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#1 24-09-2015 20:57:45
- Jobig
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- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
[Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
PROLOGUE
Vilain pageot ! Je me tourne et me retourne sur cette carcasse de lit qui me plie les reins comme une matrice de découpe. La chambre collective qui m’a été assignée est emplie des ronflements de mes compagnons d’infortune, la chaleur est étouffante. Mes yeux que je garde ouverts sont secs, douloureusement fripés par l’insomnie qui s’installe. Qu’est-ce que je suis venu faire au Clot ? Je suis là par fidélité, presque par loyauté, par nostalgie ? Quel imbécile je fais…
Je remue sous mon dôme les événements de l’après-midi : cet adventus triomphal à Cauterets qui se transforme en pantalonnade quand je me rends compte qu’une fois dépassé la Raillère il n’y a plus de réseau… J’ignore alors si ma femme a reçu les SMS rassurants que je lui ai adressés plus bas. Pas de réponse. C’est inhabituel. Je finis par comprendre que seul O assure la desserte téléphonique des hautes vallées. Balle peau : je suis abonné à un autre opérateur. Les conséquences ne sont pas dure à tirer : à partir de demain, il n’y aura plus de contact possible. Pas avant mon retour en basse vallée française, c’est à dire dans 4 ou 5 jours. Sans moyen de la prévenir. L’idée m’est aussi supportable que le poids d’une presse d’imprimerie qui s’abat sur une feuille de papier. Mettez-y un doigt, vous verrez. L’inquiétude monte d’un cran quand, sur ma demande, le gardien du refuge a l’amabilité d’appeler la Bretagne. Pas de réponse. C’est carrément anormal. Vous connaissez la peinture de Munch intitulée "le Cri" ? C’est la tête de Jobig qui ne sait plus quoi faire. Il se sent loin, seul et désemparé. Porter un cierge à Lourdes, peut-être ? Ça ne me fait même pas sourire.
Je ne veux pas abuser de l’hospitalité de mon hôte si bien que je redescends précipitamment sur Cauterets en voiture et tente une dernière fois de joindre mon épouse. Ça sonne. Elle répond de sa petite voix mutine. Ouf ! Mais c’est un pure hasard car elle vient juste de rentrer d’une réunion de famille qui se tenait dans un vieux manoir breton au fin fond d’un vallon où on ne capte rien !
Je n’en ai pas fini de ma sarabande nocturne (vous non plus !) : un coup sur le côté droit, un coup à gauche, le refuge est une rôtissoire et moi je suis sur le grill ! Tout à l’heure une dame d’un certain âge avec laquelle (entre autres) je fais chambrée a déclaré qu’elle avait peur de moi : je n’ai pas pu savoir si elle plaisantait… Enfin, je ne dois pas être si terrifiant que ça (quoique avec une tête à la Edvard Munch…) car elle ronfle comme un sonneur, la vieille !
Je m’assoupis le temps d'une page de roman qu'on déchire.
« Tomorrow remember yesterday… Tomorrow remember yesterday… »*
Un doux sentiment mélancolique m’envahit peu à peu, grisant et embarrassant à la fois, écho lointain d’une journée particulière, mémoire allusive des émois d’un gamin de 14 ans qu’une jeune fille brillante embrasse pour la première fois, instant aussi éphémère qu’une victoire sans lendemain. Comme un temps découpé à l’emporte-pièce, un stylobate oublié de toute antiquité, une nostalgie de toutes mes solitudes est brusquement remontée à la surface.
« Nostalgia will lead me away… »*
L’émotion était-elle naguère montée trop haut et trop vite en gamme ? Sur une partition trop courte ? A présent elle sonne faux mais, je peux lui donner un prénom : Françoise ?... Un bonheur fou.
Voyage au bout de la nuit...
Je sais que vous n’êtes pas là pour vous saouler des anamnèses de Jobig. Nous sommes sur RL : faut un sac léger, de la sueur et de la bonne humeur.
Mais ce malstrom émotionnel aggravé d’une nuit sans sommeil (et de la fatigue de la route depuis la Bretagne) bouleverse tous mes plans : j’abandonne sans remords le circuit que j’avais projeté de suivre. Je devais parcourir une route qui m’aurait mené du col de Cambalès au lac des Gentianes en passant, dans l’ordre, par Respumoso, Los Infiernos, Bachimaña, Gramatuero (ou Brazato, je n’étais pas fixé), San Nicolas, Los Muletos, les Zouzous, Araillé, le lac de Labas.
Je ne sais toujours pas pourquoi, au petit matin, je n’ai plus envie d’aller à Respumoso. Encore moins de me taper la marche d’approche vers Wallon ! ça relève même alors de l’aversion ! Que faire ? Rentrer en Bretagne ? lamentable. Qu’est-ce qui pourrait éveiller encore un peu d’appétit dans mon âme un tantinet dévastée ? Réponse par une image mentale qui se dessine immédiatement : Gaube ! Romantique à souhait ! Je prends.
* Nostalgia, chanson à texte interprétée par le groupe anglais de rock alternatif (Bat cave), The Chameleons (1986)
Jour 1 : Le Clot – Baysellance
Distance : 15.15 km
D + : 1256
D - : 177
Le reste est affaire de gymnastique topographique. Le nouvel itinéraire s’ordonne comme un Kriegspiel, froid et méthodique. Evident. Après le lac, les Oulettes et la hourquette puis le col de la Bernatoire (où je n’ai jamais mis les pieds), San Nicolas et le Rio Ara (une bénédiction !), El Puen d’os Nabarros, la Pradera por la senda de Turieto, la Faja de Pelay, Goriz, la Brecha, Bujaruelo, Arratilla por el camino de Cauterets (y goûter c’est en abuser !), Pont d’Espagne. C’est simple, non ?
Il est 7 H 30 quand je quitte le Clot. Le temps de déposer mes crampons dans le coffre de ma voiture garée au Pont d’Espagne et j’enfile le sentier gaillardement en ayant pris soin de conserver mon piolet. Il est tôt et je suis pratiquement seul. La montagne étend son ombre bienfaisante sur toutes les vallées environnantes. Il fait bon. Au-delà de la cabane de Pinet, je passe très vite à l’heure espagnole car déjà quelques familles ibériques descendent des Oulettes. Echange des premiers « Ola ! » qui seront loin d’être les derniers cette année…
Quand j’arrive aux Zouzous, le soleil commence déjà à brûler. Consciencieusement, j’entreprends le rituel des ablutions au robinet que je renouvelle à intervalles réguliers pendant un bon quart d’heure. C’est à ce genre de détail qu’on mesure le temps qui passe… Je me déshydrate bien plus vite qu’à 20 ou 30 ans. Mais je me soigne, docteur ! Le seigneur Vignou (j’aime bien l’expression de Zorey…) se tient inébranlable et majestueux devant la petite assemblée recueillie que nous formons, moi et les quelques autres randonneurs qui se prélassent silencieusement sur la terrasse aveuglée de soleil, dans l’attente d’un nouveau départ. Quelques légers froissements dans l’air se répercutent sur les magnifiques masses granitiques qui nous entourent ; la brise, si douce, achève de transformer la cuvette morainique en royaume des petits matins calmes.
Le Vignou en majesté
Un couple se décide à partir. Je les suis du regard s’élever lentement sur le sentier de l’Araillé. Ils finissent par être happés par la muraille presque blanchie à la chaux sous la lumière incandescente de la canicule qui s’annonce. Je m’ébranle à mon tour. Je me surprends à penser que si j’avais été catholique pratiquant je me serais signer sur le champ (sans déc’ !)… Mais le Bon Dieu peut aller se brosser : je n’ai plus quatorze ans !
Je rattrape l’homme et la femme qui ahanent sur leurs bâtons nordiques. Je me dis in-petto : « Chic, risquent pas de pulvériser des records de vitesse, ces deux-là. Je vais me caler derrière eux et me la couler douce… » Erreur fatale. « Oh, mais vous allez plus vite que nous : prenez donc la tête ! » Me fait la rhombière (sympathique au demeurant). Je suis maudit ! Qu’est-ce qu’ils ont tous ? Je suis en vacance, moi ! J’en ai marre de collectionner les responsabilités (surtout celles des autres). Marre d’être le référant, l’homme de pointe. J’veux pas faire le lièvre, moi, vous m’entendez, m’dame, je suis un rat, moi ! J’veux qu’on m’oublie ! Pitié pour les rats !
Et là, c’est le mari qui me donne le coup de grâce : « Vous avez un petit sac, vous ! »
Je passe devant.
Un petit arrêt près de la Fontaine du Centenaire, à l’intersection des sentiers d’Arraillé et de la Hourquette. Glou, glou de rigueur. Je montre au monsieur le col des Mulets en face et son grand névé qui, vu d’où nous nous trouvons est aussi vertigineux que le seraient les cours baissiers de la bourse à l’annonce de l’annulation totale de la dette grecque…
Au loin, le col des Mulets : combien y sont passés ?
