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#101 23-10-2015 13:58:21

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

@ willHorn

La liste arrivera très rapidement après la fin du récit, mais je tiens à ne pas le polluer avec trop de données techniques pour le moment. Pas d’inquiétude, j'ai bien hâte d'attaquer cette bonne grosse séance de Gear Porn moi aussi.

Ce que je peux en dire pour le moment, c'est que cette liste n'est ni impressionnante ni originale, et le poids reste important même s'il est contenu.

@ zorey

Sa technique reste un peu vague à mes yeux. "2g me suffit pour chauffer mon eau." : quelle quantité ? N'ayant jamais eu d'Esbit entre les mains, j'ai du mal à me rendre compte. Si j'ai bien compris il mange froid la plupart du temps, et emporte quand même des fragments d'Esbit en guise d'allume-feu uniquement (ce qui nécessite donc du combustible) ? En quoi est-ce facile de ne pas faire de fumée ? Si je prolonge, pas de suie donc ?

Comme je le disais dans le Jour 4, j'ai simplement décidé de ne plus emporter de gaz pour ce genre de sorties à l'avenir, mais de passer à l'Esbit. En 14g pour moi, je préfère devoir éteindre une plaquette que de doser avec des 4g. Un bel allègement en vue, merci Fire Maple. smile

Très beau site effectivement.

Dernière modification par mknod (23-10-2015 13:58:46)


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#102 24-10-2015 08:13:19

zorey
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Salut !  smile

mknod a écrit :

Sa technique reste un peu vague à mes yeux. "2g me suffit pour chauffer mon eau." : quelle quantité ? N'ayant jamais eu d'Esbit entre les mains, j'ai du mal à me rendre compte. Si j'ai bien compris il mange froid la plupart du temps, et emporte quand même des fragments d'Esbit en guise d'allume-feu uniquement (ce qui nécessite donc du combustible) ? En quoi est-ce facile de ne pas faire de fumée ? Si je prolonge, pas de suie donc ?

Je ne sais pas la quantité d'eau chauffée, il faudrait lui demander même si wilf n’est pas très souvent sur le site je crois.
T’as tout lu ? Non il ne mange pas froid la plupart du temps mais toujours chaud, l’esbit lui sert si pas de bois sec trouvé.
Ici avec les questions de Phil67 et aussi les réponses à Ventcalme :

wilf a écrit :
Phil67 a écrit :
wilf a écrit :

ventcalme: Le micro feu est de taille équivalente au réchaud à bois.
L'avantage que je lui trouve:
- Ne prend aucune place dans le sac à dos
- 0g à porter
- ne salit pas la popote (très très important pour moi roll , j'évite le corvée de vaisselle lol ) puisque je fait chauffer sur les braises.

Inconvénients à prendre toutefois en compte :
   - plus sensible au vent
   - plus délicat sur un sol détrempé
   - plus délicat avec du bois humide
   - plus grosse consommation de bois (rendement plus faible)
   - inutilisable sous un abri ouvert en dur

La 100aine de grammes supplémentaires peut être amortie selon le contexte.

Tous  les inconvénients que tu cites sont résolu par mon utilisation d'Esbit. Et l'Esbit s'utilise sous tente, pas le réchaud à bois !

Même méthode pour ma part après discussion lors d'une rencontre dans le Vercors en hiver même si je préfère souvent le gaz.
Faire des micro-feux permet de ne pas avoir beaucoup de bois à trouver, donc on ne sélectionne que du bois très sec, donc peu ou pas de fumée, faire cuire sur les braises permet de peu ou pas encrasser la popote. smile


La nature nous a donné deux oreilles et une bouche pour écouter le double de ce que l'on dit.

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#103 25-10-2015 17:58:53

wilf
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Salut mknod et Zorey,

Mon système de chauffe principal est l'Esbit.(Hors Hiver, où j'utilise le gaz pour faire fondre la neige).
Je chauffe 25cl d'eau avec 2g d'Esbit pour ma purée soupe du soir. L'eau n'est pas bouillante, mais juste chaude.
Je mange chaud tous les soirs mais bois mes cafés froids. wink
C'est quand même bien sympa de partir 30 jours avec seulement 60 à 90g de combustible  pour l’intégralité de sa rando. Et  le tout tient dans une petite boite de "type Tarama", logé dans mon car/popote de 30cl.

J'utilise le micro feu quand j'ai le temps et que les conditions météo sont réunis. (mes feux ne laissent aucune trace).

HS: Félicitation Zorey pour ton diplôme. cool

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#104 26-10-2015 09:00:31

zorey
HRP addict
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Salut wilf, content de te lire ! smile

Je n'avais pas exactement compris ta méthode, c'est plus clair avec tes explications, ça ouvre sans aucun doute le champ des possibles pour mknod à propos des chauffes.

Et merci ! wink

Dernière modification par zorey (26-10-2015 09:00:49)


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#105 27-10-2015 18:28:30

mknod
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Lieu : Paris
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Merci pour ton intervention wilf.

Effectivement tes 90g/30j font rêver, à moi de définir mes besoins pour des conditions climatiques et un niveau de confort donnés. Il va encore y avoir de la fumée à ma fenêtre cet hiver big_smile. Je vois le micro-feu comme du bonus, et l'occasion d'économiser de l'alcool solide pour se faire plaisir un jour de mauvais temps par exemple.

Si j'en crois cette image, Esbit recommande 8g/250ml (pour de l'eau bouillante j'imagine). On est loin de tes 2g, quelles sont les températures moyennes que tu rencontres pour un tel usage ?

zorey a écrit :

ça ouvre sans aucun doute le champ des possibles pour mknod à propos des chauffes

J'ai d'ailleurs plus de questions que de réponses à l'heure actuelle. Je vais notamment devoir calculer à partir de combien de jours le gaz devient plus intéressant que l'Esbit et l'alcool liquide (qui n'est pas hors-jeux). Je voulais faire des stats précises sur ma consommation de gaz lors de cette rando, mais ça sera pour une prochaine fois hmm.

