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#1 20-04-2019 13:24:01

Francois89
Membre
Inscription : 21-03-2019

[Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Voilà, je me lance smile . Cela fait des années que je m’abreuve d’information sur le site MUL, et, de retour d’un long périple, j’ai pensé que mon expérience pouvait être utile. Donc d’abord un grand merci à tous les contributeurs : jamais je ne me serais lancé sans vous. Et puis merci pour cet excellent site.
Je vais d’abord décrire un peu le parcours et le matériel, puis un deuxième poste suivra avec le récit. smile

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Le projet

Il s’agit du même chemin que celui décrit par J. Rondal, mais sur la partie sud.
Le nom hébreu est Shvil Israel - Shvil signifie “chemin”. En anglais INT, Israel National Trail.
Le chemin débute à Eilat, station balnéaire sur la Mer rouge, coincée entre la Jordanie et le désert du Sinaï en Egypte.
Le parcours que j’ai fait est dans la région du Néguev, et traverse trois lieux géographiques : les montagnes d’Eilat, le désert du Neguev, et le désert de Judée. C’est un chemin balisé, pas de problème de ce côté. Je ne me suis pas fixé d’objectif en terme de distance parcourue. Pour tout dire je pars sans connaître la difficulté du terrain. Je sais que c’est un désert, de montagne, de pierre, qu’il y a peut-être de vilaines bêtes (des serpents, des scorpions et des araignées), que j’aurais des problèmes d’eau et de ravitaillement.
Trois semaines et demi de randonnée dans le désert, la solitude, et des paysages sublimes.
Traverser un désert, seul et en semi autonomie! Jamais je n’aurais imaginé être capable de préparer et mener à bien cette aventure.

La genèse

Pas de problème d’orientation donc, puisque le chemin est marqué tout le long. Cela élimine un gros problème.
La période de janvier-février facilite la marche : il fait frais ou froid, entre 1 et 5 degrés la nuit, 15 à 20 degrés le jour. Donc moins d’eau à porter...
Les difficultés de cette aventure sont cependant multiples : difficulté du chemin, la piste étant peu marquée, des cailloux partout, en permanence. Les montées et descentes sont scabreuses, beaucoup d’échelles et de petits pas d’escalade. A grimper comme cela, c’est cool, mais avec un sac de 18 kg, cela assomme…
Ensuite il y a la difficulté des ravitaillements. Tous le 5-7 jours pour la nourriture, et tous les 2-3 jours pour l’eau. Donc potentiellement 9,5 litres d’eau, plus 4kg de nourriture, plus le sac… On peut se faire ravitailler en eau, moyennant finance, mais j’avais vraiment le désir d’être un maximum autonome, et d'éprouver les “basiques” de l’existence, l’eau, la nourriture, la solitude, l’effort et le sommeil.
Pour tout dire, je voulais vivre ma petite expédition à mon petit niveau. Cela passait par le minimum d’assistance en route, et par une large place faite à la conception et la construction du matériel avant le départ.

Le matériel

La tente
J’ai pris le modèle d’Olivier (merci !), j’ai commandé la toile sur un site US, mais hélas j’ai eu une toile un peu plus lourde : ils se sont plantés. Donc un peu plus de poids. Tant pis. J’ai acheté une machine à coudre sur Internet, me suis mis à la couture, et voilà le travail. On verra des photos un peu plus loin.
J’ai cependant fait une transformation à la dernière minute : j’ai transformé l’abri en tente mono-paroie. J’ai en effet lu que dans le désert du Neguev vivent trois espèces dangereuses : des scorpions, des araignées, et des serpents, les trois mortels.
Il me restait une grande chute de tissu, j’en ai fait un tapis de sol, et j’ai acheté une moustiquaire chez D4 que j’ai cousue sur tout le tour de la tente, comme une jupe, et au milieu le tapis de sol. Plus une fermeture à glissière. Pour finir un répulsif à moustiques, qui est également détesté par ces vilaines bêtes, et que j’ai aspergé sur l’entrée tous les jours.
Finalement je n’ai vu qu’un serpent pendant le parcours, donc j’aurais pu me passer de faire tout cela. L’hibernation… Je m’en doutais un peu, mais n’avais pas trouvé d’information fiable sur le sujet.
Le poids final n’est guère satisfaisant… C’est un point à améliorer, à refaire complètement, pour de futurs chemins.

Le sac à dos
Je suis parti du modèle de Florencia (merci beaucoup !), j’ai acheté le matériel chez Extretextil, j’ai adapté les mesures. Je l’ai fait assez haut. Pour la structure j’utilise le tapis de sol. J’ai aussi fait deux transformations : un rabat intérieur pour la pluie, et un sac ventral pour déporter du poids vers l’avant, comme préconisé par Olivier.
Le sac était confortable et assez grand, jamais je n’ai eu mal, je pense que le report sur les hanches est correct, malgrés l’étroitesse de la sangle de ceinture. Le sac ventral un peu trop petit, il faudra que je révise cela.
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**La nourriture et l’eau**

Pour l’eau, j’ai pris les systèmes de poche à eau + filtre. Pendant la marche le filtre m’a vraiment été utile une fois, cela m’a économisé 10km de marche pour aller à un point de ravitaillement.
Je n’avais aucune idée de mes besoins journaliers en eau dans les conditions de marche. J’ai bien essayé de mesurer chez moi, mais c’est trop empirique. J’ai trouvé des choses intéressantes dans le livre “Survivre, comment vaincre en milieu hostile”, un livre que je recommande vivement. Il m’a rassuré sur l’eau : j’y ai notamment appris que l’on peut vivre 17 jours sans eau à 15 degrés, et à moins de 27 degrés, on peut marcher au minimum 90 km pendant une dizaine de jours avec 4L d’eau.
Pendant la marche, je buvais toutes les 20 minutes quelques gorgées d’eau, un autre conseil de ce livre pour optimiser sa consommation, et minimiser les déperditions naturelles. J’ai toujours fait attention à me découvrir au maximum, dans le même but de minimiser la transpiration.

Pour la nourriture, je me suis inspiré des différents récits, et j’ai choisi de manger :

  • * 5 cuillères de céréales brut + fruits secs, mouillé à l’eau chaude + 3/4L de thé le matin,

  • * fruits secs + 2 barres de céréales dans la journée,

  • * puis vers 16h30, à l’arrivée, 7 cuillères de semoule de blé le soir, un peu d’huile d’olive, accompagné d’un peu de viande sèche et de 3/4L de Sauge.


