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#76 23-09-2015 16:43:24

Caroline73
Membre
Lieu : Savoie
Inscription : 06-12-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

16 juillet - Parce qu'il faut bien redescendre

Nous redescendons à Kazbegi dans la matinée. Pour porter moins lourds nous avons fait la descente en chaussures d'alpi! Non mais quelle horreur pour les chevilles! Près de l'église de Gergeti il y a une fête locale et des courses de chevaux, des chorales de filles qui chantent des chants traditionnels, c'est vraiment super sympa. Nous retournons à Tbilissi avec le mini van de notre guide. On comate bien dans le véhicule... mine de rien on commence à être fatigués et c'est la fin de ma cinquième semaine de voyage, je ne vais pas bouder mon repos en France!

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17, 18 et 19 juillet - Une dernière fois Tbilissi et rentrer

Les deux derniers jours nous les passerons à Tbilissi. Et parce qu'un voyage n'est jamais fini jusqu'à ce qu'on descende de l'avion ces deux jours seront l'occasion de 3 belles rencontres.

Le premier soir le père de famille nous fait signe de venir avec lui en voiture, à ce moment là on se dit qu'il y a 8 chances sur 10 à peu près que cette idée implique de l'alcool, mais non, on est mauvaise langue, il veut nous présenter sa jeune nièce de 17 ans et faire le tour de la ville nocturne avec nous. Il est content car elle parle un parfait anglais et il a comme ça enfin un interprète. Tako, un diminutif d'un prénom trop compliqué pour que je le retienne, est anxieuse car elle attend les résultats de l'équivalent du bac pour savoir si elle est prise à la fac de droit. Elle s'inquiète pour rien, on voit tout de suite que c'est une fille brillante. Elle veut devenir avocate, peut-être voyager pour voir des pays qui la font rêver, mais elle veut rester dans son pays pour aider. Elle parle couramment russe et anglais, profitant de la guest house de son oncle et de ses parents pour rencontrer beaucoup d'étrangers. C'est l'occasion rêvée pour nous de poser toutes les questions qui nous titillent sur la société géorgienne. On apprendra par exemple que c'est souvent la femme qui gagne plus que l'homme car c'est plus facile pour elle de trouver du travail, donc c'est elle le soutien de famille. Même si le patriarcat reste une idée dominante les femmes sont associées aux décisions familiales.

L'autre rencontre sera celle de deux filles, des copines françaises, arrivées épuisées d'un bus de nuit turc qui conduisait comme un malade. Elles venaient de visiter la côte turque de la mer noire, pas du tout touristique, mais l'une d'elle parle bien turc vu qu'elle finissait juste sa mission de 2 ans de prof à Istanbul. Nous les avons rencontrées au petit déjeuner du premier matin, ras le bol de la bouffe caucasienne nous avions cherché un truc "continental" et mine de rien c'est vraiment rare à Tbilissi. Elles avaient eut la même idée. C'est tout naturellement que nous les avons amenées à notre guesthouse et que nous avons passé nos derniers jours avec elles. Depuis nous sommes restés en contact et avons randonné en France ensemble et prévoyons peut-être de futurs voyages communs. Nous avons aussi invité Tako à venir avec nous visiter les églises, les musées et faire quelques emplettes.

Le dernier jour nous avons enfin été aux bains chauds, qui nous intriguaient depuis le début. C'est un étrange mix de bain turc (bassin d'eau soufrée chaude, vapeur, masseur qui vous masse et vous nettoie avec un gant rêche puis une éponge qui fait plein de mousse) et de bain russe (une pièce par groupe, mais mixte alors que les bains turcs ne le sont pas). Nous avions pris soin de négocier le prix et de payer avant, nous avons bien fait, le masseur azéri qui peut donc parler avec notre copine qui parle turc nous prévient que la gérante va demander plus en sortant et qu'il ne faut pas payer, car nous avons négocié avant. Et enfin nous sommes partis à la recherche de vin (là aussi gare aux arnaques...) Et globalement savoir que le vin géorgien a du "caractère", ne pas s'attendre à du vin de chez nous, c'est âpre, c'est fort, et c'est fait exprès, c'est comme ça qu'ils l'aiment! Mika va s'inquiéter en voyant ma langue noire... "T'inquiète, c'est le tanin du vin, goute tu comprendras..."