En tout cas c'est clair, fini le gaz pour ce type de sortie. Ça l'a été à la seconde où mon réchaud m'a lâché en fait.

J'ai d'ailleurs appris que je pouvais largement me passer de réchaud dans ces conditions, reste à savoir pendant combien de temps avec les températures assez basses que j'ai rencontré.

Question au passage (je préviens, je n'y connais rien en nutrition) : en tout logique, si je mange froid tout le temps et que je rencontre régulièrement des températures basses, ma dépense calorique sera accrue puisque mon corps ne pourra compter que sur lui-même pour se réchauffer. Sur le long terme, cette différence est-elle assez sensible pour être ressentie de manière tangible (perte de poids excessive, manque d'énergie...) ?

En poussant cette logique à l'extrême, et toujours dans une optique d'allègement, peut-être qu'apporter un système de chauffe est plus intéressant qu'apporter plus de nourriture pour compenser la perte de calories ?

Sinon, 4g ou 14g ? On s'en fou ? De base il me parait plus logique de devoir éteindre/rallumer des 14g que d'être obligé de doser trop finement.

Dernière modification par mknod (27-10-2015 18:31:17)


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#106 27-10-2015 19:04:29

Galou83
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Il existe des courbes de dépenses de l'organisme en fonction de la température ambiante. De mémoire (je te laisse chercher si tu veux des détails), tu vas consommer quelque chose comme 15% de plus de calories à 0°C comparé à 20°C.

Et Esbit donne des chiffres pour faire bouillir de l'eau.
Mais faire gonfler de la semoule, par exemple, cela ne nécessite pas de l'eau bouillante, juste chaude, surtout si tu as un pot cosy qui maintienne la chaleur.


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#107 27-10-2015 19:46:31

oli_v_ier
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

mknod a écrit :

En poussant cette logique à l'extrême, et toujours dans une optique d'allègement, peut-être qu'apporter un système de chauffe est plus intéressant qu'apporter plus de nourriture pour compenser la perte de calories ?

Sympa ta question smile .

Un p'tit calcul rapide pour comparer :
- la masse de nourriture à ingérer pour compenser l'énergie dépensée par le corps pour chauffer 250g de nourriture de 5°C à 35°C tongue
et
- 2g de combustible (admettons big_smile )

Je suppose que la capacité thermique massique de la nourriture est celle de l'eau 4185 J/(°C.kg).
Chauffer 250g de nourriture de 30°C nécessite : 0,250x4185x30 = 30 kilojoule environ.

Pour avoir 30kJ d'énergie avec des aliments à 400 kcal/100g (1.700 kJ/100g), il faut en ingérer ... 1,76g (30x100/1700) ! big_smile

Conclusion : même ordre de grandeur smile .


La marche ultra-légère n'est pas un but, mais un moyen. "Un sac lourd est un sac bourré d'angoisse."
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#108 27-10-2015 20:15:15

Galou83
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Si tu fais le calcul comme ça, il faut doubler :
dans un cas les aliments chauffés t'apportent cette énergie (les 30kJ, c'est bien à ton corps que, finalement, ils sont fournis),
dans l'autre cas, tu dois les chauffer pour équilibrer la température entre eux et ton corps, ET compenser l'apport que tu n'as pas.


--> 3,5 contre 2, ce n'est plus si comparable que cela.

Qui plus est, je ne suis pas sure que tes 2g de combustible n'amènent les aliments qu'à 35°C, mais à plus.
En réalité c'est plus de chaleur que cela que ces 2g t'auraient apportés et qu'il faut que tu compenses.


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#109 28-10-2015 00:32:41

oli_v_ier
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Galou83 a écrit :

Si tu fais le calcul comme ça, il faut doubler :
dans un cas les aliments chauffés t'apportent cette énergie (les 30kJ, c'est bien à ton corps que, finalement, ils sont fournis),

Eh non smile : il n'y a pas de transfert d'énergie par chaleur vu que les aliments sont à 35 ou 40°C et ton corps aussi (à peu de chose près).

Galou83 a écrit :

Qui plus est, je ne suis pas sure que tes 2g de combustible n'amènent les aliments qu'à 35°C, mais à plus.

Ce n'est pas ça qu'il faut prendre en compte, mais la température de ce qui rentre dans ta bouche (qui varie pendant le repas d'ailleurs).
Mais quel que soit le calcul, un bon scientifique prend surtout soin de déterminer les incertitudes, et là vu les approximations dans les données initiales, je crois qu'il ne faut pas trop chercher la précision non plus lol .


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#110 28-10-2015 08:15:58

Galou83
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

oli_v_ier a écrit :
Galou83 a écrit :

Si tu fais le calcul comme ça, il faut doubler :
dans un cas les aliments chauffés t'apportent cette énergie (les 30kJ, c'est bien à ton corps que, finalement, ils sont fournis),

Eh non smile : il n'y a pas de transfert d'énergie par chaleur vu que les aliments sont à 35 ou 40°C et ton corps aussi (à peu de chose près).

Pas d'accord : ne serait-ce que cela, ces aliments à 35°C dans ton corps t'évitent d'avoir à maintenir au moins localement ton corps à 35°C pendant un moment, ce qui ne se ferait pas tout seul, donc c'est autant d'énergie économisée et à prendre en compte.
Mais comme il y a effectivement une multitude de paramètres négligés ou lourdement approximés, on dira que, au final, on n'en sait rien lol lol lol


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#111 28-10-2015 18:53:18

oli_v_ier
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Galou83 a écrit :
oli_v_ier a écrit :

il n'y a pas de transfert d'énergie par chaleur vu que les aliments sont à 35 ou 40°C et ton corps aussi (à peu de chose près).