Nous dépassons deux Basques (du Sud)… A l’arrêt, bien évidemment. Y en a un qui arbore le drapeau national sur son sac. Faut montrer combien il est fier, le Basque, de monter si haut, en portant toute la nation sur ses épaules. Si on suit la logique de ces portefaix d’un genre particulier, ces offrandes sportives de soi à la patrie qu’on place au-dessus de tout, ne peuvent trouver de plus bel autel que la montagne prise à témoin de ces exploits pour la Cause. Une histoire de rêve de suprématie, de volonté d’appropriation, ou un reste des ordalies médiévales mijoté dans une bonne dose de mysticisme ?… A moins que ce ne soit qu’un moyen d’impressionner les autres ? A mourir de rire avant d’en crever. Dire que quinze jours plus tard, il s’en faudra de peu pour que – involontairement – je n’étale pas une énergumène du même genre qui, à pieds sous le prestigieux étendard catalan couvrant son SAD, refusait ostensiblement de faciliter le passage à notre véhicule immatriculé en France sur une place de parking pas plus large que le sommet du Canigou !
Gaube : vu d'en haut, le romantisme en prend du plomb dans l'aile...
Encore quelques dizaines de mètres de pierrier croulant et c’est le col. Il est midi et des brouettes. Quelques craquements se font entendre un peu plus bas. C’est le glacier du Petit Vignemale qui poursuit sa cure d’amaigrissement… Le pauvre. Nous, on fait péter les calories. Car on s’est présenté, mes deux marcheurs nordiques et moi. Elle est Bretonne et lui Vendéen, ils vivent à Nantes. Plutôt extraverti, le gazier. Mon « petit sac » les étonne lorsque je leur explique que, comme eux, je randonne en semi-autonomie et on frôle l’incrédulité quand je leur assure que je couche sous un abri de 360 g… Eux se coltinent une tente bi-place Q….a qui pèse… son comptant de masochisme. Mais ils n’en ont cure…
A vallée écroulée, montée écroulante !
Je poursuis jusqu’à Baysellance. L’ascension du Petit Vignemale m’aurait bien tenté mais, prudent, je ne veux pas reproduire l’erreur d’une première étape trop longue et trop rude que j’avais commise l’an dernier. De toute façon, je connais. Juste que je ne ramènerai pas de photos pour RL. Economisons les genoux ! Grandeur et décadence. Vaut mieux oublier le passé car son souvenir est parfois cruel. Enfin ce n’est pas une vérité intangible : j’ai bien gommé le souvenir de Françoise pendant 38 ans, la première femme qui me fit oublier môman. J’en suis tout penaud maintenant. Mais comment l’ai-je pu oublier à ce point ?
Baysellance, plaque tournante de la mondialisation...
Enfin, je suis bien content d’être là. Autour du refuge, on se croirait sur la grande plage d’Alger écrasée par la torpeur que Camus décrit dans l’Etranger. Manque plus que Meursault. Il n’est pas là. A sa place, une brochette de jeunes flamandes quelque peu dévêtues folâtrent non pas sur le sable, mais sur une herbe rase, surchauffée et grevée de poussière. Quelques effluves de crème de bronzage me hérissent les narines. Ambiance balnéaire à 2650 M d’altitude ! Je me présente au gardien qui, très professionnel, me pose la question essentielle : d’où je viens et où je vais (et dans quel état j’ère ? Non, il a pas osé, parce que là, il n’aurait pas été déçu du voyage)…
Le refuge est entouré d’une quinzaine d’emplacements aménagés sommairement. L’éperon rocheux évoque un peu un camp retranché avec ses installations de fortune. Il y a quelques spots en balcon vers le sud-est qui offrent une vue imprenable sur le massif de Gavarnie, la grande cathédrale pyrénéenne. Dès le premier coup d’œil, on s’engage lurelure dans l’enthousiasme. J’y monte mon abri. Uniquement pour la photo car on fond littéralement sur place. A 20 H la température s’élevait encore à 25°… Et moi qui me suis toujours gelé les meules à Baysellance...
"Je l'ai plantée là, oui, madame !"
Mes luronnes flamingantes sont à présent déchaînées. Leur carré d’herbe s’est mué en cour d’école bruissant du rire suraigu et des gloussements de ces grandes perches de 25 ans. Je décide un repli stratégique et vais faire un petit tour sur la crête d’accès au glacier d’Ossoue. Mesure les dégâts… Puis reviens pour me réfugier dans l’angle d’une abside à l’abri du soleil qui tape plus que jamais. La terrasse se remplit peu à peu. Beaucoup d’alpinistes de retour du Vignemale, une majorité d’Espagnol(e)s, le corps épuisé mais le regard alerte et la baveuse haut perchée. Deux HRPistes sexagénaires viennent souffler auprès de moi, bientôt rejoints par une superbe néerlandaise (vous savez le genre brune aux yeux bleus de type nordique) qui pose son sac gentiment contre le mien en me décochant un sourire ravageur. C’est maintenant la foire aux places à l’ombre, tout le monde veut squatter la fontaine. Les gamins piaillent dans toutes les langues…
Le Casque, la Brèche, le Taillon, les Gabiétous et derrière la crête, au premier plan, le glacier d'Ossoue
Y a du monde au balcon !
Une famille japonaise se détache du lot : le père, la mère et le fils. Lui est architecte, pratique l’aquarelle sur tablette qu’il a emportée dans son SAD (et il n’est pas le seul, c’est une vraie foire informatique ici !). Elle, la quarantaine, cultive son look néo-punk à l’ombre de son homme plus âgé, lequel est tout fier d’exhiber ses œuvres – très réussies – sur écran. Elle porte même des Docks ! Et des collants résille un peu trash (les chaussettes dépassent un peu des grôles, c’est rigolo) ! Oye ! J’ai pas d’enregistrements des Béru ou des Clash sur mon portable (et y a pas de réseau !). Une faute de goût et un manque d’anticipation coupable, car c’est bien connu, la haute montagne grouille de keupons... Je ne sais pas si elle a vraiment l’esprit punk ; j’en doute mais comment savoir ? Alors pourquoi ai-je une si furieuse envie de pogoter avec cette nana ?! C’était en quelle année la fin de la première vague Punk* déjà ? 1977… Oh ! Françoise…
Je ne regrette pas le déplacement et commence même à trouver le coin un peu farce. Deux jeunes affublés d’un béret béarnais sont descendus du col de Labas. Tenues outdoor très fashion, canne à pêche et ombrelle à la main. Des Lourdais. Un peu décalés dans ce kaléidoscope de cultures, les Bigourdans… Un peu figés, même. Ma jolie Batave a disparu. Non, je repère sa silhouette près de la table extérieure devant les cuisines. Merde ! Elle s’est changée : la voilà en robe de soirée ! (ultra-légère, vous pensez !), très moulante, d’un noir de geais qui ferait tourner la tête à un aveugle ! ! ! Faut être honnête, les gars, dans un cas comme ça, moi je dis qu’il faut oublier son côté Mul engagé pour pouvoir apprécier le spectacle. Je m’éloigne de la garden party pour aller pisser de rire à l’écart…
Le jour s'écroule sur la montagne comme une houle assombrie...
Les couchers de sa Majesté
La nuit promet d’être féerique. Le grand cairn tout en feuilletage que forment les monts du Marboré et le Monte Perdido, la ziggourat solitaire du Taillon s’embrasent dans le lointain. J’ai gardé la stealth au-dessus de la tête mais c’est décidé : pour les prochains jours je ne conserve plus que le sursac et je dormirai à la belle étoile. Le firmament a la pureté du gypse et sa transparence est telle qu’on voit à travers les étoiles. Je veux le contempler tout mon saoul. Même si je garde l’abri ouvert, ce n’est pas pareil !
Incendie crépusculaire pour un été torride...
* Les groupes cités appartiennent à la vague post-punk, celle dans laquelle j’ai baigné. La date coïncide, elle. Si cela vous chante, vous pouvez en déduire mon année de naissance compte tenu des indices laissés généreusement…
Une suite, demain ?
From each according to their ability, to each according to their needs.
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#2 24-09-2015 21:07:03
- Shanx
- Sanglier MUL
- Lieu : Probablement au boulot :(
- Inscription : 22-04-2012
- Site Web
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
La nuit promet d’être féerique.
Le récit aussi.
On sent la vraie plume là.
← Mon blog : traversées à pied des Alpes, de l'Islande, de la Corse, des États-Unis - Japon en vélo
Mon trombi
"Heureusement qu'il y a RL pour m'éviter les genoux qui craquent et le dos en compote" - C. Norris
"La liberté est fille des forêts. C'est là qu'elle est née, c'est là qu'elle revient se cacher, quand ça va mal." - Romain Gary
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#3 24-09-2015 21:11:01
- DDTZ
- Membre
- Inscription : 05-10-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
J'aime bien, je suis de la même génération...la punkette japonaise à Baysellance, je regrette de ne pas l'avoir vue.
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#4 24-09-2015 21:18:06
- guichen
- Membre
- Inscription : 05-05-2013
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Sacré Jobig!!!
Tout à l’heure une dame d’un certain âge avec laquelle (entre autres) je fais chambrée a déclaré qu’elle avait peur de moi : je n’ai pas pu savoir si elle plaisantait… Enfin, je ne dois pas être si terrifiant que ça (quoique avec une tête à la Edvard Munch…) car elle ronfle comme un sonneur, la vieille !
Le monstre de Carhaix...
Mais le Bon Dieu peut aller se brosser : je n’ai plus quatorze ans ! tongue
Boudiou, Jobig l'affranchi...
Ah, ça pogote dans l'cerveau de Jobig!!!
