[Récit + liste] GTA Menton-Modane 12 j Août 2017

Hervé27 · 21-11-2017 00:22:24

J12 - 10 août - Col des Thures - Refuge de l'Orgère / 28 km / 1 547 + / 1 821 - / marche 9h05

Ce matin je remballe trempé car il a plus dans la nuit et il crachine encore lorsque je lève le camp à 7h00. Je découvre cette discrète et très belle Vallée Etroite dont j'ignorais l'existence avant de préparer cette traversée. C'est une anomalie de la rectification de frontière de 1947, puisque c'est une vallée du versant italien qui s'est retrouvée annexée à la France. Le sujet reste sensible et je vais donc éviter de m'attarder dessus ...

La Vallée Etroite en descendant du col des Thures

J'ai beaucoup aimé cet endroit où, c'est sûr, je reviendrai. Tiens, pourquoi pas pour aller dormir dans la chapelle du Mont Thabor ?

Je suis en une heure de descente aux Granges et au refuge, mais ce n'est pas cette fois que je m'y arrêterai. Le temps est couvert mais il ne pleut plus, canicule et sécheresse sont bien loins derrière moi et les conditions de cette traversée évoluent peu à peu vers le froid et l'humide. De ce côté je suis raisonnablement content de mon équipement : j'ai réussi à préserver au sec ce qui devait l'être, et à supporter l'humidité de ce qui ne l'a pas été. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Granges de la Vallée Etroite, en en repartant

La remontée de la vallée vers le Col de la Vallée Etroite est facile et très belle. Je rattrape et je double tous les groupes de randonneurs que je vois devant moi, et pourtant je n'ai pas l'impression de bourriner. Que c'est bon d'être léger (je dois être à -5kg par rapport au départ de Menton ...) !

La longue et belle approche du Col de la Vallée Etroite

Avant le Col c'est tout le troupeau de vaches qui remonte par le sentier, et il faut faire attention car elles sont avec leurs veaux. Ce n'est pas le moment de vouloir les effrayer pour dégager le passage, elles pourraient avoir une réaction maternelle de défense de leur petit. Il faut donc patienter jusqu'à ce que le plus jeune et le plus fatigué des veaux achève son ascension pour pouvoir passer à mon tour.

Les vaches gardent le col

Dans la dernière montée je croise un VTTiste venu de Valfréjus jeter un oeil sur ce versant.

Arrivé au Col, j'entre en Savoie (mon 4ème département) et dans la brume glacée. Buff en cagoule, gants aux mains et toujours veste de pluie (elle ne m'a pas quitté depuis ce matin), j'entreprends l'interminable descente vers Modane (1 374 m ...) avec une visibilité de 10 m. Mon VTTiste repasse dans l'autre sens et tout à le saluer j'oublie de lire le panneau et ne fais pas attention au chemin que je prends : j'étais parti pour monter au Thabor ! Heureusement le doute m'a saisi après seulement 100 m.

Je ne verrai absolument rien du massif ni de la Vanoise en face. Je croise des randonneurs montants qui me disent que le brouillard était déjà avec eux au départ de Modane. Je leur mets du baume au coeur en leur disant que même si le temps n'est pas très beau après le Col, au moins ce n'est pas du brouillard et on peut profiter du paysage. Pour une fois je suis content que le GR suive une piste 4x4 , car la brume est trop épaisse pour identifier les marques à plus de quelques mètres, et beaucoup de sentiers aux destinations différentes s'entrecroisent par ici ...

Je sortirai de la brume à peine au-dessus de Valfréjus.

C'est ici que je dois vous entretenir d'un sujet que j'avais occulté depuis le début du récit, celui du smartphone et du réseau. Le mode de contact principal avec les miens sur cette traversée a été le SMS, économe en batterie et plus respectueux de ma solitude imposée. La couverture réseau a été par endroit totalement absente durant plusieurs jours, et je ne pouvais m'empêcher de me mettre à la place de ma famille, à qui revenait de déterminer si l'absence de nouvelles était due à l'absence de réseau ou à autre chose ... Il fallait donc trouver un juste équilibre dans les échanges : ne pas trop en envoyer pour ne pas créer d'inquiétudes dans les zones non couvertes, ni trop peu également.

