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#126 04-12-2021 19:31:24

CLeC
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Lieu : IdF
Inscription : 06-11-2011
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Pour ma part sans doute un peu plus proche de la démarche Serval dans mes randos (peut-être l'attrait des photos qui veut ça : je peux attendre 1h d'avoir le rayon de soleil qui me va bien), mais je conçois bien aussi qu'il y a des contraintes de temps sur un tel itinéraire (et presque au quotidien d'ailleurs : arriver au bon moment au bon spot de bivouac, ou au ravitaillement)...
Merci autrement pour les photos d'emblée plus grandes sur le fil, c'est plus facile de les regarder !


4981875N - 0698785E - 1761m

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#127 05-12-2021 22:27:27

Bilbox
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Inscription : 17-04-2013

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

19h07 Col de Rothorn (2689m)


Beau jeu de lumières! La carte postale est parfaite également.

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#128 06-12-2021 00:20:21

laxmimittal
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Inscription : 23-10-2016

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

on suit toujours...

les vues sont splendides.

surtout avec le retour du beau temps  smile  smile  smile

L.

Dernière modification par laxmimittal (06-12-2021 00:20:42)


La touche Majuscule de mon ordinateur fonctionne mal.

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#129 08-12-2021 15:40:48

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J37 Samedi 14 août : Aoste XXS


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Malgré mon bivouac à plus de 2500m, la nuit est très douce et, pour ne rien gâcher, sèche : pas la moindre humidité intérieure ou extérieure.

J'ai pris ma résolution de couper aujourd'hui à travers le Val d'Aoste, en prenant un bus à Champoluc jusqu'à Aoste, y ravitailler, puis remonter par une vallée transversale y retrouver l'altitude. La large boucle que je devais faire tout autour de la vallée consommerait trop de temps, et je n'en ai plus suffisamment pour pouvoir terminer paisiblement d'ici au 31 août, ma date limite ...

Au programme donc de ce matin, une longue descente de 1 000 m D- jusqu'à Champoluc, pour laquelle il me faudra presque 2 heures, essentiellement par du très bon sentier mais aussi un peu de piste. Dans la descente finale après le hameau de Soussun, je vais compter plus de 40 lacets à flanc d'une pente boisée bien raide ... Fugacement avant de perdre de l'altitude, je peux apercevoir quelques instants le sommet du Matterhorn dépasser des crêtes : je n'en verrai pas plus, dommage ...


6h22 je quitte mon bivouac
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6h37 descente vers le Val d'Ayas
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7h02 la Dent d'Hérens ? (4171m) et le Cervin ? (4478m) pointent un instant la tête ...
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7h30 Hameau de Soussun, le four bien rénové
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7h32 le Val d'Ayas
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8h03 approche de Champoluc, beaucoup de sculptures de ce genre ...
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La desserte des bus est excellente dans ces vallées, et à des tarifs très bas. Je prends un 1er bus qui descend tout le Val d'Ayas jusqu'à Verrès, et de là un second jusqu'à Aoste. Il ne se pointe pas du tout à l'horaire affiché (en fait bien en avance ...), mais du moment que je suis en route, peu m'importe ...

En cette veille de 15 août Aoste est blindée de monde : je n'y reste que le temps d'y trouver une supérette pour ravitailler. Avec mes sacs en plastique à bout de bras, je retraverse la ville, l'autoroute et le torrent pour trouver à Pont Suaz une aire de jeux avec bancs, où je vais pouvoir calmement procéder au reconditionnement de mes achats. J'entrevois en effet une grosse section avec un nouveau ravitaillement seulement à Bardonenche, que je prévois d'atteindre en 5 jours au mieux. Pas facile de faire tenir tout ça dans un sac de 20 l, je devrais m'y reprendre à plusieurs fois ...

Je quitte Aoste à 12h45 tandis que la chaleur s'installe : il est prévu 34°C cet après-midi ! Optimiste comme toujours, je pense pouvoir progresser rapidement à flanc de montagne jusqu'à atteindre la vallée de Valsavarenche et la remonter ... mais j'ai sous-estimé les distances ! Je suis des itinéraires particulièrement bien marqués / renseignés, avec des temps de marche donnés à 5 mn près. Hélas pour moi, ces sentiers de randonnée passent leur temps à s'enfoncer et ressortir à hauteur de chaque petit vallon, et la douzaine de kilomètres à vol d'oiseau m'en coûtera le double ...

Heureusement je croise régulièrement des villages et leurs fontaines, et malgré la chaleur je peux rester correctement hydraté. N'empêche, ça lessive !

12h41 Aoste, il est temps de repartir. Au fond, le Grand Combin ? (4314m)
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12h43 un MUL sur le chemin des chèvres à cheval ?
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14h16 le Val d'Aoste et au fond, le Rutor ? (3486m)
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Abstraction faite de quelques sections de liaison sur de petites routes asphaltées, le chemin n'est pas en lui-même déplaisant, mais ce n'est pas l'environnement dans lequel je préfèrerai me trouver. Je prends mon mal en patience et, petit à petit, j'arrive à faire reculer Aoste derrière moi ...

Très jolie surprise lorsque je passe à Pont d'Aël et y découvre un très beau Pont-Aqueduc romain, daté de l'an 3 av. J-C (à qui je transmets le salut du forum RL).

