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#1 07-08-2019 19:27:20

Bazar Pacha
Membre
Inscription : 21-06-2017

[Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

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Petite présentation

Ça va faire quelques années que je potasse discrètement les fils de ce fabuleux forum et que je fais de mon mieux pour alléger mon barda. C'est la première fois que je publie un récit ici, aussi j'espère qu'il vous plaira big_smile

Ah, la Géorgie... Ça faisait quelques années que ses alpages verdoyants nous faisaient de l'œil et on a décidé d'aller y traîner nos guêtres. Pour marcher, ce ne sont pas les coins qui manquent mais deux régions avaient l'air de sortir du lot, la Svanétie et la Touchétie. Au-delà de son nom rigolo, la Touchétie nous a davantage attirés dès qu'on s'est un peu renseignés sur son compte. On lui accole des adjectifs qui font rêver : sauvage, intacte, brute, enclavée... Et ça pour être enclavée, elle l'est. Une seule route "carrossable" la relie au reste du pays, la route d'Omalo, "capitale" de la Touchétie. Cette route n'est ouverte que de juin à septembre ou octobre, c'est à dire dès que la neige commence à fondre et jusqu'à ce qu'elle retombe. En effet, elle emprunte le col d'Albano situé à quelques 2826 m d'altitude. Elle est fermée toute l'année et rares sont les habitants qui passent l'hiver à Omalo et dans les autres villages touches. Les conditions de vie semblent y être très rudes.

Cette route fait parait-il partie des 10 routes les plus dangereuses du monde (ça fait peur hein ? big_smile) J'avais omis de mentionner ce détail à mes trois comparses, ne souhaitant pas les échauder. J'avais également omis de mentionner la proximité avec la Tchétchénie, le Daghestan, la présence d'ours, de patous géorgiens féroces et de ponts potentiellement en ruine que nous devrons traverser (liste à but bassement sensationnaliste big_smile). Je précise que je ne cherchais pas à aller dans la zone la plus craignos de la Terre, mais que je ne voulais pas non plus me priver de découvrir une belle région et une belle culture en me laissant décourager par des informations qui, vues de notre France, peuvent paraître terrifiantes alors qu'on se rend vite compte que la réalité sur le terrain est toute différente. Et c'est évidemment ce qui s'est passé.


Itinéraire

Mes yeux ont très vite lorgné sur l'itinéraire reliant Omalo à Shatili, une rando d'environ 80 km qui suit la vallée de l'Alazani puis de la Kvakhidistskali (à vos souhaits). L'itinéraire classique plonge dans la vallée au nord d'Omalo puis longe la rivière Alazani en traversant de splendides villages de pierre, dont Dartlo et Dano (ces villages sont presque tous dotés d'impressionnantes tours de pierre, souvent construites dans un but de défense face aux envahisseurs venus du nord). Cet itinéraire longe la rivière durant les deux ou trois premiers jours en suivant une piste de jeep, pas très sexy donc. Mais j'ai découvert via le fabuleux site de Jozek Antala, Caucasus Trekking, qu'il existait une variante beaucoup plus rock'n'roll, par les crêtes au-dessus de la vallée, de la prairie de Ghele jusqu'aux crêtes de Pirikita pour enfin redescendre directement sur Parsma via un pont (partiellement emporté par une crue en juin 2019, mais nous y reviendrons...). Alors comme j'aime le rock'n'roll, j'ai dit banco pour la variante.


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Pour la suite du trajet, on suivra l'itinéraire classique en passant par Girevi, le Col d'Atsunta à 3431 m pour redescendre sur Shatili à 1400 m.


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Pour la cartographie, on a utilisé des traces GPX glanées de ci de là et modifiées + des cartes papier achetées au magasin Geoland, à Tbilissi (magasin de rando qui vend aussi des cartouches de gaz et autres petits accessoires). Ce sont des cartes qu'ils éditent eux-mêmes, ils peuvent même en imprimer à la demande apparemment. Ce sont des cartes au 1:50 000e, vraiment pas mal fichues. Le chemin est globalement bien marqué, sauf à quelques endroits notamment au début juste après Omalo pour trouver la bifurcation vers Ghele.


Voici la trace GPX du parcours sur le site Mapy.cz (que je ne connaissais pas et qui est vraiment bien fichu). Il suffit de cliquer sur "export" sur le volet de droite pour la télécharger.


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Les fameuses cartes


Les distances et dénivelés indiqués ici ont été calculés a posteriori par yours truly, donc ne représentent pas exactement ce qu'on a parcouru (les moult détours par exemple big_smile) Mais bon ça donne une bonne idée.


Organisation / Détails pratiques

Tout est très bien expliqué sur le site Caucasus Trekking, mais quelques infos tout de même.

  • Pour monter à Omalo : mieux vaut contacter un chauffeur du coin pour se farcir la route. On peut se rendre depuis Tbilissi jusqu'à Alvani en mashroutka (des minibus collectifs) pour 8 laris (2,50€), et une voiture pour Omalo depuis Alvani coûte entre 200 et 250 laris (60-80€).

  • Hébergement / bivouac : on peut bivouaquer sans aucun souci un peu partout sur le parcours. Dans pratiquement chaque village il y a des guesthouses qui proposent une chambre, dîner et petit-déj, mais on peut aussi planter sa tente moyennant quelques laris (la monnaie locale). Il y a même le wifi partout (vous avez dit "enclavé" ? big_smile) mais on a choisi de ne pas s'en servir. Le Blanc veut son isolement numérique big_smile

  • Cet itinéraire longeant la frontière russe, il faut obtenir un laissez-passer (en géorgien "propusk", si vous voulez frimer en société) que de gentils douaniers vous tamponneront pour s'assurer que vous n'allez pas fourrer votre nez en Tchétchénie. Pour ce faire, c'est très simple, rendez-vous au poste frontière de Girevi, juste après le village, et un charmant fonctionnaire assermenté vous remettra le charmant papier. Vous obtiendrez ensuite deux tampons, l'un après le col d'Atsunta, sur la crête de Khidotanis avant de redescendre sur Khonischala et l'autre aux alentours de Mutso, juste avant Shatili. C'est vraiment une formalité.


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Le charmant papier


  • pour repartir de Shatili : une mashroutka (minibus/taxi partagé) redescend le dimanche matin à midi et coûte 20 laris (6€). Mais il faut impérativement réserver la veille au soir sinon vous serez bons pour un taxi (300 laris = 90€ yikes). Il y en a aussi une le mardi de mémoire.

  • vous pouvez contacter le Visitor Centre du Parc national de Touchétie, ils sont très sympas. ATTENTION : les numéros de téléphone indiqués dans le Petit Futé sont faux (bien joué les gars). Ceux de Google sont les bons normalement.