Nous quittons tôt la ville le matin du 19, amenés à l'aéroport par le père de famille qui semble ne jamais dormir... L'avion de Mika est à 4h, le mien à 6h. Mon bagage à main est énorme : j'ai tout mon matos d'alpi (sauf les crampons et le piolet qui ne passent pas pas en bagage à main bien sûr!) et une partie de mon matos de rando parce que... il y a 4 bouteilles de vin, une flasque de tchatcha et 2 pots de miel dans mon sac à dos de 42 litres! Ça prend de la place... J'avais aussi craqué en achetant dans une friperie un short en jean et un débardeur (pour 8€ l'ensemble tongue ), j'en avais tellement marre de porter les même fringues depuis 5 semaines... mais ça en faisait plus à mettre dans le sac du coup -_-

Au revoir le Caucase!

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Mother of Georgia veille

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Soupe montagnarde au fromage, plat de mezzé et ce n'est pas du poisson pané mais un genre de pain (ça a la consistance et le gout du poisson pané cependant...)

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Parfaite petite guesthouse

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L'évolution de l'homme! XD



Et... et... c'est fini!!! Victoire!! big_smile big_smile

Dernière modification par Caroline73 (23-09-2015 16:59:38)

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#77 23-09-2015 16:53:27

Caroline73
Membre
Lieu : Savoie
Inscription : 06-12-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Toute l'ascension est de type rando glaciaire ?
A part la moraine, effectivement " crapoteuse ", avez vous rencontré d'autres difficultés ?

Oui, tout rando glaciaire. C'est techniquement une ascension vraiment facile. Mais je ne pense pas avoir assez d'expérience pour avoir trouvé la meilleure et la plus sûre voie toute seule, d'où notre choix du guide (puis ça participait à l'ambiance, j'ai bien aimé).

Pas de difficulté. J'imagine mal un 5000 plus facile que celui-là. La difficulté, d'après notre expérience, c'est d'attendre une bonne fenêtre pour faire toute l'ascension. Mais bon, c'est le cas de tous les hauts sommets de toute façon.

D'après les retours des autres cordées, souvent russes ou d'ex-URSS, l'Elbrouz n'est pas plus dur (et il y fait tout aussi souvent un temps qui empêche de monter au sommet ^^)

Par contre le premier sommet de Géorgie, le Chkhara, est extrêmement difficile. C'est que de la grimpe.

Pour info, on trouve à Tbilissi gratuitement aux points infos, mais il faut le demander spécifiquement, un petit bouquin qui répertorie toutes les voies d'alpi du pays. Avec des photos, des dessins des voies, des cotations, il est super bien fait! Si vous voulez des scans je peux vous en faire.



Zut, j'ai pas gardé le tableau du matériel... j'ai celui de l'année dernière en Laponie, c'est pas très différent, demain je le met à jour et je le poste. Et après si je me motive je corrige les fautes d’orthographe parce que ça pique les yeux des fois!

Dernière modification par Caroline73 (23-09-2015 17:06:15)

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#78 23-09-2015 19:23:30

Archimboldi
Membre
Lieu : Ch'nord
Inscription : 12-03-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Caroline73 a écrit :

Et... et... c'est fini!!! Victoire!! big_smile big_smile

Pour une fois que Caroline termine un récit avant d'entreprendre un nouveau voyage...  big_smile

Je suis un peu triste, c'est la fin d'une belle épopée avec une héroïne éminemment sympathique. C'est le genre de récits que j'aimerais voir imprimé (en version poche légère, evidemment) pour pouvoir les relire tranquillement en voyage. Pouvoir les annoter, me dire en lisant "mais oui, c'est exactement ça que je vis ! ".

Merci de m'avoir fait, de nous avoir fait voyager !  smile


"Life is full of wonders for someone who is prepared to accept them." Moominpappa

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#79 23-09-2015 20:59:44

kodiak
Pas assez léger, mon fils!
Inscription : 09-06-2014

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Super! (quoi, c'est déjà fini?) Belles photos. Je craque pour l'’église de Gergeti dans la brume...