J'avais laissé la version excel de mon topo à la responsabilité d'une de mes filles, et le jeu était de lui envoyer mon horaire et temps à chacun des points de passage pré-déterminés, et ma fille reportait ces données dans mon fichier (ce qui m'a permis ces jours-ci de reconstituer mon récit avec une certaine précision).

Tout cela pour dire que, lorsque je reçut un SMS de mon épouse me demandant quand elle pouvait m'appeler, un pincement me saisit pour me dire que quelque chose n'allait pas. Je l'appelais aussitôt et c'est là qu'elle m'apprit que sa maman avait fait un malaise cardiaque et était à l'hôpital : rien de très grave apparemment, mais elle restait en observation. En pleine descente vers Modane mon premier réflexe fut de vouloir attraper le premier train pour rentrer, mais mon épouse sut me convaincre que ce n'était pas à ce point là et que je pouvais / devais continuer mon périple en attendant qu'on en sache plus ...

C'est donc avec des pensées brouillées que je traversais Valfréjus, en manquant ce faisant la variante forestière du GR5 que je voulais prendre. Je me retrouve donc à alterner la route de la station avec des morceaux de sentiers (en fait le chemin de croix menant au sanctuaire de ND du Charmeix), tout cela pour rejoindre la triste et grise ville de Modane sous un temps toujours couvert. La Vanoise en face est toujours invisible dans les nuages.

Après la brume et les mauvaises nouvelles, Notre-Dame du Charmeix, à flanc de ravin

Cadre enchanteur de l'arrivée à Modane

Les nouvelles de la maison sont inchangées. On m'enjoint de continuer mon périple, sachant que si je me lance dans la Vanoise je quitte le réseau et tous moyens de transport pour 3 jours. Je décide donc de dormir au refuge de l'Orgère où, fait exceptionnel, je prends la peine de réserver. Pas question d'arriver dans le froid et la brume pour m'y casser le nez ...

La montée depuis Modane se fait par un sentier muletier plutôt raide sur 850 m de dénivelé. Sachant que je quitte Modane à 15h00, je suis démoralisé par le panneau qui indique le refuge de l'Orgère à 3h30 ... Encore une longue journée, et les infos précédentes ont un peu "cassé" l'envie. Finalement je trouverai la gnaque pour monter d'une seule traite en 1h50, et c'est avec délectation qu'à l'arrivée je découvrirai le panneau donnant Modane en 2h10 à la descente.

Le refuge est dans la brume et il pleut. J'y prends place et étale ma tente dans la grande chambre (où nous ne sommes que deux) pour la faire sécher, en essayant de ne pas empiéter sur l'espace de mon colocataire.

Au dîner nous parlons beaucoup de la météo qui est mauvaise, la gardienne nous annonçant la neige pour demain. Avec elle et ses conseils qui me semblent avisés, nous faisons le point sur nos destinations respectives et, tenant compte que le gros du mauvais temps est annoncé en fin de matinée, je m'associe à un couple pour décoller au lever du jour et passer ensemble le Col de Chavière, et laisser passer le mauvais temps au refuge de Péclet-Polset (3h30 de marche d'après mon topo).

C'est alors que, malgré le très mauvais réseau au refuge (il faut se réfugier dans un coin du refuge d'hiver, contre la fenêtre, pour capter une ou deux barres ...), je parviens à joindre mon épouse : les nouvelles ne sont pas bonnes, il faut opérer (triple pontage) et à cet âge les risques sont importants .

Ma traversée est finie, je rentre demain.

Epilogue :

Avant toute chose, tout s'est bien passé pour belle-maman qui s'est remise aussi bien qu'il est possible de cette lourde opération. Et en plus, elle suit scrupuleusement les indications qui lui prescrivent 1/2 h de marche (au moins) tous les jours .

Pour ma part, si ma traversée n'avait pas été interrompue, j'aurai eu à traverser la Vanoise dans de très mauvaises conditions. En quittant Modane en bus en début d'après-midi le lendemain, j'ai pu voir le plafond nuageux se relever et que la neige avait tenu au sol à la limite de végétation, soit ~2 000 m. Quelles conditions aurais-je dû affronter à Chavière, 800 m plus haut ?