De là j'hésite un instant à remonter par la crête du Mont Poignon pour redescendre de l'autre côté dans le Valsavarenche, mais comme la carto m'indique 700 m D+ pour autant de D- derrière, je préfère me taper les kilomètres qui restent à niveau et contourner la montagne ... Ces kilomètres commencent par un joli sentier, parfois aérien, avec même une longue section de plus de 200 m par un tunnel creusé dans le roc. Même pas besoin de sortir ma frontale, le tunnel est éclairé par la fée électricité !

16h32 Pont d'Aël, Pont-Aqueduc romain
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16h47 le même avec son village (Pondel / Pont d'Aël) et les contreforts du Gran Paradiso
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17h08 Aoste dans un détour du chemin
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Les dernières heures de marche de cette journée sont de peu d'intérêt, car de la piste je vais passer sur la route faute d'alternative pour remonter le Valsavarenche. L'heure avance, je veux faire un maximum de kilomètres de route dès ce soir pour en laisser le moins possible pour demain. C'est à 20h30 que je m'arrête enfin, juste après avoir pu quitter la route au hameau de Fenille. Je me pose tout en haut d'un vaste pré où les foins ont été faits très récemment. Le torrent n'est pas très loin et j'aurai aimé pouvoir m'y tremper, mais l'endiguement rend l'accès trop compliqué et je renonce : je me contenterai d'une toilette de chat avec mon gant de toilette et ma réserve d'eau faite au hameau.

20h46 Bivouac près de Fenille
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En quelques chiffres :

Total J37
37 km
D+ 1495 D- 1711
Marche 8h30
km-Effort 56.3

Cumul J01-37
1248 km
D+ 76 000 m
Marche 371 h
km-Effort 2 167


Itinéraire & Progression
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7S0yJqe6W.Trace-J37-2.jpeg

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Impression générale :
Couper à travers le Val d'Aoste était nécessaire, mais la marche de l'après-midi dans la chaleur fut bien pénible, et le bord de route en soirée peu intéressant. A tout prendre, j'aurai mieux fait de reprendre un bus à Aoste après mon ravitaillement pour m'avancer dans la montagne ... L'itinéraire n'était cependant pas totalement inintéressant, avec quelques jolies surprises le long du chemin. Vivement demain et le retour dans la montagne !


J37 / 14 août en vidéo
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Dernière modification par Hervé27 (14-01-2022 21:38:13)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#130 08-12-2021 16:35:26

lenainrouge
Membre
Lieu : Strasbourg
Inscription : 20-07-2020

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Bravo Hervé. Merci pour ton récit détaillé.
Une chose m'intrigue. A la date de ton voyage, j'ai traversé les Vosges via le GR53/GR5 de Wissembourg à Thann. Une grande partie du voyage, j'ai été harassé par les moucherons/moustiques qui volaient devant moi quand je marchais, me contournaient pour m'attaquer dans la nuque, fondaient sur moi au moindre arrêt. De ton côté, pas de moustiquaire. Tu n'as pas été gêné par les insectes volants le soir, la nuit ?

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#131 08-12-2021 16:51:25

Magne2
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Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

@ Hervé
Je confirme pour le Cervin vu du sud et le grand Combin vu d'Aoste
Bonne suite.


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#132 08-12-2021 16:58:06

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut lenainrouge  smile

Au global pas spécialement gêné ...

Que ce soit la fraîcheur, l'humidité ou l'obscurité, à la nuit l'activité des insectes embêtants le jour (mouches, moustiques, taons ...) se ralentit voire s'arrête complètement. C'est aussi une des raisons pour lesquelles je préfère poser le bivouac relativement tard. Evidemment j'évite de m'installer sur un spot envahi de moustiques ... Maintenant la plupart de mes bivouacs étaient entre 1500 et 2500 m, avec donc un contraste jour / nuit beaucoup plus marqué que dans les forêts des Vosges ...

Si j'entends malgré tout des moustiques, je rabat le bonnet sur les yeux et je remonte le buff, ne laissant plus que le nez d'exposé. Avec des bouchons d'oreilles je cesse aussi de les entendre, et donc d'y penser wink ...


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#133 13-12-2021 20:41:00

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J38 dimanche 15 août : on ira tous au Paradis ...

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A cette altitude basse ( 1 340 m), la nuit a été chaude et somme toute confortable. La toile est intégralement sèche, un vrai plaisir ... Départ à 6h15 pour liquider au plus vite les kilomètres qu'il me reste en fond de vallée avant de pouvoir regagner les hauteurs. Heureusement, en remontant la rive gauche du torrent, je pourrai éviter le bord de route sauf sur les 2 derniers kilomètres. La marche au petit matin sur cette petite piste se révèlera bucolique et paisible.

Côté route, les villages ont grossi et ont pris un aspect plus moderne, tandis que sur ma rive ils sont restés des hameaux resserrés figés dans le temps, mais toujours entretenus et habités. Au Bois de Clin, le premier et le plus typique, je peux renouveler mon eau à la fontaine.

Longtemps à l'ombre, je peux faire le plein de la fraîcheur matinale.