Je souhaitais éviter la nourriture liophilisée et industrielle : ma décision était de partir avec des aliments basiques, si possibles bio, ayant le meilleurs rapport caloriqe possible. Donc les céréales sont achetée en vrac en magasin bio de même la semoule et les fruits secs. Lors des ravitaillement je prends ce que je trouve...
Pour la viande il s’agit, tout du moins au début, d’un filet mignon de porc séché par mes soins, au piment d’espelette. Un régal! On peut faire mieux comme apport énergétique. J’ai accompagné la semoules de diverses épices et graines que j’ai emmené tout exprès. Un peu de poids, beaucoup de goût!
Je n’ai jamais ressenti la faim ou la soif. Mais j’ai perdu 5-7 kg et me suis senti de plus en plus fragile pendant le parcours. Lorsque je pouvais manger dans les lieux de ravitaillement, j'engloutissais tout ce que je pouvais… sans guère pouvoir me contrôler! J’aurais également pu porter bien moins d’eau que je ne l’ai fait.

** Energie **

J’avais beaucoup cherché pour acquérir un chargeur solaire qui permette l’autonomie dans un poids raisonnable. Celui que j’ai finalement trouvé était impeccable, coupé à une batterie de rechange de 10 000 mAh assez légère.



PoidstotalSur moisac ventralsac à dos
Portage 631
Sac à dos auto-construction482
sac à dos ventral auto-construction149
Couchage 2721
sac de couchage Cumulus quilt 250500
Sur-sac de couchage Adenture Medical Kit SOL Emergency Bivy108
tente auto-construction1033
tapis de sol Arkmat 127 + Therm-a-Rest - Ridge Rest SOLITE - Regular (également structure sac à dos)500
Drap de soie + oreiller auto-construction en mousseline de soie92
Matériel de réparation + répulsif moustiques488
Vêtements 4798
Pantalon pluie Torrentshell Patagonia292
Veste pluie Torrentshell Patagonia316
pantalon toile zipable305
legging Merinos D4170
short maillot de bain D4 Surf114
chemise légère?
blouson polaire530
teeshirt Merinos D4 MC x2120120
tee shirt technique chaude ML noir157
teeshirt chaud Merinos D4 ML gris x2284
caleçons x370145
chaussettes fines x2 D44040
chaussettes chaudes x2 D4 Merinos151
gants91
casquette + bonnet138
ceinture83
cache col68
sac étanche vêtements
chaussure1200
chaussures bateau239
ceinture125
Pharmacie 323202
Toilette 350350
Serviette 151151
Electronique 608
Téléphone264
chargeur téléphone72
batterie téléphone anket 10 000 MAh74
chargeur solaire Lumtrack 6W162
Matériel sécurité795
lampe frontale D485
Balise PLB Ocean Signal rescue Me115
sifflet6
miroir17
bâtons de marche Travel Carbon Leiki374
couteau suisse128
lunettes glacier43
podomètre27
Matériel orientation1027
topo guide + cartes327
boussole73
livres + papiers + bloc papier316260
loupe5
montre altimètre baromètre Casio46
Matériel Cuisine965
gamelle couvercle pare vent100
réchaud MSR Pocket Rocket 279
gaz300
bol assiette62
verre47
couteau suisse127
fourchette + cuillère20
filtre + Paille SAWYER Mini50
gourde paplyplus 7L30150
Nourriture 0
7J0
eau de 3L à 9L0
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La paire de chaussure m’a causé beaucoup de problème. Je l’ai acheté peu avant le départ, et je le regrette…
L’altimètre-baromètre Casio s’est révélé peu fiable. Il s’est réinitialisé de façon intempestive plusieurs fois, le thermomètre est tombé en panne…
La paire de chaussure bateau aurait pu être éliminée, mais j’ai le souvenir de marche avec des traversées de ruisseau dans lesquels cela m’a tellement manqué… La peur de se blesser… c’est également tellement confortable le soir… Je n’ai presque pas porté la chemise. J’aurais vraiment dû la laisser. Un tee shirt ML également en trop.
On voit que le total poids reste trop élevé, et cela a augmenté mes difficultés. Certains sur ce site vont se moquer, je le sens… Mais peu de choses inutiles. Les vêtements de pluie, même si j’ai eu de la chance personnellement de ne pas essuyer d’orage, sont indispensables à cette saison.
La tente pourrait être plus légère, mais j’ai eu des vents très violents plusieurs fois, sans possibilité de s’abriter à cause des risques de pluie. enfin à 67g/m2, j’aurais pu avoir un tissu nettement plus léger, à 40g/m2, et aurais gagné je pense 200g.
J’ai aussi acheté sur place, au moment du départ, un chapeau à bords larges et aéré, plus adapté au fort soleil, et une cagoule chaude, bien utile une ou deux fois.

En analysant un peu plus d’autres listes MUL, certains postes peuvent sans doute être drastiquement coupés : la toilette, certains vêtements, la tente. de quoi gagner pas facilement un ou deux kilos.

Hors ligne

#2 20-04-2019 15:29:40

Francois89
Membre
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Re : [Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Le récit

Après une journée passée au bord de la mer à rechercher une recharge de gaz et de deux trois bricoles, je suis sur le départ. J’ai dormi à la Eilat Field School, à l’écart de la ville, proche de la frontière Égyptienne, dans un petit bungalow, au milieu des chats. Isolé et confortable.