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#5 24-09-2015 21:35:25
- ester
- Membre
- Lieu : Bzh
- Inscription : 23-08-2011
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Bonjour Jobig,
Eh, bien, ça commence fort !
"Le temps d'une page de roman qu'on déchire"... Ne négligeons pas que, parfois, si on inclut les pensées qui s'évadent à la lecture, ça peut faire une belle sieste !
Ah toi aussi, tu as trouvé que c'était "chaud" les Pyrénées, cet été ?
Quant à l'image de Meursault, géniale !
Mais heu... Rassure-nous, y'a pas eu de drame, après la scène "hot" ?
J'aime beaucoup le titre... j'ai comme l'impression que ça va finir par "la marche du temps retrouvé"...
Vivement la suite !
Grâce à vous, j'avance ! merci !
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#6 24-09-2015 22:11:59
- Magne2
- Membre
- Lieu : Vitry sur Seine
- Inscription : 23-09-2013
- Site Web
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
bonsoir
cela commence bien ,bon texte et jolis photos j'ai trainé mes grosses chaussures par la bas il y déjà quelque temps en bivouac avec l'UCPA au temps de l'argentique on faisait peu de photos et je ne sais plus ou j'ai mis mes diapos
en tous cas quelle est belle cette face nord du Vignemale
merci du retour
kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur
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#7 25-09-2015 12:48:39
- cinqminutestreize
- Membre
- Lieu : 70
- Inscription : 28-08-2015
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Jobig, Chaud bouillant, quelle entrée en matière! Un délice de retour, pétillant et frais comme une bolée de cidre brut! Merci merci
Il semblerait que même en passant tous ses items en cuben, passé un certain age, le poids du sac reste affecté des souvenirs qu'on trimbale...
Mais l’œil reste vif et ardent, capable de s'émouvoir des contours enchanteurs du Vignemale autant que de ceux des jolies bataves
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#8 25-09-2015 13:01:10
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Bon, je dispose d'un petit peu de temps avant de reprendre le collier...
Le récit aussi.
Alors, ça c'est gentil ! La suite est un peu moins féerique, par contre... On verra ce que la magie du verbe peut tirer du néant !
@DDTZ
Tu as l'air d'être nouveau ici, bienvenue à toi ! Je n'ai pas revu en montagne un tel panel de sociotypes aussi différents depuis cette après midi passée à Baysellance, je dois avouer... Mais la punkette nippone, je la garde dans un coin de ma mémoire à jamais !
@mon bon Guichen,
Pogoter, pogoter, oui... surtout dans la choucroute ! Mes 14 ans marquent un tournant (comme pour beaucoup) dans ma petite vie : c'est, entre autre, ma dernière année de croyant, catholique, apostolique romain... un legs indirect de "Françoise", d'ailleurs...
Bonjour ester,
ça peut faire une belle sieste !
Moi, ça m'a valu une douce insomnie dans un lieu singulier... Un huis-clott nocturne !
Merci pour le "génial"... Aucun mérite, c'est venu sans y réfléchir : mais c'est peut-être ça le génie ?
Je rassure tout le monde : la belle Hollandaise en strass n'était pas seule (contrairement à ce que j'avais pensé au départ). C'était une sortie entre "filles" malgré que ses compagnes de rando fûssent plus âgées qu'elle. Il n'y avait ce soir-là, à ma connaissance (mais je suis un mauvais témoin car je n'y ai pas passé la nuit), aucun mâle en rut au refuge et elle-même n'avait rien d'une nymphomane. Par conséquent, je n'ai point de bacchanale à raconter. D'ailleurs, c'est interdit par la charte du forum. Donc, pas de regret !
Le temps retrouvé... C'est pas pour tout de suite car il va me falloir du temps pour précisément en repérer la trace définitive... Il y a eu un bon début en septembre : je suis sur la bonne voie !
@Magne2,
Merci pour l'intérêt que tu portes à ma prose !
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#9 25-09-2015 18:53:04
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Jour 2 : La vallée d’Ossoue – San Nicolas par le col de la Bernatuero
Distance : 16.68 km
D + : 560
D - : 1856
Je me réveille en même temps que deux jeunes Espagnols installés à côté, qui eux, avaient eu la bonne idée de dormir en communion directe avec la voûte céleste. Plus haut, c’est calme plat au refuge. Nous remballons sans bruit nos maigres bagages – ils sont alpinistes version fauchée – alors que l’aurore, imperceptiblement, élargit notre champ de vision. Pas question de traîner : le soleil va cogner dur aujourd’hui encore.
La journée est placée sous le signe de la descente. La vallée d’Ossoue jusqu’au barrage, puis le versant sud de la Bernatoire. Un dénivelée négatif non négligeable qui se double fort heureusement d’une désescalade émotionnelle… C’est l’esprit clair et le cœur allègre que je me glisse dans les traces balisées du GR 10, dans le sens opposé à celui de l’année dernière. A quelques centaines de mètres en contrebas des grottes de Bellevue, à hauteur d’un confluent aux cours d’eau torrentueux, je m’escrime à scruter le paysage à la recherche de quelque cairn susceptible de m’indiquer la voie du col des Gentianes dont je devine globalement l’itinéraire. Je fais chou blanc. Je reprendrai la question « par les hauts» une prochaine fois…
Abri pour cavernicoles accomplis
Pont de neige pour tenir au frais le lait des brebis
Au barrage d’Ossoue, je me hisse, le long d’un sentier parfois un peu raide (sans difficulté aucune), vers la cabane de Lourdes où je m’arrête par curiosité : j’ai envie de vérifier s’il y a l’eau courante à l’intérieur. J’y trouve bien une tuyauterie en état de fonctionner avec robinet mais la pression est coupée. Il y a un espace habitable mais il est aussi crade qu’une cellule de dégrisement le lendemain d’un derby breton. Après cette inspection sanitaire expresse, je m’enfonce dans cette fameuse vallée de la Canau que mon imagination toujours à l’affût d’une facétie sémantique associe au Pays de Canaan de la Bible. Je remonte tranquillement le cours du ruisseau de Lourdes, mon Jourdain à moi. Mais je prends très vite conscience que je marche sur une terre à vaches car des taons à l’humeur folâtre me canardent comme des Stukas. O taon, suspends ton vol !
La vallée de la Canau sans canopée
La Canau, c’est la vallée des larmes sèches. Du fait de la présence du bétail sur ses pâturages, il vaut mieux s’abstenir de boire aux petits ruisseaux qui dévalent de ses pentes encaissées. Les bouses vous rappellent à l’ordre. Il existe toutefois un chevelu conséquent de sources situé à la verticale du Tuc Blanc où le bédouin marcheur déshydraté trouvera, sans risque de se chopper la vilaine bactérie qui vous vide comme un cholérique, une substantielle sustentation à sa soif. Enfin, c’est sans doute vrai jusque fin juillet ; au-delà il vaut mieux tenir compte de la grande transhumance interfrontalière qui vraisemblablement change la donne en raison d’une probable surpopulation bovine dans la vallée. En effet, en vertu d’une passerie (convention) conclue avec le canton de Luz (pays Toy), suivant une tradition montagnarde attestée depuis le milieu du Moyen Age, le bétail aragonais du Rio Ara franchit le col de la Bernatoire chaque dernière semaine de juillet (cette année c’était le 28) pour se repaître des estives françaises.
Une transhumance qui a mal tourné...
Pour le moment, le bœuf c’est moi, qui me fait dépasser en trombe par 3 isards. Un trio d’ados hispaniques, fille en tête, grimpe quatre à quatre l’immense croupe herbeuse qui vous fait gagner, d’un coup sans prévenir, 300 M de dénivelée jusqu’au col. Leur course folle, ils vont l’achever au pic de la Bernatoire. Mon sac a beau ne pas dépasser les 7.5 kg avec mes 4 jours d’autonomie et mon litron d’eau, j’ai le guignol qui part en torche. Mes « deuxième jour » sont toujours plus durs à négocier…
Col de la Bernatoire au bout d’un sentier tracé à l’espagnole
Le lac, si singulier sans son déversoir, exerce sur moi le pouvoir d’attraction d’un entonnoir. Je remarque quelques menus aménagements de bivouac rive gauche et m’y précipite pour tomber le sac, me débarrasser de mes pompes, exposer mes fumantes au soleil et, sans procès (d’intention) plonger mes arpions dans l’eau. Fidandoue ! Dreist ! (super !) Le bain, ce sera pour plus tard, dans le Rio Ara !
Un lieu privilégié pour se vaporiser l'entonnoir ?
Le must sur RL : exhiber ses petons !
Quand je passe le second col, surprise ! Le téléphone sonne ! Je capte du réseau Espagnol et en profite pour donner des nouvelles par SMS. Je me dis que l’Espagne est une Grande Nation moderne et civilisée, connectée (ha ! ha ! ha !), en avance sur cette Pôvre France complètement dépassée, qu’il serait temps de penser à émigrer, refaire sa vie, trouver une place au soleil… Fausse joie ! En dessous de 2000 M, y a plus rien…
Pas rancunière, ma petite musique cérébrale entonne les premières notes de la Varsovienne pour m’interpréter un « A Las Barricadas »* qui ne me quittera plus jusqu’à mon retour en France… J’aurais préféré autre chose ; un bon Doctor Deseo, par exemple, très couleur locale (plus basque, quand même !) mais en plus actuel, plus hédoniste aussi (c’est pas dur !), mais ça vient pas…
« Consider green lakes
and the idiocy of clocks
Someone shot nostalgia in the back (…) »
Que me répond Bauhaus.** Really ?