6h42 derrière moi, le Val d'Aoste s'éloigne
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7h17 village de Dégioz, sur la rive "moderne"
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Toujours à l'ombre, après 9 km et un peu moins de 2h, j'atteins enfin le point de départ du sentier qui doit me ramener vers les hauteurs et mon principal objectif du jour : le Col du Nivolet. 900 m D+ au-dessus de moi pour ôter les fourmis de mes jambes, lassées par les quelques 30 km depuis Aoste ...

Un couple s'est élancé devant moi tandis que je reconfigure ma tenue pour enfin repasser en T-Shirt. J'ai vite fait de les rattraper ...

Le gros de la montée s'effectue sous les mélèzes, les vues vers l'autre versant se font de plus en plus belles tandis que je m'élève et que les arbres se clairsèment. J'émerge enfin au soleil qui s'élève au-dessus des crêtes du Gran Paradiso, plaçant celles-ci dans un violent contre-jour.

8h11 puisqu'il faut tout codifier ...
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8h40 en attendant les vues
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8h40 le Gran Paradiso à contre-jour
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Les vues se dégagent totalement à l'approche du hameau ruiné de Meyes Inferiore. Le Gran Paradiso mérite bien son nom : c'est un bonheur pour le cœur et les yeux ! Sur ces 300 derniers mètres de montée, je traverse ainsi 3 alpages, tous ruinés même si certaines toitures de pierre tiennent encore, les Meyes Inferiore, di Mezzo et Superiore ... Au Meyes Superiore, certaines peuvent encore servir d'abri, mais peut-être plus pour très longtemps ...

9h17 hameau ruiné de Meyes Inferiore, un oratoire
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9h47 le Gran Paradiso (4061m) depuis le hameau de Meyes Superiore
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Après ce dernier alpage la déclivité s'adoucit, pour me mener dans une large cuvette sur les hauteurs du vallon de Meyes. 4 heures après avoir levé le bivouac, il est temps de prendre une grosse pause. Je trouve le spot idéal sur les berges du torrent, au pied d'un gros bloc rocheux et bien à l'écart du chemin. Je peux rincer mes affaires et les étaler à sécher au grand soleil, de même qu'optimiser la recharge du téléphone sous un soleil éclatant ...

9h57 Vallon de Meyes. Au fond, le colle di Percià (3152m)
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10h37 la pause ...
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11h15 le Gran Paradiso, toujours ...
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Après la pause l'itinéraire devient très (trop ?) facile, en balcon au-dessus du long vallon dénudé du Nivolet. Droit devant j'ai le col en ligne de mire, pratiquement à la même altitude que moi. De nouvelles cimes englacées se dévoilent, et je dévore ces panoramas avec boulimie.

11h26 au fond, la Grande Aiguille Rousse ? (3482 m), le col du Nivolet en avant-plan
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11h47 derrière moi, je dois laisser s'éloigner le Grand Paradiso ...
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Le sentier finit par redescendre de ~150 m vers une large piste, forcément moins agréable, d'autant que maintenant le flux des promeneurs et VTTistes venus du Col du Nivolet se fait plus intense. Dans le fond du vallon, nombreux sont aussi les promeneurs qui remontent vers le col par le sentier parallèle à ma piste. Je trompe la monotonie de cette section en cherchant à dépasser les groupes en contrebas, sous-estimant les distances avec l'éloignement. Je ne me trouve finalement pas très performant ...

12h12 le vallon du Nivolet. Au fond, la pyramide de la Punta Foura (3411m)
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13h05 le lac du Nivolet. Au fond, la Grivola ? (3969m)
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Admettons-le, un jour de grand beau temps, un dimanche et aussi et surtout un 15 août roll , que pouvais-je espérer d'un haut lieu "touristique" dans les Alpes ? Non content de son lot de voitures, motos et laborieux cyclistes, le col est desservi par une noria de bus qui déversent leur flot de visiteurs sur le "refuge", les baraques à frites et le bazar des ventes à l'étalage : fringues, bijous de pacotille ... J'admets que le site est magnifique et que chacun doit avoir le droit de profiter d'un pareil cadre, mais il y a façon et façon ...

Je quitte vite les abords du lac surpeuplé, passe le col, puis longe un peu la route avant que de prendre une piste qui m'écarte de la foule. Avant que de redescendre dans la vallée, je voudrais me trouver un beau spot pour une nouvelle pause, mais avec une relative quiétude ...

13h17 Col du Nivolet (2612m) : ça se mérite !
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13h21 la route du Nivolet ... 3 bus sur une seule image
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13h21 Lacs Serrù et Agnel ... 2 autres bus
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A peine éloigné de la route de 200 m, un calme montagnard revient et je peux savourer mon environnement, en recherche d'une pause idéale. Un premier lac est encore un peu proche de la route, et bruyamment occupé par un groupe. J'en ai repéré un second plus petit, à peine plus loin ... Plus personne, enfin seul ! Hélas c'est maintenant le vent qui se lève, et ce petit lac tout en longueur occupe un goulet où il souffle violemment. Dommage, il faut que je poursuive pour trouver quelque chose de plus abrité.