Depuis le bus et le fond de la Maurienne, en route pour la maison : la neige tient à 2 000 m

Même si ce n'était que 12 jours de marche au lieu des (peut-être) 21 que j'aurai pu faire, le bilan que j'en retire est très positif : j'ai pu le faire alors qu'au départ c'était un pari sur moi-même. Malgré toute la préparation, cela restait un saut dans l'inconnu. Les difficultés (relatives) n'ont pas entamé ma motivation, le plaisir est toujours resté plus fort que les douleurs. J'ai quelques bobos que je ressens encore 3 mois plus tard, mais qui se résorbent lentement et que je saurais mieux gérer la prochaine fois (genou, orteil ...)

J'ai décranté de 4 kg supplémentaires (5.5 kg le jour du retour, mais je me suis autorisé à un peu rattraper) et plus motivé que jamais pour profiter de ce poids en moins à trimballer dans mes marches futures.

Pour ne pas perdre le rythme, je suis reparti 2 fois depuis cet été : 1 coup 3 jours dans le Haut-Jura (un circuit Chapelle des Bois - Les Alliés - Source de la Loue), et une autre fois 2 j sur le GR2 en vallée de Seine.

Je travaille à gratter des grammes partout où je le peux : en supprimant les 2 pochettes de ceinture et les attaches latérales que je n'ai pas ou si peu utilisé, j'ai par exemple réduit de 90 g le poids de mon sac à dos. Si je remplace mon poncho (qui ne me sert que de tapis de sol) par une bâche polycree, je gagne 200 g supplémentaire. Je devrai également gagner ~300g si je remplace mon réchaud gaz par une solution alcool etc.

J'ai donc déjà projeté que mon futur sac sec sera à ~5.5 kg (contre 6.4 cet été), et sans doute moins de consommables alimentaires pour ce type de traversée. Entre le sac, le consommable, le vestiaire et la graisse corporelle perdue, je démarrerai ma prochaine traversée à ~7 kg de moins qu'à Menton le 28 juillet.

Ouimézou me direz-vous ? Je suis tenté d'ouvrir un post sur le sujet, de la préparation à la réalisation et au récit. Laissez-moi y réfléchir et à bientôt sur ce forum !

Dernière modification par Hervé27 (24-11-2017 17:11:46)

phoenix_hikes · 21-11-2017 18:22:20

Il y a effectivement des choses bien plus importantes que le plaisir égoïste qui émane de la marche. Dommage que tu n'aies pas pu terminer ton plan initial, mais ce léger goût d'inachevé te motivera probablement à repartir ;-)

Si tu commences à gratter des grammes ici et là, tu vas finir XUL dans quelques années !

C'est également dommage que tu n'aies pas vu plus de MULs sur le chemin. Personnellement j'ai appris énormément en regardant et discutant avec des MULs directement sur le terrain. En voyant comment ils géraient telle ou telle situation.

Et merci pour le récit, je n'ose même pas imaginer le nombre d'heures que cela t'as demandé.

Hervé27 · 28-11-2017 22:53:52

Pour ceux que cela intéresse, je joins mes temps de passage au long du topo que je m'étais préparé. Les temps de pause et les arrêts papotes un peu significatifs sont systématiquement déduits.

Je m'étais calculé des temps de passage théoriques selon la formule :

Temps = km/VPlat + 1/2 (D+/VDplus + D-/VDmoins)

Je reconstitue à peu près bien mes temps réels avec :

VPlat (Vitesse sur le plat) : 4.6 km/h, sans doute peu de variation entre début et fin
VDplus (Vitesse en dénivelé+) : 400 m/h en moyenne, et une belle progression de 300 m/h au début vers 500 m/h vers la fin
VDmoins (Vitesse en dénivelé -) : 600 m/h en moyenne, en réalité très fluctuants selon qualité du chemin et douleur du genou

Total : 326 km
D+ : 21 695 m
D- : 19 872 m (fin au Refuge de l'Orgère, je n'ai pas comptabilisé la redescente ...)
Temps : 114 h 20 mn de marche
Journée moyenne : 9h25 de marche / 1 808 m D+

12 jours de marche + 2 journées "zéro"
7 nuits sous tente
4 nuits en refuge
1 nuit en hôtel
2 nuits à la maison

Bon, j'ai fait tout ça pour me calibrer et retrouver des repères. Cela me permet maintenant de me projeter sur d'autres circuits (Pyrénées en ligne de mire à cette heure) avec quelques bases pour estimer le temps de marche total et donc le nombre de jours selon l'intensité que je voudrais y mettre ... J'ai bien l'intention d'oublier tous ces calculs rébarbatifs une fois de retour sur les chemins.

kodiak · 29-11-2017 15:09:38

Intéressante ta formule de calcul du temps de marche estimé.

