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#251 05-02-2014 21:36:00

samol
Membre
Lieu : Périgueux
Inscription : 01-05-2012

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Y'a pas à dire, le manche à balai c'est quand même plus classe que les bâtons carbones !  big_smile

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#252 05-02-2014 21:44:06

guichen
Membre
Inscription : 06-05-2013

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

escurcionistavaldes a écrit :

KAM, cela fait un petit bout de temps que j'ai envie de te le dire, en fait depuis que je te lis d'Ushuaïa, pour moi tu as un peu une gueule à la Rimbaud. Ne t'offusques pas, ce n'est pas pour te dire une crasse. Mais c'est la comparaison qui me vient toujours à l'esprit. Tu as peut être seulement la gueule qui tire un peu sur la gauche. Et puis ne fait pas comme lui, il s'est tiré à 37 ans je crois après pas mal d'abus.

Tu as vraiment tout faux...d'abord, le mec à la moustache ressemble plus à Proust qu'à Rimbaud...sinon, plutôt à Simon Pegg.

Pour le coup, dans le désert, j'y vois presque Moïse... smile

kam a écrit :

- Kam, qui vient de se planter de route comme un gros blaireau a  la sortie d'Uyuni et qui est de retour en ville...

Une carrière trop brève de gourou ou de berger (sans la barbe) qui vient de prendre fin... lol

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#253 05-02-2014 21:56:02

E Pericoloso Sporgersi
Membre
Inscription : 28-01-2013

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

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Dernière modification par E Pericoloso Sporgersi (26-03-2020 16:28:32)

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#254 06-02-2014 14:54:33

andre1980
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Lieu : peyrehorade - 40 - France
Inscription : 16-07-2013
Site Web

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

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Moise est de retour. Gloire à notre marcheur Kam qui travers des plaines désertiques comme le prophète  lol
La même avec une barbe de 20 cm et c'est parfait.

N'empêche, niveau look, c'est pas trop mal avec le décor.

Dernière modification par andre1980 (06-02-2014 14:54:50)

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#255 06-02-2014 23:11:03

Ontheroad33
Pandabruti
Lieu : Bordeaux
Inscription : 15-08-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Ahaha excellent le poncho et le balai. Je me disais justement qu'un poncho devait être nickel pour marcher.

En tout cas, ça va faire jaser les touristes dans le salar ! Tu vas devenir l'attraction du coin et les 4x4 s'arrêteront pour qu'on te prenne en photo... wink


"Je ne sais pas où je vais. Ouh ça je ne l'ai jamais bien su. Mais si jamais je le savais, je crois bien que je n'irais plus." La Rue Kétanou, Où Je vais, Album En Attendant Les Caravanes, 2000.

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#256 07-02-2014 16:22:04

andre1980
Membre
Lieu : peyrehorade - 40 - France
Inscription : 16-07-2013
Site Web

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Kam va prêcher la bonne parole MUL auprès des touristes en 4x4.  cool

Dernière modification par andre1980 (09-02-2014 18:50:05)

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#257 09-02-2014 15:32:55

Colline
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Lieu : Venansault
Inscription : 15-05-2013
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Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Super ton récit! Comme d'hab'! Que du plaisir pour nous!!! smile

Merci et bonne continuation en Bolivie!


"L'homme fait des provisions pour un an et il ne sait pas s'il vivra jusqu'au soir." Tolstoï

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#258 16-02-2014 21:45:13

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Oruro

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Ce qui suit est le delire socio-philosophico-machin d'un anar au sujet du vagabondage, et risque de heurter les ames pieuses et / ou les amateurs de Starsky et Hutch. Il est donc vivement recommande a ceux-ci de passer directement a la seconde partie, apres la premiere photo, ou a un autre sujet.

Pour les autres, ce n'est que le developpement lourd et chiant du theme principal de ce recit: la psychologie d'un voyageur au long cours.

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Ca y est. Je l'ai refait. J'ai une nouvelle fois franchi la ligne du 'plus rien a battre'. Oh non, je ne suis pas devenu nihiliste, c'est juste que j'en suis a ce stade du voyage ou je n'en ai plus rien a carrer de ce que pensent les autres. La derniere fois, j'avais mis un an je crois, ca avait attendu jusqu'au Pakistan. Ca a ete plus rapide, ce coup-ci. En meme temps, je me suis aussi plus rapidement trouve dans des pays ou ca devient pour le moins difficile de se faire passer pour un local. En Argentine, a ne trainer presque qu'avec des hispanophones, on me prenait pour un argentin dans la rue. Au Chili, c'etait un peu plus complique, mais ca c'etait bien arrange apres que j'aie achete un couvre-chef sur place - ne jamais sous-estimer le pouvoir que peut avoir une vielle casquette miteuse delavee par le soleil et la transpiration: ouais, ca masquait mes cheveux trop blonds, et ca faisait couleur locale. Mais ici, en Bolivie, c'est peine perdue. Poncho sur le dos, manche a balais en main, je me fous completement du regard des autres. Appelez-moi David, Moise, ou tout simplement gavacho, ca ne fera aucune difference. Meme en jean, on me regarderait comme une bete curieuse, et l'on s'attendrait a ce que je fasse des choses bizarres, alors a quoi bon chercher a porter le masque d'une inatteignable normalite?

Et puis c'est plus profond qu'une histoire de frusques. Il s'agit de l'essence meme du vagabondage. Ne plus etre soumis au controle social. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de voleurs en France? Par peur de cette justice qui n'a trop souvent de juste que le nom? Je crois que si l'on faisait le rapport probabilite de se faire choper / temps passe en taule / gain potentiel, pour peu que l'on ne s'y prenne pas comme un branque, rationnellement, demain devrait etre la journee nationnale des bracos. Et pourtant, peu passent a l'acte. Alors pourquoi? Par manque de burnes? Tres certainement. Par respect pour la morale? Ouais, ca arrive encore. Par peur du regard des autres? Bingo, on est en plein dedans. L'herbe est interdite en France, mais tout le monde fume, parce que socialement, c'est accepte. Qu'il en aille de meme pour le vol, et il sera temps de retirer ses economies de la banque pour les enterer dans le jardin...

Si je me baladais a poil dans la rue chez moi, je serais le tare d'exhibitioniste que l'on pointe du doigt pendant des mois et des mois. Mais qu'est-ce qui se passerait ici? Rien. On me prendrait certes pour un fou, mais je serais dans un nouvel endroit le lendemain, ou personne n'aurait entendu parler de mes frasques... La pression sociale n'existe plus lorsque tu vagabondes. Tes regles sont celles que tu t'imposes. Et c'est cela d'ailleurs qui derange, c'est cela qui fait que lorsque je marche, hors-saison surtout, sur les routes de mon cher pays, je suis certain de me faire controler a la premiere camionette de gendarmerie croisee. Il n'y aurait jamais assez de cognes dans un pays si 'l'autre' n'etait pas la pour, par son regard, imposer la loi. Oh, ce n'est pas que le conde moyen ait conscience de cela... Il agit instinctivement, comme ces molosses dans les fermes chassant les gens portant baton et mendiants (pourquoi je cite La Fontaine?), juste parce qu'il 'sent' que quelque chose derange. Et son kepi l'empeche de voir la grandeur du vagabond, d'entendre que s'il agit comme il agit, ce n'est pas par peur du regard des autres ou parce que le gourou local a decrete qu'il ne fallait pas faire chier son prochain (le lointain, c'est en option), mais parce qu'il l'a choisi. Et c'est ce qui rend les clochards de Kerouac celestes...

Putain, ca a pris du temps, mais je commence enfin a rentrer dans la peau du personnage...

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Ca fait une semaine que je suis la. Il est temps de repartir. J'empoigne mon baton, je remonte ma capuche, et je m'elance vers la sortie de la ville. Je traverse le champ d'ordures qui l'entoure, avant de me retrouver dans un desert argileux. Je marche au milieu des plaines, a l'ecart de la route. Mais le desert ne dure pas... La terre devient de plus en plus humide, jusqu'a se transformer en champ de boue qui recouvre mes pieds, retenant, sucant, avalant chacun de mes pas comme les ventouses d'une gigantesque pieuvre faite sentier.

Un doute me prend au bout de quelques heures. Les ombres ne sont pas a leur place. Je regarde ma carte, je sors ma boussole...

- Mais quel couillon! Je me suis plante de route a la sortie de la ville.