Pas d'accord

Ok, j'arrête là lol .


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#112 28-10-2015 19:07:53

mknod
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

(edit: j'ouvrirai ou prolongerai un fil à l’occasion)

Dernière modification par mknod (02-11-2015 17:23:51)


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#113 02-11-2015 17:46:50

mknod
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Jour 6 - 4 sept. 2015

Distance parcourue : 8,8km
Durée totale avec pauses (à ± 10min) : 09h25

Liens vers la cartographie.

Profil altimétrique :

9369_pyr8j2015_09j6_profiles_elevation_01-11-15.jpg

Altitude min/max : 2249 / 2817m
Altitude moyenne : 2533m
Dénivelé positif : 732m
Dénivelé négatif : 931m

Répartition temps de marche :

9369_pyr8j2015_09j6_profiles_time_01-11-15.jpg

Vitesse moyenne : 2,0km/h
Vitesse ascensionnelle moyenne : 377m/h
Vitesse de descente moyenne : 371m/h

Récit

Carré blanc sur fond blanc, Épisode 2.

J'adore m'endormir avec une vue plongeante sur le premier objectif du lendemain matin. C'est excitant, motivant, et j'ai toujours hâte d'avoir le privilège le temps de mon passage, d'habiter l'immensité de ces lieux qui s'affichent au loin. L'imaginaire est d'autant plus stimulé que cette vue est partielle, comme depuis mon bivouac de la veille.

J'ai effectivement passé la nuit sur les hauteurs du versant sud-ouest de la Valle de Ixalenques (ou Salenques), dans laquelle je m'apprête à descendre ce matin. D'ici, j'aperçois le versant opposé et je devine le fond de cette vallée. Une fois dedans, je remontrai le long du torrent qui y coule. Cela me permettra de m'engager officiellement sur la deuxième moitié de ma boucle, c'est à dire en direction du nord, et donc de France.

Aujourd'hui cependant, la météo semble vouloir faire de cet objectif une épreuve supplémentaire.

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1513_ls_01-11-15.jpg

07h38, lieu du bivouac. Je me suis réveillé au dessus d'une mer de nuages, visible partiellement derrière le lac en contrebas. Elle m'annonce déjà la couleur pour cette première partie de journée. Ça sera du blanc. Je m'attends à ce que cela soit pénible, mais avec l'entrainement d'hier je ne me fais pas réellement de souci. En réalité je crois même que j'aime beaucoup ces petits défis que me lance la montagne : évoluer à l'aveugle est très fatiguant mentalement, donc forcément enrichissant. Ma seule crainte concerne le temps de parcours, qui s'en verra nécessairement impacté. Le ciel est très chargé et j'ai peu d'espoir quant à un changement rapide de situation.

La première étape du jour consiste donc à continuer de contourner l'Estany Negre par l'ouest, puis d'entamer la descente vers la vallée lorsque je me trouverai sur la petite crête qui le sépare de l'Estany del Cap de la Vall, un lac voisin situé 80 mètres plus haut. Je passerai à mi-distance sur un plateau rocheux où se trouvent les Estanys de Ixalenques, et le Refugio del Cap de la Vall.

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1515-modifier_ls_01-11-15.jpg

09h28, 2618m. Le fameux plateau rocheux est en vue, ainsi que le refuge (le petit carré sombre). D'ici, la situation météo se confirme de plus belle et les nuages semblent littéralement siphonnés par la vallée. Il n'y a pas un brin de vent mais une force invisible les aspire à une vitesse vertigineuse.

Ma trace prévisionnelle implique de contourner ce plateau par l'est, et donc de descendre encore plus bas dans la vallée, à droite du refuge sur la photo. L'eau empruntant toujours le chemin le plus simple, je suis censé suivre le torrent qui se déverse des Estanys de Ixalenques jusqu'à atteindre celui que j'ai prévu de remonter. Cela implique donc de revenir sur mes pas une fois en bas. Le détour est important au regard de cette visibilité qui s'annonce nulle, et mon instinct de sanglier de la nature ne peut s'empêcher de reprendre le dessus. L'idée est donc on ne peut plus simple — une réflexion de sanglier, en soit : aller tout droit, continuer à attaquer le fond de vallée perpendiculairement et plonger directement dans la masse nuageuse (à la gauche du refuge sur la photo, donc). Quitte à pénétrer dedans, autant le faire vite et bien. Réflexion du moment : "encore du hors sentier en vue, uirkkk !".

Cela nécessitera un détour mais je passerai peut-être au refuge, toujours dans l'espoir de réparer mon réchaud.

Jusque ici j'ai pu suivre quelques cairns qui m'ont permis de m'éloigner rapidement de ma zone de bivouac. Au moment où je prends cette photo cependant, je me retrouve dans un énième cul-de-sac. La descente est en fait un peu plus difficile que prévue et les cairns sont entre temps devenues une source de difficulté : plus aucune logique ne semble régir leur disposition. Quand je n'en vois qu'une, je l'utilise habituellement comme un waypoint : je m'y rends, et en toute logique je devrais pouvoir repérer la suivante pour répéter l'action. Cette fois-ci elles se font rares, elles sont dispersées dans toutes les directions, et les suivre me mène systématiquement à un obstacle infranchissable. Elles sont surement là pour une bonne raison, mais visiblement pas pour indiquer le cheminement jusqu'au refuge.

Je persiste un peu, et m'impatiente rapidement. Les cairns, je les adore comme je les déteste. Aucun signe distinctif ne permet d'identifier leur fonction précise et elles peuvent rapidement se transformer en pièges si l'on ne reste pas vigilant. Légèrement irrité par ce réseau labyrinthique d'origine humaine, je décide très rapidement de ne compter à nouveau que sur moi-même : je les ignore donc et attaque le hors-sentier dès maintenant. Peut-être l'occasion de prendre quelques raccourcis sympathiques après avoir perdu encore un peu de temps.

