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#26 20-01-2016 18:24:05

domweb
Membre
Lieu : Marseille / Jausiers (04)
Inscription : 19-10-2011

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Heureux le gonarthrosé car il souffre en silence. Bien que ça l’emmerde.

lol  lol

Humour, sérénité et sobriété : tu me fais plaisir smile . Et ne te laisse pas perturber par ces interventions intempestives roll .

Dom, ton ami, qui attend la suite tongue


Si j'avais une pensée profonde à exprimer ici, je serais déjà couché. Alors, je veille...

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#27 20-01-2016 18:56:15

ester
Membre
Lieu : Bzh
Inscription : 23-08-2011

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Bonjour Jjondalar, smile

Félicitations pour le choix du titre !
Je propose une petite variante, histoire détendre l'atmosphère...
"Comme Jjondalar, en Galilée, suivait des yeux l'étoile du berger... "

Un peu osé* quand même, l'entraînement à la marche afghane**.

Jjondalar a écrit :

Car une fois trouvé le bon spot de bivouac, je dois installer tente et couchage, me laver, manger, organiser ma réunion d’équipe tout seul.

Ton récit est savoureux, comme toujours.
Vivement la suite ! smile

* stylistiquement parlant
** je pratique un peu aussi, à l'occasion

Dernière modification par ester (20-01-2016 18:57:23)


Grâce à vous, j'avance ! merci !  smile

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#28 20-01-2016 21:10:35

florencia
Membre
Lieu : 71
Inscription : 11-11-2011

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Salut JJondalar smile

Surprise, j’avais imaginé que tu étais parti dans un désert de sable et de dunes, justement du côté de la Jordanie smile

Fais-nous plaisir et ne t’arrêtes pas en si bon chemin wink

Flo


Réalisations DIY
_ _ _ _ _ _ _ _ _

"Si vous pensez que l'aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle !" -Paulo Coelho.

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#29 21-01-2016 10:24:14

Singh
Membre
Inscription : 18-08-2013

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

JJondalar a écrit :

Je prends mon temps, afin de sécher un peu, avant de faire quelques courses au supermarché. Je veux reposer la question au sujet de l’alcool à brûler et cherche quelqu’un parlant anglais. Commençant toujours mes conversations par la phrase « parlez vous français ou anglais ? », on me répondra invariablement « anglais » ou « anglais un peu ». Ne parlant pas russe ni arabe, mes quelques connaissances d’hébreu me serviront principalement pour lire les cartes et les panneaux non traduits en anglais, articuler quelques formules de politesse et dire quelques phrases très utiles comme « je ne parle pas hébreu », qui permet de couper court à tout malentendu. L’usage du français en Israël est aujourd’hui passé de 20 à 4 %. Quand à l’anglais, il est la Lingua franca finalement parlée dans le monde entier. Peut être regrettable mais pratique.
La chef de rayon me confirme donc que non, pas d’alcool à brûler. Je constate que des liquides simples comme l’essence C ou le White Spirit n’existent pas non plus et sont remplacés par des produits transformés et complétés par des additifs chimiques.

Je confirme, il n'y a pas d'alcool à bruler facilement disponible. Dans les épiceries et les grandes surfaces, on trouve au mieux de l'allume-feu pour barbecue (inutilisable). Apparemment, on trouve en pharmacie de l'alcool à 90 (ou plus) utilisable mais je n'ai jamais testé. Dans certains magasins de bricolage, on peut trouver de l'ethanol à 97% très cher (50 shekels le litre) mais, sauf à parler hébreu couramment, il faut tomber sur un vendeur qui maitrise très bien l'anglais et qui connait la composition de ce qu'il vend sous peine de repartir avec un diluant à peinture inutilisable.

HS : pour l'usage du français, ça dépend vraiment de l'endroit... à Netanya tu as plutôt l'impression d'être sur la côte d'Azur. ;-)

Jobig a écrit :

Sur un terrain plus MUL : tu n'as pas été tenté par le choix d'un bushcooker avant de partir ?

La cuisine au bois peut sembler intéressante mais reste problématique. Bien souvent, sur la Shvil Israel quand on est dans un endroit intéressant, on est dans un parc naturel avec des règles strictes : pas de marche nocturne (et la nuit tombe vite en toutes saisons), pas de bivouac hors des emplacements autorisés, feux de bois en général autorisés dans les emplacements de bivouac mais interdiction de ramasser du bois dans le parc, il faut l'amener avec soi.

Les pastilles Esbit qui pourraient être l'idéal pour une utilisation d'appoint (café ou thé) sont introuvables.

Les cartouches de gaz à vis (exclusivement en format 230 ou 450 gr) se trouvent assez facilement mais pas partout, à la cambrousse on a plus de chance de trouver des cartouches perçables de qualité douteuse ou des cartouches de butane format long. Aucun des magasins de rando de Jérusalem où je suis allé n'avait même entendu parlé de cartouches de 110.

A de très rares exceptions près, la rando MUL est un OVNI ici...

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#30 21-01-2016 15:13:10

shyguy
Membre
Lieu : Lyon
Inscription : 10-01-2012
Site Web

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Bonjour,

je viens de découvrir le mot "anachorète", j'adore découvrir des nouveaux mots ! merci.

Un petit encouragement qui se joint à la chorale déjà existante pour que tu écrives la suite  smile


<- mes photos sur Flickr en cliquant sur "Site Web".

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#31 21-01-2016 21:51:41

lamarmotte63
Randonneur
Lieu : au milieu des volcans
Inscription : 07-01-2011

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

shyguy a écrit :

je viens de découvrir le mot "anachorète", j'adore découvrir des nouveaux mots ! merci.

On pourrait croire à un juron du capitaine Haddock lol  lol

Super ton début de récit, n'hésite pas pour la suite.
Tu es en tps? Ne cherchez pas, on se comprend.


Pour marcher au hasard,il faut être seul. Dès qu'on est deux,on va toujours quelque part

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#32 21-01-2016 21:52:50

JJondalar
Membre
Lieu : Estérel
Inscription : 15-06-2011
Site Web

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Merci à tous les lecteurs.
Pas de commentaire sur la liste, elle doit être vraiment au top ! big_smile
@Guichen. J'ai découvert la longueur exacte de mes étapes ici, sur mon ordi. Elles ne me paraissent pas courtes, compte tenu du mal de genou, de la chaleur, des pauses, des photos, des visites, rencontres etc. En général ma journée s'étalait de 7h à 16h.
Concernant les repas, je reste convaincu que dans des régions chaudes où l'on peut acheter de la bouffe fraîche tous les jours, inutile de s'embêter à faire du feu.
@lamarmotte63 : lol oui.

...Deuxième partie...

7. 7e j de marche. Kibboutz Ginosar – Yardenit – 28 km

Le début de cette journée n’est pas agréable, je marche sur le bitume au bord de la route 90.

Une douleur à ma cheville gauche commence à croitre depuis un jour ou deux, avec léger gonflement. Je ne me suis pourtant jamais tordu le pied. Je commence à comprendre qu’elle est certainement due à un étirement mal fait un soir d’étape. Je me suis fait une entorse bénigne en me faisant des étirements trop poussés… L’erreur de débutant ! Je récapitule : côté droit, tout va bien. Côté gauche, gonarthrose douloureuse, entorse bénigne, ampoule en voie de guérison. Une voix dans ma tête: « Mmoui… Rien de mortel, nous referons un bilan dans une semaine. En attendant préparez vous à ce que tout cela vous pompe un peu d’énergie physique et psychique. »

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Juste après le village arabe de Hamaam, le sentier monte brusquement vers les falaises du mont Arbel. Le sol est caillouteux, la pente raide. Je croise trois promeneurs, un américain et deux allemandes. Nous bavardons quelques instants, je leur montre la carte sur mon Smartphone pour qu’ils puissent se repérer. Dans la muraille naturelle, je visite des grottes occupées au Ier siècle avant l’ère chrétienne par des rebelles luttant contre les romains, que leur gouverneur Hérode fit massacrer avant qu’il devienne roi de Judée. D’importants vestiges de fortifications, faites de couches alternées de basalte noir et de pierre calcaire, recouvrent une partie des grottes. Cette forteresse fut construite par un émir Druze au 17ème siècle.