Je pourrais tenter de couper a l'azimut pour rejoindre la bonne piste, mais ce serait presque aussi long que de repasser par Uyuni. Je me decide a faire demi-tour. Les paysages sont magnifiques, ce n'est pas le soucis. C'est juste que je n'ai pas envie de retourner dans cette ville que j'execre... mais je le fais. Et j'y reste meme trois jours de plus, sans comprendre pourquoi. J'avais quelques trucs a faire sur internet... Non, c'est juste une excuse. La verite, c'est que ca fait trois jours que je me reveille le matin sans avoir la force de bouger, sans arriver a me remettre dans l'etat d'esprit du marcheur. C'est con, il faudrait juste que je me lance, que je me foutte un bon coup de tatane au cul, ca viendrait tout seul... Je repartirai demain.

Je retourne ripailler dans ma gargote habituelle. Comme a l'accoutumee, je suis le seul client. La cuisine n'est pas pire qu'ailleurs - plutot bonne, meme -, c'est le resto le moins cher de la plaza de los gringos, et le serveur, du haut de ses treize ou quatorze ans, doit etre le seul du coin qui ne semble pas etre sur le point de mourir de neurasthenie. Il ne faut pas chercher a comprendre...

Je repense a mon arrivee en Inde... Je suis exactement dans le meme etat d'esprit. Tu passes plus d'un an a trainer tes savates sur la route, a cotoyer du bourlingueur, a te prendre des cuites avec des membres du PKK, a envoyer chier du taliban qui te dit que 'Mohamed', ca t'irait bien comme prenom, et soudain, sans trop savoir pourquoi ni comment, tu te retrouves a Delhi, au milieu de ricaines ne portant qu'un haut de bikini 'parce que les femmes ici se baladent a moitie a poil' (sans comprendre que si elles ont toutes le bide a l'air, tu ne verras jamais un bout de nichon qui depasse), et de kadors venus se griller les trois neurones qui leur restent a coup d'extas a Goa. Si jamais tu croises un occidental dans les zones tribales, tu vas prendre un verre avec, tailler une bavette; la-bas comme ici, tu es noye sous le flot des touristes, des consommateurs de faux exotisme. C'est exactement comme la fois ou j'avais passe deux ou trois jours seul en pleine montagne pour rejoindre le Brevent... ou je me suis retrouve submerge par la maree humaine des vacanciers montes en telecabine sur la journee. Ce decalage, encore et toujours... Ce putain de decalage...

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Je rejoins vite le village de Colchani le lendemain, aux portes du plus grand desert de sel au monde, a en croire les boliviens. En meme temps, tout ici est le plus grand ou le plus haut machin au monde. Je suis poli, j'veux pas les contredire, mais meme en faisant des efforts, y a des fois ou je me dis qu'ils abusent un peu... Mais bon, admettons, c'est le plus grand salar au monde.

Mon guide me dit qu'il y a un hotel entierement fait de blocs de sel dans la ville, et pas cher en plus - c'est le gros truc ici, les hotels de sel, mais en general, il faut eventrer son portefeuille rien que pour avoir le privilege de zyeuter l'endroit, alors forcement, je me mets a jubiler d'avance... Sauf que la jubilation, elle a pas dure longtemps. Personne en a entendu parler de c't'hotel.

- Bon, j'fais quoi, maintenant?

Je me retrouve a la sortie de la ville avant qu'une reponse ne daigne s'offrir a moi. Je vois des panneaux flechant vers d'autres hotels de sel a quatre ou cinq bornes. C'est ma direction, ca ne coute rien d'aller voir... Enfin... ca ne coute rien... Je viens de passer la journee a jouer a semer les nuages qui me poursuivaient, mais la ils ont fini par me rattraper les saligots, et c'est pas qu'un peu qu'ils se dechainent. Ils font leurs orageux... Et vas-y que j'te balance un eclair... Oh et puis on va rajouter un peu de grele tant qu'a faire... Ca ne suffit pas? Bon bah on va y aller a l'ancienne, a coup de trombes d'eau, genre biblique le truc. J'en perds mes lunettes de soleil avec ces conneries. Ca va devenir un running gag... Je les avais retirees losque j'ai enfile mon poncho de pluie, plus moyen de les retrouver. Je ne suis plus a ca pret en meme temps.

J'arrive a la limite du salar. Il y a deux hotels. Un gros palace que je ne vais meme pas voir, et un autre... Top classe, le truc. Du sel partout, meme par terre. Tout est blanc, il y a meme des sculptures geantes de sel. Je fous de la boue partout - je pensais pas a mal, j'voulais juste rajouter un peu de couleur... Un retraite ricain devant moi prend la derniere chambre - tout est reserve pour les japonais. En meme temps, a 80$ la nuit, j'lui aurait laissee, sa mansarde. Mais ceci dit, j'ai bien l'air con, moi, maintenant... Je rebrousse chemin en direction de Colchani.

Un type en pickup s'arrete et propose de monter. Fort aimable, mon bon prince, le manant couvert de boue que je suis n'en demandait pas tant. On papote... Les questions bateau... Je pourrais formuler les reponses avant qu'il ne les pose...

- Tu viens d'ou?
- De France.
- De quel coin en France?
- Des montagnes, des Alpes.

Ca sonne comme une chanson dans ma tete. Mais ce coup-ci, il y a une variante dans le refrain. J'ai affaire a un connaisseur...

- Ah ouais? J'ai traine mes guetres vers Chamonix, je suis guide de haute montagne.

Oh putain, dans mes bras, le frangin... Mais faut croire que le metier est aussi galere en Bolivie qu'en France... Fini la grimpe pour lui, et bonjour le convoyage de jap's en 4x4. Il me file quand meme sa carte, des fois que j'aie envie de faire un peu de varape... Je fais mon oblige, mais y a peu de chances que je le revoie... Je lui enverrai quand meme une photo du Perou, ca l'fera triper...

Bon bah, Colchani, nous r'voila... Reste plus qu'a trouver un coin ou pioncer, maintenant. Je tombe sur un groupe de gens vendant des machins en laine pour les touristes - quitte a voir defiler des japonais a longueur de journee, autant en profiter pour leur sucer un peu de yens, c'est de bonne guerre... J'leur demande s'ils en connaissent pas une, eux, d'hospedaje. Un truc qui ferait dans le raisonnable au niveau des prix, et qui ne serait pas blindee...

- Bah ouais... ici. Mais... attends... avant ca, tu fous quoi, ici, a pied?

Et c'est parti pour une demi-heure de palabre a base de Chili, d'Argentine, de vent et d'ampoules... Et puis pas qu'une fois, que je dois l'faire, le recit. A chaque fois que quelqu'un arrive, c'est rebelotte, les autres lui font un petit resume, et j'dois recommencer pour les details. Heureusement, on finit quand meme par me faire passer derriere les stands au bout d'un moment, et on me conduit vers ma suite. Les chiotes sont dans la cour, il n'y a pas l'eau courante, mais mon lit est fait de blocs de sel. 30 BOB la nuit. Je pourrais rester un mois ici pour le prix de deux nuites avec les japonais...

Un chauffeur croise devant revient rapidement me voir. Je l'intrigue, il fait son persistant. Il veut des details, essayer de comprendre... Je ne suis pas sur qu'il ait saisi le fond du truc, mais ca a l'air de lui faire plaisir de discuter. Il finit par me laisser pour aller retrouver ses clients. Je tombe dans l'improbable une heure plus tard. Un couple de parisiens avec des sacs a dos miniatures debarque - on partagera la meme chambre. Ils ont pris le tour le moins cher possible pour le salar, alors forcement, ils doivent aussi gerer le miteux qui va avec, ca fait partie du charme... Et c'est aussi grace a eux que j'ai croise mon premier transexuel bolivien, Santiago, leur cuisiniere. Il est tout mignon avec ses longs cheveux noirs, a faire sa timide...

Santos, le chauffeur, est vite mis au courant de ce que je fais. Le mec rigole tout le temps, il est hallucinant. Meme quand il te raconte comment deux de ses potes sont morts foudroyes, ca le fait marrer. Il doit faire partie de ces gens qui ont compris que la vie est deja trop courte, alors si en plus on doit s'emmerder a tirer la tronche...

- T'es pas le seul a marcher, tu sais? J'ai croise un autre type a la sortie de Tupiza il y a quelques temps, avec un parapluie et un tout petit sac...
- Sur la route de San Vicente?
- Oui.
- Cherche pas, c'etait moi... Je crois que tous les chauffeurs du coin m'ont deja croise...

Ca le fait encore plus marrer. Par contre, il ne rigole plus du tout quand je lui apprends que j'ai pete mon parapluie et qu'il est reste a Uyuni. Il fait presque son larmoyant... C'est une partie du mythe qui s'envole pour lui...