Je quitte le sentier à flanc de montagne pour entamer mes 800 m D- vers le fond de vallée, avec en ligne de mire une cabane perchée. J'y succède à un VTTiste qui vient de s'y arrêter quelques instants avant de repartir dans la descente. Il s'agit d'une cabane réservée aux agents du Parc National du Gran Paradiso, mais pourvue d'une terrasse, d'une table et (bonheur !) d'une fontaine. Je vais m'installer adossé au mur abrité du vent et à l'ombre de la bâtisse (le soleil cogne fort), et lance le chauffage de mon café tandis que je grignote.

Comme de juste c'est à cet instant que le vent tourne et se renforce, soufflant en violentes rafales. J'ai toutes les peines du monde à empêcher mon réchaud de s'éteindre, et dois me résoudre à boire un capuccino tiédasse ...

13h50 Laghi Losere, trop venté ...
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14h05 ma cabane aux 4 vents
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Après avoir coupé en travers du Val d'Aoste, je suis (encore une fois !) de retour sur mon itinéraire prévisionnel. Je dois descendre par les très longs lacets d'une ancienne piste militaire, qui finit par rattraper la route que je n'aurai à longer que sur un petit kilomètre avant de bifurquer.

Sur la trace du Sentiero Italia, si le chemin a été récemment débroussaillé, il montre tous les signes de n'être ici pas très emprunté. Parfois un peu casse-pattes et chaotique, je ne suis cependant pas mécontent du changement après les longs kilomètres de descente par la piste militaire. Le chemin finit par s'adoucir et entre dans un large vallon, traversant les "alpe" en ruine.

16h53 La myrtille : voila l'ennemie de l'horaire !
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17h07 face à la Levanna Centrale 3619m
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17h19 au son des clarines
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Avant de passer en mode bivouac, je m'oblige à franchir un dernier raidillon pour passer dans le vallon suivant, où se trouve le refuge Guglielmo Jervis. Pour y parvenir le chemin se raidit, pour finalement monter droit à même la pente sur de larges dalles rocheuses. Je passe non loin d'anciens bâtiments miniers, pourvu d'une large esplanade où il ne devrait pas être impossible de planter la tente, mais je juge qu'il est encore un peu tôt.

Quand le chemin revient à plat je traverse un nouvel alpage, l'alpe Truc, et ne peux empêcher mon imagination de surimposer à l'image de ces cabanes de pierre celles du passé où elles étaient occupées. Le temps d'une estive, les générations cohabitaient ici, chacun affairé à sa tâche. On vivait au rythme du soleil et du troupeau ... Dans la lumière du soir, je crois voir passé et présent se mélanger, dans quelque fracture de l'espace-temps ... Impression fugace, je ne suis qu'un touriste ...

17h48 Alpe Truc, des fantômes en plein soleil ...
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17h58 arrivée au refuge Guglielmo Jervis ... mais ce n'est pas le bâtiment que l'on voit là
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Passé le petit col, occupé par un petit lac en voie de comblement par la végétation, j'aperçois le gros bâtiment que je pense être le refuge Jervis. Si jusque là j'étais tenté par une soirée "en dur", histoire de me resocialiser, la vue de ce bâtiment sans charme me remet sur la voie d'une recherche de bivouac. Pour cela il me faudrait être discret, et la présence des troupeaux dans le fond plat de cette vallée me repousserait plus loin, déjà à l'ombre des sommets et du glacier de la Levanna ... En descendant, je vais pourtant découvrir un autre bâtiment, plus petit et plus attirant, qui est le véritable refuge. L'autre abrite les installations hydrauliques du barrage ...

Je ne me sens plus suffisamment en jambes pour franchir le Passo di Nel (2551m), dont l'accès me semble - vu de loin - n'être qu'un vaste éboulis. Je décide de me poser quelques instants à une table devant le refuge, histoire de souffler et grignoter un morceau. Peu de monde ici : quelqu'un travaille en contrebas à la construction d'une petite cabane (future toilette sèche ?). Une conversation s'entame avec Francesca, qui s'avère être la gardienne. A tout hasard je demande s'il y a de la place pour dîner, mon intention étant encore de bivouaquer ... mais on me rappelle vite que nous sommes dans le Gran Paradiso : pas de bivouac ! A force de voir ladite montagne de loin, je ne réalisais plus être toujours dans le parc, surtout après avoir côtoyé la pétaradante route du Nivolet ...

J'ai finalement très bien fait de discuter et ne pas me mettre en infraction : je prends chambre au refuge ... où je suis l'unique client pour ce soir ! Rien que de très normal, me dit Francesca : il y a ici beaucoup de monde en journée et à déjeuner, mais les dormeurs sont plutôt rares. Le trio qui passe l'été ici va être au petit soin pour moi. Douche chaude, lessive, un poil de farniente, un copieux repas chaud ... Longue discussion enrichissante pendant le dîner avec Francesca sur la philosophie de la randonnée et de l'itinérance.

Comme j'entends repartir tôt, je souhaite régler ma note dès ce soir, mais mon horaire de 6h30 ne pose pas de problème pour un petit-déjeuner, le règlement sera remis à demain matin ...

30 lits dans le dortoir, 1 seul ronfleur !


