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#101 27-08-2019 22:25:46

azerty
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

tout est super beau .... mais pourquoi un réveil matin ?
j’espère que c'est pour cela que tu as balancé ton téléphone par la fenêtre du pioulou le dernier jour ...

je suis impressionné par les étapes.


«L’humain mène une guerre contre la nature. S’il gagne , il est perdu» – Hubert Reeves

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#102 28-08-2019 08:15:46

Doomlike
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Hervé27 a écrit :

#537389@Doomlike : le temps est ce qu'il y a de plus précieux et de plus volatil. Il ne faut pas attendre qu'il vienne à toi, car il s'échappera toujours : il faut le prendre wink !

Je partage cette philosophie depuis un moment déjà :-) Mais je me dis de plus en plus : pourquoi partir loin (et polluer en avion/voiture) quand on peut en prendre plein les yeux à quelques heures en stop/covoiturage de chez soi ?

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#103 28-08-2019 09:14:34

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

azerty a écrit :

#537452tout est super beau .... mais pourquoi un réveil matin ?
j’espère que c'est pour cela que tu as balancé ton téléphone par la fenêtre du pioulou le dernier jour ...

je suis impressionné par les étapes.


Salut azerty  wink

Cette année, pour réaliser la traversée dans le temps imparti (je ne voulais pas dépasser le 15 août, ayant des obligations dès le 17), il fallait impérativement que je cale mes temps de marche quotidiens entre 9 et 10h. L'année dernière dans les Pyrénées j'avais laissé un rythme naturel gérer mes journées, et ça ne m'avait permis "que" 8h par jour (en moyenne, évidemment …). Il m'en aurait coûté 4 à 5 journées de plus cette année si j'avais fait pareil. Pour grapiller ces ~1h30 supplémentaires par jour il fallait donc un signal pour me sortir du duvet avant les 1ères lueurs du jour, et franchement je ne regrette pas ce "coup de pouce" qui m'a permis de profiter de superbes moments aux petites heures.

En démarrant la marche à ~6h en mode bien dynamique jusqu'à l'arrivée des heures chaudes, à la pause-déjeuner (disons 13h) je peux facilement avoir déjà 5 à 6 h de marche derrière moi. Avec encore ~8 heures de jour "devant", ça me permet de voir venir sans avoir l'impression de trop tirer sur la machine car j'ai alors tout loisir de multiplier les pauses si nécessaire. De plus, avec le soir et des températures plus clémentes, une nébulosité qui se lève et des lumières rasantes, une fréquentation des chemins en chute libre, vient une phase "euphorisante" qui m'a permis de faire des "trips" et affoler les compteurs.

A noter aussi que dans les Pyrénées l'année dernière, j'étais souvent "court" pour rejoindre des lieux de bivouac qui me faisaient envie, tandis que cette année je pouvais beaucoup mieux anticiper et suis finalement presque toujours arrivé à planter le Pioulou là où je l'avais rêvé (même si ça a parfois été un peu tard).


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#104 28-08-2019 09:27:02

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Doomlike a écrit :

#537471

Hervé27 a écrit :

#537389@Doomlike : le temps est ce qu'il y a de plus précieux et de plus volatil. Il ne faut pas attendre qu'il vienne à toi, car il s'échappera toujours : il faut le prendre wink !

Je partage cette philosophie depuis un moment déjà :-) Mais je me dis de plus en plus : pourquoi partir loin (et polluer en avion/voiture) quand on peut en prendre plein les yeux à quelques heures en stop/covoiturage de chez soi ?

Salut Doomlike smile

Tu sais, avant de faire cette Traversée des Alpes cette année et donc de consommer du transport pour rejoindre Menton (essentiellement ferroviaire d'ailleurs), j'ai "brûlé" mes semelles sur 3 000 km (tu as bien lu) rien qu'autour de chez moi et en seulement 6 mois. J'ai mis le réveil plus tôt (5h ou 5h30), et je suis parti marcher ou courir de 10 à 20 km tous les jours en semaine, un peu plus les week-ends. La découverte de tous les petits chemins autour de chez moi à travers les saisons a été un enchantement (et je n'ai pas encore fait l'automne  tongue ).

Du moment que tu pris le temps nécessaire, en partant de n'importe où en France depuis chez toi, il n'y a pas un point du territoire métropolitain qui soit hors de ta portée en 1 mois (8h de marche quotidienne à 4,5 km/h = 36 km / j, x 30 jours = 1 080 km ...). Où que tu sois, tu peux donc découvrir n'importe quelle montagne de France sans brûler le moindre combustible fossile (bon d'accord, à l'aller ... le rayon d'action est moitié plus court en mode A/R, tout le monde n'habite pas à Bourges).


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#105 28-08-2019 12:23:51

Lutosa
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Hervé27 a écrit :

#537479
Du moment que tu pris le temps nécessaire, en partant de n'importe où en France depuis chez toi, il n'y a pas un point du territoire métropolitain qui soit hors de ta portée en 1 mois (8h de marche quotidienne à 4,5 km/h = 36 km / j, x 30 jours = 1 080 km ...). Où que tu sois, tu peux donc découvrir n'importe quelle montagne de France sans brûler le moindre combustible fossile (bon d'accord, à l'aller ... le rayon d'action est moitié plus court en mode A/R, tout le monde n'habite pas à Bourges).

Un doute m’habite sur la conjugaison là...  que tu prennes ? A moins qu’il ne manque un auxiliaire ? Eusse pris ?

Sinon tu as tout à fait raison, mais quand on part de Lille, ça te fait quand même une traversée des Pyrénées en 3 mois minimum (sauf pour Grande Loutre évidemment).
Donc pour moi la formule exploration locale durant l’année en préparation d’un trek plus engagé en été est la bonne formule aussi.
J’ai d’ailleurs découvert qu’il y avait pas moins de deux GR de plus de 200 kms qui débutent à quelques kms  de chez moi (Gr 121 et 122 depuis Bonsecours).

La plaine présente aussi l’avantage d’écarter les dangers liés à la neige en hiver...


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#106 28-08-2019 12:30:04

tacheton
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

35 km/jour c'est quand même un rythme de cheval (pour pas utiliser le mot en argot)!  Faut une sacré motivation pour le faire et surtout le tenir.
En montagne pour moi (bonne santé, mais zero condition), 20/25 km jour est déjà une sérieuse moyenne, et sans nevés pierriers ou autres grimpette qui peuvent rallonger méchamment.
Je suis très admiratif de ton rythme mais je sais un fait : Tu es complètement au delà de toutes les moyennes de distance de 99% des randonneurs, y compris ceux a la journée (donc peu chargés).
Maintenant je co-signe sur les horaires, je pense être régulier (c'est faux bien sûr) mais en randonnant à 2 je me rends compte de l'importance de la plage horaire pour l'étape à cause de ma femme : j'ai l'impression souvent qu'on se traine un peu en journée, mais alors le matin a la fraîche ou le soir, elle bombarde comme dopée par la fraîcheur. J'en viens a planifier des étapes en fonction.

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#107 28-08-2019 15:03:15

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

J10 - 1er août : Vallon dell'Autaret - Vallon de Soustra

10ème jour de marche : déjà ou seulement ? Le départ de Menton semble loin, mais la routine de l'itinérance transforme chaque journée en une parenthèse entre deux bivouacs. Les paysages défilent, je ne fais que passer … Ce sentiment me prend tout au long de mes journées quand je vois mon ombre changer de taille, se réduire d'abord, s'allonger ensuite … j'avais déjà évoqué cette impression d'être un cadran solaire sur jambes. Je suis donc ramené à mes choix : j'ai voulu une traversée dans un délai imparti : je l'ai, je dois en respecter les règles qui veulent que je privilégie la progression sur la contemplation, l'effort sur le farniente, la marche sur le séjour. Heureusement j'ai des photos, des films, des notes, une mémoire pour pouvoir prendre en cet instant le temps de revivre ces instants transitoires en les partageant avec vous. Le récit pour surmonter la frustration perpétuelle du MUL errant  wink !

C'est aussi le 1er août, et donc aussi d'une certaine manière le moment de bascule qui me rappelle que c'est ce mois-ci que j'arrive. Jusque-là je regardais en arrière le chemin parcouru, maintenant je regarde en avant et me fixe sur l'arrivée qui se rapproche. C'est un changement d'état d'esprit plus profond qu'il n'y parait.

Retour au récit :

Et bien une fois n'est pas coutume j'ai eu une nuit sèche et du vent (un peu), et j'avais monté comme il faut ! Le Pioulou est très stable au vent, quelques réglages pouvant cependant être nécessaires pour empêcher un pan de la toile de faséyer. Encore une fois les étoiles étaient magnifiques

Le Soleil vient de se lever, c'est l'heure du petit déjeuner … (lien publicitaire omis par l'auteur lol )
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Je suis en chemin peu après 6h00, pour une montée facile au col dell'Autaret (2 875 m) dans les lueurs du levant.

du Col dell'Autaret, vue arrière sur le vallon
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Du Col je m'engage sur la crête pour me rapprocher de la Tête de l'Autaret (3 015 m) toute proche, et engager le spectaculaire itinéraire de sommets (Pelvas de Chabrière 3 157 m, Tête de Gandin 3 155 m, Tête de Malacoste 3 212 m …) qui doit m'amener au Col du Longet. Après un début d’exploration jusque là où je suis supposé descendre en contrebas du Col de Chabrière (2 914 m), je suis pris d'une hésitation : j'ai beau scruter le vallon, je n'aperçois rien qui ressemble à un sentier dans cette descente, ni pour la remontée en face vers le Pelvas de Chabrière. Je ne vois que de vertigineuses arêtes rocheuses et des éboulis. Je prends le temps de l'observation, puis de la réflexion, et enfin de la décision. C'est sans amertume et très posément que j'admets que l'itinéraire que j'ai tracé sur cartes et que j'ai maintenant sous  les yeux (même sans voir de chemin), n'est pas pour moi. C'est donc un renoncement à la crête des 3000 m : je ne me sens pas à niveau, je suis seul sans co-équipier, face à un niveau de difficulté non identifié. Peut-être une certaine lassitude née des efforts soutenus des jours précédents a-t-elle joué, et l'organisme réclame, pour une fois, un peu de facilité. A certainement joué aussi ma prise de risque que j'ai jugé excessive hier à travers l'éboulis pour atteindre la Forcellina … A force de jouer, on finirai par perdre ...

J'actionne donc avec un lâche soulagement mon itinéraire de secours (alors que la météo est magnifique, juste un vent froid d'altitude un peu désagréable ce matin) : la descente le long du torrent de Chabrière en direction de l'Ubaye pour de là remonter vers le Col du Longet.

Sauf erreur de ma part, il me faudrait me faufiler dans ces barres rocheuses pour atteindre le semblant de col à gauche du Pelvas de Chabrière (tout à droite)
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Demi tour, droite ! Ce sera la descente du vallon de Chabrière vers l'Ubaye
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Avant de descendre, un ultime regard en arrière : que le Mercantour est déjà loin !
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Le vallon de Chabrière est vite atteint, et vite traversé dans l'ombre et la fraîcheur matinales ...
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… avant que d'amorcer la descente rapide vers l'Ubaye, je passe enfin au soleil ...
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… l'ami du petit-déjeuner !
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Là où je dois la rejoindre la Vallée de l'Ubaye est encore nettement au-dessus des 2 000 m, et pourtant à mi-chemin de la descente, quand je retrouve le couvert des mélèzes le contraste est saisissant, n'ayant plus été en forêt depuis la montée au Col Mercière il y a 4 jours. Avant les chaleurs de la journée, ce retour dans un univers abondamment végétalisé fait l'effet d'une bouffée de fraîcheur.

Dans la fin de la descente je croise un couple à la montée : des deux, c'est elle qui me demande si je vais vers Maljasset (hélas non), car elle a perdu un bâton en chemin et serai heureuse qu’il puisse être ramené en un lieu où elle puisse le récupérer … Pas sûr qu'elle recroise quelqu'un à la descente avant un moment. La douceur du chemin forestier en lacets m'a reposé après des jours d'un univers minéral. "L'atterissage" dans le lit de l'Ubaye est vécu par mes deux jambes comme des vacances ...

Vue arrière vers la confluence du Vallon de Chabrière et de l'Ubaye où je m'engage
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La Haute Ubaye, ça repose ...
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Je saturerais ce fil à publier toutes les belles images qui pouvaient être faites ce jour-là au cours des deux heures de cette longue mais très facile remontée, donc je m'auto-limite ...

L'heure avançant je croise / rencontre de plus en plus de randonneurs, mais sans excès. Je me souviens d'un groupe en pleine pause au milieu du chemin, dont l'accompagnatrice / organisatrice (je ne sais) cherchait à obtenir la remise en marche. Je la charrie sur l'indiscipline de son équipe, et tout en marchant nous discutons de la météo (orage ? pas orage ?) dont elle se méfie pour cet après-midi (je réceptionne précieusement l'info, n'ayant pas eu de connexion réseau depuis un moment). Un petit prêche MUL pour faire bonne mesure, et il nous faut nous séparer car son groupe haletant derrière la supplie de l'attendre …

Une carcasse d'avion au milieu des moutons. Quel drame s'est déroulé là ?
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Arrivé vers 11h30 aux abords du Col, je juge que si la nature a pourvu le site de multiples lacs, c'est pour une bonne raison. J'en réquisitionne un suffisamment à mon goût (eau claire, un peu d'herbe, de quoi étaler mon fatras, de l'ombre …) et passe en mode détente ….