Ils m'invitent a manger pour feter ca. Je venais de m'enfiler deux hamburguesas achetes dans la rue, mais ca ne se refuse pas. Et puis ils faisaient leurs insistants... C'est encore le deluge cette nuit. Les eclairs fusent de partout. Je suis bien content d'etre a l'interieur, tiens. Santos, avant d'aller se coucher, me propose de venir avec eux demain, pour traverser la moitie du salar. Je joue le vaillant:

- Non, c'est sympa, mais je vais tout faire a pied...

Ca ne l'a pas empeche de venir me souhaiter une bonne route avant de partir... a cinq heures du mat. C'est sympa, ca vient du coeur... mais fallait vraiment pas se sentir oblige de me reveiller pour ca...

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Les rues de Colchani sont desertes lorsque je pars. En meme temps, je ne m'attendais pas non plus a ce qu'ils organisent une parade pour me dire aurevoir... J'arrive rapidement aux abords du salar. J'avance dans du detrempe, du collant, du 'vas-y que j'te laisse t'enfoncer de dix centimetres a chaque pas et que je tente de te garder ta godasse quand tu r'leves le pied'. Du sable-mouvant wannabe, quoi. Et plus j'avance, et plus ca se n'importequoitise. Y a de la flotte en prime, maintenant, juste pour faire trempette au debut, mais ca suffit pas, alors on en remet une couche, jusqu'aux chevilles, jusqu'a mi-molet...

- J'vais jamais m'en sortir, de c'truc.

Le sel commence a m'irriter. J'en ai partout. Mes pieds et mon futal se mettent a changer de regne, et donnent dans le mineral. Mes yeux sont brules par le soleil. Je dois faire mon Ray Charles pour eviter la cecite des neiges... enfin... du sel... ne levant qu'une paupiere de temps en temps pour verifier que je garde le bon cap. Mais putain ce que c'est beau...

Du blanc immacule a perte de vue... Du bleu, aussi, celui du ciel, qui se confond avec le sel. Il y a souvent tellement de lumiere qu'il est impossible de distinguer les deux. Seul le rose des flamands tranche parfois dans cette debauche de clarte. Je m'enfonce de plus en plus dans le salar. Je marche sur les nuages. Je m'envole dans le sel. Des iles surgissent au loin... Elles semblent si proches... J'en vois une ou je me dis que je pourrais passer la nuit... Il s'agit d'un volcan a quatre-vingt ou cent kilometres de la. Ma boussole ne fonctionne plus: les minerais sous la surface perturbent le champ magnetique. Je suis seul au monde, dans cet enfer qui s'est teinte des couleurs du paradis. Il t'aspire, t'entraine, de plus en plus profondement en son sein. Le centre du salar est sec, plus ou moins. Je tombe sur quelques chaumieres abandonnees, surgissant comme une oasis au milieu du desert. Je continue en direction du volcan, mon seul repere. Les heures defilent. Le sel et le soleil finissent de me bruler les chairs. Il faut que je retourne vers le rivage...

Oui, le rivage. Tout se confond ici. Je ne sais plus s'il s'agit d'une mer ou d'un desert. Mais une chose est sure: il va repleuvoir cette nuit, et tout sera completement innonde. Je ne peux pas rester la. Les montagnes a l'est semblent proches... Il doit y avoir cinq kilometres... Il y en a des dizaines. Je marche une heure... deux... La nature du sol change. Le sable se mele a l'argile et au sel pour creer de nouvelles textures, de nouvelles couleurs. Le jour baisse. Je viens enfin de sortir du salar, mais les montagnes semblent toujours aussi loin. J'avance sur les dunes. Je n'ai pas le choix, je vais devoir m'installer la pour la nuit.

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Je vais peut-etre casser le mythe, mais il y a un truc qu'il n'aime pas, monsieur le bourlingueur, mais pas du tout. Il a meme le trouillometre au taquet, la, facon 'j'ai envie de creuser un trou pour me planquer sous terre'. Des eclairs, par centaines. Ca a commence par flashouiller gentiment au loin, je ne m'en faisais pas trop, je m'amusais a calculer les distances... Mais il s'est mis a y en avoir de plus en plus, des eclairs. Tellement que je n'arrivais plus a savoir auquel correspondait tel bruit de tonnerre. Alors j'ai commence a les compter, comme des moutons, pour m'endormir... J'ai arrete au bout d'une cinquantaine. Je savais que mon tarp n'allait pas tenir sur le sable. Au premier coup de vent, ca n'a pas manque: une sardine d'arrachee. J'ai baisse mon baton, laissant retomber la toile sur moi. Au moins, il ne fera pas paratonnerre comme ca...

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Les montagnes... Ces foutues montagnes. Plus j'avance, et plus elles reculent.

- Rev'nez, bordel, j'vous ai rien fait, moi!

Mes jambes de pantalon sont cristalisees et m'empechent de me mouvoir avec mon aisance habituelle. Mes pieds sont laceres jusqu'au sang a la base du gros orteil, a cause des frottements avec les lanieres de mes sandales, rigidifiees par le sel. Mon talon recommence a me faire souffrir. J'ai un oeil en berne, la paupiere brulee par le soleil. Chaque pas devient un calvaire... 'Ce qui ne te tue pas te rend plus fort.' Conneries de prof de philologie atteint de siphilis, bien planque derriere son bureau. J'en chie, et je manque de sommeil.

Les pistes les plus proches sont a des dizaines de kilometres. Je m'oriente au soleil. Je finis par atteindre des collines. La vegetation commence a reapparaitre. Tout ce qui pousse ici a des epines. J'avance avec la dexterite d'un sanglier. J'ai de plus en plus de mal a faire de longues enjambees pour eviter les saloperies qui arrivent a pousser sur cette terre aride. Du sang coule d'ailleurs de l'un mes orteils - des epines que je n'ai sues eviter, je ne l'avais meme pas remarque.

Tout ici est trompeur. La terre, les plantes meme, se rigidifient et se mineralisent. L'argile chargee de sel s'est solidifiee et forme une serie de bassins que j'escalade. Je croise de nombreuses ruines en pierre. Elles me fascinent. J'en oublie presque le salar. Elles me rappellent celles de T., en Argentine. De simples pierres empilees, sans mortier pour les faire tenir, mais toujours la, debout. Depuis combien de temps? Un siecle? Deux? Ou peut-etre n'est-ce que depuis une generation? Il y a quelques petites grottes aussi, emmurees. Quel peuple de fous a pu bien un jour habiter ces landes foudroyees aux portes de l'enfer? M'est d'avis que la region a bien plus de mysteres a presenter que le seul salar que tout le monde se contente de visiter...

Je finis par atteindre les montagnes. Il y a quelques terres cultivees dans les environs. Un troupeau de guanacos, ces ancetres des lamas, prend la fuite en me voyant. Mon guide me dit qu'il n'en reste que dans un seul parc national, mais j'en ai assez vus en Terre de Feu pour etre sur de ne pas me tromper. Ils se dirigent vers une petite masure en terre abandonnee. Le toit de paille est defonce par endroits, mais je trouverai pas mieux. Je decide de m'y arreter pour la nuit. Tout est craquele par les ruissellements et couvert de poussiere, mais je suis a l'abri des eclairs. Un couple d'oiseaux y niche. Ils viendront se terrer au-dessus de moi a la nuit tombee.

Je poursuis ma route par-dela les montagnes. J'en franchis, j'en contourne, ca n'en finit pas. J'arrive dans un canyon. Je me mets a le suivre, mais les berges autour du rio disparaissent bien vite. Je dois remonter sur les hauteurs. D'immenses crevasses fendent le sol. Et toujours nulle piste a l'horizon... Peu importe. J'ai de l'eau. J'ai de quoi manger.

Je retrouve la civilisation le lendemain. Enfin... la civilisation... Des pistes eventrees par les traces de pneus, quoi. Pas grand-monde ne passe par la, si ce n'est les camions des ponts et chaussees. J'avance vers le nord, encore et toujours. Un pickup s'arrete dans l'apres-midi. Le chauffeur me propose de monter. Combien de fois cela m'est-il arrive? Combien de fois ai-je refuse? J'accepte ce coup-ci. C'est trop tentant. Il est blinde a raz-bord, je m'assois a l'arriere sur une grosse caisse. A chaque bosse, a chaque virage, je risque de passer par-dessus bord - je ne pouvais pas rater cette experience. Un 4x4 de gringos arrive dans l'autre sens. Trois visages  hebahis s'agglutinent contre la vitre, appareil photo en main. Je n'y prette pas attention. Je chevauche ma monture mecanique jusqu'a Huari, au bord du lac Poopo, le second du pays en taille si je m'abuse. Ils ont un de ces talents pour choisir leurs noms de lac... Entre le Titicaca et celui-ci, je crois que des generations d'ecoliers francais ne sont pas prets d'arreter de rigoler des boliviens...