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Je quitte ces falaises historiques pour emprunter un circuit un peu acrobatique à travers les rochers, en suivant les balises qui conduisent le marcheur vers le sommet. De nombreux équipements métalliques permettent encore de s’accrocher pour grimper plus facilement. Je rattrape les trois marcheurs rencontrés précédemment. Alors le gars en profite, alors que je m’essouffle à franchir une des nombreuses micro-cheminées qui permettent de passer entre les roches, pour m’inviter à entrer à l’instant même dans la foi de son évangélisme afin que je sois sauvé. Bigre, pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt ? Tout bien réfléchi ce n’est pas le bon moment et je l’envoie balader avec un grand sourire tout en lui parlant de ma propre cohérence dans le cadre de la sagesse universelle. Il a l’air vexé. J’accélère.
Finalement j’atteins le point culminant du mont (181 mètres), presque à l’aplomb de la falaise. Seulement, la dénivelée de cette heure et demi de marche a été de 380 mètres depuis Ginosar. Enigme mathématique ? Non, le lac est tout simplement sous le niveau de la mer, à -205 mètres.
Le panorama est splendide, malgré un horizon bouché par les brumes de chaleur. Je m’attarde pour admirer la plaine fertile, la route droite et le lac qui s’étalent à mes pieds.

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Sur le plateau, je continue vers le sud, en direction de Tiberias.
Au village de Mitzpe je rattrape un jeune couple, ensemble nous buvons à un robinet avant de repartir en direction de Tiberias. Là aussi le Trail passe loin du centre ville. Près du grand carrefour de la route 77, nous trouvons quelques commerces, dont un bar-épicerie. Une fille et un gars y sont attablés. Ils me reconnaissent, c’étaient eux qui s’étaient perdus dans les gorges, hier. J’échange quelques mots avec eux avant de m’acheter une barquette de houmous, une barre de chocolat et une bouteille de jus de fruit. Est il utile de préciser que le houmous est la base de mon alimentation en Israël ? J’emporte tout ça dehors et m’assoit à une table pour manger et profiter d’un long moment de repos. Cette coupure de milieu d’étape, à l’ombre, est indispensable et me permet chaque jour de récupérer des forces avant la partie la plus chaude de la journée. Pas lorsque le soleil est au zénith, mais en milieu d’après-midi, quand l’air qui a été bien chauffé auparavant devient pesant.
Je fais le plein d’eau à la station service, qui se trouve à quelques mètres, et repart.
Le chemin surplombe le lac de 400 mètres jusqu’à l’extrémité sud de celui-ci, ou se trouve mon prochain hébergement, la base de canoë de Yardenit. J’ai téléphoné au numéro trouvé sur ma liste d’hébergeurs pour demander s’ils pouvaient me recevoir mais on ne se comprenait pas. Heureusement une fille qui a vécu à Marseille avec ses parents a pu me donner toutes les explications en français.

Après être descendu des coteaux surplombant le lac, je traverse Kinneret en passant devant quelques vieilles maisons d’inspiration est-européenne des années 1910, époque de la fondation du Kibboutz.

Le terrain est plat, je resserre ma genouillère et accélère le rythme car j’ai envie d’arriver. Je traverse un grand parking, plein de touristes remontant dans des autocars ou en descendant. En étudiant les panneaux, je vois qu’il s’agit d’un site de baptême, à l’emplacement où le Jourdain quitte le lac de Galilée pour descendre vers la mer morte. Il a été créé par les Pentecôtistes afin que les touristes-pèlerins soient baptisés au même endroit que Jésus. D’après ce que j’ai lu, c’est en fait l’un des endroits présumés. A 10 dollars US le forfait baptême, j’ai peur d’imaginer le chiffre d’affaires annuel – mais je dois avoir mauvais esprit. Je m’arrête juste le temps de faire quelques photos à l’extérieur.

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J’arrive à la base de canoë, elle se trouve non loin du départ du fleuve aux eaux verdâtres. Ambiance baba-cool et décor indien (d’Amérique), poulets, coqs et canards déambulant, corneilles descendant des arbres pour voir si il y a quelque chose à béqueter, douche en plein air et au milieu un genre de grand distillateur métallique qui dispense du café. Sous les paillotes, les marcheurs peuvent installer leur tente ou leur duvet à même le sol où s’étalent de grands tapis sales aux couleurs passées, ca me convient parfaitement. Certains ont déjà posés leur tente autoportante carrée, la seule architecture d’abri que je verrai pendant tout le voyage. Elle a un gros avantage, c’est qu’on peut la poser sur tous les types de sol, voire à l’intérieur d’une maison, car elle ne nécessite pas de sardines pour tenir debout.

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Je débute la soirée par deux bières successives, histoire de comparer les différentes brasseries, accessoirement de me réhydrater.
Ambiance décontractée donc. Pourtant tous ceux qui sont là suivent l’actualité sur leurs Smartphones. Nous sortons ce soir à cinq, pour une soirée Pizzeria très agréable. En plus, les pizze sont délicieuses, aussi bonnes qu’en Italie. Nous faisons connaissance dans une conversation à bâtons rompus. La diversité des origines géographiques, avec son lot de métissage, est toujours étonnante. Mon voisin, dont le nom est Deutsch, a une barbe rousse qui le fait ressembler à un Viking. La fille qui m’a répondu au téléphone me donne l’occasion de m’exprimer un peu en français. Elle a l’air un peu paumée.
De retour au camp, je ne tarde pas à m’endormir ce soir. Par contre, je ne sais pas ce qui peut pousser des coqs, fussent ils nains, à hurler à quatre ou cinq heures du matin, sans autre raison apparente qu’un instinct fort en gueule. Je n’ai pas mon comptant de sommeil ; boules Quies à la rescousse !

8. 8e j de marche. Yardenit – Kfar Tavor – 29 km

Je me lève à une heure ultra-matinale. Et pourtant, il n’y a presque plus personne autour de moi. Je n’ai rien entendu – ce qui prouve que j’ai bien dormi. Je déjeune tranquillement et dis au revoir au gérant ainsi qu’à la basse-cour. Je m’aperçois que je n’ai aucune adresse e-mail des gens avec qui j’ai lié amitié. C’est ainsi. Ciao !

Les premiers kilomètres du chemin longent le Jourdain. L’étroite bande boisée, bordée de grands eucalyptus, pourrait sembler belle, mais le paysage est visiblement le cadre de pique-niques, puisqu’il est gâché par de nombreux tas d’ordures qui ont tendance à s’étaler. L’exotisme en prend un coup – du moins l’exotisme idéalisé.

D’un seul coup, à un carrefour de chemins, je pique vers l’ouest, pour me couler dans une nouvelle vallée : Nahal Yavneel. Il n’y a que moi qui coule, la région est aride, les monts Yavneel sont presque désertiques. C’est d’ailleurs ici que je vais observer la seule gazelle de ma randonnée, près d’une petite ferme. Elle est loin, je fais une photo pour le principe. Tout ce que je verrai sur l’image, c’est quelques pixels fauves et blanc sur un grand fond ocre. Pas grave, l’important est que j’ai vu de mes yeux une gazelle courir dans son élément naturel.

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Sous la feuillée d’un grand bosquet d’arbre, je m’arrête pour faire descendre ma température. Un groupe de chevaux qui a élu domicile là m’accepte sans broncher. Je m’arrête assez souvent. La chaleur ressentie est pesante et fatigante. Comme tous les jours, voulant être à l’étape le plus tôt possible, je m’impose le rythme de marche que j’ai habituellement en France, et qui est ici trop élevé.

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Je rattrape les deux jeunes couples rencontrées avant-hier et hier, l’un après l’autre. Leurs sacs à dos me paraissent énormes, surtout sur le dos des filles. Leur poids doit avoisiner les 20 kgs. En voyant mon propre sac ils sont circonspects, mais mon niveau d’anglais ne me permet pas de leur faire l’historique de la marche légère. Toutefois, le terme light backpacking est rarement inconnu des marcheurs que je rencontre. J’explique tant bien que mal ce j’ai emporté dans mon sac, en précisant que je ne joue pas dans la cour des ultra-légers, des ultralight backpackers, qu’il y a plus “fort” que moi. Je leur tire le portrait en souvenir. Nous formons pour quelques kilomètres un groupe de cinq. Sur le bord ouest du plateau, nous distinguons ensemble, à l’horizon, l’objectif du soir ou du lendemain selon la progression : le mont Tabor.

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Marchant plus vite que mes compagnons de hasard, je les quitte dans la descente du plateau. Je marche dans une vallée plate, ma direction est maintenant nord-ouest. Malheureusement c’est sur ce terrain que mon genou me fait le plus mal, le plaisir en est un peu gâché mais j’avance et je me réjouis de ne pas porter un sac tel que j’en ai vu ces jours-ci. C’est simple, je ne pourrais pas.

L’atmosphère est grise mais très chaude. C’est octobre comme en France, mais avec quinze degrés Celsius de plus, voilà tout !

