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#1 13-02-2017 14:11:21

wax
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[Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Bonjour,

Pour cette deuxième randonnée au Ladakh, j'ai choisi un parcours plus long avec possibilité de m'arrêter au milieu en cas de besoin. Il s'agit de la randonnée "classique" entre Rumtse et Kibber. Certaines agences de trekking proposent ce trajet sur 19 jours mais en pratique, et en mode léger, on peut faire la rando en uniquement 12 jours en arrivant dans la petit village de Korzok en seulement 5 jours. Une fois de plus l'idée m'est venue de Trek Magazine hors série Himalaya qui décrit plusieurs treks plus ou moins long dans la région. Le trek en question part du petit village de Rumtse qui se trouve sur la route qui relie Leh à Manali. Il passe par le lac salé de Tso Kar, puis le grand lac Tso Morori pour finalement continuer une semaine de plus vers le Sud en suivant la rivière Parang pour arriver à Kibber après avoir franchi le Parang-La.

Pour ce qui est des infos de rando sur le Ladakh, il y a également le super site de Pierre Martin qui répertorie à peu près toutes les randos dans le coin avec énormément de détails très utiles pour les voyageurs indépendants. Un grand merci à lui pour avoir fait l'effort de mettre tout ça en ligne et aussi pour avoir même pris le temps de répondre par mail à certaines de mes questions. smile

Il y a également une trace GPS de cette randonnée ici. Trace qui comporte quelques écarts (comme le tour du lac Tso Kar) car réalisé en VTT, mais qui est utilisable pour la marche.

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Après la dernière rando, je passe donc deux à trois jours à Leh pour me reposer, acheter de la nourriture et préparer ce prochaine départ. Pour les transports, il faut se renseigner un peu à la gare routière sur l'autocar qui part pour Rumtse. A priori, il faut y être à 16h au plus tard. Départ donc de ma Guesthouse à 15h. Je dois traverser toute la ville à pied. Un petit jus d'abricot frais dans ma boutique préférée ne fait pas de mal wink . J'arrive à la gare routière et me rends compte que la plupart des gens sont venus bien en avance. J'arrive tout de même à me trouver une petite place et à garder mon sac à dos sur mes genoux. Je n'ai pas très envie de prendre le risque de le voir lancé sur la toit du car. J'achète également du pain frais dans la ruelle des boulangeries et espère que celui-ci sera encore mangeable dans 5 jours. Pour l'instant, il est tout chaud puisqu'il vient de sortir du four. Emballé dans le papier journal, c'est une petite boule de chaleur contre mon torse.

L'autocar qu'il faut prendre c'est celui qui va à Rumtse en passant par Upshi et Gya. Le trajet prend 2h30 et coûte 90 Rps, avec une pause « classique » à Upshi pour manger un morceau.  Avec mon sac à dos et mes bâtons, je ne manque pas d'attirer l'attention des passagers et, au fur et à mesure du voyage, alors que l'autocar se vide petit à petit, il apparaît bientôt évident que je suis "le mec bizarre qui va partir en rando tout seul". Du coup, un jeune Ladakhi me branche dans un anglais très correcte. Il s'appelle Mingur et habite justement la village de Rumtse. En plus il est guide de rando et me propose de m'héberger dans son petit « camp » qu'il a construit de ses propres mains l'année dernière. Le « camp » consiste en une série de 3 ou 4 petites chambres avec lit double et panneaux solaires. Les toilettes sont à l'extérieur et les repas sont servis sous une sorte de tente. C'est assez « basique » mais propre. Par ailleurs, il me semble voir 2 ou 3 autres « Home Stay » à Rumtse ainsi que 2 cafés / restaurants. A part ça, c'est un village assez basique.

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Mingur est un ancien « Horse Man » qui est devenu guide et a déjà fait plusieurs fois cette rando en emmenant des groupes de randonneurs. Il me rassure sur la difficulté du parcours même s'il pense qu'au niveau orientation, je pourrais avoir quelques problèmes. Du coup je lui montre mon téléphone portable avec la carte et la trace GPS. Ça a l'air de le rassurer. L'hébergement dans son camp avec le diner et le petit déjeuner ne coûte que 350 Rps. Pour moi c'est une bonne occasion de passer une nuit à 4200m et de pouvoir partir tôt demain matin avec le maximum de nourriture.