Au premier plan, Soum Blanc des Espécières
J’entame mon plongeon sur les flancs du versant aragonais ravinés chaque année par des centaines de bovins. Direction San Nicolas. Peu de monde pour tenter l’ascension. Il est vrai que c’est un ( ?) sentier creusé par des quadrupèdes pour des quadrupèdes… Le soleil est à son zénith. Il fait 30° et plein sud on manque un peu d’ombre... A un quart d’heure du col, un premier couple, la trentaine, du type andalou à la peau très sombre. L’homme, au cheveu ras, habillé très ajusté, ultra-court, ultra-tech, sans sac, sans bouteille ou gourde (je me demande même où il peut ranger ses clés de voiture, vu qu’il n’a pas de poche ; sa compagne qui se tient, complaisamment, 4 pas derrière, sans doute ?), la caricature parfaite de "Jesus Quintana" dans The big Lebowski, ruisselante de transpiration, me demande en espagnol s’il y a de l’eau plus haut. Hésitation. Il me répète la question en anglais pidgin.
« Water ? Nothing but a lake… Una llena. You know ? »
Plus bas, un autre couple. Des Américains. Le visage creusé par l’effort, le regard un peu flou, mais souriants. La jeune femme derrière son chéri :
« How far is the pass ? One hour ? »
Opala ! Le genre de question qui en dit long sur le moral d’un randonneur… Dans des cas désespérés comme le leur pas d’autre solution que mentir (un peu !).
« A three-quarters !» minaudé-je en ponctuant d’un sourire à faire fondre une sœur de charité.
« We need a break !» Renchérit le chéri sur le ton de l’auto-dérision. Je les sens un peu dopés à l’idée que leur calvaire s’achève plus tôt que prévu. Ah ! Ces vieilles ruses !
Au loin, sous les Gabiétous, le « camino del cuelo de Bujaruelo » zèbre la roche d’une balafre oblique.
Negras tormentas agitan los aires
Nubes oscuras nos impiden ver. (…)*
Je ne peux m’empêcher de penser à un certain exode de 1939, annonciateur d’autres exils plus terribles, et me dis qu’il fallait tenir solidement toutes ces hauteurs et ces pentes dans les derniers jours afin de permettre à ces foules de combattant(e)s ne disposant souvent que de vieilles pétoires, et de tous ces non combattant(e)s, de vieillards et d’enfants épuisés, de passer sains et saufs de l’autre côté de la frontière, vers un avenir bien incertain. Un tir croisé de mitrailleuses d’où je me tiens et c’est un massacre. Ce n’est pas envolée fantasque de ma part, car depuis j’ai pu constater à Torla l’ampleur des destructions laissées par la Guerre Civile dans lesquelles on devine la fureur homicide de ceux d’en face. « Viva la Muerte ! »… Qu’ils reprenaient en chœur. Les c..s.***
Une balafre de l'Histoire...
Reliques de la Guerre Civile ? Ou tragédie bovine ?
Le paysage prend des couleurs qui me sont plus familières au fur et à mesure que je me rapproche de la cabane de Sandaruelo. Un tapis végétal d’un jaune intense recouvre la Plana. Des genêts ? De l’ajonc ? Non, de l’Oreja de Oso, une fleur éphémère à l’éclat magique sous ce ciel d’un bleu sans partage.
Pente de la Plana recouverte d'Oreja de Oso
J’enjambe enfin le si joli pont roman et atteins mon havre aragonais de San Nicolas. Pas de bobo aux genoux : merci RL ! je pénètre avec gourmandise dans le bar du refugio. Il y fait sombre et frais, je m’y sens vraiment comme chez moi dans mon Centre-Bretagne. Vous savez ? Un de ces troquets de campagne à l’ambiance si particulière. On trouve ça également en Euskadi.
« Dos bottellas de agua, una jarra de vino tinto méson y una puchera de judias blancos con chorizo, por favor ! »
Ça claque comme un bouchon de Champagne et avec l’accent sioûplait. A peine pris le temps de consulter la carte. Au regard effaré de la serveuse, je prends conscience que mon maillot en soie est détrempé, troué par endroit ( !) et que je dois fouetter comme un goret. Bah ! Peau de rouquin et excentricité de solitaire affamé autant qu’assoiffé ! Pas de quoi se cailler la laitance, fillette !
Puen de San Nicolas : mon havre...
Bien lesté et en voie de réhydratation complète (tu parles, Charles !) , je file faire un tour en amont du pont, repère un petit coin tranquille où la profondeur de l’eau et le courant me paraissent idoines, me désape à l’abri des regards (il y a pas mal de passage sur le GR11 voisin), et me plonge dans le rio. Ça dégrise ! J’en profite pour faire un petit peu de lessive. La soie sèche vite, surtout exposée à ce petit vent venant du massif du Vignemale qui s’engouffre si agréablement en bourrasque dans la vallée !
Coup de sabre dans la chapelle du 12ème siècle
L’accueil au camping de San Nicolas commence après 17 H. Je joue le trio ultraléger : matelas, couette et sursac pour ce soir. Les gamins d’une colonie de vacances britannique s’affairent autour de l’installation de leur campement. Apparemment tout le monde ne dispose pas d’une tente ! Alors qu’à 20 H le couvre-feu ( !) a déjà sonné chez les British, en allant aux cagoinces, je surprends du regard trois toutes jeunes filles dans leur sac de couchage, blotties l’une contre l’autre en chien de fusil, allongées sur une simple bâche. Very cheap ! Ou alors, c’est BPL qui a frappé fort chez les mulettes britanniques…
* A las Barricadas, chant anarchiste de la FAI-AIT composé par Valeriano Orobon Fernandez pendant la Guerre d’Espagne (1936)… Les Anarchistes de la Colonne Durutti et les Trotskistes du POUM s’opposèrent aux troupes franquistes sur le Front d’Aragon.
** Bauhaus, groupe de rock post punk britannique classé à présent gothique ( !) très inspiré par le Glam Rock de Bowie à ses débuts
*** Vive la Mort ! slogan des fascistes espagnols
edit : fautes de frappe
Dernière modification par Jobig (03-10-2015 16:26:21)
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#10 25-09-2015 21:43:28
- Myrtille88
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Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Joli titre Jobig , un poil reposant par rapport à ce qui suit
... Méli-mélo de tous ces gens qui peuplent ton CR, Françoise, les flamandes, les japonais, la dame en robe de soirée, tu es sûr que tu étais dans les Pyrénées
ça j'adore:
Le jour s'écroule sur la montagne comme une houle assombrie...
entre beaucoup d'autres images de couleurs et formes
bien inspiré pour le second épisode, que d'histoires dans l'histoire (et même Histoire)
descriptions et images amusantes, que de trouvailles pour nous faire rire
Il y a un espace habitable mais il est aussi crade qu’une cellule de dégrisement le lendemain d’un dolby breton
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#11 25-09-2015 21:45:01
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Bonsoir cinqminutestreize,
(...) passé un certain age, le poids du sac reste affecté des souvenirs qu'on trimbale...
Tu as parfaitement compris l'esprit du texte, mais tu commets une erreur : le sac s'alourdit des souvenirs séquestrés, refoulés, pas de ceux qu'on libère...
C'est le privilège de l'âge que de l'avoir compris !
Jobig
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#12 25-09-2015 22:17:38
- ester
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- Lieu : Bzh
- Inscription : 23-08-2011
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Bonjour Jobig,
Voilà, grâce à toi, un week-end qui commence dans la détente !
O taon, suspends ton vol !
Merci pour le bain musical, même si ça ne nous rajeunit pas , mon bon monsieur !
Pas question de traîner : le soleil va cogner dur aujourd’hui encore.
Vu qui est tombé en Bzh, ça fait franchement rêver, là !
Encore merci Jobig et bravo d'avoir osé le must des petons !
Grâce à vous, j'avance ! merci !
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#13 26-09-2015 16:02:06
- Archimboldi
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- Lieu : Ch'nord
- Inscription : 12-03-2012
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
On oubliiiiiiie, hier est loin, si loin d'aujourd'huiiiiiii
Mais il m'arrive souvent de rêver encore
A l'adolescent que je ne suis plus.
On oubliiiiiiiie, et puis un jour il suffit d'un parfum
Pour qu'on retrouve soudain la magie d'un matin
Et l'on oublie l'avenir pour quelques souvenirs.
Et je m'en vais faire un tour du coté de Françoise
Revoir mon premier amour qui me donne rendez-vous sous le chêne
Et se laissait embrasser sur la jouuuuuuue.
Merci Jobig, ce récit est magnifique et touchant, j'espère qu'on aura droit à un épisode par jour.
"Life is full of wonders for someone who is prepared to accept them." Moominpappa
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#14 26-09-2015 18:17:24
- ventcalme
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- Lieu : Bzh
- Inscription : 29-10-2011
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Quand cette randonnée est-elle devenue une épopée médiévale ?
