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#101 12-11-2021 12:43:58

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

laxmimittal a écrit :

#632841home sweet home. smile smile smile

Enfin quelques images de soleil mais, tout de même, quel temps de M...


L.

Coucou laxmimittal smile

Après coup, ce qui m'étonne le plus c'est de ne pas avoir capitulé plus tôt et plus souvent ... Comme quoi on s'habitue à tout ...

Pour rassurer les lecteurs dépressifs, il y aura bien un AVANT et un APRES ce break de quelques jours : une bien meilleure météo  cool , mais aussi un planning dorénavant complètement à l'Ouest roll

Je marque aussi une pause dans la rédaction pour encore quelques jours, privilégiant la diffusion (ultra-confidentielle lol ) de mes vidéos YT, lesquelles ont 2 semaines de retard sur les récits RL (épisode 30 sur RL et seulement 16 sur YT, vous avez un index en ouverture du fil pour suivre) ...


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#102 17-11-2021 22:20:31

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J31 dimanche 8 août : si tu reviens, j'arrête tout !

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Je mets la coupure à profit pour procéder à quelques retouches de matériel :
- abandon (enfin !) des crampons et du piolet. J'avais presque réussi à m'en passer en juillet, plus de raison de ne pas pouvoir faire de même en août.
- remplacement de la veste de pluie Raidlight MP+ dont je crains que les coutures ne continuent de se déliter. Faute de mieux, je ressors ma vieille Eider Bright Jacket (cf ma 1/2 GTA 2017 ...), et lui applique une ré-enduction au silicone / White Spirit pour lui redonner un peu d'imperméabilité. Odeurs de pétrole garanties pendant quelque temps roll .
- renouvellement de mes chaussures (Scarpa Mescalito KN), par le même modèle acheté d'avance. La paire que j'abandonne a tout juste dépassé les 1 000 km : les pare-pierres se décollent de manière prononcée (pas spécialement gênant), mais surtout l'accroche commence à laisser à désirer. Plutôt une bonne durabilité étant donné le terrain !
- renouvellement également des chaussettes (X-Socks Outdoor Low Cut & Run Discovery).

Tous les jours passés à la maison, je surveille les prévisions. Tout indique une amélioration à partir du dimanche, suivie d'une très belle semaine. Va donc pour dimanche pour la reprise !

Avec maintenant un total de 8,5 jours d'arrêt depuis le départ (2 à Sillian, 1.5 à Chiavenna et 5 depuis mon 1/2 tour au bivacco Suretta), mon beau planning est désormais totalement dans les choux. Je voulais au départ ne faire que 2 jours zéro sur la traversée, et pour le reste me contenter de quelques flemmardises "en ville" avec des arrivées précoces et des départs tardifs. Une partie de l'itinéraire doit donc être maintenant sacrifiée : pour m'éviter d'arriver à court de temps fin août dans un coin perdu, je décide de faire dès à présent un bond substantiel et de court-circuiter le Tessin, en espérant que cela sera suffisant pour me remettre dans les clous.

La bonne surprise est une fois encore la qualité des transports suisses pour me permettre de reprendre l'itinéraire au point choisi. Avec un unique train direct de Bâle à Airolo, puis un bus jusqu'au Nufenen Pass, je suis opérationnel dès 11h00 en ayant quitté la maison à 5h00. Voilà qui me donne des idées pour quelques balades futures sur des week-ends prolongés !

bon d'accord, je reviens !
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En chemin je vois s'évacuer devant moi le mauvais temps des jours passés. Il me reste quand même une petite appréhension quant au timing de mon retour : n'aurai-je pas dû attendre demain ? Je suis rassuré lors de l'arrivée à Airolo à la sortie du long tunnel du Saint Gotthard : le ciel bleu domine enfin ! Une heure entière à tuer avant le passage de mon bus : je déambule dans les rues de la petite ville et m'élève un peu dans les champs pour attraper la vue. Il ne fait pas très chaud et il souffle un vent désagréable : je préfère rester en mouvement ...

07h37 les nuages s'enfuient, elle arrête tout !
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09h03 Airolo
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09h42 Airolo, en attendant le bus
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Mon bus va remonter la Valle Ventina où coule le Ticino, et après avoir déposé ses ultimes (autres) passagers dans un hameau, je reste seul à bord pour toute la montée au Nufenen Pass. Enfin au col, je suis heureux de pouvoir retirer mon masque, et aussi ému de cette reprise que le jour du grand départ il y a presque 40 jours ... Un peu de monde sur le col, venu en voiture ou moto profiter de la vue et du restaurant. Des brumes flottent, mais pas de nuages vraiment formés et menaçants : cette nébulosité entretient la fraîcheur et me prive souvent de soleil, mais elle n'est pas dénuée d'une certaine photogénie. Je reste instinctivement confiant sur la météo, même si je n'exclus pas l'aléa d'une ondée.

10h50 Nufenen Pass, 2480m
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Dès que je redescends un peu du col je me retrouve seul, à zigzaguer sur un sentier de roche et de terre seulement récemment libéré de sa gangue de neige. Qu'il est bon de retrouver la sensation du mouvement par le seul fait de ses jambes smile  ! J'arrive dans un virage de la route, d'où j'attrape la piste / route en direction du lac de retenue du Griessee : en raison d'un danger de chutes de pierre, cette petite route est fermée à la circulation ET aux randonneurs, mais je passe outre. Le détour aurait consisté en un D+/D- de 150 m au lieu d'une marche à plat. Je fais bien, la zone "dangereuse" n'est pas bien différente de la plupart des sentiers d'altitude qui constituent mon quotidien de cet été ...

A l'approche du lac la vue est ... alpine.

11h57 Griessee & Griesgletcher
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12h05 Quoi, ma gueule ...
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Le sentier longe le lac en balcon, dans un environnement d'abord herbeux puis de plus en plus minéral, le tout sans changement d'altitude d'importance. Encore quelques beaux névés en travers du chemin, et me voilà au Griespass. J'y aperçois un bivacco (le bivacco du Griespass ...), mais je ne fais pas le petit détour pour aller le visiter. Déjà, je quitte la Suisse pour l'Italie ...

12h10 à l'approche du Griespass
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12h20 le Griespass, 2479m
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Dans une pente douce d'abord, puis beaucoup plus raide, un sentier bien creusé descend en lacets jusque dans un replat herbeux. Sans pourtant particulièrement me presser, je double les vélos électriques qui peinent dans la descente (allez chercher le pourquoi du chemin "creusé" ...), avant de me re-dépasser une fois sur le replat.

Nouveau raidillon pour la descente vers le lac du Muraschgsee : je profite d'un soleil revenu et d'un rocher qui m'abrite du vent pour une très agréable pause. Pas d'affaires à aérer / sécher, je peux pleinement profiter du bonheur des retrouvailles avec la montagne. Je suis ici sur l'itinéraire de la GTA italienne et de la Via Alpina, les passages de randonneurs sont fréquents sans être envahissants. Plus rien à voir en tout cas avec la solitude prononcée des premiers temps.

12h27 descente du Griespass vers le Muraschgsee
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12h50 en direction du Muraschgsee
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Après la reprise j'atteins rapidement le lac, que je contourne par la droite car de visu cet itinéraire est beaucoup moins fréquenté. Le chemin est une piste carrossable de chaque côté, mais ce côté-ci n'est pas apparemment pas régulièrement accessible aux véhicules. J'avance vite, et même trop vite : quand j'atteins le barrage je réalise que j'ai zappé une bifurcation. Pas bien grave car j'ai un autre chemin à ma disposition (la GTA, toujours), mais je me suis rallongé ma journée de 2 km un peu bêtement ...

Je reprends tout doucement de l'altitude, et m'engage maintenant dans le vallon du Nefelgiu, à l'assaut du 2ème col du jour.

14h13 le Muraschgsee ~1615m
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14h31 vue arrière sur le Muraschgsee
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14h47 Furculti, 1930m
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14h56, 1990m, direction le Passo di Nefelgiu
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A l'Alpe Nefelgiu (2048m) se trouve une cabane de bergers, en apparence inoccupée. L'abri rustique semble utilisable, mais avec ses pierres sèches et son sol de terre battue, la présence de souris est plus que probable ... La montée au col est tranquille et très progressive. De longs névés occupent encore le lit du torrent, mais aucune raison de les traverser et de s'exposer à des ponts de neige incertains ...

15h14 Alpe Nefelgiu, 2048m
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15h24 ~2100m, montée au col
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Au col je rattrape un allemand lourdement chargé, que j'ai aperçu de loin s'arrêter à de multiples reprises pour reprendre son souffle. On discute un peu, il est partir du Nufenen Pass à 8h00 ce matin, et moi à 11h00 ... J'ai atteint en 4 heures (dont une grosse pause) ce qui lui en a coûté 7. Il projette de s'arrêter pour ce soir au refuge de l'Alpe Vanninu, au bord du lac vers lequel nous descendons. Bien trop tôt pour moi, surtout avec mon départ tardif ... On aurait bien sympathisé, mais la différence d'allure est trop grande, je file devant ...

16h10 Passo di Nefelgiu 2583m, vue vers le Lago di Vanninu
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16h32, descente vers le Lago di Vanninu, refuge et bivacco de l'Alpe Vanninu
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16h42 Lago di Vanninu ~2170m
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Dès le départ du Nufenen Pass, j'avais repéré un bivacco d'altitude comme possible étape de ce soir. En effet, le bivacco Ettore Conti est installé sur la Scatta Minoia à 2600m, avant une longue descente vers le Lago di Devero. Tout au long de la journée se confirme que le timing est réaliste, sans avoir à me lancer dans une longue marche du soir : après tout, ce n'est que le jour de reprise ...

Je prévois juste de faire le plein d'eau dans l'un ou l'autre torrent peu avant le col. Comme de juste, il suffit d'en avoir décidé ainsi pour que, pour la 1ère fois depuis bien longtemps, je trouve à sec les torrents pérennes que m'indiquait ma carte ! Je vais tourner une vingtaine de minutes et descendre un peu dans la pente pour finalement trouver une source à raz de terre.

17h05 montée vers la Scatta Minoia
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17h25 vue arrière sur le Lago di Vanninu
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17h27 possible spot ...
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Avec le plein d'eau en plus de celui des victuailles, le raidillon final tout en rochers vers la Scatta Minoia est un peu plus consommateur d'énergie, mais ce n'est pas en 5 jours de repos que j'ai perdu mon entrain. Je trouve un col abondamment ensoleillé : en ce début de soirée le ciel se dégage et les lumières rasantes sur les sommets sont de toute beauté. Les vues sont extraordinaires, et d'ici je crois bien avoir vu le Mont Rose : au fond c'est vrai, avec mon grand bond en avant par-dessus le Tessin, je n'en suis plus si loin ... Je réalise que peu à peu, j'approche du sol natal, et encore plus vite de son aire linguistique ...

18h28 Scatta Minoia 2599m
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Je découvre le bivacco tout en béton immédiatement au col, où 2 couples italiens  (2 jeunes & 2 retraités) sont déjà là. Avec 8 couchages il y a bien assez de place, et je serai le dernier pour ce soir. Très belles discussions dans un mix d'anglais (avec les jeunes) et de français (avec les retraités). Forcément, encore et toujours, mon sac surprend, intrigue et alimente les discussions ...

Difficile de se tenir longuement dehors, je ne relève que 6°C avant le couchant, 3°C après, et il y a du vent ! Nous passons la soirée en intérieur et ne nous risquons à l'extérieur que pour de belles vues du couchant.

19h30 Bivacco Ettore Conti
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19h30-20h Les Alpes et moi réconciliés au soleil couchant !
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Dans sa gangue de béton le refuge est froid et humide : matelas et couvertures sont pénétrés, il faudra un long moment pour que ma chaleur corporelle prenne le dessus et que le confort ne s'installe ...


En quelques chiffres :

Total J31
23 km
D+ 1440 D- 1314
Marche 6h45
km-Effort 40.6

Cumul J01-31
1 067 km
D+ 62 000 m
Marche 314h
km-Effort 1 823


Itinéraire & Progression
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Impression générale :

Une bien belle journée, avec un temps de marche très honorable malgré un démarrage tardif. A la suite des intempéries des jours précédents, le temps reste frais et un peu venté, mais chacun a fait sa part d'effort en vue de la réconciliation. J'ai marché l'essentiel de la journée avec polaire et veste en coupe-vent ... Avec le bond fait par-dessus le Tessin, le changement dans les paysages est frappant.