Au carrefour de Gazit, je me repose et bois à une station-service. J’appelle un hôte Trail Angel, madame D’vir, qui peut m’héberger à Kvar Tavor, un village écarté du chemin d’un bon kilomètre. Nous nous donnons rendez-vous devant le petit supermarché où je vais me réapprovisionner à l’entrée du village – Les Trail Angels n’hésitent pas à venir chercher les marcheurs en voiture pour leur éviter un long détour ou la recherche de leur domicile – que je rejoins par le bord d’une route à grande circulation. Elle tient à me faire visiter le village en voiture, car il a été fondé en 1901. Certaines vieilles maisons sont encore debout. Dans son quartier par contre, ce ne sont que maisons d’architectes cossues. J’entre dans un intérieur aisé, j’ai droit à une grande tasse de café et un paquet de biscuit tout neuf. Je commence à culpabiliser en apprenant que je vais disposer d’un grand patio, de sa cuisine et de sa table, et également d’un salon climatisé avec grand canapé sur lequel je vais dormir. Et puis finalement je me détends, ce genre d’accueil fera partie des souvenirs au même titre que la nuit dans une cabane de berger du Mercantour.

9. 9e j de marche. Kfar Tavor – Forêt d’Hasolelim – 26 km

Je quitte Kfar Tavor après un café-débat partagé avec madame D’vir. Je lui ai offert un petit sachet en tissu de lavande de Provence, un des sept emportés spécialement à cette intention, comme on me l’a conseillé. Dans le guide officiel de la randonnée, les auteurs conseillent de donner une petite participation financière aux hôtes, à hauteur de cinq euros au moins. Je constaterai pendant mon excursion qu’on me refusera toujours ce don. C’est pour cette raison qu’un petit cadeau symbolique est forcément le bienvenu.

Pour accéder au mont Tavor, j’emprunte un sentier qui traverse la forêt entourant le site, et protégée par le statut de parc national. Tout de même, ils auraient pu nous ménager quelques lacets. L’ascension se fait presque tout droit et la dénivelée est de presque 500 mètres. Tout porte à croire qu’un but métaphysique obscur oblige le pèlerin ou le marcheur, quelle que soit sa motivation, à en chier pour mieux s’élever. Pendant la montée je dépasse encore une fois le couple rencontré il y a trois jours. Les destins se croisent comme les chemins.
Au sommet, un groupe de touristes-pèlerins mexicain à envahi l’esplanade et la basilique dédiée à la Transfiguration du Christ. L’édifice, construit en 1924, est admirable et contient de belles peintures, dans un style art nouveau tardif surprenant, tels les anges peints sur les murs de la crypte. Dehors, des jardins fleuris ornent les ruines du monastère du moyen-âge.
Les sanitaires du site pourvoient à mes besoins terrestres. J’y fais le plein d’eau.

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Redescente pour pénétrer dans les collines de Nazareth, qui sont animées par toutes les familles procédant à la traditionnelle cueillette des olives. C’est sous un olivier que je me repose un moment. J’entends alors se superposer le son des cloches de la basilique et le chant du Muezzin de Daburiya. Ça me rappelle L’inconnu sur la terre de Le Clézio, où il tente une approche du monde par le regard d’un enfant. Les réalités des hommes sont enchevêtrées. Les décortiquer pour les lier, c’est risquer de se brûler. En d’autres termes : c’est pas gagné.

Au pied du mont Devora, je n’hésite pas à prendre un raccourci qui me fait gagner une vingtaine de minutes. Le parcours est commun avec le Gospel Trail, ou Jesus Trail, cependant je ne rencontre personne sur la piste qui traverse cette forêt, à part un homme en 4X4 qui s’arrête pour me demander si tout va bien.

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Je fais un crochet dans le village arabe d’Ein Mahel pour faire quelques emplettes et m’enfiler d’une traite une bouteille de jus de fruits puis rejoins la grande route qui contourne le Mont Iona. Une voiture s’arrête près de moi, un père et son fils. Il me propose de m'emmener un peu plus loin, en voiture car il a peur pour moi. Dans ma conception de la vie, rien n’arrive jamais par hasard ; j’accepte sa proposition. Me voilà parti pour un raccourci automobile de quelques kilomètres, alors que je suis à mi-chemin de ma randonnée d’après mes cartes, que j’ai annoté tous les 10 kilomètres du début à la fin.
J’ai ainsi quitté le secteur proche de Nazareth, sous pression depuis les manifestations du 8 octobre. Le chemin passe à l’écart de toute façon, et je n’avais pas l’intention de la visiter. Pourtant c’est un détour qu’on peut faire car la ville est très intéressante.

Je suis déposé au sud du village de Zippori, près d’un bassin alimenté par une source et ceint de murs en pierre. Plusieurs sources coulent toute l’année dans ce secteur. Je profite de cette eau très claire pour me rafraîchir.

Au Kibboutz de Zippori je fais quelques achats à l’épicerie. Mes appels vers un hébergement éventuel ne donnent rien, je continue donc mon avancée vers l’ouest. Je longe le site de l’antique Sepphoris, capitale de la Galilée au Ier siècle. Un célèbre portrait de femme romaine en mosaïque y est conservé : la Mona Lisa de Galilée. Il est tard, tous les sites archéologiques sont fermés.

Descendant la colline du village, je m’introduis brièvement dans un édifice ancien caché parmi des oliviers plusieurs fois centenaires. C’est le tombeau de Yehuda HaNassi, un maître de la Loi orale (de laquelle découlera le Talmud) du 3ème siècle. Le dôme de son toit est recouvert de peinture d’un bleu lumineux. Azur, couleur des cieux et des eaux, du spirituel et de l’immatériel.

J’atteins la réserve forestière d’Hasolelim, toute proche et qui fait partie du parc national de Zippori, avec l’intention d’y bivouaquer. J’apprécie son calme, au sommet de cette colline, malgré les bruits lointains et le passage de l’hélicoptère qui, la nuit venue, fait sa ronde comme tous les soirs. A croire que c’est le même engin volant qui suit ma progression et me surveille à la fin de chaque journée. Ces 30 km² de forêt ont été replantés d’espèces régionales : pin blanc (dit pin d’Alep), pin brutia (dit pin de Calabre), cyprès, chênes, arbre de Judée, térébinthe de Palestine, Aliboufier.

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10. 10e j de marche. Forêt d’Hasolelim – Kibboutz Harduf – 16 km

Je continue ma progression vers l’ouest par des collines boisées.

Traversant une plantation de Figuiers de Barbarie, je trouve un gant caoutchouc opportunément posé par terre pour me régaler du fruit délicieux de ce cactus. En effet, pas question de le manipuler à mains nues, car les fines et courtes épines s’accrochent à la peau et provoquent des démangeaisons, je le sais.
Plus loin, des grenades me réjouissent encore le palais. Cette saison n’est pas fleurie comme le printemps mais a du bon aussi ; figues de Barbarie et grenades font partie des plaisirs d’octobre.

Au village de Kaabiya, habité par des Bédouins sédentarisés, je m’arrête à la boulangerie pour m’offrir de bonnes pâtisseries orientales. Parmi elles des petits croissants au chocolat qui non seulement n’ont pas la forme d’un croissant, mais ne sont pas orientaux. Ce sont des Ruglach, pâtisserie d’origine polonaise. Cosmopolite je vous dis.
Plus loin je demande de l’eau à deux femmes, dans une cour de maison.  Nous n’avons aucune langue commune, je brandis donc ma Platyplus vide en faisant mine de boire. Elles me montrent alors leur fontaine d’eau réfrigérée. Agréable surprise ! ca fait du bien par où ca passe. Ensuite elles m’offrent un café, le meilleur café du monde. La conversation ne risquant pas de s’éterniser, je les quitte avec un shoukran, un mot constituant à lui seul un bon tiers de mon lexique arabe. Toutefois un mot ô combien important.
De nombreuses maisons sont en construction, leur architecture et leurs décorations m’offrent de beaux exemples du Kitsch bédouin.

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En contrebas du village, Nahal Zippori est une petit cours d’eau dont le faible débit suffit à entretenir toute un écosystème. La vie accomplit des miracles partout. Des Martins-pêcheurs s’envolent à mon approche, des tortues pointent leur museau à la surface de l’eau. L’air me paraît plus léger. Je m’approche de la mer.

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Descendant cette petite vallée très plate, je commence à envisager l’étape du soir. C’est le début de l’après-midi mais j’ai décidé que cette étape serait plus courte que les autres, afin de reposer mon genou et ma cheville du mal qui les taraude. Mon esprit a besoin de souffler pareillement. Une piste sur ma droite monte vers un village, d’après ma carte. Je m’y engage.