Le matériel

Voici la liste du matériel que j'ai emporté. J'en suis plutôt content même si j'aimerais encore perdre quelques grammes / kilos big_smile Les principaux postes d'allègement que je vise sont le couchage (troquer mon duvet contre un quilt, me bricoler un abri plus léger), tailler dans le gras de ma trousse de toilette et de ma partie hygiène (je prévois toujours trop de pansements, médocs, "au cas où" big_smile) et surtout davantage optimiser les consommables, nourriture et eau (non indiqués ici). Mieux préparer les itinéraires et mieux se connaître physiquement pour moins porter d'eau par exemple...  tongue


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Niveau température, les prévisions annonçaient autour de 20°c la journée et au plus bas 5 la nuit. Pas de quoi sortir les tenues de grand froid donc. Mais elles annonçaient aussi de la pluie tous les jours... ce qui heureusement ne s'est pas vérifié. Pas de pluie le jour, mais par contre la nuit... on a mangé quelque chose.
Trois gros changements pour moi, l'abri, la banane et les chaussures.


L'abri : j'ai acheté cette Shangri-La ici même à Mathi il y a deux ans, mais je ne m'en étais pas tellement servi sur plusieurs jours. Je voulais surtout tester le bivouac en abri en cas de pluie ou vent soutenu. Eh bien laissez-moi vous dire que j'ai été servi big_smile More on that later tongue Mais en deux mots, aucun souci d'imperméabilité, pas d'infiltration par le polycree, impeccable. Je l'avais vraiment sardinée au ras du sol et ça a très bien fonctionné. Seul hic, la toile relativement gorgée de flotte le matin au réveil et les parois qui s'étaient distendues durant la nuit. Donc j'ai un peu mouillé mon SDC et ma petite tête au lever. Pour la prochaine fois, j'essuierai les parois avant de me lever et j'essaierai de la monter à peine plus large pour compenser sur la détente des parois. Je pourrai aussi me fendre d'un petit coup de Silnet sur les coutures.
Les copains avaient pris ma Hubba Hubba et le dernier avait une MSR 1 place.


La banane : je suis du genre à avoir plein de choses dans les poches, l'appareil, le couteau, le stick à lèvres, alors je me suis dit, pourquoi pas une banane. Et j'ai vraiment apprécié le côté pratique, pour avoir les cartes à portée de main, l'appareil, le téléphone etc. Elle me pendouillait un peu sur le bas du ventre par moment, alors j'ai bricolé une espèce de sangle avec une ficelle et un petit mousqueton que j'arrimais à la poignée de la banane et à la sangle pectorale de mon SAD. Ça a pas trop mal marché, le sac ne me tapait plus sur le ventre. Je reconduirai donc l'expérience.


Les chaussures : c'est désormais l'item le plus lourd de ma liste.  Mes précédentes chaussures étaient des La Sportiva Raptor, qui me convenaient très bien. Mais j'ai dû m'équiper de grosses pour une rando en crampons cette année, et j'avoue que j'ai à nouveau basculé du côté grosscur. Je n'exclus pas du tout de revenir à la trail, mais le maintien de la cheville, la rigidité de la semelle dans les pierriers, les sentiers roulants, l'imperméabilité pour les petites pluies / traversées de gués, le maintien des pieds au propre quand on traverse des chemins terreux, poussiéreux, m'ont vraiment séduit. J'ai pas mal potassé le sujet et suis assez conscient des avantages comme des inconvénients, mais pour l'instant je vais rester un peu en grosses. Quitte à alterner avec des trails selon les parcours. J'apprécie aussi énormément la sensation de liberté et de précision que les trails procurent.
C'était un de mes popotes qui portait la pote (ou l'inverse), ainsi que la théière (il est fan de thé donc hors de question de faire du thé dans une popotte).
Pas grand-chose à dire sur les fringues, je suis toujours aussi ravi de mon As Tucas Cabietos.


Les sels de réhydratation : depuis que j'ai fait une petite déshydratation des familles au Kirghizistan, je me fais plus avoir. J'emporte des petits sachets de sels de réhydratation, ceux qu'on donne aux bébés pour les diarrhées. Je n'ai toujours pas réussi à savoir si boire l'eau des torrents en montagne "déshydratait" le corps ou non. J'avais entendu que comme elle était très peu minéralisée, on l'urinait immédiatement sans qu'elle puisse nous apporter son lot de minéraux, et avait donc l'effet inverse de celui escompté. Si quelqu'un pouvait m'éclairer à ce sujet, je lui en serais grandement reconnaissant !  On a pris les fameux sachets au matin du jour 3, on a eu l'impression de boire de la potion magique. Certainement pas très bon d'en abuser. Là encore, s'il y a un médecin dans la salle... big_smile


La nourriture et l'eau : Pour le petit-déj, mélange de lait en poudre, fruits secs et flocons d'avoine. On n'avait plus guère de sucre donc c'était un peu fade. Recette à améliorer.
Pour le midi, on avait fait les courses à Tbilissi et acheté un genre de gouda géorgien ainsi qu'un bon vieux saucisson local des familles et du pain. Tout a bien tenu jusqu'à la fin.
Pour la bouffe du soir, on avait acheté des lyos en France. Je ne suis pas forcément fan de cette pratique parce que j'aime bien soit me constituer mes repas, soit faire avec ce qui se présente sur mon chemin (d'autant plus dans un pays étranger, où on peut en profiter pour découvrir les aliments locaux). Ça permet en plus de soutenir les commerçants / agriculteurs du coin ce qui n'est pas plus mal. Mais mes potes étaient plutôt partants pour les lyophilisés alors c'est ce qu'on a choisi. C'est clairement le plus pratique et le plus léger, mais que ça manque de charme !

Pour l'eau, là aucun problème. Ça coulait dans tous les sens, qui un torrent, qui un ruisseau, qui une petite source. Mais j'en ai tout de même trop porté... J'apprends doucement à évaluer mes besoins en eau. En revanche, éviter de s'approvisionner dans la rivière principale, même si sa couleur n'y encourage pas forcément. Aux dires d'habitants, elle sert de fosse septique à une bonne partie de la vallée big_smile En plus des troupeaux, ça fait beaucoup. Je ne l'ai pour ma part pas traitée et n'ai pas eu de soucis.


Les chiens

Ouais, ça c'est un peu relou. Mais j'imagine que si on est un habitué des Pyrénées,  ce n'est pas bien différent. Le berger géorgien (comme nous l'appellerons ici par manque absolu de précision) est un molosse tout râpé, aux oreilles et à la queue coupées pour qu'il ne se fasse pas attraper par des ours ou des loups. Ils sont assez agressifs et vous voient parfois bien avant que vous ne les voyâtes. J'avais lu différentes techniques, dont ici dans le merveilleux récit de Caroline73, j'ai même tenté de leur balancer une rondelle de salami pour faire diversion (véridique big_smile) mais rien n'hifi. Quand ils veulent gueuler, ils gueulent. Et leur dégaine de loup-bards n'arrange rien, ils peuvent être sacrément flippants quand ils montrent les crocs. Et je n'ai normalement pas du tout peur des chiens, j'ai grandi avec des beaucerons, qui parfois s'écharpaient et que j'ai dû séparer avec mes petites mains à de nombreuses reprises. Mon petit conseil malin : vous pouvez leur gueuler "Aïda !", ça veut dire "Casse-toi" en géorgien. Mais bon, faut pas avoir peur et ça peut être quitte ou double...