J31 / 8 août en vidéo !
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Dernière modification par Hervé27 (18-12-2021 17:22:01)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#103 18-11-2021 13:37:16

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Côté vidéos, je n'en suis qu'à l'épisode n°20 ...

voir la vidéo
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#104 20-11-2021 19:33:50

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J32, lundi 9 août, Poussez pas du col !

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Encore magnifiquement étoilé lorsque je suis sorti vers 2h du matin, le ciel s'est couvert durant la nuit. A l'aube il fait plus doux dehors qu'à l'intérieur de cet abri de béton, où je n'ai mesuré que 3°C. J'ai mis du temps hier soir à trouver un équilibre thermique dans mon duvet, sur un matelas et sous une couverture tous deux bien humides ...

Je m'efforce de ne pas faire trop de bruit en me levant à 5h30 et en remballant mes affaires, mais forcément tout bruisse, craque, frotte quand je rassemble mes affaires dispersées et remplis mon sac. J'aurai été bien avisé hier soir de mieux préparer mon départ ... Je murmure un "Ciao !" à mes colocataires d'une nuit, sans certitude d'être entendu mais sans risque de réveiller ceux qui dormiraient encore ...

pour la météo, ça devrait tenir ...
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A 6h05 je suis dehors et au milieu d'une montagne magique. Le vent froid d'hier est tombé, mais pas au point de me priver de ma configuration polaire + coupe-vent pour le redémarrage.

Le 1er objectif du jour est une longue et très progressive descente vers le village de l'Alpe Devero, presque 1 000 m de D- au cours desquels je vais redescendre tous les étages de végétation, et passer d'un environnement glaciaire aux plaisirs estivaux.

Ici c'est encore la fonte des neiges, et à chaque replat traversé par le chemin il convient de repérer ses appuis pour ne pas se mouiller les pieds.

Avec un lever du soleil à 6h18, pas mal de nébulosité et une vallée encaissée, je vais marcher un long moment à l'ombre ce matin.

6h07, 2600m, Scatta Minoia, du bivacco Ettore Conti. Le massif du Mont Rose au loin ...
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6h22 fonte des neiges ...
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06h29 reflets ...
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06h34
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06h47 vue arrière
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06h49 la suite de ma journée droit devant
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J'atteins assez vite les vacheries de l'Alpe Forno Inferiore, où d'après ma carte l'un des bâtiments fait également bivacco, mais je ne suis pas allé repérer. On s'active déjà dans l'exploitation, et pour ne pas déranger la manœuvre du troupeau je me vois contraint à opérer un grand contournement pour pouvoir momentanément reprendre la piste en contrebas.

La végétation s'étoffe, je retrouve les rhododendrons et bientôt déjà quelques mélèzes, tandis que de sombres lacs aux eaux lisses me renvoient les images des cimes éclairées par un pâle soleil.

Je pourrai poursuivre très directement par la piste pour rallier l'Alpe Devero, mais je préfère passer sur l'autre versant du vallon et emprunter le sentier. C'est plus étroit, plus tortueux, je m'y mouille plus facilement les pieds dans la végétation ... mais c'est aussi beaucoup plus conforme à ma vision de la randonnée. Je traverse le déversoir d'un ancien lac de retenue (le lago Pianboglio) : je dis "ancien" car la digue est totalement détruite, des pans entiers bousculés dans le torrent en aval. Cela ne date pas d'hier, car la végétation occupe jusqu'au lit du torrent.

Je descends ainsi le long du torrent, jusqu'à atteindre le grand Lago di Devero, que je vais longer par la droite.

07h15 le déversoir du lago Pianboglio en bas à droite
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07h31 juste avant d'atteindre le lago Pianboglio
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Quand je commence à longer le lago di Devero je trouve d'abord une petite cabane, visiblement privée et absente de ma carte. Le lieu est idyllique, avec une pleine vue sur le lac et seulement desservi par mon petit sentier. L'endroit est encore à l'ombre et je ne m'y arrête donc pas, poursuivant ma progression.

Le sentier passe beaucoup plus haut au-dessus du lac que je ne m'y attendais, passant tout d'abord dans des éboulis de gros blocs, puis faisant l'ascension de quelques verrous rocheux avant de redescendre. Le temps de m'interroger sur la pertinence d'être passé par ce côté, les choses s'adoucissent et le chemin devient très roulant à flanc d'une pente plus douce et boisée. Le lac reste néanmoins assez loin en contrebas.

En prime, voilà enfin le soleil qui apparait : quand je repère un spot herbeux bien dégagé des arbres et pourvu d'un rocher digne de mon séant, me voilà installé pour la pause du petit-déj. A peine installé, voilà déjà 2 randonneuses qui passent et que je salue : elles-mêmes se posent quelques instants en bord du chemin quelques dizaines de mètres plus loin. Je sais qu'à l'approche de l'Alpe Devero j'entre dans un secteur accessible et bien plus fréquenté, que je compte traverser en mode rapide : c'était maintenant ou jamais pour la pause en (presque) toute quiétude ...

08h28 Lago di Devero
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Passé le barrage mon sentier se transforme en large piste pavée : après la descente dans la forêt le paysage s'ouvre sur des pâturages, et je passe aux abords du plan du hameau de Crampiolo. Déjà un peu d'agitation matinale, mais sans excès. Je prends les chemins buissonniers pour rejoindre le plan suivant de l'Alpe Devero, suivant le circuit balisé du petit lago delle Streghe, dont les eaux sont d'une surprenante transparence.

09h32 Crampiolo
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09h40 tourbière protégée
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09h47 lago delle Streghe
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Je me perds un peu à partir de ce lac paradisiaque, retrouvant finalement mon chemin dans un dédale de sous-bois tapissé de rhododendrons, et tandis que l'affluence commence à se faire sentir. Avec tous ses refuges, gîtes, locations dans un cadre magnifique, l'Alpe Devero est à juste titre une destination prisée des randonneurs, mais c'est trop de monde pour moi qui me suis habitué à la solitude. Je ne perds pas de temps pour en ressortir et attaquer sans attendre la remontée de 800 m D+ vers la Scatta d'Orogna.

10h24 Alpe Devero
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Le changement de pied et le retour à une déclivité positive me font énormément de bien, après mes 1 000 m de D- des 4 dernières heures. La montée dans la forêt est franche, je retrouve mes sensations pour ce 2ème jour de reprise.

Quand je passe à la vacherie de l'Alpe Misanco, j'hésite à m'arrêter acheter du fromage : je suis encore à plein de victuailles (dont du fromage), avec de nombreuses opportunités de ravitaillement devant moi. A regret, je passe ...

10h56 Alpe Misanco, vue arrière vers d'où je viens (à droite)
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La montée se fait maintenant dans un thalweg où les mélèzes se font plus clairsemés, et où le chemin trace direct dans la pente. Le sentier est à peine visible, et c'est quand je fais un point GPS que je réalise avoir manqué la bifurcation que j'avais prévu de prendre. Je ne vais cependant pas faire demi-tour, car mon erreur d'itinéraire va simplement me faire rejoindre les crêtes en amont de ce que j'avais prévu, sans réel détour ou surcoût temps / énergie. Au prix d'une montée un peu plus raide dans la pente herbeuse (mais j'ai du jus), je profite de vues que je n'aurais peut-être pas eu par mon tracé prévisionnel.

11h28 pentes du Monte Cazzola, nouvelle vue arrière : le lago di Devero bien visible, et le col où j'ai dormi presque exactement au centre
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11h43 Monte Cazzola 2330m
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La géologie du Monte Cazzola est surprenante : ses pentes sont douces et herbeuses, jusqu'aux abords du sommet où la montagne semble avoir été fracassée et fracturée. De larges fissures rocheuses laissent entrevoir des dizaines de mètres dans les entrailles de la montagne

11h48 les gouffres du Monte Cazzola
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Je croise un petit groupe de randonneurs monté par l'autre versant, un bonjour et quelques mots échangés, ils prennent les devants pendant que je fais des images. Je les retrouve un peu plus loin, tandis qu'ils se sont dispersés pour contourner un troupeau par des directions différentes. Je n'ai pas ces précautions : j'avance tranquillement et c'est finalement le troupeau qui se déplace sans qu'il me soit besoin de le traverser ...

11h53 le sentier fend le troupeau (pas vu de chiens)
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Un gros névé avec une congère un peu raide à traverser pour passer un collet avant d'accéder à un petit lac que je vise pour ma pause de midi. Mes compagnons d'un instant cherchent là aussi à contourner l'obstacle, mais je peux le franchir presque directement. Déception quant au lac que me montrait ma carte : en cette année neigeuse et pluvieuse, il est totalement à sec alors même que tous les névés n'ont pas fini de fondre : sans doute la contrepartie de la géologie fissurée de cette montagne, l'eau ne traîne pas en surface.

Tant pis, je fais ma pause ici quand même, dans un recoin à l'abri du vent et avec un peu de soleil. Mes 3 randonneurs passent une dernière fois, je ne les retrouverai plus.

11h59 lac porté disparu
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12h10 la pause au bord du lac rien
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La météo que j'ai pu actualiser en passant à l'Alpe Devero n'est pas orageuse, mais la nébulosité se fait plus présente, la brume cachant les sommets. Quand je perds le soleil, je me remets en chemin.

12h51pas de soleil ? Je marche !
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Le sentier redescend un peu dans le vallon avant que d'attaquer la montée de la Scatta d'Orogna. Au pied de cette dernière je rejoins GTA & Sentiero Italia (la Via Alpina a bifurqué vers le Nord et la Suisse à hauteur de l'Alpe Devero). Les randonneurs se font ici nombreux, avec un partage plus équilibré entre les promeneurs du jour et ceux qui sont engagés dans des périples plus ou moins longs (il suffit d'observer les sacs ...).

Du fond du vallon je n'ai que 250 m D+ jusqu'à la Scatta d'Orogna (2462m), vite atteinte. Les brumes montent par l'autre versant et la suite du parcours prend un air sinistre. Il fait frais et je retrouve ma combinaison de marche polaire + coupe-vent.

12h54 montée vers ...
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13h24 ... la Scatta d'Orogna ...
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13h28 ... et la brume
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De là il faut se transférer vers un second col (Passo di Valtendra 2433 m), empruntant d'abord un fil de crête jusqu'à un petit lac tout en longueur, puis par un chemin en balcon dans un environnement de plus en plus minéral, toujours marqué par la présence de la neige.

Nous sommes nombreux sur cette section, et je rattrape les groupes les uns après les autres, tentant de me signaler pour qu'on me laisse doubler sur le chemin étroit ... Quant à moi, personne ne me double.

13h42 un lago tout en longueur
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14h08 à l'approche du Col
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14h13 Passo di Valtendra 2433m
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Passé le col où je ne m'attarde pas car il ne fait pas chaud, je suis maintenant à l'avant de la vague des marcheurs après les pauses déjeuner, et j'attaque la descente en solitaire. Passé la partie minérale et ses névés, c'est une descente raide de 300 m sur un chemin chaotique qui trace ses lacets dans les rochers, qui s'enrichissent de végétation au fil de la descente.

Un premier replat à ~2100m (le Plan Sass Mor), puis la descente reprend, moins brutale et par la forêt, jusqu'au plan du Scricc.

14h48 Plan Sass Mor
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15h01 Plan Sass Mor, fontaine bienvenue
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15h17 Plan Sass Mor, la montagne vandalise les rochers, et les avalanches jouent au javelot avec les troncs d'arbres ...
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J'ai pris en ligne de mire un nouveau groupe de marcheurs que je compte bien rattraper, mais je les ai laissé s'envoler pour aller faire le plein d'eau et une semi-toilette à une belle fontaine. Je les rattrape pourtant dans la descente vers la Plan du Scricc, arrêtés dans un lacet du sentier et autour de l'un d'eux qui s'est déchaussé, la cheville bien enflée ... Quelques mots de compassion échangés, mais comme j'ai vu que les trousses de secours et instruments de bandage étaient déjà dégainés, pas grand'chose que je puisse faire ...