Je me sens en forme mais j’ai attrapé un virus au moment du départ, et me sens grippé, le nez et la gorge pris. Dans ma tête des idées bizarres font leur apparition : j’ai le sentiment d’avoir laissé tout inachevé, dans leur imperfection, et de ne pas pouvoir revenir en arrière. L’impression de laisser mes proches sans leur avoir témoigné suffisamment mon affection, sans avoir soldé les déséquilibres. Mon coeur est lourd. Je ne peux plus échanger de paroles, d’explications, de rires, de sourires. Depuis l’avion j’ai aperçu le Mont Blanc, puis le Grand Paradis. Il y a un an j’avais prévu une Haute Route des Alpes, qui devait m’y mener, et puis voilà que je me suis blessé à la cuisse, gravement. Me voici maintenant au pied d’une autre montagne, désertique cette fois. Je suis impressionné par la montagne au-dessus de ma tête, je me sens dépassé par l’ampleur du voyage entrepris. Cette petite grippe qui me tient la tête ne me dit rien qui vaille.
Voilà, je suis seul. Je décide que je n’échangerai en route qu’avec mon épouse.
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Les montagnes d’Eilat

23.01 Départ 6h, avec le jour qui se lève : 7 litres d’eau et des vivres pour 7 jours. Cela grimpe fort, tout de suite. Contrairement à nos chemins de montagne, cela ne serpente guère : le chemin est droit dans la montagne. On arrive à un sublime point de vue qui domine la baie d’Eilat.
C’est superbe, il fait grand beau. Puis on passe sur une crête, et on redescend droit dans un Wadi, un lit de rivière, à sec. On le remonte longuement, le sol est très irrégulier, il faut regarder sans cesse où on met les pieds : le chemin n’est pas marqué.
Puis cela monte fort, on rejoint des passages de plus en plus verticaux. Le souffle se fait court, je suis épuisé, je respire mal. Des échelles se présentent, elles sont plutôt longues, en plusieurs tronçons, ainsi que des petits pas délicats.
Je sens que j’ai de la fièvre, je m’arrête fréquemment. La montagne est superbe, toute minérale ; seuls les cours d’eau à sec portent une maigre végétation. Les couleurs sont étonnantes.
Alors que j’étais isolé depuis le début, je croise des groupes scolaires bruyants, je suis obligé de jouer des coudes et des épaules plusieurs fois, car on ne me laisse pas passer et je suis déséquilibré…
J’arrive enfin en haut, je monte la tente et m’allonge. Après 1h de repos, mon pouls est toujours aussi élevé. J’appelle à la maison, et décide de redescendre en stop : il y a une route pas loin.
Coup dur pour le moral. Je me repose une journée à Eilat, puis décide de repartir sans tarder, et tant pis si ma gorge et mon nez sont dans un piteux état. Il faut avancer. Je n’avancerai pas vite, je n’ai pas de plan, mais je repars!
Je prends en taxi à 5h.