BON, on y va ? big_smile


Jour 0

Jour 1

Jour 2

Jour 3

Jour 4




[EDIT : rajout lien trace GPX et sommaire]

Dernière modification par Bazar Pacha (11-08-2019 12:49:55)


Mon premier récit : quatre jours en Touchétie (Géorgie)

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#2 07-08-2019 19:37:19

florencia
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Lieu : 71
Inscription : 11-11-2011

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

BON, on y va ? big_smile

Yep big_smile, belle intro et mise en bouche smile

Flo


Réalisations DIY
_ _ _ _ _ _ _ _ _

"Si vous pensez que l'aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle !" -Paulo Coelho.

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#3 07-08-2019 19:58:44

Bazar Pacha
Membre
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

JOUR 0 – 16/07 – TBILISSI-OMALO


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Ça y est, c'est le grand départ. Ça fait deux jours qu'on est à Tbilissi et qu'on court dans tous les sens pour finaliser les préparatifs. Il faut acheter la bouffe, la mettre en sachets, acheter les cartes et la cartouche de gaz, trouver une boucle de sangle ventrale pour Alan parce qu'il a pété la sienne, et finaliser les sacs. On se lève tôt, on prend le petit-déj, on dit au revoir à notre hôte Kéti par l'intermédiaire de son neveu (parce qu'elle dort encore) et on file prendre un taxi vers la gare routière. Au moment de franchir le portail, après nous avoir donné le prix d'une course en taxi jusqu'à notre destination, le fameux neveu nous donne un précieux conseil : "Never trust taxi drivers. And Russians." Tout est dit. Il y a comme des tensions en ce moment entre la Géorgie et la Russie... Et pas qu'en ce moment. Mais c'est un vaste sujet.

On saute dans un taxi, qui ne nous arnaque pas du tout, et on débarque à la gare routière d'Ortatchala, sorte de petit parking en gravier situé au sud-est de la ville. On demande tout de suite aux quelques types présents où on peut prendre la mashroutka pour Alvani. Et j'en entends l'un d'eux demander à un de mes potes, "Hablas español?" "Claro! Yo hablo!" Et le type se met à me balancer un espagnol impeccable, qui me remplit autant d'espoir sur la simplification de la négociation que d'hilarité nerveuse. Mais qu'est-ce qui se passe avec l'espagnol dans cette région ?! Pourquoi tout le monde le parle parfaitement ? Déjà à Bakou, ce type dans un marché qui m'explique qu'il a vécu en Andalousie, hier cette serveuse qui nous aborde en espagnol, et aujourd'hui le chauffeur de bus ? Enfin moi ça m'arrange. C'est fou comme avoir une langue en commun change la donne, c'est le jour et la nuit.

Je sais maintenant que le chauffeur s'appelle Guéli, qu'il a vécu à Alicante, qu'il y a étudié les droits de l'Homme avant de travailler dans le bâtiment puis de devenir chauffeur routier, que ses nièces habitent à Dartlo et qu'elles parlent espagnol comme de vraies espagnoles. Ce type qui autrement n'aurait été que notre chauffeur de mashroutka a désormais pour moi une réalité, une épaisseur à laquelle je n'aurais jamais eu accès sans nos amis ibères. Alors merci l'Espagne big_smile Devant ma surprise, Guéli m'explique que beaucoup d'hommes du Caucase sont allés travailler en Espagne durant les années 80 et 90, quand c'était la franche misère en Géorgie (il faudra que je me renseigne là-dessus).

On embarque direction Alvani, pour 10 laris chacun (3€). Alan se coltine un homme très viril sur le strapontin juste à côté de lui. Un homme viril en Géorgie, c'est un homme mûr, la cinquantaine, avec une bedaine bien garnie, des pognes d'ours et une éloquence qui se limite au strict minimum (une éloquence MUL tongue ). Plus la bedaine est grosse, plus l'homme est viril. La calvitie rentre également en ligne de compte. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les guides sur la Géorgie. On a beaucoup rigolé et réfléchi sur ce différentiel de canons de virilité d'une culture à l'autre. On a même essayé de se fondre dans le paysage en se baladant toutes bedaines dehors dans les rues de Tbilissi. Mais revenons à nos moutons. Enfin, nos mashroutons.


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Vers la Touchétie et au-delà tongue


Les paysages défilent tranquillement jusqu'à Alvani, le terminus, où nous descendons casser une graine. Simouri notre chauffeur de 4x4 nous attend comme convenu (on l'avait contacté via notre hôte à Tbilissi). On lui serre la pince et on négocie une petite pause déj avant le départ pour Omalo. Il me passe sa sœur au téléphone qui m'explique quelque chose que je ne comprends pas. Alors je passe le téléphone à Guéli qui me traduit en espagnol big_smile . Simouri doit remonter de la bière à Omalo et elle me demande si ça nous dérange. Mais pas du tout ! big_smile On pourra sans doute en profiter ce soir, puisque c'est sa sœur qui tient la guesthouse où nous logerons.

Alors on file se délecter de khatchapouris maison (un des plats nationaux de la Géorgie, un pain plat garni de fromage ou de viande, parfois d'œuf, c'est délicieux et ça tient au corps) préparés par deux charmantes dames dans une petite échoppe / boulangerie. Et puis on embarque dans le Pajero de Simouri.
La route qui nous attend risque d'être folklo. Elle est, parait-il, classée parmi les dix routes les plus dangereuses du monde et est la seule à relier la Touchétie au reste du pays. Elle n'est ouverte que de mi-juin à septembre / octobre en raison de l'enneigement. C'est une piste qui serpente à travers les montagnes en se hissant jusqu'au col d'Albano à 2826 m d'altitude, puis qui redescend sur Omalo, posé sur un large plateau. Lors de fortes pluies, la route est souvent endommagée voire carrément emportée par endroits par des torrents de boue ou des éboulis. Alors des tractopelles sont dispatchés à différents points de la route pour pouvoir la remblayer si nécessaire.

Autant dire qu'on n'en mène pas large en attaquant la montée. Mais Simouri est du coin et il connaît la route, et son 4x4, qu'il pilote comme un chef. C'est la route de la maison pour lui. Sa conduite est d'une fluidité hallucinante sur ces pistes défoncées et bordées d'à-pics vertigineux. On traverse des gués, on longe des névés, on croise des mashroutkas, des camions, des motos. On croise même un type qui a mis une roue de son 4x4 dans le vide mais qui ne semble pas plus inquiet que ça. Mais malgré tout ça, le calme et la maîtrise de Simouri rendent ce trajet (5h pour faire 80 bornes ! mad ) relativement agréable. Les paysages sont sublimissimes, surtout quand les premiers alpages apparaissent. Des montagnes verdoyantes, des pics enneigés, des pistes qui serpentent dans tous les sens. Voilà pourquoi cette région est dite "enclavée". Se fader cette route est loin d'être une sinécure. On comprend que les empires y aient réfléchi à deux fois avant d'aller chafouiner les Touches.


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On croise aussi énormément de ruches, certaines montées sur d'énormes camions, pour pouvoir les déplacer facilement. On se dit que c'est normal en même temps, on n'est pas loin de la Ruchie.

On débouche tranquillement sur le plateau d'Omalo après le col.


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On s'arrête au Centre du Parc National de Touchétie, bâtiment flambant neuf inauguré en 2010, pour demander des renseignements sur la rando. Météo, état du pont de Parshma récemment emporté par une crue, techniques de dissuasion des ours big_smile. On file ensuite chez notre hôte pour la soirée, la sœur de Simouri, qui tient une très jolie maison d'hôtes (sa maison) avec un beau jardin fleuri, un potager, des panneaux solaires, et une impressionnante salle de bain au sol en ardoise et à l'énorme chauffe-eau à charbon. On va être comme des œufs en gelée ici.