Lancé maintenant à pleine vitesse, je veux maintenant atteindre l'Alpe Veglia et ses hameaux / refuges pour y faire la pause de l'après-midi et faire le point en vue de la fin de journée. Je traverse trsè (trop!) vite le très joli plan du Scricc et son torrent paresseux, puis le mélézin en descente vers mon objectif.

Tout en marchant je pose les données de l'équation : la neige était aujourd'hui bien présente (mais nullement gênante) entre 2400 et 2600 m, et j'ai droit devant moi à franchir la Boccheta di Aurona à 2770 m, dont l'ascension - que j'évalue assez raide - longe un glacier que j'ai pu voir de loin. Le secteur me semble bien encombré de neige, et il me faudrait le passer en toute fin de journée, vers 19/20 h ... Il y a bien là-haut un bivacco (bivaco Beniamino Farello) et un refuge (la Monte Leone Hütte), mais vu comme il faisait froid et humide la nuit dernière et presque 200 m plus bas, je suis frileux ...

Bref, je ne me sens pas trop de me lancer en fin de journée, d'autant que j'ai ici l'opportunité de couper l'une des "quasi-boucles" de mon itinéraire, par un itinéraire bis un peu moins haut dont j'entrevois les contours et pourrait constituer mon programme de demain.

Enfin, l'idée d'un bivouac posé tôt (pour une fois !) me tente assez, pourvu que je trouve le site idoine.

16h38 Alpe Veglia, pause et réflexion ...
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Je prends donc ici la décision de modifier l'itinéraire et passer non loin une nuit confortable à moyenne altitude. Je traverse le plan de l'Alpe Veglia, et m'engage sur l'itinéraire forestier du lago delle Streghe (encore ce nom !). Maintenant en repérage bivouac, je réalise que j'ai négligé de faire le plein d'eau, tant l'abondance était jusqu'ici la règle. Je repère de possibles opportunités un peu au-dessus des maisons du hameau de Ponte et sa chapelle, mais continue malgré tout jusqu'au lac de Streghe. Les eaux sont limpides et le cadre très joli, mais je n'y trouve aucun espace plat susceptible d'accueillir mon abri. En revanche, les myrtilles abondent et, pour une fois, j'en profite un peu !

Demi-tour donc vers les possibilités repérées plus bas, avec une étape plein d'eau à la source d'un ruisseau.

Je m'aventure une première fois à l'écart du chemin et y trouve un beau replat entouré de mélèzes. Prêt à planter l'abri, je vais vite me retrouver dans un nuage de moustiques ... Vite, la fuite !

Seconde tentative un peu plus bas, et cette fois je me rapproche du bord du petit ravin où coule le torrent, comptant sur son léger courant d'air pour emporter la masse assoiffée de mon sang. Cela semble mieux, je pose mes affaires, mais attends encore un peu avant de monter, car il n'est que 18h. Je finis par juger l'endroit suffisamment discret, bien que les sons d'un gîte en contrebas remontent vers moi, et me voilà complètement installé.

Un couple de chevreuils s'attarde non loin, le soleil est bien plus présent à cette altitude, la vue est splendide ...

17h51 les chevreuils à l'iPhone ... on a fait mieux
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18h29 idyllique, non ? (*)
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(*) l'abri à peine monté, les moustiques affluent ... argh !



En quelques chiffres :

Total J32
29 km
D+ 1383 D-2192
Marche 9h40
km-Effort 50.5

Cumul J01-32
1 096 km
D+ 64 000 m
Marche 324 h
km-Effort 1 874


Itinéraire & progression
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Impression générale :

Une belle variété de paysages et d'altitudes, une météo clémente, un agréable panachage de sentiers roulants et plus engagés, une heureuse erreur d'itinéraire, un splendide bivouac ... et pourtant un sentiment d'inachevé, d'une étape interrompue trop tôt, d'avoir reculé devant l'obstacle d'un col qui me faisait douter. Je continue de m'accrocher à l'idée d'un itinéraire à suivre, alors que chaque jour est une équation particulière avec sa somme d'improvisations ...


J32 / 9 août en vidéo
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Dernière modification par Hervé27 (22-12-2021 14:58:40)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#105 21-11-2021 10:15:07

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

et la vidéo du J21 (23 juillet) en prime ! (une de mes plus belles étapes ...)
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Entre rédaction et édition des vidéos, je n'ai plus le temps de lire tranquillement tous les beaux récits de cet été ... Ce sera pour plus tard cet hiver  wink


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#106 22-11-2021 22:44:19

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J33 mardi 10 août : coupe-circuit !

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Bien qu'étant à moins de 1 800 m d'altitude, la fin de nuit a été fraîche, avec un soupçon de givre sur le bas de la toile. Je pense qu'un bivouac plus élevé aurait pu s'avérer inconfortable. Les jours raccourcissent d'autant plus vite que je me décale vers l'Ouest, et je ne suis en mouvement avec le jour qu'à 6h30.

Pour aujourd'hui j'ai décidé de couper l'une des boucles de mon parcours, par un itinéraire que j'ai travaillé hier soir sous la tente. Au lieu de passer la Boccheta di Aurona (2770m),  le Col du Simplon (2005m) et ensuite naviguer sur des crêtes à 2300-2400m, je me lance sur une trajectoire que j'espère un peu plus courte via le village frontière de Gondo. Au programme : une montée (500 m D+), une très grande descente (1 200 m D-), et une remontée en fond de vallée.

Je commence par repasser par le Lago delle Streghe, inspecté hier soir en recherche de bivouac. De là j'attrape un petit sentier, direction le Lago d'Avino. Je m'élève d'abord dans la forêt, puis dans une ambiance qui redevient peu à peu alpine ... La météo est magnifique : l'été arriverait-il enfin ?

06h51 Lago delle Streghe
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07h04 vue arrière vers la Punta del Rebbio (3193m) et le Hillehorn (3181m)
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Au-dessus de moi les contreforts emmuraillés du Monte Leone (3552m) dominent. Les pentes sont franches mais, pourvu qu'on prenne le bon souffle, l'ascension se fait bien. Histoire de me donner des regrets, je scrute s'il aurait été possible de bivouaquer plus haut que je ne l'ai fait, et en effet je repère plusieurs spots qui m'auraient offert un magnifique lever de soleil ... mais aussi une nuit bien fraîche.

La forêt se clairsème et je passe sous le franc soleil du matin, puis le trajet se minéralise quand, enfin au pied des falaises, le sentier se fait moins pentu en direction du Lago d'Avino.

07h13 piliers rocheux annonciateurs du Monte Leone
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07h55 champs de cailloux
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Le sentier zigzague entre les gros blocs pour arriver enfin au-dessus du barrage, vers lequel il faut redescendre d'une trentaine de mètres avec quelques passages sécurisés. Je suis écrasé par la beauté lumineuse du site, et les 1500 m de falaises du Monte Leone qui tombent dans le lac pour un rebond optique vers ma rétine

08h07 Barrage du Lago d'Avino
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08h09 les pentes du Monte Leone des 2 côtés du miroir
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8h06 Monte Leone (3552m) et torticolis
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Je franchis le barrage, profite des angles différents qu'il m'offre sur le lac et ses effets de miroir. Je m'amuse aussi du panneau qui met en garde spécifiquement contre le danger de noyade : je n'y aurai pas pensé tout seul ... Au pied du barrage la maison du gardien est occupée : il est des emplois avec de meilleures vues que d'autres ...

Au-delà ce sont des pentes douces couvertes d'herbe rase qui doivent me mener au Passo del Croso (2395m), même pas 200 m plus haut. Fastoche ! Je m'attarde encore quelques instants près d'un petit oratoire, histoire de profiter de la vue sur mon parcours de la veille, lequel va bientôt disparaitre derrière moi. Tout passe, tout s'efface ...

08h21 Oratoire face avant ...
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08h22 Oratoire face arrière ... En bas, l'Alpe Veglia traversée hier soir
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De là plus de véritable sentier, seulement des piquets espacés de distances variables et qui guident la navigation sur ce terrain d'abord très doux. A l'approche du fil de crête, le terrain se fait chaotique, avec d'énormes rochers fracassés entre lesquels s'ouvrent des gouffres. Je comprends mieux l'importance de la trace, car les fractures sont souvent infranchissables et barreraient le passage à quelqu'un navigant à l'azimut. La neige s'incruste encore abondamment dans les fissures les plus à l'ombre.

Ce n'est qu'aux abords du Passo del Croso et avec suffisamment de recul que je prends conscience qu'à la pente douce que je viens de gravir, succède une falaise abrupte.

8h48 d'un piquet l'autre
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8h48 la montagne fracassée
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8h56 c'est raide ...
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Au Passo del Croso, je réalise qu'il me reste juste assez d'eau pour chauffer un capuccino. Avec de pareilles vues je ne saurai me priver d'une belle pause ensoleillée. Sans inquiétude aucune pour la météo de la journée, je remets l'aération / séchage des affaires aux heures chaudes. En revanche je prends bien soin de me déchausser pour aérer mes orteils. Evidemment un peu de vent vient compliquer le pénible chauffage de ma petite popote, je dois rajouter de l'alcool ...

Après quelques instants, 2 papys arrivent torse nu par une montée que je ne distingue pas, tant la pente est raide à mes pieds. Ils ont l'air d'avoir bien chauffé dans l'ascension, alors que l'air est encore frais. Je me dis que s'ils sont montés c'est que je peux descendre, mais je m'interroge ...

Après la pause, j'attaque cette redescente entre deux falaises et quelques gros blocs, mais bien vite le paysage s'élargit et je perçois mieux mon itinéraire. Je n'ai pas à descendre jusqu'au fond de la vallée sur ma gauche, mais repasser le fil de crête pour rejoindre une vallée remontante à droite. Quelques passages sont aériens ...

8h56 Passo del Croso (2395m) : après la pause, il va falloir descendre
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9h37 c'est par là ...
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9h48 ... et sur le fil !
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J'ai un instant le choix entre 2 itinéraires, l'un plus court que l'autre mais  libellé "Attenzione, tratti esposti". Horrifié à l'idée de trop descendre pour avoir à remonter, j'opte pour l'exposition et l'option la plus courte (mais prêt à changer d'avis ...). D'abord convenable, le sentier montre vite les signes qu'il est moins emprunté : le virage par-dessous le piton rocheux se fait encore bien dans une pente herbeuse (et juste quelques colonies d'orties sur le sentier ...), puis ensuite s'engage dans une coulée verte entre 2 barres rocheuses. On voit bien que par le passé le sentier y faisait de nombreux lacets bien resserrés, mais l'érosion, le manque de passage et l'absence d'entretien compliquent aujourd'hui la tâche du randonneur. Au moins c'est direct, et l'on descend vite vers le vallon de l'Alpe Vallè, ses bergeries d'alpage et sa piste ...

9h54 un tour par la gauche et je dois repasser là en-dessous
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10h35 vue d'en bas, ma coulée herbeuse dans l'axe de mon bâton de droite
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Une fois en bas sur la piste (et 450 m plus bas que le Passo del Croso), je repars à la montée en direction d'un nouveau col avant la grosse descente vers Gondo. Les randonneurs sont (modérément) nombreux, ainsi que les VTTistes. Il faut dire que je suis à nouveau sur la GTA, venue de l'Alpe Veglia par le fond de vallée alors que je suis passé par les hauteurs.

Après cette descente fatigante sur un sentier évanescent, j'ai un petit doute sur le sentier que j'entends prendre pour descendre vers Gondo. Je pourrai en effet rester sur la GTA et remonter vers le village depuis l'Italie, plutôt que l'itinéraire un peu plus court qui me ferait passer du côté Suisse pour descendre sur ma cible. Ne risqué-je en effet pas de m'engager sur un itinéraire faiblement fréquenté et entretenu, et donc plus éprouvant ?

Tout au long de la montée vers le très joli alpage de Balmette où je dois prendre ma décision, je vais peser le pour et le contre. La décision est tellement dans la balance que, si j'attaque à gauche l'option "par la GTA" et le Passo delle Possette (2179m), je me ravise à la 1ère intersection et vire à droite vers le Passo dei Gialit (2225m). Va donc pour "mon" itinéraire, et tant pis pour le "risque". Bonne pioche !