Impression d'être perpétuellement épié par le Viso … Vite à l'ombre au bord du lac !7wzSLZT5q.2019-08-01-11.jpeg

Tous les ingrédients d'une pause réussie ...
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Comme mon itinéraire bis du jour m'a fait gagner beaucoup de temps (ça déroule sur ces chemins de fond de vallée !), j'ai le temps de réfléchir à la suite des évènements. Ce matin il me restait 2 jours de réserve dans le sac (l'allègement se ressent !), ce qui signifie qu'il me faut être à Montgenèvre ou Clavière après-demain matin si je ne veux pas découvrir ce qu'est l'hypoglycémie … J'estime la chose possible si je suis en mesure d'atteindre les abords du Refuge du Viso ce soir, mais tout cela me parait juste, juste … La variété et les aliments plaisir ont désormais disparu (les œufs durs de Jean-Pierre, les TUC, le chocolat, le saucisson …), ne restent que la semoule, les soupes, les barres de céréales, les noix et fruits secs …

Les archéologues du futur débattrons doctement de l'adoration du Mont Viso par notre civilisation mégalithique
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Un peu avant 13h je quitte ma villégiature lacustre pour (dé)passer le Col du Longet et aussitôt remonter vers le Colle Blanchet (2 897 m).

Dans la montée je rencontre deux randonneuses italiennes (Sonia et Luisa, je vous salue ici !) qui m'interpellent sur mon sac, mon trajet etc. Depuis notre discussion elles sont certainement passées par RL, tant l'idée d'alléger leurs randos semblait les motiver. En tout cas elles habitent dans le coin : les MULs sont les bienvenus à héler "Sonia, Luisa !" quand ils franchissent la frontière par ici (c'est elles qui l'ont dit cool  !).

Quelques gouttes de pluie viendront m'humecter dans la fin de la montée tandis que je reste au soleil : juste un très léger grain, mais signe que la météo a maintenant tourné après les éblouissantes journées précédentes.

De la pluie au soleil avant le Colle Blanchet, sous l'œil du Viso : Montagne Solitaire ou Caradhras ?
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Au Colle Blanchet en regardant vers Saint Véran, les Ecrins au loin, et un grain menaçant à l'horizon
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Du Colle Blanchet mon incursion sur les crêtes est courte, puisque c'est juste un crochet "touristique" que j'ai inclus à mon parcours avant une grosse redescente en Italie (800 m de D-) pour rejoindre et remonter le Val Soustra vers le Col de Losetta.

Au pied de la cime Terra Nera, je rencontre une famille en pleine dispersion, les uns pour atteindre la cime par la crête, les autres par le Colle Blanchet, et encore d'autres qui changent d'avis pour passer d'un itinéraire à l'autre. La meilleure recette pour faire des bêtises ... A mon passage Madame interpelle Monsieur à mon sujet : "tu as vu, un tout petit panneau solaire comme tu cherchais !". J'aurai l'obligeance de donner la référence wink .

J'arrive bien plus vite que je ne croyais au col de St Véran que je voyais beaucoup plus loin. J'en profite pour une anecdote post-traversée, puisque j'ai réalisé depuis lors qu'un de mes cousins fortement investi dans l'astronomie amateur vient séjourner chaque année à l'Observatoire du Pic de Château Renard (2 989 m), géré par l'Association Astro Queyras. Sans le savoir j'ai abondamment photographié ledit pic, où je suis d'ailleurs cordialement invité (3ème sommet de droite à gauche de la crête en deuxième plan sur la photo précédente)...

Descente du Col de St Véran : la météo devient incertaine, le Viso menaçant ...
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La descente dans les prairies d'altitude en direction de Chianale (je bifurque bien avant le village) est longue et monotone, surtout avec la brume qui s'installe et inhibe les vues et les sons.

Dans cette enveloppe ouatée je croise une "madonnina", petit abri sous roche / sanctuaire / oratoire garni d'ex-votos.

Vers la fin de la descente le GR est enclos dans les prés à vaches : son état y est déplorable.

Je remonte un éperon herbagé et passe devant le bâtiment totalement ruiné du Ricovero Vittore Emmanuele III.

Juste avant d'atteindre enfin la route, je traverse un troupeau de vaches dont certaines ont leur veau à leur côté, je me méfie …

Ambiance ...
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Au dos et à l'intérieur du rocher précédent
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Là bas devant, tout est défoncé par les vaches. Par temps de pluie, autant marcher dans de la confiture ...
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Sinistre ...
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Quand j’atteins la route du col Agnel, la « coupe » que j’avais repéré pour rejoindre la Grange del Rio me semble moins évidente que sur ma carte. Tant pis, je prends la route (jolie cascade, et je peux prendre mes SMS et mettre mes communications à jour tout en marchant et le temps d'un peu de réseau).

Il est 16h30 quand je m'engage dans le Val Soustra, et le Col de Losetta ( 2 872 m) qui en est le débouché est donné à 2h30, le Passo di Vallanta à 4h00 (ce qui me semble très exagéré …). Si j'en crois ces panneaux je ne pourrai être redescendu vers le possible bivouac près d'un lac au pied du Col de Vallante que vers 21h00 … Un peu tard et risqué dans cette ambiance lourde de brume qui fait craindre l'orage : pas les bonnes conditions pour un "trip" du soir.

Au passage devant les cabanes de la Grange Bernard, 3 chiens s’agitent en ma présence : je serai tout étonné d’en trouver un encore derrière moi 200 m plus loin, m'ayant suivi silencieusement jusqu’à ce que je quitte le périmètre de la ferme (pour un peu et si ç'avait été un patou, j'aurai pu me prendre un coup de croc aux fesses par surprise … Rien de tel avec un border collie).

Je dois aussi traverser le champ à vaches, et un tout jeune veau (quelques jours) est passé du mauvais côté de la clôture : je dois passer entre lui et sa mère qui l'appelle. Au final il la rejoint de lui même : tout va bien.

Remontée facile (mais longue) du Val Soustra, au milieu des troupeaux et bergeries
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Un couple croisé à la descente me renseigne sur les possibilités de bivouac au pied du col de Losetta (réponse oui) et m’informe de la présence d’une cabane (pourtant sur ma carte mais on n'a parfois plus les yeux en face des trous). L’idée pour une fois d’un bivouac à 18h, en dur et sans montage de tente, avec le torrent à proximité (toilette , lessive, étirements...) finit de me motiver. Cette (pas si) longue étape de transition et le temps maussade de cet après-midi ont instillé de la lassitude.

Je trouve et prends possession du vieil abri en pierre, au sol de terre froid et humide : je vais tester ma combinaison « sol froid » qui m’avait tant manqué dans les Pyrénées. Je vais surtout pouvoir prendre le temps de me remettre en état de marche à la lumière du jour, même si la brume me cachera le soleil presque toute la soirée. Dommage, car mes batteries se vident à force de multiplier photos et vidéos sous les nuages …

1ère nuit en cabane de la traversée : home ...
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… sweet home !
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Rigolez pas, c'est important !
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Pas mécontent de ma porte / étendoir à linge / avertisseur d'intrus quadrupèdes (de grande taille)
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Au compteur : 32 km / D+ 2 148 m / D- 2 309 m / marche ~9h20

J'ai aimé smile :
- la Haute Ubaye, le Col Longet
- un bivouac avec du temps disponible

J'ai regretté sad  :
- vivre comme un renoncement quelque chose qu'en premier lieu je n'aurai pas du planifier pour moi-même

Si c'était à refaire wink  :
- je ne m'en assurerai que le lendemain, mais j'aurai largement eu le temps de passer de jour les cols de Losetta et Vallante, mais j'aurai manqué quelque chose (RDV ép. 11)

Le matériel :
- le porte-badge enroulable qui retient mon téléphone donne des signes de faiblesse. J'étais averti …
- les améliorations de mon couchage ont amélioré la donne pour ce sol froid et humide, mais j'eus mieux fait de planter le pioulou à l'extérieur

Le bonhomme :
- un poil de lassitude après les riches journées précédentes, mais le physique reste largement au RDV


Itinéraire / Profil / Progression
Crédits www.calculitineraires.fr

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7wA1tgt5Z.Progression-10.jpeg


La Vidéo J10


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ÉDITs :
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Dernière modification par Hervé27 (03-12-2019 07:57:13)


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#108 28-08-2019 15:05:12

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Lutosa a écrit :

#537506

Hervé27 a écrit :

#537479
Du moment que tu pris le temps nécessaire, en partant de n'importe où en France depuis chez toi, il n'y a pas un point du territoire métropolitain qui soit hors de ta portée en 1 mois (8h de marche quotidienne à 4,5 km/h = 36 km / j, x 30 jours = 1 080 km ...). Où que tu sois, tu peux donc découvrir n'importe quelle montagne de France sans brûler le moindre combustible fossile (bon d'accord, à l'aller ... le rayon d'action est moitié plus court en mode A/R, tout le monde n'habite pas à Bourges).

Un doute m’habite sur la conjugaison là...  que tu prennes ? A moins qu’il ne manque un auxiliaire ? Eusse pris ?

Oups ! tu as pris

dsl


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#109 28-08-2019 15:29:00

Lutosa
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Hervé27 a écrit :

#537528J10 - 1er août : Vallon dell'Autaret - Vallon de Soustra


Une carcasse d'avion au milieu des moutons. Quel drame s'est déroulé là ?
https://www.randonner-leger.org/forum/u … 01-11.jpeg

Apparemment plus de peur que de mal pour celui-là: https://www.altituderando.com/Bric-de-R … alsa-3328m

Au cours de la descente, on rencontre une épave d’avion de tourisme. Le crash étant survenu en hiver, la neige a amorti l’impact et les occupants en sont sorti indemnes. D’après un habitant de la vallée, au printemps le curé de Saint-Paul a suscité la curiosité des habitants. Le siège conducteur de sa Citroën Dyane, était un... siège d’avion.

Mais ce n'est hélas pas toujours le cas dans cette région, notamment quelques jours avant ton passage du côté du col de Larche: https://www.ledauphine.com/haute-proven … -de-larche J'étais à Larche le samedi qui a suivi, tout le monde ne parlait évidemment que de cela.


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#110 28-08-2019 15:35:04

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

tacheton a écrit :

#53750835 km/jour c'est quand même un rythme de cheval (pour pas utiliser le mot en argot)!  Faut une sacré motivation pour le faire et surtout le tenir.
En montagne pour moi (bonne santé, mais zero condition), 20/25 km jour est déjà une sérieuse moyenne, et sans nevés pierriers ou autres grimpette qui peuvent rallonger méchamment.
Je suis très admiratif de ton rythme mais je sais un fait : Tu es complètement au delà de toutes les moyennes de distance de 99% des randonneurs, y compris ceux a la journée (donc peu chargés).
Maintenant je co-signe sur les horaires, je pense être régulier (c'est faux bien sûr) mais en randonnant à 2 je me rends compte de l'importance de la plage horaire pour l'étape à cause de ma femme : j'ai l'impression souvent qu'on se traine un peu en journée, mais alors le matin a la fraîche ou le soir, elle bombarde comme dopée par la fraîcheur. J'en viens a planifier des étapes en fonction.

En montagne il conviendrait de s'exprimer en heures de marche ou en kilomètre - effort (kmE, où tu transformes les dénivelés en équivalent de km sur le plat). J'ai réussi sur cette traversée à me calibrer sur des journées à ~50 kmE : soit 5 kmE/h x 10h, et avec des extrêmes de 38 et 67, hors journées "tronquées". Ce que je décris est donc substantiellement inférieur à ce que je fais (dont j'admets et m'enorgueillis que ce ne soit pas dans la moyenne cool …)

Je n'ai que 3 traversées à mon actif à comparer entre elles, mais il est clair que celle-ci aura été la plus sportive et intense. Je ne rentre pas dans le détail du calcul mais je formule cela en dépense énergétique vs métabolisme de base : ma 1ère traversée alpine était évaluée à 2.5, ma HRP à 3.0, cette 2nde traversée alpine à 3.5 … GrandeLoutre a du flirter avec 4.5 ou 5.0 sur sa HRP TGV...


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#111 28-08-2019 15:37:38

Shanx
Sanglier MUL
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Comment est-ce que tu calcules tes kmE ? 50kmE/j est aussi souvent ma cible, mais du coup pour moi ça correspond à 30km + 2000m D+. J'ai l'impression que tu fais bien plus que ça quotidiennement.


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#112 28-08-2019 15:51:21

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Shanx a écrit :

#537534Comment est-ce que tu calcules tes kmE ? 50kmE/j est aussi souvent ma cible, mais du coup pour moi ça correspond à 30km + 2000m D+. J'ai l'impression que tu fais bien plus que ça quotidiennement.


Salut Shanx,

J'aime bien les formules compliquées, mais en gros c'est 1 kmE =

1km à plat
200 m en D+
300 m en D-

à chacun d'ajuster selon son ressenti et ses performances, ma version "complexe" de cette formule est parce que j'essaye de calibrer ces chiffres pour que ma vitesse en kmE/h soit égale à ma vitesse en km/h sur le plat, mais le résultat est au final très proche de ces chiffres.

Pour bien faire il faudrait aussi pouvoir valoriser la nature du chemin : ce n'est pas la même chose de marcher sur une route goudronnée plane que de traverser un pierrier à flanc avec une pente de 40°, si tu vois ce que je veux dire roll … Pourtant c'est la même chose quand on le "lit" sur une carte  hmm ou dans un logiciel de cartographie.