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Notre hôte nous sert un fabuleux dîner. Que des produits de son jardin ou de celui des voisins, un régal.


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Ça a l'air bon, hein ? Ça l'est. tongue


Tandis que le soir tombe sur le plateau d'Omalo, des jeunes du coin se tirent la bourre à cheval, en excitant le chien de la maison qui jappe à la mort. Ils dévalent les chemins au triple galop en hurlant à plein poumons. Ils nous gratifient de belles cavalcades sur un fond de soleil couchant. On se dit qu'on n'a pas eu la même enfance.

Allez, au pieu, parce que demain fini de rire.

[EDIT photos modifiées]

Dernière modification par Bazar Pacha (09-08-2019 09:39:55)


Mon premier récit : quatre jours en Touchétie (Géorgie)

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#4 07-08-2019 20:15:38

spigi
Membre
Lieu : Bruxelles
Inscription : 30-12-2007

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Bazar Pacha a écrit :

...
Les sels de réhydratation : ... Je n'ai toujours pas réussi à savoir si boire l'eau des torrents en montagne "déshydratait" le corps ou non. J'avais entendu que comme elle était très peu minéralisée, on l'urinait immédiatement sans qu'elle puisse nous apporter son lot de minéraux, et avait donc l'effet inverse de celui escompté. Si quelqu'un pouvait m'éclairer à ce sujet, je lui en serais grandement reconnaissant ! 
....

Non, ce n'est pas l'eau des torrents qui peut poser problème, mais l'eau de pluie récoltée en direct (ou de fonte de neige), car là, issue de l'évaporation et tombant des nuages, elle est totalement dépourvue de minéraux ce qui à la longue peut provoquer des troubles digestifs, en plus d'être neutre en apport pour l'organisme... Mais c'est quand même mieux que de ne rien boire du tout ! On est quand même constitué de + de 80 % d'eau.
L'eau des ruisseaux-torrents se reminéralise naturellement. L'eau des ruisseaux est généralement déjà riche assez car provenant le plus souvent de sources

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#5 07-08-2019 20:57:26

Chat Mauve
Membre
Lieu : Pas trop loin de Fontainebleau
Inscription : 25-07-2019

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Ouaips… j'ai souvent bu de l'eau de fonte en ski de rando, sur plusieurs jours, sans aucun problème, si ce n'est que c'est dégueulasse (goût de gamelle).
Les sels de réhydratation, c'est pour compenser les pertes : transpiration (déserts surtout), et diarrhée.


La paresse est mère de l'ingéniosité (maxime MUL)

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#6 07-08-2019 21:06:41

Adrienne
Apprentie MULe
Lieu : Région parisienne
Inscription : 27-10-2017
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Super, la Géorgie et précisément la Touchétie sont dans ma (longue) liste d'endroits où j'ai très-très-très envie d'aller marcher, je vais te lire avec gourmandise smile


Si tu n'arrives pas à penser : marche. Si tu penses trop : marche. Si tu penses mal, marche encore.
(Jean Giono)

Trombi

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#7 07-08-2019 21:39:54

Magne2
Membre
Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Merci pour ce retour, la touchetie j'en rêve depuis avoir lu un Géo dans les années 80.


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#8 08-08-2019 00:11:21

Bazar Pacha
Membre
Inscription : 21-06-2017

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Merci de vos lumières, spigi et Chat Mauve. Je le saurai pour la prochaine fois.

Et merci pour vos messages ! Oui, quel belle endroit que la Touchétie... J'envoie la suite...


Mon premier récit : quatre jours en Touchétie (Géorgie)

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#9 08-08-2019 00:12:22

Bazar Pacha
Membre
Inscription : 21-06-2017

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

JOUR 1 – 17/07 – OMALO-PARSHMA – 23,5 KM / 1634 D+ / 1451 D-

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On quitte la guesthouse Nazo à 7h30. On a très envie d'aller voir là-haut si on y est ce qui se passe là-haut, et le ciel bleu qui nous accueille au lever nous emplit d'allégresse. La météo annonce un peu de pluie chaque jour et pas mal le dernier jour. On verra bien.

On commence tout de suite à s'élever au-dessus d'Omalo en sortant petit à petit du village par une caillouteuse piste de jeep. Alan et Nico qui sont allés repérer le début du chemin la veille nous avaient avertis de la présence d'un troupeau, et donc d'un clébard. Bon, il fait peut-être la grasse mat. Pensez ! Il est bien là, et il nous voit avant qu'on le voie, évidemment. Wouh wouh wouh wouh wouh ! Et allez, en avant Guingamp. Il nous charge vaguement. Max prend les choses en main et "nous couvre" en montant la côte à reculons avec les bâtons pointés en avant. Ce qui, avec le recul (c'est le cas de le dire) aurait pu être perçu comme de l'agressivité et agacer notre ami canin big_smile Mais bon, il finit par nous lâcher.

On continue de gravir la petite piste, et mon regard est attiré par une présence sur le bord du chemin. Je plisse les yeux : un chien, sagement couché, avec une allure de loup en peluche. Ça doit être le stagiaire parce qu'il ne moufte pas et il nous laisse passer tranquillement. Il va peut-être se faire souffler dans la truffe par son N+1, celui-là.

Nous voici au-dessus du village qu'on peut admirer depuis notre petite colline. C'est très beau. À notre gauche, des vaches paissent tranquillement.


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Omalo


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Première vraie montée de la journée, on va se prendre quelques 400 mètres de dénivelé. On s'élève tranquillement en forêt. C'est bon d'enfin pousser sur les bâtons, de trouver le souffle, les sensations. J'hume à pleins poumons.


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Arrivés sur un petit replat, on se prend une petite pause. Nico peine à trouver son souffle, on le rassure, ça va venir. Tout à coup, Max nous fait, "Les gars, y a un beagle." Et effectivement, y a un beagle.


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Je le prénomme Quentin. Mon rêve est que Quentin nous accompagne jusqu'à Shatili, puis jusqu'en France. Il nous protégerait contre les ours, les chiens de berger, et nous vivrions de beaux moments de complicité homme-chien. Mais il doit sûrement appartenir à quelqu'un et vagabonder en suivant les randonneurs. Pour l'instant, personne derrière lui, donc on l'embarque avec nous.


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On est rejoints par deux marcheurs, une Britannique et un Colombien, qui se font un petit circuit sur deux jours en descendant dans la vallée jusqu'à Dartlo et en remontant par le versant sud de la vallée. On pense que Quentin est à eux mais pas du tout. Il est toujours à nous big_smile

On sort de la forêt et on débouche sur une superbe colline verdoyante qui est censée nous conduire sur la fameuse crête de Pirikita. Notre mission est de ne pas louper le sentier de bifurcation, sans quoi on terminera sur la maudite piste de jeep en bas de la vallée. Chacun de nous quatre y va de son petit pronostic, "C'est ce chemin." "Non, c'est celui-là." Les gars sont pas fortiches en carto big_smile On parvient finalement à trouver le bon chemin, et on attaque la grimpette.