11h05 Alpe Balmette (2067m) : fromage, hébergement, restauration ...
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11h28 vue arrière depuis le Passo dei Gialit
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Depuis le col je découvre un agréable chemin en balcon, et surtout de nouvelles vues tout aussi belles que les précédentes. Je vais suivre ce chemin sur une petite distance, avant d'aviser un petit abri de pierre près duquel je m'installe pour le séchage de mon bivouac et mon déjeuner. J'aurai juste croisé un petit groupe, puis un  bonhomme avec un drôle de chapeau à clochettes arrivera en montant de la vallée. Dans nos échanges, je lui fait part de mon objectif un peu plus affiné pour ce soir, qui serait d'avoir franchi le Passo di Andolla, visible en face mais avec entre nous une profonde vallée dans laquelle descendre, et une autre à remonter sur toute sa longueur ... Il est dubitatif (il a raison ...).

11h33 en balcon, vues sur le Lagginhorn (4010m)
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Après la pause, je descends un peu vers la bergerie (abandonnée ?) de l'Alpe Camoscella, d'où je dois bifurquer pour une descente raide de 900m D-. Je constate vite que ce sentier de descente est bien moins matérialisé que celui que je quitte, et au début il me faudra m'aligner au GPS pour en retrouver des bribes. C'est un peu mieux un peu plus bas, et me voilà lancé dans la dégringolade de ce versant abrupt.

Il s'agit de redescendre en plein soleil, retrouver la chaleur de la vallée. La transpiration revient vite, heureusement que j'ai fait un plein d'eau à une petite cascade. La perte d'altitude est rapide, il me faut régulièrement déglutir pour ajuster la pression. J'imagine que l'ascension est plus pénible que la descente, et je suis un peu étonné de rencontrer une petite famille avec de jeunes enfants installée pour déjeuner sur un collet. La température monte, et la végétation se transforme, prenant un tour franchement méditerranéen, dominé par les pins. Le sentier forme ses lacets entre de profonds ravins, rebondissant de l'un à l'autre.

Enfin en bas au hameau mi-ruiné, mi-restauré, de Cima ai Campi, je croise 2 papys sacs au dos, mais plus en tenue de ville que de randonnée. Ils m'interpellent (en italien) pour me demander où ils sont, et je finis par comprendre qu'ils essayent de rejoindre un gîte sis au hameau de Bugliaga, qu'ils croyaient être ici ... Autre problème : nous sommes positionnés entre 2 hameaux portant ce nom, l'un tout proche, l'autre à plus d'1 km ! Je suppose qu'ils ont dû marcher un long moment sur la piste que je rejoins ici. Ils ont l'air bien fatigués et transpirants, et tentent au téléphone de joindre leur hôte pour qu'on vienne les chercher : difficile s'ils sont incapables de préciser leur position ... Avec le nom de notre position que je peux leur donner, ils peuvent le diriger et voilà bientôt un 4x4 qui arrive, lequel devait patrouiller à leur recherche ... Tout ce monde se hèle et s'interpellent, je peux maintenant poursuivre après ma B.A. smile

11h46 à gauche la vallée qu'il me faudra remonter et le Passo di Andolla (2418m) que je voudrais passer ce soir
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13h09 longue descente
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Je marche d'abord sur la piste qui reste à niveau jusqu'à Bugliaga (en fait Bugliaga "dentro"), minuscule hameau aménagé avec soin, offrant le gîte et le couvert. Des randonneurs sont attablés ici, et nous échangeons quelques mots pendant que je me réhydrate et refait le plein à la fontaine. C'est qu'il fait chaud ... J'entends derrière le 4X4 avec les 2 papys et leur chauffeur qui arrivent : ils vont pouvoir se refaire une santé !

14h09 Bugliaga dentro, direction la frontière Suisse, franchie anonymement quelques centaines de mètres plus loin
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Je pensais suivre une piste à flanc sur quelques kilomètres avant de descendre les derniers 300 m vers la vallée, mais je vais découvrir un (joli !) sentier qui monte et descend au gré des verrous rocheux à franchir. Il est sécurisé en plusieurs endroits, quelques passages ouvrant des à-pics. La progression va s'y révéler beaucoup plus lente que je le pensais ... Très belle, mais lente ... Je croiserai plusieurs grosses bâtisses aux vues imprenables, mais abandonnées : j'ai du mal à m'imaginer leur fonction sur ce versant fait principalement de falaises avec quelques rares prés. Etaient-elles justifiées par la proximité de la frontière ?

Je vais longtemps entendre des sons d'outils motorisés, tandis que je constate que le sentier a été récemment désherbé / nettoyé. Les herbes fraichement coupées jonchent le chemin, ce qui peut parfois le rendre glissant là où la zone est mouillée. Je vais manquer de me gameller ... Les cantonniers désherbeurs sont audiblement loin devant moi, je ne les rattraperai que lors du plongeon final du chemin, les remerciant au passage pour leur travail, dont profite l'égoïste randonneur solitaire que je suis.

Chemin et descente (précédée de multiples et provisoires remontées) sont interminables, et si j'ai resserré mes lacets pour mieux supporter la déclivité, mes orteils finissent par taper quand même. Les dernières dizaines de mètres avant d'attraper un virage de la route sont un calvaire. Je vais m'y déchausser un court instant, le temps de reprendre mon équilibre avant de changer de pas.

14h33 le chemin dans la falaise
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15h16 le chemin traverse la bâtisse
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Ce n'est qu'une fois en bas, en levant la tête, que je comprendrais mieux la trajectoire acrobatique de mon sentier. Les falaises sont impressionnantes, laissant peu de choix d'itinéraire ...

Il me reste un peu moins de 2 km à faire vers Gondo, village frontière niché au fond de l'étroite gorge au pied des falaises. J'y parviens par une piste, déterminé à marquer une longue pause pour me requinquer. Il m'aura fallu 3h 1/4 là où je pensais n'avoir besoin que de 2h ...

Je mets à profit le rayon épicerie de la station-service pour recompléter mon garde-manger, me redonnant ainsi toute latitude d'itinéraire. Le prochain ravitaillement que je programme est à Macugnaga, où j'espère être après-demain, et mes vivres ne peuvent aller que jusqu'à demain soir : je préfère reprendre un peu de marge de manœuvre. Plus bas dans le village il y a aussi une supérette, sans doute mieux achalandée que la station service, et je m'y arrête également tongue  !

Je repère de loin une table de pique-nique sur une aire de parking au fond de la gorge, de l'autre côté du torrent et agréablement à l'ombre. Je consomme ce qui dépasse et reconditionne mes achats, ce qui m'oblige aussi à revenir sur mes pas pour me délester de mes déchets et recyclage, avant de reprendre - rassasié - mon chemin à 17h.

15h49 falaises ...
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16h46 Gondo et sa falaise, fin de la pause
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La suite n'est pas transcendante, car pour remonter la vallée de Zwischbergen je suis contraint d'emprunter la route : le sentier est en effet fermé pour travaux, et je pourrai à plusieurs reprises observer de la hauteur de la route qu'il est effectivement par endroits en très mauvais état (chutes d'arbres et petits glissements de terrain). Néanmoins, avec la fatigue des belles heures qui ont précédé, la facilité de la marche sur route et à l'ombre en fin de journée a quelque chose de reposant ... Il n'y a presque pas de trafic sur cette route en cul-de-sac, qui ne dessert que quelques résidences d'alpage et des parkings de départ de randonnée.

J'enquille les kilomètres, la lassitude s'installant quand la route se fait piste, encore moins plaisante si c'était possible. Je lorgne un sentier que j'aurai pu prendre sur l'autre rive si je n'avais manqué sa bifurcation ... 2 hommes nus remontent sur la piste après s'être baignés dans le torrent et renfilent vite leurs affaires, pour finalement enfourcher leurs vélos et redescendre ...

J'ai maintenant rattrapé mon itinéraire et terminé ma "coupe". Je vise d'atteindre la zone à ~1800 m où la piste redevient sentier, la vallée s'élargit et devrait offrir de grands replats bivouaquables. A un petit lac de retenue (le Stausee Fa), un groupe bivouaque au bord de l'eau et s'active autour d'un feu. J'imagine un instant m'installer à quelques dizaines de mètres, mais poursuit encore un peu pour n'avoir un bivouac rien qu'à moi.

Je me pose ainsi à 19h45, sur un replat de sable non loin du torrent. Je rince mes affaires et mon épiderme dans le torrent, tous bien chargés en sel de l'abondante transpiration de cette journée.

Comme d'habitude, dîner depuis le fond de mon duvet, et dodo !

17h37 la voie est close
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17h52 Choses vues : recyclage de télécabine en abri bûches
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19h35 Stausee Fa : la place est belle ... mais prise
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20h10 il est temps de se coucher !
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En quelques chiffres :

Total J33
32 km
D+ 2478 D- 2471
Marche 10h55
km-Effort 62.9

Cumul J01-33
1128 km
D+ 66 000 m
Marche 335h
km-Effort 1937

Itinéraire & Progression
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Impression générale :

La matinée jusqu'à ma pause déjeuner a été éblouissante, et j'ai été bluffé par la beauté et la sauvagerie des vues. J'ai en revanche sous-estimé la pénibilité et la longueur de la descente, négligeant les coups de yo-yo du chemin qui ont accentué le dénivelé (plutôt 1500 m D- & 300 D+ que les 1200 D- envisagés ...). Condamné au bord de route en soirée pour cause de fermeture de sentier, ça a un peu gâché ma fin de journée. Au final, sur des chemins plus techniques et plus tortueux, je ne suis pas certain d'avoir vraiment raccourci mon parcours ... et en plus j'ai esquivé le Col du Simplon qui était un point de passage obligé sur la ligne de partage des eaux ...



voir l'étape J33 / 10 août en vidéo
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Dernière modification par Hervé27 (27-12-2021 08:20:29)


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#107 23-11-2021 11:26:10

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

et poursuite de la publication des vidéos, ici le J22 ...

voir la vidéo
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Dernière modification par Hervé27 (23-11-2021 11:26:31)


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#108 23-11-2021 11:51:53

tacheton
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

C'est parfois avec plaisir que je fais du goudron apres m'être cassé les cuisses dans des descentes comme ça. Des journées a 2500 de D- j'ai mal rien que d'y penser... Surtout dans du raide non balisé. Belles photos encore...

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#109 23-11-2021 12:37:25

Magne2
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Merci de mettre des images et du texte sur des lieux vu sur les cartes papiers Suisses.
J'attend tes impressions sur Macugnaga


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#110 24-11-2021 11:24:39

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut Tacheton & Magne2, merci du passage smile !

En attendant de rajouter des épisodes au récit, encore une vidéo :

Vidéo J23 (25 juillet)
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#111 25-11-2021 18:02:51

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Pendant que je rédige le C/R n°34 (livraison demain ?), je publie la vidéo n°24 ...

Ce ne fut pas l'étape la plus transcendante, mais il faut de tout pour faire une traversée wink

voir la vidéo J24 !
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#112 26-11-2021 16:57:38

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J34 mercredi 11 août : sortie du tunnel

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Départ ce matin à 6h30. Quelques nuages me laissent dans l'incertitude, d'autant que je n'ai pas actualisé mes prévisions météo depuis avant-hier soir. A peine en chemin, voilà déjà une ondée sad ...

Je vais vite noter quelque chose d'anormal quand le chemin va s'élever en lacets, alors que sur ma carte il était supposé suivre encore un moment le torrent. Avec la pluie, pas facile de vérifier sur écran ... Je suis déjà bien engagé quand je m'en rends compte, et ce chemin imprévu (mais récemment débroussaillé) s'avère absent de ma carte roll . Avec un peu d'extrapolation, je vais faire le pari que ce sentier non référencé sur OpenTopo (mais dûment balisé sur le terrain !) qui zigzague dans une épaisse végétation est destiné à rejoindre sous la crête l'itinéraire de la Via Alpina / Sentiero Italia. C'est effectivement le cas, et au final mon erreur d'itinéraire (causée par un panneau tordu par la force d'une avalanche, voir photo !) m'aura juste fait monter plus vite, mais sans rallonger le parcours.