De ce coté là, comme la rando pourrait faire 12 jours au total, j'ai choisi de prendre 5 jours complètes de nourriture pour arriver à Korzok et de porter également une semaine de "saucisson / soupe / chocolat" pour éventuellement arriver à Kibber. Je me dis que pour le reste de la nourriture (fromage, pain, fruits secs … de la deuxième semaine) je pourrais en acheter à Korzok. Donc au niveau poids, j'ai bien 5 + 8/2 = 9 jours de nourriture avec moi. A cette altitude, ça commence à peser un peu sur les épaules … hmm

Il faut aussi un permis spécial pour accéder aux lacs Tso Kar et Tso Morori. Mais au village de Rumtse, il n'y a absolument personne pour vérifier mes papiers. De toutes façons, les permis sont les mêmes pour toutes les « zones spéciales » du Ladakh. Or, il y a une semaine, j'ai payé 650 Rps pour avoir un permis pour ma rando précédente qui partait de la vallée de la Nubra. Du coup, j'ai juste pris mon vieux permis, « réactualisé » les dates avec le stylo bic de la bonne couleur tongue , fait des photocopies et le tour est joué ! wink

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Jour 1:

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Triangle: au delà de cette limite, plus d'eau disponible jusqu'au bivouac. Losange: col - Kyamri La 5120m.

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Etoile: spot de bivouac. Losange: col- Mandalchen La 5230m. "Maison": tente de "camping tax".

Je me réveille le lendemain matin à 6h … sous un ciel gris et une pluie fine. Décidément, la météo est vraiment surprenante hmm . Mais bon, je ne vais pas me plaindre puisque cette pluie c'est surtout la catastrophe pour les agriculteurs du coin. En effet, on arrive à l'époque des moissons et c'est vraiment la pire météo possible pour leurs récoltes de blé.  Petit déjeuner rapide fait de "Chai" et de pain perdu. Je commence à marcher à 7h30. Au départ, je ne suis pas très sûr de la direction. Je marche un peu au jugé. Pourtant j'ai passé pas mal de temps sur G**gle Earth à visualiser le parcours mais, sur le terrain, ça a l'air très différent. Je suis donc un peu la route, arrive vers un grand bâtiment blanc qui doit être le gîte officiel du patelin et ensuite je commence à tracer hors sentier vers ce qui semble être une première vallée assez plate. J’aperçois le fameux pont sur ma droite mais la rivière est tellement basse que ce n'est pas la peine de faire le détour pour la traverser. Je continue ensuite sur une piste plus ou moins marquée mais toujours évident à retrouver. Ce n'est pas très pentu. Ça avance assez vite. On peut bivouaquer un peu partout jusqu'à ce qui est décrit, par Pierre Martin, comme une « bosse morainique  ». Après, il n'y a plus d'eau. La pente se fait un peu plus raide mais ce n'est pas trop dur. Le premier col (le Kyamri La à 5120m) est même plus facile que ce à quoi je m'attendais. Je pense que la première rando ainsi que la nuit passée à Rumtse m'ont permis de m'acclimater un peu mieux. Après ce premier col, un petit sentier en balcon qui continue à monter encore un peu avant une descente plutôt rapide et c'est fini pour aujourd'hui. Premier jour : 6h15 de marche, +1000m D+ et 24km. Je me sens un peu fatigué mais le coin pour poser le bivouac est super beau (et super paumé).  big_smile

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Montée vers le Mandalchen La.

Jour 2:

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Etoile: spot de bivouac. Losange: col- Mandalchen La 5230m. "Maison": tente de "camping tax".

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Losange: col - Shingbuk La 5290m.

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Triangle: puit des népalais. "Maison": camp officiel. Etoile: spot de bivouac.