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Le chemin est magnifique, parsemé de fleurs des champs, et on se gave les yeux de belles images. je pense que c'est cette prairie qui s'appelle Ghele et qui, d'après le site de Jozef Antala, servait de lieu de rencontre pour les anciens des villages du coin quand ils devaient discuter des affaires locales.


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Ça y est, la crête se révèle... On va passer une belle journée.


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On déroule tranquillement en admirant ce paysage à couper le souffle. Très vite on arrive à 2800 m, ce qui nous fait déjà une belle élévation depuis Omalo qu'on aperçoit en contrebas. On ne sera pas passés par le vieux village d'Omalo, situé au-dessus du nouveau Omalo, mais on peut apercevoir ses tours qui montent la garde sur les vallées.


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Le vieux Omalo, un peu plus tôt, depuis la forêt


Les jambes se chauffent petit à petit sur des tapis de fleurs.


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On recroise la Britannique et le Colombien qui se sont plantés de route. Quentin qui les avait suivis n'est plus avec eux. Adieu Quentin...
Le sentier se fait plus escarpé lorsqu'on contourne le Gora Sakkhevi (2925 m) par le nord, son flanc droit.


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Le marquage, blanc pour ce tracé de variante


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Qu'est-ce que j'aime marcher sur les crêtes... Cette succession de courtes montées et de descentes où chaque relief révèle une fois franchi l'horizon qui nous reste à parcourir. Et au détour d'une côte, on découvre un superbe plateau herbeux, occupé par un adorable petit abri. Ça va être difficile de trouver mieux pour la pause déj.


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Alors on se pose et on sort la bectance. Pain, fromage, salami, le repas des champions. Et une petite barre chocolatée pour le dessert, le grand luxe. Je commence à me dire qu'on a franchement abusé sur les quantités. On a trois énormes fromages et trois salamis. Au cours de ce repas, on en mange... une tranche chacun. Okay, on a abusé big_smile. Je pourrai en balancer un entier sur les chiens de berger qu'il nous en resterait encore trop. Ça pèse un âne mort, ces trucs.

Pendant qu'Alan nous fait chauffer le thé, on aperçoit une silhouette arriver en sens inverse. On la guette s'approcher tranquillement, au milieu de ce paysage désert, sous cette légère brise qui sèche nos pompes et nos chaussettes (poète poète) C'est une dame allemande qui s'est fait cheval-treuiller depuis Parsma et qui redescend sur Omalo. On prend des renseignements sur le pont de Parsma, qui a été emporté par une crue à la fin du mois de juin. Aux dernières nouvelles il tient encore debout, mais il faut le traverser avec prudence. Elle nous dit qu'elle a traversé le torrent à cheval et qu'elle nous déconseille d'emprunter le pont. Bon, bon, on verra sur place. On lui offre du thé et elle nous souhaite bonne route.

Allez c'est pas tout ça mais on a de la route.


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On longe le Pitsilanta par la gauche et soudainement, inexplicablement, les paysages deviennent dégueulasses.


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Non, évidemment, c'est toujours aussi beau, ces paysages touches. Ça nous touche au plus profond de nos êtres (jeu de mots n°1 sur 4337. Liste complète disponible chez tous les bons libraires.) Ça commence même à envoyer du pic enneigé, ce qui n'est pas pour nous déplaire.


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Et puis on atteint le col de Nakle-Kholi, qui n'est pas un nom de bactérie exotique mais un large col qui vous expédie au sud vers Verkhovani et au nord vers Parsma, notre destination.

Au col, on croise un petit groupe de randonneurs à cheval, des Russes, et on discute le bout de gras cinq minutes. Max, toujours autant fasciné par les chevaux, va tâter deux trois croupes. Puis un autre groupe de randonneurs, tchèques ceux-là me semble-t-il, arrive de Parsma. Ils viennent de se farcir la montée qu'on va se faire à la descente et sont exténués. Ils hurlent de joie en arrivant et jettent leurs bâtons. Ça fait plaisir à voir, une telle scène de liesse. Je monte les voir alors qu'ils dévorent leurs sandwichs et je leur demande s'ils en savent plus sur l'état du pont. Ils me disent qu'ils l'ont passé, que ça passe si on y va tranquille. Me voilà rassuré, ça devrait le faire.

On croise aussi là-haut un couple de randonneurs allemands, dont on ne sait pas encore qu'on va se suivre jusqu'au bout et devenir très copains, Ianis et Franka. Ils vont eux aussi à Shatili. On attaque la descente ensemble.

C'est vrai que ça descend sec et assez cash, ça y va dré dans le pentu comme dirait l'autre big_smile . On va se manger 500m de D- en très peu de temps.


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La vue sur la vallée est somptueuse et on aperçoit Parsma juchée sur un replat herbeux.


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Un peu plus bas, on apercevra le village de Chesho et sa forteresse.


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Et toujours ces fleurs, ces fleurs... Ces parterres de rhodos...


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Les genoux des potes dérouillent pas mal dans la descente. Je préfère descendre vite parce que c'est quand je piétine que ça peut me faire mal. Alors je trace, en prenant bien garde à l'excès de confiance, vite arrivé. Je dépasse Ianis et Franka qui eux aussi la jouent tranquille. Ianis s'est fait une cheville dans une précédente rando en Svanétie et ils préfèrent prendre leur temps, ce qui est bien sûr absolument raisonnable.

Alors que la rivière approche, on aperçoit en contrebas... un troupeau de moutons bien sûr ! smile Posté PILE sur le sentier qu'on va devoir emprunter, sans possibilité de le contourner ou alors en se farçissant une remontée qu'on a pas du tout envie de se farcir en fin de journée. On verra une fois en bas. On essaye quand même d'user de nos yeux d'aigles pour localiser nos amis canins, mais sans succès. Ce sera la surprise. Je me coupe quand même un bout de salami que je garde dans un ziplock dans ma banane. Je ris intérieurement devant le ridicule de cette entreprise, mais que voulez-vous, c'est ma première rencontre avec des chiens de berger géorgiens et je n'ai pas lu que des belles choses à leur sujet (à part chez Caroline73 qui leur a accroché des colliers de fleurs au cou !! Respect.)

Comme prévu, on se fait appeler Arthur par les chiens qui nous fondent dessus en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. On a face à nous deux beaux spécimens, complètement râpés, les chicots élimés par les combats, l'œil mauvais, la bave aux lèvres (j'en fais pas forcément des caisses, ils étaient très flippants). Donc moi, illico, je balance mon salami vers le chien qui s'élance vers nous, il le suit des yeux, freine des quatre fers, me regarde, regarde le salami, me regarde, va bouffer le salami, bouffe le salami, et revient à la charge yikes. Échec cuisant de la technique salami. Ça a fait diversion pendant moins d'une seconde.