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Et juste pour montrer que le salar est vraiment hospitalier....

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A suivre...

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EDIT - Tiens, au fait, j'allais oublier...

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Dernière modification par Kam (24-02-2014 01:43:31)

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#259 16-02-2014 22:59:20

ventcalme
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Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

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Kam a écrit :

... Je ne sais plus s'il s'agit d'une mer ou d'un desert ...

Moi non plus. Il va falloir se renseigner wink
Mais que c'est beau !  cool

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#260 16-02-2014 23:19:00

Magic Manu
Magicien itinérant
Inscription : 12-11-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

yikes  yikes  yikes


"Il en faut peu pour être heureux" (Baloo, le Livre de la Jungle)
Le kilt? La meilleure façon d’être en « burnes out »!
Trombi

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#261 16-02-2014 23:26:22

martie
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Inscription : 04-03-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

voilà qui remue et ne laisse pas indifférent
récit qui me touche
pas de mot pour en dire vraiment quelque chose!

merci Kam de nous faire partager cette expérience 
bonne route!
et à suivre!...

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#262 18-02-2014 14:07:56

andre1980
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Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Aie aie aie pour les pieds. La photo avec le sel donne pas envie de faire comme toi.
J'imagine les grains de sel rouler entre la sandale et le dessous des pieds. Que ça doit être désagréable.

Avec le frottement des grains et la déshydratation de la peau (du au sel), tu as fait quelques chose pour diminuer les risques de micro-coupure/crevasse ?

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#263 19-02-2014 00:55:27

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Non rien. Resultat, pas mal de peau qui a saute au niveau des sangles de mes sandales avec les frottements, et une belle infection, mais ca va passer. wink

Sinon, non, pas trop de gros grains de sel, a part en bordure, sur la partie innondee. Mais le pire, c'est le sel qui se cristalise en petites boules sur les poils des pieds je crois: tu as droit a une epilation gratuite des que tu les frottes...

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#264 19-02-2014 14:45:49

raoulglloq
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Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Super recit Kam.

je m interessait a ton jean de rando afin d eviter de me traballer un jean qui ne me sert qu en ville. J ai regarde le site du fabriquant mais j arrive pas a voir combien de poches il contient et quelle taille elles font.

En effet un pantalon de rando offre l avantage d avoir pas mal de poche et de pouvoir ainsi caser les APN, passeports, telephones...
Pourrais tu décrire la tailles et le nombre de poches de ton jean de rando?

Apres reste plus qu a voir sil proposent un modele plus leger que le tient.

EDIT: j ai trouve ma reponse ici finalement
https://www.randonner-leger.org/forum/v … p?id=24143

Dernière modification par raoulglloq (19-02-2014 14:53:49)

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#265 26-02-2014 18:53:21

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Pas du tout inspire ce coup-ci. Désolé, je ne vous livre que quelques fragments du coup...

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Copacabana

Un dimanche pluvieux a Oruro. Les hospedajes sont blindées. Aucune n'a de chambres simples. Je me pose sur la place. Des argentins jonglent avec des machettes. Deux scandinaves prennent le soleil, à moitie a poil. Delhi... Rien ne change. Des gamins s'arrosent avec des pistolets a eau. L'un d'eux revient avec un sac plastique rempli de bombes a eau. Les blondasses se font bombarder façon lâchage de napalm en Indochine. Elles les insultent en suédois, avant de se reprendre quelques volées supplémentaires. Le ciel commence a se couvrir...

Le carnaval - l'un des plus célèbres en Amérique Latine - est dans deux semaines, mais c'est comme s'il avait déjà commence. Des fanfares défilent dans chaque rue, accompagnées d'un cortège de danseurs piétinant les canettes de Paceña qui jonchent leur chemin. On se prépare, on s’entraîne. Les costumes ne sont pas encore sortis, mais on répète les chorégraphies. Et on picole, aussi, beaucoup. C'est pareil, on s’entraîne...

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Le bus roule vers La Paz. Pas eu le courage de m'enfiler une megalopole de plus a pieds. J'en ai trop fait. Malheureusement, il existe une loi a laquelle je n'ai jamais pu me soustraire: prendre le bus signifie immanquablement, inexorablement, se retrouver assis a cote d'un gros et gras chilien tentant de s'accaparer tour l'espace.

La bataille de l’accoudoir vient de commencer. Je ne peux pas le laisser gagner. Je m'en fous de l’accoudoir, je suis bien sans, c'est juste que si je le laisse s'installer, il va me bouffer tout l'espace, caler son coude dans mes cotes, etaler sa graisse sur moi... Il a pris l'avantage, l'enfoire, mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Je glisse mon coude ou je peux, et je fais rempart avec mon bras.

- Moi vivant, tu ne passeras pas!

Il se retourne pour dire un truc a ses potes, j'en profite pour conquerir le reste de l’accoudoir. Je triomphe. Mais la victoire a ete trop facile... Je finis par me relacher. Il saute sur l'objet convoite comme une hyene. On est coude a coude. Aucun de nous ne veut lacher.

- Utima parada!

- T'as de la chance. T'as vraiment de la chance mon gars. Un jour, j'aurai ma revanche...

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La Paz... C'est magnifique comme ville... quand tu la vois de loin. Ca me rappelle Briancon... a la puissance dix. Comme chez moi, ils n'ont pas ete foutus de trouver une vallee assez large pour accueillir la ville. Alors elle se met a grimper de tous les cotes, la ville, forcement. Elle escalade les montagnes, vomit des habitations de partout. Elle fait son chilien des qu'il voit un accoudoir, quoi. Mais de loin, y a pas a dire, ca a vraiment de la gueule, avec toutes ces maisons de brique qui tranchent avec le vert des montagnes... Par contre, de pres... c'est comme ailleurs en Bolivie: des maisons de brique deguelasses, a moitie finies, servant de support aux fils electriques. Et puis il y a la polution... Les gaz d'echappement noiratres a 3600m d'altitude, j'peux vous dire qu'on les sent passer. Et ils ne s'en vont pas seuls, les saligots, ils t'embarquent un poumon au passage...

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Siege 42. Je vais jusqu'au fond du bus, ca s'arrete au 41. La nana au guichet m'avais bien prevenu d'un truc, mais je n'avais rien compris. Et puis je m'en fouttais un peu, je voulais juste une place pour sortir de La Paz et m'avancer vers Copa. Je vais voir le chauffeur...

- Le 42? C'est la, sur le strapontin, dans la cabine.

J'ai la meilleure place de tout le bus. Les gringos derriere me regardaient deja bizarement avec mon poncho et mon baton, mais la, a me voir machouiller de la coca et boire du mate dans la cabine avec le chauffeur, ils se demandent vraiment d'ou je debarque. On recupere un couple d'argentins un peu plus loin. Il n'y a pas vraiment de place, mais on se serre.

- Bon, vu que t'as une guitare, on va peut-etre couper l'auto-radio?

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Ca fait une demi-heure que j'attends mon pique macho. Pas grave, je ne suis pas presse. Maria explose en larmes. Elle a quatre ans. La bombe a eau avec laquelle elle jouait vient de lui exploser dans les mains. Elle en a partout. Sa grande soeur arrive. Maria m'avait file deux ballons pleins de bave. On va les remplir dans la salle de bain. Le sourire revient...

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De l'herbe. Des arbres. Depuis combien de temps est-ce que je n'en avais pas vus? Je me souviens de cette petite fleur pres du salar, minuscule, rachitique... Elle semblait relever du miracle. La verdure commence a timidement reprendre ses droits ici. Je retire mes sandales. J'ai toujours des iritations sur le dessus des pieds. Je devrais marcher pieds nus plus souvent...

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- Toi, cha fait un bout de temps que t'es en Amerique Latine, che me trompe?

Encore un argentin. Je n'en avais jamais autant vus qu'a Copa. Il y en a partout. Des chiliens, aussi, quelques uns. Ils sont faciles a reperer, les argentins: ils ont tous une guitare, des massues de jonglage, ou un presentoir a bijoux. Et puis il y a la coupe de cheveux. Dreads ou, pour les mecs, rases sur les cotes et cheveux longs sur le dessus, facon chanteur ringard des annees 80. Pour les chiliens, c'est teinture rouge et / ou pour les nanas longues nates avec des fils de couleur entremeles. Long piercing au menton aussi, parfois, facon barbe de maitre zen chinois. Beaucoup plus coinces, egalement. Fab m'avait afranchi a Puerto Natales: "l'Argentine et le Chili, c'est la cigale et la fourmi" - je ne crois pas qu'il y ait de meilleure description, a tous les points de vue.