Je me sens tout de suite à nouveau libre et évolue de manière ludique. J'avance vite, lis le terrain, continue si je le peux, fais demi-tour et tente une autre voie dans le cas contraire. Je me retrouve bientôt face à un petit challenge dont je suis tant friand : emprunter ce qui sera un raccourci très efficace si tout se passe bien, ou une difficulté majeure si tout se passe mal. La crevasse devant laquelle je me trouve est raide, étroite, humide, mais largement faisable en prenant quelques précautions. Ayant appris du Jour 2, je décide de m'y engager prudemment, toujours en veillant particulièrement à pouvoir faire demi-tour si nécessaire. Il s'agit cette fois d'une désescalade, donc un repli devrait à priori être toujours plus facile que la progression elle-même.

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1522_ns_01-11-15.jpg

10h16, 2428m. Beaucoup de concentration et quelques mouvements à la marge d'erreur nulle, mais c'est resté relativement simple dans l'ensemble. La difficulté était plus liée à l'humidité et à la mousse qui pousse sur ces rochers (je soupçonne l'eau d'y ruisseler très régulièrement).

J'en profite un peu pour apprécier le chemin parcouru et me sens d'un coup dépaysé.

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1523_ls_01-11-15.jpg

À ce moment précis, le paysage a l'air tout à fait volcanique et ne m'évoque rien des Pyrénées. Je ne suis jamais allé en Islande, mais si je peux y retrouver ce genre de sensations alors je risque bien de concrétiser plus tôt ce qui n'est à priori qu'un simple projet de long terme.

La visibilité évolue très rapidement mais la tendance générale reste aux nuages et à la brume. La vallée étant de toute façon belle et bien bouchée, un détour au refuge ne changera pas grand chose. Il est désormais à moins d'un kilomètre, mais ici les distances semblent disproportionnées et la nature du terrain n'arrange pas les choses. Que du bonnheur smile.

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1527_ls_01-11-15.jpg

10h30, 2384m. J'ai finalement rattrapé le tuyaux qui sert à alimenter le refuge en eau courante. Même le suivre bêtement n'a pas été des plus simple. Avec ce look racé et minimaliste, il a l'air d'être conçu pour résister à la poussée d'un moteur de fusée. Cela amplifie la magie d'une ambiance déjà si particulière.

Je trouve malheureusement porte close à mon arrivée, et cela me rappelle que je suis bien isolé en ces lieux. À en voir le seul légume frais qui a échappé au ventre goulu de randonneurs affamés — je le sais puisqu'il a été relâché au pied du refuge, surement juste avant sa fermeture —, ça ne doit pas faire longtemps. Réflexion du moment : "en même temps il fait a peu près la même température que dans mon réfrigérateur, et les tomates qui y trainent depuis plus de deux mois auront encore la même tronche à mon retour".

Moins de dix minutes plus tard, même endroit :

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1528_ns_01-11-15.jpg

J'ai commencé à en profiter pour faire quelques tâches utiles dans la vie quotidienne d'un randonneur : me brosser les dents, faire un brin de toilette, manger, et c'est tout. Réflexion du moment : "penser à vérifier d'où viennent ces tomates".

À défaut de pouvoir repérer le terrain visuellement, je passe tout le reste de mon temps à étudier la carte. Je profiterai de la moindre éclaircie pour essayer de rattraper mon cheminement là ou je l'avais quitté pour atteindre le refuge. Je ne peux en être sûr, mais je pense pouvoir continuer ma descente à cet endroit. Je me trouve en fait actuellement dans une légère cuvette, et une butte de plusieurs dizaines de mètres de haut fait obstacle devant les 170m de D- qu'il me reste à parcourir pour être enfin au fond de la vallée.

Après plusieurs faux espoirs, aucune vraie éclaircie n'a vraiment eu lieu. La vue se contente d'évoluer tour à tour entre un gris neutre foncé et ses variantes un peu plus claires. Elle est à peine suffisante pour s'engager, mais j'ai déjà passé une bonne trentaine de minutes au niveau du refuge. Comme d'habitude j'évite de faire demi-tour et préfère d'abord prendre de la hauteur sur la butte. Si je peux commencer à descendre avant de rejoindre mon point de bifurcation, j'étudierai la question.

Première tentative : une brèche à flanc de montagne, à mi-chemin entre une crevasse et une coulée. Les pierres sont recouvertes d'une terre encore relativement fraiche et la végétation n'a visiblement pas eu le temps de s'y réinstaller. Le terrain est forcément instable, mais je le sonde quand même avec un maximum de précautions. Engagé de quelques mètres, une pierre se décroche sous mon pied alors que je testais sa résistance. Elle finit sa course plusieurs dizaines de mètres plus bas dans une chute interminable qui m'informe par ailleurs beaucoup sur la nature du terrain. J'ai testé, j'ai vu. Le but étant quand même de continuer à marcher lorsque je serai en bas, je remonte et continue ma route.

Deuxième tentative, 200 mètres plus loin. J'emprunte une dépression, plutôt confiant.

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1529_ns_01-11-15.jpg

11h25, 2401m. Ce n'est pas encore ici que j'arriverai à rejoindre ce fond de vallée. J'ai quand même le plaisir de surprendre un Isard, qui me regarde comme si je l'avais surpris en train de faire ce que je n'aimerais pas qu'on me surprenne en train de faire.

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1531_ls_01-11-15.jpg

Vingt secondes plus tard, à peine a-t-il réalisé qu'un humain se moque de lui qu'il a retrouvé sa dignité d'Isard. Quant à moi, je remonte à nouveau et continue ma route.

Troisième et dernière tentative, 15 mètres plus loin. J'ai cette fois réussi à m'engager durablement sur le flanc de montagne, toujours à l'aveugle et en hors-sentier. La descente s'effectue très progressivement et par pallier.