Cette première nuit à près de 5000m d'altitude se passe plutôt bien. Je ne dors pas d'une traite mais je me sens assez reposé au lendemain matin. Aujourd'hui deux cols au programme. Et même s'il y aura beaucoup moins de dénivelé qu'hier, le fait de marcher tout le temps au dessus de 5000 m va se faire sentir.

D'abord le Mandalchen La à 5230m que j'attaque tout de suite après avoir rangé mes affaires. C'est juste 250m de dénivelé mais j'ai l'impression que ça en fait quatre fois plus ! wink Puis un sentier en balcon assez long pour descendre dans un grand alpage (celui de Tisaling à 5050m) absolument vide … mise à part une petite tente. Intrigué (et encore un peu naïf), je vais y jeter un coup d’œil et y trouve un pauvre bougre, bien marqué par la solitude, qui attend patiemment le randonneur de passage pour … le taxer de 150 Rps ! yikes Et oui, il m'explique que le coin « super paumé » où j'ai dormi hier soir était sous sa responsabilité et, comme le prouve ce joli carnet de reçus qu'il tient en main, je lui dois une modeste contribution pour y avoir posé mon bivouac. Du coup on discute un peu, il m'offre le Chai et je repars plus léger de 80 Rps et aussi un peu moins « curieux et naïf» en ce qui concerne les "petites tentes perdues dans les alpages". lol

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Début de la looongue descente.

Ensuite j'attaque le Shingbuk La. Pour trouver le départ du sentier, j'y vais un peu au feeling. Ensuite, celui-ci décrit une grande boucle par la gauche avant d'arriver à un col qui, comme beaucoup de cols au Ladakh, est large et plat. Avec, évidemment, toujours les mêmes drapeaux de prières et crânes d'animaux pour marquer le spot. S'en suit une loooongue descente en suivant le vallon. Pas beaucoup d'eau dans le coin. En prendre là ou on en trouve car les petites résurgences ont tendance à disparaître rapidement.

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La danse des Yacks.

J'y vois mes premiers "Kiangs". Ces ânes sauvages, immobiles, vous observent avec une patience infinie. Il y a aussi de gros Yacks qui « dansent » avec beaucoup de grâce. On arrive finalement à un point de vue sur (ce qui reste du) le lac Tso Kar, posé dans une immense plaine aride. Arrivé dans cette plaine, on tourne à droite et on se retrouve avec une dernière montée « surprise » bien raide dans un paysage très désertique avant de finalement descendre en direction du lac. On traverse une route goudronnée sur laquelle passent d'énormes convois de camions militaires. C'est fou le nombre de bases militaires qu'il y a au Ladakh roll . Il y a aussi quelques tentes en lambeaux de pauvres népalais chargés de construire des « choses » dans le coin. On aperçoit au loin un camp « officiel » complètement vide, quelques tentes-restaurants et puis on longe des barbelés sur un bon kilomètre avant d'arriver à ce fameux camp.

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La patience infinie des Kiangs

Et la, c'est la catastrophe. Le seule source d'eau est archi sale mad . Il y a des détritus partout et les chevaux se sont bien lâchés aussi. Du coup on se demande comment on va faire pour avoir de l'eau potable (ou même filtrable). Et là on se souvient que lorsqu'on a croisé les pauvres népalais, ils avaient une sorte de pompe à eau à coté de leur tente. Du coup, on pose le bivouac, on prend sa gourde et on refait plus de 1km de l'autre sens pour aller chercher de l'eau « qui n'est pas marron ». Tout ça occupe le temps. Pour ce qui est du lac, il a simplement disparu. Plus aucune trace. Juste un peu d'air qui ondule à l'horizon. Il paraît qu'on le verra beaucoup mieux demain. Espérons que c'est vrai.

Entre 15h et 16h, j'ai droit à un bel orage de grêle avec les températures qui chutes brusquement. Beaucoup de vent en soirée. Je vais faire un tour dans la tente restaurant pour me réchauffer un peu et passer le temps. J'y trouvent quelques jeunes Ladakhis qui regardent des clips sur leurs smartphones...

Pas mal de pluie pendant la nuit.

Bilan de cette deuxième journée: +500m -900m 20km.