- Ouais, ca doit faire cinq mois - a quoi tu vois ca?
- A ta tronche, deja, et puis tu viens de commander le seul plat a la carte qui n'est pas traduit en anglais, en utilisant le vrai nom au lieu de lire ce qui etait ecrit...

Une bolivienne m'interpele...

- Ca fait chier si on fait une photo?
- Euh...
- La, avec ma mere!

Et me v'la posant avec la mamie chapeaumelonisee. En general, c'est l'inverse, c'est les gringos qui prennent les petites vieilles en photo...

- Une derniere avec moi!

Meme sans mon baton, juste pose a la terrace d'un d'un cafe, j'arrive a me faire remarquer...

Un cireur de chaussures arrive. Il veut me faire les sandales... Apres avoir connu ceux d’Istanbul, je suis pare. Il se met a me raconter sa vie du coup, tout timide avec sa voix suraigue, a me balancer du "señor" a tout va... Il vient du Perou.

- On m'avait dit qu'il y avait du boulot ici, mais tous les touristes sont en sandales ou en baskets... Je veux juste retourner chez moi...

L'histoire triste et malheureuse de beaucoup d'immigres...

- T'as pas essaye a La Paz?
- Je ne peux pas, tout est organise la-bas. Tu ne peux pas t'installer comme ca, ils ont des syndicats...

Je l'ecoute me parler pendant cinq minutes de la mafia des cireurs de pompes... Je finis par lui filer cinq bolivianos. Pas si pare que ca apres Istanbul au final... Mais au moins lui avait l'air sincere. Ou alors il faudrait que ses collegues turcs prennent des lecons.

Il me laisse. Mon plat arrive. Un midi comme les autres en Bolivie.

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La benediction des bagnoles...

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- Merde, faut vraiment que j'arrete de fumer.

Je viens de debarquer sur l'Isla del Sol, et c'est pas qu'un peu qu'elle attaque, la colline. A 3600m, tu la sens passer. Je me pose dans une petite hospedaje. Il n'y a pas l'eau courante. Tu tires la chasse a coup de brocs d'eau de pluie. Je commence a avoir l'habitude en Bolivie.

C'est marrant ce coin. Super touristique d'un cote: t'as l'impression que chaque famille tient une auberge ou un resto, mais en meme temps, ils continuent de vivre comme toujours, bossant dans les champs. C'est comme si le tourisme etait une plus-value, plus que bienvenue, mais sur laquelle on ne comptait qu'a moitie.

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Le couteau effile dechire la chair du jeune lama. Le sang ruisselle de son cou, et impregne l'autel. C'est en cet endroit precis qu'est ne le soleil. Ca doit marcher. Ca ne peut pas echouer. Les dieux vont nous entendre. Les innondations vont cesser...

Six cents ans plus tard. Le sang a depuis longtemps ete lave par la pluie. Deux americains et une anglaise s'envoient un paquet de Pringles en sirotant une Paceña. L'heritage des incas... des tables de picnic et de l'Inka Cola.

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#266 09-03-2014 17:11:18

Le porc
vieille sacoche
Lieu : le sol
Inscription : 15-01-2013

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Très cool ce récit, merci de partager ça  smile
En te souhaitant bonne route euh chemin... enfin bon sol quoi  tongue

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#267 29-03-2014 20:49:39

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Aguas Calientes

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Je fais trois batiments a la frontiere avant de trouver un tamponeur en uniforme. 90 jours. Je ne sais pas si ca suffira, mais c'est le max que je pouvais avoir. Je m'avance dans la banlieue de Yunguy.

- Jamais vu aussi peu de differences entre deux pays, que j'me dis au premier abord.

J'allais vite me raviser. Y a peut-etre les memes baraques delabrees d'un cote comme de l'autre, mais ce n'est pas trois briques qui font un pays. Un groupe d'ados arrive dans l'autre direction. Ils se fouttent de ma gueule, pensant que je ne parlais pas espagnol.

- Bon, c'est juste des jeunes cons, comme il y en a plein en France... N'empeche qu'en Bolivie, j'en ai pas croise un seul...

Je continue. Un type qui posait des fenetres me lance un retentissant "GRINNNGO" avant de se planquer derriere un mur. Celui-la, je le laisse pas passer:

- Tu parles a qui, culiado?

Pas de reponse. J'attends de voir la suite, mais j'ai deja connu mieux comme comite d'accueil...

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Ilave. Faut pas aller la, que j'ai lu, c'est des barbares, zont lynche le maire sur la place publique il y a dix ans. Il ne faisait pas le taf. La democratie a coup de paves dans la gueule, forcement, ca fait fremir l'occidental, mais faut les excuser, c'est pas leur faute... Ils ont pas lu Montesquieu... Ils ne savent pas, eux, que la democratie, ce n'est pas le droit des peuples a se gouverner eux-memes mais le droit des peuples a choisir ceux qui vont les gouverner.

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Bon, c'est maintenant un fait etabli, la polution a cette altitude, je ne supporte pas. "V'nez a la montagne, qu'ils disaient, c'est bon pour la sante!" Ouais, bah faut croire qu'ils ne connaissent pas le coin. Il faut vraiment que je quitte Puno. Mais il y a quelque chose de magique en cet endroit... Quelque chose qui me rappelle un temps lointain... Ca y est, je sais ce que c'est: du fromage. Des petites vieilles sur le marche qui vendent des meules de fromage. Et puis des supermarches aussi, avec des chips, du pisco, et des MM's en rayon. Il y a meme des magasins vendant des trucs informatiques. Allez savoir ou j'ai debarque.

Un autorickshaw tente de m'ecraser lorsque je traverse la rue. C'est marrant, pas plus tard qu'hier, je pensais a des voyages futurs a base de traversee de trois continents en rickshaw achete en Inde...

Je vais m'assoir sur les bords du marecage qui borde le lac. Je comate devant la version locale et psychedelique du canard: un bestiau au bec bleu fluo. Je ne sais pas ce qu'il y a dans la vase, mais je crois que je vais faire mon Chirac quand il parle de se baigner dans la Seine...

Un type arrive, completement torche. Il s'assoit a cote de moi, forcement...

- Bon, attends, papa, ca ne va pas le faire, la. Dans l'etat ou tu es, je ne vais pas arriver a te suivre. Soit on va se prendre quelques verres, histoire que je me mette a niveau, soit je te laisse la...

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"Faut pas aller dans cette ville, c'est trop dangereux." "Les banlieues de ce bled sont remplies d'alcooliques agressifs." "Il y a des gonzes caches derriere chaque rocher de ces ruines qui agressent les touristes." Voila ce que je lis depuis une semaine. T'as beau faire ton indifferent, n'empeche qu'au bout d'un moment, ca finit par t'impreigner. Je n'en suis pas encore a tomber dans la parano, mais je ne suis pas aussi a l'aise que d'habitude a la sortie de Puno. C'est un peu con...

En meme temps, il faut dire que je suis assez mitige vis-a-vis des peruviens... Souvent, ils sont aussi cools qu'en Bolivie, mais il y a toujours un con qui sort du lot pour tout foutre en l'air. Trop de touristes, j'imagine. Trop de villes, aussi. Un con, dans un village, c'est isole, ca n'ose pas la rammener, mais en ville, il retrouve des sembables, ca l'encourage, il se desinhibe. Il en devient fier de sa connerie du coup, et il l'affiche. Il va se foutre de toi et te lancer du gringo quand il te croise... Je ne sais pas quoi faire, si ce n'est soupirer. On n'est pas si eloigne que ca des macaques au final...

Je suis la nationale pour sortir de la ville, comme d'hab. Des ordures, des gaz d'echappement noiratres, quelques stands vendant de l'Inca Kola et du Coca, deux ou trois gars torches au petit matin, une famille de paysans qui arrive en ville pour vendre je ne sais quoi... Comme d'hab. Il doit y avoir un bus ou un micro qui passe toutes les trente secondes, et a chaque fois, c'est un coup de klaxon. Meme quand ils vont dans le sens inverse, des fois que je change soudainement d'avis et que je decide de retourner a Puno j'imagine...