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25.01 C’est reparti! Je commence par gravir le mont Yehoram, que j’ai évité l’avant-veille. Je profite un instant du point de vue : c’est très impressionnant, toutes ces montagnes de roche brut. Au loin la Mer rouge, la Jordanie d’un côté, le Sinaï de l’autre. Le vent souffle. Nous sommes coincés dans cette pointe de terre. D’ici on comprend bien la difficulté de tenir une telle position géographique en cas de conflit… mais aussi son caractère stratégique. Hier il y avait des manoeuvres militaires israéliennes sur l’eau…
Je suis encore très encombré, je mouche du sang toute la journée, cela durera 6 jours…
Je descends ensuite vers un défilé, une cassure et j’emprunte le premier canyon du chemin. C’est superbe : les roches qui le bordent sont très blanches, ocre, rouge, brun… La descente dans celui-ci est assez impressionnante, à peine la place d’un homme. J’en perds mes bâtons de marche, qui dévalent en bas… heureusement du bon côté.
Suis une longue marche dans un défilé. Au détour, un Ibex, espèce de bouquetin, me regarde sans s’inquiéter.
Après un long moment, le chemin remonte à flanc de coteau, passe longuement de colline en colline, puis par des passages rocheux et abrupts. Quelques fleurs viennent égailler le chemin, on les guette! Je fais très attention à ne pas marcher dessus! Il n’y a guère d’insecte ni d’oiseau, non, rien… Dans les lits de rivière, la roche est parfois très lisse et a des cassures qu’il faut prendre en désescalade, c’est parfois inconfortable. Encore un col, dur à monter, je croise quelques marcheurs en haut. Ils font le chemin dans le sens nord-sud par étapes de 2 jour, avec logistique et guide. Beaucoup d'israéliens font cela, je croiserai plusieurs groupes. J’ai une petite discussion avec l’un d’entre eux qui a fait le chemin de Saint Jacques de Compostelle…
Puis je redescends, et après un une belle longueur je rejoins Raham Etek Night Camp. Je suis seul, il y a de l’eau, j’ai porté pour rien… bon, montage de la tente, je dispose le sac de couchage, petite toilette, je mange, et déjà c’est la nuit, il est 17h30…
Je marche 2kms dans la nuit à la frontale pour appeler la maison. Je suis très fatigué et toujours encombré, mais heureux d’être en route!
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26.01 Ce matin cela ne va guère mieux : toujours ce nez et cela se dégrade… Je décide de faire une petite étape vu mon état, jusqu’à Timna Park, ce qui représente 9 kms, plus quelques kms pour visiter le parc sans sac. Je croise au passage celui qui a écrit le guide avec un groupe, contact sympa! Une des personnes propose de me soigner les ampoules qui décorent mes pieds délicatement de mille nuances- et menacent de s’infecter.
A Timna Park, au sud, il y a un restaurant qui me propose un grand buffet pour pas cher, j’en profite! Puis je vais me promener, mais je rentre assez vite car je ne me sens pas très bien. Le responsable du site m’offre également la douche, et un autre un lit dans un grand dortoir… Je suis touché par ces attentions, une bonne nuit ne me fera pas de mal!
Le parc est vraiment superbe, les roches majestueuses. Je ne m’attendais pas du tout à voir autant de beauté, c’est magnifique, varié. A chaque pas tout change, c’est superbe.
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27.01 Je pars pour la traversée de Timna Park. 6 petits kms de marche, mais une belle grimpette dans la montagne. On passe par le mont Timna, et une fois de plus je suis soufflé par la difficulté du chemin, raide dans un éboulis de roches abruptes. En haut le paysage est magnifique, c’est un panoramique 360° immense, et je me pose un long moment, seul, dans un vent léger. Moment magique, je peux faire un appel vidéo à la maison pour partager ce moment.
Puis vient la descente, quelques échelles et un chemin bien raide, suivi par des gorges serrées. Les roches sont superbes : rouges, ocre, vertes… C’est magnifique.
Côté nord du parc, je me pose, et une femme qui travaille au service administratif du parc m’invite à prendre un café… très sympa! Elle me dit s’inquiéter de la météo menaçante, et m'incite à rester à l’abri des bâtiments, car c’est dangereux de dormir n’importe où s’il pleut.
Je me laisse convaincre… Le camp de nuit était 5 km plus loin, cette distance, il m’aurait bien été utile de la franchir aujourd’hui, vu la longueur demain…!
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28.01 Une trentaine de kms m’attendent aujourd’hui. Un départ en bordure de l’immense vallée d’Arava, plaine qui marque la frontière avec la Jordanie et qui relie la mer Rouge et la mer Morte. Puis une raide montée pour arriver sur le plateau. On reste sur les hauteurs qui dominent pendant quelques kilomètres Timna Parc, dont on domine le mont. Puis on bifurque sur la droite, et on passe par une piste jusqu’au camp intermédiaire. Je croise Imri, un Israelien qui fait Schvil dans l’autre sens, venant du nord. Il me donne plein de conseils. O échange nos numéro, et il m’enverra tous les coordonnées GPS des points de ravitaillement en eau “payant”. C’est une sécurité pour moi, mais jamais je ne m’en servirai… Un peu plus loin je rate une marque du chemin et, emporté par mes rêveries, m’égare pendant une demi heure dans le lit de la rivière. Retour arrière…
Je retrouve le bon chemin. Il parcourt une immense plaine vallonnée. Puis c’est une succession de petites vallées dans lesquelles il faut descendre, traverser et remonter. S’il y en avait une ou deux… mais ça n’en finit pas. Ce qui est extraordinaire, c’est que le paysage change tout le temps. Les séquences de paysage s'enchaînent incroyablement vite. Enfin, un col plus marqué se présente, qui mène à une crête qui domine au loin la plaine d’Arava. Le vent souffle très fort. Les paysages grandioses mais la progression est pénible.
Je croise deux trois endroits de campements sauvage, on les distingue parce qu’ils sont bien dégagés des petites pierres, et un petit muret les protègent… Je dois presser le pas, car la nuit pointe le bout de son nez.
Enfin une descente, puis le chemin effectue une dernière boucle avec de jolies roches et cassures, avant d’atteindre Shaharut. Ouf! le crépuscule est bien avancé! La fin était une immensité plate de cailloux sans horizon, peu de marques au sol, et le chemin pas du tout tracé : je n’aurais pas du tout aimé faire ça dans la nuit...
Shaharut est un campement bédouin aménagé, avec un tarif avantageux pour ceux qui font Shvil Israel. Pas de ravitaillement, mais une douche… ça fait du bien! Il y a là Yossi, un Israélien avec lequel j’ai une bonne discussion. A chaque rencontre (sauf dans l’extrême sud), je suis surpris par la qualité de l’échange, les gens sont vraiment à l’écoute, ce n’est pas superficiel. Deux autres choses sont marquantes : l’histoire de l’intégration de chacun, toujours récente et très touchante, et le dynamisme des personnes rencontrées. On sent qu’Israël est un pays jeune, que l'innovation, la création et l’entreprise sont présentes partout. Toutes les villes sont récentes, et rien n’a été donné. Mais rapidement le sommeil se fait sentir…
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29.01 Aujourd’hui, c’est l’étape des dunes et du sable fin. Je n’en ai rencontré ni avant, ni après. Un tout petit passage dans les dunes… mais que c’est beau! Il faut dire que la lumière du désert est particulièrement favorable : incisive, directe et sans fard.
A la fin de la journée, à Shizafon, un ravitaillement semble possible à un restaurant - cela devient urgent! Mais d’abord je dévore un plat…
Il y a un Kibboutz pas loin, et je me renseigne sur un accueil possible… On me donne un téléphone, et là on me propose de rester une journée, j’accepte.
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30.01 Une journée au Kibboutz Neot Semadar. Ce Kibboutz est récent, 35 ans, et a pour objectif la formation… des adultes. Il n’est pas confessionnel et chacun vit avec sa famille dans de petites maisons. Économiquement, il recherche l’auto-suffisance. On y cultive des fruits et légumes et on produit du fromage, des dattes et de l’électricité. 200 personnes y vivent, plus des volunteers, des travailleurs temporaires volontaires. Pas d’argent ici, pas de boutique, pas de téléphone visible. On mange ensemble, en silence ou presque. Réveil à 5h du matin, thé en commun et en silence, travail jusque 8h30, petit déjeuner, travail jusqu'à 15h avec un encas vers 11h.
Dîner à 19h. La journée est également parsemée de petites réunions. La parole et les échanges doivent permettre à chacun de se corriger et de progresser... On change de travail régulièrement.
Pour ma part j’ai fait du bricolage toute la journée (ponçage, peinture, électricité,...). On travail, et donc on peut manger. Bon, je ne me suis pas vraiment reposé mais je suis de plus en plus en forme malgré tout.
J’ai rencontré quelques personnes très sympathiques ; les gens sont doux, calmes, souriants… on garde contact… et aussi avec Oscar, un allemand qui fait Shvil vers le nord avec un jour d’avance sur moi. J’avais remarqué UNE trace de pas sur le chemin, dirigée vers le nord, je suis content de savoir à qui elle appartient! Oscar est timide, il semble marcher vite, et est beaucoup plus jeune que moi…
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Le désert du Néguev