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Nuages noirs le soir au bivouac

Jour 3:

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Triangle: puit des népalais. "Maison": camp officiel. Etoile: spot de bivouac.

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Rouge: zone désertique.

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Rouge: zone désertique.

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Losange: col sans nom 4930m .

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"Maison": camp nomade de Rajun Karu. Etoile: spot de bivouac.

Réveil le lendemain sous un ciel bouché. Départ vers 7h pour aller voir ce fameux lac tso Kar de plus près. Je suis une piste sur un terrain plat. Aucune circulation. J'avance à un bon rythme. Je vois apparaître petit à petit un lac magnifique qui reflète parfaitement les montagnes environnantes. Même s'il reste quelques nuages dans le ciel, le paysage est vraiment impressionnant. Un cavalier galope tranquillement sur la rive avec un cheval et un poney a ces cotés.

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Puis j’entends au loin un bruit de moteur. C'est un camion qui vient de la même direction que moi. Arrivé à mon niveau, alors que je suis en pleine contemplation de la croûte de sel qui se trouve sur la rive du lac, un type descend et ce dirige vers moi en courant. Je sens déjà la mauvaise nouvelle : c'est l'un des mecs qui tenait la "tente restaurant" dans laquelle je suis allé faire un tour hier soir. Il arrive à moi, essoufflé et … me réclame 150 Rps pour mon bivouac de la nuit dernière roll . Il a un très joli carnet de reçus à la main. Un fois de plus, je négocie le coup et lui lâche le minimum possible. Surtout qu'au niveau propreté, le spot de bivouac était vraiment loin de faire l'affaire. Mais j'avoue que son affolement me fait un peu pitié. J'imagine sa tête quand il a du se lever ce matin et voir que j'étais déjà parti. lol

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Rive du lac Tso Kar

Je continue sur la rive du lac et m'arrête de temps a autre pour profiter de panorama extraordinaire et prendre quelques photos. Un jeune garçon passe à coté de moi, dirigeant un troupeau de chevaux vers sa maison.

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Rive du lac Tso Kar

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Croûte de sel sur la rive du lac Tso Kar

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Ensuite je quitte le lac pour tracer tout droit à travers ce qui ressemble fort à un désert. Trois heures de marche sur une vague piste qui disparaît de temps à autre. Le paysage est tellement immense que rien ne semble jamais changer. J'ai beau mettre un pied devant l'autre avec la régularité d'un métronome, quand je lève la tête j'ai l'impression que mon objectif est exactement à la même distance qu'il y a une demi-heure. Et tout autour de moi reste également à la même distance. Heureusement que j'ai fait le plein d'eau hier soir.  Je croise au bout d'un moment ce qui ressemble à une sorte de base militaire abandonnée, entourée de barbelés. Je continue à marcher hors sentier avec juste un objectif en point de mire.

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Le désert où on n'avance pas.

Arrivé au village de Nuruchang, j'y trouve quelques maisons vides, un énorme troupeau de yacks et une rivière avec de l'eau un peu grise. Je fais ma pause de midi à l'ombre d'un mur de Manis. Je re-attaque par un petit col qui ne demande que 250m d’ascension mais dont la pente est tellement lente et progressive que j'ai l'impression que je mets des heures à l'atteindre. Après une petite descente, je trouve une rivière dont je vais remonter le cours. Sur les rives il y des superbes emplacements de bivouac mais il est encore trop tôt pour m'arrêter. Je continue donc jusqu'au grand camp de nomades  de Rajun Karu ou l'ambiance est moins … paisible hmm . Beaucoup de monde et les nomades sont venus avec beaucoup d'affaires. En y regardant de plus près je me rends compte qu'au lieu de faire une transhumance « traditionnelle » avec des animaux de bat, ils ont trouvé un moyen d'amener des camions. Du coup, ils ne sont pas vraiment en mode « léger » : bouteilles de gaz, grosses tentes, beaucoup d'affaires qui traînent un peu partout… Et ils ne prennent pas forcement grand soin de ne pas trop polluer le coin : pas mal de sandales en plastique cassées au bord de la rivière. Je pose ma tente un peu à l'écart, pas trop loin de la rivière. Rivière dans laquelle ils font allègrement leur lessive. Et j'ai tout de même droit, le soir, à un magnifique défilé « haute couture » puisque des centaines de chèvres « Pashmina » traversent mon petit coin de bivouac pour aller vers les campements des nomades. smile

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Rajun Karu, à l'écart des nomades

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Jour 4:

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"Maison": camp nomade de Rajun Karu. Etoile: spot de bivouac.