Une sente a lamas monte dans les montagnes. Je fais comme je fais depuis que je suis arrive en Bolivie: je la suis, sans savoir exactement ou elle va, et j'ajuste le cap a l'azimut au besoin. Il y a quelques arbres. Le parfum des aiguilles de pin me rappelle le pays. Je passe un premier village, un second... Je m'arrete.

Ouais. Je m'arrete. C'est fini. Je laisse mon baton derriere moi, contre un pylone. J'arrete la marche. Je ne sais pas combien de bornes j'ai parcourrues - 4000 peut-etre? Un peu plus? Peu importe... J'arrete. J'en ai assez fait. En meme temps, je crois que n'importe qui qui a traverse la Terre de Feu a pied a se prendre des vents a 50 ou 70 km/h dans la tronche en permanence pourrait en dire autant. Pourquoi j'arrete? Je n'en sais rien... Pourquoi ai-je commence en premier lieu?

Un pickup me prend en stop. Deux types qui m'avaient croise a la sortie de Puno et qui m'ont reconnu. Ils bossent pour je ne sais quel parti politique. Ils me ressortent le discours classique sur l'insecurite a Juliaca, le prochain bled. Ca serait un coupe-gorge a la nuit tombee. Apres, c'est aussi le theme de leur campagne... Ca ne change pas des masses de ce que l'on entend en France.

J'en suis presque a gober leur speach et a me cloisoner dans ma chambre d'hotel, mais... c'est juste trop con. C'etait pas la peine de m'arreter la si c'est pour ne pas mettre les pieds dehors. Et puis faut dire aussi que je tombe bien, ils fetent le carnaval avec quelques jours de retard. Oh, ca ne vaut pas ne serait-ce que les prepararifs de celui d'Oruro, mais ca change de l'image de la ville que l'on m'avait depeinte.

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C'est officiel, les douaniers peruviens viennent de decrocher la troisieme place tant convoitee des garde-chiournes les plus cons de la planete, derriere mes compatriotes et leurs collegues pakistanais, detronant les albanais au passage. Le classement n'est que provisoire et je sens qu'une visite aux US le chamboulerait, mais je dois dire qu'ils ont fait tres fort, j'en suis impressionne... Deux controles sur la route de Cusco... Trois heures a poireauter pour que les douaniers puissent repartir avec une paire de thongs toute neuve.

Les bus ici, ca fait aussi transport de fret. Tu as toujours une montagne de cartons a l'embarquement - des nanas qui rammenent des trucs pour leur commerce, cela va des pantoufles aux teles. Alors forcement, quand un douanier voit cela, il a la queue qui se dresse, la bave qui commence a degouliner des levres, il bloque la route, et c'est parti pour l'epluchage de paperasse, en esperant que miss Chapeau-Melon aura oublie une facture. Et de fait, miss Chapeau-Melon oublie toujours une facture. Et il le sait, ca, le douanier, c'est pour ca qu'il a la queue qui fretille. Mais le resultat quand tu ne prends pas la bonne compagnie de bus, c'est des controles a repetition, des heures perdues a s'enfiler des empenadas sur le bord de route le temps que monsieur le pourfendeur des traficants de parapluies fasse son office et defende la patrie, et de bonnes grosses engueulades - parce qu'elle ne se laisse pas faire, la miss, elle l'insulte, l'envoie balader comme un chien qui se serait attaque a son jambon. Et si tu rajoutes dans l'equation un couple d'uruguayens qui commence a la rammener parce que ca prend trop de temps, tout de suite, tu as la xenophobie qui ressort et les "retourne dans ton pays" qui fusent - au Perou comme dans beaucoup d'autres trous, il n'en faut malheureusement jamais beaucoup... Je prends toutefois note que sous pretexte de defendre leur pays, les maniaques du tampon ont reussi a ruiner les relations avec l'Uruguay...

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Cusco. Il fait nuit quand j'arrive. Je tourne, je me perds, mais je m'en prend surtout plein les yeux. C'est la premiere ville que je traverse depuis Ushuaia qui a vraiment de la gueule. Des vielles pierres, des poutres apparentes, des rues pavees... De l'inoui lorsque l'on arrive du Sud, quoi. Les incas etaient peut-etre des fiottes compares aux tribus araucanes et patagones, mais au moins, ils avaient le sens du grandiose en matiere d'architecture. Et puis les espagnols qui les ont joyeusement evisceres par la suite n'etaient pas mauvais non plus... Alors apres, c'est aussi gringoland Cusco, avec ses cohortes de rabatteurs vendant leur resto ou te proposant un massage, mais on reste dans le supportable. Ils ne vont pas te suivre pendant une heure apres que tu leur aies dit non comme en Inde.

C'est encore Carnaval. Comme a Puno. Comme a Juliaca. A croire qu'il suit mon chemin. Les ballons d'eau et les bombes de mousse a raser aussi - parce que c'est avant tout ca, Carnaval: s'en foutre plein la tronche. C'est sympa, sauf quand tu n'es pas dans le delire. Et aujourd'hui, je ne suis pas du tout. Je ne suis pas le seul, remarquez. Les nanas qui viennent de se prendre en balon sur la tronche l'ont venere, c'est a la limite de degenerer. Je crois que je n'ai jamais entendu autant d'insultes en espagnol en si peu de temps.

J'ai eu de la chance jusqu'a present, personne n'a ose s'en prendre a moi. La prestance... tout dans la prestance. Ca et l'analyse du terrain et des esquives preventives. Mais a Cusco... ils m'ont eu. Elles plutot. Les masaje girls sur la plaza de armas.

- Masaje?, qu'une me lance en ricanant a moitie.

Alerte rouge! Lourdingue en vue avec sa mousse a raser de planquee! Ah, elle voulait vraiment m'avoir celle-la. Elle a tente le tir a bout portant. De loin, elle aurait courru le risque que j'esquive, mais ca aurait ete plus sur pour elle. Erreur fatale, artilleuse en herbe. L'arme carnavalesque s'est retrouvee entre mes mains sans meme que je ne comprenne comment - reflexes a la con - et s'est videe sur le crane de la gourgandine.

- J'aime l'odeur de la mousse a raser au petit matin.

Hum... La version originale sonnait mieux.

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Je ne supporte pas les villes. Elles m'etouffent. Il n'y a pas de place pour marcher, litteralement. Regardez-le, ce gros et gras citadin, avancant, nonchalant, portable visse a l'oreille, les pieds en canard. Canard? Conard, oui! Il ne pourrait pas faire un minimum gaffe a ceux qui l'entourent et voir qu'il bloque tout le monde - et moi surtout? Et puis regardez-le avancer... Il a des articulations, mais ne s'en sert pas. Des orteils, ca s'utilise, bordel! Tu deroules le pied, fais travailler la cheville, courbe les orteils, et prends appui sur ceux-ci pour te propulser. Tu ne traines pas tes savates comme deux moignons garotes... Je dois slalommer, contourner, esquiver, et ronger mon frein surtout, parce que je ne peux pas avancer.

Putain de citadins.

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Regardez-le, le gringo, tout presse. Il a des thunes, du temps, mais il court partout. Et il va ou, comme ca? Nulle part, je suis sur, mais il y va! Et en courrant, en plus! Regardez-le doubler tout le monde. Il vient de passer sur la route, maintenant. Il va se faire percuter par une charette, c'est tout ce qu'il va gagner! Il ne va nulle part, mais il y va vite, c'est tout ce qui compte. Ah, et puis tiens, le v'la bloque derriere deux grand-meres. Regardez-le comme il enrage, le gringo. Il a le temps, mais ne le prend pas. C'est un cas desespere, je crois.

(Peu de photos de Cusco, volontairement: celles que j'ai ne rendent pas justice a la ville a cause du temps pourri)

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Je traverse Cusco sous un soleil de plomb - pour une fois - pour rejoindre l'une des gares routieres.

- Santa Maria?

Ouais, Santa Maria. J'ai longtemps hesite, mais je me suis enfin decide a y aller... La plus grosse bavure touristique du continent... Le Machu Picchu. Il y a trois options pour y aller: a pied, par l'un des trois sentiers qui debouchent a Aguas Calientes, dont l'innomable Gringo - err... Inca Trail (400 ou 500$ pour marcher pendant une semaine avec 499 eclopes qui chaque jour partent a la meme heure pour suivre le meme sentier - uniquement avec guide, a reserver jusqu'a six mois a l'avance - l'aventure, la vraie, quoi), le train (une fortune, aussi), et... l'autre.

J'allume mon MP3.