Elle s'avère assez difficile mentalement pour deux raisons :

- J'ai encore le Jour 2 à l'esprit et il est hors de question de descendre complètement tant que la visibilité ne m'aura pas permis d'identifier clairement la nature du fond de vallée, et surtout celle du torrent qui y coule. Ma carte n'indique rien en particulier, mais c'est du 1:50.000 imprimé en 1:25.000, et j'ai depuis appris à me méfier de ses nombreuses imprécisions. Je suis donc partagé entre la volonté de rester sur ma courbe de niveau et celle de continuer à descendre. Le dilemme est partiellement réglé en alternant entre les deux. Heureusement, une courte éclaircie inespérée finira par m'apporter la réponse que j'attendais.

- À cause de cette même visibilité, je ne découvre la nature des prochaines dizaines de mètres à parcourir qu'au fur et à mesure de ma progression, la carte ne me permettant pas d'identifier tous les obstacles infranchissables. Je n'ai donc jamais l'assurance de pouvoir continuer à marcher, et encore moins celle de pouvoir contourner un éventuel obstacle sans faire demi-tour.

Je réalise cependant en écrivant ces lignes que ce premier point aurait largement pu être évité si j'avais eu la bonne idée de distinguer clairement les sections "officielles" sur ma trace prévisionnelle, c'est à dire celles provenant d'un sentier représenté sur une carte et donc forcément validé, comme c'est le cas dans cette vallée. N'est pas malin qui veut.

9369_pyr8j2015_09j6_pics_dscf1533_ls_01-11-15.jpg

12h05, 2251m. Me voila enfin dans ce fond de vallée tant convoité. Tout ça pour ça. Comme me le montrera ma trace GPS, cette dernière tentative a été effectuée précisément à l'endroit où j'avais bifurqué plus tôt. J'avais vu juste ! Totalement rassuré, je retrouve même des cairns, soit l'assurance de progresser rapidement même sans rien y voir.

C'est donc parti pour 570m de D+ jusqu'au Collada de Ixalenques. La remontée du torrent devrait se faire tranquillement, ma carte annonce un dénivelé particulièrement doux et la météo n'est plus vraiment une contrainte.

Pour ce qui est du col, je préfère juste ne pas y penser.

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12h18, 2319m. La progression est très ludique, mais la visibilité est entre temps repassée à quelques mètres, ce qui est la norme depuis hier après-midi. J'en profite pour offrir à mes pieds et chevilles un cadeau bien mérité au regard de ce que je leur demande depuis plus de 5 jours : un bain de plusieurs minutes dans une eau glacée et revigorante.

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J'en frisonne encore de bonheur. Réflexion du moment : "la prochaine fois c'est les deux jambes qui y passent".

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12h57, 2505m. Une rare éclaircie-éclair me permet d'apprécier succinctement le Pico de Margalide (?). Le Collada de Ixalenques que je m'apprête à franchir, se trouve à sa droite et n'est pas encore visible à cause de l'éminence rocheuse.

La tentation de se précipiter pour l'apercevoir avant de m'y engager est grande, d'autant que je n'ai aucune garantie que cela soit possible par la suite. Je sais cependant que tout espoir d'y parvenir à temps est infondé, en atteste cette masse nuageuse qui se trouve derrière moi au même moment. Elle m'engloutira sans ménagement d'ici quelques instants.

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Capture d'écran : "The Fog" de John Carpenter, 1980.

Ça n'a beau être que de la vapeur, je ne peux m'empêcher de penser à une tempête de sable lorsque l'un de ces gros paquets se dirige droit sur moi à grande vitesse.

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13h09, 2513m. J'arrive finalement à l'extrémité nord de la vallée. Je n'ai toujours pas vu le col, qui même par temps clair serait encore caché. Je ne souhaite pas vraiment m'engager plus haut sans un minimum de repérage visuel, et décide donc d'attendre ici pour une durée indéterminée. Le hasard faisant toujours bien les choses, je trouve immédiatement un abri naturel qui me protègera d'éventuelles averses et m'apportera un peu de réconfort mental.

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Comment ça vous ne l'aviez pas repéré ? wink

J'ai eu droit à de rares fenêtres depuis mon passage au niveau du refuge, je compte bien sûr sur l'une d'entre elles pour continuer à avancer dès que possible. Dans ma tête, c'est une question de minutes, voire de quelques dizaines de minutes maximum.

Je profite donc de ce repos forcé pour manger, m'hydrater, et étudier la suite du parcours sur ma carte.

Le temps passe, les conditions n'évoluent pas du tout en ma faveur et je dois rapidement faire face à quelque chose que je n'avais jusqu'alors jamais éprouvé en randonnée.

Je m'emmerde.

Liste des choses à faire par 7°C dans un environnement constitué à 50% de cailloux, 45% de brouillard, 4.99% de glace, et 0.01% de soi-même :
- jouer en boucle dans ma tête l'album qui se manifeste systématiquement quand mes nerfs sont sollicités (ce dernier a le pouvoir d'éponger partiellement mes frustrations et impatiences afin d'en garantir l'évacuation dans les meilleurs conditions — merci la musique !),
- bouger sur place pour éviter de me refroidir excessivement,
- chanter dans ma tête,
- graver des futilités sur la glace avec l'Opinel,
- prendre ce qui sera la seule et unique photo de moi-même en plein pied,
- chanter à voix haute,
- regraver dans la glace ce qui vient d'être effacé par une averse de grêle,
- courir chercher son sac pour profiter d'une éclaircie,
- revenir en marchant car elle n'a pas duré assez longtemps,
- prendre un selfie (j'essaierai comme la norme l'exige de mettre ma bouche en cul de poule mais mon visage un peu trop engourdi par le froid refusera d'y céder),
- culpabiliser parce que j'ai pris un selfie,
- en reprendre un au cas où le premier serait raté.