Lâche ce clavier, attrape ton sac et pars marcher!
Il y a toujours un objet plus léger que celui que tu portes dans ton sac : celui que tu as eu le courage de laisser chez toi.
« Strong, light, cheap, pick two » (*)

| k

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#80 23-09-2015 22:39:42

snop
Marcheur vertébré invétéré
Lieu : LA YAUTE
Inscription : 06-06-2007

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Caroline73 a écrit :

C'est bon, si demain encore il y a trop de vent on redescendra, on a trouvé ici ce qu'on est venus cherché, pas besoin de plus si la montagne nous le refuse.

J'adore cette manière de penser et de voir les choses  smile


"Heureux les fêlés, ils laisseront passer la lumière". Ma liste 3 saisons montagne - X-lite 350 custom

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#81 24-09-2015 10:02:28

Caroline73
Membre
Lieu : Savoie
Inscription : 06-12-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Pour une fois que Caroline termine un récit avant d'entreprendre un nouveau voyage...

Comme t'es mauvaise langue, y a que celui de l'été dernier que j'ai pas fini et il dure deux mois et j'ai finit la première moitié et la partie rando! La seconde moitié c'est beaucoup de stop et d'histoires bizarres aussi (surtout descendre la Finlande en stop! c'est définitivement un pays étrange...).

quoi, c'est déjà fini?

Et oui, rha, j'ai mis autant de temps que le voyage à finir le retour... C'était long et court à la fois comme durée. 4 ou 5 semaines j'aime bien, on a eut le temps de découvrir et de s'attacher au pays mais on a un peu envie de rentrer se reposer aussi. Dire que j'ai envie de partir 3 ans... là du coup ça me parait beaucoup trop fatiguant de partir aussi longtemps. Mais bon, je suppose que sur le long terme on trouve un autre rythme pour ne pas s'épuiser moralement.

J'adore cette manière de penser et de voir les choses

smile

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#82 24-09-2015 11:02:20

Caroline73
Membre
Lieu : Savoie
Inscription : 06-12-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Le matériel

C'est pas hyper précis, mais comme le poids final est celui que j'avais pesé ça doit être globalement correct.

Je mets toutes mes fringues dans le sac de 8l et tout le bordel divers dans le 4l. Ne reste à caser dans le sac à dos que matelas, moustiquaire, sac de couchage et popote avec son bordel dedans. La poche à eau va dans la poche extérieure spéciale, et le tipi+polycree+sardines va dans la poche extérieure, avec le chèche que j'aime avoir toujours sous la main car ça sert à tout. Dans ce voyage il s'est encore découvert de nouvelles utilités comme "sac à crampons".

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Mes chaussures
J'avais pris des GTX en fin de série en promo au Vieux, y avait que ça de sympa dans ma taille. Je reprendrais plus de GTX, forcément ça sèche mal -_-

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En nourriture j'avais emmené au départ environ une semaine. Rien d'original, les trucs habituels, environ 600g par jour : muesli, fruits secs, pâte d'amande, chocolat, chips, tucs, oléagineux divers, petits gâteaux, purée 4/4, nouilles chinoises, soupes en poudre, thé...

Le matos d'alpi:
- chaussures : Mont-Blanc GTX Scarpa
- crampons : Petzl Vasak 12 pointes
- piolet : Petzl Snowalker
- casque : je sais plus...
- baudrier : et je sais plus non plus...
- 2 mousquetons

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Dernière modification par Caroline73 (24-09-2015 16:02:26)

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#83 24-09-2015 15:49:51

mulgaelle
telle la chenille, un jour papillon...
Inscription : 19-02-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Hello,
j'adore les photos du glacier, c'est très joli.

tu dors bien sur ton matelas xlite?

Merci pour le retour et les anecdotes...


L'important n'est pas au bout du chemin, l'important c'est le chemin...

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#84 24-09-2015 16:16:45

Caroline73
Membre
Lieu : Savoie
Inscription : 06-12-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

tu dors bien sur ton matelas xlite?