Je pénètre dans le Kibboutz de Harduf sans savoir ce que je vais trouver. Une épicerie pleine de produits Bio et un salon de thé contribuent à me détendre. Je m’assois pour manger un plat végétarien et m’enquérir d’un hébergement dans ce village comporte plusieurs fermes en biodynamie.

Je suis reçu chez M. Gaon, dont la famille était originaire d’Egypte. Il est adepte de l’anthroposophie de Rudolf Steiner. Ce soir nos discussions durent des heures, je dois déterrer à coups de pioche mon vocabulaire anglais. Mon hôte a ouvert une bouteille de vin de Galilée qui a un tel effet bénéfique sur la parole et le moral que nous la vidons avec son fils, intéressé par la conversation. Finalement, la réalité nous réveille, sous la forme d’une épouse apparaissant à la terrasse où nous sommes assis. Je ne comprends pas les mots qu’elle prononce calmement, mais il est facile d’en deviner le sens : il est tard ! Au lit ! Au rez-de-chaussée de la maison, l’endroit où je m’installe est une grande pièce servant à des séances de Yoga ou de méditation, avec coin cuisine et salle d’eau attenante. Les grandes baies vitrées s’ouvrent vers l’ouest, je vois les lumières de Haïfa qui se diffusent dans le ciel qui en devient orangé. Je m’endors sereinement sur mon matelas, que j’ai gonflé au milieu de la pièce. Bivouac ou pas, j’adore le Thermarest gonflable. Ou que je sois, il m’assure une bonne nuit.

11. 11e j de marche. Kibboutz Harduf – Yagur – 16 km

Je suis satisfait, j’arrive à me lever de plus en plus tôt pour profiter de la douceur du petit matin (ne parlons pas de fraîcheur). Il est 5h45. En France il est bientôt 6 heures, mais à la vue du ciel où pointe lentement l’aube blême, il me semble être psychologiquement presque 7 heures. Et bien justement, c’est l’heure réelle, celle du soleil. Difficile de reprendre le rythme naturel quand on a pris bêtement l’habitude d’obéir à l’heure officielle.

Je rejoins la vallée de Zippori par un sentier qu’on m’a indiqué et qui évite le détour par la route que j’ai emprunté hier. Au dessus d’un méandre de la rivière, je vois au loin un foisonnement de fleurs rutilantes. En m’approchant je crois reconnaître des Bougainvillées rouges en fleurs. Les arbres entourent un beau bâtiment en pierre. C’est un ancien moulin restauré. L’endroit est très beau.

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Je remonte ensuite doucement une vallée par un chemin qui épouse ses méandres. Je ne rencontre que quelques vaches rousses accompagnées de leurs inséparables compagnons, les hérons garde-bœufs. Ne poussent que les cailloux en cette saison ; je suppose que ce bétail grignote les feuilles des arbres bas qui couvrent les flancs de ce vallon. Les races élevées au Moyen-Orient supportent un régime qui ferait crever nos Normandes.

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J’ai franchi les dernières collines avant Haïfa, j’arrive dans la plaine du fleuve Kishon en début d’après-midi et je commence à avoir faim. Il me faut trouver un coin confortable à l’ombre. Pas facile car j’ai entamé la traversée du village de Kfar Hasidim par une longue rue résidentielle. A tout hasard je fais comprendre à un quidam en train de bricoler dans son jardin que je cherche un endroit herbeux pour m’assoir. Quand je prononce la formule magique “Shvil Yisrael”, il s’empresse soudain de me conduire vers la table du jardin. Après m’avoir invité à m’asseoir, il m’apporte une grande bouteille d’eau et deux oranges. Je suis le roi. Ce n’est pas l’unique fois que je rencontre cet accueil, qui se manifeste parfois sur les grands chemins dans le monde entier quand le mercantilisme n’a pas pris toute la place. Les voyageurs au long cours ou les pèlerins sont des êtres qui transmettent l’esprit des Hommes. Les sédentaires leur prêtent attention, leur donnent une offrande (comme dans l’île japonaise de Shikoku) ou réalisent un acte symbolisant une offrande. Cela doit venir du fond des âges. Il y a plein d’exemples. Je me souviens de mon périple vers Compostelle à vélo, il y a bien longtemps. Apprenant où j’allais, un vélociste de Mont de Marsan m’avait offert les réparations sur mon biclou.

Après le repas je traverse la vallée et file vers Yagur, où j’ai pris rendez-vous avec mes amis Sari et Shoshan afin qu’ils m’emmènent passer le samedi chez eux. J’ai hâte de vivre une journée de repos.

Dernière modification par JJondalar (27-01-2016 19:48:47)


La mésange à tête noire et la sittelle sont d'une compagnie bien plus vivifiante que celle des hommes d'État ou des philosophes; au retour on va considérer ces derniers comme de bien piètres compagnons."
H.D.Thoreau, Une promenade en hiver.

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#33 22-01-2016 00:08:49

kodiak
Pas assez léger, mon fils!
Inscription : 09-06-2014

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

JJondalar, merci pour ton récit. Aussi sympa et... dépaysant que la 1ere partie.


Lâche ce clavier, attrape ton sac et pars marcher!
Il y a toujours un objet plus léger que celui que tu portes dans ton sac : celui que tu as eu le courage de laisser chez toi.
« Strong, light, cheap, pick two » (*)

| k

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#34 24-01-2016 19:42:17

Jobig
Membre
Lieu : Breizh
Inscription : 01-07-2014

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Salut JJondalar,  smile

Je viens de terminer cette deuxième partie. J'y ai pu découvrir le mont Thabor en vrai... et oui ! je ne m'en étais pas trop inquiété jusque là. Un faux air de Mont St Michel ou de Menez Bré, cézigue !

La 10ème journée est ma préférée. L'hospitalité de Kaabiya, l'accueil de M. Gaon au Kibboutz Harduf, l'excitation d'une longue conversation nocturne, je pense... des moments qu'on a tous envie de vivre ou de revivre. Ton récit, avec ses moments contemplatifs, me plaît vraiment beaucoup. cool

Les voyageurs au long cours ou les pèlerins sont des êtres qui transmettent l’esprit des Hommes. Les sédentaires leur prêtent attention, leur donnent une offrande (comme dans l’île japonaise de Shikoku) ou réalisent un acte symbolisant une offrande. Cela doit venir du fond des âges. Il y a plein d’exemples.

C'est bien mon sentiment également. Les paléoanthropologues sont de plus en plus nombreux à penser que c'est la marche qui a fait de l'homme ce qu'il est devenu, bien plus que la bipédie en soi. L'essence même de l'humanité contenue dans nos pas ? Je prépare une petite notule là-dessus que je mettrai en ligne sur mon trombi dans quelques temps.  wink

J'attends patiemment le troisième volet de ton odyssée en Palestine/Israël...

Jobig

PS : il y a une coquille sur le passage concernant Mme Gaon...


From each according to their ability, to each according to their needs.

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#35 25-01-2016 12:37:19

Myrtille88
Membre
Lieu : Provence
Inscription : 30-09-2009

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Hello Jjondalar smile

Surprise d'apprendre que tu avais prévu ce voyage, dommage j'ai raté la préparation hmm

Ca me passionne de lire ton aventure, ces lieux dont j'entends parler quotidiennement, ou sur lesquels j'ai lu des choses,
voir la carte et ton tracé aussi, bel initiative que ce "shvil yisrael"

Le bivouac sous les palmiers ressemble à un bivouac dans un jardin botanique wink

J'aurai bien aimé que tu passes par Nazareth, voir aussi quelques photos de l'antique Sepphoris, et du tombeau de HaNassi,
ah! Ces Muls ne sont jamais contents big_smile

Ta liste a bien évolué roll , chapeau!
c'est la veste Hagloffs Lim III que tu as?

Chouette la photo titre

soukran kteer pour ton récit smile
et à bientôt pour la suite

Myrtille

Dernière modification par Myrtille88 (25-01-2016 13:39:34)

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#36 25-01-2016 12:53:07

Opitux
Jeune padawan
Lieu : 06
Inscription : 13-01-2013

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Je ne participe pas trop, mais j'apprécie le récit smile
J'ai une certaine chanson de m... dans la tête depuis ce matin.
Je ne te remercie pas  lol


Plus je marche moins fort, moins j'avance plus vite...

rl  Si vous me contactez pour l'association, mieux vaut passer directement par là wink

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#37 25-01-2016 13:30:12

Magne2
Membre
Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
Site Web

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

@Opitux
C est pour les plus de 40 ans cette chanson big_smile
Pour les autres YouTube est ton amie

Dernière modification par Magne2 (27-01-2016 20:17:32)


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#38 27-01-2016 20:08:56

JJondalar
Membre
Lieu : Estérel
Inscription : 15-06-2011
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Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

@Myrtille : la veste est la LIM III (commandée chez CampZ en juillet). Choisie après l'avoir vue sur le dos de l'un de mes maîtres  wink : Domweb.
Pour plus d'images, attendre la mise en ligne sur mon Blog. Malheureusement ma présence devant l'ordi est très ponctuelle.