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#15 26-09-2015 18:44:13
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
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Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Bonjour Myrtille,
Joli titre Jobig smile , un poil reposant par rapport à ce qui suit hmm
Merci pour le compliment ! Je reconnais que mon récit prend des allures à la fois tourmentées et surréalistes (ce n'est pas fini !). Mon écriture est à l'image d'un ciel breton : il peut y faire les "7 temps" dans la même journée, voire dans la même heure !
que d'histoires dans l'histoire (et même Histoire)
J'adore les poupées russes et les histoires à tiroir !
Bonjour ester,
Merci pour le bain musical, même si ça ne nous rajeunit pas , mon bon monsieur !
Pour moi, ces genres musicaux relèvent de l'intemporel. Je ne les appréhende pas sous l'angle de la durée mais de l'instant. C'est un peu absolument ronflant ce que j'écris là mais en substance ça veut dire que : punk will never die ! Oye ! Oye ! Oye !
Salut Archi !
Dave ! Un choix pas innocent du tout ! Car en 77 il devait bien nous rebattre les oreilles celui-là (c'était pas le pire !) ! Merci mille fois pour ce clin d’œil moqueur !
Le prochain épisode, c'est pour demain matin !
Jobig
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#16 26-09-2015 19:05:27
- Jobig
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- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Salut Ventcalme,
Quand cette randonnée est-elle devenue une épopée médiévale ?
Quelque chose me dit que tu vas bientôt comprendre...
Jobig
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#17 27-09-2015 09:44:15
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Jour 3 : San Nicolas – (au-dessus du) Refuge de Goriz
Distance : 26.61 km
D + : 1465
D - : 845
Il est 4 H 30 du matin. Je me lève avec les poules. C’est le cas de le dire car mes petites Anglaises de hier soir s’apprêtent déjà à se mettre en marche ! Je rattrape ce petit monde sur la piste. Cela ne me disait rien d’emprunter le sentier rive gauche du rio Ara en pleine nuit. Une piste est toujours claire dans l’obscurité, donc plus sûre. Et à cette heure-ci la fraîcheur est au rendez-vous. Plusieurs petites cascades au-delà du pont de Santa Elena inondent la piste déserte de leur eau désaltérante. Je fais des réserves et m’emplis comme une outre car j’entame la journée la plus rude du périple. Je ne me doute pas alors que je m’en vais tout droit aux fraises…
Au Puen d’os Nabarros (version aragonaise du castillan « Puente de los Navarros » connu de tous) je gagne le beau sentier de Turieto qui me mène paisiblement à la Pradera, au son des cascades étouffé par les couverts de la forêt d’autant plus dense que l’aube n’en est qu’à ses prémices. Les navettes en provenance de Torla déversent leurs quotas de randonneurs depuis 6 H 30. Il fait encore bien sombre. Les groupes se ventilent furtivement sur le parking, qui vers le cirque de Carriata, qui vers les clavijas de Cotatuero, qui vers le cirque de Soaso. Pas de candidat pour la Senda de los Cazadores en dehors de mézigue…
La Pradera vue du mirador de Calcilarruego
Il y a de quoi gélatiner des cannes jusqu’au mirador de Calcilarruego : 700 M de dénivelée sur deux petits kilomètres. Mais ça va, j’ai trouvé mon rythme de croisière et négocie la montée au temps réglementaire d’une heure trente environ. Faut pas se plaindre, ils ont pensé aux lacets… Au vue de la topographie, c’était difficile de les oublier. Visuellement c’est un enchantement. A l’Ouest, maintenant que le jour s’est levé, la Tendeñera ressemble à un vaisseau à la dérive dans ce ciel d’azur.
En face, le Pico Mondarruego se hisse au pinacle de ses ambitions verticales. Je lorgne du côté de la Faja de las Flores qui me fait très envie. Une prochaine fois, peut-être. Progressivement, les choses cachées se dévoilent. L’envers du décor. Le Casque, la Tour du Marboré et, coincée comme dans une embrasure de porte, la Brèche de Roland…
Une corniche qui se déroule comme un serpent qui ondule...
Un sentier antique...
Le jour se lève
La Faja de las Flores, comme un bouquet de fiançaille...
La Peña de Otal en poupe, la crête effilée de la Tendeñera file vers le ponant
L'entaille de l'autre côté de la faille...
Je m’enfonce dans la faille… Singulière Faja de Pelay où il faut lever la tête pour se croire en montagne. Ou attendre que la vue se dégage vers le canyon car les lieux sont très touffus. Je trace sur ce long sentier presque plat, très patiné par le temps. L’impression d’avancer dans un bois suspendu entre ciel et terre me pénètre. Deux chevreuils détalent devant moi en bondissant dans les fourrés sans demander leur reste. Ce n’est qu’en vue du cirque de Soaso que la montagne reprend ses droits et qu’apparaissent les premières filets d’eau salvateurs. Ainsi que les falaises de calcaire du canyon d’Ordesa proprement dites, dominant la vallée comme les orgues dans une tour porche surplombent le chœur d’une église. La Sierra Custodia que supportent ces contreforts géants aux larmiers déchiquetés, dispensateurs de fraîcheur, me fait l’effet d’une cime écrasante et inaccessible chauffée à blanc par ce soleil d’été. Quel est donc ce pays où l’eau semble sourdre de la fournaise ?
Les grandes orgues d'Ordesa
Las Tres Serols s'esquissent dans la brume d'été : comacs les frelottes !
La grimpette au-dessus de la grande cascade de La Cola de Caballo vers le refuge de Goriz ne m’impressionne guère. C’est rien comparé à la Senda des chasseurs. Petits pas de danse sur la pierre glissante. Le souffle un peu court, j’en oublie mon panama solidement attaché à la sangle ventrale du SAD qui se dandine contre mon flanc gauche. Dans ce cul de sac atmosphérique l’air est comme en apesanteur. Un rien oppressant sous la chaleur. Les « Ola » et les « Buenos Dias » - courtois - se font plus nombreux au fur et à mesure que je me rapproche de Goriz. Dès que je repère des Français – et ils sont facilement reconnaissables parmi les Espagnols ou les autres étrangers – je dis « bonjour »… Par provocation. Je me fends la gueule intérieurement à lire de l’étonnement dans leurs yeux. Serait-il possible d’éprouver les prémices de l’ennui dans un pareil endroit ?
Rincon de Soaso en vue
Plano Bernod : même pas mal !
Las Tres Serols se découvrent à nouveau dans le fracas du carrousel d’un hélicoptère qui ne cesse d’aller et venir autour du refuge. Il doit être à présent une heure de l’après-midi et la petite esplanade empierrée où sont disposées quelques tables en bois qu’entoure la végétation clairsemée du plat, tient plus de l’enclume minérale que de la cour d’agrément. Comme tout le monde, je vais faire de l’eau dans une sanisette car le refuge est en travaux. Je m’enfile quelques abricots secs et une ou deux gaufres au miel. Nourrissant et savoureux.
En dehors des salutations de politesse, je n’ai pas échangé un mot depuis mon admission au camping de San Nicolas hier. Les quelques rares paroles que je prononce s’arrachent à présent douloureusement de ma poitrine, comme étranglées. Un sentiment d’isolement s’insinue sournoisement en moi. Je ne me sens guère d’affinités avec les personnes présentes qui visiblement se sont déplacées en groupe. J’ai l’impression de faire un peu tâche ; quelques sourires furtifs échangés avec des Espagnols éreintés ne me permettent pas de surmonter ce malaise, faute de pouvoir communiquer pleinement avec eux. Et puis, le cœur n’y est pas car l’accablement est à peu près général sous ce soleil de plomb. Et ce bruit de rotor qui n’en finit pas !
Refuge de Goriz en travaux
Sierra Custodia, au second plan : Punta Acuta
Je reprends ma route solitaire en direction de la Brèche. J’ai certes récupéré physiquement mais mon esprit ressemble de plus en plus à une canette de bière abandonnée sur un trottoir de Carhaix pendant le Festival des Vieilles Charrues. C’est uniquement la curiosité qui me fait mettre un pas devant l’autre. Un peu flottante comme motivation. De la Grau de Faixolunga la vue sur le chapeau chinois que dessine le Tobacor est pourtant saisissante et je distingue dans un lointain pas si éloigné le Pico Blanco, le Taillon et devine le Collado del Descargador assez proche. Les affleurements rocheux et les grosses dalles grisâtres plaquées sur l’abrupt des pentes amplifient le caractère désertique des lieux. Y a pas âme qui vive dans ce chaos.
Je suis pourtant un sentier bien tracé qui est surplombé d’une longue barre rocheuse. Il la faut franchir en suivant une trace cairnée lorsqu’on parvient au bout du vallon de la Herradura. Je grimpe. Docile. Mais une fois parvenu sur l’aplat, mon esprit se met à beurrer les tartines.
Tobacor : l'envers du chapeau chinois
La Faixolunga. On y repère le Descargador où tout le monde descend et, dans le lointain, le récif du Pico Blanco...
Beaucoup sur le forum reconnaissent se demander en cours de route ce qu’ils font là. Moi c’est plutôt la crise aquaboniste que je me tape. Dans les grandes largeurs. Je n’ai aucun problème moteur mais je n’accorde plus le moindre intérêt à ce qui m’entoure. Audiard (père) aurait dit que j’ai les hannetons dans la soupente*… Mes jambes pouvaient encore me porter jusqu’à la Brèche et aux Sarradets. A quoi bon ? « Ça » décide de redescendre. Je finis par m’asseoir sur une grande pierre surmontée d’un petit cairn le long du sentier : Jobig à l’échouage pour un remorquage de la dernière chance !