Comme l'année dernière j'ai finalement dormi assez peu avec, je le rajoute dans le sac de couchage quand vraiment le sol est froid, mais en été l'Arkmat me suffit 80% du temps. Ça peut éventuellement rajouter un peu de confort aussi si le sol est pas top. Quand je l'utilise oui je dors bien avec, c'est confortable, mais ça a tendance a bouger si tu gigotes dans ton sommeil.


J'ai fait une copie de mon texte pour pouvoir le remodifier, le compléter et le mettre en forme pour un usage perso et familial. La vache il fait quand même presque 19 000 mots et 320 photos!!  yikes

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#85 28-09-2015 20:14:02

Myrtille88
Membre
Lieu : Provence
Inscription : 30-09-2009

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Je viens de lire la fin de ton périple, un vrai plaisir smile
Ca donne le sentiment d'une certaine tranquillité finalement, une progression au gré des rencontres et des aventures, si les histoires semblent compliquées elles reflètent malgré tout une simplicité de vie qu'on a parfois (voire tout à fait) perdu en occident.

Les photos sont très belles aussi, paysages, assemblage de constructions comme celle avec la forteresse de Narikala, étals de commerce., ou encore l'unique chambre en haut de la tour lol .

Les photos du camp de base rendent bien l'atmosphère aussi, ça m'a rappelé le camp de base du Khan Tengri et l'ambiance russe sous la tente de mess . Je partage avec toi ce bonheur d'être en haute montagne, je dis souvent que ça sent bon l'air froid,  glacer les narines, le froid, le blanc, le brillant et les craquements/ crissements... Un monde à part où l'on a parfois une petite place mais pas toujours comme tu le dis.

Même si c'est loin de la réalité d'une véritable expérience, ton histoire m'a fait un peu approcher ces pays que je ne connais et parfois j'y ai reconnu le kazakhstan.

Je n'ai pas supporté les valises chargées sur le cheval.

C'est une chance pour toi d'avoir l'envie et la motivation de faire ces voyages. Profites-en smile

Myrtille

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#86 30-09-2015 13:16:00

Caroline73
Membre
Lieu : Savoie
Inscription : 06-12-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Je viens de lire la fin de ton périple, un vrai plaisir

Merciiiii big_smile C'était looooooong. Mais si ça peut te faire sentir un peu l'état d'esprit qu'on peut trouver dans le Caucase j'ai au moins un peu réussi!


L'épilogue de Shanx sur sa longue rando alpine m'a emballée, ça apportait quelque chose à ce qu'on pouvait comprendre de sa démarche et donc de son voyage, ça m'a touchée. Alors j'ai voulu en faire un à ma manière... Je l'ai écrit en buvant du thé, beaucoup de thé, et en écoutant du Tom Waits dont je ne suis toujours pas redescendue depuis le voyage, beaucoup de Tom Waits... donc ça plane! Et les études de lettres doivent y être pour quelque chose aussi. Mes notes à l'état brut ce n'est que ça de toute façon, et plus j'écris plus ça empire. Mais je fais un effort pour rajouter du concret quand j'écris sur RL, parce que sinon ça plane à 10000 non stop. Bon... De toute manière si vous êtes arrivé jusque là c'est que vous n'y êtes pas trop allergique. Et puis vous ne pourrez pas dire que vous n’êtes pas prévenus. Je ne l'ais pas écrit pour le forum, plutôt pour conclure la reprise de mes notes plus perso, mais après tout ça reste lisible alors pourquoi pas, à vous de choisir.



Conclusion au voyage : Esse est percipi aut percipere *


"En vérité la soif du confort tue l’ardeur de l’âme,
et suit alors ses funérailles en ricanant ! Mais vous enfants
de l’espace, à la quiétude inquiète, vous ne serez ni pris
au piège, ni domptés, vous ne replierez pas vos ailes pour
passer par la porte, ni ne courberez vos têtes pour éviter
qu’elles cognent le plafond, ni ne craindrez de respirer,
par peur que les murs ne se fissurent et ne s’écroulent."
Khalil Gibran, La Prophète


A la fin de chaque voyage, quand on cherche une conclusion, ou juste une idée de conclusion, ne soyons pas trop exigeant, on sait que c'est illusoire de conclure quoi que ce soit... (mais on essaye quand même, on aime un peu la vanité, c'est trop humain) on revient à la question qui était déjà celle du début. Pourquoi je suis partie? Pour trouver quoi?