Nous voilà donc quatre clampins face à deux molosses. Qu'est-ce qu'on fait ? Chacun y va de sa contribution, "Il faut qu'il nous checke pour s'assurer qu'on ne représente pas un danger pour les moutons." "Ça aboie mais ça mord pas." "Il faut leur parler pour les rassurer, t'inquiète pas mon chien, je vais rien leur faire à tes moutons." "Il faut passer tranquillement comme si de rien n'était." Et j'en passe et des meilleures. Sauf que là, nos deux potes sont en plein milieu du chemin, qu'à gauche il y a les moutons et qu'à droite il y a un torrent. Là-dessus, Ianis et Franka arrivent, et Franka de nous dire, "J'ai lu qu'il fallait passer sans faire attention." Elle avance. Wouh wouh wouh wouh wouh !! Demi-tour aussi sec.

Allez, ça m'a soûlé. Je prends mon courage à deux mains et je leur hurle, "Aïda ! Aïda !" en les regardant dans les yeux comme un BONHOMME mad. Si j'avais le costume, je pourrais jouer dans l'opéra de Verdi. Ça a l'air de faire son effet, ils reculent d'une ou deux pattes, en se demandant si c'est du lard ou du cochon. Je continue d'avancer en aïdant, avec les genoux qui flageolent un peu et un petit coup de stress dans le ventre.

Là-dessus, on aperçoit un type qui s'approche doucement, sans doute le berger. On se dit qu'il va courir pour venir sauver six Blancs en détresse. Pensez-vous ! Il arrive tranquillement mais on a déjà passé les chiens. En même temps, si j'étais lui, j'en aurais ras les bottes de voir des blancos suréquipés traverser ses troupeaux en attendant un sauf-conduit de sa part. C'est de bonne guerre. On le salue et on s'éloigne des deux cerbères.

Ça fait déjà une bonne journée, mais c'est pas terminé ! Il faut encore traverser le pont de la mort... Voilà la bête.


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Bon, c'est un peu cassé. Mais ça a l'air de tenir, non ? big_smile Ianis part en reconnaissance et passe sans problème. On passe ensuite à tour de rôle, en adoptant sa technique : choper le rail en levant les bras et s'en servir comme guide. Ça tangue un peu, faut pas regarder l'eau en dessous si ce genre de choses vous fait flipper, mais ça passe.


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Après cette petite action d'aventuriers en carton, mais qui nous a quand même bien plu, on file vers Parsma pour se trouver un petit coin où planter les tentes.


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Les deux MSR et ma Shangri-La Pinocchio. Lauréat 2019 de l'abri le moins bien planté big_smile


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Un intérieur chic et cosy  smile


Et devinez ce qu'il y a de l'autre côté du petit torrent près de nos tentes ? Un troupeau ! Les trois clebs débarquent, assez pacifiquement je dois dire, mais leur présence en cercle autour de nous ne nous rassure pas outre mesure. Mais pour le coup on les ignore et ils finissent par lâcher l'affaire. Bon d'accord, je me suis aussi fendu d'un petit "Aïda" big_smile

Ensuite les gars vont tremper leurs articulations endolories dans le torrent glacé, cryothérapie gratos big_smile, et on se lance l'eau à bouillir pour les lyos. Les chiens refont une tentative mais cette fois nous lâchent rapidement. On va pouvoir se coucher après cette belle journée, peut-être un peu velue pour un premier jour, mais dans vingt ans ça fera marrer les gosses.

23,5 KM / 1634 D+ / 1451 D-

[EDIT : photos modifiées]

Dernière modification par Bazar Pacha (09-08-2019 15:10:53)


Mon premier récit : quatre jours en Touchétie (Géorgie)

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#10 08-08-2019 06:14:04

maylisv
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Un compte-rendu qui fait plaisir (surtout les jeux de mots ! lol ), un regal, merci !

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#11 08-08-2019 09:59:02

Bazar Pacha
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Merci maylisv !

La suite arrive bientôt.


Mon premier récit : quatre jours en Touchétie (Géorgie)

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#12 08-08-2019 14:51:37

Bazar Pacha
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

JOUR 2 – 18/07 – PARSHMA-PIED DU COL D'ATSUNTA– 22,1 KM / 1048 D+ / 452 D-

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Avant de partir, je me disais que j'aimerais bien tester mon abri en conditions pourraves, histoire de voir si j'assumerais vraiment de dormir en abri monoparoi. Eh ben mon neveu, on peut dire que j'ai été servi hier soir big_smile .

On se couche vers 22h. 23h, un orage éclate. Et pas du petit, de la période disco. Avec stroboscope et tout. Deux longues heures à compter les secondes entre le tonnerre et l'éclair, comme on faisait en colo, et à me demander si ça correspond bien aux kilomètres (8 secondes = 8 kilomètres ?). Je n'ai toujours pas la réponse, si quelqu'un de futé peut me la donner big_smile Deux longues heures aussi à me demander si c'est conducteur le carbone, si quand on a deux bâtons plantés dans le sol direction le ciel ça fait un joli paratonnerre.

Mais là, comme en avion quand on est secoué par de petites turbulences, j'applique la méthode stoïcienne : Ce contre quoi tu ne peux rien, accepte-le. Bon j'y pouvais pas exactement rien, j'aurais pu déménager mon abri, aller toquer désespérément à la porte d'une guesthouse, aller dormir dans la niche du chien. Mais non. J'assume. Et puis je voulais une nuit pluvieuse, j'en ai une.

Je tâte ma toile pour voir si elle tient le choc, aucun souci. C'est du solide. Pas une goutte dans l'abri, et la toile est encore sèche à l'intérieur. L'orage s'arrête à 1h30, je peux enfin dormir.

Réveil donc, à 6h, après une nuit plutôt agitée. Mais personne n'est venu bouffer le salami, ni les chiens, ni les ours, ni les hyènes, donc on est bon.

Au petit-déj, Alan nous balance la phrase qui deviendra le leitmotiv du séjour, piquée à The Big Bang Theory, "WE ARE DOOOOMED!" "Nous sommes condamnés", en français dans le texte. À chaque fois qu'il nous arrive une tuile, plus ou moins grosse, on l'entend qui hurle "WE ARE DOOOOOMED!" avec la voix du prophète de la fin du monde dans le dessin animé Tintin et l'Étoile Mystérieuse. La journée d'hier a eu son lot d'épreuves, qu'en sera-t-il aujourd'hui ? big_smile

On remballe les abris trempés dans les sacs et on décolle. La journée commence par un beau sentier escarpé qui longe littéralement la rivière et qui doit nous conduire jusqu'au village de Girevi où nous récupérerons les permis frontaliers.


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Girevi n'est qu'à 3 km et on l'atteint assez rapidement. C'est un petit village posé sur un replat où se trouvent plusieurs guesthouses, restaurants etc. Je demande à une dame, tout fier de mes rudiments de géorgien, "Propusk ?! Komendantura ?", pour qu'elle m'indique où se trouve le poste frontière. Il faut zigzaguer dans le village entre les clôtures et on aperçoit un genre de gros algéco posé au bord de la rivière avec deux drapeaux qui flottent au-dessus : ça doit être ça big_smile


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On a rattrapé Ianis et Franka qui avaient plié les gaules plus tôt que nous ce matin et on chemine tous les six vers le poste frontière. Je me fends de mon plus beau "Gamar jobat! Rogora khart?" (Bonjour, ça va ?) et on serre la main du charmant garde en treillis qui doit quand même bien s'em***er toute la journée dans sa cahute. Il voudrait causer en russe mais malheureusement, on n'en parle pas un mot. Penaud, il prend nos passeports et file relever les infos pour préparer nos laissez-passer. Il n'est pas tout seul dans la maisonnette, d'autres gardes arpentent les couloirs. Le garde nous laisse gentiment refaire le plein d'eau à son robinet, nous remet le beau papier et on peut filer.