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Losange:col - Kyamuyuri La - 5430m

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Losange:col - Kostse La - 5380m. Etoile: spot de bivouac.

Nuit très agitée. Est-ce la proximité de la rivière avec toute l'humidité que ça génère ? Est-ce l'altitude ? Est-ce l'odeur entêtante de crottes de chèvres sur lesquelles j'avais posé le bivouac ? Bref, pas très en forme le lendemain matin. Je vais tout de même faire un tour chez les nomades qui ont l'air d'être plus accueillants qu'hier soir. Un gamin veut absolument garder mes bâtons. Une petite fille s’intéresse plus à mon filtre. Je les observe un peu en train de ressembler les chèvres pour les traire. Et puis, évidemment, je me fais aborder par une femme qui vient me réclamer des sous pour la nuit dernière. Je lui lâche quelques roupies contre quelques verres de Chai chaud et un ou deux pains fraîchement cuits. tongue

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J'attaque ensuite le premier col de la journée, le Kyamuyuri La à 5430 m. Je me fais dépasser par un petit groupe de trois cavaliers et j'observe dans la montée les bergers emmener les troupeaux de chèvres paître sur les pâturages d'altitude. Tout le coin a l'air d'être particulièrement « tondu » en raison de la forte présence des nomades.

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Ensuite descente dans la superbe vallée de Gyamsharma ... où il n'y a absolument personne. A part un seul Kiang debout, au milieu de nulle part, toute cette étendue est parfaitement déserte. Il y règne un calme et une sérénité absolus. Une fois de plus le paysage est à couper le souffle (et pas seulement à cause de l'altitude wink ). La rivière qui coule en son milieu est magnifique avec de superbes spots de bivouac partout. Il y a juste quelques chevaux qui broutent dans ce coin paumé. On a l'impression que tout cela existe en dehors du temps. J'hésite à poser le bivouac mais je sais qu'il est vraiment trop tôt pour cela.

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J'attaque donc le deuxième col de la journée, le Kostse La (à 5380 m). Et, comme décrit par Pierre Martin, il est vraiment casse-pattes. Pendant que je peine à grimper j'observe un troupeau de yacks menés par un ou deux bergers, venir paître dans cette vallée enchantée. Je me rends compte que c'est précisément l'absence d'accès par camion qui fait que cette vallée est aussi paisible. Surtout comparé aux environs immédiats de Rajun Karu ou les nomades sont venus s'entasser en masse.

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De l'autre coté de ce col, je retrouve un petit torrent et pose mon bivouac un peu en hauteur. Il n'y a personne dans les environs. Même s'il est un peu tôt, il n'y pas beaucoup de soleil dans le ciel mais plutôt la présence de nuages un peu menaçants. Comme je ne suis pas très un forme aujourd'hui, cette petite journée me convient plutôt bien...

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Jour 5:

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Losange:col- Kostse La - 5380m. Etoile: spot de bivouac.

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Losange:col - Yalung Nyau La - 5440m.

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Rouge: mini désert.

Nuit tranquille. Attente du soleil (qui ne vient pas) pour ranger l'abri. Départ à 7h15. Je dois traverser une rivière assez large dès le matin. Je n'ai pas envie de trop me prendre la tête pour trouver un passage à gué. J'y vais donc directement en me mouillant les pieds. Une fois de l'autre coté, je me rends compte qu'il ne faut pas suivre les traces de sentier vers l'amont mais plutôt faire un grand tour par l'aval (par la gauche) pour traverser.

