-dessus de la tête m'aurait donné le petit plus d'intimité vis-à-vis de l'extérieur qui permet de dormir plus sereinement.
=========================================== Jour 4 ==============================================
Driiiing !! 5h30 sonnent à mon réveil --qui de fait ne me réveille pas, c'était déjà fait depuis un bout de temps. Je prépare mon café, mon sac à dos pour le sommet, fourre tout le reste dans les sacoches du vélo plus un grand sac poubelle. Je me force leeeentement à ingurgiter quelques crackers et fromage. J'aurais quand même dû me prévoir des petits-déjeuners plus funky ...
A 6h30 je suis en route : je vais tenter de monter au Cheval Noir, qui domine le col, par son arête nord ; apparemment une course d'alpi côtée F dont j'ai découvert un topo partiel ici. Je suis au pied des difficultés vers 8h. Petit problème, le topo est incomplet et la partie manquante --qui décrit l'accès à l'arête par une épaule caractéristique-- n'est pas aussi évidente que je l'aurais souhaité. Entre moi et le sommet de l'épaule, une bonne falaise qui doit se contourner par la droite ou par la gauche. La droite me semble plus prometteuse : j'y découvre un couloir en terrain à chamois relativement peu pentu, mais plâtré de neige bien froide super glissante. Je monte quelques dizaines de mètres dans ce terrain et commence à m'inquiéter un peu : je suis déjà haut et n'ai aucune confiance en mes appuis. Je me rappelle soudain l'existence des microspikes dans mon sac, tente de me les mettre aux pieds. Ooooooh joie, ooooh délivrance ! Ils accrochent à merveille dans ce genre de terrain glacé. En quelques minutes je gagne le sommet de l'épaule, où je retrouve le soleil et un vent à décorner un boeuf. S'ensuit une jolie progression sur l'arête mixte très facile -- ici encore les microspikes font un tabac! -- puis un peu d'éboulis, et l'on débouche au sommet tout guilleret ! Il est tout juste 10h, le vent a chassé les nuages et autour de moi s'étale un panorama fantastique : Weisshorn, Cervin, Mont-Blanc, Belledonne, Vanoise, Cerces, Ecrins, nul ne maque à l'appel, même pas le Viso que je crois discerner dans le lointain. Vraiment ce Cheval Noir est un incroyable belvédère. Le vent me chasse au bout de quelques minutes de ce petit paradis, pour descendre par la voie normale qui est un sentier. De retour au col vers midi je commande enfin la fameuse pizza, que j'estime maintenant amplement méritée.
Deux heures plus tard je quitte le col de la Madeleine. Ma seconde grande descente s'effectue au soleil, et c'est beauuuucoup plus marrant. A suivre, une trentaine de kilomètres dans le fond de la vallée de la Maurienne --qui avouons-le pourrait être un peu plus bucolique, une pause bricolage, une pause ravito, puis je remonte vers le Col du Télégraphe, premier gardien sur la route du Galibier. Seulement 12 kilomètres d'efforts, pendant lesquels je reçois les bons conseils d'un accompagnateur cycliste professionnel anglais et son client : ils alternent régulièrement position assise et danseuse, et je tâche de les imiter. Mais ça marche ! Je m'emploierai par la suite à parfaire ce savant dosage qui permet d'alterner les muscles actifs et de mieux gérer son effort. Il est 19h15 lorsque je m'installe près d'une des tables de picnic du col du Télégraphe, pour un repas tardif face aux montagnes rougissantes. Sous les branchages protecteurs d'un sapin, je passe une nuit étonnamment bonne.
=========================================== Jour 5 ==============================================
Aujourd'hui c'est mon jour Galibier ! Fort de mon expérience à la Madeleine, j'escompte partir assez tôt pour atteindre le col du Galibier en milieu de matinée, et enchaîner sur une montée au Grand Galibier par le couloir Termier (topo accessible ici). Dans les faits, ce plan marchera à merveille : Parti vers 7h, arrivé vers 10h au col, je descends les premiers lacets de l'autre côté jusqu'à un petit replat caché de la route où je pose mon vélo, me change et grignote quelques graines. Commençant à marcher peu avant 11 heures, je suis arrivé sans encombre au sommet trois heures plus tard. Voilà pour les faits.