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#113 28-08-2019 15:53:33

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Lutosa a écrit :

#537532

Hervé27 a écrit :

#537528J10 - 1er août : Vallon dell'Autaret - Vallon de Soustra


Une carcasse d'avion au milieu des moutons. Quel drame s'est déroulé là ?
https://www.randonner-leger.org/forum/u … 01-11.jpeg

Apparemment plus de peur que de mal pour celui-là: https://www.altituderando.com/Bric-de-R … alsa-3328m

Au cours de la descente, on rencontre une épave d’avion de tourisme. Le crash étant survenu en hiver, la neige a amorti l’impact et les occupants en sont sorti indemnes. D’après un habitant de la vallée, au printemps le curé de Saint-Paul a suscité la curiosité des habitants. Le siège conducteur de sa Citroën Dyane, était un... siège d’avion.

Mais ce n'est hélas pas toujours le cas dans cette région, notamment quelques jours avant ton passage du côté du col de Larche: https://www.ledauphine.com/haute-proven … -de-larche J'étais à Larche le samedi qui a suivi, tout le monde ne parlait évidemment que de cela.

Merci de l'info !


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#114 28-08-2019 17:00:14

tacheton
Membre
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

(dont j'admets et m'enorgueillis que ce ne soit pas dans la moyenne cool …)

Tu as bien raison ! avec toute ta préparation et les résultats, la fausse modestie ferait tache.

1km à plat
200 m en D+
300 m en D-

Je ne connaissais pas du tout, un vite calcul et je vois que c'est cohérent par rapport a certaines étapes que je peux faire. En gros, à 35 kmE je commence à me trainer comme une tortue, au dessus de 40 je suis cramé.

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#115 29-08-2019 12:22:48

kodiak
Pas assez léger, mon fils!
Inscription : 09-06-2014

Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

D'autres formules et plus d'infos sur le wiki : Kilomètre-effort


Lâche ce clavier, attrape ton sac et pars marcher!
Il y a toujours un objet plus léger que celui que tu portes dans ton sac : celui que tu as eu le courage de laisser chez toi.
« Strong, light, cheap, pick two » (*)

| k

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#116 29-08-2019 14:38:03

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

J11 - 2 août : Val Soustra - Bivacco Soardi

Je m'en étais un peu douté hier, mais il eut été plus confortable de planter le Pioulou à l'extérieur de l'abri en pierre. A cette altitude (~2 540 m) et perpétuellement à l'ombre, le sol de cet abri reste très froid, et j'ai mobilisé tout ce que j'ai pu pour m'en isoler : j'ai en particulier récupéré le sac à dos que j'avais suspendu à un crochet (crainte des éventuels rongeurs, mais je n'en ai ni vu ni entendu) pour l'étaler sous mes pieds et jambes. Avec l'Arkmat et le SOL Escape Bivy, c'était nettement mieux que ce que j'avais ressenti dans les Pyrénées, mais un tapis d'herbe qui a chauffé dans la journée aurait été moins glaçant … Pour couronner le tout, bien que placée dans le courant d'air de l'entrée, je récupère ma lessive aussi mouillée qu'après l'essorage d'hier soir … brrr !

Le bon côté de l'abri en dur, c'est qu'on remballe plus vite : je suis en chemin dès 5h55 pour la rapide ascension du Col de Losetta tout proche (D+ 330 m tout de même), atteint en 35 mn.

Arrivée rapide au Col de Losetta (2 872 m)
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Si j'avais des regrets de n'avoir pas poussé les feux hier soir, ils sont instantanément dissipés par le spectacle que, hier dans la brume, j'aurai totalement manqué … Avant de le partager, je dois me jeter des cendres sur la tête pour les œillères mentales derrière lesquelles je m'enferme dans ce mode "Traversée" : obnubilé par le chemin, les distances à parcourir et les dénivelés à franchir, j'en oublie de scruter ma carte pour tout ce qui se trouve de part et d'autre. En déroulant les kilomètres hier après-midi dans le Val Soustra, et considérant Losetta pour un col comme tant d'autres, j'en avais totalement négligé ce qui se trouvait en face :

… le Viso !
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Quelques mètres en effet avant l'arrivée au col, la monumentale Montagne Solitaire s'impose à moi, dominant de 1 000 m tout son environnement. J'en ai une exclamation de stupeur, et reçoit cette vue époustouflante comme le cadeau le plus inattendu ... En aurait-il été de même si j'avais scruté ma carte au préalable ?

Pris de strabisme et d'un torticolis à tenter de garder le Viso dans mon champ de vision tout en regardant où je pose les pieds, je passe par l'ancien casernement d'aspect ruiné qui se trouve sous le col. L'intérieur est en moins mauvais état que ce que les extérieurs en laisse paraître, cela reste un abri utilisable. Je descend encore un peu pour atteindre la bifurcation vers le Col voisin de Vallante (2 811 m), apercevant en contrebas au bord d'un petit lac tout en longueur le refuge du même nom.

Le refuge de Vallante est à peine discernable au bord de ce lac
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La marche est pratiquement à flanc pour rejoindre le Col de Vallante, ce qui est chose faite sans m'être pressé 40 mn après avoir passé Losetta, en ayant pris le temps d'admirer la vue, de visiter le casernement un peu à l'écart du chemin, de filmer des bouquetins ... Mon panneau d'hier qui plaçait le col de Vallante 1h30 après celui de Losetta était carrément fumeux ! Plusieurs façons de traverser le col en fonction de l'état du névé qui l'occupe : en ce début août je mixe les blocs de rocher et la marche sur neige.

Le Viso juste avant de passer le Col de Vallante ...
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… pendant le passage ...
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… juste au col ...
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… et encore un peu après !
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La vue hypnotisante de LA Montagne ne doit pas me faire oublier où je mets les pieds, mais l'éboulis de gros blocs entrecoupé de névés qui redescend dans la vallée ne présente pas de difficulté, hormis la fatigue que ce genre de terrain génère (qu'en aurait-il été si je l'avais descendu hier soir, dans la brume, à la fin d'une longue journée ?).

Le petit lac de Lestio au pied du Col est atteint à 8h00, à peine 2 h00 après avoir levé le camp ce matin. Je repère mécaniquement plusieurs beaux espaces de bivouac, pour une autre fois peut-être, sinon pour la future sortie d'un lecteur ? J'aurai pu y être dès hier soir pour un bivouac vers 20h00/20h30, mais l'euphorie des vues de ce matin efface tous les regrets. Je garde quand même dans un coin de mon esprit qu'il n'est plus envisageable d'être à Montgenèvre avant le courant de la journée de demain, et que mes vivres sont courts … Les dernières prévisions météo que j'ai pu prendre sont aussi à l'orage pour cet après-midi, ça sent encore le Plan B ...

Lac de Lestio (~2 520 m)
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De là le chemin déroule jusqu'au refuge du Viso, d'où les groupes se mettent seulement en chemin après leur petit déjeuner quand j'y arrive à 8h30. Je ne m'arrête que quelques instants le temps de reconfigurer ma tenue et mon sac puisqu'à la fraîcheur du matin je marchais jusqu'ici avec polaire + veste imper en coupe-vent. Le refuge étant encore à l'ombre (l'arrivée du soleil n'était plus l'affaire que d'1/4 h environ), je décide de ne pas prolonger cet arrêt en pause et de poursuivre immédiatement en direction du Col Sellière (2 834 m).

Le Viso (je ne m'en lasse pas, et vous ?) depuis son refuge
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Au pied du col Sellière et alors que je vais enfin passer au Soleil, le temps de montée annoncé par le panneau est de 1h20, pour un D+ de 380 m. Bien en forme je décide de profiter de cette ascension pour "calibrer" ma vitesse de montée, car je ressens de plus en plus de facilité depuis mon départ (le sac s'est allégé ainsi que ma personne, souffle et muscles sont bien en phase …) : je mettrai 40 mn, soit 570 m à l'heure ou presque 10 m / mn. Dans la montée j’ai dû paraître rustre à 2 randonneurs que je croise, et qui cherchent à ouvrir la conversation au-delà du "bonjour" en me demandant si je fais le Tour du Viso. La réponse fuse : « Non, je fais la Traversée des Alpes ». Je capte deux regards un peu ahuris vers mon sac, lance un « bonne journée !» et je continue lol . Je n'ai pas voulu lâcher mon chrono roll ...

Du Col Sellière je salue une dernière fois Qui-Vous-Savez ...
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… et plonge dans la descente vers le très beau Val Pellice
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Au début la redescente est raide. A la croisée d'un long groupe d’ados encadrés (cf photos), je me serre et attends patiemment la fin d’une séance de portraits photo que l'animateur à l'arrêt opère à chaque passage devant lui d'un de ses protégés, dans une belle lumière et avec la vallée en fond. Il me propose de passer mais je lui réponds que je ne voudrais pas qu'il se trouve un ours mal léché à contresens sur toutes ses belles photos lol

La descente s'adoucit progressivement, puis se végétalise. Je croise un couple à la montée avec 2 jeunes enfants (~2 et 3 ans) en porte-bébé, marquant la pause dans les rhododendrons où s'affairent les enfants. Ils semblent bien organisés mais au vu de ce qui leur reste à monter je préfère ma charge à la leur, d'autant que le fond des porte-bébés doit être bien garni de leur nécessaire de rando. Je suppose qu'il visent le refuge du Viso ?

En 40 mn (soit ~700 m / h de descente sans m'être pressé, puisque je suis lancé dans ce genre de calculs) je suis rendu aux abord du très joli "Rifugio Battaglione Alpini Monte Granero", et du "Lago Lungo" à son pied. Un kayak se trouve en bord de lac (accessible aux pensionnaires ?), et je me prends à rêver de pagayer un peu … Le cadre est bucolique, je marche depuis 4 heures et c'est une invitation non résistée à la pause café / séchage au bord de l'eau. Dans ces instant de repos, j’observe les formations pré-orageuses plus loin dans la vallée, et tente d'estimer mentalement les cibles que je peux atteindre avant que tout cela ne prenne mauvaise tournure.

Très sympathique Rifugio Battaglione Alpini Monte Granero
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La pause : un œil sur l'eau, l'autre sur le ciel
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Je ne reste qu'1/2 h car dans mon esprit je fais la course contre la météo d'un côté, l'épuisement programmé de mes ressources alimentaires de l'autre. J'ai dû pêcher par optimisme quand, hier matin depuis la Haute Ubaye, je croyais pouvoir joindre Montgenèvre dès ce soir ! Maintenant je me demande même si cela pourra être demain soir (réponse : non). Si j'ai tout de même fait attention à ne pas engloutir trop vite mes calories, à partir de demain je n'ai plus que des barres de céréales avant de joindre le point de ravitaillement visé … Je ne panique pas pour autant : il y a ici des refuges et des options caloriques autres que les commerces bien achalandés d'une horrible station de ski …

La suite de la descente me laisse un agréable souvenir, fait de l'odeur des rhododendrons, de la douceur des mélèzes et du goût des myrtilles tongue … Le chemin est excellent (sauf juste avant d'atteindre le fond de vallée, dévié par des travaux de construction). Ici et là des bancs invitent à la pause contemplative. Bref, une promenade que je pourrai toujours refaire dans 30 ans (j'espère !).

Cénotaphe à un équipage US crashé ici en 1957, fait d’une hélice et d’éléments de moteur qui parsèment encore les environs
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Une fois en fond de vallée je marche sur la piste. Visiblement la forêt dans le large lit du torrent a été ravagée par les avalanches, et les forestiers se sont affairés ces dernières années à nettoyer les "ruines" de cette couverture boisée disparue (ici et là, des tas de bois en témoignent). Je croise aussi un étonnant camping sur pilotis, aménagement sans doute judicieux à proximité d'un torrent susceptible de largement déborder lors des orages ...

Regard en arrière au hameau de Partia d'Amunt
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Camping sur pilotis sylvestre
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Arrivée au refuge Willy Jervis (la Ciabotta dell Pra)
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Il est 12h15 quand je passe au refuge, et entre la brume qui monte de la vallée et les cumulo nimbus en formation observés précédemment, il me faut décider de remonter dès maintenant dans les hauteurs pour franchir l'un ou l'autre col avant l'orage, ou courir le risque de rester coincé. Je décide alors de tenter la météo et d’entreprendre le joli sentier de liaison vers les chalets d’alpage d’Alpe Crosenna, et donc de ne pas quitter mon itinéraire frontalier. J'envisage les ressources si le temps devait se dégrader plus vite que je ne l'envisage : pas grand'chose de possible avant Alpe Crosenna (mais je devrais avoir le temps de l'atteindre), et ensuite il faut aller chercher le Col Bouchet (Bucie en italien) pour trouver le bivacco Soardi que je vois sur ma carte (dans la terminologie italienne telle que je crois la comprendre : bivacco = refuge non gardé, rifugio = refuge gardé).  Entre-deux je ne peux compter que sur des ruines (?), des abris naturels et sur mon pioulou, ou sur ma capacité à affronter les éléments ...

Evidemment je ne regarde pas mes cartes en détail, et là où je lis bien 900 m de D+ entre Willy Jervis et le Bivacco Soardi, qui me font dire que ce sera torché en 2h, j'en néglige de voir que je monte d'abord de 350 m, en redescend 400 pour en remonter 950 … Ce sera donc 4h30 pour atteindre le Col Bouchet ...