31.01 Départ après le petit déjeuner, à 8h30. Je me ravitaille au restaurant, mais il n’y a que des fruits secs et des céréales… On s’en contentera. Je pars avec 3 jours d’eau. Les trois jours qui viennent sont pour moi un passage clé : trois jours sans eau, de grandes longueurs de marche, des passages difficiles. Le chemin se durcit. Cela préfigure la suite. Je sais que si je réussis à passer ça, je devrais être en mesure de passer la suite. Je me sens mieux, reposé, accoutumé au chemin. La forme est revenue, l’état grippal a disparu.
Les 25 prochains kms sont réputés comme étant sans intérêt, une piste en bord de route coincée entre deux champs de manoeuvres militaires… On me conseille de sauter l’étape alors je fais du stop. Ca marche. Arrivée au bout de la route, je décide de pousser à Paran Night Camp, 8 kms plus loin.
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01.02 Départ vers les canyons de Paran et de Barak. Après une marche dans la plaine, on arrive dans un canyon de plus en plus étroit, la roche est blanche et dure, les falaises verticales, une beauté à couper le souffle, le silence absolu. Comme toujours, personne ou presque. Il y a des trous d’eau dans lesquels on doit aller en descendant une échelle, 10 m de traversée, et une échelle pour remonter… Seul avec mon gros sac, j’hésite… Et je fais demi-tour. Un chemin permet de contourner la difficulté, une montée raide dans la montagne.
Suit une longue traversée à flanc de montagne, dans un paysage vallonné, avec quelques bouquets de fleur. Je croise un couple sympa de polonais partis en randonnée quelques jours, et comme je me suis trompé de chemin, je repars en leur compagnie : ce sera la seule fois où je marcherai avec de la compagnie. Et ce n’est pas désagréable!
Puis le chemin s’approche d’une faille : c’est vertigineux, et cela descend au fond d’un nouveau rayon étroit et tortueux. De nouveau des trous d’eau, ce coup-ci je déchausse, mets mes chaussures bateau que j’ai emmenées exprès, et traverse. Un peu plus loin il faut faire quelques pas un peu compliqués, d’escalade niveau peu difficile, mais avec le sac, l’équilibre reste précaire, j’ai l'impression de jouer au culbuto ! La roche est glissante.
L’univers est sublime et impressionnant ; ces canyons sont d’une beauté inouïe.
Suit une longue marche dans le lit de rivière qui tourne à droite à gauche vers Barak Night Camp, mais je décide de prendre un raccourci et de pousser plus loin pour gagner 5kms sur la marche de demain que je sais longue.
Je dors dans un endroit superbe, isolé ; c’est assez impressionnant. Je ne dors pas dans un camping noté. ce n’est pas trop autorisé, mais je me sens bien.
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02/02 Cette étape est longue mais pas trop difficile. On évolue surtout dans d’immenses lits de rivière. Quelques fleurs et arbustes, ou bien ces arbres “plats” caractéristiques que je vois depuis le début. Mais sinon que de cailloux… Il faut marcher patiemment. En arrivant à Tsofar ; je visite un peu le site romain, et décide de pousse jusqu’à Sapir, 7 ou 8 kms plus loin. Il faudra que je me ravitaille.
Au détour d’un chemin, je croise une famille en plein pique-nique qui m’invite à prendre une tasse de thé et du gâteau. Je me laisse faire et fais connaissance. On me pose plein de questions, puis on m’invite à déjeuner et à dîner. En fait je viens de croiser par hasard une famille de Trail Angels, ces Anges du Chemin qui aident les marcheurs sur le Shvil Israel ! Je vais manger d’excellentes grillades et plein de petits mezze comme on en trouve au Moyen Orient ; je me régale. Puis on m’offre une petite maison pour moi tout seul, et je peux faire ma toilette et me reposer… Le bonheur! Merci à mes hôtes, Tamar, Guy, Mikael, son épouse et toute la famille!
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03/02 Mon hôte m’a proposé de me déposer à Sapir… on passe par une boutique pour que je me ravitaille et c’est reparti en direction de Mitzpe Ramon. Trois jours de marche plein Ouest pour rejoindre la seule “vraie“ ville du sud.
Ici débute la zone des Caldera, ces immenses cratères. A l’origine ce sont d’immenses volcans qui se sont effondrés en leur centre formant d’immenses étendues de lave refroidie... La conséquence, pour la marche, c’est que c’est un immense pierrier, avec des montées et descentes abruptes, parfois de quelques centaines de mètres.
On démarre et rapidement, cela grimpe. Le sac est lourd aujourd’hui. Je suis parti un peu tard… Ça monte et ça descend dans un paysage immense avec des montagnes, des pics, des lits de rivières. La roche est superbe. Lors d’une descente abrupte, dans des pierriers, je tombe plusieurs fois, et casse un bâton. Il est en carbone, alors ça casse net. Je m’arrête et me repose un peu. En raccourcissant mes bâtons, je peux encore les utiliser. Mais à chaque montée et descente délicate, maintenant, je vais les ranger : c’est plus dangereux avec.
Il faut encore marcher un long moment pour arriver à Gev Holit Night Camp. Je suis épuisé.
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04/02 J’ai pu récupérer cette nuit. Heureusement, car le chemin monte de suite très raide, une succession de marches de quelques dizaines de mètres dans lesquels se fraye un mauvais chemin. A nouveau les roches et leurs plis sont impressionnants, on a l’impression qu’elles ont été pliées comme du carton. On grimpe, on passe tantôt sur des crêtes, tantôt dans ces lits de rivières. On croise des sortes de genêts blancs qui sentent super bon! je reste un bon moment à humer l’air. J’ai l’air idiot: la solitude commence à produire ses effets!
Enfin une dernière gorge, je croise quelques groupes scolaires à cet endroit et rejoins Gevanim Night Camp. Là je suis loin d’être seul, mais suis un peu perdu au milieu de groupe à la logistique très élaborée. Je fuis un peu plus loin en pleine nuit…
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05/02 L’étape menant à Mitzpe Ramon permet de longer puis de pénétrer dans le Big Cratera-Maktesh Ramon. Après les perturbations de la nuit passée, je retrouve avec plaisir la tranquillité. Je me sens serein, libre, en forme. On passe par deux pics superbes : le mont Katum puis Shen Ramon, dans des paysages immenses qui vous donnent l’impression d’être sur le toit du monde. En haut du deuxième pic, on a une vision vraiment spectaculaire du cratère. Les falaises s’étendent au loin et au fond alternent collines, failles et défilés aux multiples couleurs. C’est vraiment beau. On traverse lentement en direction de la lèvre du cratère dont la clé pour grimper en haut ne se révèle qu’au dernier moment. C’est superbe, aérien, de toute beauté. La montée prend une petite heure ; je l’aborde tranquillement. En arrivant en haut, je croise un long serpent que j’identifie comme une espèce dangereuse. Ce sera la seule bestiole de ce type rencontrée pendant la marche : heureusement!
En arrivant en ville, je commence par manger. Je trouve un “street food” bio et végétarien, alors que je rêve d’un morceau de viande, mais je me laisse tenter par les odeurs alléchantes et l’ambiance baba cool.
Puis je rejoins un petit hôtel en bord de cratère, vue superbe, un pseudo hôtel écologique. J’ai un petit bungalow et peux m’y reposer deux nuits ; c’est le principal. Le lendemain j’en profite pour visiter un quartier artisanal sympathique et rencontre Oscar ! On dîne ensemble et la discussion est animée.
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06/02 Mitzpe Ramon est une petite ville de province, je me promène un peu, trouve le seul restaurant où l’on peut manger de la viande, et me régale de côtelettes d’agneau ! Je me repose.
07/02. Ce matin, à 5h, il se met à pleuvoir. Une pluie très forte. La pluie ne m’a jamais arrêtée lors d’une marche au long court mais mon sentiment face à cette déferlante est tout autre. Le sol se transforme en torrent, immédiatement, et partout. Je commence par décider de partir, et puis finalement je renonce. En regardant la météo, il semble que la pluie doive s’arrêter dans la journée. Je détermine mon heure maxi de départ : 9h.
8h45- je pars. Un long chemin au bord du cratère m’attend, environ 15 kms. Le sol est spongieux, glissant et le ciel menaçant. Le cratère s’étend sous ces nuages noirs, les couleurs changent tout le temps. Puis le chemin part vers la gauche et passe de colline en colline. Je pense à Oscar qui a dû se faire surprendre, je me demande dans quel état il est sorti de ce matin. Des traces de pas devant moi, sur le chemin, largement enfoncés dans la boue… Puis le chemin plonge littéralement dans une gorge, le passage est très escarpé, mais ça passe facilement si on n’a pas trop le vertige. Le bruit d’un torrent me réveille. La roche est sculptée par l’eau : blanche et lisse. Mais pour passer c’est compliqué, les trous sont remplis d’eau, et le chemin a disparu. Il faut improviser dans les énormes blocs du chemin ; c’est chaotique et la progression est lente. Mais c’est magnifique, le canyon s'élargit et tourne, les couleurs sont belles, et le temps s’est un peu levé. Plus loin il faut traverser la rivière, puis une deuxième, troisième fois… Je perds le chemin plusieurs fois. Pas excès de confiance j’improvise une petite traversée en escalade au-dessus de buissons, la roche me reste entre les mains et je tombe les quatre fers en l’air ! Bon, il est temps de se poser un peu. Après quelques kilomètres encore le chemin s’échappe et monte. On domine maintenant la gorge et on se dirige vers sa source. Quelques kilomètres plus loin, on rejoint Hava Night Camp. Le temps hésite, aussi je fais très attention où je mets ma tente. La pluie m’évite semble-t-il : j’ai de la chance !
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08/02 En route vers Midreshet Ben Gourion. La gestion de l’eau est importante  Après demain j’ai deux jours sans eau. Je dois donc faire le plein aujourd’hui. Soit je fais un détour de 10 kms par la ville, soit je trouve de l’eau correcte en route.
Le chemin évolue dans des collines, puis passe par un canyon. On le longe, et on descend enfin vers une oasis superbe. La nature est luxuriante, mais je suis surpris la solitude ici : avec cette nature, je m’attendais instinctivement à voir des gens, des animaux… mais rien. La solitude est d’un coup pesante. Il y a heureusement des oiseaux. La nature est belle, verte, on respire une bonne odeur de terre humide, d’humus… Je m’arrête longuement pour profiter de l’endroit.
Je quitte avec regret ce petit paradis et la transition vers le désert absolu est rude. Le chemin monte le long d’une petite falaise, rejoint un nouveau canyon. Au fond de celui-ci coule un ruisseau charmant, reste des pluies de la veille. L’eau semble pure. J’en profite pour me laver, laver mon linge et faire le plein d’eau avec ma paille filtrante.
Je reprends la route, et croise des randonneurs. La conversation est sympathique ; on m’offre quelques cookies et du café. Que c’est bon! Un peu plus loin je croise un randonneur qui m’accueille d’un bruyant “Hello François!” Il a croisé Oscar le matin! J’apprends que celui-ci s’est fait proprement rincé…