Va bien y avoir quelqu’un à passer dans ce désert qui se dirigera vers la frontière. Je lui demanderai alors dans la langue qu’il voudra, en français, en anglais, en espagnol (?), en latin ou en breton au besoin, s’il veut bien que je l’accompagne.
Ça suffira pour relancer la machine. Seulement, y a pas lerche de monde ici ! Si, deux Portugais approchent : à l’abordage ! Fume ! Ils font le tour du Tobacor pour rejoindre les clavijas de Cotatuero !…
"Pourtant le sort, caché dans l'ombre,
Se trompe si, comptant mes pas,
Il croit que le vieux marcheur sombre
Est las." **
Je me sens de plus en plus ridicule assis sur mon caillou, pas vrai Totor ? Je repars sur Goriz. Récupère sur mon chemin un poncho perdu par un quidam, le tends au gardien du refuge en même temps que ma carte d’identité. Je ne m’attarde pas et me trouve un coin d’ombre dans l’entaille où s’écoule le Barranco de Faixalunga. Mon bouquin dans les mains : « Un bonheur fou » de Giono.
Un peu saumâtre le jeu des coïncidences significatives, non ? Je m’en foutrais des coups de savates dans le valseur… Maintenant, il n’y a plus qu’une question qui compte pour moi : comment je vais faire pour raconter un tel fiasco sur RL ? Je m’en couvre déjà le visage de cendre…
Ma pierre de touche...
La Subitialla : en route vers le grand désert de la Custodia ; l'an prochain, qui sait ?
* En argot : avoir le cafard
** Exil, Victor Hugo, 1881
Dernière modification par Jobig (27-09-2015 09:53:12)
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#18 27-09-2015 10:25:16
- ester
- Membre
- Lieu : Bzh
- Inscription : 23-08-2011
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Bonjour Jobig,
Rhalala, ma doue beniguet !
Celui-ci n'a pas mis sa Kasketenn !
C'est ça que c'est ! *
Ces chaleurs-là, nous les gens de l'Ouest, ça nous met les neurones en stand by...
ça me rappelle quand je suis repartie du refuge Ouallon, et que je m'arrêtais toutes les 5 minutes.
Un petit café, au feu de bois (interdit mais en toute sécurité) et c'est reparti, toutes courbatures oubliées sur le champ.
Chacun sa recette.
J'attends le rebondissement avec impatience et grande curiosité !
Ps : magnifiques les paysages !
Edit : * humour du Penn-ar-Bed (Finistère)
Dernière modification par ester (27-09-2015 10:26:46)
Grâce à vous, j'avance ! merci !
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#19 27-09-2015 11:38:26
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Bonjour ester,
J'attends le rebondissement avec impatience et grande curiosité !
Oulala ! Parce qu'il faut un rebondissement ? D'une certaine façon, il a bien failli avoir lieu... sur les rochers de la Cola del Caballo !
La suite, demain...
Jobig
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#20 28-09-2015 09:24:33
- zorey
- HRP addict
- Lieu : Pyrénées, Aure et Louron
- Inscription : 07-06-2011
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Salut Jobig !
J'attends moi aussi la suite avec impatience, en plus on est demain !
Le seigneur Vignou (j’aime bien l’expression de Zorey…)
Moi aussi !
La nature nous a donné deux oreilles et une bouche pour écouter le double de ce que l'on dit.
Ourson Power
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#21 28-09-2015 10:05:26
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Salut zorey,
Comme nous mettons le cap sur la pointe de Roscanvel tout à l'heure, il faudra attendre la soirée pour découvrir la suite des aventures de Jobig... Le texte est prêt depuis 15 jours mais l'insertion des photos s'avère très gourmande en temps.
Jobig
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#22 28-09-2015 17:51:00
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Jour 4 : Goriz – San Nicolas (après-midi farniente)
Distance : 23.43 km
D + : 622
D - : 1416
Réveil en mode gueule de bois. Bien dormi sous la coupole aragonaise, pourtant. Mais au lever je sens une douleur familière, incisive… et mal placée. Un point de stress à l’entrejambe, à l’arrière des joyeuses, qui s’est transformé en lésion façon psoriasis. Comme d’habitude. Je préfère quand c'est sous l’aine. Au moins je suis libre de mes mouvements. Parce que lever les jambes pour grimper au Pas des Isards ou suivre la voie normale, là ça va être coton de chez coton. J’ai déjà donné dans ce genre de plan. Pas envie de recommencer. Je soigne. Eosine : un palliatif. Il était écrit que je n’irai pas visiter la muraille frontalière cette année encore… La mouscaille, j’vous dis.
Doublement ballo, car par les hauts c’est plus court pour rentrer à San Nicolas. Mais je suis un marcheur de fond : je compenserai la distance par la vitesse. Cul nu dans mon pantalon pour tenter de limiter les frottements, je me trisse de ces lieux enchanteurs en me promettant d’y revenir pour laver l’affront. Ma course matinale contre le soleil reprend. Il va falloir serrer les dents…
Le Canyon d'Ordesa : un si beau cadre pour mourir...
J’amorce un retour en cascade. A toute pompe. J’ai déjà eu l’occasion de clavotter « tout le bien » que je pensais de mes Salomon Mid machin chose. Je confirme. De vrais patins à glace ! Glissade incontrôlée sur une dalle oblongue un peu lustrée du côté de Cola del Caballo et il s’en faut de peu que je n’embrasse un randonneur espagnol d’âge mûr, presqu’un vieillard, qui croisait en montée et que nous ne terminions nos trajectoires respectives dans un de ces baisers de la mort, sans parachute, dont Hollywood a le secret…
Le plus drôle fut le regard ahuri que nous posâmes l’un vers l’autre quand, comme dans un ralenti, je lui glissouillai dessus sur un seul pied.
Mais ce n'est pas un bon jour pour mourir... Cette cascade va me laisser un souvenir renversant !
Des cascades, des vraies, des aquatiques, bien clapotantes, je vais en serrer de près comme s’il en pleuvait. De la primesautière, de la gradinée, de l’engouffrée, de l’étrécie, un vrai jet d’eau ce Rio Arazas. L’œil moissonne le beau à chaque battement de cil dans cette vallée en U sculptée par les glaciers du Pléistocène. C’est une de mes consolations du jour. Je ne soupçonnais pas que la partie basse du canyon d’Ordesa fût si boisée ; une hêtraie épaisse et profonde s’offre à mes pas de moins en moins solitaires car les premiers contingents de familles espagnoles s’invitent au spectacle. Tout en haut vers le nord, le Tozal del Mallo ne me quitte plus. Il ne me ferait pas un doigt d’honneur, des fois ?
Gradas de Soaso (photo archive août 2015)
Un vrai défilé de chutes (photo archive août 2015)
Le plus beau doigt d'honneur qu'on m'ait fait...
Je quitte le Rio Arazas aux berges démesurément hautes pour retrouver mon Rio Ara qui me semble bien plus rieur et accueillant que son affluent dans la lumière éclatante de cette fin de matinée. J’ouvre une parenthèse pour les amateurs/rices de baignade tonique : il existe sur le cours de l’Ara, en aval du Puente de Los Navarros, à cinq minutes de marche à peine, plusieurs piscines naturelles en eau profonde d’un bleu turquoise à faire pâlir d’envie un revendeur de lapis lazuli… Avis aux nageur(se)s !
Puen d'os Nabarros
Je remonte l’Estrecho (le détroit, le goulet) de Los Navarros par la piste, histoire de recueillir l’eau des castagnets, puis enchaîne avec le sentier jusqu’à San Nicolas. Je profite d’une après-midi ludique au bord du Rio (et surtout dedans !), dans l’odeur un peu fade des buis en suspension, pour amorcer une réflexion sur ma pratique de la haute montagne, non sans avoir au préalable vidé une ou deux San Miguel et dévoré une assiette de « patatas bravas » au refugio ! Je crois qu’il y a des choses à revoir compte tenu de mon émotivité actuelle, à fleur de peau. Pourquoi ces deux tentatives avortées vers la Brèche ? Du temps perdu ? Non. Il en sortira quelque chose de bon, tôt ou tard.
Mais en repensant à la journée d’hier je me dis que j’aurais mieux fait d’emporter mon baladeur (+ 27 g)… Combattre le mal par le mal en quelque sorte ?…
Le rio rieur et son trou à rat...
Pépère prend son bain de siège...
Une conversation (en anglais !) avec quelques employés du refugio m’invite à penser que la Bretagne jouit d’une excellente image et attise la curiosité dans ce petit coin de Sobrarbe. Un autre motif de satisfaction !
Ce soir, on sent que la météo va changer : l’atmosphère s’alourdit.
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#23 29-09-2015 18:44:47
- florencia
- Membre
- Lieu : 71
- Inscription : 11-11-2011
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Salut Jobig,
Je me reconnecte en douceur et découvre ta marche du temps perdu.
Ta prose est toujours aussi plaisante, imagée et référencée
Ce secteur d’Ordesa est assez envoûtant, à la fois spectaculaire, contrasté et parfois intimidant en fonction des conditions météo.