06h29
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06h37 c'était pourtant facile de ne pas se tromper
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Je rattrape finalement la Via Alpina dans les alpages et après un "petit" 400 m D+ que j'aurai grimpé de manière bien poussive. Je trouve là une bergerie en activité non mentionnée sur ma carte, laquelle explique peut-être aussi la rénovation du sentier par lequel j'arrive. A mon grand étonnement j'ai le plaisir d'entendre mon salut retourné en français (ou quelque chose qui y ressemble). Nous ne sommes pourtant pas encore dans le Val d'Aoste ...

D'ici le trajet va se poursuivre facilement en balcon jusqu'au pied du Passo di Andolla (2418m), où le chemin se raidit brutalement. Il faut mettre les mains au rocher et serpenter verticalement pour enfin atteindre le passage, après un raidillon de ~250m D+. Pas de jus et pas de souffle ce matin, j'ai peiné ...

7h23 vue arrière sur  le Monte Leone (3552m)
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7h23 vue à gauche sur le Pizzo d'Andolla (3654m), et à droite mais dans les nuages, vers le Weissmies (4023m)
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7h52 le Weissmies (4023m) juste discernable sous les nuages, du pied du Passo di Andolla
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8h37 Passo di Andolla 2418m : le rifugio Andolla en bas, le Passo delle Coronette (2697m) en face
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Mon manque d'énergie et la météo incertaine me font douter de mon itinéraire, qui doit me faire franchir le Passo delle Coronette (2697m) que j'aperçois en face. Vu de loin, le terrain semble exigeant, mais c'est l'itinéraire balisé du Sentiero Italia : normalement à ma portée. J'ai besoin d'une pause pour réfléchir, et pour cela rien de mieux que la terrasse du Rifugio di Andolla que j'aperçois en contrebas. La descente est certes meilleure que la montée, mais reste un chemin plutôt malcommode, avec beaucoup de gros blocs en travers du chemin à enjamber / contourner, à moins que ce soit juste moi qui rechigne ... A l'approche du refuge s'ajoutera la boue des zones de pâtures ...

Pas grand monde à l'heure où le petit déjeuner est fini et où les randonneurs se sont élancés. Je m'assois à la seule table d'une terrasse herbeuse, mais je la libère un peu plus tard car tout un groupe arrive : je ne veux pas prendre la place de 8 personnes à moi tout seul ... J'ai bien assez de réserves dans mon sac pour n'avoir pas à prendre commande : je grignote tout en consultant ma carte et en pesant mes options. C'est une nouvelle ondée qui va me faire basculer vers l'idée d'un itinéraire bis, et un circuit à moyenne altitude par les grands lacs de l'Alpe dei Cavalli, Antrona et Campliccioli. Aujourd'hui encore, je regrette ce choix ...

Sur l'instant la décision me semble logique : fatigue, météo incertaine, envie d'une certaine facilité ... Lancé dans la longue descente, je vais cependant vite retrouver toutes les raisons qui auraient dû me faire rester en altitude : de plus en plus de monde monte de la vallée, et je descends dans la chaleur ... Je commence à m'agacer de tous ces croisements, où beaucoup semblent ne pas comprendre que pour se croiser sur un sentier, il vaut mieux mettre ses bâtons de côté mad ... Comme je descends alors que tout le monde monte, je suis interpellé à de multiples reprises pour me faire demander des renseignements sur la distance du refuge, des cols, d'un "pont tibétain" mentionné sur les panneaux indicateurs etc.

Plus bas, et alors que j'ai enfin atteint le lac de l'Alpe dei Cavalli (après 600m de D-), c'est pire encore. Un très joli chemin aménagé sur les hauteurs du lac serait très agréable, s'il ne fallait pas piétiner derrière des groupes pomponnés à l'eau de toilette, qui obstruent la circulation en marchant de front sans se préoccuper de qui est derrière. Bref, j'ai quitté le territoire des randonneurs, je suis touriste chez les touristes, et en plus je suis redescendu dans la chaleur ... Je pense que c'est à l'odeur qu'on finit par me céder le passage lol  !

Pour appuyer mes regrets, le temps s'est résolument rétabli au beau ...

10h47 Lago Alpe dei Cavalli
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Heureusement, j'ai repéré une coupe (par l'Alpe Forcola à ~1900 m) qui doit me permettre d'échapper au circuit le plus touristique, au prix d'une montée de 400m D+ et descente de 800m D- ... Dès que je bifurque, une quiétude absolue revient. Je suis à nouveau sur un tout petit sentier dans la verdure, encore un peu à la fraîcheur tant que je suis sous le couvert forestier. Comme il s'agit d'une improvisation et que je n'ai pas trop regardé la carte, je découvre une montée beaucoup plus raide que je ne le pensais, gourmande en énergie ... A mi-chemin de l'ascension je passe par l'Alpe Curtvello, où 2 bergeries restaurées en résidence secondaire trônent dans un beau pré entouré de forêt, avec une belle fontaine d'eau fraîche ... Si les chalets sont inoccupés, d'autres occupent cependant ces lieux idylliques en mode sieste en bikini, et je me contente de faire un plein d'eau en vue de la grosse pause dont j'ai besoin.

Un dernier raidillon m'amène au collet de l'Alpe Forcola Superiore (alpage totalement ruiné), où la perte du couvert forestier m'écrase de chaleur. Après avoir rapidement croisé  un couple de randonneurs (le coin est autrement désert), je redescends légèrement, et m'écartant du chemin prends le couvert d'un mélèze sur quelques gros blocs. Mes vêtements sont trempés de sueur et je les étale à sécher, tandis que je cherche à me réhydrater ...

12h01 Alpe Forcola Superiore (1914m)
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13h15 lacs d'Antrona et de Campliccioli, et au fond à droite massif du Pizzo d'Antigine (3189m)
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Une fois reposé il me faut repartir en pleine chaleur sur un versant très exposé, qui plus est sur un sentier plus du tout entretenu et envahi de végétation. Heureusement les vues sont magnifiques et compensent l'épreuve. Déjà à court d'eau, je vais heureusement parvenir à me ravitailler à une ancienne fontaine au milieu d'un hameau ruiné. Je dois batailler avec les orties pour parvenir à l'eau courante, mais cette bonne eau fraîche valait bien quelques picotements sur les guibolles ! En travers du chemin souvent envahi d'herbes hautes, je vais faire fuir plusieurs vipères et au moins un très gros lézard vert. Un peu de compassion pour toute une famille belge montant courageusement : on discute un peu, et je les renseigne sur l'eau (et les vipères ...).

La descente est interminable et j'ai les pieds qui chauffent. Pire, avec la chaleur et la transpiration, le sel accumulé sur mes vêtements devient irritant. J'évite de descendre jusqu'au Lago di Antrona, et entreprends le beau sentier en légère montée menant au lac suivant de Campliccioli.

14h11 fin du chemin de croix de la descente
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14h31 Lago di Antrona (1080m)
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15h05 Lac de Campliccioli
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Je ne cesse de réviser mes plans : quand j'ai opté pour ce détour, l'idée était de rejoindre l'altitude depuis ce lac de Campliccioli. Une fois sur place, échaudé au sens propre par la journée, l'idée de remonter brutalement 1 000 m D+ m'est insupportable. Je décide donc de continuer en parallèle et en contrebas par le fond du Val Troncone, et de remettre l'ascension à plus tard ... Sage décision, mais elle me prive de l'une des attractions de la Via Alpina, à savoir la portion souterraine du sentier, le long de la conduite hydraulique qui relie les lacs d'altitude de Camposecco et de Cingino ... Dommage !

Après avoir longé le lac, je peux refaire un plein d'eau à la fontaine de l'Alpe Granariol, avec encore pas mal de passage randonneurs en ce milieu d'après-midi. Je suis maintenant en recherche d'une nouvelle pause, avec l'idée bien arrêtée de me baigner dans le torrent et évacuer tout ce sel irritant qui cet après-midi me pourrit le plaisir. C'est ce que je peux enfin faire un peu plus loin, hors de vue du chemin. Je reste là une grosse heure, laissant refroidir la machine ... Mes vêtements rincés et enfin dessalés ne sont évidemment pas secs, mais peu importe puisque les températures sont douces.

Au redémarrage, je dispose de 2 options :
- soit remonter le vallon aussi loin que possible, et bivouaquer au pied de la grosse ascension de demain matin au Passo di Antigine (2834m), mais ça me ferait un bivouac dès 18h et un total de marche assez court pour aujourd'hui.
- soit monter au Lago di Cingino (750 m D+) où se trouve un bivacco, mais sans savoir s'il sera occupé : avec le beau temps et le nombre de randonneurs croisés, le risque est grand de trouver la place prise ...

Je remets la décision jusqu'à l'intersection, où le panneau indique le lago di Cingino à 2h00 : il est 17h30, ça reste un horaire acceptable, GO pour la montée ! Je remobilise mes ressources physiques et mentales, ce qui comme à chaque fois s'avère plus facile dans la fraîcheur du soir que la chaleur de la mi-journée. Je me donne l'objectif de monter d'une traite, histoire de pimenter cette fin de journée wink. Le chemin fait beaucoup de zig-zags pour passer d'une terrasse à l'autre, dans la forêt de mélèzes d'abord, les seuls rochers et rhododendrons ensuite. Dans sa partie haute le sentier est franchement éprouvant, jamais régulier, avec beaucoup de marches rocheuses à franchir et qui cassent le rythme.

La forme est revenue, et c'est en coup de vent que vers la fin de la montée je double un couple lourdement chargé. Comme je les ai entendu échanger en allemand, c'est dans cette langue que je prends juste le temps de leur dire bonjour et leur donner rendez-vous là-haut, si tant est que c'est leur chemin ...

Les 2 heures indiquées se sont réduites à 1h10 à l'arrivée au bivacco, que je découvre vide. C'est une solide bâtisse très bien entretenue et moderne, avec au moins 12 couchages sur 3 niveaux, et la place pour se serrer.

18h54 Bivacco Cingino
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Mes 2 allemands finissent par arriver plus d'1/2 h après moi, alors que je les avais dépassés 15 ou 20 mn avant d'arriver ... Maria et Toby vont être de très agréable compagnie ce soir, et comme forcément tout ce que je sors de mon sac attire l'attention, Maria va mettre un point d'honneur à photographier une MULtitude d'articles légers, avec quelques franches rigolades incrédules comme par exemple avec mon microscopique Opinel n°3 ...

Finalement, mes tribulations du jour s'achèvent sur une très belle note de fin, avec un inoubliable ciel étoilé par-dessus les montagnes ...

En quelques chiffres :

Total J34 :
26 km
D+ 2428 D-1937
Marche 9h35
km-Effort 54.0

Cumul J01-34 :
1 155 km
D+ 70 000 m
Marche 344h
km-Effort 2 002


Itinéraire & progression
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Impression générale :

Le manque de jus dès le matin et la chaleur de la mi-journée m'ont laissé un souvenir éprouvant de cette journée, pourtant sans difficulté véritable. Beaucoup de regrets de n'être pas resté en altitude depuis le Rifugio Andolla : j'ai bêtement rallongé et compliqué mon itinéraire, sans y trouver le côté "roulant" et "reposant" que j'espérais. Très heureux en revanche d'avoir donné un coup de collier en soirée pour rejoindre le bivacco Cingino.


J34 / 11 août en vidéo !
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Dernière modification par Hervé27 (29-12-2021 22:38:45)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#113 26-11-2021 17:24:49

brons07
Membre
Inscription : 27-06-2015

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Bonjour,
Toujours merci pour le retour.
c'est vrai que ça un peu bizarre de croiser des gens qui sentent la savonnette, mais ils ne doivent pas avoir la même impression pour nous....

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#114 26-11-2021 20:41:22

bruno7864
partir, partir et découvrir
Lieu : toujours dans la Lune
Inscription : 11-10-2012

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut Hervé,
je viens d'achever de lire tes péripéties Suisses. Tu sembles soit jouer de malchance soit plonger malgré toi dans des galères. en tout cas nous sommes MUL certes mais en apprentissage, la MUL n'ayant guère plus que 2 décennies. La randonnée légère est un outil pour randonner mieux, aucunement un faire valoir. Beaucoup de si mal nommés Mulets bien plus expérimentés que nous doivent rire à la lecture de nos récits et des erreurs que l'on commet. Mais qui ne tente rien n’a rien. Toi au moins tu nous relates toutes ces péripéties avec sincérité.