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Je m'engage donc dans cette vallée et le chemin monte tout en douceur. On reste quasiment tout le temps en rive droite de la petite rivière. Une grande partie est « bivouac-able ». Vers la fin, alors que les nuages deviennent de plus en plus noirs, on arrive à un défilé rocheux sans que la pente n'augmente de façon sensible. Par contre la grêle se mêle de la partie, ce qui est, encore une fois, une petite surprise en cette saison au Ladakh. On change un parfois de rive mais les traversées sont indiquées de façon assez claire.

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Le col (Yalung Nyau La  5440m) est un peu étrange puisqu'il ne ressemble pas vraiment à un col classique : sur la droite de très beaux sommets enneigés et une pente douce commence à descendre sur la gauche. La descente devient carrément plus pentue jusqu'à atteindre 5050m. Très belle vue sur le grand lac Tso Morori. Ensuite ça devient plus tranquille. On atteint bientôt une grande étendue plane, une sorte de "mini désert" dans lequel on avance pendant près d'une heure et demi. La rivière n'est pas très loin sur la droite mais l'impression d'aridité est tout de même assez forte.

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Un petit défilé rocheux final (rester en rive gauche) et nous voilà déjà dans la « ville ». En fait, c'est plutôt un "village". Et un village assez pauvre. Il y a bien les tentes placées là, en camp, pour les touristes qui viennent en voiture (ou à pied) voir le lac Tso Moriri mais sinon le nombre de commerces est très limité. Et ce qu'on trouve dans les magasins est vraiment pitoyable. Des fruits secs ? Du fromage ? Faut pas rêver. Plutôt des sachets de nouilles chinoises et du coca. Même en plein été, le village à l'air complètement vétuste et déprimant. Alors je n'imagine même pas comment ça doit être d'y vivre en plein hiver...

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Tso Moriri vu d'en haut.

Quelques efforts pour construire un petit hôtel par ici ou retaper une "Guest House" par là mais le cœur n'y pas tout à fait. Je trouve une "Guest House" qui m'a l'air sympathique mais tout ce que le propriétaire a à me proposer est une chambre aveugle avec un bout de tissu au plafond pour masquer les trous dans la toiture. Sur ce bout de tissu, je vois en direct les pattes des souris en train de fêter mon arrivée. En plus il me dit qu'il n'y que la cour pour se laver et … à l'eau froide hmm . Du coup je décide tout de même d'aller dans une autre "Guest House" qui à bien une salle de bain (mais pas encore les tuyaux d'eau qui vont avec) et m'offre un magnifique seau d'eau chaude pour me laver. En plus ma chambre a une superbe vue sur le lac et le dîner / petit déjeuner est inclus dans les 700 Rps. Le luxe ! big_smile

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Tso Moriri vu de la rive

Donc arrivé à Korzok, je me rends compte que pour me ravitailler, ça va être un peu dur hmm . Je pourrais toujours y arriver « à l'arrache » mais ce qui m'inquiète vraiment c'est la suite de la rando. Alors que je descend de ce dernier col , je m’aperçois que la grêle que j'ai eu en altitude est devenue de la neige sur les sommets aux alentours qui sont devenus blancs. Donc le "Parang La" qui est tout de même à 5580m (avec quelques petits passages sur glacier), ça va être costaud à passer tout seul. En plus, je me rends aussi compte qu'il n'y a pas vraiment de groupe dans lequel je pourrais m'incruster pour plus de sécurité. Et, au final, lorsque le groupe de français qui partagent ma "Guest House" me proposent de me ramener sur la route Leh-Manali, tout en faisant un passage par l'autre rive du Tso Kar (rive que je n'ai pas encore vu), je décide de laisser tomber la suite et d'accepter leur offre. L'absence de transports en commun desservant Korzok est un autre facteur important. wink

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Voilà, merci d'avoir pris le temps de lire tout ça (ou de juste regarder les images wink ). Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser sur ce fil de discussion.

w.