Pala2 · 29-11-2017 16:18:54

Standard disclaimer: Ce message est inutile pour toute personne ne cherchant pas à appliquer une formule pour trouver des temps de parcours en fonction de la distance à plat et des dénivelés. Je décline toute responsabilité de cas de maux de têtes ou relecture intempestive de phrase mal expliquée.

Moi, le facteur 1/2 me fait un peu tiquer.
J'ai l'impression que c'est une solution simple à un problème compliqué, et comme dirait l'autre:

H. L. Mencken a écrit :

Il existe pour chaque problème complexe une solution simple, directe et fausse.

À première vue, les 3 vitesses sont estimées indépendamment les unes des autres (Me trompé-je?). Pourtant quand tu montes à 400m/h, du parcours aussi de la distance à l'horizontale. En faisant juste la somme des 3 temps:

Temps = km/VPlat + D+/VDplus + D-/VDmoins

On a donc un double comptage de la distance parcourue dans les dénivelés, qu'ils soient positifs ou négatifs.
Le temps additionnel dû aux dénivelés est donc en pratique moindre que D/VD. Vu que ta formule te donne des résultats proches de la réalité observée, c'est que le ration entre les deux doit être d'environ 1/2, mais là aussi c'est une estimation. Je soupçonne que non seulement les 3 vitesses vont varier d'une personne à l'autre, mais également la valeur de ce ratio.

Donc soit il faut réussir à l'estimer également, mais c'est difficile puisqu'il n'est pas lié à une grandeur physique simple à isoler.

L'autre approche serait d'estimer les temps de parcours additionnels par mètre de dénivelé.

En reprenant tes estimations, on a
VPlat= 4.6 km/h
TaDplus= 1/(2*VDplus)= 1h/800m = 7.5min/100m
TaDmois= 1/(2*VDmoins)= 1h/1200m = 5min/100m

Temps = km/VPlat + D+*TaDplus + D-*TaDmoins

Pas de différence pour Hervé donc, le résultat du calcul reste le même. Par contre pour transposer à quelqu'un d'autre, on évite peut-être une erreur. À moins que je ne me trompe et que ce fameux ratio de 1/2 soit grosso modo le même pour tout le monde, et que j'aie fait tout ça pour rien, ce qui est tout aussi possible que le contraire.

Hervé27 · 29-11-2017 17:03:14

"Le pifomètre est l'instrument de mesure le plus universel qui soit. La preuve ? On peut tout mesurer avec un pifomètre, et qui plus est, au degré de précision requis"

Mon approche est empirique : je marche d'abord, je vois quelles valeurs il en ressort et ça me permet d'estimer comment je vais m'en sortir pour la suite.

De toute façon il y a tellement d'autres facteurs : état de forme, déclivité, qualité du chemin, âge du capitaine (important, ça, l'âge du capitaine ...), distractions contemplatives de tous ordres (marmottes, chamois, petites fleurs et randonneuses * ) etc. que tout espoir de calcul de la contribution exacte de chaque vitesse sur un tronçon donné est illusoire.

Il se trouve qu'avec cette formule (dont l'objet est effectivement de moyenner arbitrairement l'impact de la distance et du dénivelé) j'ai pu me calibrer d'abord, puis mesurer ma performance avec une précision suffisante pour mon besoin.

Si ça me suffit, je n'irai pas chercher plus loin.

* si vous êtes randonneuse, remplacer par randonneur (**)
(**) enfin, chacun fait comme il veut

Opitux · 29-11-2017 17:38:52

Pala2 a écrit :

Je soupçonne que non seulement les 3 vitesses vont varier d'une personne à l'autre, mais également la valeur de ce ratio.

Pas besoin de soupçonner. La pratique au camp de base a validé cette hypothèse

Pala2 a écrit :

En reprenant tes estimations, on a
VPlat= 4.6 km/h
TaDplus= 1/(2*VDplus)= 1h/800m = 7.5min/100m
TaDmois= 1/(2*VDmoins)= 1h/1200m = 5min/100m
Temps = km/VPlat + D+*TaDplus + D-*TaDmoins

Non mais, non mais !!
On ne m'a jamais dit que je devrais faire des math en arrivant sur RL ??