Pour les conditions météo sur la partie Suisse, elles ne me semblent pas plus mauvaises que d'habitude, en tout cas pas pire que celles que j'ai pu rencontrer lors de mes 2 passages.
En fouillant dans mes archives voici un petit comparatif de la portion allantde la frontière Suisse de Nauders à Airolo:
En 2015 sur 10 jours, 5 jours pluvieux.

En 2019 sur 8 jours, 5 jours pluvieux dont 3 jours où il m'a fallu stopper plus tôt pour éviter l'orage.

Je te passe la partie Valais en 2015 ou je n'ai quasiment rien vu car sous la pluie.

Après dans les freins, je pense qu'il y a le parcours, peut être un peu ambitieux car n'offrant que peu d'échappatoires pour le pratiquer sereinement dans la continuité. Peut être aussi ne te laisses tu pas assez de temps libre. Avec 10 à 11h de marche par jour les repas à préparer le bivouac à monter et à replier il ne reste plus grand chose. Sans compter les nuits inconfortables où malgré un froid qui n'est pas polaire il te faut réchauffer avec une bouillotte ton couchage. Le téléphone qui prend froid, le tapis de sol qui prend l'eau, le matelas presque trop confortable, etc, tout un tas de Muleries qui font que ça peut vite aller de mal en pis. Heureusement un sac léger permet presque de s'affranchir des contraintes physiques et du terrain big_smile .

En tout cas j'ai beaucoup aimé ce retour dans la vallée de l'Inn à Maloja 6 jours après l'avoir quitté à Scuol. Etonnant sur une traversée, mais si chic, tout ça rien que pour faire tes courses en Suisse cool . Quel bon moyen de n'être pas économe, c'est trop snob bravo  big_smile

Edit: orthographe + un ou deux ajouts  tongue

Dernière modification par bruno7864 (26-11-2021 23:15:37)

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#115 27-11-2021 19:14:07

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut Bruno smile ,

Je me retrouve bien dans ce que tu dis. A travers le récit j'essaye de partager sur mes ressentis, bons et mauvais, histoire de ne pas laisser croire que tout serait parfait et idyllique dans l'itinérance. Comme on n'a rien inventé de plus efficace que l'apprentissage par l'échec, je mets un accent particulier sur mes erreurs / regrets / coups de mou etc. Ceci étant dit, 99% du temps, j'étais content d'être là et nulle part ailleurs wink  !


Météo :
Selon mon pointage, du 1er juillet au 3 août, soit 34 jours, j'ai eu 22 jours avec de la pluie, dont 14 assez sévères pour me contraindre à l'immobilisation (4 jours), ou à raccourcir / dérouter l'étape (10 jours). Répartis sur le parcours, ça donne :
- Slovénie : 1 journée "sévère" et 2 modérées
- Alpes Carniques : 1 j sévère et 1 modéré
- 2 jours d'orages forts pendant mon arrêt (programmé) à Sillian
- Höhe Tauern / Arhntal : 4 j consécutifs de pluies soutenues
- Otztal : 1 j sévère et 2 modérés (mais qui auraient été "sévères" si je n'étais pas redescendu dans la vallée de l'Etsch)
- Bernina : 3 j sévères + 2 jours d'immobilisation (à Chiavenna et Madesimo), et 3 j modérés. J'ai alors craqué quand j'ai vu encore 5 jours de pluie annoncés devant moi hmm ...

Après la reprise depuis le Nufenen Pass, le très beau temps finira par s'imposer.

Itinéraire :
Trop ambitieux, c'est sûr ! Je voulais tout faire rentrer dans les 60 jours disponibles, mais au fond il en fallait 75 et je n'avais pas ces 15 jours de plus ...

Non pas que des journées de 10/11 heures n'étaient pas tenables : c'est ce que je sais faire le mieux, et en plus j'adore ça tongue ! L'erreur était d'avoir planifié ces cadences, ne me laissant aucune marge de manœuvre face aux éléments, ou pour m'autoriser des à-côtés. Si j'avais planifié mes étapes sur 9 heures de marche effective, j'aurai pu prendre 1 à 2 h d'avance chaque jour et générer un matelas de sécurité, à "dépenser" ensuite soit en repos, soit en excursion sur des sites intéressants etc. ... mais il m'aurait fallu soit plus de temps, soit des Alpes plus courtes ...

Maintenant que je suis rentré, je ne cesse pas de m'émerveiller sur le fait que j'ai vécu avec bonheur 8 semaines avec 3 kg d'affaires sur mon dos (dont une carte de crédit , ça aide wink ...)



Allez, histoire de dire que la montagne peut être belle sous la pluie, je vous livre la journée pluvieuse qui m'a laissé le meilleur souvenir :

Vidéo J25/27 juillet
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#116 27-11-2021 21:00:24

Bilbox
Membre
Inscription : 17-04-2013

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Petit point filmage Hervé big_smile

Je n'ai vu que la dernière vidéo...

- on dit que pour éviter le mal de mer il faut 90% de plans fixes;-)
- tes mouvements de caméra sont trop brusques ou rapides, on ne peut pas bien lire l'image
- quand tu marches avec la caméra il faut amortir tes pas, ou bien mieux avoir un stabilisateur dédié (300g env https://www.frandroid.com/guide-dachat/ … ts-en-2017 )

wink

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#117 28-11-2021 08:38:42

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut Bilbox  smile

N’est pas Ed Wood qui veut !

À visionner avec un pastis sec wink ?


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#118 29-11-2021 20:05:20

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J35 jeudi 12 août : fiat lux !

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Hier soir j'ai préparé mon sac au maximum pour faire le moins de bruit possible, et ne pas réveiller Maria et Toby lorsque je sors à 6h15. A priori ils ronflaient encore (ou alors faisaient bien semblant ...).

Pas un nuage lorsque je mets le nez dehors : je sais qu'une belle journée se prépare, sans encore savoir qu'elle sera au-delà mes espérances. Le soleil n'est pas encore levé et je veux pouvoir capter cette image, mais pour cela je dois vite me décaler un peu par rapport au refuge. Heureusement je bénéficie de l'autoroute que constitue la conduite hydraulique, dont la couverture de béton sert de chemin et permet de se déplacer rapidement.

Sur une dalle en béton juste au-dessus du bivacco, assise d'un bâtiment disparu ou pas encore installé, les bouquetins sont rassemblés et m'ignorent avec superbe, attendant le jour ...

06h16 s'extirper du cocon douillet du bivacco
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06h20 les bouquetins ont la dalle
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06h24 plein soleil
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Je crois pouvoir bénéficier de la conduite sur presque 2 km, mais c'est sans compter avec un verrou rocheux qui barre le passage : la conduite le traverse de part en part, mais cette galerie étroite est murée et impraticable pour les marcheurs. Le chemin redescend puis remonte de façon (un peu) acrobatique, avant de retrouver la conduite de l'autre côté. Un bon exercice d'échauffement matinal.

Encore quelques centaines de mètres, et un panneau désarticulé de la GTA marque la bifurcation pour monter au Col d'Antigine (2834m), soit 550 m D+.

06h35 vertiges
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07h01 quitter l'autoroute
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Le sentier est très peu matérialisé et il faut rester attentif au marquage, bien qu'au fond la trajectoire soit assez évidente. Un premier raidillon mène à un replat herbeux ou les eaux s'étalent paresseusement avant de se rassembler en cascades. Une bonne zone potentielle de bivouac pourvu de pouvoir poser l'abri en terrain sec. Juste ensuite il faut enquiller avec 400 m D+ dans des éboulis anciens et stabilisés d'abord, puis dans les grands blocs.

J'ai attaqué la montée doucement depuis la conduite et j'ai bien fait, ça me permet de progresser sans fatigue. A l'approche du névé qui s'étale au pied du col, je crois pouvoir le remonter en biais, mais les apparences sont trompeuses : la trace (visible sur la photo) est bien plus pentue que je ne le pensais, et maintenant que je suis délesté de piolet et crampons je préfère jouer des pieds et des mains dans les rochers.

07h16 en vue du Col d'Antigine
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08h03 derniers 100 mètres
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Est-ce parce que je fais du bruit en faisant s'entrechoquer quelques rochers ? En même temps que j'aperçois pour la 1ère fois le bivacco d'Antigine perché au-dessus du col, quelqu'un se tient juste devant et observe aux jumelles dans ma direction. Dans la lumière et les vues euphorisantes de ce matin sans nuage, je vole vite de pierre en pierre et rejoins ce petit container rouge ancré dans la montagne. On me demande si tout va bien : mon empressement a peut-être donné un sentiment d'alerte ... mais ce n'était pas moi qu'on observait, c'étaient des gypaètes (que je ne verrai pas).

Je fais ici la connaissance de Fausto, solide montagnard, et de son fils Elias ~20 ans, lesquels ont passé la nuit ici et se préparent doucement à lever le camp. Je leur demande si je peux partager le bivacco avec eux le temps de faire chauffer un café, pour m'entendre dire qu'il n'y a pas ici de réchaud ... Ils n'imaginaient pas que mon petit baluchon pouvait aussi contenir popote et combustible, et me voilà à offrir la tournée de café capuccino, agrémentée des chocolats proposés par Fausto tongue . Ma micro-trousse à pharmacie servira également, permettant à Fausto de recouvrir d'un pansement une coupure bénigne à un doigt.

08h17 Col et bivacco d'Antigine (2834m)
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08h54 de la fenêtre du bivacco cool  ...
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Après un rapide coup de balai dans ce bivacco moderne et fonctionnel, Elias et Fausto me quittent pour attaquer leur redescente par l'Italie. Je reste encore un peu pour profiter de ma pause, et de la vue extraordinaire offerte par la grande fenêtre.

Il est enfin temps de repartir, et en quittant l'écrin rocheux qui protège le'abri du côté suisse, je découvre toute la majesté des Alpes ...

09h10 pourquoi je marche ...
Massif du mont Dom (4545m)

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J'ai tout loisir de profiter de cette splendeur, car le chemin est ici facile et essentiellement en pente douce. Mon incursion suisse doit être de courte durée, le temps de basculer d'un vallon à l'autre et remonter à un nouveau col frontière, le Passo di Monte Moro (2853m). Mes yeux dévorent avec boulimie les sommets et glaciers, dans une lumière incomparable. Plus je redescends le vallon et plus je découvre de nouveaux sommets, certains bien lointains comme ce que je pense être la Jungfrau (EDIT : tout faux !), pyramide élancée dont le pic englacé parvient à émerger au gré des ondulations du nuage qui tente de le masquer.

10h28 lac du Stausee Mattmark, et tout là-bas, on dirait bien la Jungfrau (4158m) ou plutôt le Bietschhorn (3934m), merci Magne2 wink
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Après 300 m d'une descente très progressive et sans histoire, le chemin coure en balcon pour passer à la vallée suivante avant sa remontée vers la Passo di Monte Moro. Je commence à croiser quelques rares randonneurs, mais ceux-ci vont se faire bien plus nombreux à hauteurs du Plan du Talliboden (2483m), où je rejoins le TMR - Tour du Mont Rose. Marcheurs solitaires, couples, groupes, en marche où à la pause, sont maintenant la règle.

10h28 le Seewjinengletscher
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11h04 au pied du Passo di Monte Moro
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Pour les presque 400 m D+ du Talliboden vers le col, le chemin circule de manière intuitive dans les veines de la falaise, offrant une pente régulière sur un rocher où les semelles agrippent bien. Pas besoin de suivre le marquage, les files indiennes des autres randonneurs sont là pour indiquer le passage ... Pour aménager cet itinéraire au profit du plus grand nombre, on a cru bon de disposer des blocs en escalier, que tous sauf moi s'échinent à suivre. Je trouve en effet bien plus pratique de marcher à même la dalle rocheuse, laquelle permet un rythme bien plus régulier que le coupe-jarrets d'un escalier ... De fait je m'amuse comme un petit fou à doubler les longues files, eux dans les "escaliers", moi sur la dalle pentue ... En 35 mn pour 1 h indiquée, je suis au col ... et la vue du Mont Rose me coupe le souffle cool  !