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13h48, même endroit. Tout ce brouillard n'est-il pas... flippant ? (note : j'ai légèrement trafiqué mon visage pour ne pas être identifiable. note 2 : c'est un indice pour la musique du prochain épisode ! note 3 : quelqu'un les écoute à part kodiak et Jobig ?? big_smile).

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13h59, même endroit. Les mains sur le visage sont une tentative avortée de faire de l'art (encore une).

Bref, le temps passe lentement en montagne. Souvent pour le meilleur, et plus rarement pour le pire. J'en culpabilise encore à l'heure qu'il est.

J'attends comme cela plus d'une heure.

Il fait assez froid mais je le vis bien. Ce n'est pas ce froid qui prend aux tripes et qui se décharge sans prévenir à coups de frissons, mais plutôt celui qui vivifie le corps et l'esprit. C'est une invitation à repartir marcher. Je sautille comme un cheval enfermé trop longtemps dans son boxe, prêt à décoller à la moindre occasion.

C'est aussi précisément dans ces moments là que je me ferais bien un thé. Ça m'occuperait et le contexte est idéal. Un petit plaisir tel que seule une randonnée peut en offrir. Réflexion du moment : "FIRE MAPLEEEEEEEEEE".

Je parviens finalement à repartir, mais devrai encore m'arrêter un peu plus loin une bonne dizaine de minutes à cause de ce même manque de visibilité.

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14h30, 2545m. Le col n'est pas encore en vue, mais le brouillard se dissipe et dévoile peu à peu les formes du relief.

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14h57, 2635m. Il est cette fois dans mon viseur et plus rien ne pourra m'empêcher de l'atteindre rapidement. Même pas la énième averse de grêle qui s'apprête à s'abattre sur moi.

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15h25, 2817m. Deuxième objectif de la journée atteint. À défaut de pouvoir saisir un paysage encore inexistant, j'immortalise le moment en prenant mon traceur.

Je découvre avec étonnement que ce col est le point de passage de ce qui est probablement une variante du GR11, celle-ci ne figurant bien sûr aucunement sur ma carte. Elle semble suivre la direction que je m'apprête à prendre, et l'objectif est désormais de redescendre puis de bivouaquer au départ de la section optionnelle qui me permettra de faire l'Aneto par le glacier de Barrancs dès demain. Si la météo n'en a pas décidé autrement.

L'idée est donc de dormir ce soir sur les hauteurs de l'Ibón de Barrancs, à l'ouest. Je fais à ce moment le pari que les balises m'y emmèneront, et qu'elles permettraient également de rejoindre le Refugio de la Renclusa.

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15h36, même endroit. La vue est suffisamment dégagée pour envisager la longue descente qui m'attend. Deux heures et quinze minutes de cailloux. Les balises seront pratiques mais loin d'être indispensables si je devais les quitter. La seule difficulté réelle sera la technicité du terrain et non l'itinéraire en lui-même.

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16h11, 2746m. Ma progression est fortement ralentie par une averse de neige fondue venant s'agglutiner à la grêle précédemment tombée. Elle durera plusieurs dizaines de minutes.

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Chaque enjambement doit faire l'objet d'une attention toute particulière pour ne pas glisser sur cet enchevêtrement de rochers nappés de neige liquéfiée. Les appuis sont timides et les jambes restent contractées.

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16h47, 2684m. Après la pluie, le beau temps. Je me trouve en plein milieu de ce que je nomme désormais avec amusement un raccourci. La descente de ces névés fraichement recouverts s'effectue toujours en "glissade contrôlée", ce qui m'offre des sensations que j'imagine proches du ski. Ce n'est pas très sérieux, mais j'y prends énormément de plaisir.

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16h54, 2661m. Derrière moi, le chemin parcouru ainsi que le Collada de Ixalenques franchi 1h30 plus tôt. Je déconseille totalement cette portion aux herbivores.

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Devant moi, l'Ibón de Barrancs est enfin visible. Et surtout, un autre raccourci.

17h49, 2426m. Fin de la descente. Mon arrivée se fait par un temps parfaitement clair, sous les cris stridents de marmottes qui sonnent l'alarme ainsi que sous le regard médusé de quelques Isards surpris dans leurs activités. J'ai un peu l'impression de déranger tout ce petit monde bien paisible, qui me rappelle par ailleurs que je ne suis pas totalement seul.

La journée est presque terminée, il s'agit maintenant de continuer vers le nord et de remonter légèrement à l'ouest de l'Ibón de Barrancs. Je passerai la nuit dans le "Colladeta de Barrancs", petite dépression se situant à gauche de la butte qui cache partiellement le lac dans la photo ci-dessus.

Quelques instant plus tard, je disparais à nouveau dans un brouillard épais et tenace, qui m'accompagnera jusqu'à très tard dans la nuit. Cette fois-ci, je ne l'avais clairement pas vu venir.

Indifférent sur le moment, je me réjouis rapidement de ce qui plante le décor pour un instant magique et mystique qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

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17h58, 2451m. Rencontre fortuite avec le Roi des Isards, perché sur son trône granitique. Je décide de m'en approcher doucement pour le photographier à intervalle régulier.

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18h02, 2463m. Malgré ma présence, ce dernier ne se démonte pas. Il a même l'audace de reprendre ses activités comme si de rien n'était.

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18h04, un peu plus loin. Treizième et ultime cliché de plus courageux des Isards (note : le dernier qui s'est laissé approcher d'aussi près a triché puisqu'il était mort).

Je vis chaque minute de ce bref instant intensément. Plus rien n'existe, il n'y a que lui, moi, et cette synergie qui nous unit.

Réflexion probable du quadrupède au même moment : "encore un &^#!$#*€ d'humain". Réflexion espérée du quadrupède au même moment : "cet humain a du mérite, et un appareil photo. Je vais m'exhiber à lui quelques minutes et en profiter pour terminer mon repas".