Le chemin monte enfin ; on a le sentiment d’être dans les montagnes du Colorado. La montée est rude mais c’est superbe! Au loin se détache Midreshet Ben Gurion. Une dernière montagne (Hod Akev), suivie d’une descente bien raide avec des échelles. Et puis c’est l’arrivée à Akev Night Camp. L’espace est bien dégagé, je m’installe tranquillement. Le ciel est toujours un peu menaçant et il y a du vent, beaucoup de vent.
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09/02 Une étape de transition, facile, en plaine. Ça change ! L’espace est immense, dégagé, une immense vallée qui s’ouvre : une quinzaine de kilomètres. Je prends tout mon temps. Je profite de l’air, de la solitude ; j’écris, je marche, je m’arrête… Beaucoup de cailloux parsèment le sol. J’aurais bien gagné quelques kilomètres sur l’étape suivante, mais la présence des nuages et le sol très caillouteux me poussent à la prudence. Du coup je rejoins Mador Night Camp. Beaucoup de vent ici, et il faut choisir entre le lit de rivière ou l’exposition au vent… je choisi la deuxième option! Une voiture s’arrête et me donne 4L d’eau en plus. Je peux me laver! Difficile de dormir tant il y a du vent. La montagne qui m’attend demain est impressionnante vue d’ici…
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10/02 Départ pour le Large Cratera-Maktesh Gadol, une étape réputée comme étant la plus dure du chemin. Je ne crois jamais trop à ce type de phrase, cela dépend tellement de la forme physique…
Après une marche d’une heure dans la plaine, le terrain se plisse et on rejoint des petits défilés qui s'enchaînent, puis on butte sur la montagne. Suit une montée raide d’échelles et petites escalades. Avec le poids du sac, ce n’est pas très facile, et des trous d’eau viennent compliquer la tâche. Je suis amené à faire de petites traversées en escalade, mais ça passe, et j’aime ça! Cela monte et descend, suivant les caprices de la montagne. Après un dernier ressaut, on rejoint une petite vallée qui tournicote pendant un bon moment. On pique à droite une montée raide jusqu’à un col, on descend, on remonte rapidement pour enfin atteindre les bords du Large Cratera. On est sur les montagnes Karbulet. On va longer le cratère sur une grande longueur, sur la crête d’un pan incliné. La roche est dure, le vent fouette sans cesse et déséquilibre. Le regard porte au loin à gauche vers le Large Cratera, à droite vers la vallée que l’on vient de quitter. Longuement on suit cette crête. Je suis comblé et un peu ivre de tout ce vent et de ces paysages somptueux. La marche est très longue, et sur ce pan incliné les chevilles font mal. La roche très dure et ses aspérités accroche les chaussures, il faut faire très attention. Je coupe les derniers kilomètres pour arriver plus vite au camp de nuit, Oron Night Camp, qui se trouve tout contre une usine de sable. L’avantage est que le lieu est un peu protégé avec de l’eau et des tables. Mais en revanche, je n’avais pas pensé qu’ils travailleraient toute la nuit dans un va-et-vient continuel de camions! Bouchons d’oreille obligatoire!
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11/02 J’ai refait le plein d’eau à nouveau pour trois jours ; en revanche le poids de la nourriture s’allège peu à peu. Je suis un peu étonné par plusieurs choses : plus le temps passe plus je me sens fragile, pourtant je marche toute la journée, entre six et neuf heures par jour avec souvent de l’eau et donc un sac chargé. Je ne mange visiblement pas assez car je perds du poids, mais je n’ai jamais faim. J’avais une vraie peur d’être tourmenté par la faim et la soif, et il n’en est rien. La journée type :