11h33 Passo di Monte Moro (2853m), derniers 100 m
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11h41 Le Mont Rose (4634m) et le télécabine du Passo Moro
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Le ravitaillement à Macugnaga, 1 500 m plus bas, est l'étape importante de cette journée. Etant là haut avant midi, 3 facteurs vont me pousser à une grosse tricherie :
- me taper 1 500 m de dénivelé raide, qui plus est dans des pentes aménagées pour les skieurs, ne me motive pas ;
- être à Macugnaga à l'heure d'ouverture des pizzerias est une tentation difficilement résistible tongue ;
- gratter un peu de temps devient une préoccupation, car je sais que mes détours et arrêts m'ont retardé ;

Me voilà donc au guichet du télécabine et, coup de bol, il y a un départ dans 5 mn ! Me voilà vite (masqué) dans la descente suspendue au câble, avec pleine vue sur le Mont Rose. Une station intermédiaire pour changer de cabine, et me voilà à 12h30 en pleine chaleur au fond de la vallée. Quel contraste !

12h14 descente vers Macugnaga : je triche, c'est pô bien !
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Une petite exploration en ville me permet d'abord de repérer une pizzeria, mais avec le beau temps toute la terrasse est occupée. Je supporterai d'être en intérieur, pas grave ...

Pendant que je déjeune, je voisine avec une famille bruyante sur 3 générations, une fillette de pas 18 mois en chaise haute scotchée à l'écran d'une tablette tenue à bout de bras par sa mère, et diffusant des dessins animés idiots, toute la salle profitant du son. Les adultes photographient leurs assiettes. La grand-mère semble tristement seule au bout de la table ... Moi aussi, je me sens un peu seul : aujourd'hui, avec 35 jours de marche, j'égale la durée de ma HRP de 2018 ... et je suis encore loin d'arriver ...

Dans Macugnaga je ne trouve que 2 épiceries, plus achalandées de produits de terroir dûment emplastiqués que du nécessaire au fond de sac du randonneur. Je visite les 2 commerces et repars avec ce que je peux. Habituel séjour sur un banc près d'une poubelle pour reconditionner, et me voilà reparti pour quelques jours d'autonomie. Evidemment j'ai encore une fois vu trop grand, et je garde un sac plastique à bout de bras, avec l'idée de me trouver un banc à l'ombre près du torrent pour compléter mon déjeuner ...

Suivant mon plan pour passer sur l'autre rive, j'y découvre que le pont n'existe plus (depuis combien de temps ?), avec des affichettes de la mairie se plaignant des méandres administratifs pour obtenir de l'Etat le budget et les autorisations pour sa reconstruction ... Déviation avec une longue remontée du village pour traverser par le pont survivant ...

La large piste qui suit le torrent est bien encombrée de promeneurs, revenant du Lago delle Fate abondamment indiqué sur les panneaux d'orientation. Je remonte ce flot en sens contraire qui, passé l'heure du déjeuner, rentre vers ses locations de vacances ... ou sa voiture. C'est un peu avant le lac (et les bars / restaurants qui s'y trouvent), que je me retrouve à marcher en parallèle avec un jeune randonneur bien chargé : nous sommes maintenant 2 à remonter le flot, et la discussion s'engage. Frederico est italien mais nous conversons en anglais. Il démarre ici un bout de GTA, avec l'objectif de rallier Gressoney en 3 jours ... et c'est sa 1ère sortie itinérante. Il connait sa carte par cœur, a repéré tous les bivaccos, ce qui est pour moi une précieuse mine d'informations !

Malgré le monde croisé qui quittait ces lieux, c'est toujours blindé ...

On discute, on discute, tout en remontant la vallée. On fait même notre pause ensemble sur un bord de torrent, tandis que le flot contraire des promeneurs à la journée s'est enfin tari (et d'autant plus que nous avons laissé derrière nous la zone la plus touristique). Scène cocasse, 2 femmes arpentent ce même bout de torrent pourtant à l'écart du chemin, visiblement à la recherche de certains cailloux. Elles passeront et repasseront entre nos casse-croûtes et nos chaussures / chaussettes qui s'aèrent ...

16h34 remontée de la valle Quarazza
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16h59 remontée de la valle Quarazza
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Comme Frederico a programmé de s'arrêter à un bivacco en haut de cette même vallée (le bivacco Emiliano Lanti), et même si m'arrêter à 18h30 est pour moi une courte journée, le confort d'un abri en dur (qui s'avèrera être de l'exact même modèle que celui d'Antigine où je me suis arrêté ce matin) est un luxe qui ne se refuse pas, surtout si je peux briser un peu ma solitude !

Nous montons ensemble les interminables lacets d'un large chemin, sans doute ancienne piste militaire au vu de sa très belle facture. Et on tchatche, on tchache ... Ultimes randonneurs croisés faisant le Tour du Mont Rose, et la fin d'après-midi s'opère dans un environnement totalement dépeuplé.

Le bivacco tout neuf cohabite avec la cabane humide qui l'a précédé, son confort est incomparable. J'ai découvert aujourd'hui que les bivaccos italiens sont maintenant généralement équipés de prises USB pour recharger les téléphones : il faut vivre avec son temps (et j'apprécie) !

Avant que la nuit n'arrive je fais un rinçage / lessive dans le petit torrent qui, 200 m avant le bivacco, sert de point d'eau. Je serai cependant obligé de rentrer mon linge humide dans la baraque, car les vaches viendront essayer de le brouter, de même que mes chaussures.

Immanquablement un de nos sujets de conversation a été le poids du sac, et nous nous offrirons une bonne rigolade quand Frederico sortira son livre de chevet du fond de son sac : rien d'autre que "Guerre et Paix" lol  !

La surprise du chef qu'on n'aura pas vu venir, c'est le gros coup d'orage qui claquera dans la nuit. Effectivement, ce n'était pas plus mal de dormir en dur ...

Bivacco Emiliano Lanti (2150m), le jeune et l'ancien, photo du lendemain matin
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En quelques chiffres :

Total J35 :
24 km
D+ 2014 D- 702
Marche 8h25
km-Effort 42.8

Cumul J01-35 :
1 179 km
D+ 72 000 m
Marche 353h
km-Effort 2 045


Itinéraire & progression
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7RMcBK7Kh.Progression-J35.jpeg


Impression générale :
Matinée grandiose et en bonne forme, l'après-midi depuis Macugnaga constituant plutôt une étape de liaison très pépère. Journée de rencontres également, et pour la 1ère fois depuis le départ je marche de concert avec un autre randonneur. Pour une fois, le temps est à l'été, et l'orage a le bon goût d'attendre la nuit ...



Voir la vidéo J35 / 12 août
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Dernière modification par Hervé27 (07-01-2022 22:17:19)


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#119 29-11-2021 21:03:50

Magne2
Membre
Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Bonsoir Hervé je pense que ta jungfrau serait plutôt le Bietschhorn face sud.


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#120 30-11-2021 08:00:55

Nicolas36
Marcheur léger
Inscription : 04-03-2021

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Hervé27 a écrit :

#634663rien d'autre que "Guerre et Paix" lol  !

J'espère au moins que c'était le tome 1 ou le tome 2 (512g quand même).


Modifications non signalées = Corrections de français

Récits-Listes : Brenne - Ecrins et Queyras - HRP par section

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#121 30-11-2021 16:45:09

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

@Magne2 : je laisse parler les connaisseurs (et je corrige) roll



et pour les adeptes de la rando en ciré :

J26 / 28 juillet en vidéo :
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#122 02-12-2021 19:19:23

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Allez ! Certaines journées pouvaient à elles seules compenser bien des jours de pluie !

Vidéo J27 - 29 juillet
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#123 03-12-2021 17:07:38

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Il est temps de progresser aussi dans le récit rédigé ...


J36 vendredi 13 août : au bonheur des cols !

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Frederico était également partant pour un démarrage très matinal, et c'est à 6h05 que nous quittons le bivacco Lanti. Des nuages d'altitude traînent, pouvant laisser un doute sur ma météo de la mi-journée. Nous reprenons la même vieille (et impeccable) piste militaire en lacets par laquelle nous sommes arrivés, pour une lente ascension des 640 m D+ qui nous séparent encore du Colle di Turlo. Frederico est parti avec quelques minutes d'avance, mais bien moins chargé et plus en jambes que lui (il n'en est qu'à son 2ème jour), j'ai vite fait de le dépasser. Marche à l'ombre d'abord, puis un soleil intermittent au bout de 3/4 h, au gré du profil des crêtes qui le masquent ou le dévoilent.

Les lacets adoucissent la pente mais rallongent la distance, il me faut 1h1/4 pour atteindre le col sur un bon rythme régulier. La piste entaille le rocher au passage du col, et est ici bordée par des bancs et tables de pierre, un petit oratoire, un mémorial militaire ... Parfait pour dresser la table du petit-déjeuner; le café sera chaud à l'arrivée de Frederico !

06h29 départ dans l'ombre
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06h51 soleil de crête
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07h10 chaussée impeccable
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07h21 Pizzo Nero (2738m) le plus près en face, juste à sa gauche et en arrière-plan le Roffelhorn Westgipfel ? (3563m)
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07h37 Colle di Turlo (2738m) le bar est ouvert
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Après la pause commence une grande redescente de 1150 m D- dans le Val Sesia, dominé par la Punta Gniffeti (4554m) sur les contreforts du Mont Rose (4634m). Toujours la même excellente piste, avec cette fois un peu moins de lacets. Pour descendre franchir le torrent en fond de vallée il y avait bien l'option d'un sentier direct, mais dans cette belle matinée tranquille nous préférons garder le confort de la piste. Un chouya plus long en distance, pas forcément en temps de marche.

Nous croisons les "Alpe" aux noms bien germaniques pour ce versant italien : Alpe Faller fum Tschukke, Alpe Faller Ekku, Alpe Mittlentail di La, Alpe Mittlentail di Qua ... Commence également la procession des randonneurs qui montent vers ceux de ces Alpe faisant buvette ... On nous interroge déjà pour nous demander si c'est encore loin roll .

En face nous pouvons observer la remontée qui nous attend de l'autre côté : vu comme ça sous le beau temps et avec l'énergie du matin, ça ne parait pas si difficile.

08h09 1 col de fait, faut redescendre
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09h09 faudra remonter là-haut
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En même temps que la descente s'installe la douceur, nous pouvons enfin passer à des tenues estivales. Bien du monde près des refuges / gîtes / zones de bivouac de l'Alpe Fum Bitz puis, le torrent franchi, de l'Alpe Pile. Il nous aura fallu presque 2 h pour descendre, et avant d'attaquer la (très) grosse remontée, les abords verdoyants du torrent sont le lieu idéal d'une nouvelle pause, et d'une courte immersion dans l'eau (glacée) de la Sesia.

Le trajet de la suite de la journée reste commun avec Frederico, mais notre énorme différence d'allure dans les montées fait que nous convenons de nous séparer ici. Ces quelques heures de marche et de tchatche ont été bien sympas, et m'ont allégé du poids de la solitude (démarche très MUL, non ?). Les préoccupations de timing ne sont jamais très loin, et je sais que d'ici ce soir j'aurai des décisions à prendre : aller le plus loin possible dès aujourd'hui conditionnera mes choix ...

10h22 Punta Gnifetti (4554m) depuis les bords de la Sesia : carte postale ...
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Encore quelques pas ensemble pour remonter tranquillement le long du torrent, dans la cohorte des randonneurs "courte-distance". Quand le sentier se raidit dans la montée vers l'Alpe Bors et le Rifugio Calderini, on se salue chaleureusement et je passe les vitesses. Juste 150 m de montée bien raide dans l'axe du torrent, mais je m'amuse bien dans cette course de côte à dépasser tout mon petit monde ...

A l'Alpe Bors, un long replat sillonné de ruisseaux se termine par un amphithéatre centré sur la cascade de la Pisse (encore une ...). La plupart des randonneurs s'arrêtent à l'Alpe (refuge, buvette ...) ou bien quelque part dans l'herbe dans cet écrin de montagne. Pour ma part je poursuis tout schuss, bien déterminé à avaler le dénivelé et à "faire" ma grosse journée.