Le chemin que j'emprunte monte en bons lacets à travers les mélèzes vers les alpages, même si les vieux lacets sont souvent maintenant enherbés (je les emprunte quand même) et que des sentiers de coupe ont prétendu les raccourcir. Je me réjouis de la montée rapide, ignorant de la redescente qui s'ensuivra roll ...

entre brumes et soleil, une belle montée vers les alpages
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Je croise un troupeau gardé par des chiens indolents se dorant la pilule au soleil, et qui ignorerons superbement ma présence. Venant d'en face, un couple de randonneurs envisage de contourner le troupeau, je pourrai leur dire de ne pas prendre cette peine !

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Celle-là, c'est juste parce que les couleurs pètent bien !
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J'arrive un peu par surprise à la bifurcation du "bon" sentier, qui monte direct vers le Col d'Urine (sic) en direction de Valpréveyre, Le Roux, Abriès sur le versant français. J'aurai pu "tracer" dans cette direction pour franchir plus vite les crêtes, mais je m'en tiens à ce que j'ai programmé et "décroche" sur la sente à peine visible en direction d'Alpe Crosenna : je ne m'attendais pas (à la lecture de la carte) à ce changement qualitatif.

Dès les 1ers mètres il s’avère, au vu de la végétation qui y déborde, que le sentier est peu fréquenté (bien que très beau) et … il se met à pleuvoir : assez pour que j’enfile la veste de pluie, mais heureusement cela se limitera à des grains intermittents. Est-ce un signe pour me faire renoncer à mon choix d'itinéraire ? Sous la pluie, dans la brume qui est montée et m'enveloppe, sur cette toute petite sente à flanc de prairie juste au-dessus de la limite des arbres, je me sens soudain très seul et me demande si ce chemin oublié de tous ne va pas disparaitre sous mes pieds, m'abandonnant à une progression à l'azimut en terrain inconnu … Dans les instants où la brume se déchire, j'envisage à quel point les vues doivent être belles sur les montagnes et la vallée alentours.

ambiance ...
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C'est au moment précis de cette réflexion sur ma solitude que je croise un groupe d'une dizaine de personnes que j'entends discuter en français. A la suite du traditionnel "d'ou venez vous ?" on me répond "de Suisse", et j'enchaîne « ça tombe bien, j’y vais ! » cool, avant de retomber dans l'ésseulement.

La pluie a été suffisante pour faire sortir ces salamandres noires (j'en verrai un grand nombre), endémiques parait-il au Val Pellice
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L'étroitesse et tous les signes de faible fréquentation du chemin font que je suis tout autant surpris quand, quelques minutes plus tard, arrive un quatuor de retraités français, tandis que j'ai bien amorcé la descente vers Alpe Crosenna. Notre discussion est un peu plus longue, et ils me disent être passés par le Col Bouchet, mais veulent m'avertir que le gardien n'était pas là ("ah bon, il est gardé ?"), et qu'une affichette annonçait l'ouverture pour 18h aujourd'hui ("ah bon, il était fermé ?"). Moi qui m'attendais à une cabane ouverte, j'imagine maintenant une usine à randonneurs (je me trompe totalement) …

Il y a des morceaux un petit peu plus raides (et glissants sous la pluie) dans la fin de la descente vers Alpe Crosenna, où j'arrive sous le soleil après avoir remballé la veste de pluie. Le hameau est occupé par la vacherie, le troupeau à cette heure encore beaucoup plus haut dans l'alpage. J'attaque aussi sec la montée vers le Col Bouchet, ne sachant si l'orage ne va pas suivre les ondées que j'ai déjà reçu.

Alpe Crosenna en bas. Le Bric Bouchet (?) en haut, le col que je vise invisible plus à gauche
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Dans la montée, tant que je n'aurai pas dépassé l'altitude à laquelle stationnent les vaches de l'autre côté du torrent, je serai la proie de l'agressivité des taons. Il me faut 1h30 pour rejoindre le petit col intermédiaire du Colle del Boine (2 395 m), et 1/2 h de plus pour le Col Bouchet, au pied duquel une belle source est aménagée (environ 100 m de dénivelé en contrebas). Voyant les indications de cette source, j'y fais le plein, car cela semble dire qu'il n'y en aura pas de potable au refuge ...

Le temps est incertain, les taons sont agressifs ...
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étonnant passage du Colle del Boine (2 395 m)
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Au premier regard je tombe sous le charme du Bivacco Soardi. Le bâtiment est tout petit : une salle commune / refuge d'hiver en libre accès, faisant office à la fois de salle à manger et de dortoir (3 niveaux de banquettes pour ~18/20 personnes ?), un espace WC/lavabo (eau non potable) fermé hors présence du gardien, une petite cuisine et une chambre pour le gardien (fermés aussi quand j'arrive). Je vois l'affichette promettant l'ouverture à 18h, il est 16h45, très tôt pour moi, d'autant que la menace d'orage se lève et que le temps apparait très ensoleillé sur le versant français. Les environs sont aménagés avec soin et respect des lieux : au-delà des tables en terrasse devant le bâtiment, une terrasse toute en pierres fondue dans le paysage est aménagée de sorte à garder le soleil jusqu'en soirée (le refuge est déjà à l'ombre quand j'arrive).

Bivacco Soardi
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Ce bouquetin tournera longtemps autour du refuge. Au pied du gros rocher dans l'angle gauche de l'image, une belle terrasse aménagée (bancs, table …) exclusivement avec les rochers du lieu
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Une belle vue sur le Viso (je vous en avais parlé ?) et la mer de nuages sur l'Italie
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J'entends des voix et aperçois des silhouettes sur la crête au-dessus du refuge. Bientôt redescendent un randonneur (Nicolas) et ses deux enfants de 9 et 11 ans (je crois). Il a réservé pour ce soir au refuge par courriel, et espère que le petit mot de l'arrivée à 18h sera respecté. En attendant leurs sacs sont posés au refuge d'hiver. Les gardiens sont des bénévoles et il n'est pas toujours possible de faire permanence, et souvent comme ce soir un gardien ne monte que s'il a des clients ayant réservé … Sinon il faut se contenter du refuge d'hiver. Nous sympathisons vite tandis que j'étale ma pause café (le mini P3RS fait l'admiration amusée des enfants !) et je partage le Tomtop avec Nicolas car son téléphone est presque à court de batteries.

Nous échangeons rando, MUL, de la valeur du temps que j'ai pu découvrir depuis 3 ans à travers une activité professionnelle indépendante (et ça le tente !) ...

Je me sens bien ici, et me dis que pour peu que le gardien accepte à dîner quelqu'un n'ayant pas réservé, je vais faire ici le plein de calories et résoudre l'essentiel de ce qui faisait mes interrogations :
- économiser mes derniers vivres pour pouvoir faire la jointure vers Montgenèvre
- profiter d'un bel endroit
- sortir un temps de ma solitude
- raccourcir une journée qui s'annonçait très (trop ?) longue

Alors que l'heure avance et que les 18h sont dépassées, ayant échangé avec lui Nicolas sait que c'est Filippo le gardien qui enfin apparait montant de la vallée, chargé d'un énorme sac à dos. Filippo n'est ici qu'un mulet de circonstance, car il vient de s'avaler 1 500 m de D+ depuis la vallée avec tout le dîner (pâtes, viande, légumes frais, pain, vin et j'en oublie) en plus de ses propres affaires. Pour faire bonne mesure, il a chargé 2 kg de fromages à Alpe Crosenna (une tuerie, ces fromages tongue !)

Aucun problème pour prendre part au dîner, qui avec mon séjour ne me coûtera que € 20 (je règle dès ce soir car je veux décoller à 6h demain matin). Comme Filippo me charriera sur les pièces de monnaie qui m'alourdissent, je m'en délesterai auprès de lui, en échange de quoi je repartirai demain matin avec une barre de chocolat et un assortiment de sandwiches au fromage. Mes craintes caloriques sont définitivement éteintes … La monnaie que je laisse (~5€) est jugée excessive par Filippo, mais j'insiste "pour les bonnes œuvres" et l'esprit MUL cool

Filippo est un triathlète, fondeur, skieur extrême … Il a descendu le Viso à ski … Participe à des compétitions internationales … Le dîner qu'il nous prépare et partage avec nous est l'un des sommets de cette traversée. Il s'excuse auprès de nous que le Génépi ne soit pas préparé tout-à-fait dans les règles de l'art (je n'ai pas tout suivi sur ce en quoi il diffère), mais c'est bien volontiers que j'accepte cette entorse à ma règle du "sans alcool" en randonnée (j'ai décliné le vin …).

Comme on a parlé MUL et que nous sommes en petit comité, le génépi accompagne une revue de sac léger qui intéresse bien mes interlocuteurs, les plus passionnés étant les enfants wink .

Avant cela nous avions assisté depuis le Col à un magnifique coucher de Soleil sur la France. La nuit tombée et la brume dissipée, les lumières des villes de la plaine du Pô nous parviennent. Sous les étoiles, que c’est beau !

Tandis que Filippo s'affaire pour le dîner ...
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… il n'y a bientôt plus que le Viso pour se hisser des épaules et garder un peu de Soleil
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Le Bivacco Soardi compte parmi mes meilleurs souvenirs de cette Traversée. Il est géré par une association et comme je l'ai dit, les gardiens sont bénévoles. Sa dimension modeste et son emplacement exceptionnel en font un point de passage remarquable à tout point de vue. Pour moi, il tombait à pic : c'était ce dont j'avais besoin ! Merci Filippo ! Salut Nicolas !


Au compteur : 27 km / D+ 2 459 / D- 2 459 (pas fait exprès) / marche ~9h20

J'ai aimé  smile  :
- le Viso
- le Bivacco Soardi
- sortir un temps de ma soltiude

J'ai regretté  sad  :
- avoir forcé l'allure pour passer un col où finalement je ne pouvais que m'arrêter

Si c'était à refaire  hmm  :
- prendre plus de temps en chemin
- si le passage au Bivacco Soardi (qui vaut le détour, au risque de paraitre insistant …) n'est pas compatible avec un arrêt en refuge, on peut raccourcir l'itinéraire par les Cols d'Urine ou Malaure

Le matériel : ok

Le bonhomme : ok


Itinéraire / Profil / Progression
Crédits : www.calculitineraires.fr

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La Vidéo J11


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- correction d'une erreur d'image (profil de l'étape)
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#117 29-08-2019 15:05:18

René94
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Ton récit est un pur régal smile


"Je ne suis pas ce qui brille..." (F. Marchet)
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#118 29-08-2019 15:26:22

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

René94 a écrit :

#537627Ton récit est un pur régal smile

Si une icône avec le rouge au joues existait sur RL, c'est celle que je placerai ici !

Venant de toi, le compliment est de taille  smile : j'écris ce que j'aime lire, et tes nombreux C/R sont en tête de liste  wink

Merci  cool !


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#119 29-08-2019 15:33:06

Magne2
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Et les photos le mettent bien en valeur.


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#120 29-08-2019 15:51:34

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Magne2 a écrit :

#537632Et les photos le mettent bien en valeur.

Pour ça, il faut remercier mes téléphones ! A chaque Traversée, ils se tuent à la tâche  lol  lol  lol

(et merci encore  wink )


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#121 30-08-2019 15:31:59

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

J12 - 03 août : Bivacco Soardi - Col de Bousson

12ème journée sur 24, cela ressemble fort à une mi-parcours. Jusqu'ici il y a eu une certaine progression vers toujours plus beau, plus sauvage, plus spectaculaire : au risque de faire perdre de l'intérêt pour la suite du feuilleton, il va maintenant être difficile de trouver mieux à l'approche des zones urbanisées et très touristiques dans lesquelles je vais entrer une fois sorti du Queyras. Il y aura encore quelques étapes "intenses" et riches en émotions, mais entrecoupées de passages de peu d'intérêt dans des zones archi-connues sur lesquelles je n'ai guère de valeur ajoutée à apporter … Je vais m'efforcer de vous les faire vivre telles que je les ai ressenties, mais je tiens à prévenir que la partie de ma Traversée que j'ai le plus aimé touchera bientôt à sa fin roll

Montgenèvre qui est ma cible pour aujourd'hui ne sera que mon deuxième ravitaillement depuis le départ, mais à partir de là je sais que je n'ai plus besoin que de recharger pour 2 ou 3 jours à la fois, puisque se succèderont Modane, Tignes, Les Contamines … Avec le plein de calories du dîner d'hier, ainsi que les sandwiches préparés par Filippo, j'ai largement regagné la journée d'autonomie alimentaire qui me manquait avant d'atteindre les commerces convoités, sans avoir à me détourner. Je vise de bivouaquer peu avant la station, afin d'y passer demain matin à l'ouverture des commerces (le 4 août est un dimanche, j'ai pris la peine de vérifier que les supérettes seraient bien ouvertes).

J'ai une autre contrainte à gérer, celle d'être à Modane pour la fin de journée du 6 août, RDV étant fixé avec ma fille à son arrivée par TGV ce jour-là à 18h, pour m'accompagner dans la Traversée de la Vanoise. Je tourne et retourne l'itinéraire et les distances dans ma tête : c'est largement faisable et me permettra de traîner en route. C'est toutefois l'envie de calories "plaisir" qui va me pousser aujourd'hui à tracer au plus direct, sans doute au détriment du respect des principes de mon itinéraire prévisionnel …

La nuit en refuge me facilite les choses pour mon démarrage matinal. Mon sac prêt dès la veille (je n'ai qu'à changer de vêtements), un réveil à 5h30 suffit pour un départ dès 6h00. Tandis que j'essaie d'être le moins bruyant possible pour ne pas réveiller mes compagnons de dortoir (Nicolas et ses 2 enfants, Filippo ayant sa propre chambre), le premier émerge des couvertures pour pouvoir me souhaiter au revoir et une bonne continuation. Cela n'a l'air de rien, mais fait partie de ces attentions touchantes redevenues importantes quand il s'agit de retourner à une solitude pesante …

Forcément, je ne peux résister à l'envie de partager les vues matinales :

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Du Col Bouchet je remonte rapidement au Col voisin de Valpreveyre (2 737 m), atteint à 6h35. Les vues du versant français depuis ces 2 cols sont moins spectaculaires que celle que du Bivacco Soardi que j'ai quitté, mais au soleil levant elles présentent de belles lumières.