Pala2 · 29-11-2017 17:46:25

Moi je me suis amusé, et comme j'avais l'air concentré, personne n'est venu m'embêter au bureau pendant que je réfléchissais à ça

Hervé27 · 29-11-2017 17:53:22

Opitux a écrit :

Non mais, non mais !!
On ne m'a jamais dit que je devrais faire des math en arrivant sur RL ??

Tous ces sacs désormais alourdis par l'aspirine ... Mon Dieu, mon Dieu, aurais-je fait de l'anti-MUL ?

Oeuf · 29-11-2017 17:55:37

Pala2 a écrit :

Moi je me suis amusé, et comme j'avais l'air concentré, personne n'est venu m'embêter au bureau pendant que je réfléchissais à ça

Opitux · 29-11-2017 18:39:50

Pala2 a écrit :

Moi je me suis amusé, et comme j'avais l'air concentré, personne n'est venu m'embêter au bureau pendant que je réfléchissais à ça

Faudrait que je fasse un thème incognito comme chez nextinpact

Diana-light · 12-06-2018 09:50:50

Merci d'avoir partagé ce super récit!

Dans ce parcours, si on n'aime pas les villages, il y a-t-il moyen de les éviter?

Ton alimentation est très riche en sucre. Les fruits secs, la semoule, les barres de céréales. On parle souvent de coup de sucre rapide avant un effort, mais si on mange les calories dont on a besoin pour la journée, cela serait encore nécessaire? Car même si tu as marché bien, ça faisait beaucoup de pics de sucre dans ton sang à être gérés par ton foie. Je pose la question, car j'ai très peur de devenir diabétique et comme tu as pensé à tout, peut être que tu pourras me rassurer. Si ce n'est pas mal que ne manger que du sucre, ça va alléger mon sac et me faire plaisir.

Je pensais prendre plutôt des protéines et graisses. Je me suis dit que le corps en aurait besoin pour me refaire la nuit les parties cassées le jour (muscles...).

Hervé27 · 12-06-2018 11:39:50

Bonjour Diana et merci,

Pour ce qui est des traversées de village il faut des réponses au cas par cas. Les vieux villages des Alpes-Maritimes comme Sospel, St Dalmas-Valdeblore, Rimplas, St Sauveur, Roure, St Etienne, St Dalmas le Selvage ... ont beaucoup de charme et peuvent valoir qu'on les traverse. Ils sont aussi amplement dotés en fontaines et sont de précieuses sources de ravitaillement en eau, sinon en commerces pour certains. Dans les Alpes Maritimes plusieurs ont été l'an dernier équipés de toilettes (et je crois aussi douches) pour les randonneurs, ce qui peut se révéler très appréciable ... Les éviter est possible mais cela revient à tracer un autre itinéraire que le GR5, comme par exemple celui qu'on appelle maintenant la HRA (Haute Randonnée Alpine), qui reste essentiellement en altitude et ne traverse pas les villages.

Il y a des villages que j'ai évité parce que je le pouvais (Larche), tandis que j'ai du en traverser d'autres faute d'alternative évidente (Auron, Brunissard, Valfréjus, Modane ...). Dans ces cas-là ce n'est pas tant le village qui est pénible que le bitume ... De manière générale, plus j'allais vers le Nord et plus je trouvais la montagne aménagée à l'excès, avec des envies d'autre itinéraire. La HRA me tente beaucoup pour une prochaine traversée (2019 ?).

Pour l'alimentation, tu trouveras ci-dessous le tableau nutritionnel que je me suis bâti pour mon menu. Contrairement à ce que tu penses, c'est un menu riche en sucres lents et graisses et plutôt limité en sucres rapides.