Hâte de lire la suite de tes pérégrinations et le dénouement de cette histoire contée
Flo
Réalisations DIY
_ _ _ _ _ _ _ _ _
"Si vous pensez que l'aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle !" -Paulo Coelho.
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#24 29-09-2015 18:46:34
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
- Inscription : 01-07-2014
Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Jour 5 : San Nicolas – Aire de bivouac du Clot/Pont d’Espagne
Distance : 29.73 km
D + : 1490
D - : 1355
Il fait encore beau quand je lève le camp vers 6 H 45. Pour combien de temps ? Je me hâte sur le GR 11 déjà parcouru l’an dernier dans l’autre sens. Cette fois-ci, j’accorde un plus grand intérêt aux vallées voisines qui sont perpendiculaires à celle du Rio Ara : Otal, Ordiso, Espelunz, Batans. Toutes conduisent vers des voies de crêtes (ou des lacs) en Comarca de Sallent. Autant de destinations à la journée pour les vacances familiales qui s’annoncent à la fin du mois…
Vers la Valle de Otal
La Craprera surplombant San Nicolas
La Valle Espeluns : une magnifique échancrure s'ouvrant sur le Rio Ara
L’ombre protectrice de la montagne m’abandonne définitivement quand j’entame l’ascension des premiers raidillons au-dessus du grand confluent de Mallata Batans. J’aurai croisé plus de vaches que d’hommes sur ce trajet… Ça a beau arquer dur, la vue surplombante en direction de la Tendeñera me transporte comme la première fois. Cette vallée de l’Ara est sécurisante avec ses couleurs très claires, très douces où le gris galet domine. Et si hospitalière : j’ai compté pas moins d’une dizaine de points d’eau potable sur les 16 km de parcours depuis San Nicolas. Je la contemple de longues minutes au comble du ravissement.
Rio Ara en mode ascensionnel. En bas, c'est El vado d'Ordiso
Valle Batans ; la voie du GR 11 vers Brazato et Baños
Du ressort pour un ressaut
Je reprends ma route dans les combes cerbillonaires. La lueur implacable du soleil éclate sur la roche nue, calorifuge. L’itinéraire bis en direction du cirque se dessine sur une gigantesque terrasse, de l’autre côté du rio. Je suis sa trace des yeux mais la perds un peu dans les pierriers. Au-dessus, le col de Letrero couronne en surplomb un névé vertical disposé en médaillon sur le chaos rocailleux de la pente. Comment ça passe par là ? Derrière le col, les lacs de Gramatuero, Bachimaña, le Port du Marcadau… Ne devais-je pas naviguer dans ces parages initialement ? C’est si loin maintenant qu’il y a prescription !
Pico de la Neberas. A gauche le col de Letrero
Pic Longue, col du clot de la Hount, Cerbillona
Je m’arrête pour la pause casse-croûte à l’ombre d’un rocher en plein milieu du cirque. Un peu plus haut, quelques traces anciennes de la Senda conduisent à un névé. A la verticale de celui-ci, je remarque un gros bloc de pierre situé à 2400 M d’altitude environ le long duquel les usagers de l’autoroute Arratille/Mulets ont le bon goût de transiter. Un raccourcis ! Il suffit de tracer en zigzag à travers le pierrier (qui me paraît stable) sur une centaine de mètres de dénivelée et, en visant ce repère, rejoindre recta le sentier en balcon au lieu de se dérouter vers le sentier en lacets qui conduit au col des Mulets pour devoir bifurquer à gauche ensuite.
Ma traversée baroque ne passe pas inaperçue.
« Vous étiez en Espagne ? » Me demande avec gourmandise une jeune femme – une Bretonne ! – venant du col d’Arratille.
« J’en viens, ‘fectivement… » Et d’embrasser le paysage grandiose d’un geste large du bras.
L’air de rien, on s’improvise tous les deux une bonne petite bavette en bordure de précipice comme on le ferait sur le bord d’un trottoir un jour de marché. Quelques groupes de marcheurs nous interrompent de temps en temps car le passage est étroit mais cela me fait un bien fou ! On finit tout de même par se quitter (elle poursuit jusqu’à Baysellance). Gonflé à bloc, j’atteins le col d’Arratille à la cadence de pas plus tard que tout de suite.
Court arrêt buffet au lac éponyme (le grand !). La canicule tourne franchement à l’orage. L’air est aussi lourd qu’un sac Bergam sur le dos d’un MUL.
Telle une étuve irrespirable, la montagne s’est vidée de ses hôtes ; je repère ça et là, non loin du sentier, quelques silhouettes blotties sous le maigre couvert des pins sylvestres : les places sont chères ! Je finis par me dégotter un arbre et m’y réfugie à mon tour. La Géhenne sans un pet de vent ! Mais à l’ombre des branchages je mesure combien le paysage est magnifique sous cet éclairage intense.
Un morceau du nouveau Parlement de Bretagne
Que du splendide ; lac d'Arratille (facile), Grande Fache, Balaïtous, Pène d'Aragon, Pic de Cambalès, Tête de l'Ours, Pic de Bernat, Pic Arrouy, Soum de Bassia, Cardinquère...
Je reprends mon courage à deux pieds. Direction le plateau du Cayan. Je double un groupe de 4 randonneurs bien chargés. Tendus les mecs. Des sacs plastiques remplis de je ne sais quoi (et de je ne veux pas le savoir !) ballottent sur les SAD qui en ont déjà plein la besace. Je note l’inévitable mug ou quart accroché au sac comme un talisman. C’est une épidémie ! L’homme de queue (n’allez surtout pas vous imaginer des obscénités !), en légère surcharge pondérale, commence à gober les mouches… L’orage qui menace ? Ou le dénouement d’une mortelle randonnée ?… Je presse le pas.
Arrivée au Clot. Pour cette dernière nuit, je n’ai pas envie de réitérer mes exploits d’il y a quelques jours. Je prendrai uniquement mon repas au refuge. Les trente bornes se font douloureusement sentir… Surtout au niveau de l’entrejambe (plaie ouverte à vif, je termine sur la marche des canards : il était temps d’arrêter…
) et de la plante des pieds (maudites godasses !
). Je me pose sur l’aire de bivouac en compagnie de trois jeunes hommes porteurs de 60 L. Dans un premier temps, je me contente d’enfiler mon couchage du soir dans le sursac. Excès d’optimisme ?
Mes lurons zieutent avec de plus en plus d’insistance vers mon « spot ». Il y en a un qui se décide enfin à m’aborder. Un Bigouden ! Un curieux… Ce qui attise sa curiosité n’est autre que mon sursac fait maison qui me permet de dormir à la belle étoile sous une couette alors que eux se tapent chacun leur Q…..a munie d’arceaux pléthoriques d’un quintal la pièce, dans un sac en attente désespérée d’optimisation… J’explique la composition et mes trucs de confection. Les autres se sont rapprochés, des Bretons du Pays Gallo. Candide, je les entreprends sur le thème de la marche légère, leur explique qu’il existe un site de référence francophone dans ce domaine, RL. Mais, pas de ça, Lisette ! On-n-en-veut-pas !
« Sur un forum, quand l’un dit blanc, l’autre dit noir ! » Me rétorque-t-on, très péremptoire. Bien une réflexion de Breton, avec ce sens inné de la contradiction entêtée… ou de l’entêtement dans la contradiction. J’insiste pas. Faut prendre le client dans le sens du poil et laisser venir. Mon Bigouden revient de lui-même sur le sursac : j’en remets une couche sur les matériaux utilisés. L’aspect technique l’accroche. Je sens qu’il a envie. La curiosité le poussera-t-elle, mine de rien, à venir piocher chez les MULs en futur lecteur de Randonnée Léger ?
L’aire du Clot, c’est le paradis des moucherons et des moustiques. A neuf heures du soir, tout le monde doit se replier dans sa tente alors que la chaleur est toujours aussi étouffante. Tout le monde, sauf bibi et sa moustiquaire de tête ultralégère qui lui permet d’écouter sans dégâts, sous un ciel crépusculaire cloué d’étoiles (ça n’a pas duré !), le Cantique des Cantiques interprété par Rodolphe Burger sur lequel Pépère finit par s’endormir comme un bienheureux… Avant d’être réveillé par les coups de gueule tonitruants de l’orage qui craque brutalement au beau milieu de la nuit ! Branle-bas pour monter une ébauche d'abri à l’aveugle sous des hallebardes…
Cette lustration nocturne m’aura-t-elle lavé de tous les avatars de la nostalgie qui m’ont hantés au cours de ce cheminement confus ? On peut le supposer. Parce qu’une douche comme celle-là, ça calme son bonhomme, croyez-moi !
La réponse au mois de septembre, peut-être…
Des nervures du temps fossilisées comme suspendues à l'ombre de Jobig
Epilogue ou grand bavardage :
Cette sortie a été un bel échec… Mais je ne regrette rien ! Je me suis beaucoup amusé à rédiger le récit que j’en ai tiré. Je suis bien conscient que ce n’est pas un « format » dont les habitués du forum font leur miel. Mes 100 km en montagne sur sentier plus ou moins balisés, un peu ternes et sans difficulté (je ne fournis aucune trace sur Openrunner, c’est inutile), et foirés de surcroît, n’ont vraiment pas de quoi faire rêver.