Je bouge sans cesse, c'est compulsif, sinon je déprime et je suis carrément insupportable. Je ne sais pas ce que je cherche dans un voyage. Probablement rien. La montagne, le sport, l'inconnu, une autre culture, une manière différente de vivre? Honnêtement, si c'était si simple, tout ça se trouve ici en Savoie et n'importe où, on me l'a plusieurs fois fait remarquer. Alors quoi? Soigner mon instabilité chronique, ou au moins vivre avec? Partir en voyage comme on sort son husky pour ne pas qu'il arrache la tapisserie de l'appart? Je ne sais pas... En partant c'est surement moi que je cherche. Ce qui n'a pas de sens logique, je suis avec moi-même tout le temps... Mais quand je ne bouge pas je ne m'entends pas. Je voyage pour me trouver et me connaitre. Je scrute le monde comme un miroir.

Je ne suis jamais aussi bien que sur les routes. C'est aussi bon que nager ou courir, sentir le mouvement. La marche est une succession de déséquilibres, pour avancer sans tomber. Le voyage est une marche pour moi, un élan, même sans se déplacer avec ses pieds à chaque instant. Le voyage est une fuite aussi. Je pensais que voyager me faisait sortir de mon cocon. Je me rends compte que ça peut être juste une autre manière d'y vivre. C'est résistant un cocon!

J'ai parfois l'impression d'avoir un cerveau de dauphin : à moitié réveillée, à moitié ailleurs. Tout un tas de règles sociales me passent au-dessus de la tête et me font me sentir à côté de la plaque. C'est peut-être ce que je fuis, ce malaise. En voyage on vous accueille spontanément, avec gentillesse et curiosité, pour ce que vous êtes. Ça n'a pas tellement d'importance que vous soyez différent, il n'y a de toute façon pas beaucoup de réflexion nécessaire pour vous intégrer, vous n'allez pas rester. On reste à la superficie, pas besoin de trop s'accorder entre nous.

L’Asie est vaste, elle a de la place pour les esprits rêveurs et elle leur souhaite la bienvenue. Vivre l'Asie c'est comme vivre dans un livre, le temps y passe autrement. Je m'y questionne beaucoup sur l'hospitalité, la curiosité et la bienveillance, parce que les gens ont une manière vraiment différente de vous aborder et de vivre les uns avec les autres. C'est ça qui était prégnant dans ce voyage. On a l'image de l'occidental qui donne des bonbons aux enfants, ici c'est à moi qu'on donnait des bonbons (littéralement!). J'aime l'idée que c'est à moi qu'il manque quelque chose et non à eux, peut-être que c'est ça qui est écrit sur mon visage, peut-être que c'est ça qu'ils ressentent quand ils me voient... ma recherche, mon manque. La perception de l'autre, la manière dont on est perçu, c'est une chose qui traverse mes voyages et m'obsède. Ma curiosité doit leur paraitre enfantine, j'ai souvent ressenti cette impression d'être une enfant pour eux. Les gens te prennent en charge, répondent à un besoin que tu n'as pas exprimé, que tu n'as pas forcément conscience d'avoir.

La réalité des habitants que je croise est pourtant dure, leurs préoccupations n'ont le plus souvent rien à voir avec les miennes. C'est une vie quotidienne de débrouille, de bouts de ficelles, de questions sur l'incertitude du lendemain, faire avec la corruption, les conjonctures économiques et politiques sans perspectives... On s'est croisé en parallèle, on s'est peut-être effleuré, ça faisait comme de l’électricité statique, comme un frisson. Ça me demandait déjà un tel effort ce bref presque contact... Si on s'était vraiment touché je n'aurais sans doute pas survécu à la collision! Un jour peut-être j’atterrirais, un jour peut-être je serais prête. Mais pas maintenant. Et ce n'est pas grave, ici on te pardonne d'être imparfait.