11h10 Alpe Bors (~1850m)
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Lorsque le terrain commence à s'élever je vais faire une erreur d'orientation, suivant ma trace GPS préparée au préalable, mais qui va s'avérer être un chemin de plus en plus chaotique et envahi de buissons et arbustes. Bref, un itinéraire plus du tout entretenu et pour cause : le marquage faisait un détour par l'autre côté du torrent et plus personne ne passe désormais par là ...

Le chemin "officiel" est certes mieux tracé, mais pas moins chaotique, permettant difficilement de prendre un rythme régulier. Un bon casse-pattes qui se prolonge sur 400 m D+ jusqu'à l'Alpe La Balma (ruiné) et un bâtiment minier abandonné. A peine le temps de souffler, et c'est reparti pour un nouveau raidillon de 250 m D+, qui me fera traverser  d'autres anciennes installations minières ruinées.

11h52 Cascade de la Pisse, j'en ai ch...
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12h27 encore des bâtiments ruinés. En fond et à gauche, la Punta Grober (3497m) ?
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La montée m'a fait souffrir : j'en suis à presque 1 000 m D+ d'une traite depuis la pause au bord du torrent, j'ai besoin de souffler à nouveau avant de me lancer dans les 300 m restants jusqu'au col de Valico di Cimalegna (2832m). Dans cet amphithéatre, la position de ce passage - en haut d'un éboulis trop incliné à mon goût - me fait douter ... J'y verrai plus clair après un peu de repos et le plein d'énergie calorique... Je m'installe abrité du vent par un rocher sur les bords du très peu profond Lago di Bors, et profite de la vue. Les nuages défilent sans être menaçants, mais cette intermittence suffit à créer des alternances de chaud et froid pas forcément agréables ...

12h45 Lago di Bors ~2520m, tête de puits
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Je ne fais donc pas traîner la pause en longueur. J'ai repéré qu'après l'ascension au prochain col, je devrai me décaler vers un autre col à peine 50 m plus haut en longeant les flancs d'un vallon en pente douce, puis redescendre profondément vers le village de Tschaval. Dans la discussion de mes options avec Fréderico, j'ai en effet décidé de dévier mon itinéraire au-dessus du Val d'Aoste un peu plus au Sud et plus bas en altitude, évitant ainsi d'avoir face à moi ce soir le Colle della Bettolina Superiore à 3100 m. 1er pas vers une décision plus radicale ...

Au pied de l'éboulis dont je dois faire l'ascension, un vélo totalement explosé, cadre scié, sert de cairn immanquable pour prendre mon embranchement.

13h32 a tout kacé la machina
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L'ascension est bien marquée, et l'éboulis beaucoup plus stable que ce que je craignais. Finalement, ces 300 m sont absorbés sans trop de difficulté, même si un regard en arrière sur la muraille que je viens de gravir peut donner le vertige ...

14h06 c'était direct
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14h06 Vallico di Cimalegna (2832m), et de 2 !
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J'avais jusque-là l'impression de m'élever toujours plus haut dans la montagne sauvage et hostile, mais ma première vue depuis ce col est celui d'une télécabine, 100m devant moi, tirée sur son câble avec sa cargaison de paresseux vers le Passo dei Salati (2980m) et ses restaurants / buvette d'altitude. Retour à la civilisation ... Mon chemin ne monte heureusement pas vers ces lieux de perdition, je dois d'ici poursuivre grossièrement à flanc vers le Col d'Olen (2880m) et le Rifugio Guglielmina. Je ne fais donc que passer sous les câbles du télécabine.

14h09 Ludwigshöhe (4344m) & Parrotspitze (4443m), têtes dans les nuages
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14h34 Rifugio Guglielmina, fermé mais rénovation en cours
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14h39 Col d'Olen 2880 m (sur ma carte) et 2887m (sur la pancarte) : et de 3 !
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Ma correction d'itinéraire doit me faire d'abord descendre très directement vers le village de Tschaval. En face je peux apercevoir mon col suivant, le Rothorn à 2689m, mais à ce stade la fatigue des ascensions précédentes se fait sentir. J'aviserai de la suite une fois en bas ...

14h39 le 4ème est là-bas
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C'est donc parti pour la descente, sur l'itinéraire du Tour du Mont Rose et à travers les pistes de ski (j'adore sad  ...). J'ai décidé de ne pas faire de détail et de descendre aussi rapidement que possible, remettant la pause suivante au village. L'itinéraire du TMR suit les pistes, ça permet de dérouler sans trop réfléchir si c'est la piste de ski de fond, de se casser la gueule sur des roulements à billes si c'est celle du ski de descente ... En coup de vent, je traverse la station d'altitude de Gabiet (télésiège, gîtes / refuge, restaurants / buvettes ...), puis "plonge" dans le vallon de Moos pour le retour dans la chaleur de la vallée.

Je croise les groupes de marcheurs montants, bien chargés et suants ... Au 36ème jour de marche, toujours pas vu le moindre MUL : je sais que ça ne fait pas une statistique, mais le sondage est éloquent ...

Une discussion s'amorce avec 2 milanais sans sac qui montent vers Gabiet, que j'ai quitté 20 mn plus tôt et à bon rythme, je peux sans trop de risque leur pronostiquer 45 minutes d'ascension (raide) au minimum. Cela ne semble pas les décourager, et ils profitent de la discussion pour m'interroger sur mon itinéraire ... Les yeux s'écarquillent, et tout ça se terminera par l'enregistrement d'une courte vidéo dans laquelle ils me demandent de me présenter et expliquer ce que je fais, histoire d'en garder une trace. C'est très bon enfant et à l'italienne, ça me redonne la patate wink  !

Les pieds ont cependant bien chauffé quand j'arrive enfin à Tschaval à 16h30. Je fais un 1er arrêt rapide sur un banc d'une aire de jeux au bord de la route et non loin de l'immense parking ... Cela me permet de souffler, faire le point et juger de ce que je veux / peux encore faire ce soir. Je profite de cette station surfréquentée pour recompléter mes réserves de liquide dans un distributeur, et faire un tour dans les rayons de la supérette. J'en ressors avec chocolats et grignotages à m'engloutir sur place, ce à quoi je m'adonnerai un peu plus haut aux abords d'une chapelle plus calme, au départ de mon chemin.

Je prends le temps de me réhydrater et reglucoser, et à 17h30 je me sens d'attaque pour une nouvelle grimpette. Pas d'autre choix que d'emprunter la large piste carrossable pour la 1ère moitié de mon ascension : ça permet au moins d'aller vite sans trop réfléchir, et profiter des vues ...

18h03 le Liskamm Westgipfel (4479m) et Ostgipfel (4527m)
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Le flux de randonneurs descendant se tarit peu à peu avec l'heure qui avance, je croise le dernier à peine après avoir quitté la piste pour le sentier, là où je m'écarte de la zone desservie par les remonte-pentes. L'ambiance alpine reprend le dessus, les sons de la vallée urbanisée ne m'atteignent plus, et l'ambiance se partage entre les clarines du troupeau en contrebas et les sifflements des marmottes ... Un peu plus haut ce seront les bouquetins ...

En revanche sur ce versant Est et à cette heure, je suis désormais à l'ombre.

18h24 le 3ème était là-haut
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Quand le plus gros de la montée est fait et que j'aborde la cuvette au pied du Col du Rothorn, je commence ma prospection de bivouac. Mon envie est partagée entre celle d'avoir les vues sur les 4000m englacés, et celle d'aller retrouver le soleil sur l'autre versant. De ce côté il fait en effet déjà bien frais, en plus d'être très humide avec la présence des petits lacs, névés et ruisseaux qui dégorgent ... Va donc pour le col ! Si j'en avais cru les panneaux à Tschaval, je ne devais arriver ici qu'à 20h15. Je suis finalement monté en 1h40 au lieu de 2h45, et c'est un chaud soleil qui m'accueille au col.

19h07 Col de Rothorn (2689m) : et de 4 !
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Dès le col je peux apercevoir en contrebas un beau plateau herbeux encadré par les torrents, et encore largement ensoleillé. Mieux encore, le torrent y prend sa source juste au débouché d'un éboulis d gros blocs. J'ai l'embarras du choix pour m'installer sur ce site idéal avec l'eau courante, et j'opte finalement pour une petite hauteur qui me permettra de garder le soleil un maximum de temps. Je me rince dans le torrent et y essore mes affaires de marche, mises à sécher sur un rocher bien exposé qui restitue gentiment la chaleur emmagasinée de la journée.

Propre, au sec et au chaud au fond du duvet, la nuit s'annonce bonne ...

19h17 le spot parfait
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20h05 la douche est au pied de l'éboulis
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20h21 le marchand de sable passe, bonne nuit smile
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En quelques chiffres :

Total J36 :
33 km
D+ 2852 D- 2426
Marche 10h10
km-Effort 65.9

Cumul J01-36 :
1 212 km
D+ 74 000 m
Marche 363h
km-Effort 2 111


Itinéraire & Progression
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Impression générale :

Une belle grosse étape comme je les aime, malgré les 1300 m D+ un peu "brutaux" entre l'Alpe Pile et la Valico di Cimalegna. La redescente vers Tschaval a manqué de charme, mais le retour du soir en altitude a été un enchantement, pour un bivouac de rêve. Hélas, je dois ici prendre la décision de couper en biais à travers le Val d'Aoste pour une question de timing, car il n'est désormais plus possible de boucler à bonne date dans les 18 jours qui me restent ... Le Val d'Aoste n'est pas (trop) loin de chez moi, je me rattraperai un jour ...



J36 / 13 août en vidéo
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Dernière modification par Hervé27 (09-01-2022 19:36:56)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#124 03-12-2021 19:36:22

Serval
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut Hervé,

Merci pour ce nouvel épisode. Je suis toujours aussi admiratif de tes deux exploits : faire ce périple puis le relater aussi en détail.

En même temps – et ce n'est évidemment pas une critique, juste une réflexion – je me dis en te lisant que la façon dont chaque marcheur au long cours vit sa marche est vraiment très personnelle et révélatrice de sa personnalité wink (voire de son métier lol mais il n'y a pas de hasard...).

La notion de timing tient vraiment une place prépondérante dans ton périple. Sans entrer dans les différences de vitesse, de longueur des étapes ou d'importance des dénivelés (là, c'est le physique et l'âge qui jouent) ta façon de "long-marcher" est très différente de la mienne (pour prendre un exemple que je connais) qui consiste en de "longues promenades" au cours desquelles je n'ai pratiquement pas d'horaire... Je détesterais qu'on m'oblige à marcher comme tu le fais (toutes proportions gardées concernant les capacités physiques) wink

Encore une fois, il n'y aucun jugement de valeur, c'est juste une réflexion sur les façons différentes qu'ont tel ou tel d'appréhender la pratique de la marche au long cours. smile

Dernière modification par Serval (03-12-2021 20:19:30)


(Modification non justifiée = orthographe, typo, etc.)

Trombi | Mes "longues promenades" | Lighterpack 2023
« Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans [les voyages] que j'ai faits seul, et à pied. » (J.-J. Rousseau)

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#125 04-12-2021 14:28:46

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut Serval, lecteur fidèle  smile !

Aller au bout du récit est effectivement plus exigeant qu'aller au bout de la traversée ... C'est cependant à mes yeux un processus essentiel pour en graver la mémoire, et prendre le temps de revivre des instants autrement trop fugaces. Le récit donne son sens au périple ...

C'est clair, j'aime les "grosses" journées. Je suis le premier surpris et impressionné de là où mes 2 jambes peuvent m'emmener si je me laisse guider par mes envies. En itinérance c'est toujours le besoin de mouvement qui domine : partir tôt, finir tard, ne pas m'arrêter très / trop longtemps ... Il y a certes une part de recherche de performance, mais pas seulement : c'est aussi un rythme qui s'impose à moi assez naturellement ... et quand on chasse le naturel wink ...



Une vidéo supplémentaire pour les inconditionnels !

Ce n'était pas ma plus grosse journée, mais peut-être la plus exaltante et exigeante, sur les contreforts du Piz Bernina :

Voir la vidéo J28 / 30 juillet
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