19h23 les multiples sommets de la Levanna et leurs glaciers
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En quelques chiffres :

Total J38 :
37 km
D+ 2135 m / D-1221 m
Marche 10h00
km-Effort 59.2

Cumul J01-38
1 286 km
D+ 78 000 m
Marche 381 h
km-Effort 2 226

Itinéraire & Progression
7S8JezNZX.Trace-J38.jpeg
7S8JfER3s.Progression-J38.jpeg

Impression générale :
Un grand beau temps, des vues éblouissantes, une bonne variété de chemins ...  J'ai pu limiter au minimum les bords de route, et je finis la journée seul pensionnaire d'un refuge au petit soin pour moi... que demander de mieux ?


la même en vidéo
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Dernière modification par Hervé27 (18-01-2022 18:00:46)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#134 15-12-2021 14:09:13

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

2 vidéos supplémentaires :

J29 / 31 juillet
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J30 / 2 août
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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#135 17-12-2021 15:38:25

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J39 lundi 16 août : éther ...

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Après une nuit confortable malgré un gros ronfleur dans le dortoir (je n'ai rien entendu, j'étais seul  wink ), je descends dès 6h00 prendre mon petit-déjeuner. Au moment de régler la note, j'isole € 1.90 de petite monnaie qui me reste, et demande à Francesca ce qu'elle aurait en réserve en échange d'un tel délestage : je repars avec un assortiment de biscuits faits maison, dont je profiterai plus tard ce jour-là. Après les au-revoir, à 6h45 me voilà dehors ...

Le temps s'annonce plutôt lumineux, malgré la ouate qui nimbe les sommets de la Levanna.

1er challenge du jour, retrouver le chemin ! Je dois remonter le vallon depuis l'autre côté du petit barrage (on ne passe pas dessus), et je vais me retrouver à jouer des pieds et des mains pour descendre vers le torrent et en remonter, avant d'apercevoir la passerelle un peu plus bas ... Au moins, j'ai échauffé mes articulations !

06h47 rifugio Guglielmi Jervis et la Levanna Centrale (3619m)
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6h47 vue en direction du Col du Nivolet
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6h50 la retenue d'eau et la Levanna Centrale
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Je marche d'abord à plat au fond du vallon herbeux comblé par les sédiments, encore profondément à l'ombre, avant de bifurquer à la montée du Colle di Nel, qui s'avère bien plus accessible que ce que j'avais cru en voir hier. Le col est plus proche que je ne pensais (moins de 300 m D+), et s'avère n'être pas le col rocailleux en haut d'un éboulis que j'avais initialement identifié. Il me suffit de moins d'1 heure très pépère depuis le refuge pour l'atteindre.

Une rareté de la traversée depuis le départ, les chamois occupent le terrain. J'en compte plus d'une douzaine, là où je ne voyais presque que des bouquetins. Comme toujours, pas évident de mettre en valeur un animal à distance avec un smartphone ...

7h30 chamois ... Ah, si j'avais un vrai APN ...
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Au col je rencontre enfin le soleil, un horizon de crêtes déchiquetées et une vue plongeante vers le lac de Ceresole. D'ici je dois profondément redescendre dans la vallée suivante (500 m D-), avant de pouvoir entreprendre mon prochain col. Réchauffé par le soleil dans la descente, j'y croise de jolis petits lacs aux eaux lisses. De vastes tourbières occupent le fond du vallon du Dres, très bucolique.

7h39 Colle di Nel (2551m)
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7h56 Colle di Nel, à la descente
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8h07 double soleil
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Le Lago di Dres est atteint à 9h00 juste quand le soleil commence à toucher ses eaux sombres. J'aurai été un peu court pour l'atteindre hier soir et y bivouaquer (la limite du parc est maintenant derrière moi ...), c'eut été un enchantement !

La douceur matinale s'arrête néanmoins ici, puisqu'il me faut maintenant remonter de 600 m D+ en direction du Colle della Piccola (2698m), de nouveau dans l'ombre. Le chemin se fait plus chaotique, voire absent. Je vais de marque en marque par-dessus les blocs, ébloui par le Gran Paradiso chaque fois que je me retourne ...

9h00 Lago di Dres (2090m), sortant de l'ombre, et Gran Paradiso (4061m) en plein soleil
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9h11 direction la picole
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9h42 je me retourne sur un arrière-goût de Paradis ...
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10h21 montée dans la caillasse
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Le col est atteint après 1h20 d'une montée un peu casse-pattes, me permettant de découvrir la splendeur sauvage de la haute vallée du Valgrande. Après 3h30 déjà marchées ce matin, le lieu s'impose pour chauffer le café, et profiter des biscuits de Francesca !

Au milieu de ce cirque d'arêtes rocheuses et de glaciers, les nuages se forment et se transforment. La vue n'est jamais la même ...

Une fois n'est pas coutume, je suis sur mon itinéraire prévisionnel, lequel doit me faire faire le tour de ce cirque, grosso-modo à flanc mais avec pas mal de dénivelés quand même. La trace est marquée, je n'ai donc qu'à suivre (une fois finie la pause, évidemment).

10h23 Colle della Piccola 2698m, et la haute vallée du Valgrande
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10h23 la suite de mon itinéraire à flanc de montagne ... pas de chemin visible ...
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10h45 les biscuits de Francesca, accompagnés d'un capuccino
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Autant dire tout de suite qu'il n'y a plus ici de véritable sentier. Un très bon marquage permet de suivre l'itinéraire, mais l'on voit bien que l'antique sentier a été arasé dans la pente par l'érosion. On marche la plupart du temps avec les pieds en dévers, et ce n'est pas très confortable. Bien souvent des mini-glissements de terrain obligent à remonter ou redescendre par rapport à la trajectoire directe, histoire d'avoir un peu d'herbe et d'accroche sous les chaussures.