Ensemble	Kcal/100g	Lipides	Glucides (hors sucre)	sucre	Protéines	Sel	Poids / j (g)
Fruits secs	560	41,4	28,3	19,9	15,7	0,0	300
Barres énergie	407	13,1	64,3	22,8	7,9	0,4	128
Soupes	288	2,4	48,0	13,8	11,2	11,4	9
Semoule	376	2,0	76,0	-	13,0	0,0	150
Bouillon cube	150	10,0	12,5	7,5	2,5	25,0	3
Huile d'olive	864	96,0	-	-	-	-	25

Total/jour	3 009	168,5	285,7	90,1	77,7	2,2	614
		27,0%	45,8%	14,4%	12,4%	0,4%

Avant d'en dire plus, je tiens à préciser qu'il appartient à chacun de trouver "sa" bonne formule : je ne suis pas nutritionniste et je ne vante pas "ma" méthode, je cherche juste à l'expliquer. Elle est totalement à proscrire pour quelqu'un ayant une pathologie diabétique, mais peut être utile à quelqu'un en surpoids (c'était mon cas) cherchant un nouvel équilibre.

Tout d'abord je ne prends plus de petit déjeuner dans ma vie quotidienne, et pas plus en randonnée. Je laisse ainsi une longue plage de repos à mon organisme et je permet à mon taux d'insuline de rester très bas très longtemps. Cela permet à l'organisme de puiser largement dans les stocks de graisse corporelle pour trouver l'énergie nécessaire à l'effort intense d'une journée de randonnée. En effet, lorsque le taux d'insuline s'élève après un repas, il place l'organisme en mode "stockage" des sucres / graisses et ne permet plus le "dé-stockage".

Si l'on s'alimente en permanence du matin au soir, qui plus est avec beaucoup de sucres "rapides", le taux d'insuline reste élevé, on n'arrive jamais à déstocker ses graisses et la seule ressource est de manger toujours plus de sucre "rapide" pour répondre aux besoins d'énergie. Ce faisant on génère des pics d'insuline de plus en plus élevés ... et alors arrive le risque de diabète car l'organisme s'insensibilise à l'insuline. En lui ménageant des plages de repos, on rétablit la sensibilité de l'organisme à l'insuline : il lui en faut moins pour traiter la même quantité de sucres / graisses, et le taux d'insuline redescend plus vite, permettant des plages plus longues de déstockage des graisses : on peut enfin maigrir (si on en a besoin)...

En restant à jeun le matin je brûle principalement des graisses corporelles (avec l'aide des glucides "lents" de la veille), tandis que l'après-midi je brûle les sucres rapides / graisses ingérées au fur et à mesure de mon grignotage. Le soir je refais le plein en glucides "lents" (semoule complète) en prévision de l'effort du lendemain matin, et ainsi de suite.

Le bilan calorique reste déficitaire : avec le métabolisme (~2 000 kCal / jour) + l'effort (400 à 600 kCal / heure de marche) je brûle ~6 000 kCal par jour pour un menu de 3 000 kCal. Cela veut dire maigrir de 1 kg de graisse corporelle tous les 3 jours, soit 10 kg en 1 mois, ce que je n'ose pas envisager. Il faut donc compléter aussi souvent que possible en s'arrêtant dîner dans les refuges, les restaurants, avec de gros repas les jours de ravitaillement ... et ne pas oublier ces occasions pour rétablir l'équilibre en produits frais (fruits, légumes ...).

A noter qu'au fil des jours l'organisme devient de plus en plus efficace à brûler les graisses avec l'aide des glucides. On peut alors augmenter la part des graisses dans le menu.

NB : je sais que ton français est excellent , j'espère être resté compréhensible dans mes explications !

Diana-light · 12-06-2018 20:30:06

Merci pour ta réponse, Hervé !

Très intéressant ce que tu dis sur l'alimentation. Je ne savais pas qu'on pouvais brûler toutes ces calories. Avec tes informations, j'ai commencé à préparer une liste pour être prête à faire des choix lors de mes achats de nourriture pour ma prochaine randonnée. Merci ! Ne pas manger le matin m'arrange. Même à la maison, plusieurs fois je ne mange qu'une fois par jour, l'après-midi. Je supporte mal la nourriture le matin et je n'aime pas dormir l'estomac rempli.

Ma préoccupation est que, le soir, en randonnée, cette habitude joue contre moi: plus de froid, car moins d'énergie?...

Dormir en tente à des températures négatives sera presque nouveau pour moi. J'essaie de m'informer. Je l'ai déjà fait, en Argentine et Chile, mais il y a très, très longtemps.