  • matin : 5 cuillères de céréales, quelques fruits secs

  • en route : 2 barres de céréales et fruits secs

  • le soir : 1 soupe miso, 1 bol de semoule de blé avec des épices + huile d’olive + de la viande séchée + quelques fruits secs

Pour l’eau, je bois toutes les vingt minutes quelques gorgées. Je suis les manuels de survie… et ça marche : j’urine très rarement, je n’ai pas de sensation de soif. Mon corps a semble-t-il compris le message. Paradoxalement, en conséquence je porte beaucoup trop d’eau, et j’en jette régulièrement. Mais c’est une question de sécurité, et jamais je n’oserai durant le parcours diminuer ma réserve d’eau. Mes besoins réels sont de 0.75L pour le matin et le soir, et entre 1L et 1.5L pour la journée, ce qui fait 3L jour sans se priver. J’aurais peut-être dû pousser plus loin afin de moins porter… et de moins souffrir.
Cette journée se déroule de nouveau dans des canyons. Après quelques kilomètres sur la route - ce sera la seule portion bitumée du parcours - on rejoint un canyon que l’on commence par prendre sur le flanc gauche. L’espace est immense et les roches ocre friables alternent avec les saillies blanches de roche dure. Un chemin raide, jalonné de quelques rampes et échelles en fer, mène en bas du canyon, que l’on suit. Je profite de l’eau qui se trouve au fond pour faire une toilette. Il fait plutôt froid avec le vent… Les falaises qui nous bordent sont majestueuses, on ne s’en lasse pas. Un peu plus loin je rencontre mon premier feuillu : on sent que l’on revient à des latitudes plus favorables. On sort du canyon après un détour, et un randonneur que je croise fait remarquer avec ses longs cris que l’écho est très bon ici! Le chemin serpente ensuite dans les collines, croise une ancienne place fortifiée romaine, puis rejoint Makhtesh Night Camp.
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12/02 Après une bonne nuit de repos, et la visite d’une multitude d’oiseaux qui viennent quêter mes céréales, je vais faire un tour en partant vers un relais radio à quelques centaines de mètres du camp de nuit : il est indiqué qu’il y a de l’eau, et je laverais bien mes chaussettes. On des idées bizarres dans le désert… Je me retrouve face à une double rangée de barbelés, et un gentil garçon tout sourire … mais lourdement armé. Je choisis de ranger mes chaussettes sales…
Je repars - non sans m’être précautionneusement tenu à distance de ce camp militaire- vers le Small Cratera -Makhtesh Katan. C’est un site très particulier, un cratère “modeste”, 4 ou 5 kms de diamètre, mais surtout son contour est presqu’entier ; de larges falaises dominent une étendue  qui semble plane. Dans la lumière et le silence du matin, je goûte à cette si belle nature minérale. Puis je descends, par une série d’échelles et un chemin dans les éboulis, quelques centaines de mètres de dénivelé pour atteindre puis traverser le cratère. Après une bonne pause sur le bord opposé, on tourne à angle droit vers la gauche, puis c’est une montée sèche pour atteindre une autre rive du cratère. Au détour d’un chemin, j’aperçois un groupe bruyant en haut de la montée, et je maugrée tout seul contre les touristes... En approchant du but, je constate que le silence est revenu. Je m’en étonne et alors que j’arrive en haut, le souffle court, j’entends tout à coup une ovation au-dessus de mon chapeau : je relève la tête et suis accueilli par un groupe de jeunes en compagnie de leur rabbin.  Ils m’applaudissent et me souhaitent la bienvenue. C’est un groupe scolaire en vadrouille pour deux jours. Je suis un peu honteux des pensées bougonnes que j’ai eues. Nous avons un bon échange et - oh délice ! ils m’offrent des pommes et des oranges… dont je me régale!
Après une bonne pause, je repars pour les derniers kms. Ce sont toujours les plus longs! Enfin j’arrive à la fin de l’étape, marquée par une route.
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J’ai décidé de rejoindre Dimona, une ville à une trentaine de kilomètres de là. J’y ai contacté un Trail angel,  un de ces Anges du chemin qui aident les marcheurs au long court, gratuitement et gentiment. Je les ai contactés par messagerie instantanée. J’arrive un peu tôt dans la ville, aussi j’en profite pour faire un petit tour dans le marché couvert, me régale de pita et de fruits secs, de jus de pamplemousse et de café… Je me rends compte que je peux tout avaler, dans le désordre, et sans jamais être rassasié !
En me promenant, j’avise un coiffeur et me fais couper les cheveux. Je fais aussi tailler un peu la broussaille qui me démange le menton… Je rigole doucement en envoyant à mon épouse une photo de ma coupe ‘nucléaire’; Dimona possède en effet une centrale nucléaire qui a fait grand bruit dans l’histoire d'Israël.
Je suis accueilli par mes hôtes qui m’offrent le gîte et le couvert pour deux nuits. Je suis invité au restaurant le midi, et la première représentation d’un spectacle en ville le soir! Je n’ai pas tout compris au spectacle, mais avec l’aide de quelques commentaires je repère des références à l’histoire d’Israël. Il y a aussi de la musique, des danses… Un accueil incroyable, un buffet somptueux, du vin… un régal! Après la solitude du désert, cette ambiance familiale et chaleureuse est un vrai bonheur. Je prends aussi contact avec un couple qui habite Arad, à deux jours de marche…
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Le désert de Judée