Dans les jambes, par contre, ce fut horrible ! Les dix derniers kilomètres du Galibier, passé Plan Lachat, sont vraiment épouvantables... même tout proche du sommet j'ai dû faire une dernière pause, tant la montée restante (2 km!) me semblait longue. Efforts accentués par mon désir de basculer rapidement au col afin de pouvoir enchaîner sur le sommet. Toute cette fatigue musculaire s'est joyeusement rappelée à mon bon souvenir lors de l'ascension du Grand Galibier, effectuée dans un état de forme que je qualifierais d'acceptable mais pas optimal. En résumé, j'ai trouvé l'enchaînement "(1) col, (2) sommet" dans la même journée bien plus fatigant que sa version inversée (expérimentée la veille), et ce au détriment du plaisir de progression. Mais ! Ne boudons pas cette journée qui me restera comme un très beau souvenir de montagne.
En fin de journée, j'ai pu découvrir de nouvelles limites de vitesses dans les grandes lignes droites descendantes du Col du Lautaret jusqu'à Briançon. Arrivé en ville, dernier petit stress pour refaire des courses avant la fermeture du supermarché. Résultat, je dépose le cerveau et achète exactement la même chose que lors de mon ravito précédent : du couscous, de la soupe à la poule, du fromage, du saucisson, du chocolat, des crackers en guise de pain... Fatale erreur ! Je l'ignore encore à ce moment, mais l'overdose de crackers me guette sournoisement. Aujourd'hui je ne veux plus en voir même en peinture ! Au sortir du supermarché, fort de mes deux beaux cyclosommets tous neufs, je me vautre dans la complaisance. Pour commencer, un dîner bien porcasse au McDo du coin. Pour suite, traçage droit jusqu'au camping de Briancon (un peu chérot au demeurant!) où je compte passer le gros de ma journée du lendemain à me reposer, prendre des douches bien chaudes et manger de bons croissants.
=========================================== Jour 6 ==============================================
Le lendemain matin, sous un beau soleil, se déroule exactement comme prévu, entre lessive, prélassage, et petit tour sur internet. Au programme de ma future journée, une montée tardive au col d'Izoard où je compte passer la nuit, pour monter au Pic de Rochebrune le lendemain. Las, la météo sur internet annonce une forte dépression sur le Piémont pour le mercredi suivant (soit mon "Jour 9"), date à laquelle je souhaitais tenter de monter au Mont Viso. Tout s'accélère alors ! Pour gagner un jour je décide d'entamer mon tour du Viso dès le lendemain, et de tenter l'ascension le mardi, soit mon "Jour 8". Avec pour conséquences immédiates : (1) que je vais devoir zapper le Pic de Rochebrune, (2) que ma journée de repos va se muer en une journée pleine, quoique tardive, afin de parvenir au fond du Queyras le soir même !
Dès mon linge sec, soit vers 14h30, je me mets donc en route vers le Col d'Izoard. La beauté de la route incite à la contemplation détendue. Le Pic de Rochebrune est majestueux dans cette douce lumière d'après-midi. Je le contemple avec un léger pincement au coeur ; ne serais-je pas en train de lâcher la proie pour l'ombre, en le sacrifiant à une hypothétique tentative au Viso ? Même la montée du col est étonnamment douce, raide mais sans excès, et je me retrouve au sommet sans avoir trop souffert. A l'horizon les sommets des Cerces, du Thabor et du Briançonnais rougeoient déjà ; je me lance donc rapidement dans la descente sur le Queyras, elle aussi magnifique avec sa fameuse "Casse Déserte".
Arrivé dans la vallée au niveau de Chateau-Queyras, restent une vingtaine de kilomètres de faux plat à remonter pour approcher le belvédère du Viso, point de départ prévu pour ma randonnée terminale à pied. J'atteins finalement l'Echalp vers 20h, par un froid glacial. Bivouac couscous près du torrent, réveil vers 2h du mat, fin de nuit hâchée, enfin du classique.