Par rapport aux villages, c'est vrai que c'est intéressant de pouvoir faire des courses pour ne pas devoir porter trop. Personnellement, je suis frustrée quand je vois des constructions pendant mes sorties. Je crois qu'en 2019 je ferai une randonnée en France et je vais chercher un parcours avec, disons, 5 jours sans voir de maison, puis petit village pour ravitaillement and repeat.

Merci encore pour toutes ces informations !

to-ny · 12-06-2018 21:18:19

Diana-light a écrit :

Personnellement, je suis frustrée quand je vois des constructions pendant mes sorties. Je crois qu'en 2019 je ferai une randonnée en France et je vais chercher un parcours avec, disons, 5 jours sans voir de maison, puis petit village pour ravitaillement and repeat.
!

Kikoo Diana

Pour ça il y a les Vosges ( entre autre ) dans la région Lorraine entre forêts montagnes et lacs...

Fin du H.S...

to-ny

Hervé27 · 12-06-2018 22:15:00

Diana-light a écrit :

Je supporte mal la nourriture le matin et je n'aime pas dormir l'estomac rempli.
Ma préoccupation est que, le soir, en randonnée, cette habitude joue contre moi: plus de froid, car moins d'énergie?...

Oui, le repas du soir en randonnée est très important : pour retrouver de l’énergie et se réchauffer pour la nuit d’une part, préparer ses forces pour le lendemain d’autre part.

Quand on marche en solitaire, s’arrêter en refuge ou dans un village a une autre fonction que le ravitaillement : rester socialisé, faire des rencontres, échanger ...

J’aime également ce rythme de 4 à 5 jours entre deux retours à la civilisation. Cela permet de longues traversées en autonomie (100 à 150 km), sans trop porter de nourriture (3 kg).

SolAhimsa · 17-06-2018 23:37:03

Diana, voilà peut-être pour toi un fil intéressant pour les endroits tranquilles en France

Pour ce qui est de l'alimentation et des sucres, dans la médecine indienne, on considère selon les natures des personnes (appelées dosha) des préférences de nourriture. Ainsi, je sais que d'après mon dosha, j'ai un penchant pour les aliments doux et sucrés. Ce qui est vrai, et qui l'était avant que je ne m'intéresse à ça. La qualité des sucres compte, ainsi les fruits secs sont des sucres de qualité, comme le miel, pas comme le sucre raffiné. Aussi, "sucres rapides" ou "lents" ne veut pas dire grand chose dans la réalité.

Un aliment est digéré (je schematise) selon sa teneur en fibres. Rapide ou lent dépend de la teneur en fibre de l'aliment (principalement amha)
Des fibres = digestion plus dans la durée
Pas de fibre = digestion immédiate

C'est pour ça que par exemple, un jus de pommes n'a rien à voir avec une pomme. Jus de pommes = pas de fibre, sucre immédiat, pic glycémique. Une pomme = pleins de matière, de fibres, diffusion du sucre plus lent, pas de pic glycémique. On appelle Index Glycémique la vitesse de diffusion du glucide dans l'organisme.
A titre personnel, je préfère ainsi manger 3 grosses pommes à midi ou une assiette de raisins secs (accompagné de fruits à coques ! mm) qu'une assiette de pâtes blanches, qui ne contiennent pas de fibre, et que j'aurai une grande faim au bout de deux heures (et que c'est moins nutritif)

Bref, le sucre n'est pas une mauvaise chose en soi, si il est de qualité, et comme l'a dit Hervé, laisser l'organisme se réguler est sans doute la meilleure des préventions contre le diabète et d'autres choses. J'imagine un aïeul dans la jungle, ou un cousin primate qui mange fruits, baies, feuilles etc...

(et aro sur les délicieux abricots et raisins secs des bazars kirghizes, sans culpabilité )

SolAhimsa · 18-06-2018 00:03:32

NRV27 a écrit :

J4 31/07 au-dessus de la Madone - La Roche-Valdeblore 36 km / 1 862+ / 2 621- / marche 12:20

Le genre de moment où en tant que petit jeunot de 21 balai, qui se considère comme assez tonique, je me prend une grande claque d'humilité par l'ancien, merci

Et merci pour le récit, et bravo pour la discipline que tu as su t'imposer pour aller remarcher. C'est une chouette histoire, et encore une fois on voit que la mul c'est pas juste le temps d'une rando, mais que cela a ses effets dans la vie quotidienne.