Un troupeau de moutons paît tranquillement près du sentier où on doit passer ce qui nous oblige à un léger détour pour éviter de provoquer nos copains toutous. On a aucune envie de s'infliger ça dès le matin. Alors on contourne une petite colline en suivant le relief de la montagne, puis on reste sur la droite pour suivre la vallée qui file au nord-ouest. Attention, faut pas se gourer de vallée.


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On est étroitement surveillés par ces splendides tours de pierre qui donnent à ces vallées un petit cachet Seigneur des Anneaux. Si vous ajoutez à ça les noms des bleds, qui ont quand même franchement un côté Mordor (Khonischala, Dakiurta, Nakle-Kholi...) et que vous les prononcez avec une voix rauque et mystérieuse, sous un ciel charriant de sombres nuages, c'est comme si vous y étiez smile.


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D'ailleurs côté temps, on est décidément vernis. Pas une goutte de pluie (diurne) depuis notre départ alors qu'on était plutôt dans l'état d'esprit, "on espère passer entre les gouttes". Miraculeux. On se fait suivre par de gros nuages noirs mais qui semblent tous se diriger vers la chaîne qui se trouve au nord. Et comme on marche d'est en ouest, on se fait seulement survoler. Pour l'instant, nous ne sommes pas DOOMED.

Le sentier déroule tranquillement tandis que nous croisons de braves génisses touches.


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Elles ont le sabot alpin et n'hésitent pas à gravir des passages escarpés pour aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs.

Nous sillonnons désormais la vallée de la Khvakhidistskali (mot compte triple).


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Comment ça tous mes ciels sont cramés ? big_smile


Puis le sentier traverse le village abandonné de Chontio, l'occasion d'une pause bien méritée pour aérer les pattes et manger quelques fruits secs.


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Depuis notre départ, je commets à plusieurs reprises une erreur fatale : je fais des promesses big_smile "Vous en faites pas les gars, demain c'est une petite journée." "On pourra bivouaquer là, vous verrez." Pour l'instant ce n'est pas une petite journée, et on approche sérieusement de l'endroit que j'avais envisagé pour le bivouac (sur la base de compte-rendus lus sur le net et de ma mauvaise lecture de cartes big_smile) et ça ne ressemble pas franchement à un lieu de bivouac. Alors il va falloir pousser un peu plus loin. La voilà peut-être, l'épreuve de la journée : terminer la journée. Les potes commencent à avoir les genoux qui chauffent. De mon côté tout va bien, je touche du bois.

Heureusement, le sentier devient plus facile big_smile


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On croise notre premier névé, qui est LE premier névé de Max. C'est donc son baptême de névé. Et on emprunte un petit bout de sentier escarpé vraiment chouette qui longe la rivière (voire passe carrément dedans, si elle est haute comme maintenant). On croise quelques marques du sentier de temps en temps, deux barres blanches et une barre jaune. Le marquage est un peu léger pour s'en contenter, mais on est content de croiser des marques.

En Touchétie, les névés font le pont.


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Des paysages toujours aussi moches. C'est épuisant.


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On monte, on descend, on monte en descend, parfois on peut dérouler un peu. On joue au chat et à la souris avec Ianis et Franka. On croise aussi des cyclos en sens inverse dont on se demande comment ils vont passer les portions escarpées à moitié immergées dans la rivière, où on est passés de profil en pas chassé, les mains contre la roche.

Et soudain, la peur s'installe *musique des Dents de la Mer*.


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Une trace d'ours ! Ou alors de très gros chien. Ou alors d'un farceur avec une fausse patte d'ours en plâtre. Mais nous on parie sur l'ours. Vu la taille de la patoune, j'aimerais pas me trouver en face du bestiau. Bon a priori il y a vraiment très peu de chances d'en croiser, on m'avait dit qu'elles étaient "proches de zéro". Mais y en a bien qui gagnent au loto... big_smile

On déconne pas mal sur les probabilités d'en croiser un, chacun y va de sa petite vanne.

On est censés approcher du premier endroit que j'avais prévu pour bivouaquer. D'après les gens qu'on a croisés en sens inverse, il y a un camp un peu "aménagé" dans quelques bornes. Mais je voudrais qu'on essaye de se rapprocher au maximum du col d'Atsunta ce soir afin d'être directement en bas pour attaquer tôt la montée demain. Ce qui veut dire que la journée n'est pas encore finie.

Ianis et Franka décident d'aller jeter un œil au camp aménagé qui est de l'autre côté de la rivière et on décide de pousser plus loin.

Une ou deux bornes après le camp, on croise une fille sans sac qui arrive en sens inverse. Elle nous explique qu'elle et son copain sont bloqués au niveau d'un torrent à traverser, qui à cause des pluies torrentielles (c'est le cas de le dire) de la veille a un débit assez flippant. Ils ont voulu traverser sans leurs sacs pour tester, mais n'ont plus osé revenir une fois de l'autre côté et n'ont donc plus leurs sacs, restés sur l'autre rive. C'est ballot. Elle va donc au camp aménagé demander si quelqu'un avec des chevaux ne voudrait pas les aider à traverser.

Leur mésaventure nous concerne aussi un peu car on doit aussi traverser le-dit torrent à ce niveau-là. On comptait sur la présence de bergers touches qui normalement, en échange de quelques laris, acceptent de vous charrier de l'autre côté. Mais cette fois-ci il n'y a personne... On verra une fois là-bas.

Et une fois là-bas, effectivement, on croise le fameux copain, un Allemand, un peu hébété par le soleil, qui erre comme une âme en peine, ainsi qu'une famille, allemande elle aussi, apparemment connue sur Internet pour leurs treks engagés en famille, qui ont descendu le col ce matin et se sont retrouvés coincés par le torrent. Ianis veut essayer de traverser alors je le harnache avec la petite corde à linge que m'avait donnée la dame de la guesthouse d'Omalo. Je voulais avoir un moyen de nous assurer au minimum pour traverser certains gués. C'est loin d'être le top mais ça rassure un peu.

Ianis s'enfonce dans le torrent jusqu'à la ceinture et le débit est très fort. Ça va être coton de traverser, il revient bredouille.
On entreprend de rebrousser chemin et d'emprunter un des ponts-névés croisés plus haut. Ci-dessous, un petit schéma de notre petite épopée d'aventuriers en bois :


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On traverse le névé, on longe la falaise hors sentier sur des passages un peu chaudards, et on arrive vers le petit bras de rivière traversable à gué. La famille emprunte ce même petit bras et part mettre sa progéniture à l'abri dans le camp aménagé en aval de la rivière.

On entreprend ensuite de faire passer des affaires à l'Allemand pour qu'il ne passe pas la nuit à poil, s'il fallait qu'il pose le camp ici. On ne peut pas lui balancer son sac car il est trop lourd (on penserait pas à cet avantage de la MUL big_smile) alors on le dépiote et on lui balance les affaires une par une. Sa tente, ses fringues, de la bouffe etc. On tente même une tyrolienne maison avec la corde à linge qu'on leste d'une pierre pour la lancer de l'autre côté dans le but d'y suspendre le sac. Mais c'est un échec cuisant big_smile On se marre quand même pas mal.