@Jobig: merci. Il y aurait de belles choses à écrire sur les motivations qui poussent l'Homme aux migrations pédestres, qu'elles soient poussées par la nécessité ou la recherche personnelle, religieuse ou non (de toute façon c'est pareil). Je te fais confiance. Sinon, je t'envoie un MP (tu te doutes).


La mésange à tête noire et la sittelle sont d'une compagnie bien plus vivifiante que celle des hommes d'État ou des philosophes; au retour on va considérer ces derniers comme de bien piètres compagnons."
H.D.Thoreau, Une promenade en hiver.

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#39 07-02-2016 18:43:24

JJondalar
Membre
Lieu : Estérel
Inscription : 15-06-2011
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Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

...troisième et dernière partie...

12. Jour de repos à Haïfa

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Métropole de 300 000 habitants, ville de naissance de personnalités extraordinaires tels Amos Gitaï le cinéaste génial des réalités du pays, Emile Habibi l’écrivain-politicien Palestinien, et cerise sur le gâteau : Gene Simmons le bassiste de Kiss. Haïfa mérite le détour, voire le voyage. Elle nous prend à partie physiquement et intellectuellement, elle nous contraint de voir que la réalité est un gemme à multiples facettes brillantes.

Je me requinque donc chez Sari, une artiste de talent. Ces poteries, peintures et dessins, autant que sa bonté, emplissent l’appartement. Quand elle ne créée pas elle participe à des actions qui tissent les liens entre les communautés. Son mari Shoshan est journaliste dans un journal local.

La veille nous avions achevé la journée de vendredi sous les lumières chaudes des terrasses du bord de mer. Alors aujourd’hui je profite de ce séjour pour visiter le parc et le mausolée Bahá’íe. Le Baha’isme est une religion syncrétiste issue de l’Islam chiite au 18ème siècle, dont l’histoire et l’organisation sont complexes. Chassés d’Iran, ses dirigeants ont établi leur siège dans la capitale du nord. Le sanctuaire en marbre d’Italie et granit qui abrite la tombe du Bāb, l’ancêtre de la foi mort en 1850, les 18 terrasses richement fleuries, cette démesure me laisse pantois. D’autant que cela faisait longtemps que je n’avais pas vu de pelouse aussi verte.

Restaurant Douzan. Le patron, Fadi Nadjar, qui est un ami de mes amis, s’assoie à notre table. Il se désole que les clients boudent son restau à cause des troubles. Il est pourtant situé dans un quartier touristique appelé la colonie allemande, aux belles et grandes maisons, appelé ainsi car en 1868 un courant religieux protestant allemand, le Tempelgesellschaft, y a installé des familles. C’est aujourd’hui un lieu de sortie à la mode. Lui et son copain servent la seule bière palestinienne, la Tabyeh. Lors ma première visite, Il avait déjà insisté pour que j’y goûte, mais cet après-midi je me contente, s’il vous plaît, d’un Cappuccino exquis.

Dans l’après-midi, promenade et achats dans une épicerie tenue par un Arabe chrétien. Je souris en voyant sur une étagère la statuette de la Vierge Marie au milieu des bouteilles de Vodka. Le cocasse rassure, parfois. Je repars avec une grosse barquette de Houmous, des Pitot et des fruits.

Si j’avais eu plus de temps, je me serais amusé à aller saluer la tombe de Mike Brant, juste pour le fun. Mais je dois partir de cette jolie ville à la fois traditionnelle et moderne, ouverte et vivante, multiculturelle, où les populations vivent ensemble mieux que dans la plupart des endroits.

13. 12e j de marche. Isfiya – Bikat Shir – 26 km

Pour me permettre de reprendre le cours du Trail sur son itinéraire, Shoshan me fait quitter la ville en voiture ce dimanche matin, et me dépose sur la route d’Isfiya avant de retourner à son travail, puisque la semaine commence le dimanche en Israël, forcément. Je vais pénétrer dans le Har HaKarmel (Mont Carmel) près de son point culminant, à 546 mètres, pour une traversée du massif qui va durer une journée pleine.

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Depuis hier après-midi, ma cheville endolorie s’est totalement dégonflée. Quelques centaines de mètres après le départ, je sens que la petite entorse ne sera bientôt qu’un souvenir.

J’apprécie que la température soit moins élevée que la semaine dernière. Sous un ciel gris, j’avance dans les collines au milieu d’un environnement de forêt méditerranéenne. De nombreux pins, de nombreux arbustes sont jeunes. La Sylve renaît de ses cendres, car en 2010 ce furent 5000 hectares qui partirent en fumée. Pour quelques années, les troncs calcinés et les squelettes de bois gris feront partie du paysage. Mais observer toute cette verdure, cette capacité qu’a la nature à se renouveler si rapidement, me rend optimiste.

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Dans Nahal Oren, la dernière vallée à l’ouest du massif, j’aperçois la plaine côtière et la mer depuis le chemin qui longe des falaises calcaires. L’érosion a creusé la roche tendre et façonné de nombreuses grottes. Dans plusieurs d’entre elles on a découvert des traces de la présence humaine datant du Mésolithique. En bas de la vallée, une aire de pique-nique m’offre l’occasion de profiter des robinets d’eau.

A Ein Hod, qui est un village d’artistes fondé par Marcel Janco, un des fondateurs du mouvement Dada, je m’arrête dans un café. La serveuse parle un peu français, je me sens bien sous les drapeaux de prières Tibétains et la photo des Marx Brothers arborant leurs sourires de fripouilles. Je me sens en forme, comme porté par un rythme de croisière serein.

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Plus loin, une sculpture en forme de poisson me tend ses lèvres pour que je m’assoie à l’ombre d’un olivier. J’hésite entre l’évocation de Jonas ou celle de Pinocchio.

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Je viens de traverser les collines du Mont Carmel nord-est sud-ouest. A partir d’ici, je vire définitivement plein sud, en parcourant la bordure du massif. Sur ce balcon qui m’oblige à traverser plusieurs petites vallées, je longe la plaine côtière qui me sépare de la mer, dont je distingue à peine l’horizon brumeux. Je m’arrête à l’ombre pour déguster la barquette de Houmous achetée la veille. Un aliment qui coule bien dans le gosier.

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Dans l’après-midi je découvre le site des grottes de Nahal Me’arot (Wadi el-Mughara). Il est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco grâce aux découvertes que les chercheurs y ont faites. 500 000 ans de présence humaine, alors tout de même, je peux y consacrer une heure de visite à méditer sur la transition entre chasse et cueillette vers agriculture et élevage, et sur l’influence de cette évolution sur la pratique de la marche et la fin du nomadisme. Voila voila voila…

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Je me remets en marche en milieu d’après-midi pour grimper une petite colline. Au sommet, un observatoire, un grand plancher au dessus duquel est tendue une grande toile. Une piste de danse ? Il y a un restaurant mais les lieux sont déserts. Je tire une porte vitrée coulissante pour entrer dans le local et demander de l’eau. Encore personne. Je vise les sanitaires pour remplir ma poche à eau et repars comme je suis venu. En refermant la porte.

Je descends la colline en fouillant les alentours du regard, comme tous les soirs quand il faut penser à trouver un lieu de bivouac. Les terrains sont rocailleux et en pente. C’est en bas, dans la vallée, qu’un vert champ d’avocatiers bien touffus m’accueille. Je passe par-dessus la clôture pour m’installer dans cet oasis. Hélas les avocats sont loin d’être mûrs. Il n’y a pas de justice...

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Toilette et accrochage des vêtements parmi les branches, puis repas froid comme d’habitude. Les petits sachets de potage Natali que j’ai emporté s’accommodent bien de l’eau fraîche. Même la plupart des quelques sachets de Lyo que j’ai emporté peuvent se préparer avec de l’eau à température ambiante si on les laisse gonfler beaucoup plus de temps que la dizaine de minutes préconisée en général. Ca reste bon… Oui oui je trouve ça bon… En tout cas les produits MX3 ont un goût très correct.