Dernière modification par SolAhimsa (18-06-2018 00:04:09)

Hervé27 · 18-06-2018 08:49:11

Merci SolAhimsa

Je ne me souviens pas de cette étape comme d'une performance, mais d'une leçon sur tous les risques pris inutilement ce jour-là. J'en fais une meilleure relecture aujourd'hui que lorsque j'avais rédigé ce C/R :

- mauvaise gestion de l'hydratation
- pas assez de pauses / étirements / relaxation
- rallonger l'étape alors que mon organisme s'y refusait, tout ça pour rattraper le "retard" pris la veille alors qu'aucune contrainte réelle de temps n'existait
- avoir voulu marcher vite et longtemps
- le tout dans un environnement "à risque" avec l'air brûlant et desséchant de la canicule

Mon ignorance de mes limites m'a ainsi fait aborder la zone de danger, donc créé les conditions d'un accident évité de justesse (coup de chaleur).

J'ai fait une longue sortie en Normandie ce week-end (11 h de marche effective ce samedi), mais avec plus d'attention à mon rythme, mon hydratation, aux pauses, aux étirements. C'était autrement plus agréable sans être au détriment de la performance, puisque j'ai pu garder le même rythme toute la journée, au lieu de me traîner lamentablement les dernières heures.

Comme quoi on apprend à tout âge

*randoscopie06* · 27-09-2018 15:08:34

Bonjour Hervé27,
Au début de ton récit, tu a déploré la présence de déchets laissés à l'abandon au-dessus des quartiers résidentiels de Menton-Garavan (quand on attaque réellement le sentier du gr52.
Bien évidemment,il ne s'agit pas de déchets laissés par les randonneurs en fin de gta (!) mais de détritus abandonnés par les migrants qui bivouaquent dans le secteur.Outre les vieilles fringues et godasses ou bouteilles plastique, on trouve aussi des kits hygiène,brosses à dents,etc.

J'ai franchi le col du Berceau quinze fois, je connais bien ce secteur et ses.... problèmes
Cordialement,

Dernière modification par *randoscopie06* (27-09-2018 15:11:02)

Hervé27 · 27-09-2018 15:59:38

Bonjour Randoscopie06,

Je suis heureux que mon récit de l'an dernier continue d'être lu, cela m'encourage à terminer celui de cette année

Effectivement la remarque m'avait déjà été faite, et pourtant cette réponse évidente ne s'était pas imposée à mon esprit . J'ai néanmoins laissé mon texte tel qu'à l'origine.

*randoscopie06* · 27-09-2018 18:47:17

Merci, Hervé, pour ces belles pages qui me replongent dans des contrées que j'ai fréquentées lorsque j'étais adolescent (lacs Miroir, Ste-Anne, col Girardin, etc) quand mon père m'initiait à la rando...
A l'évidence,outre les compétences de randonneur, il y a aussi de vrais talents de conteur sur ce site. Bravo !

thanjuzo · 09-03-2019 22:01:07

Hervé27 a écrit :

Je suis heureux que mon récit de l'an dernier continue d'être lu

Oui, encore lu, je l'avais raté (j'étais absent).
Très agréable à lire, et j'ai bien aimé le calcul de perte de gras corporel.
J'irai bien dormir au lac miroir, s'il n'y avait les patous (ca me stresse). Le premier m'a réveillé en pleine nuit à la Baisse Cavaline, a tourner autour de ma tente. Je n'imagine pas lui tendre le dos de la main s'il approchait.

Hervé27 · 10-03-2019 22:14:56

Bonjour Thanjuzo et merci

J’avais très peur des chiens étant enfant, il m’en est resté quelque chose ...

Le geste de présenter la main, parler à l’animal etc. sont des signaux « rassurants » que j’ai appris à envoyer pour maîtriser ma peur et éviter d’exciter l’agressivité du chien.

Dans le pire des cas et c’est très rare, je me retrouve dans une situation « bloquée », face à un animal qui aboie mais n’attaque pas, et cela laisse alors le temps d’observer et de comprendre quel territoire il cherche à défendre. Commence alors la manœuvre d’évitement.

Jusqu’ici je me suis bien sorti de toutes mes interactions avec les patous, et cette logique du troupeau = le territoire permet d’éviter beaucoup de bêtises ...

Le forum de la randonnée légère ou ultra-légère !

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