La progression est beaucoup plus lente que ce que j'imaginais : avant de retrouver un sentier à peu près convenable, il me faudra 1h30 pour faire 3 km ... Pour pimenter cette section, les nuages montent et je me trouve à plusieurs reprises plongé dans un épais brouillard : les alternances de soleil et de brume froide tandis que je transpire sont du meilleur effet ! Cerise sur l'omelette norvégienne, la traversée d'une cascade ne me laisse pas d'autre choix que de remettre les pieds à l'eau, moi qui marchait à pieds secs depuis 1 semaine ...

12h11 épisode nébuleux
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12h39 arrivée au Colle della Fea 2609m
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12h52 Glacier du Mulinet et Cime Monfret (3374m)
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A partir du Colle della Fea (2609m), collet appuyé sur un piton rocheux surplombant la vallée, j'attaque une redescente de 300 m D- vers le rifugio Paolo Daviso, bientôt enfermé une nouvelle fois dans la brume montante. J'y trouve pas mal de monde attablé à déjeuner et, bien éprouvé (mais avec bonheur) par la section précédente, je décide de m'y poser également et d'y profiter d'un repas. Je me ramollis ...

Surprise pendant que je déjeune en terrasse, le soleil disparait à nouveau, mais cette fois la brume lâche un peu de pluie. Je suis invité à finir mon repas à l'intérieur, mais cette petite averse ne dure pas et le soleil revient. Mon écran météo donnait un risque d'ondée à 15% à côté d'une icône "belles éclaircies". C'est conforme ...

J'ai aussi besoin de faire le point, car la section suivante doit me faire franchir le Colle della Lose à ~2840 m (soit 600 m D+ de remontée). C'est juste une trace sur mon OpenTopo, et n'est pas référencé parmi les itinéraires numérotés. Je me renseigne auprès des gardiens, lesquels me disent que pas grand monde ne passe par là, bien que l'itinéraire soit équipé. Ils recommandent de faire plutôt le tour par la vallée. Pour me convaincre définitivement s'il en était besoin, une jeune fille arrive et participe à la discussion : passée au refuge plus tôt ce matin, elle revient de la direction dudit col et a renoncé en trouvant les câbles arrachés / fragilisés par des éboulements.

C'est donc sans regrets que je prends l'option du contournement : après la très belle matinée exigeante, j'ai besoin en ce début d'après-midi de quelque chose de plus roulant et relaxant ...

Il se trouve que dans la redescente je rattrape Giuseppe, retraité italien (mais francophone, ouf !) qui avait participé à la discussion. Nous recommençons à échanger quelques mots, et cela durera pendant une bonne heure tandis que la descente s'éternise dans cette haute vallée. Giuseppe me parle de la grande inondation de 1993, lorsque la rupture du glacier du Mulinet a déclenché une énorme coulée qui a bouleversé la topographie des lieux, expliquant la rudesse actuelle du chemin. La vague a manqué emporter le village en contrebas de Forno di Graie, y laissant malgré tout des dégâts considérables.

Giuseppe me tuyaute sur les temps forts de mon itinéraire à venir, et notamment sur un col que je pourrai atteindre ce soir, de même qu'un bivacco tout récent : ça ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd ... Il me désigne aussi non loin une cabane (sur ma carte le rifugio Eugenio Ferreri), dont il me dit que c'est la toute première du Club Alpin Italien, datant de 1887 ...

Nous nous séparons quand Giuseppe décide d'attendre le reste de son groupe, nous allons en effet bien vite tous les deux, sans avoir vu le temps passer. Il me demande de lui faire parvenir des nouvelles de la suite de ma traversée, et pour ce faire je l'inscrirai au fil WhatsApp qui me permet de rester en lien avec famille et amis. Salut Giuseppe !

14h11 Rifugio Daviso (2280m), après l'averse
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15h47 à la descente, Roc du Mulinet (3442m) et glacier Martellot
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16h40 enfin en bas !
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Je redescends vers la chaleur, tandis que la nébulosité se dissipe. C'est sous un grand soleil que je longe le torrent pour arriver finalement à Forno Alpi Graie (~1230m). Je jette un œil dans ce tout petit village très touristique au terminus de la route, histoire de voir s'il ne s'y trouverait pas une petite épicerie me permettant de compléter mes réserves. Je ne trouve cependant que des restaurants et gîtes, ce qui n'est pas bien grave puisque j'estime avoir de quoi tenir 3 jours sur mon menu de base ... mais au stade où j'en suis, toutes les calories eussent été bonnes à prendre.

Je m'engage par une piste carrossable dans le très encaissé Vallone di Sea, où je vais vite perdre le soleil dans cette fin d'après-midi. Quand la piste se fait sentier, celui se révèle agrémenté de petites plaques avec photos et citations de quelques personnalités ayant marqué l'histoire de la montagne. Mon italien de cuisine ne me permet pas de tout traduire, mais c'était sûrement très profond ...