Vue plein Est depuis le Col Bouchet. Je dois regarder en direction de Château-Queyras, quelque part au creux de ces vallées
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Vue plein Nord vers l'Italie depuis le Col de Valpreveyre. Le Rifugio Lago Verde tout proche est masqué à droite de la photo par le rocher
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Il n'est même pas 7h00 quand je longe le Rifugio Lago Verde encore assoupi dans l'ombre, pour de là descendre un peu par la piste avant de remonter vers le Col d'Abriès. Je dois me mélanger un peu les pinceaux entre les panneaux, ma trace GPS et les sentiers que je vois sur le terrain … Pas grave, je coupe un peu dans l'alpage pour rejoindre le chemin du col d'Abriès (vu de France) / San Martino (vu d'Italie).

Tandis que je coupe dans l'alpage pour résoudre un conflit entre ma carte et le terrain, je passe enfin au Soleil
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Col d'Abriès / San Martino (2 659 m). Pourquoi faut-il que les marquages italiens soient si disgracieux ?
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Et maintenant, descendre le Vallon de Saint Martin, pour remonter en face le Col des Thures
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Après avoir longé le petit lac qui aurait fait un beau site de bivouac au soleil couchant (mais à l'ombre, frais et humide au matin …), lorsque le soleil commence d'éclairer le chemin et le fond du vallon, je bifurque en direction du torrent pour ma pause-café (la seule denrée dont je ne manquerai jamais dans ce périple tongue ). Rien à faire sécher, c'est cool ...

La descente est sans surprise mais longue et monotone. Pause incluse, je repasse le torrent pour entamer la remontée 2 h après mon passage du Col d'Abriès. Les chemins ici se perdent un peu, marque et carte se contredisent, mais au final il s'agit de se diriger à flanc des restanques abandonnées pour rejoindre le hameau ruiné de La Montette. Seule la Chapelle y a été courageusement et bénévolement restaurée. Les panneaux explicatifs de cette action sur le patrimoine parlent d'eux-mêmes.

Chapelle Notre Dame des Neiges, au hameau ruiné de la Montette
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Le hameau de la Montette vers 1900 ...
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… et aujourd'hui sad
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L'e... f..., oui, l'alcool, non !
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Je commence à croiser mes premiers randonneurs, et une fois n'est pas coutume à en doubler. Depuis mon départ, si la rareté des rencontres était le reflet de la relative faible fréquentation des chemins empruntés, j'ai aussi été la plupart du temps à contresens de la direction "habituelle" Nord-Sud favorisée par les randonneurs. De ce fait rattraper et doubler quelqu'un était exceptionnel (me faire rattraper et doubler ne m'est pas arrivé une seule fois wink big_smile  !).

Au pied de la montée au Col des Thures (~850 m de D+ depuis la Chapelle), l'ascension est donnée en 3h de temps. Vu la tranquillité de l'itinéraire depuis ce matin, j'estime qu'il est temps de décrasser la machine et de voir si je suis toujours en forme. Je relève l'heure et l'altitude et me voilà parti à cadence soutenue, il me faudra précisément 1h25, soit un très correct 600 m / h : je tiens mes 10 m / mn cool !

Dans la montée et au fil des lacets, j'assiste à une histoire de tuyaux entre bergère et berger … Il s'agit de poser un tuyau de captage depuis une source, et visiblement des graviers ont du se faufiler et il faut parvenir à les expulser. Je salue le coule en plein débat sur la meilleure méthode à employer. Les border collies viennent chercher leur caresse : ils m'ont certainement coûté quelques secondes sur ma performance ! "Ne vous inquiétez pas, ils sont gentils !" .. Je n'en avais pas douté, j'avais remarqué certains traits permettant de les différencier des patous wink !

Je double dans les derniers lacets une randonneuse itinérante très sympa, qui connait RL et la MUL mais n'a pas (encore) franchi le pas. Nous nous parlons un peu le temps que je me rapproche et la dépasse en l'encourageant, puis beaucoup plus longuement lors d'une pause commune au col, à l'abri du vent derrière un muret de pierre. Je lui cèderai un de mes sandwiches au fromage de l'Alpe Crosenna, cadeau de valeur qu'elle a je crois apprécié !

Regard en arrière depuis le Col des Thures, l'adieu (?) à un vieux copain !
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A ta santé, l'Ami ! (ça se fait de trinquer avec un sandwich au fromage ?)
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Bien installé, enchaînant les cafés que je partage avec mon interlocutrice, il me faut 1h avant de me remettre en chemin. Le temps est éblouissant, qu'on était bien là-haut (malgré un peu de vent frais) !

C'est maintenant une longue descente qui m'attend dans le Val Thuras, dans lequel je marche bientôt sur une large piste pour 4x4. Une petite cabane ouverte dans le haut du vallon doit être très prisée, car à la descente je la vois occupée par un petit groupe se dorant la pilule au soleil sur son perron, et par la suite plusieurs groupes de différentes taille (du binôme à 10 personnes …) me demanderont si la place est déjà prise. Il n'y en aura pas pour tout le monde, les pôvres roll

Descente du Val Thuras, le Chaberton droit devant.
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Encore une longue descente monotone en fond de vallon (déjà dit ? c'est que c'était alors vraiment très long et très monotone pour que je me répète comme ça), avec de plus en plus de monde au fur et à mesure que j'approche des parkings. Tout en avançant, j'ai une longue hésitation pour attaquer ou pas l’ascension de la cime Terra Nera (3 100 m), que j'ai placé sur mon itinéraire mais allonge le parcours (il faut repartir plein Sud) et le dénivelé (D+ 1 100 m, puis D- 900 m), et cela risque de faire vraiment beaucoup sur la journée si je veux être au plus près de Montgenèvre ce soir. D'un autre côté, le temps et la vue sont sublimes … A l'inverse il y a sur les crêtes ce vent froid désagréable déjà cité, et un potentiel niveau de fatigue important etc. Je me torture l'esprit pour effectuer cet arbitrage d'itinéraire, car cela ferait encore un 3 000 qui m'échappe ! Ce qui finit de me décider, c'est qu'il est 15h00 lorsque j'atteins la bifurcation qu'il m'aurait fallu prendre, or il me faudra avoir quitté les crêtes pour trouver de l'eau avec certitude et bivouaquer … Cela risque de faire tard … Je me console en me disant qu'il me reste 2 beaux 3 000 emblématiques à faire les 2 prochains jours : le Chaberton et le Thabor. M'attarder ici pourrait me faire manquer de temps là-bas … et bivouaquer plus loin me permettra de me goinfrer plus tôt demain à Montgenèvre … 4 semaines après je regrette encore mon choix …

Poursuite donc de la longue descente du Val Thuras, sur une piste où maintenant je croise aussi quelques véhicules en plus des nombreux randonneurs qui redescendent après leur pique nique d'altitude. Pour tuer la monotonie de la piste, je m'affaire sur mon téléphone pour mettre mes notes à jour (ce qui me permet de vous narrer ici des anecdotes que j'aurai peut-être autrement oublié).

Au hameau de Rhuilles je m’échappe de la piste chaude et poussiéreuse, ainsi que des promeneurs à la journée, pour remonter vers le Col Chabaud. Je rejoins l’ombre des mélèzes, tant pis pour la recharge de mes batteries, tant mieux pour mon bien-être : descendu à moins de 1 700 m d'altitude en plein soleil, je n'avais plus eu aussi chaud depuis de nombreux jours … Je n'ai pas cherché de fontaine au hameau, mal m’en a pris et je crains maintenant de manquer d’eau. En fait je longe rapidement le torrent après le hameau en ruine de Chabaud d’Aval. Une ferme est encore en activité à Chabaud d’Amont, et un tuyau délivre une eau claire et abondante ... prise au torrent alors que les vaches parsèment tous les prés en amont ... Si j'y ai pris 1/2 litre, je guette toujours une vraie source pour éviter tout risque (ce que je trouverai passé le Col Chabaud). En tout cas le vallon est très agréable le long de cette ancienne route, sous les mélèzes et avec toujours le torrent à porté de main. J'ai encore du temps pour avancer ce soir, mais beaucoup de points de bivouacs m'ont fait de l'œil (pour peu qu'ils soient sans vaches dessus …).

Rhuilles
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hameau ruiné de Chabaud d'Aval
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Au Col Chabaud (~2 210 m) aux faux airs de Causse, je rejoins la frontière et mon itinéraire prévisionnel. Je jette à regret un regard vers les pentes arrondies par lesquelles j'aurai pu y arriver (mais sans doute bien plus tardivement que je ne le fais maintenant). Les sources abondent mais sont toutes souillées par le bétail : s'il est normal que celui-ci puisse s'abreuver dans le cours d'eau, est-il si difficile de préserver certaines des sources les plus proches du chemin par quelques mètres d'une clôture légère ?

Je double ici une ultime randonneuse (totalement mulet, sac 30° en travers signe d'épaules souffreteuses …) mais ne parvient même pas à lui arracher un bonjour quelle que soit la langue utilisée, je n'insiste pas … Avais-je l'air si patibulaire ? Il y a longtemps que je ne me suis pas regardé dans une glace ...

Au col, passé la dernière clôture à vaches et le détour de rigueur pour photographier la borne frontière, le chemin poursuit essentiellement à flanc jusqu'au Col de Bousson (~2 175 m), en contrebas duquel je finis par trouver mon coin de paradis au bord d'un des petits lacs proches du Rocher Renard (2 186 m). J'y plante le Pioulou pour encore un très, très beau bivouac, face aux derniers sommets du Queyras (massif du Pic de Rochebrune 3 320 m). J'y profite des derniers rayons du soleil avant que les ombres de la Cime de Saurel (2 451 m) ne s'allongent.

Col Chabaud. Droit devant … les Ecrins !
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Peu après une baignade / toilette / lessive à l'eau du petit lac (non, pas de savon dans le lac …), 2 amateurs de photos arrivent et cherchent un spot pour imager ce soir et cette nuit. Ils vont tourner 3/4 h dans le coin avant de se poser hors de vue avec tout leur matos. Il y a de la place ! J'avais eu l'instinct de me rhabiller 2 minutes avant leur arrivée inopinée (mais au final je m'en fichais pas mal …). Les photographes me disent que le vent va tomber, j'aurai pu remonter un peu le Pioulou ...

Au dîner j’ai entrepris de liquider tous mes restes : semoule, 2 soupes, 1 paquet de Tuc (erreur dans mes C/R précédents, je l'avais gardé précieusement en réserve, mes notes permettent aujourd'hui de rétablir l'exactitude des faits) , 2 barres de céréales, 2 dosettes de café, et mon alcool pour faire chauffer tout ça. Demain matin, je serai aussi léger qu'il est possible en entrant à Montgenèvre. La supérette repérée ouvre à 8h même le dimanche (il y en a une autre qui fait de même).

Cette nuit le ciel sera fabuleux, je dors une porte grande ouverte pour m'en laisser un peu la vue.

Mon lac anonyme (sur les cartes dont je dispose) face au Pic de Rochebrune
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Pioulou en Queyras, dernière
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Au compteur : 33 km / D+ 2 150 / D- 2 615 / marche ~10h10

J'ai aimé smile :
- la lumière, encore …
- la nostalgie triste mais belle du défunt hameau de la Montette
- un très beau bivouac, encore …

J'ai regretté sad  :
- mon renoncement aux Cimes Terra Nera et Dormillouse, ainsi qu'aux crêtes qui en descendent

Si c'était à refaire hmm :
- moyennant un bivouac plus vers le Col Chabaud et une arrivée Montgenèvre un peu décalée le lendemain, j'aurai pu caser ma promenade en crête et profiter de vues exceptionnelles …

Le matériel :
- mon porte badge à enrouleur (câble de sécurité de mon téléphone) a fini par casser, mais j'ai passé commande d'un remplacement auprès de ma fille et j'en récupèrerai donc un à Modane. La faiblesse est qu'avec un positionnement fixe, le fil frotte sur toute sa longueur chaque fois qu'il se déroule / enroule. Je dois trouver un mode de fixation plus flexible, qui lui permettrait de se dévider / enrouler dans l'axe sur lequel je le tire et ainsi prolonger son existence (coût € 1.50 la pîèce)

Le bonhomme :
- l'état d'esprit a changé et je me tourne peu à peu vers les journées paisibles (que je crois !) à passer avec ma fille à partir de Modane. Je considère qu'au-delà du Thabor (dans 2 ou 3 jours ?) je vais réintégrer des itinéraires plus classiques, et que donc la partie la plus exaltante de la Traversée touche à sa fin. Je vais en effet bientôt quitter la partie où je pouvais suivre la frontière à des altitudes réalistes pour mes capacités : mon périple va y perdre l'originalité que j'avais jusqu'ici essayé de lui donner.
- la forme progresse de jour en jour. Il s'avèrera que je vais finir le périple comme une fusée, dès lors que je serai livré à moi-même et libéré de la charge des lourds ravitaillements. Chaud devant cool !