Ce soir, je plante mon abri sous une pluie constante et des températures relativement basses. N'étant pas frileux cela ne devrait pas me poser problème, à la seule condition de ne pas me réveiller à 04h00 du matin avec une envie non négociable, et donc l'obligation de m'extirper de mon duvet bien chaud. C'est surement l'unique circonstance où je suis susceptible de vraiment haïr le froid. Heureusement, cela ne m'est pas encore arrivé depuis le début de cette randonnée.

Morceau du jour, "Petit détour en Pyrénées islandaises" :

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Sigur Rós - Glósóli (infos)

Dernière modification par mknod (22-11-2015 04:19:09)


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#114 02-11-2015 21:19:05

Magne2
Membre
Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
Site Web

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Eh ben dis donc t'est pourri par la chance toi  smile

les musiques sont sympas pas mon style mais la dernière est particulièrement bien choisie .

Dernière modification par Magne2 (02-11-2015 21:19:30)


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#115 02-11-2015 22:08:55

Archimboldi
Membre
Lieu : Ch'nord
Inscription : 12-03-2012

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

C'est toujours aussi bien écrit et agréable à lire, merci.  smile

Et moi aussi, j'écoute en général les musiques, même si ce n'est pas vraiment mon style.


Liste de choses à faire pour ne pas s'ennuyer dans un endroit "constitué à 50% de cailloux, 45% de brouillard, 4.99% de glace, et 0.01% de soi-même" :

Compter ses doigts
Compter ses orteils
Compter les cailloux
Donner des noms aux cailloux
Les cailloux deviennent des moutons, et l'un (le plus beau, évidemment) devient le randonneur. Jouer à saute mouton avec les cailloux.
Un autre caillou (le plus moche, bien sûr) devient un loup. Rajouter le loup dans l'équation. Graou, graouuuuuu !
Trois cailloux identiques aux moutons deviennent des patous, qui font peur au loup. Ouaf ouaf !
Le loup ramène sa famille, il mange les patoux !
Super mouton arrive (ceux qui ont joué à la série "Worms" comprendront) et tatane les loups.
Tant de temps passé à compter les moutons, tes paupières deviennent lourdes. Petite sieste.

Au réveil, surprise, les moutons sont devenus des rennes. Et tu as toujours voulu jongler avec des rennes. Dans ton souvenir ils étaient plutôt dans des boules en plastique, et faisaient de la neige quand on les secouait, mais ne nous arrêtons pas sur ces détails ! C'est ainsi que Rudolph, Léo, Léa et Léon enchainent les chutes libres. Le père Noel ne descendra même pas de son traineau pour les aider.

Les membres de la famille sont éparpillés, c'est le moment d'une réfléxion métaphysique sur la vie sociale des cailloux. Pas évident d'entretenir des relations quand on ne peut pas bouger, ni parler (note : ça, c'est du vécu, je me souviens avoir écrit 2 pages à ce sujet quand j'étais en Australie. big_smile )

Le cerveau a besoin de carburant pour réfléchir. Pause miam miam/glou glou.

Le brouillard est en réalité une entité qui dévore les êtres vivants !
Nyarlathotep s'est-il libéré ?
Mais que fait Yog-Sothoth, le gardien de la porte ? Tu es Yog Sothoth, lève-toi !

Etc...., etc..., je pourrais continuer encore longtemps. tongue


"Life is full of wonders for someone who is prepared to accept them." Moominpappa

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#116 03-11-2015 23:28:06

Jobig
Membre
Lieu : Breizh
Inscription : 01-07-2014

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Salut mknod,  smile

Les Sigur Ros (tant pis pour l'accent) : j'adooore ! Un peu cotonneux ton parcours, quand même ! Brouillard total. wink tongue

J'attends la suite avec le même flegme dont tu sembles faire preuve face aux éléments. smile

Jobig


From each according to their ability, to each according to their needs.

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#117 11-11-2015 02:21:23

bruno7864
partir, partir et découvrir
Lieu : toujours dans la Lune
Inscription : 11-10-2012

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

mknod a écrit :

Bien vu zorey wink

Bolton a écrit :
mknod a écrit :

Je vois régulièrement des gens prétendre qu'ils randonnent sans bâton sur le forum. Je ne peux m'empêcher de me poser la question suivante : comment font-ils pour se passer de ce que je considère pour ma part comme une pièce vitale d'équipement ?

"Prétendre"? Tu en doutes?

Absolument pas smile. "Affirmer" aurait été plus approprié. Merci pour la lecture, j'étais passé à côté de ce fil.

ajout : effectivement... peut-être qu'une petite partir de moi a du mal à le croire, mais je me soigne  tongue


Salut Mknod,
Y'a pas de doute certains randonnent sans bâtons mais ils randonnent où et comment!! lol

Pour la petite histoire cet été alors que je marchais sur une crète herbeuse assé escarpée,  j'ai rencontré un drôle de type avec  un gros bâton ferré d'environ 1,5m. Alors que je m'evertuais à suivre le seul endroit pas trop pentu,  la ligne de crète tant bien que mal, le bonhomme pas tout jeune m'a plusieur fois doublé en passant plus bas en ramasse dans une pente à chèvre ou il ne fallait pas glisser au risque de faire une chutte de quelques centaines de mètres. Un des endroits qui m'a le plus impressionné sur toute la traversée des Alpes.
Dans ce genre d'endroits je serai assez intérréssé de savoir comment feraient ces adeptes du sans bâton. Pour ma part j'ai appri à rester prudent par rapport aux affirmations à l'emporte pièce faites sur les forums en deux clics et trois touches de clavier wink

Dernière modification par bruno7864 (11-11-2015 18:11:55)

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#118 11-11-2015 07:58:05

zorey
HRP addict
Lieu : Pyrénées, Aure et Louron
Inscription : 07-06-2011

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Bruno et sa pensée noire du soir, bonsoir ! big_smile


La nature nous a donné deux oreilles et une bouche pour écouter le double de ce que l'on dit.