17h22 Une citation parmi d'autres (traduction libre) : "L’alpiniste est un homme qui conduit son corps là où ses yeux ont regardé un jour. Et qui revient."
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17h42 Vallone di Sea
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Je pensais qu'un peu plus haut le vallon s'élargirait, mais il n'en est rien. Le vallon est enserré par d'impressionnantes murailles, pour lesquelles j'ai bien du mal à imaginer par où il me faudrait les franchir. Un vent puissant souffle dans ce goulet, je suis contraint d'enfiler polaire et veste ...

Ma trace devait me faire passer par le Ghicet di Sea à 2750 m, mais quand j'arrive à 18h30 à la bifurcation qui m'y mènerait, je n'ai aucun courage pour attaquer 1 000 m D+ à pareille heure, et je passe en mode de recherche de bivouac. Le vent souffle fort et tourbillone, et rien ne se prête ici à planter la tente. Giuseppe m'avait parlé d'un nouveau bivacco à seulement 25 mn de marche plus haut dans le vallon, et c'est très naturellement que celui-ci devient mon objectif.

18h28 Alpe di Sea
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18h28 je remets à demain le franchissement de cette muraille ...
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18h56 Bivacco du Gias Nuovo / Alpe di Sea
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L'abri en bois et en A est blotti au pied d'un verrou rocheux, à 200 m d'une bergerie en activité. Sans le vent il y aurait bien eu quelques spots possibles pour le pioulou, mais les rafales sont maintenant trop violentes pour espérer une nuit paisible.

Il n'y a personne dans l'abri, il est à moi seul pour cette nuit. Un aller-retour au torrent pour remplir la Platypus, et je reviens vite me mettre à l'abri.

Le vent ronfle sur la solide structure, j'en sentirai les vibrations et les coups de boutoir toute la nuit.


En quelques chiffres :

Total J39 :
26 km
D+ 1823 D-2185
Marche 10h10
km-Effort 50.7

Cumul J01-39 :
1 312 km
D+ 80 000 m
Marche 392 h
km-Effort 2 277


Itinéraire & Progression
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Impression générale :

Une très belle étape, exigeante dans sa partie la plus en altitude jusqu'au rifugio Daviso. Des reliefs assez brutaux me font douter de ma capacité à progresser au rythme nécessaire, et rechercher des itinéraires moins violents ...


J39 / 16 août en vidéo
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Dernière modification par Hervé27 (02-02-2022 18:17:00)


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#136 17-12-2021 16:46:03

tacheton
Membre
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Superbe, comme d'habitude, arriver seuls ou presque dans un refuge, c'est ma définition du luxe. Tellement inattendu !
Sur ta trace globale, le vert c'est ce que tu as fait et en rouge le projet. J'ai du louper l'info, mais pourquoi tu as renoncé à Courmayeur pour Aoste ? Passer plus de gran paradiso valait vraiment le coup ?

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#137 17-12-2021 17:31:35

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut Tacheton smile ,

Question de temps : après la semaine de météo chaotique qui m'a vu décrocher à Maloja, arrêter au Splugen Pass et reprendre au Nufenen Pass, faire le tour du Val d'Aoste tel que je l'avais prévu ne me permettait plus d'arriver dans les délais. Il fallait faire un choix ... Plutôt que de "bâcler" la découverte de cette région, je préfère y revenir plus tard, plus calmement ...


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#138 17-12-2021 17:44:04

Serval
Carpe diem
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Hervé27 a écrit :

#636676Après une nuit confortable malgré un gros ronfleur dans le dortoir (je n'ai rien entendu, j'étais seul)

lol lol lol


(Modification non justifiée = orthographe, typo, etc.)

Trombi | Mes "longues promenades" | Lighterpack 2023
« Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans [les voyages] que j'ai faits seul, et à pied. » (J.-J. Rousseau)

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#139 17-12-2021 18:13:41

sjeanmarc
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J'avais aussi prévu, le 16 août, de passer par le col delle Lose à partir du refuge Daviso. Sur les conseils des gardiens du refuge, j'ai renoncé et fait le même choix que toi. La jeune italienne qui était au refuge le matin a donc fait demi-tour. Il y avait aussi deux allemands et un autre italien qui sont partis ce 16 août vers le col delle Lose. À priori, ils ont dû passer.

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#140 17-12-2021 18:22:45

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut sjeanmarc smile ,

Créflûte ! On se suivait vraiment de peu !


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#141 18-12-2021 17:39:52

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Comme d'hab, les versions vidéos suivent en décalé.

Celle-là c'était celle de la reprise après la vague de mauvais temps et le retour momentané à la maison.

J31 / 8 août en vidéo
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#142 21-12-2021 19:57:47

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

J40 mardi 17 août : cols chocs, colchiques ...

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Malgré une installation confortable je n'ai pas beaucoup dormi, tant le vent a ronflé dans la structure du bivacco. Les bouchons d'oreille n'y ont rien fait, les coups de boutoir des rafales faisaient vibrer l'armature et me privaient d'une bonne nuit ... Pas question pour autant de traîner, j'arrive à repartir à 6h35. La météo prise hier, avant que d'aller m'enfermer dans cette vallée encaissée et déconnectée, m'annonce une belle journée dont je veux profiter. Dehors le vent s'est beaucoup calmé mais reste présent, je m'interroge sur ce qu'il en sera plus en altitude.