14. 13e j de marche. Bikat Shir – Beit Hananiya – 24 km

J’ai très bien dormi, je me lève vers 6h. J’entends tout à coup un chuintement inquiétant autour de moi. Je m’aperçois vite qu’il provient des tuyaux d’arrosage courant au pied des arbres alignés ; mais le débit est faible, je ne suis donc pas arrosé.

Je franchis à nouveau la clôture pour sortir du verger et traverse une route pour rejoindre mon chemin. Je passe à travers une sorte de mémorial. Quelques colonnes en marbre où sont fixées des plaques mentionnant les noms de donateurs ayant contribué au reboisement des collines après le grand incendie.

Un peu plus haut je dérange une meute de chacals qui sortent des fourrés où ils ont dû passer la nuit. Je ne dégaine pas assez rapidement l’appareil photo. Ils s’échappent sans me laisser de souvenir, si ce n’est une certaine odeur de fauve.

Je franchis quelques collines couvertes de forêts ou de maquis. Après les collines de Telimon, sous une chaleur étouffante, je décide de bifurquer vers la ville de Zikhron Yaaqov pour me ravitailler. Je traverse une grande zone couverte d’immeubles neufs et je n’aperçois aucun commerce. Je rejoins une route qui m’a l’air importante. Une petite fourgonnette s’arrête, je n’hésite pas. Je demande au conducteur s’il sait ou se trouve une quelconque supérette (je ne prononce pas ce mot bien sûr). Il ne parle pas un mot d’anglais, ca va être dur, et il me pose des questions auxquelles je suis incapable de répondre, c’est un dialogue de sourd. En définitive il m’invite à monter et m’emmène près du centre du bourg ancien – Zikhron a été implantée en 1882, à deux ou trois kilomètres. Au petit supermarché je fais le plein pour deux repas et un petit-déjeuner, c’est l’autonomie que je prévois en moyenne lors de mes achats. A la sortie je fais un petit repas sur place et je m’étonne moi-même en constatant que je bois un litre de jus de pomme quasiment d’une traite. Et ben dis donc…

Après un court arrêt terrasse, je traverse la petite agglomération vers le sud en utilisant le plan de ville intégré à OpenCycleMap. En très peu d’années le progrès technologique me permet de me diriger dans des lieux inconnus aussi facilement que si je me promenais entre le boulevard des Batignolles et le Palais Garnier (faut bien prendre un exemple…). Évidemment l’ange de l’analyse critique, aux ailes toujours en mouvement, va dire : « oui mais tu ne demandes plus ton chemin. Donc tu fermes la porte des rencontres et des paroles échangées. » Moui. Pas faux.

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A l’orée de la ville, un chemin me fait rejoindre le parcours. J’atteins la colline de Ramat Hanadiv dont le sommet est couvert par un parc splendide. Les gardes et quelques panneaux m’apprennent qu’il a été créé en l’honneur du baron Edmond de Rotschild, bienfaiteur de Zikhron Yaakov. J’en fais le tour pour admirer les jardins et les roseraies par un réseau sinueux de chemins pavés. Le décor est parfaitement léché, chaque arbre, chaque plant de fleurs sont à leur place. L’impression d’être à l’intérieur de Myst, une série de jeux vidéo qui m’a bien diverti jadis, devient très forte quand je pénètre dans une cour entourée de colonnes et de bassins où flottent des petits nénuphars en fleur. Il ne manque que la musique de Jack Wall. Au fond, un portail constitué de deux immenses battants métalliques noirs me fait accéder à un couloir faiblement éclairé par de petits spots. Ce passage conduit à un caveau où trône le tombeau du baron depuis son rapatriement du Père Lachaise en 1954, qui me ferait penser à un capot avant et la calandre d’une ancienne Rolls-Royce, mais en marbre noir. Je sauvegarde et fais vite quelques clics gauche dans les allées pour sortir de ces lieux et retourner dans mon élément naturel : le maquis, le bush.

Je reviens vers les coteaux qui bordent le massif du Carmel pour encore surplomber la mer et traverse les belles ruines d’une ferme Byzantine qui fut apparemment très importante. Elle vendait certainement ses produits dans la ville antique de Césarée, dont je me rapproche.

J’aperçois brièvement une forme à fourrure, très basse sur pattes et à la queue longue, qui s’échappe dans les bosquets. C’est une mangouste d’Egypte ou rat des Pharaons. Je préfère croiser cet animal que son ennemi le serpent.

Un marcheur vient à ma rencontre. Il y avait plusieurs jours que je n’en avais croisé. Il me dit qu’il vient d’Eilat, donc de l’extrémité sud du chemin. Cela me paraît impossible car il aurait traversé le désert du Néguev en été. Il a omis des détails sur son périple ou bien je l'ai mal compris.

Je descends ensuite de la falaise pour parvenir dans la plaine. L’altitude se réduisait progressivement depuis hier, passant de 300 à 200 mètres, puis 100 mètres. Maintenant je sais que j’ai définitivement quitté les hauteurs et que la dernière partie de mon voyage va se faire au niveau du rivage.

Je passe l’aqueduc romain, long de plusieurs kilomètres. Quelques arches furent détruites il y a longtemps pour laisser passer une route. Je traverse le village de Beit Hananiya en fin d’après-midi, aussi je pense que le mieux est de trouver un hébergeur. Je téléphone depuis un banc d’un petit parc avec jeux d’enfants. Personne ne répond, je reviens au bord de la route pour m’assoir à une table du centre équestre. Regarder les enfants apprendre à monter me permet de patienter. Je retourne dans le parc m’assoir. A côté de moi un vieux couple parle yiddish en gardant leur petite fille qui est rentrée de l’école. Mes appels téléphoniques sont toujours infructueux. Je suis un peu amorphe, deux heures ont passé depuis mon arrivée. Les environs ne sont pas très sauvages et ne me donnent pas envie de m’installer au bord d’un champ. Alors je vais demander à la première personne que je vois si elle connaît un terrain pour bivouaquer. Entrant dans la cour d’une entreprise, je pose la question à une personne qui me conduit vers le patron. Celui-ci, d’une manière toute naturelle, réfléchit un peu et me demande d’attendre sa fille qui va me donner la clef du local communal et m’y déposer en voiture. Pas de problème, que des solutions. Dans le local, je trouve cuisine avec bouilloire et canapé pour m’allonger pour la nuit, et bien sûr la prise de courant pour charger mes batteries. C’est parfait. Dans la bibliothèque, quelques livres en hébreu et en hongrois. Je ne risque pas de les emporter par mégarde.

15. 14e j de marche. Beit Hananiya – Netanya – 24 km

Comme convenu, je laisse la clef sur un rebord de fenêtre en plaçant à côté un petit sachet de lavande en remerciement.

Je longe l’aqueduc et une petite rivière qui traverse les champs. Je tombe sur quelques ibis (des Tantales ibis d’après mes recherches ultérieures) qui s’envolent à mon approche. Encore pas de photo.

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Je passe sous la grande route côtière numéro 2 avant de traverser Jisr a-Zarqa. Il paraît que ses habitants trouvent que les randonneurs traversent trop vite leur ville, voire l’évitent. En conséquence ils ont créé un circuit balisé avec points de repères, des chambres d’hôtes, espérant attirer les touristes et éloigner les préjugés.

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Pour ma part, c’est au dernier café avant la mer que je m’arrête pour la pause du matin. A l’instar de ce qu’a évoqué Delerm, j’ai besoin de ces plaisirs minuscules que me procure la mousse du Capuccino du début de journée sur mes lèvres ou le pétillement de la première gorgée de bière en fin de journée. En tout cas dans ce genre de randonnée, car en haute montagne, les sources de plaisir sont bien différentes, plus subtiles et diverses.

Quelques maisons de pêcheurs plus loin, ma longue marche sur le sable débute. L’air marin plus léger que dans les collines sèches, le son doux et répétitif des vagues, la ligne floue de l’horizon, les teintes pastel du petit jour, tout exprime la sérénité. Un lieu pour se fondre dans l’Un.

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Je marche un bon moment entre la mer et l’aqueduc romain. Celui-ci est monumental. Je m’approche des ruines de Césarée, un des plus importants sites romains autour de la Méditerranée. Hérode l’a développée il y a un peu plus de 2000 ans et je me promène librement parmi des ruines dont certaines sont encore imposantes : hippodrome, théâtre, rues pavées, colonnes et mosaïques. Dans un coin de mur un archéologue nettoie une à une les pierres d’une mosaïque. Peu de visiteurs, l’heure est encore matinale. Je pourrai dire plus tard : « Je demeurai longtemps errant dans Césarée… »
Au sud du site antique, je finis ma visite par le théâtre, où je me retrouve quand même au milieu de dizaines de groupes de touristes.