Ourson Power

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#119 11-11-2015 17:05:04

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

@ Magne2

J'ai une devise : il ne fait moche qu'en ville. Dans la nature, j'évite de trop céder à la tentation de faire la distinction entre le "beau" et le "mauvais" temps. Je n'ai pas encore tout publié mais dans l'ensemble je n'estime pas avoir joué de malchance, je m'attendais à bien pire en partant.  smile

@ Archimboldi

Archimboldi a écrit :

Compter ses doigts
Compter ses orteils

En parlant de Mike Horn justement... tu crois qu'il apprécierait la blague ? big_smile

J'aime beaucoup ta capacité à créer des histoires à partir de rien, et je suis sûr que ça te sera bien utile quand tu n'auras que pour seules entités des flocons de neige. Très sérieusement, pouvoir délirer seul et s'autosuffire dans n'importe quelles conditions peut vraiment faire la différence sur le terrain je pense. C'est du conditionnement.

@ Jobig

"flegme", le mot est lâché smile. J'y travaille justement, et il résume parfaitement ma démarche, dans la même logique que ce que je dis à Magne2 juste au dessus d'ailleurs.

@ bruno

bruno7864 a écrit :

Y'a pas de doute certains randonnent sans bâtons mais ils randonnent où et comment!!

Tout est dit, c'est d'ailleurs cette question que je posais implicitement dans mon récit. Concernant ta dernière phrase, on pensera ce que l'on veut de la forme (perso ça me va très bien) mais sur le fond je suis tout à fait d'accord avec toi. Au même titre qu'une liste ne vaut rien sans son contexte d'utilisation, ce genre d'affirmations ne devraient pas être lâché sans informations complémentaires.

À ce propos d'ailleurs, ils sont tombé où les autres, que je signale l'endroit comme dangereux ? lol

PS : l'Esbit ça pue, quelqu'un peut-il me confirmer que c'est normal ?

Dernière modification par mknod (11-11-2015 17:13:52)


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#120 11-11-2015 17:26:51

zorey
HRP addict
Lieu : Pyrénées, Aure et Louron
Inscription : 07-06-2011

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

mknod a écrit :

PS : l'Esbit ça pue, quelqu'un peut-il me confirmer que c'est normal ?

Je confirme ! lol
Enfin disons plutôt pour soigner la forme tongue que je trouve aussi que ça pue.


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#121 11-11-2015 17:50:28

samol
Membre
Lieu : Périgueux
Inscription : 01-05-2012

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

mknod a écrit :
bruno7864 a écrit :

Y'a pas de doute certains randonnent sans bâtons mais ils randonnent où et comment!!

ce genre d'affirmations ne devraient pas être lâché sans informations complémentaires.

Mettez vous un instant dans la tête des gens qui randonnent sans bâtons ! On peut avoir exactement le raisonnement inverse roll

Dernière modification par samol (11-11-2015 17:50:55)

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#122 11-11-2015 17:55:13

Magne2
Membre
Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
Site Web

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

le problème des gens qui randonnent sans bâtons c'est que très souvent ils n'ont jamais utilisé de bâtons .....après tout dépend du terrain , montagneux , pentu , rivières à franchir , poids du sac , vitesse que l'on souhaite  etc etc

Dernière modification par Magne2 (11-11-2015 17:56:28)


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#123 11-11-2015 17:59:15

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Nous sommes entièrement d'accord samol, à une petite nuance près : dans un cas c'est dangereux (faire croire à n'importe qui qu'on peut aller n'importe où sans bâton), dans l'autre pas. En l’occurrence je pense avoir donné suffisamment de détails et de contexte (nature du terrain, mais pas que...) pour justifier mon utilisation des bâtons, et surtout leur nécessité impérative dans certaines situations.


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#124 11-11-2015 18:37:16

bruno7864
partir, partir et découvrir
Lieu : toujours dans la Lune
Inscription : 11-10-2012

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

!!!!!!!!salut Mknod,

désolé d'avoir lancé une pièce, quoi que wink

Pour en revenir au sujet principal, j'avais survolé ton récit, et suis en train de le parcourir... c'est touffu mais très intéressant.

Pour les dénivelés, les kilométrages, les temps etc, tu fais une analyse chirurgicale de ton parcours...  waouh!!! manque plus que quelques histogrammes et un ou deux camemberts wink
Peut être aussi par impatience et excès d'enthousiasme comme nous tous, une trop grosse première journée. On a toujours peur de manquer de temps, mais la montagne est encore là l'année suivante.
En tout cas une balade aventure pleine d'enseignements. Un grand merci de partager celle ci cool cool
je retourne m'y plonger

Dernière modification par bruno7864 (11-11-2015 19:16:56)

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#125 11-11-2015 20:15:45

Nebue
Membre
Inscription : 03-11-2014

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

mknod a écrit :

Nous sommes entièrement d'accord samol, à une petite nuance près : dans un cas c'est dangereux (faire croire à n'importe qui qu'on peut aller n'importe où sans bâton), dans l'autre pas. En l’occurrence je pense avoir donné suffisamment de détails et de contexte (nature du terrain, mais pas que...) pour justifier mon utilisation des bâtons, et surtout leur nécessité impérative dans certaines situations.

Je pense que je suis encore en "apprentissage" de marche avec bâtons, dans le sens ou dans les passages critiques, je sens plus spontanément la volonté d'utiliser une approche d'escalade (placement en équilibres, mettre les mains, etc.) qu'utiliser les bâtons, même si ça vient. Pareil en descente, je trottine/cours plus vite sans bâton (même en terrain accidenté) qu'avec bâton. Je vois un réel intérêt aux bâtons, mais je pense que ça s'apprend, et qu'on peut imaginer des alternatives quand on est polyvalent en sport.

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