Cette errance dans la Caucase c'était un voyage comme je l'aime. Je me suis sentie portée sur une rivière, je n'avais pas d'effort à faire. J'étais comme allongée dans une barque qui descend le courant, la main qui traine dans l'eau, j'avais juste à donner un coup de rame de temps en temps pour éviter une roche ou un caillou, me relancer quand j'échouais dans un bras mort. Mais globalement c'était comme d'être débarrassée de l'esprit de volonté. Je suis peut-être allergique à la contrainte, celle des autres et celle que je pourrais m'imposer moi-même. Je suis paresseuse je crois. Hermétique à beaucoup de choses la plupart du temps. Mais disponible à d'autres. Aux symboles, aux signes, à l'instantané, à la surprise... Je guette un sous-texte à la vie. Un dialogue qui se passerait sans moi et auquel je voudrais participer.

Le voyage pousse aussi à réfléchir à la notion de temps... On peut parcourir l'espace pour comprendre et ressentir le temps. Je rêve d'un voyage où je n'aurais à aller nul part, à rentrer nul part. Où le temps disparaitrait. La vie elle-même devrait être comme ça je suppose.

J'ai lu à la météo station une nouvelle de Borges dans le recueil Fictions que j'avais acheté à Tbilissi : "Tlön, Uqbar, Orbis Tertius". Borges y imagine la découverte de livres parlant d'un monde fictif qui s'impose peu à peu à la réalité jusqu’à s'y substituer. C'est vertigineux, la manifestation et la matérialisation des idées par l'écrit ou la parole. Dans quelle mesure ce que j'ai perçu du Caucase est-il réel? Le fait que je l'ai perçu, quel que soit la manière, suffit-il à en faire une réalité? Et qu'en est-il du fait de l'écrire?


* "Être c'est être perçu ou percevoir" Berkeley, Principes de la connaissance humaine



Un petit teaser du prochain été en construction pour finir sur une note de concret! C'est très vague pour l'instant mais ça sera sans doute une traversée du Kirghizistan, du Xinjiang et de la Mongolie intérieure :
Tout plein d'autres trucs de prévus entre temps ou juste après... un petit mois en Turquie, un mois en Iran, deux semaines en Russie prendre le Transsibérien jusqu'au lac Baïkal, remonter la Suède en train pour aller dormir dans une cabane finlandaise à Ivalo dans la neige, un peu d'Israël, de Bosnie, de Prague... mais ça n'a pas grand chose à faire sur RL, à part peu-être le trip à Ivalo.

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#87 30-09-2015 17:31:09

Shanx
Sanglier MUL
Lieu : Probablement au boulot :(
Inscription : 22-04-2012
Site Web

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Tu as quand même beaucoup de chance de pouvoir partir comme ça. smile
Nous en discutions ce week-end avec le CSE : "quand t'as le temps, t'as pas l'argent ; quand t'as l'argent, t'as pas le temps". Heureux de voir que certains se débrouillent, ça me donne de l'espoir. big_smile

En tout cas ton programme pour l'année fait rêver. Interdiction de faire des retours sur RL, ça me ferait déprimer. tongue (traduction : je VEUX tes retours, ça me fera rêver).


← Mon blog : traversées à pied des Alpes, de l'Islande, de la Corse, des États-Unis - Japon en vélo
Mon trombi
"Heureusement qu'il y a RL pour m'éviter les genoux qui craquent et le dos en compote" - C. Norris
"La liberté est fille des forêts. C'est là qu'elle est née, c'est là qu'elle revient se cacher, quand ça va mal." - Romain Gary

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#88 30-09-2015 18:29:34

René94
Membre
Lieu : Mont Griffon (du 9-4)
Inscription : 30-12-2009

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

ça m'a fait penser à quelqu'un...

Ta conclusion répond bien à la question que je me posais "Pour quelle(s) raison(s), fait-on un voyage au long cours ?"