Itinéraire / Profil / Progression
Crédits : www.calculitineraires.fr

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La Vidéo J12


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Dernière modification par Hervé27 (04-12-2019 21:47:22)


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#122 30-08-2019 16:32:15

Magne2
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

À la place de la Vanoise tu aurai pu passer par les vallées du Lanzo   smile
Ton itinéraire devait rester sur le fil ?


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#123 30-08-2019 17:13:42

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

Magne2 a écrit :

#537750À la place de la Vanoise tu aurai pu passer par les vallées du Lanzo   :)
Ton itinéraire devait rester sur le fil ?

Salut Magne2,

Je retiens l'idée pour des sorties futures, mais mon choix de la Vanoise tenait à plusieurs raisons :
- je ne connaissais pas la Vanoise et en avait été "privé" dans ma 1ère traversée en 2017, interrompue à Modane. Je tenais dès l'origine du projet à rattraper là où j'avais quitté.
- à cette hauteur, la crête frontière était à mes yeux inaccessible à mes possibilités / envies : le "fil" n'était plus possible et je devais donc choisir entre 100% France ou 100% Italie
- évalué sur cartes pendant mes préparatifs, le passage par l'Italie - certes plus proche de la frontière - était nettement plus long et aurait ajouté des contraintes à mon timing déjà serré.
- il me fallait enfin et surtout un tronçon "facile", réalisable de concert avec ma fille (disons que nous avons actuellement un léger décalage dans nos capacités respectives à avaler le dénivelé  :rolleyes: ). Pour des raisons de dates, la Vanoise tombait pile au bon moment.


C'est surtout entre Tignes et le Léman, trajet effectué au pire moment du 10 au 15 août, que j'aurai aimé faire autrement (à d'autres dates ou par d'autres chemins). J'y ai eu de bons moments, mais si j'avais pu éviter le reste ...


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#124 31-08-2019 21:25:41

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

J13 - 4 août : Lac au col Bousson - Croce Faure

Tout avait pourtant excellement bien commencé : la nuit avait été magique sous les étoiles, quoique humide dans sa deuxième partie après que le vent fut tombé. Pressé de faire le plein de victuailles à Montgenèvre avant les heures d'affluence (nous sommes dimanche) et de me lancer dans le projet phare du jour qui est l'ascension du Chaberton (enfin un 3 000 dans ce périple !), je suis en route à 6h00 pétantes et profite d'un époustouflant feu d'artifice au lever du Soleil.

Mon lac de bivouac encore dans l'ombre
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Magique lever de soleil au Lago di Fontana Fredda ...
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… lequel s'éteint seulement 5 mn après
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Je constate assez rapidement que je n'ai pas de jus, et peine à avancer sur les chemins les plus faciles. Je n'ai pas d'explication de ce passage à vide car j'ai eu ma ration de calories hier soir, et j'ai depuis longtemps l'habitude de démarrer à jeun. La machine ne veut tout simplement pas avancer, et je me dis que ça passera avec l'échauffement, et que de toute façon je vais être en mode descente jusqu'à Montgenèvre où m'attendent des calories et une pause matinale … Je me traîne donc en 1h à la Cime de Saurel (2 451 m, à peine 300 m de D+ depuis mon bivouac) par de jolis sentiers à faible pente dans les rhododendrons.

Le Pic de Rochebrune depuis la Cime de Saurel ...
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… et pratiquement du même point de vue, le Chaberton
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Plus loin, vue sur les Ecrins
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Là en bas, Montgenèvre. Je ne vous en montrerai rien d'autre, je ne veux pas faire tâche dans le récit ...
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Forcément je commence à découvrir les aménagements des complexes de ski du massif, et cela contribue à me donner grise mine en ce petit matin. Assez rapidement, maintenant que je navigue sur les chemins de la station, je peux réaliser à quel point ils sont calibrés pour les VTT et pas pour les randonneurs mad : avec la quantité de gravier qui les recouvre et leur pente trop forte, autant tenter de circuler sur des roulements à bille … Bien que je fasse attention, je suis à deux doigts de me gameller à plusieurs reprises, et me gamelle effectivement 2 fois roll , sans gravité autre que pour l'amour-propre. Ce matin, ça veut pas ...

J'en viens donc rapidement à trouver cette descente longue, bien trop longue, puisque ce n'est qu'à 9h30 que je rallie la station. Ce n'est pas que le petit vallon que j'ai emprunté est moche (c'est plutôt boisé, verdoyant et bucolique), mais ce qui se trouve au bout et que je perçois par mes yeux et mes oreilles me fait horreur. En guise d'ambiance montagnarde, mon premier contact se fait via la sono d'une piste de skate board, laquelle diffuse du rap à fond les ballons (pas même un skateur présent pour l'écouter ...).

J'ai le sentiment d'être en apnée quand je trouve ma supérette (SPAR), où je m'engouffre pour expédier la corvée du ravitaillement … J'y embarque un peu n'importe quoi (barres céréales, fromage, soupes, tucs, saucisson …) mais n'y trouve pas au moins deux éléments clés : de la semoule complète et surtout de l'alcool à brûler, en rupture de stock (on me demande si c'est pour faire une fondue roll ). Me voilà obligé de me déplacer vers l'autre supérette (SHERPA), où j'aurai mieux fait d'aller dès le départ car bien mieux achalandée pour le randonneur. Je fais avec de l'alcool à brûler standard à défaut d'alcool ménager supérieur 95° (puissance thermique à peu près identique, mais l'alcool à brûler laisse du résidu et dégrade mon mini-P3RS), trouve des assortiments de noix et fruits secs, me fait plaisir avec chocolat et pains au lait /chocolat (ces derniers consommés avant même de quitter la station tongue ), des bananes (même sort que les pains au lait / chocolat tongue tongue ), du café soluble en dosettes et j'en oublie. Le gérant accepte de reprendre ma bouteille d'alcool au 3/4 pleine (du moment que ça ne lui coûte rien …). Et puisque je parlais d'en oublier, j'y retourne encore puisque je n'ai pas pris de semoule (je ferai avec du couscous, pas de semoule complète …).

Tout en mâchouillant boulimiquement mes pains au lait / chocolat, je passe encore 20 mn sur un banc devant le magasin pour reconditionner mes achats. Ca tombe bien, c'est à côté des bennes de recyclage du quartier, où je me déleste de tous les emballages inutiles, ainsi que des déchets de la semaine écoulée depuis Valdeblore. Je m'hydrate et charge 1,5 litres à la fontaine de l'église, et me voilà fin prêt pour l'assaut du Chaberton ! J'aurai limité mon passage à Disneyland (je vous ai dit que je n'aimais pas Disneyland ?) à 1 h : on pouvait faire moins ...

Je mange mes 3 bananes tout en traversant la station et commence à descendre vers Clavière : ma trace me fait en effet monter au Chaberton par Clavière et redescendre par son versant Nord. Par les anciennes routes militaires de mes cartes, je nourris l'espoir d'avancer vite, voire même d'atteindre la Vallée Etroite dès ce soir et profiter largement du Thabor demain. Le temps du réseau accessible ici, ma fille m'annonce qu'elle a pu avoir un train moins cher, mais qui arrivera à Modane (toujours le mardi 6 août, dans 2 jours), à 14h50 au lieu de 18h. Cela raccourcit ma marge de manœuvre, mais ce n'est pas grave puisque je suis toujours a priori bien au large pour atteindre Modane sinon demain soir, en tout cas mardi matin. Je profite aussi de l'abondant réseau pour télécharger au maximum mes photos et même quelques vidéos vers ma Dropbox et les mettre ainsi à l'abri.

Il est 11h30 quand je suis dans le bas du village italien de Clavière, pour attaquer la montée du Chaberton par le chemin scénique de la Batteria Alta.

A l'assaut du Chaberton : Clavière (moins moche que Montgenèvre, même si détruit en 1945 et reconstruit)
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Petit aparté historique (on me l'a demandé) sur le Chaberton et les changements de frontière d'après-guerre dans le secteur. A la différence des Alpes Maritimes où la frontière d'avant-guerre était "récente" et résultait du rattachement du Comté de Nice à la France en 1860, ici la frontière entre France et Etats de Savoie (plus tard royaume de Sardaigne avant de forger l'unité italienne) datait du XVIIIème siècle (Traité d'Utrecht en 1713). Au XIXème siècle le nouveau Royaume Italien entreprit d'établir un glacis militaire entre lui et la France, qui dans ce secteur prit la forme de l'ouvrage spectaculaire du Mont Chaberton. A 3 131 m, on y bâtit un ensemble de 8 tourelles d'artillerie pour défendre le Col de Montgenèvre, Briançon restant juste en limite de sa portée. Avec l'avantage de son extraordinaire altitude, ce "cuirassé des nuages" se trouvait hors de portée de l'artillerie des forts français, et pouvait sans contrepartie menacer tous les ouvrages lui faisant face. Dans la période fasciste, Mussolini fit remplacer et renforcer l'artillerie, se donnant ainsi les moyens de bombarder Briançon et ses infrastructures (routes, gare …), en faisant une menace considérable sur l'intégrité des défenses françaises.

Lors des combats des Alpes de juin 1940, qui ne durèrent que quelques jours, un affrontement d'artillerie mémorable eut lieu dans le secteur entre Alpinis italiens et Chasseurs Alpins français. Pour les français, "détruire le Chaberton" était en 1940 une urgence aussi absolue que pour les anglais de "couler le Bismarck" en 1941. Pour y parvenir, des pièces de mortier avaient été secrètement acheminées et installées à contre-pente, et donc totalement hors de vue des italiens. Non contentes de devoir tirer sur leur cible "à l'aveugle", il n'existait pas de tables de tir pour de telles trajectoires d'obus de mortier, qui devaient d'abord atteindre une altitude de 5 000 m (!) pour pouvoir atteindre leur victime. Le temps de trajet du tir à sa cible était d'une minute !

Tandis que le Chaberton commença de tirer le 20 juin sur les forts français, les mortiers français durent attendre le lendemain des conditions suffisantes de visibilité de leur cible pour ouvrir le feu. Quelques coups purent être placés très près des tourelles italiennes dès le matin du 21 juin, mais ce n'est que lors d'une meilleure éclaircie dans l'après-midi que, successivement, 6 des 8 tourelles furent mises hors de combat, sans que les italiens puissent comprendre d'où venaient les tirs (dirigés par un officier polytechnicien, spécialement nommé là pour calculer ces trajectoires extrêmes). Pensant l'ouvrage inatteignable par l'artillerie française, le blindage des tourelles avait été laissé au strict minimum : chaque coup au but fut donc mortel … Le cuirassé des nuages avait vécu, et les 2 pièces survivantes n'eurent pas l'opportunité de faire des dégâts notables jusqu'à la signature de l'armistice 4 jours plus tard …

Une bonne vidéo sur le sujet ici

En 1944-45, les préoccupations des militaires furent prédominantes dans les négociations de rectification de la frontière franco-italienne, Général de Gaulle en tête. Tandis que les civils étaient conciliants et cherchaient à rétablir des relations amicales avec l'Italie, Mongénéral fut intransigeant sur la question du Chaberton : cette menace militaire devait disparaitre, et le moyen le plus définitif d'y parvenir était de le déplacer du "bon" côté de la frontière. Ainsi fut fait, au détriment du principe défini pour cette rectification qui aurait voulu qu'on s'en tienne à la ligne de plus haute crête (le Chaberton est clairement sur le versant italien des Alpes, et il y aura d'autres incartades), et du village de Clavière qui est aujourd'hui une quasi-enclave italienne enserrée par la France.

Voilà pour le "pourquoi ?" de ces "modestes" 17 km² transférés de la France à l'Italie (contre 560 km² dans les Alpes Maritimes …), et fin de l'aparté.

La Batteria Alta et le Pic de Rochebrune
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De Clavière au sommet du Chaberton, j'en ai pour ~1 400 m de D+, ce n'est donc pas un mince morceau. La montée se fait sur un chemin exposé plein Sud, très chaud et très sec, surtout dans un massif calcaire. J'en franchis les premiers 400 m en 40 mn (confirmation de mes 10 m/mn), le jus est revenu après les calories englouties au ravitaillement. Je profite d'un beau replat sous les pins à proximité d'un fortin pour prendre ma pause de midi et étaler mes affaires au Soleil. Jusque-là tout va bien.

En repartant de ma pause je traverse la Batteria Alta, puis emprunte l'ancienne Strada Militare qui doit m'amener au sommet (encore 900 m). Son ancien tracé en lacets est encore bien visible dans l'éboulis, mais la trace aujourd'hui longe une barre rocheuse pour une montée plus directe, qui se fait néanmoins assez bien. En levant la tête je vois 3 planeurs qui, dans un ciel d'azur, tournent autour de la Cime du Chaberton. Les lacets se développent ensuite dans l'alpage, quand je croise un petit groupe à la descente (faiblement équipé, signe d'une sortie à la journée depuis Clavière ou Montgenèvre), qui me demandent si je connais l'itinéraire "normal", car tout ce qu'ils ont trouvé est une via ferrata avec équipement obligatoire. Tous les voyants passent soudain au rouge roll

Là-haut, le Chaberton
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Je ne connais que la trace de mon itinéraire bâti sur OpenTopo, pour qui il existe bien un chemin de montée. J'ai besoin de me rendre compte par moi-même et poursuis. Je rattrape un couple équipé de casques, cordes et mousquetons … Mes signaux d'alerte se doublent d'une sirène hurlante intérieure …

J'arrive enfin au pied de cette via ferrata, décrite par des panneaux flambants neufs (financement par l'Union Européenne, autant que les Brexiters n'auront pas …). Equipements obligatoires en effet, et je ne me vois pas m'engager sur cette arête rocheuse en n'étant sécurisé que par mes mains sur le fil de vie … Je vérifie ma trace GPS, et celle-ci emprunte un itinéraire différent, à gauche dans un vaste éboulis au pied des falaises, avant de monter peut-être dans un large couloir que j'aperçois … mais aucun signe d'un quelconque chemin, balisage, cairn … dans cette direction (je crois distinguer un départ de chemin sur photo satellite, mais il disparait vite dans l'éboulis).