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Je repars par l’accès principal du site (tiens il y a un guichet pour acheter des billets d’entrée…) et plus loin contourne une monumentale centrale électrique au charbon, dont je distinguais les trois hautes cheminées depuis hier déjà.

Tout en marchant j’ai fait mes calculs de délais. Je vais mettre en application l’option que j’avais prévue : prendre le train sur un tronçon du parcours pour combler le retard que j’ai pris sur les prévisions du tableau de marche. Ce n’est qu’une demi-journée à rattraper, soit 14 kilomètres sur les rails. Étant parti avec un parcours global, sans objectifs précis sur les lieux d’étapes, je me permets d’être plutôt satisfait de moi. Merci. Il n’y a pas de quoi.

Je vais jusqu’à la gare de H’adera et rejoins rapidement Netanya. J’ai appelé Udi, un Trail Angel qui va pouvoir m’héberger mais il habite au nord de cette grande ville. Je traverse celle-ci par de grands boulevards très animés. J’avais appris que les français y sont nombreux mais les conversations des passants que je croise sont souvent celles de russophones. Certains panneaux indicateurs sont d’ailleurs affichés en russe comme quatrième langue.

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La maison d’Udi est minuscule – un studio, perdue au milieu des jardins des maisons voisines. Je pose mon neoair dans la tente dressée dans le jardin. Il a sorti un vieux matelas d’un appentis mais je suis bien obligé de lui dire qu’autant j’aime les chats, autant dormir dans l’odeur de leur urine compliquerait mon sommeil. Nous bavardons un peu avant qu’il me quitte pour Tel Aviv où il vit son activité dans la danse contemporaine, ce que ne dément pas sont physique très mince et anguleux. Au milieu d’un beau bordel il y a une table de salon. Je m’installe pour manger et lire quelques pages à la lueur de ma frontale.

16. 15e j de marche. Netanya – Tel Aviv – 32 km

Je ne pénètre pas dans le centre de Netanya, je quitte cette grande station balnéaire qui impressionne le petit marcheur que je suis. Le tracé du Shvil s’en tient de toute façon aux allées du bord de mer. Sur les immenses plages, beaucoup de monde pour se baigner et se prélasser. A la sortie de l’agglomération je traverse un massif dunaire, réserve naturelle pour les iris noirs. Mais en ce mois d’octobre seuls les beaux lis maritimes, d’un blanc pur, et quelques maigres chardons fleurissent. Je n’ai toutefois pas l’impression d’être en pleine nature. Ce qui pousse surtout ce sont d’énormes blocs d’immeubles qui encerclent la réserve.

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J’ai envie d’atteindre le terme de mon chemin aujourd’hui, ce qui m’amène à penser que longer le rivage sans tenir compte du parcours officiel est une bonne idée. Ne plus voir d’habitations ni de routes me motive, d’autant que tout cela sera caché par une longue falaise. De nombreux panneaux rappellent que les risques d’éboulement sont élevés, mais la largeur de la grève permet toujours de tenir éloigné des parois friables.

Je m’élance pour une vingtaine de kilomètres de sable et de roches plates, ce que je ne regrette pas. Je trouve mon rythme, l’environnement est calme. Je ne rencontre que les habitués des lieux : les nudistes, les pêcheurs, les aigrettes garzette.

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En fin d’après-midi, j’entre dans le port de Tel-Aviv tout en contemplant le coucher de soleil à ma droite. Après une telle distance sur du plat, mon genou me crie stop depuis deux heures, m’obligeant à m’arrêter régulièrement. J’ai pris moins de plaisir à marcher à cause de cette douleur. En entrant dans la ville, le premier commerce que j’aperçois est une pâtisserie. Je me paie un Pretzel pour fêter symboliquement mon arrivée.

Grâce au plan je trouve facilement l’adresse de la famille Tal, qui va m’héberger. Hébergement original, sur la terrasse de ce petit immeuble du centre ville, où son fils m’installe une tente. J’ai souvent dormi sur les sommets des collines. Alors ce soir est encore un soir plus près du ciel.

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Je suis accueilli à la table familiale par des gens vraiment sympathiques. Ils me donnent un tube de pommade qui me permet de me masser les jambes, je leur offre le dernier sachet de lavande. J’en avais emporté 7, j’en ai eu besoin de 7. Moi qui aime la symbolique je suis servi. La discussion est ouverte, on se comprend – Tel-Aviv est dans le monde moderne.
Je monte sur le toit-terrasse. La rue en bas est calme. Autour de la tente le chat de la maison rôde et se lance sur la toile dès que je bouge. Je m’endors et fais de beaux rêves.

17. Marche dans Tel-Aviv – 8 km

Le dernier jour est consacré à une longue balade dans la métropole Israélienne, que j’inclus dans mon carnet de route bien sûr. J’ai parcouru ainsi environ 350 kilomètres au moment où j’entre dans la gare centrale, égarée au milieu des autoroutes et des gratte-ciels, pour prendre le dernier train qui va m’emmener à l’aéroport. L’avion partira à 18h10 heure locale.

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L’Israel National Trail est terminé. A l’heure des bilans, j’ai la sensation d’avoir retrouvé mon âme de routard d’il y a… quelques années. C’était bien plus qu’une grande randonnée. D’ailleurs les anglophones ont un terme spécifique pour ce genre de voyage : le « backpacking ». Les allemands disent « Rucksacktourismus ». La possibilité d’agglutiner les mots manque au français. Le « voyage avec sac à dos », c’est lourd. L’office québécois propose « Tourisme pédestre », ce qui montre la difficulté à traduire le sens avec son terme. Malgré tout le sens est proche car le backpacking provoque plus de rencontres et de visites touristiques que la randonnée pure, plus inscrite dans le milieu naturel.

Si je dois conseiller cette grande randonnée, elle est à faire au printemps. Les paysages sont plus verts et fleuris. On s'en doute. Par contre il y a beaucoup de randonneurs, pour qui veut être tranquille.

Mon sac-à-dos Terra Nova 45 a crié halte lui aussi. J’ai porté moins qu’en Islande, mais les tractions successives ont étiré les bretelles. La gauche ne tient plus que par le Mesh, heureusement solide. La charge est déséquilibrée bien que j’ai tiré au maximum sur les sangles de rappel.

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Le livre que j’ai emporté n’est pas tout à fait terminé, je ne lisais que quelques pages chaque jour du Kabbaliste de Patrick Lévy (aucun rapport avec Marc). C'était pour boire un peu à la source des mots (pour chercher la source des maux ? Un peu facile. Mais je garde quand même).

A cause de la fatigue également, j’ai arrêté de prendre des notes dès les premiers jours. Le recollement des souvenirs va s’avérer compliqué, mais passionnant car ils murissent bien à l’abri dans un recoin de ce grenier qu’est la mémoire.

Dans la même région de cette belle planète, il y a aussi le Jordan Trail : http://jordantrail.org/route-stages-maps/ Même s’il semble magnifique, personnellement Je me vois mal parcourir ses 600 kilomètres, indiscutablement encore plus désertiques et chauds. Un beau rêve serait de réunir les deux grandes randonnées dont les tracés se rejoignent au nord et au sud, pour une balade de 1600 kilomètres autour de la vallée du Jourdain, à travers trois pays ou régnerait plus de justice. Un très beau rêve en effet.

Dernière modification par JJondalar (07-02-2016 22:45:39)


La mésange à tête noire et la sittelle sont d'une compagnie bien plus vivifiante que celle des hommes d'État ou des philosophes; au retour on va considérer ces derniers comme de bien piètres compagnons."
H.D.Thoreau, Une promenade en hiver.

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#40 07-02-2016 21:00:19

Jobig
Membre
Lieu : Breizh
Inscription : 01-07-2014

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Salut JJondalar,  smile

Merci une fois de plus pour cette découverte originale (ou originelle) des antiques Galilée et Samarie wink tongue , le long du Shvil Yisrael. La partie littorale du parcours met l'eau à la bouche : un rivage à l'abri d'une falaise sur plus de vingt km avant d'arriver à Tel Aviv, ça fait rêver...

A propos de références bibliques et de monstres marins, ne crois-tu pas que Jonas prendrait plus aisément la place de ce pauvre Job ? Sinon, j'aime bien Pinocchio aussi ! big_smile

(...) 500 000 ans de présence humaine, alors tout de même, je peux y consacrer une heure de visite à méditer sur la transition entre chasse et cueillette vers agriculture et élevage, et sur l’influence de cette évolution sur la pratique de la marche et la fin du nomadisme. Voila voila voila…

C'est le pain quotidien de mes réflexions et de mes (humbles) recherches en ce moment. Je signale au passage le bouquin de Pascal Picq, paléoanthropologue, traitant de la marche et de l'urgence de sauver le nomade qui est (se meurt ?) en nous... ça s'appelle "la marche" (éditions Autrement), tout simplement.