PJ Harvey - Let England Shake

X Km jusqu'au Machu Gringu. Le micro gravit peniblement les montagnes ceinturant Cusco. Un cortege de voitures de flics nous double. Il y a des controles un peu partout. Un truc ne va pas. Quelques bus passent dans l'autre sens. "Viva el paro" est tague a la bombe sur leur pare-brise. Paro... L'un des premiers mots que j'ai appris en espagnol. Greve. Je me sens fier d'etre francais tout d'un coup. Quoi qu'on en dise, son rayonnement culturel n'a pas cesse. Des types font un blocage en haut du col. Plus personne ne peut passer.

C'est pas complique l'idee d'une greve: il s'agit juste d'arreter de bosser pour montrer a quel point ca fait chier quand on ne fait pas son taf. Juste une facon de dire "regardez comme on est indispensables, maintenant, faudrait penser a nous reconsiderer". C'est plutot reglo, je trouve. Mais reste le probleme de ceux qui font un taf qui ne sert a rien, ou qui n'ont pas de taf du tout, comme les etudiants, ou de ceux dont le boulot est deja de faire chier son monde (douaniers de tous les pays, je vous salue). Pour ceux-la, arreter de bosser ne servirait pas a grand-chose. Pour certains, t'aurais meme envie de les augmenter, juste pour qu'ils ne reprennent pas le travail. Alors y a bien fallut trouver d'autres moyens, et ces moyens, c'est de faire encore plus chier que d'habitude. On a meme invente un nom pour ca. La "greve du zele" qu'ils l'appellent. C'est plus simple comme j'le dis, je trouve: ils font leurs chieurs.

J'dois dire qu'au Perou, ils ont bien assimile tout ca. La greve, c'est limite la fete du slip. Et puis c'est aussi un moyen de renouer avec les traditions encore en vigueur il y a une dizaine d'annees sur ces routes: les barrages, et le racket. On finit par passer le col en empruntant des chemins de terre aussi vertigineux que cabosses. Un quart d'heure plus tard, c'est rebelote. Une poignee de villageois, dont quelques ados, ont trouve malin de rouler des rochers sur la route pour en bloquer le passage. Le chauffeur sort. Le ton monte. Un ado nous regarde en ricanant. J'ai envie de lui coller une baffe. Je ne suis pas le seul:

- Ils sont huit, on est onze. On y va?

Tout le monde sort du minibus. Ca sent la testosterone a plein nez. L'ado a ravale son rictus. Ca se calme, mais c'etait moins une. Apres avoir connu le Sendero Luminoso, c'est pas une bande de culs-terreux qui allait impressioner mes peruviens. On finit par passer apres leur avoir file quatre ou cinq soles.

Sepultura - Roots

X Km avant le Machu Pikachu. Santa Maria. Un petit bled perdu sur la route de Quillabamba. J'attends avec deux vieux chiliens que le colectivo se remplisse. Les chauffeurs assis a cote se foutent de moi avec mon poncho. Faut dire qu'ils n'ont pas tort... On est a la limite de la jungle. Qu'est-ce que je fous encore avec ca sur le dos? Je le retire.

Santa Theresa. 20 Km avant le Machu Chanchullu. J'y passe la nuit. La seule ville sur cette planete dont les hotels n'ont que des chambres triples. Je rejoins une station hydroelectrique en stop le lendemain. 12 Km avant le Macho Dolaru.

Dead Can Dance - Spiritchaser

Je marche le long de la voie ferree. Montagnes, jungle... la Nature n'arrive pas a se decider. Des sommets en pains de sucre envahis par une vegetation etouffante... C'est magnifique. Il pleut deja. Comme tous les jours. Une petite pluie fine qui, si les nuages n'embrumaient les paysages, serait plus que bienvenue dans cette chaleur etouffante. Au bout d'une heure, je finis par croiser tout un tas de groupes de gringos marchant dans l'autre direction. Jamais seuls. Il y a toujours un guide avec eux. Aventuriers, mais pas trop non plus. Des fois qu'ils perdent les rails pris en etau entre le torrent et la vegetation impenetrable au fond de la vallee... On n'est jamais trop prudent, j'vous l'dit! Quand je pense que certains voulaient me faire prendre une balise... Et pourquoi une puce GPS plantee dans le cul? Je n'ai meme pas d'assurance rapatriement. Perimee trois mois apres mon depart. "On n'est jamais trop prudent." Si. Oh que si. Chaque fois que la securite avance, la liberte recule. Vous voulez la securite absolue? Trouvez-vous un bon vieux dictateur, c'est ce qu'il y a de mieux - et n'allez pas ensuite pleurer dans les jupes d'Orwell. Je ne parle pas en termes absolus. Entre liberte et securite, il faut trouver une limite, mais pour pouvoir choisir son destin en connaissance de cause, encore faut-il etre conscient de cet antagonisme. Et c'est justement le contraire qui se passe de nos jours. La securite est brandie comme une valeur absolue. Sauf que cet absolu, ce petit monde a base d'assurances et de normes pour la courbure maximale des concombres, il m'etouffe. Il me deprime. Et tant qu'on y est, pourquoi pas des normes pour la courbure maximale de ma...

- Calmos, papa, calmos...

Calmos... J'veux bien, moi, mais avec les troupeaux de gringos que je croise, j'ai du mal. J'ai retrouve mes Bidochons des Torres, et mes Robert, ca leur epilerait toujours autant le jouflu de repondre quand on leur lance un "buenas". Tu les voies, tu as l'impression qu'ils vont agoniser. S'ils commencaient par retirer ces vestes d'alpinisme ou ces ponchos en pastique, ca irait deja mieux... Ah ouais mais non, on leur a dit qu'il fallait se couvrir quand il pleut, pour ne pas prendre froid. L'hypothermie dans la jungle... le grand danger qui nous guete tous, c'est bien connu. Et puis s'ils sont la a cette heure, c'est qu'ils ont du se lever vers dix heures. Ne jamais faire confiance aux gens qui se levent a ces heures-la. Les gens honnetes, ca se couche tot. Tot le soir soir ou tot le matin, c'est selon, mais ca se couche tot.

Tiamat - Wildhoney

Une bande de pseudo hippies est en train de faire une pause. Un grand barbu en robe blanche - c'est pareil, ne jamais faire confiance aux gens qui s'habillent en blanc: ils ne se degueulassent pas assez pour etre honnetes -, une nana qui fait bruler de l'encens... mais toujours pas assez de vocabulaire en espagnol pour vous repondre quand on vous dit bonjour. Les sandales et le patchouli, ca se merite les boludos; c'est pas un deguisement qui va faire de toi un hippy!

Je fais un saut de trente ans en avant dans le temps quelques centaines de metres plus loin. Je tombe sur un nouveau troupeau de bros, cette espece invasive originaire des Etats Unis. L'un d'eux me regarde...

Who the fuck is this guy? And why the heck is he talking to me in Spanish? Yo, white trash, if you wanna say something, say it in English, for fuck's sake! And you know what? Don't even talk to me! Yeah, I'm sweating, yeah I'm breathing, but I'm a goddam hero. 3 miles! 3 fucking miles! That's what I've been walking today. That's one mile more than what people walk a WEEK at home, so don't even talk to me little prick. Yeah, keep running, we'll see in a few hundred yards if you can still do that, Mr "I couldn't find any buddy to go on a trip with me". Yeah, that's it, bro, get out of my sight... What the hell is he shouting now? Who cares... I knew it, he's even not American.

- Connard!

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Et c'est presque sur ces bonnes paroles que j'arrive a Aguas Calientes, au pied du Machu... desole, j'arrive pas a en trouver d'autres. Il a de la gueule, ce bled. La vallee en impose, et puis les vieilles machines de Perurail autour desquelles il semble avoir ete bati rajoutent au charme. Mais quelle arnaque! Tout est hors de prix. Le double du prix des restos touristiques des autres villes. Le quadruple des restos classiques. J'ai failli avoir un arret cardiaque quand je suis passe a la caisse avec quelques mousses... Et puis il y a le prix du billet pour le Machu Picchu. Meme arrive sur place, j'ai failli renoncer a y monter. Mais je ne l'ai pas fait...

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Il pleut a verse. Je sors du resto. Je me decide. C'est maintenant ou jamais si je veux voir ce qui se cache la-haut. Je ne resterai pas un jour de plus ici. Et puis vu le temps, j'imagine que ca sera un peu moins blinde que d'habitude... Je patauge dans la boue le long de la piste qui mene a la montagne, avant d'entamer l'ascension sur des paves aussi ruisselants que glissants.