Jours 7 à 9 - Au tour du Viso !
=========================================== Jour7 ==============================================
Mon premier jour de vraie randonnée en perspective. Mais auparavant je dois emmener Bubu au belvédère du Viso, histoire de prendre une photo. Tâche plus ardue que je ne l'aurais cru, sur une piste autrefois goudronnée mais aujourd'hui creusée par de nombeuses ravines, et avec quelques sacrés raidillons ! Un randonneur m'accompagne sur un bout du chemin ; eh oui, à pied les rencontres se succèdent enfin.
Au programme de la journée, le col de Valante, une redescente dans le vallon éponyme, et enfin une montée au bivouac de Forciolline au pied de la face sud du Viso. Dès la frontière italienne passée, les brumes s'immiscent dans le décor, qui créent une lumière surréaliste dans le vallon de Forciolline. En fin de journée, une flopée de bouquetins suscite une grosse séance photo. A chaque fois j'en croise un plus rapproché ! Je finis à deux mètres du dernier, qui broute tranquillement à deux pas du bivouac. C'est pas possible, les randonneurs les nourrissent !?
Au bivouac je rencontre A. et A., un couple de Français qui compte essayer de monter au Viso le lendemain. De la compagnie ! Exactement ce que j'espérais pour tenter l'aventure de cette longue ascension. Et bonne compagnie, de surcroît. Nous passons une excellente soirée, A. et A. m'offrant même quelques délicatesses telles que du vrai pain et du bon jambon cru... la vache, ça passe mieux que les crackers ! Ca donne envie de faire du muscle et de redevenir mulet !!
=========================================== Jour 8 ==============================================
Réveil 4h45, départ 5h30, ce petit plaisir pinçant du départ de course. Je ne compte pas repasser par le bivouac ; je prépare donc un grand sac poubelle avec toutes mes affaires qui ne m'accompagneront pas au sommet, mais resteront au pied des difficultés. Difficultés que nous atteignons vers 7h30, en haut du névé qui surplombe le bivouac Andreotti. Entre temps, mon appareil photo a rendu l'âme : la séance bouquetins de la veille lui a coûté ses toutes dernières forces. Mais A. et A. avaient aussi leur appareil, et ils viennent de m'envoyer les photos de cette belle journée !
Nous sommes à 3300m de haut ; le sommet, quelques 550m plus haut. Entre lui et nous, des alternances de petites cheminées rocheuses et de vires dont nous ne connaissons pas encore l'état. En fait elles sont toutes bien enneigées, mais grâce à l'affluence sur cette course il y a une magnifique trace. A la montée, mes microspikes s'avèrent idéaux : bonne accroche dans la neige gelée, mais assez petits pour ne pas être gênants dans les parties rocheuses. Parties rocheuses qui semblent beaucoup moins évidentes pour A. (la fille), qui a mis de vrais crampons et doit donc se livrer à de la véritable progression "mixte"... doux contact de l'acier sur le granite... qui ne la met guère à l'aise. Quant à A. (le garçon) il n'a pas de crampons, mais un piolet et le pied sûr. Il assure A. à corde raccourcie. Comme quoi chacun trouve crampon à son pied.
Le temps passe et la neige s'amollit. Une traversée neigeuse peu engageante finit de persuader A. et A. qu'il est temps de s'atteler à la longue descente, tant pis pour le sommet. Moi, devant, je suis déjà au pied de la dite traversée et lui trouve un air bien plus débonnaire vu de près. Je décide de poursuivre car le sommet semble tout proche. Un quart d'heure plus tard je rejoins A. et A. à leur grande stupéfaction : en fait le sommet était seulement 60 m plus haut ! Le temps d'y monter, de manger quelques graines pour la forme, et j'ai déjà recomposé le trio. Brefs regrets pour A. et A. qui réalisent soudain qu'ils viennent de rebrousser chemin à 95% de l'ascension ; mais ils savent leurs priorités et gardent une bonne humeur inébranlable. Respect à eux.