"Je ne suis pas ce qui brille..." (F. Marchet)
Mon trombi

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#89 30-09-2015 21:27:29

Archimboldi
Membre
Lieu : Ch'nord
Inscription : 12-03-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Merci Caro, une conclusion qui fait écho à nos discussions.  smile

On ne perd jamais son temps en lisant Borges, si on arrive à supporter les multiples références à d'autres livres que l'on n'a souvent pas lu, ou qui n'existent pas. roll
Si ce n'est pas déjà fait, "La bibliothèque de Babel" pousse à la réfléxion sur la Littérature, je t'en conseille la lecture. C'est ma nouvelle préférée de cet auteur.

Je ne suis pas sûr que le voyage ait besoin de justifications, le voyage est justification, il suffit de voir comme il nous transforme. Cela fait quelques temps déjà que j'ai pris conscience qu'aucune connaissance n'était inutile. Le voyage nous forme, nous apprend, et au retour je me sens systématiquement une meilleure personne, un peu plus ouverte, un peu plus humaine. La randonnée me fait le même effet dans une moindre mesure.

Concernant la spontanéité des rencontres, c'est vrai que l'on est souvent plus ouverts avec ceux que l'on ne recroisera pas. Mais cela peut aussi devenir pesant, car faisant d'autant plus ressortir que l'on est seul : seul avec le poids de toutes ces histoires que l'on nous confie, seul avec ses vagues à l'âme, seul avec cette culpabilité de ne pas avoir suffisemment de place dans le coeur pour toutes ces personnes. On n'était que de passage, eux de même dans notre vie, et cela (me) rend infiniment triste. sad

Ce qui ne m'empêchera pas de repartir. Ailleurs, et toujours plus "humain". smile


La vie est une perpétuelle distraction qui ne vous laisse même pas prendre conscience de ce dont elle distrait. Kafka

Petite conclusion musicale à ma divagation qui a failli se transformer en séance sur le divan :
Les Vaches Laitières: Le p'tit matin bourré

Dernière modification par Archimboldi (30-09-2015 21:28:32)


"Life is full of wonders for someone who is prepared to accept them." Moominpappa

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#90 01-10-2015 14:37:44

Caroline73
Membre
Lieu : Savoie
Inscription : 06-12-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

Tu as quand même beaucoup de chance de pouvoir partir comme ça. smile
Nous en discutions ce week-end avec le CSE : "quand t'as le temps, t'as pas l'argent ; quand t'as l'argent, t'as pas le temps". Heureux de voir que certains se débrouillent, ça me donne de l'espoir. big_smile
En tout cas ton programme pour l'année fait rêver. Interdiction de faire des retours sur RL, ça me ferait déprimer. tongue (traduction : je VEUX tes retours, ça me fera rêver).

ça m'a fait penser à quelqu'un...
Ta conclusion répond bien à la question que je me posais "Pour quelle(s) raison(s), fait-on un voyage au long cours ?"

Merci smile c'est pas facile tous les jours n'empêche... Sans déconner j'admire et j'envie un peu, je sais c'est débile mais c'est sincère, les gens qui ont une vie réglée et qui va dans un sens bien défini. Mes collègues qui me racontent qu'ils se lèvent tous les jours à la même heure, mangent, préparent les enfants, bossent, finissent à la même heure, regardent la télé... ma vie c'est un bordel constant, c'est du grand n'importe quoi, du pétage de plomb non stop... 2016 c'est ça : un master 1 de FLE, préparer un certificat Cambridge d'anglais niveau C1, des cours de russe, suivre mon boulot (si si, j'ai un boulot...), voyager 4 mois dans l'année dans une dizaine de pays, gérer la maison et une vie sociale et amoureuse, de l'associatif (cours de FLE et conseil d'administration de l'assoc), des cours de musique, le permis moto, du sport... Internet et le wifi sont les meilleurs amis du nomade moderne, wouuu, sinon la vie serait impossible!

Merci Caro, une conclusion qui fait écho à nos discussions.

big_smile

J'avais déjà lu je ne sais quand La bibliothèque de Babel. Les nouvelles de Borges c'est de ces trucs qui te font des nœuds au cerveau pour des années...