14/03 C’est reparti pour deux jours, les deux derniers … On entre dans le désert de Judée, et l’ambiance change tout de suite ; j’y rencontre des bédouins et leurs troupeaux de dromadaires et de chèvres. Le chemin s'étale doucement dans des plaines vallonnées beaucoup plus larges. Les séquences de paysages sont plus longues ; en conséquence, le temps et la patience sont plus durs à gérer. Après un ou deux défilés, j’arrive au camp de nuit, Motzad Tamar,  où je m’installe. Il y a des usines qui exploitent les sous-sols ici, et des camions. L’un d’eux s’arrête et m’explique que je suis dans le lit d’une rivière ; il m’indique un autre endroit où planter ma tente, en plein vent malheureusement. Mais le ciel est menaçant alors j’obtempère. J’apprendrai à Arad qu’à cet endroit, un camion s’est fait récemment emporté par les flots suite à l’une de ces pluies, littéralement torrentielles…
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15/03 Je pars pour Arad, c’est la dernière étape. On emprunte un défilé qui se resserre peu à peu. Une roche blanche qui couvre le lit de la rivière serpente dans la montagne. C’est très glissant. Quelques pas d’escalade un peu délicats et des trous d’eau parsèment le chemin. Je croise quelques randonneurs. C’est très beau. en arrivant en haut.  Cependant, je suis surpris par la présence de déchets, de plus en plus… depuis le début de la marche, c’est la première fois. En haut, il y a un village de bédouins. Je constate dans les heures suivantes que chaque village de bédouins s’accompagne d’un lot de déchets. C’est décevant.
Le chemin descend raide dans la pente, puis un dernier défilé, aux roches superbes, mais souillé de sacs plastiques, mène à Arad. C’est la fin du parcours!
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Je rentre en ville, l’esprit léger et ailleurs, je regarde les bâtiments, les gens, les boutiques, un peu absent… J'engloutis deux plats… Je contacte enfin mes nouveaux Anges du chemin, qui m’accueillent chaleureusement. Je me sens comme à la maison. Douche, sieste, puis un bon dîner…
Je reste le lendemain ; on a de bonnes discussions, on me fait visiter la ville, son musée… C’est une ville récente, à l’image du pays!
Je pars ensuite pour Abu Gosh me reposer quelques jours ; c’est une abbaye bénédictine, un havre de paix. Mon épouse me rejoint : 10 jours encore avant de rentrer …
Au total, je serai resté six semaines en Eretz Israël : hors du temps. Et pourtant avec le sentiment d’y avoir trouvé racine.

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#3 20-04-2019 16:07:35

Pif
Membre
Lieu : Paris
Inscription : 22-03-2016

Re : [Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Merci Francois89 pour ce très beau récit ! Les images du désert sont magnifiques

Et bienvenue sur RL  smile

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#4 20-04-2019 19:38:27

trois flèches
Invité

Re : [Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Superbe traversée, sa fait rêver et c'est une destination changeante.

J'ai été très étonné dans tes explications du fait que l'on puisse vivre 17 jours sans boire.

Est-ce que tu utilisais toutes les nuit ton sur-sac de couchage SOL Emergency Bivy et si oui dans quel état était il au terme de ton aventure ?

#5 22-04-2019 21:03:53

florencia
Membre
Lieu : 71
Inscription : 11-11-2011

Re : [Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Oh, un "petit frère" bis, en plus les mêmes couleurs, cool et bravo, et merci pour la balade dépaysante smile

Flo


Réalisations DIY
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"Si vous pensez que l'aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle !" -Paulo Coelho.

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#6 22-04-2019 23:19:28

Samy
Membre
Lieu : Senlis
Inscription : 14-08-2012

Re : [Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Salut, merci pour le récit et les photos.

Sache que personne ne se moquera. L'important c'est que tu es eu une expérience qui t'a fait prendre du recul sur ton matos et qui t'aidera à t'alléger pour tes prochaines balades.

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#7 23-04-2019 08:53:19

Francois89
Membre
Inscription : 21-03-2019

Re : [Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Merci pour tous les commentaires!

@Florecia : je suis très heureux de t'avoir présenté un membre de la famille!  smile

@trois flèches
voici quelques données complémentaires issues du livre "survivre, comment vaincre en milieu hostile" de Xavier Maniguet
Limites de résistance de l'organisme  sans apport d'eau
32 degrès - 3 jours
26 - 4 jours
21 - 6 jours
15 - 17 jours

Par ailleurs, à des températures inférieures à 27 degrés, sans eau, en marchant la nuit et en restant à l'ombre, on peut survire théoriquement 7 à 8 jours et marcher de 65 à 95 km, et avec 4L d'eau 9 à 11 jours et marcher 95 à 240 km.
Bon, chaque cas est particulier, mais cela permet de se décontracter un peu.
Ce qui est important en tous cas, c'est d'avoir en permanence une réserve minimale d'eau pour ne pas se mettre en danger... Cela fait parti de la sécurité...

@trois flèches : jamais utilisé le SOL Emergency Bivy. Je l'ai emmené uniquement si j'avais subit un gros orage.

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#8 23-04-2019 17:25:16

Bilbox
Membre
Inscription : 17-04-2013

Re : [Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Francois89 a écrit :

Ce qui est important en tous cas, c'est d'avoir en permanence une réserve minimale d'eau pour ne pas se mettre en danger... Cela fait parti de la sécurité...

En complément possible, de l'huile d'olive qui est en plus très calorique ôur le poids et permet d'éviter la sensation infernale de gorge sèche en te graissant l'oesophage.

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#9 09-01-2022 16:37:26

Bab73
Membre
Inscription : 09-01-2022

Re : [Récit + liste] Shvil Israel : traversée du Néguev 23 jours-jan 2019

Bonjour et merci pour ton récit :
Je projette de parcourir le schvil en partant d'Eilat vers le 1er mars et retour vers le 15 avril.
J'ai des questions surtout pratiques à te poser :
- qu'as-tu acheté comme carte sim pour communiquer : internet et téléphone,
- peut-on facilement recharger des batteries de secours ? où et tous les combien de jours environ,
- trouve-t-on des nouilles chinoises ds les magasins ? (la base de mon alimentation en rando)
- Sais tu si les nuits sont encore très froides début mars dans le Negev ?j'hésite entre une tente et un "bivy" (genre de sac de survie)
- Combien de jours au plus peut-on rester sans connexion 3 ou 4 G. Sachant qu'en 4 ans le réseau s'est peut-être bien amélioré.
- As-tu trouvé des sites "incontournables" pour les info, les cartes, et pour les infos de dernières minutes (chemin barré, inondé ou autres )?

C'est tout pour le moment ! big_smile big_smile big_smile Merci

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