Les 500 derniers mètres de D+ sont par cette crête, en via ferrata
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La conclusion est évidente et immédiate : j'ai monté 900 m de D+ pour rien, et je dois redescendre à Clavière et remonter par Montgenèvre pour rallier l'autre côté du Chaberton. Le coup est dur, mais la conclusion est incontournable : l'itinéraire sur ma carte n'existe pas ou plus, peut-être n'était-ce que la survivance d'une trace des militaires italiens, depuis longtemps effacée par les mouvements de l'éboulis. La faute est entièrement mienne : je ne me suis pas renseigné au-delà de regarder une carte … A ma décharge, la via ferrata en question est toute neuve et vient d'être inaugurée en juillet, aucune signalisation ne la mentionne depuis Clavière, ça m'aurait peut-être mis la puce à l'oreille ...

Fallait-il passer par là ? Le souvenir de la Forcellina m'en dissuade ...
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Le temps de redescendre (ma déception me motive à effacer au plus vite ma déconvenue, et les presque 1 000 m de D- sont expédiés en 1h10), j'y aurai perdu la moitié de ma journée, ainsi qu'un nouveau 3 000 qui m'échappe, cette fois l'un des plus emblématiques ! D'un coup c'est aussi mon arrivée à Modane dans les temps pour accueillir ma fille qui est mise en péril.

Ironie de ma descente, j'y passe mon temps à renseigner des marcheurs égarés : un italien équipé via ferrata et qui cherche le départ de la voie d'où je viens (très sympa, on discute 5 mn), un groupe de français qui pensait être de l'autre côté de la montagne roll (équipé d'une carte de l'Office du Tourisme …) etc. Repassé en France sur le haut du village de Clavière, je bifurque sur l'itinéraire de montée au Chaberton par le Col, et me voilà reparti pour 900 m de ré-ascension : il est 16h30 ...

Je remonte par le Rio Secco, visiblement régulièrement bouleversé par les orages. J'y fais une pause nécessaire au bord du torrent, car le trip de fin de journée dans lequel je me lance n'est cette fois pas choisi mais subi : je dois progresser pour minimiser les conséquences de ma boulette. Je ne suis pas excessivement fatigué, je sais par expérience que je suis en capacité de marcher encore plusieurs heures. Chance, ce sont des anciennes routes militaires que je dois emprunter après le Col du Chaberton, ça devrait être roulant et facile dans les heures du soir. Que je crois …

Je peux refaire le plein d'eau sans filtre à une source proche d'une bergerie en haut du Rio Secco, juste avant d'attaquer la montée du Col, qui se déroule pour cause d'heure tardive à contre-flux des randonneurs revenant du sommet fortifié. Je retrouve en particulier le ferratiste italien que j'avais croisé et renseigné de l’autre coté. Comme il semble être un rapide dans le flux qui descend, je me dis que peut-être n’ai-je pas perdu tant de temps que cela … Maigre consolation.

Le Rio Secco coule ici en souterrain sous la caillasse, probable origine de son nom. Une source captée bienvenue coule 10 m en contrebas de la cabane de berger
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La montée au Col de Chaberton se fait sur la droite
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Quand j'atteins le Col Chaberton quelques minutes avant 19h il ne s'y trouve plus personne. Je jette un ultime regard sur la Cime et la météo superbe, me prenant à rêver d'y monter malgré tout pour y bivouaquer ... mais je n'ai pas assez d'eau pour cela, et pour couronner le tout sur cette journée je suis pris de désordres gastriques (mes pains au lait / chocolat, peut-être roll ? ). A cette heure-ci j'ai encore 2 heures de jour franc devant moi, plus 1/2 h à 3/4 h de crépuscule suffisant pour marcher. Je me donne pour objectif d'atteindre les environs de la Cime de Croce Faure (2 346 m), ce qui devrait être assez simple par l'entrelacs de chemins et anciennes pistes militaires qui sillonnent ce versant.

Au Col de Chaberton, vue vers la Cime, qui m'échappe pour cette fois
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Col du Chaberton, vue vers l'Italie (on distingue la via militare à flanc au débouché du vallon)
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Les débuts de la descente par la piste sont désagréables, que je prenne la piste ou les sentiers balisés trail qui la coupent. Tout est jonché de cailloux, raviné, un peu casse-gueule. Mon premier réflexe est d'accabler la foule des stations (marcheurs, VTTistes, traileurs etc.) qui ne respecteraient pas les chemins, couperaient les lacets, ouvriraient la voie au ravinement etc. Peu à peu et au fur et à mesure que je progresse je prends la mesure du délabrement des itinéraires dans ce secteur, allant bien au-delà de ce que pourraient infliger mes victimes expiatoires de mes pensées précédentes. Soit ces chemins sont abandonnés depuis des décennies (ce que démentent les marquages trails plutôt récents), soit de violents orages les ont récemment ravagé. Un sentier trail descend droit et raide dans le vallon, mais je lui préfère la route militaire : elle s'avère barrée d'éboulements plus ou moins désagréables à franchir à flanc de rocher / falaise, et la progression est loin d'être aussi aisée que ce que j'espérais. Chaque fois que, descendant en altitude, je crois être sorti de l'entonnoir ravagé par les orages, je tombe sur de nouvelles coulées / ravines pour entraver ma marche … Cela a pourtant dû être un temps un itinéraire prisé, mais le délabrement ne date pas d'aujourd'hui : les multiples tables de pique-nique au bord de la route autrefois carrossable sont toutes effondrées sous le poids de la neige de trop d'hivers ...

La Via Militare que j'emprunte, oserai-je dire qu'il s'agit d'une "bonne" section ?
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Le passage le plus scabreux viendra très bas, juste sous les 2 000 m, là ou la route théoriquement carrossable a été totalement emportée par le torrent (Rio Fenils). Il est passé 20h, la fatigue se fait sentir et voilà cet obstacle que j'ai l'obligation de franchir (pas d'eau derrière moi). Je repère un itinéraire pour contourner la zone d'éboulement par le haut, redescendre sur le torrent et de là rejoindre la route dans sa partie non emportée par la crue. Plus facile à dire qu'à faire : le terrain est instable, la pente est raide, et tout est bon pour essayer de me stabiliser : je me suis même accroché à des touffes d'herbe … Il me faudra 1/2 h d'efforts pour passer ces 30 m …

Ma carte indiquait un itinéraire remontant par le torrent, on oublie, il n'y a plus rien … Je poursuis sur la route pour descendre encore et attraper le chemin qui doit me permettre de monter à ma "cible" de Croce Faure" : l'heure avance, le jour descend, je n'ai plus d'eau (l'eau du Rio Fenils était boueuse …). Dans d'autres circonstances j'aurai apprécié cette montée boisée, sur un ancien bon sentier muletier bien préservé (pas détruit par le ravinement, ouf !), mais le jour baisse de minute en minute et j'ai 400 m de dénivelé à m'avaler depuis la route.

Derrière moi, l'alternative du sentier de descente directe n'inspirait pas mes pieds et jambes fatigués
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Là c'est sûr, il manque quelque chose ...
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1/2 h d'efforts pour remonter jusqu'aux arbustes, passer la ravine au-dessus des gros blocs, redescendre sur les fesses … le tout dans une pente instable à 45° ...
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Presque 21h, pas encore au bivouac, le sommet du Chaberton crénelé de ses 8 tourelles a perdu le soleil ...
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Chance enfin dans cette journée de m..., un captage d'eau inespéré me permet de faire le plein d'une eau fraiche et cristalline (j'y vais au taquet de mes 4 litres), je peux enfin me mettre en quête d'un bivouac. J'avais visé Croce Faure pour le petit lac figurant sur ma carte : celui-ci s'avère plutôt boueux et ses rives malaxées par les vaches. Dans la pénombre du crépuscule, je trouve une éminence couverte de hautes herbes qui pourrait me fournir quelques m² plats. Je ne fais pas la fine bouche, car il est 21h30 lorsque je commence à monter le Pioulou. Je finis à la frontale …

Tandis que la nuit s'installe et que je m'affaire  dans mon bivouac d'herbes humides, une lumière me parvient du sommet du Chaberton : visiblement quelqu'un a repéré ma frontale et me semble me faire des signaux. J'espère qu'ils n'étaient pas de détresse : j'y réponds par quelques flashes sans signification, on dira que ça voulait dire Ciao !

Petite cerise sur le gâteau : entre mes téléchargements de photos / vidéos, mes photos et films réalisés, mon utilisation GPS intensive en fin de journée sans plus de soleil pour recharger, j'ai amené mes batteries à un niveau assez bas : pourvu que le soleil de demain pourvoie à leur recharge …

Je vous avais promis une journée "scoumoune", c'était celle-ci, la treizième ...


Au compteur : 36 km / D+ 2 974 m / D- 2 786 m / Marche 10h50

J'ai aimé smile :
- ma résilience ?
- quand même de belles vues

J'ai regretté sad :
- un repérage insuffisant de l'itinéraire, mais pouvais-je ainsi collecter des informations actualisées pour la totalité des 750 km parcourus ?
- trop fier ? trop timide ? trop sûr de moi ? ne pouvais-je me renseigner à l'office du tourisme ?

Si c'était à refaire hmm :
- à part l'itinéraire GR5 depuis Montgenèvre (Col de la Lauze, Dormillouse etc.), je ne vois pas
- le Chaberton en A/R sur Montgenèvre uniquement

Le matériel :
- trop tiré sur les batteries du tél et de la powerbank au fil de cette longue journée. Le Tomtop ne suit plus à ce régime. Il eut fallu en rester au mode avion.

Le bonhomme :
- désordres gastriques : je les associe définitivement aux périodes où j'embarque du saucisson (idem dans les Pyrénées). Protéines nutritionnellement inutiles et je suis incapable de me restreindre quand j'en ai. Hélas à supprimer à l'avenir. Je prendrai plus de chocolat pour me consoler ...
- je ne m'explique pas la méforme du matin. J'ai cependant su trouver l'énergie pour finalement faire une grosse journée, contraint et forcé ...


Itinéraire / Profil / Progression
Crédits www.calculitineraires.fr

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La Vidéo J13


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EDIT :
- correction de dates
- liens Index et Vidéo

Dernière modification par Hervé27 (26-12-2020 12:02:17)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi & Récits
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#125 01-09-2019 15:53:55

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Menton-St Gingolph par les frontières 24j

J14 - 5 août : Croce Faure - Mont Thabor

J'ai profité d'un beau ciel étoilé ainsi que des lumières des villages italiens dans la vallée. Malheureusement il m'a fallu faire avec l'humidité, n'ayant pas eu beaucoup de marge pour sélectionner mon site : les hautes herbes autour du Pioulou sont détrempées, cela a bien alimenté l'humidité intérieure … Je n'avais hélas pas le temps hier soir d'une sélection méticuleuse.

Avec mon ample réserve d'eau je ne me prive pas d'un café, qui pour une fois ne me retarde pas puisque je suis en chemin dès 6h00 (les doigts engourdis par le remballage d'un abri trempé …). J'ai une petite montée de 300 m à faire pour passer le Col des Désertes et revenir en France dans le haut de la vallée des Acles : je devrais pouvoir y capter le lever de soleil avant de retourner à l'ombre de l'autre côté.

5h45 : Pioulou humide, mais belle vue sur les lumières de Sauze d'Oulx
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1er objectif du jour au Col des Désertes (2 549 m)
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Mon petit lac boueux, la Cime de Croce Faure en fond
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J'ai planté au pied des 2 grands mélèzes au centre
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Alors que de loin je voyais bien le sentier en lacet qui accède au Col, j'appréciais mal l'état réel du pierrier qu'il traverse : à l'image de ma soirée d'hier, c'est une succession de ravines qu'il me faut franchir, et dans les lacets c'est la même ravine qui revient plusieurs fois. C'est un peu fatigant mais je suis plus en forme qu'hier, grâce à mon repose de la nuit et aux abondantes calories disponibles dans mon sac. Chaque passage de ravine est faite d'observation d'abord, de sélection d'un point de passage ensuite, enfin de mise en œuvre du choix de franchissement. Il semble que j'ai été précédé depuis le dernier orage, puisque mes choix recoupent souvent une autre trace de pas. Là où quelqu'un est passé, je devrais pouvoir faire de même. En tout cas mon impression est qu'il y a désormais très peu de passage sur tout ce secteur bouleversé …

Une ravine parmi beaucoup d'autres ...
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Je m'arrête dans le pierrier pour admirer les phases du lever de Soleil, avant d'atteindre péniblement la cabane ouverte au pied du col, puis le col lui-même. En tout 1h30 pour moins de 300 m de D+. Pfiou !