Concernant la spontanéité des rencontres, c'est vrai que l'on est souvent plus ouverts avec ceux que l'on ne recroisera pas. Mais cela peut aussi devenir pesant, car faisant d'autant plus ressortir que l'on est seul : seul avec le poids de toutes ces histoires que l'on nous confie, seul avec ses vagues à l'âme, seul avec cette culpabilité de ne pas avoir suffisamment de place dans le cœur pour toutes ces personnes. On n'était que de passage, eux de même dans notre vie, et cela (me) rend infiniment triste.

Ouais, je comprends cette ambivalence... Quand j'étais petite ma mère m'a racontée une anecdote d'un collègue de travail qui quand il était petit garçon voyageait en train, son père lui avait interdit de mettre la tête par la fenêtre et il l'avait fait quand même, il avait les yeux qui pleuraient à cause du vent et son père lui a demandé pourquoi, il a répondu pour ne pas se faire disputer : "parce que par la fenêtre du train je vois que nous croisons plein de gens et je ne les connaitrais jamais. Ça me rend triste." 20 ans après je m'en souviens encore, alors que c'était juste une histoire comme ça qu'on raconte le soir quand on parle de sa journée de boulot... ça doit parler d'un de ces trucs non résolu qui me pousse sur les routes et qu'on a tous, même si ils peuvent être différents pour chacun. Parce que c'est vraiment triste de ne pas pouvoir connaitre tout le monde non?

Les Vaches Laitières: Le p'tit matin bourré

Non mais par quel raisonnement tordu tu as pus en arriver là?!  yikes

Dernière modification par Caroline73 (01-10-2015 14:46:20)

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#91 06-10-2015 22:17:14

bruno7864
partir, partir et découvrir
Lieu : toujours dans la Lune
Inscription : 11-10-2012

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

antoinepierre a écrit :

Alors oui, je n'aime pas trop l'évolution de certains coins mais je ne suis pas forcé d'y rester. Oui, les occidentaux sont vus comme des ATM sur pattes, les torts sont partagés.
Exemples :
- dire "ho very cheap" à un marchand qui te vend un truc déjà au prix touriste poussera le marchand à augmenter ses prix.
- laisser un pourboire pour un service standard n'est pas normal.
- donner 1 dol à un gamin qui fait la manche au Cambodge est idiot; c'est presque le salaire journalier de son père !

Surpayer un service ou un bien ne te fait pas passer pour une personne généreuse mais pour idiote !
Vous avez le droit de ne pas aimer cette affirmation mais c'est la stricte vérité.

Grrr....jolie mentalité  sad  sad  sad  sad

heureusement le récit de Caroline73 est bien plus intéressant, j'y retourne

Dernière modification par bruno7864 (06-10-2015 22:22:42)

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#92 18-10-2015 16:37:08

Myrtille88
Membre
Lieu : Provence
Inscription : 30-09-2009

Re : [Récit + liste] Été Caucasien (Arménie et Géorgie)

j'avais lu ta conclusion, qui n'en est pas une comme tu dis, juste un point virgule avant la suite, et je voulais prendre le temps d'y répondre car j'aime bien ce que tu dis,
même si je ne fais pas les mêmes choses que toi ça résonne avec des choses que je ressens. roll

j'aime bien que tu puisses dire que tu ne sais pas ce que tu cherches dans tes voyages, ça serait sûrement très différent si tu cherchais quelque chose,
c'est un peu comme remettre ses moteurs intérieurs en route, histoire de se sentir exister.
Tu dis aussi la chance d'être perçue par les autres, et en plus différemment, c'est une vraie richesse à laquelle tu réponds en ayant toujours un regard pour les autres que tu rencontres,
des relations toujours intenses malgré (ou grâce à ?)des préoccupations complètement différentes

tu parles d'errance, de te laisser porter... je ressens ça aussi dans ton voyage mais pas que, il me semble que ça n'est que l'aspect de surface, je trouve qu'il y a aussi en toi une très forte motivation et une volonté qui fait que tu as cette ouverture pour être à en éveil et l'écoute de ce qui se passe autour de toi et saisir (ou ne pas saisir mais c'est pareil) les évènements du voyage au fur et à mesure de son déroulement, et ça j'aime vraiment beaucoup smile

ton prochain programme promet encore une belle tranche de vie tongue

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