T'as l'impression de rentrer dans le metro parisien quand tu arrives a l'entree - manque juste les tourniquets. Je planque ma bouteille d'eau sous mon poncho - tu n'as meme pas le droit d'entrer avec une bouteille en plastique. Alors... A quoi a ressemble? A rien. Enfin, si, c'est comme sur les photos. Mais ca ne ressemble a rien de plus. C'est comme le Taj Mahal en Inde - ce que j'ai pu me faire chier la-bas... Tu as vu la photo avec le palais qui se reflete dans les bassins d'eau, tu as tout vu. La c'est pareil. Il y a LA photo a prendre, celle avec les ruines surmontees des montagnes en forme de pain de sucre derriere, si possible avec un lama au premier plan pour faire comme sur la couverture du Lonely Planet, mais c'est tout. Enfin... c'est tout... les ruines sont vraiment sympa, mais c'est a l'instar des innombrables ruines de la region, bien moins frequentees, et bien moins cheres.

Passe trois heures de l'aprem', le Machu se vide. Ceux qui font l'attraction sur la journee depuis Cusco sont repartis. Et puis il faut dire aussi que vu le temps, il fallait etre motive pour y aller aujourd'hui. Je reussis presque a etre peinard quelques minutes a un moment donne. Mais ailleurs, c'est toute la journee que tu peux flaner sans etre emmerde... Je reprends la descente vers Aguas Calientes.

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Dernière modification par Kam (30-03-2014 00:40:05)

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#268 29-03-2014 21:24:48

florencia
Membre
Lieu : 71
Inscription : 11-11-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Dommage que le site du Machu Pichu et son accès se soient transformés ainsi. Je ne pensais pas qu'il pourrait un jour interdire le sentier de l'Inca aux randonneurs non accompagnés  roll

Nostalgie: Ma toute première expérience de randonnée  tongue
Le contexte, pour apprécier ce site, a évidemment son importance..
Pour moi, c'était après un réveil à l'aube, à quelques encablures, après 3 jours de marche, sans âme qui vive à l'horizon pendant près de 2H00, par un grand soleil cool
J'avoue que j'ai eu ma petite larme à l'oeil, sûrement autant pour le site que d'y être arrivée..


Déjà à l"époque les invectives de "Gringos" pleuvaient, systématiquement je me retournais et répondais " no, Francés" avec un grand sourire et cela calmait le jeu, mais j'avoue que c'était soûlant, surtout si l'on a parcourue la Bolivie juste avant...

Bonne continuation, Kam, reste calme big_smile

Flo

Dernière modification par florencia (29-03-2014 21:30:01)


Réalisations DIY
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"Si vous pensez que l'aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle !" -Paulo Coelho.

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#269 31-03-2014 03:59:39

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Et encore, tu n'as du connaitre les boletos turisticos... Pour visiter UN site dans la region, tu es oblige d'acheter un billet qui couvre tous les sites - dont une bonne moitie que tu n'as pas le temps ou l'envie de visiter. Heureusement, ils font un billet partiel qui couvre juste quatre sites de la vallee sacree (et deja bien cher) que j'ai pris, par contre j'ai boycote pour Cusco et ses environs. Je n'ai rien visite la-bas du coup.

Sinon, qu'on ne s'y trompe pas au sujet des peruviens: l'immense majorite de ceux que j'ai rencontres etaient super sympas. Je pense d'ailleurs que ca s'est meme arrange au niveau des insultes xenophobes depuis que tu y as ete (ce que tu dis confirme d'ailleurs ce que me racontait ma frangine qui avait passe un peu de temps dans le pays il y a une dizaine d'annees). Dans les coins touristiques, je crois qu'ils se sont habitues aux etrangers et aux dollars qu'ils trimbalent... Ils sont devenus plus subtils, quoi. Et dans les campagnes, les gringos n'ont pas encore du ternir leur reputation.

Il y a toute une partie de mon sejour qui n'est pas racontee dans ce recit, mais il n'y a vraiment eu qu'a la frontiere qu'on m'a fait "chier". Je crois que le fait de parler espagnol change enormement de choses aussi. T'as vraiment pas le meme rapport avec les gens. Apres, dans les coins hyper touristiques, tu as toujours de gros lourdingues qui tiennent absoluement a te parler anglais pour te vendre un truc, mais souvent ils partent des que tu leur dis que tu ne parles pas la langue (je prends souvent l'accent argentin dans ces cas-la d'ailleurs).

En fait, je crois que ce qui m'enerve le plus, c'est les gringos qui se comportent... en gringos.

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#270 31-03-2014 08:34:52

florencia
Membre
Lieu : 71
Inscription : 11-11-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Tu as raison Kam, il ne faut pas s’arrêter au premier sentiment au Pérou et essayer de comprendre le pourquoi des choses.

Les incartades politiques et économiques des Etats-Unis, à l’époque, leur volonté de faire interdire la production et la vente locale des feuilles de coca, le comportement de certains gringos et de leurs liasses de dollars, n’aidaient effectivement pas à voir l’Etranger sous un bon œil.

Mais le fait de parler espagnol et de s’éloigner des sites touristiques, montre le Pérou et les Péruviens sous un autre angle et font aimer ce pays.

J’y suis allée trois fois, c’est bien que j’ai dû  y trouver également autre chose… smile

Flo


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#271 31-03-2014 21:18:18

Ontheroad33
Pandabruti
Lieu : Bordeaux
Inscription : 15-08-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Il y a un endroit où j'aime bien les gringos, c'est aux states. Comme tout le monde est gringo là-bas, ça passe super, ça devient une culture et je trouve ça intéressant. Ailleurs, ils me donnent de la peine comme diraient les suisses...

Question con sans doute big_smile : Si tu arrêtes la marche, cela signifie que tu rentres bientôt ou tu tires un peu plus vers le nord ? Tu lâches l'affaire pour ton projet marche/nautique ?


"Je ne sais pas où je vais. Ouh ça je ne l'ai jamais bien su. Mais si jamais je le savais, je crois bien que je n'irais plus." La Rue Kétanou, Où Je vais, Album En Attendant Les Caravanes, 2000.

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#272 01-04-2014 02:05:45

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Mon kayak est bloque par la douane peruvienne en ce moment - je ne sais meme pas ou. Enfin... c'est pas vraiment une surprise. wink Je commencerai a pagayer des que je l'aurai recu (vers Puerto Bermudez, surement, voire en amont). C'est un truc que j'ai vraiment envie de faire, et puis ca me permettra de casser les fantasmes de certains - que du bon.

Sinon, t'etais pas cense me donner des cours de plongee au Nicaragua dans quelques mois, toi?

Dernière modification par Kam (01-04-2014 02:12:02)

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#273 01-04-2014 20:13:11

Ontheroad33
Pandabruti
Lieu : Bordeaux
Inscription : 15-08-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Heeuuuu c'est possible... roll lol Pas cette fois-ci. Sauf si tu attends très longtemps...

Par contre, je vais aux states fin septembre pendant quelques mois donc si tu continues ta route, on boira une bière debout en parlant fort et habillé avec un tee-shirt publicitaire, une casquette, des tatouages et des lunettes de soleil... lol

J'attends la suite de ton récit avec hâte que je puisse fantasmer tranquille. wink
Je t'imagine déjà...
Ay, ay, ay, aaaaaaay yyyyy
Caaaaaanta y no lloreeeeeees,
Porque cantando se alegraaaaaaan,
Cielito lindo, los corazones
lol


"Je ne sais pas où je vais. Ouh ça je ne l'ai jamais bien su. Mais si jamais je le savais, je crois bien que je n'irais plus." La Rue Kétanou, Où Je vais, Album En Attendant Les Caravanes, 2000.

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#274 02-04-2014 00:33:56

JJondalar
Membre
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Inscription : 15-06-2011
Site Web

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Le récit de Kam, c'est une came. Je ne peux plus m'en passer. Je continue de me régaler avec tes textes à la Pennac... enfin à la Kam. C'est plein de la vie du Monde, direct et sans fioritures. Bonne continuation.


La mésange à tête noire et la sittelle sont d'une compagnie bien plus vivifiante que celle des hommes d'État ou des philosophes; au retour on va considérer ces derniers comme de bien piètres compagnons."
H.D.Thoreau, Une promenade en hiver.

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#275 02-04-2014 07:13:52

Ontheroad33
Pandabruti
Lieu : Bordeaux
Inscription : 15-08-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Alerte tsunami en Equateur, Pérou et Chili. Il serait temps de recevoir ton embarcation ! big_smile


"Je ne sais pas où je vais. Ouh ça je ne l'ai jamais bien su. Mais si jamais je le savais, je crois bien que je n'irais plus." La Rue Kétanou, Où Je vais, Album En Attendant Les Caravanes, 2000.

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