Je veux exprimer ici toute ma gratitude à ester pour le fil qu’elle avait intitulé si joliment « La première page », quelques jours avant mon départ pour les Pyrénées en juillet. Elle en sera la première étonnée, je pense. Car son propos n’avait aucun rapport avec ce que la part la plus irrationnelle de moi-même – mon ombre – avait pu en retenir. Son texte* - habilement construit - en suscitant ma surprise, a, en quelques jours, débloqué quelques mécanismes inconscients de ma mémoire, sur fond, il est vrai, de séances de sophrologie.
C’est ainsi que j’ai pu me rappeler, au hasard d’une nuit blanche, de « Françoise » que j’avais totalement occultée et, de fil en aiguille, d’autres souvenirs ont surgi en cascade, aussi importants pour ma propre compréhension de ce que je suis devenu depuis cette bluette d’adolescent (laquelle eut un rapport funeste avec les Pyrénées…).
Je pense que sans ce sursaut mnésique, je me serais rapatrié piteusement chez moi (pour la plus grande joie de mon épouse ! enfin, je grossis un peu le trait là…) et, dans la foulée, aurais liquidé – la mort dans l’âme, faut bien le reconnaître - mon compte RL par dessus le marché !
Quel est le rapport avec la randonnée légère ? Probablement aucun, serai-je tenté de dire à brûle pourpoint. Pas si sûr. Car celle-ci sert à la fois de prétexte – fortuit – et de contexte à un retour sur soi, à un moment charnière de l’existence, qui commence à porter ses fruits… Sur un autre plan, j’ai aussi compris qu’il valait mieux que je me laisse une plus grande marge de plaisir en prenant mes distances avec une pratique valorisant exagérément la performance.
La marche légère, et à plus forte raison ultralégère, permet d’aller plus vite, plus loin (et plus sûrement !) et plus longtemps sans – trop – de dommages (en ce qui me concerne, c’est plus un investissement à long terme…
) mais ces plus-là additionnés provoquent chez moi (en tout cas cette année et tout particulièrement en montagne…) de l’appréhension, un sentiment indésirable « d’être tenu à », surtout en amont, au moment de la préparation...
C’est un paradoxe. Mais dans mon cas, à l’heure où je rédige ces lignes, c’est comme si on prescrivait du sucre à un diabétique ou une cure de stress à un anxieux.
Je continuerai, cela va de soi, à m’alléger (et aiderai les autres à en faire autant dans la mesure de mes compétences !) car je trouve le concept on ne peut plus judicieux, mais j’irai moins loin, moins vite et tout aussi sûrement en éprouverai un plaisir décuplé. Et si j’accomplis des performances à l’avenir, ce sera à l’insu de mon plein gré ! (en fait, elles viendront naturellement - j’ai encore de la ressource physique - sans que j’y pense… parce qu’il ne faut surtout pas que j’y pense !)
De même, je décide de m’affranchir définitif des nuitées en refuge (sauf exception : météo…) notamment la première nuit, et de reconquérir ma liberté. On dort mieux en bivouac de toute façon ; il n’y a qu’à voir les tronches de ceux qui sortent des dortoirs au petit matin (un bon argument en faveur de la MUL)... En revanche, je ne m’interdirai pas pour autant d’y manger, disons un soir sur deux, pour le plaisir des rencontres et des discussions improvisées avec des inconnus. C’est à mes yeux le sel de mes sorties solitaires. Un autre paradoxe !
Un mot sur la diffusion de la pratique de la MUL. Le sujet a été abordé plusieurs fois cet été respectivement par Archimboldi, ester et sous un angle différent par Galou83. J’ajoute mon témoignage et quelques éléments de réflexion. Cet été, j’ai eu exceptionnellement l’occasion de rayonner dans un périmètre d’une quarantaine de km² en plein cœur de la chaîne des Pyrénées, à différentes périodes : juillet (5 jours, le présent CR), début août (ballades à la journée), septembre (4 jours qui feront l’objet d’un retour).
Je n’ai en tout et pour tout eu l’occasion de traiter verbalement le thème de la randonnée légère que 4 fois au cours de ces 14 jours passés en montagne ! Comme je l’explique plus haut, le bilan est maigre : dur de changer les habitudes. Faut vraiment aimer bivouaquer, marcher en autonomie, pour y porter de l’intérêt (et encore !…) ; or le bivouac est une pratique minoritaire, quant à la recherche de l’autonomie...
Je n’ai pas vu le moindre abri (sauf une tente ultralégère MSR… au camping Ordesa près de Torla !). Que des tentes Q !
Le seul couple qui avait connaissance du concept ne le pratiquait pas (et pour cause : c’étaient des « itinérants ») ! J’avais saisi au bond leur conversation mais je m’étais rapidement rendu compte que celle-ci tenait plus du bavardage anecdotique et mondain entre bobos. J’avais alors décroché car j’étais sûr de perdre mon temps et m’étais mêlé à un autre groupe dont les centres d’intérêt et l’attitude étaient plus proches des miens et plus réjouissants.
Les « petits sacs » c’était de la rando à la journée. En dehors de ce cadre, on entre dans le monstrueux… ou dans le tourisme de « masse » avec le développement de l’itinérance de refuge en refuge (je caricature : pas de nourriture sur soi, mais toute la garde robe passe dans le SAD, y compris le linge de nuit et la salle de bain car on embarque tout ce que l’industrie des cosmétiques peut proposer de produits de beauté, de soins du corps en tout genre… et ce n’est pas une exclusivité féminine !)
Le seul qui avait une pratique ultralégère (sans connaître le concept) et l’œil affûté fut le gardien du camping de San Nicolas, un Aragonais du même âge que moi, avec qui j’ai pas mal échangé (en anglais) : lui aussi venait de dormir le WE précédent dans un sursac à la belle étoile en haute montagne. J’ai pu pareillement observer quelques bergers au travail qui vivaient en mode nomade sur le terrain (en septembre, j’y reviendrai dans mon prochain CR) : à l’exception du SAD, leur équipement était vraiment optimisé. J’ai dû croiser très brièvement 2 individus randonnant en autonomie que je serais tenté de classer dans la MUL : un Espagnol et probablement un Français (sur lequel j’ai un doute car je l’ai aperçu d’assez loin ; mais l’allure, le sac minuscule, le piolet plaidaient en sa faveur). C’est tout. Bien sûr, on ne peut généraliser sur ce simple témoignage.
Ester rapporte une expérience bien différente. Sa démarche semble avoir attiré davantage l’attention et soulevé plus d’enthousiasme. Pourquoi ? Parce qu’elle s’est trouvée au bon moment au bon endroit ? Parce que sa qualité de femme solitaire, autonome et sociable en milieu montagnard accroche plus facilement le regard et suscite l’intérêt ? Parce qu’ester est douée d’un charisme irrésistible (je n’en sais rien) ?
De toute évidence, la MUL manque de visibilité. C’est peut-être la rançon d’une pratique majoritairement adoptée par des solitaires. Lesquels, par définition, passent davantage inaperçus dans la masse des randonneurs. Et passent d’autant plus inaperçus et seront d’autant moins suivis qu’ils cultivent eux-mêmes une certaine marginalité. Est-ce que cette tendance est spécifiquement française ? A quand des missions en binômes pour porter la bonne nouvelle sur le terrain (à la manière des apôtres ou des missi dominici, une vieille méthode qui a fait ses preuves) ? Il est, en effet, plus facile d’orienter une conversation à deux et on se rend un peu plus visibles et plus influents ensemble. A moins de recruter massivement des ambassadrices ?
D’une certaine façon, j’ai l’intuition que les MULs sont encore des semeurs d’idées qui ne semblent pas avoir atteint le statut d’attracteurs d’opinion… En dépit de l’excellent site que constitue RL. Faut-il envisager un plan de communication dans d’autres médias ? On peut tout aussi bien se satisfaire de la situation actuelle. Ce serait également un choix honorable.
La liste et les commentaires sur le matos suivent.
* La première page d’un roman de Garcia Marquez qu’on arrache… Une pratique singulière cultivée par ester et par ses épigones… « Cent ans de solitude » puisque c’est le titre de ce roman qui traite de l’acculturation de masse, de l’insomnie conduisant à l’amnésie, de la nostalgie en tant qu’expression de la mémoire, elle-même composante de l’identité collective autant qu’individuelle. Un thème cher à Jobig, dont la convocation n’avait vraiment rien de déstabilisant en soi, mais le diable se cache toujours dans les détails…
From each according to their ability, to each according to their needs.
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#25 29-09-2015 19:12:28
- Jobig
- Membre
- Lieu : Breizh
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Re : [Récit + liste] La marche du temps perdu - Alto Aragon juillet 2015
Bonsoir Flo,
Te voilà exaucée ! puisque nos envois viennent de se croiser ! Je suis bien content de te retrouver sur le site.
J'espère que ta traversée s'est bien déroulée ! J'y ai pensé lors de mon retour dans les Pyrénées début septembre (ça me paraît très loin maintenant !). T'étais dans quel secteur vers le 9 ? En ce qui me concerne, je croisais entre Bachimaña et Gramatuero...
Ce secteur d’Ordesa est assez envoûtant, à la fois spectaculaire, contrasté et parfois intimidant en fonction des conditions météo.
J'y retournerai l'an prochain à la mi-juillet. C'est vraiment très beau. Et puis, je veux absolument grimper à cette f..... brèche !
Jobig
From each according to their ability, to each according to their needs.
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