Edit: ajout de liens vers les autres CRs et vers la liste le 14/02/17
Edit: ajout de cartes et lien vers la trace GPS du parcours le 16/02/17.
Edit: ajout du lien sur "complément d'infos" le 20/02/17

Autre CR: Ladakh: Patchatang - Tia
Autre CR: Ladakh: Yagang - Chang Sumdo

La liste est ici.
Petit complément d'informations sur le Ladakh: ici.

Dernière modification par wax (20-02-2017 17:45:34)


"Life is known only by those who have found a way to be comfortable with change and the unknown. Given the nature of life there might be no security but only ... adventure"

Hors ligne

#2 13-02-2017 18:11:27

SAKKADOS
Je sors de chez l'coiffeur ...
Lieu : FRANCE
Inscription : 30-12-2014

Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Quel régal pour les yeux ...

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#3 13-02-2017 18:52:15

eraz
multimedia
Lieu : Sancy
Inscription : 26-08-2007

Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Kikoo wax wink

Rhaaaah... j'ai besoin de vacances...

Merci pour le superbe retour (j’attends la suite avec impatience).

eraz

Hors ligne

#4 13-02-2017 19:54:58

wax
Membre
Inscription : 29-08-2006
Site Web

Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Merci pour vos remarques. Je me suis permis de modifier le message initial pour y mettre tout le CR.
Je répondrai à vos questions éventuelles dans des messages séparés. wink

w.


"Life is known only by those who have found a way to be comfortable with change and the unknown. Given the nature of life there might be no security but only ... adventure"

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#5 14-02-2017 09:05:51

CLeC
Membre
Lieu : IdF
Inscription : 06-11-2011
Site Web

Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Bonjour,

Retour sympa et belles photos, merci !


4981875N - 0698785E - 1761m

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#6 28-02-2017 22:25:42

Myrtille88
Membre
Lieu : Provence
Inscription : 30-09-2009

Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Hello  smile une 2ème rando chouette!

Je craque vraiment pour tes photos Wax
quelle finesse, d'accord la nature est exceptionnelle mais quand même tu nous offre des cadrages superbes
j'aime bien celle de la "longue descente"

Franchement étonnant ces octrois au milieu de nulle part, à la fois c'est touchant mais en dit long aussi sur les conditions d'existence
on a d'ailleurs du mal à imaginer "les nomades en masse" dont tu parles
c'est volontairement que tu n'as pas fait de photos?

Quelques questions sur ta liste:
Petzl e-lite: ok pour lire et monter l'abri la nuit?
Cosy à 5g: qu'est-ce?
Sawyer mini: pour ma part j'ai essayé et le trouve inopérant je préfère la taille au dessus

Vais de ce pas sur l'autre fil tongue

Myrtille

Hors ligne

#7 28-02-2017 22:35:26

wax
Membre
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Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Salut Myrtille !

Merci pour ces compliments smile . Je n'ai pas de photo du camp de nomades mais ils étaient au moins une douzaine de familles installées là. Donc ça fait aussi une douzaine de troupeaux. D'où la "tonte" intégrale des pâturages du coin.
Petzl e-lite: je ne marche jamais de nuit. Si j'ai un besoin impérieux de lumière plus forte je peux toujours utiliser mon téléphone de façon brève.
Cosy à 5g: c'est un petit truc que j'ai bricolé à partir d'un reflo pour pare brise de voiture. Deux bouts de scotch et c'est vite fait. En plus c'est souple donc ça se range facilement.  wink
Tu n'es pas la seule à être passée au modèle supérieure de la Sawyer. J'ai lu un retour similaire d'un gars qui à fait le CDT. J'y passerai peut-être un jour.

Bonne lecture ! wink

w.

Dernière modification par wax (28-02-2017 22:37:28)


"Life is known only by those who have found a way to be comfortable with change and the unknown. Given the nature of life there might be no security but only ... adventure"

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#8 03-03-2017 17:48:26

Myrtille88
Membre
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Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Normal pour les compliments, les photos sont très belles wink

merci pour tes réponses sur le matériel smile

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#9 04-03-2017 17:30:05

DOM42
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Lieu : Saint-Victor-sur-Loire
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Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

On en prend vraiment plein les yeux  cool  cool

Merci encore un fois pour ce retour

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#10 04-03-2017 19:22:00

wax
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Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

smile  !

w.