Houmous à volonté, aqueduc, Mont Thabor, oasis, ruines gréco-romaines, bois de Judée, térébinthes de Palestine, villages arabes et Kibbutz, grenades juteuses, vallée de l'Hamud : tu nous as vraiment gâté, JJondalar !

Jobig


From each according to their ability, to each according to their needs.

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#41 07-02-2016 21:18:14

domweb
Membre
Lieu : Marseille / Jausiers (04)
Inscription : 19-10-2011

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Un régal, merci. Et à bientôt, pour les commentaires autour d'un feu smile .


Si j'avais une pensée profonde à exprimer ici, je serais déjà couché. Alors, je veille...

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#42 07-02-2016 22:06:57

ester
Membre
Lieu : Bzh
Inscription : 23-08-2011

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Bonjour Jjondalar,  smile

J'aime le ton, mais aussi la diversité des paysages, la richesse, la simplicité, le naturel et la générosité des rencontres, la fraîcheur de la nourriture (alléchante) !

Comme Jobig, smile , je me prends à rêver des 20 km le long du rivage !*
Les as-tu parcourus les pieds dans l'eau ?

De belles semaines de marche !
Encore merci pour le partage ! smile

* : 20 km les pieds dans l'eau, c'est à peu près Hauteville/mer - Granville, par grande marée, si je me souviens bien... Mais ce ne sont pas les températures de Tel Aviv...


Grâce à vous, j'avance ! merci !  smile

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#43 07-02-2016 22:32:00

kodiak
Pas assez léger, mon fils!
Inscription : 09-06-2014

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Merci JJondalar pour le récit de cette belle ballade/backpacking. Et pour Racine.


Lâche ce clavier, attrape ton sac et pars marcher!
Il y a toujours un objet plus léger que celui que tu portes dans ton sac : celui que tu as eu le courage de laisser chez toi.
« Strong, light, cheap, pick two » (*)

| k

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#44 07-02-2016 23:30:18

JJondalar
Membre
Lieu : Estérel
Inscription : 15-06-2011
Site Web

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Merci
@Jobig : toujours enrichissant de te lire. Job était un lapsus. Avec Jonas il a quand même partagé le rôle de l'anti-héros.
Pour qui aime l'histoire, le moyen-orient en général est passionnant. Malheureusement l'accélération du temps la fait déraper en ce moment. C'est peu dire. J'ai traversé une partie de mon programme de 6ème big_smile en quelque sorte, entre Phénicie et empire d’Égypte. Mais franchement en ajoutant les périodes préhistoriques ça fait trop à réviser.
Je ferai une copie sur mon Blog, avec quelques mots de plus qui n'ont pas de rapport avec la rando (quoique mes dernières phrases en disent long ici), et plus d'images.
@Ester : pas de pieds dans l'eau, tout le bord de mer est comme sur les photos.
@Domweb : oui  smile . Demain je pars marcher trois jours en Ligurie autour du monte Ceppo pour prendre l'air après la pluie.

edit: ortho

Dernière modification par JJondalar (14-02-2016 23:11:11)


La mésange à tête noire et la sittelle sont d'une compagnie bien plus vivifiante que celle des hommes d'État ou des philosophes; au retour on va considérer ces derniers comme de bien piètres compagnons."
H.D.Thoreau, Une promenade en hiver.

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#45 08-02-2016 22:40:57

CLeC
Membre
Lieu : IdF
Inscription : 06-11-2011
Site Web

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Et merci à toi d'avoir été au bout du récit : intéressant et original !   smile


4981875N - 0698785E - 1761m

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#46 09-02-2016 01:23:58

claudius
Membre
Inscription : 02-02-2009

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

vraiment intéressant comme balade...

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#47 09-02-2016 09:57:54

marcheur75
Membre
Inscription : 22-02-2009

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Merci beaucoup pour ce récit.

Ton parcours est, de mon point de vue, superbe et idéal, car il réunit balades, découvertes humaines et culture.

J'avais parcouru il y a quelques années la région (Jordanie, Syrie et Israël, le Liban était en pleine guerre civile, et L'Irak déjà en guerre), pas à pieds, mais en stop et bus, et en garde un excellent souvenir.

La population y était extrêmement accueillante, et la région regorge de richesses culturelles (Jérusalem, Petra, Damas, Hama, et bien d'autres). On en prend plein les yeux, et c'est une délectation pour l'esprit.

Nous sommes là où l'humanité est passée de la préhistoire à l'histoire.

Le houmous que tu évoques me donne l'eau à la bouche. C'était ma nourriture essentielle avec les petits pains ronds au sésames vendus dans la rue (une pure merveille !) et le lait en poudre Nido.

Bravo à la Jordanie pour la création de se sentier. Il y probablement un problème d'eau. Mais j'avais dormi une petite semaine dans une des nombreuses grottes de Petra, et il y avait un ruisseau pas trop loin. J'achetais mon pain à de sympathiques bédouins (encore une pure merveille ce pain cuit sur la roche !). A voire donc si ce sentier croise des ruisseaux et des tribus bédouines.

Le climat de la région permet de s'alléger. Il pleut rarement, donc pas besoin d'abri, sauf durant la période pluvieuse.

Dernière modification par marcheur75 (09-02-2016 12:11:31)


Je n'ai pas lu tous les livres, hélas ! Mais la chair est réjouissante...

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#48 09-02-2016 10:38:23

florencia
Membre
Lieu : 71
Inscription : 11-11-2011

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Salut JJondalar,

Merci pour ce retour, qui retranscrit comme tu le dis si bien dans ta conclusion, l’âme du routard, qui est en sommeil désormais en ce qui me concerne wink

Je rebondis également sur les propos de Marcheur75, je ne connais pas la terre d’Israël, seulement sa frontière côté Jordanien. Un périple (à vélo) dont je garde un très bon souvenir, du Nord à Aqaba, en passant par la vallée des Rois, Petra, le Wadi Rum, entre autre.

Un mélange de douceur, de belles rencontres, de richesses archéologiques, et de cette confrontation à l'Histoire, omniprésente, passée et actuelle.

Souvenir de grandes chaleurs, de la quête de l’eau, des 6 à 8 L sur le porte bagage yikes , de nuits à la belle, entrecoupées régulièrement de l’accueil sous toit en dur ou tentes de bédouins, de repas partagés, ah l’houmous, falafels et autres ragoûts de moutons, miam tongue, mais aussi des puces sautant des couvertures des bédouins big_smile, ...

Encore merci pour cette balade originale, pour le ton, et pour avoir raviver ces quelques souvenirs cool

Flo


Réalisations DIY
_ _ _ _ _ _ _ _ _

"Si vous pensez que l'aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle !" -Paulo Coelho.

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#49 09-02-2016 12:09:03

marcheur75
Membre
Inscription : 22-02-2009

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Pour ceux qui souhaiteraient à la fois effectuer un périple comme JJondalar en Israël et Florencia en Jordanie, il doit être toujours possible de passer la frontière, le Jourdain, au pont d'Allemby. La route entre le pont d'Allemby et Jérusalem passe par Jericho, qui serait la plus vieille ville du monde.

Malheureusement, il faut pour l'instant oublier la Syrie et ses incroyables richesses.

Dernière modification par marcheur75 (09-02-2016 12:09:47)


Je n'ai pas lu tous les livres, hélas ! Mais la chair est réjouissante...

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#50 14-02-2016 23:23:34

JJondalar
Membre
Lieu : Estérel
Inscription : 15-06-2011
Site Web

Re : [Récit + liste] Comme les rois, marche en Galilée

Content d'avoir ravivé des souvenirs de voyage à certains.
Ce sont des régions où les populations sont traditionnellement accueillantes, comme le témoignent beaucoup de voyageurs. Néanmoins, en ré-ouvrant les livres d'Alain Guigny, que les cyclistes bretons (ou bretons cyclistes... je ne veux pas faire d'impair  big_smile ) connaissent, j'ai pu y lire tous les déboires et guet-apens qu'il avait subi entre Turquie et Iran.
Au maximum, j'ai porté 4 litres d'eau après réapprovisionnement. Mon sac-à-dos va mieux, il a été réparé par un cordonnier.


La mésange à tête noire et la sittelle sont d'une compagnie bien plus vivifiante que celle des hommes d'État ou des philosophes; au retour on va considérer ces derniers comme de bien piètres compagnons."
H.D.Thoreau, Une promenade en hiver.

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