Comme souvent, la descente s'avère plus longue que la montée ! La neige a transformé, ce qui rend les microspikes quasi-inutiles (bon, je les garde quand même aux pieds ), mais on s'en tire en tapant des pieds. J'envie les piolets d'A. et A., moi qui suis armé d'un simple bâton (raccourci et délesté de sa rondelle, afin de le rapprocher au maximum du bel outil qui me manque). Pas de raison de se casser la gueule dans cette pente mais je dois faire d'autant plus gaffe. Et si jamais... une fois que tu es parti, le piolet t'arrête --pas le bâton. Je décide d'emmener le piolet la prochaine fois, dût-il passer 100% de son temps à simplement alourdir mon sac.
Nous sommes en bas vers 13 h. Déjeuner grand luxe sans trop de crackers (merci A. et A. !) puis chacun quitte les lieux dans sa propre direction, adresses mail échangées. A. et A. repartent vers Forciolline, tandis que je continue le tour par le pas des Sagnettes. Une heure et demie plus tard, vise Noucho qui revient sur lesdits lieux, fouille ses anciennes traces dans la neige : Oui ! Là, au fond d'une trace de pas dans la neige, mon appareil photo ! Je me suis rendu compte de sa disparition au pas des Sagnettes, après trois quarts d'heure de neige et d'éboulis, et suis remonté en quatrième vitesse, sans mon sac, à la recherche du petit égaré. Après cet aller-retour impromptu je suis vraiment fatigué ! Grosse tension nerveuse dans les câbles qui descendent du pas des Sagnettes.
Enfin le refuge Quintino Sella est là, une bière, quelques mots avec la gardienne, je me cherche un abri pour la nuit -- la météo annonce quelques gouttes. Je trouve une grotte entre deux gros blocs, au sol de cailloux plats, dominée par la masse du Viso. Au loin les couloirs déversent leurs caillasses dans la fraîcheur du soir. Un bouquetin broute sur une dalle, dix mètres au-dessus de moi. Je ne fais pas de vieux os.
=========================================== Jour 9 ==============================================
Mon jour 9 sera sans photos ! Mais avec bonne humeur, oui, tandis que j'émerge de ma grotte pour un tour pipi. Dix mètres plus bas, un tas de sacs plastiques dégueulasses parsème la caillasse. Même ici, les gens ne respectent rien ! Mais !! Minute !? C'est MON sac de bouffe, ça ! Je m'approche ahuri. Plastiques éventrés, et plus aucune trace, ni de mon saucisson, ni de mon fromage, ni de mon chocolat. Cet enfoiré s'est fait la formule plat, fromage, dessert. Mais d'ailleurs : quel type d'enfoiré vient voler la nourriture des honnêtes gens dans leur grotte à 2700 m de haut ? Le renard reste le suspect numéro 1.
Plus loin sur l'itinéraire, le refuge Giacoletti est fermé et n'a pas de source d'eau ; je décide donc de faire au plus court pour rejoindre la France. Ce sera le Couloir du Porc, juste au-dessus du refuge, câblé et qui mène au col éponyme. Au dit col, la Pointe d'Udine me fait de l'oeil quelques 100 mètres plus haut. Un joli 3000 offert sur un plateau, ça ne se refuse pas ! Je monte à la pointe, savoure longuement les jeux de la brume entre la plaine du Pô et le Viso, sous un calme soleil. Redescente sans histoire au refuge du Viso, où je bénéficie d'un des derniers repas de la saison, en l'agréable compagnie de la gardienne. Au belvédère, Bubu est resté sagement attaché à sa barrière. Changement rapide, redescente jusqu'à Chateau-Queyras, cartes postales, camping abandonné, douches chaudes, ravioles du Dauphiné, nuit hâchée... mon voyage touche à sa fin.
Le lendemain à 9h00, je retrouve à Guillestre un pote qui a bien voulu me rejoindre, pour un petit épilogue de rando au fin fond de l'Ubaye : Cabane de berger, Bric de Rubren et Mont de Salsa ; plus exactement le même voyage (d'ailleurs je laisse mon vélo à Guillestre, au profit de la Golf du poto), mais les mêmes lumières, les mêmes brumes... et le même Viso en toile de fond, pour un dernier salut.
Edit: Rajouté les photos de la montée au Viso ...
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