"Life is known only by those who have found a way to be comfortable with change and the unknown. Given the nature of life there might be no security but only ... adventure"

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#11 06-12-2017 12:57:37

marcassin
Invité

Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Bonjour
Nous pensons faire le treck Rumtse à Tso Moriri à pied , nous avons une tente, mais comment se ravitaille t'on sur ce parcours? est on obliger de prendre toutes la nourriture?
Avez vous la trace gps d'autres parcours dans la région?
Nous allons faire Lamayuru à Hemis avant (11j) mais on aimerai faire une 2eme balade.
Merci d'avance.

Dernière modification par marcassin (06-12-2017 13:43:55)

#12 06-12-2017 13:14:44

XavN
PRO
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Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Superbe, merci pour ce récit ! (la photo du cavalier au bord du lac est particulièrement belle !)

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#13 06-12-2017 14:15:22

laxmimittal
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Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

ces paysages sont sublimes ; un grand merci pour ton récit.

j'adore ton approche "pragmatique" du "péage" à chaque bivouac (OK, mais pas autant et contre un thé smile ), tout à fait dans l'esprit des populations tibéto-birmanes qui peuplent ces contrées.

L.

Dernière modification par laxmimittal (06-12-2017 14:18:16)


La touche Majuscule de mon ordinateur fonctionne mal.

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#14 06-12-2017 15:42:56

wax
Membre
Inscription : 29-08-2006
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Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

marcassin a écrit :

Bonjour
Nous pensons faire le treck Rumtse à Tso Moriri à pied , nous avons une tente, mais comment se ravitaille t'on sur ce parcours? est on obliger de prendre toutes la nourriture?
Avez vous la trace gps d'autres parcours dans la région?
Nous allons faire Lamayuru à Hemis avant (11j) mais on aimerai faire une 2eme balade.
Merci d'avance.

Salut !

Il me semble qu'il n'y a pas de ravitaillement "évident" sur ce parcours. Vous pourriez acheter des trucs au café sur la rive du Tso Kar et peut-etre du pain aux nomades mais c'est à peu près tout.

Je n'ai pas d'autre trace GPS de rando au Ladakh.

Bonnes randos. wink

w.

PS: merci à XavN et laxmimittal. smile

Dernière modification par wax (06-12-2017 15:44:13)


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#15 07-12-2017 08:42:34

marcassin
Invité

Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

Ok, merci.

#16 05-04-2018 20:56:18

Bilbox
Membre
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Re : [Récit + liste] Ladakh: Rumtse - Korzok

wax a écrit :

Donc arrivé à Korzok, je me rends compte que pour me ravitailler, ça va être un peu dur hmm . Je pourrais toujours y arriver « à l'arrache » mais ce qui m'inquiète vraiment c'est la suite de la rando. Alors que je descend de ce dernier col , je m’aperçois que la grêle que j'ai eu en altitude est devenue de la neige sur les sommets aux alentours qui sont devenus blancs. Donc le "Parang La" qui est tout de même à 5580m (avec quelques petits passages sur glacier), ça va être costaud à passer tout seul.

Salut tongue ,

Korzok n'est pas spécialement pauvre pour un village de montagne en Inde du Nord...élevage de Pashmina oblige. Il y a plusieurs hôtels pas mal, tu as du mal tomber, j'en ai trouvé un avec une grande chambre pour 300 roupies (hors saison, et prix annoncé 2000), et des chiottes nickel.

Pour l'itinéraire suivant:
Il faut un permis spécial pour partir de Korzok; le chemin du Parang La, même enneigé est évident, le dernier passage du col (mi-septembre ) ayant nécessité des mini crampons pour ma part (Vargo - Pocket Cleats Titane, 126g pour 70€). Ca me paraît bien de les avoir hors saison... surtout qu'on croise très peu de monde pour vous aider

Pour booster la nourriture (il n'y a que des pâtes pré-cuites), je prends d'avance de l'huile et des masala powder (mélanges épicés tout faits).

Dernière modification par Bilbox (05-04-2018 20:58:23)

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