Lever de Soleil à 6h30 : 1/2 h plus tard qu'à mon départ de Menton. Le temps de jour disponible se contracte ...
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Le Chaberton, un pierrier, des ravines : bon résumé !
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Le bivacco des Désertes : un abri appréciable, si on a amené son eau avec soi
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Vue arrière sur le pierrier, et mon chemin lacéré par les ravines
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Je crois un temps quitter les difficultés une fois franchi le Col des Désertes, mais il n'en est rien. Tout d'abord je dois renoncer à remonter vers le Bivacco Ugo Blanchetti pour rejoindre le Col des Acles par les crêtes. J'ai fait un usage immodéré de mon eau hier soir et ce matin, et ce qui me reste est insuffisant pour un passage en crêtes dans un environnement calcaire. Ici tout semble couler en souterrain, et j'ignore si un point d'eau existerait au bivacco. De plus la fatigue d'hier reste sous-jacente, un itinéraire plus simple s'impose donc de lui même, et je choisis de descendre jusqu'au hameau des Acles, d'où je pourrai rejoindre le col éponyme et ma trace. Une fois ce choix effectué et engagé dans la descente du vallon, je renoue avec le ravinement, qui prend ici une allure cataclysmique : c'est un fleuve de pierres qui s'écoule dans le fonds de vallée, enterrant peu à peu tout autre relief. Le chemin y disparait, les arbres s'y noient … Evidemment l'eau coule en souterrain, et je guette le moindre son m'indiquant un écoulement accessible, mais rien !

Désert calcaire en haut de la Vallée des Acles
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Une belle perspective vers les plus hautes cimes des Ecrins, un temps qui change, encore des difficultés cachées dans la vallée ...
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Un fleuve de roches engloutit la vallée, avec ses affluents descendant des pentes
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Après 2h30 de marche depuis le col, tantôt sur un restant de chemin, tantôt dans le lit de ce fleuve lithique, je finis par trouver un endroit où surgit une eau fraîche et claire, d'une large source qui n'a pas été ensevelie. Je peux enfin me poser et en profite pour me décrasser (mes jambes sont noires de poussière), faire une lessive express qui sèchera sur moi (je ne sentais pas très bon non plus …), et bien entendu me régaler d'un ensemble café - chocolat - tucs - fromage - saucisson du meilleur goût ! Il va de soi que je n'ai croisé personne depuis la montée d'hier soir au Col du Chaberton …

La pause est salutaire mais un bémol toutefois quand je me remets en chemin vers les Acles : le temps se couvre … J'ignore si cela va tourner à l'orage (la météo prise hier les annonçait pour demain soir), mais cela réduit immédiatement la recharge de mon téléphone sur lequel j'ai continué de tirer ce matin. Un peu avant les Acles le sentier se transforme en piste, laquelle a fait l'objet d'une restauration au bulldozer là où elle avait été emportée. A partir de là, si les dégâts du ravinement restent présents, les axes de circulation sont rétablis et je peux de nouveau avancer normalement. Je passe vite le hameau pour un peu plus bas attraper le sentier du col. Là encore une vaste ravine l'avait recouvert, mais il a été dégagé.

Les Acles : cherchez Pinocchio !
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Stigmates
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Plaie ouverte
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Passé ce dernier pierrier, je retrouve enfin une ambiance paisible d'alpage : que cela fait du bien après 24 h de galères ! Il est un peu passé midi quand j'atteins le Col des Acles (modestes 2 273 m), pour ce que je vois comme l'ultime section en crête frontière italienne de ma traversée. En effet, une fois dans la Vallée Etroite je vais rester en contrebas de la frontière, puis m'en éloigner via Modane et la Vanoise. Au-delà je resterai aussi en contrebas, sans plus jamais repasser en Italie. Je n'ai prévu de retrouver de la frontière que pour le final entre France et Suisse. Après 2 pleines semaines aussi près de la frontière que les conditions me l'ont permis, les jours à venir tels qu'ils sont prévus sont une "pause" par des itinéraires plus classiques.

La Vallée des Acles vue de son col
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Col des Acles : dernière portion de frontière italienne pour moi
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Col des Acles : le Mont Thabor (3 178 m) domine à gauche, la Roche Bernaude (3 222 m) au centre, Pointe de Peaumont (3 171 m) à droite ? Quelques sommets de la Vanoise émergent en arrière-plan (La Grande Casse tout à droite?)
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Depuis le Col c'est essentiellement un chemin à flanc ou en crête qui déroule facilement avant une descente rapide vers "Le Mauvais Pas" et le Col de l'Echelle, accès de la Vallée Etroite par la France. J'en garde un magnifique souvenir, fait de lumières changeantes au passage des nuages, de riches mélanges de couleurs dus aux roches (ici alternativement grises, blanches, jaunes …) et à la végétation en limite du mélézin, de formations géologiques spectaculaires et photogéniques, d'ouvrages fortifiés en surplomb vertigineux … C'est juste avant d'amorcer la descente que je me poserai à la terrasse ombragé d'un ancien ouvrage militaire, pour l'une de mes pauses les plus confortables.

La Tour Jaune de Barrabas
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La même sous un autre angle (c'est truffé de cavités)
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La profonde Vallée Etroite se dirige vers la gauche et le Thabor
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Ma pause en terrasse (je choisirai l'ombre …)
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Un bon chemin en lacets descend rapidement vers Le Mauvais Pas / Col de l'Echelle, et de là on est averti d'une succession de passages "délicats" pour descendre dans la Vallée Étroite (escaliers, passages faussement aériens mais sur-sécurisés ....). Je pense qu'en fait ce sont ici les randonneurs du dimanche qui sont considérés comme "délicats", car en comparaison de tout ce que j'ai traversé jusqu'à présent, c'est de la gnognotte …

On nous informe, on nous avertit ...
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Et toi, trouverais-tu le courage de passer ?
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Pour le pourquoi du rattachement de la haute Vallée Etroite à la France en 1947, elles sont là aussi purement militaires : la vallée descend sur l'Italie, est matériellement dépendante de ses liens avec Bardonenche, les habitants et les propriétaires sont italiens, de même que le réseau téléphonique et la signalétique, il n'y avait pas de route vers la France avant 1968 etc. Je ne connais pas le raisonnement précis qui a conduit à cette nouvelle incartade (après Montgenèvre et le Chaberton) au principe de la ligne de plus haute crête : fermer un accès jugé trop facile à Modane ? Garder le Thabor pour nous seuls ? Pousser l'avantage de la victoire et prendre pied sur le versant italien pour de futures revendications ? Il faudrait éplucher la littérature et l'histoire du Traité de Paris de 1947 pour comprendre ...

Pour remonter la Vallée Etroite une fois en bas, j'emprunte (un peu) la route avant de bifurquer sur du joli chemin en bord de torrent avant les Granges de la Vallée Étroite. J'y rattrape  Francesco, italien vivant en Angleterre, mulet absolu mais convaincu de l’intérêt de la MUL. Nous discutons en marchant de concert (rare évènement dans mon périple), puis encore longtemps une fois arrivés au hameau. C'est sûr, après ses souffrances dans son épopée sur le GR5 (je crois me souvenir qu'il est cette année parti de Briançon, après un premier tronçon depuis Nice ou Menton il y a quelque temps), il va regarder la MUL de plus près. Salut Francesco si tu me lis wink !

Francesco en chemin vers les Granges de la Vallée Etroite (avec son aimable autorisation)
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Zoom sur Francesco : je regrette de n'avoir pas pu rendre l'effet des crocs accrochées en bas de sac, ballotant à chaque pas et taquinant son arrière-train ...
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Il est 17h50 aux Granges de la Vallée Etroite lorsque Francesco et moi terminons nos riches discussions et nous séparons : il va bivouaquer aux abords, tandis qu'en jaugeant ma forme et les indications des panneaux, je décide sur le champ de me lancer dans un nouveau "trip" ! Le Mont Thabor est indiqué à 4h30 de marche, ce qui m'y amènerait à 22h30 … mais je peux supposer être un peu plus efficace que cela, et estime être capable d'avaler en 3h00 les 1 400 m de D+ … Je pourrai alors y être à 21h00 aux lumières du couchant, pour une nuit dans la Chapelle … J'avoue maintenant que je programme cette nuit d'altitude depuis mes préparatifs, et maintenant que je suis là je ne voudrais à aucun prix la laisser s'échapper … La météo est à l'orage demain à partir de 14h00, c'est donc maintenant ou jamais : je ne pourrai pas demain à la fois monter au Thabor, rejoindre Modane dans les temps et échapper à l'orage.

Image archi-connue de la GTA, mais si belle
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Plus qu'un trip, c'est une course contre la montre que je mène. Sans prendre le risque de m'essouffler, j'adopte ma combinaison cadence / foulée / respiration que je juge la plus efficace, et me voilà parti. Les rares arrêts seront pour reconfigurer ma tenue (enfiler coupe-vent et polaire), ou faire le plein d'eau pour le bivouac (le plus tard possible pour ne pas surcharger). Tout est réuni pour des moments uniques : une marche du soir comme je les aime, un itinéraire normalement fréquenté mais désert à cette heure, des lumières du soir rasantes, des lieux traversés en 2017 et que j'avais beaucoup aimé … Depuis les Granges jusqu'au sommet, j'aurai toujours la Chapelle en ligne de mire, proche et lointaine à la fois.

Seul élément frustrant : les nuages de la journée m'ont empêché de recharger mes batteries. J'ai réduit la consommation en repassant en mode avion et en limitant photos et surtout vidéos. Je tente malgré tout de récupérer un peu de charge en optimisant la position du panneau solaire sur le dos du sac, mais passé 19h30 / 20h00 c'est illusoire. Je réserve les % qui me restent aux derniers mètres avant le sommet, et surtout à demain matin pour le lever du soleil.

Le chemin est large, bien aménagé / entretenu étant donné son intérêt et sa fréquentation, et ma progression est par conséquent excellente. Au début je croise encore quelques rares randonneurs à la descente. Ensuite ma seule rencontre notable concerne un campement de 2 larges tentes / barnums au Col des Méandes, faites pour un groupe que j'estime à une vingtaine de personnes, avec 2 ânes. Ils me regardent m'engager dans la montée vers le sommet, un peu surpris tandis qu'eux-mêmes semblent installés depuis un moment et semblent se préparer à se coucher. Juste avant l'ultime montée, je m'arrête au torrent pour prendre 2,5 litres au débouché d'un névé et zou !

Le final
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C'est dès 20h40 que je parviens au sommet, après donc 2h50 d'ascension contre 4h30 annoncées : du 500 m / h vu comme ça, mais si j'exclus l'approche presque "plate" des 1ers kilomètres, j'ai dû dépasser les 600 m/h déjà calibrés. Je n'ai raté le coucher du soleil que de quelques minutes, mais l'on me dira qu'il ne fut pas spectaculaire. Qu'importe, en étant là ce soir, je coche une case dans mon catalogue de rêves smile ...

Je rejoins 3 autres bivouaqueurs ce soir sur le sommet : un couple qui a planté sa MSR le long du mur de la Chapelle, une fille avec un husky installée au bout de la crête avec pleine vue sur les Ecrins et la Vanoise. Ils sont étonnés de voir encore quelqu'un arriver à cette heure : nous aurons quelques échanges bien sympathiques ! Finalement je suis le seul à souhaiter occuper la Chapelle, ce qui me permet d'occuper l'estrade en bois au pied de l'autel (plutôt que les froides dalles en pierre qui s'affaissent de l'entrée …), loin donc de la porte qui ne ferme plus. Pour son utilisation de refuge, la chapelle est pourvue de quelques matelas mousse, et j'en profite pour me ménager un confort optimal.

A mi-chemin du sommet, dans l'axe de la Vallée Etroite. Derniers rayons de soleil sur les cimes et … n'est-ce pas le Viso qui se rappelle à mon souvenir ?
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Vue vers le couchant obstruée par la nébulosité
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Vue vers l'Italie par-dessus la Chapelle et la Vallée Etroite
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De fait pour cette nuit à haute altitude que je m'attends à être la plus froide de la Traversée, je vais être bien au sec, à l'abri des courants d'air et parfaitement isolé de la froideur du sol. J'aurai presque trop chaud ! Sans doute la meilleure nuit du périple.


Au compteur : 33 km / D+ 2 385 m / D- 1 507 m / marche ~11h00

J'ai aimé  smile :
- ma dernière crête-frontière du Col des Acles au Col de l'Echelle
- mon trip du soir
- un rêve réalisé

J'ai regretté sad  :
- l'itinéraire chamboulé par le ravinement, prolongement de mes épreuves de la veille
- la mauvaise utilisation de mes batteries

Si c'était à refaire hmm :
- redescendre le matin à ma source pour un plein d'eau m'autorisant la totalité de mon tracé en crête (via bivacco Ugo Blanchetti)

Le matériel :
- mes problèmes de charge de batterie viennent d'une mauvaise utilisation de ma part :
     - utilisation trop importante (téléchargements, enregistrement de trace, réseau etc.)
     - branchement direct de l'iPhone, alors que j'aurai dû privilégier la recharge de la powerbank, plus efficace par luminosité réduite, quitte à laisser l'iPhone éteint 1 ou 2 heures
- le couchage et en particulier la combinaison Cumulus X-Lite 200 + SOL Escape Bivy en drap de sac est thermiquement très efficace par nuit froide et sèche

Le bonhomme :
- heureux de retrouver un peu de famille demain, pour quelques journées de marche plus tranquille
- heureux aussi de ravitailler à nouveau : j'espère arriver assez tôt pour engloutir une ou deux pizzas en terrasse …


Itinéraire / Profil / Progression
Crédits www.calculitineraires.fr

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La Vidéo J14



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EDIT :
- liens Index et Vidéo

Dernière modification par Hervé27 (08-12-2019 20:12:30)


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