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On n'a pas très envie de laisser notre ami planté au milieu de nulle part, mais on ne peut plus faire grand-chose, alors on le laisse semi-équipé. Sa copine arrivera quelques minutes plus tard avec des chevaux. Happy end big_smile

Le bivouac n'est plus très loin, on allonge les dernières bornes avec les jambes en compote mais le sourire aux lèvres, parce que toute cette histoire était quand même franchement fendarde.

On est juste au pied du col, nickel, on pourra attaquer directement l'ascension demain.

On plante les tentes et abris avec Ianis et Franka, on se prépare les lyos et on se fait tourner les flasques en se remémorant les grands moments de la journée. On était DOOMED, mais encore une fois, on a surmonté le destin big_smile Ianis a dégoté en Svanétie une excellente chacha (la gnôle géorgienne, un genre de grappa aux saveurs variables selon qui la prépare big_smile) et il nous la fait goûter.


11354_azerbaadjan_-_gaorgie_-_juillet_2019_482_08-08-19.jpg


On s'endort paisiblement tandis que les étoiles (et peut-être les ours) sortent de leur cachette.


22,1 KM / 1048 D+ / 452 D- (sûrement un peu plus avec les multiples erreurs et détours big_smile)

[EDIT : photos modifiées]

Dernière modification par Bazar Pacha (09-08-2019 16:32:07)


Mon premier récit : quatre jours en Touchétie (Géorgie)

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#13 08-08-2019 15:23:28

Adrienne
Apprentie MULe
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Oh dis-donc, ça a l'air absolument splendide, même, surtout avec des ciels cramés sur les photos big_smile

J'ai un bon copain voyageur qui m'avait vendu le coin comme absolument magique en hiver mais il semble que ça soit réellement le cas également en été !

Il y a beaucoup de randonneurs on dirait ? C'est un endroit très fréquenté ? J'ai hâte de lire la suite, je sens que ça va être inspirant smile


Si tu n'arrives pas à penser : marche. Si tu penses trop : marche. Si tu penses mal, marche encore.
(Jean Giono)

Trombi

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#14 08-08-2019 15:29:17

Bazar Pacha
Membre
Inscription : 21-06-2017

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Oui "magique" est le mot...

Pas tant de randonneurs que ça honnêtement, je pense qu'il y en a beaucoup plus en Svanétie. Je pensais qu'on allait croiser plus de monde mais on a dû croiser peut-être 10 ou 15 personnes sur les 4 jours.

Pour l'hiver, ça doit être complètement désert mais aussi coton pour s'y rendre sachant que la seule route est fermée dès septembre ou octobre... Après c'est ce que j'ai lu, elle est peut-être ouverte aux gens du coin.

Ton ami s'y était rendu comment ?

On peut aussi louer un hélicoptère à Tbilissi mais ça coûte extrêmement cher  big_smile

Merci pour ton message !


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#15 08-08-2019 15:29:59

tolliv
Sérénitude
Lieu : Toulouse
Inscription : 06-09-2016
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Jolie la Touchetie, je ne connaissais pas.
Par contre sur tes photos, tu n'y vas pas de main morte avec le vignetage et la coloration magenta ..


"La vie est trop courte pour être petite"

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#16 08-08-2019 15:32:25

Bazar Pacha
Membre
Inscription : 21-06-2017

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Oui j'ai un peu ripé sur les filtres... Ça semble une bonne idée sur le petit écran mais quand on agrandit ça fait Disney.

Il faut vraiment que j'apprenne la photo  tongue

Les tiennes me scotchent à chaque fois.


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#17 08-08-2019 15:34:20

Shanx
Sanglier MUL
Lieu : Probablement au boulot :(
Inscription : 22-04-2012
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

L'astuce avec les filtres, c'est de ne pas les utiliser wink

Le retour est sympa smile


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Mon trombi
"Heureusement qu'il y a RL pour m'éviter les genoux qui craquent et le dos en compote" - C. Norris
"La liberté est fille des forêts. C'est là qu'elle est née, c'est là qu'elle revient se cacher, quand ça va mal." - Romain Gary

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#18 08-08-2019 15:35:39

Adrienne
Apprentie MULe
Lieu : Région parisienne
Inscription : 27-10-2017
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Bazar Pacha a écrit :

Pour l'hiver, ça doit être complètement désert mais aussi coton pour s'y rendre sachant que la seule route est fermée dès septembre ou octobre... Après c'est ce que j'ai lu, elle est peut-être ouverte aux gens du coin.
Ton ami s'y était rendu comment ?

À cheval wink
Il y a une française mariée à un géorgien qui vit là-bas et organise quelques randonnées à cheval notamment à la fin de l'automne / début d'hiver pour accompagner les redescentes de troupeaux.
L'ami en question étant journaliste il a joint le travail de reporter au plaisir de la découverte !


Si tu n'arrives pas à penser : marche. Si tu penses trop : marche. Si tu penses mal, marche encore.
(Jean Giono)

Trombi

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#19 08-08-2019 15:40:38

Bazar Pacha
Membre
Inscription : 21-06-2017

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Rah la chance... Ça doit être splendide à découvrir à cheval.

Merci Shanx ! Oui je n'en utilise jamais d'habitude et là je ne sais pas, un moment d'égarement  neutral La montagne est suffisamment belle comme ça.


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#20 08-08-2019 15:50:45

tolliv
Sérénitude
Lieu : Toulouse
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Bazar Pacha a écrit :

Il faut vraiment que j'apprenne la photo  tongue
Les tiennes me scotchent à chaque fois.

Il faut rester simple, ne pas abuser des filtres et ne pas se fier à ce que tu vois sur ton smartphone ou l'écran de l'APN.


"La vie est trop courte pour être petite"

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#21 08-08-2019 15:58:08

Magne2
Membre
Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

@ BP
Pour les orages, compte 360 m par seconde  tongue
Testé il y a deux nuits dans le Tarn

Très bien écrit le récit, merci de ce retour.


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#22 08-08-2019 16:01:39

tolliv
Sérénitude
Lieu : Toulouse
Inscription : 06-09-2016
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Magne2 a écrit :

@ BP
Pour les orages, compte 360 m par seconde  tongue

Vitesse du son dans l'air = 337 m/s
350m est plus facile à utiliser je trouve.


"La vie est trop courte pour être petite"

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#23 08-08-2019 16:12:43

Bazar Pacha
Membre
Inscription : 21-06-2017

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Okay il faut que j'ajoute une calculatrice à ma liste.


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#24 08-08-2019 16:15:46

Shanx
Sanglier MUL
Lieu : Probablement au boulot :(
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Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Bah non : 3s ~= 1km.
Donc quand tu comptais 8s, c'était 2,6km. wink


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#25 08-08-2019 16:25:10

Bazar Pacha
Membre
Inscription : 21-06-2017

Re : [Récit + liste] D'Omalo à Shatili – Quelques jours en pays touche

Ah oui c'est bien ça, 3 sec = 1 kilomètre !  big_smile

J'ai toujours été une buse en maths.

Merci pour vos lumières (d'orage) !


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