Une journée qui s'annonce bien ...
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1er objectif pour réveiller mes muscles mal reposés, redescendre vers l'Alpe di Sea où j'étais passé hier soir, et de là prendre la bifurcation qui va me faire monter raide pour basculer dans le Val d'Ala de l'autre côté. J'ai 2 itinéraires possibles en tête :
- celui que j'avais posé sur mon tracé et me faisant passer par le Ghicet di Sea (2750m), mais qui visuellement m'a fait hier soir l'image d'une muraille abrupte. Avec Giuseppe hier après-midi, discutant d'itinéraires, il m'avait dit que le passage était plutôt bien marqué et qu'il n'y avait qu'à suivre ...
- l'autre option est celle du Passo dell'Ometto (2617m), permettant ensuite soit de poursuivre sur un balcon vertigineux, soit de descendre direct sur Balme en fond de vallée

950 ou 850 m D+ selon le col choisi à la montée, et dans tous les cas des D- de 1 000 à 1 250 m à la descente de l'autre côté

Une grosse partie de l'ascension est commune aux 2 itinéraires, et je remets la décision pour le point de divergence des sentiers : un meilleur visuel sur l'un et l'autre passage m'aidera peut-être à choisir ...

6h42 vue arrière sur le bivacco Gias Nuovo. Au fond, la Pointe de Bonneval (3321m) et la direction du Colle di Sea (3098m)
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6h42 le Passo dell'Ometto (2617m) à l'extrémité gauche de la muraille, le Ghicet di Sea (2750m) invisible au-delà du coin supérieur droit de l'image
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De retour en 25 mn à la bifurcation, avec bien sûr le plaisir d'être redescendu dans le creux encaissé du vallon pour pouvoir remonter, j'entreprends la 1ère grosse ascension de la journée. Bien vite, je réalise que le chemin tient plus d'une trace que d'un sentier : envahi de la végétation qui a recolonisé ces éboulis, le chemin ne permet aucun rythme efficace, si ce n'est le plus lent ... Evidemment je m'y re-mouille les pieds dans les buissons et l'eau qui ruisselle.

Tout cela me cisaille les jambes, mais je mets un point d'honneur à avancer, décidé à ne me poser qu'après la fin de l'ascension. Histoire de m'encourager, plus j'avance et plus la trace se raidit ... Le seul point positif est le marquage rouge et blanc efficace, souvent sur des piquets de bois se dressant par-dessus la végétation haute.

6h59 retour à la bifurcation
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7h13 Un chemin ?
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7h19 en arrière, lever de soleil sur (de g. à dr. et sauf erreur) peut-être le Pic Regaud ? en arrière-plan (3232m), la pointe de Bonneval (3321m), la pointe Francesetti (3433m), le Monfret (3374m) et tout à droite l'Uja di Mombran (2947m)
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Après 450 m D+ et 1h de ce régime (nettement en-dessous de mes performances habituelles), j'ai une vision à peu près claire de l'accès au Passo dell'Ometto, tandis que celui du Ghicet di Sea m'apparait plus adapté aux solides pattes des chamois et bouquetins qu'à mes guibolles flageolantes de ce matin. Je n'arrive même pas à situer ce passage sur le fil de la falaise qu'il me faudrait franchir, et sur ma carte la trace zigzague là où les lignes de niveaux sont si resserrées que je ne parviens plus à les distinguer ...

L'ultime incitation à opter pour le Passo dell'Ometto, c'est la signalétique plantée au point de bifurcation : sur le panneau moderne, le Ghicet di Sea n'est pas mentionné ! Au sol un vieux fléchage en bois nommant le passage a été laissé là pour compenser l'oubli ...

Scié par la 1ère moitié de l'ascension, je me décide enfin pour le passage à l'évidence plus facile du Passo dell'Ometto, résolu à maintenant vite retrouver le soleil sur l'autre versant. Il est clair qu'hier soir il aurait été illusoire d'attaquer cette montée, quel que soit la direction choisie ...

8h00 Ghicet di Sea "oublié" du nouveau panneau, alors on a gardé un morceau du vieux ...
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8h16 vue arrière par-delà le Val di Sea et la Valgrande sur la Levanna Orientale (3 555m) et, plus loin encore, le Gran Paradiso (4061m)
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A force de m'élever et toujours dans l'ombre, la fraîcheur se fait plus vive et je dois ménager le téléphone. J'attends d'avoir atteint le Passo dell'Ometto avant de reprendre des images. La dernière partie de l'ascension se fait un peu plus douce avec un chemin parfois mieux matérialisé. Le col en lui-même n'est atteint qu'après un ultime raidillon de terre et de gravillons, où l'accroche des chaussures est plus qu'aléatoire.

8h46 Passo dell'Ometto 2617m
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8h47 vue arrière depuis le Passo dell'Ometto vers l'Uia di Ciamarella (3676m)
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8h48 Passo dell'Ometto : l'autre versant descend vite vers Turin
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Le col tient son nom d'un piton rocheux qui s'y dresse, que l'on peut traduire par "petit homme".

La descente est bien plus douce que la montée, même avec une zone d'éboulis de gros blocs à traverser, et surtout plus chaleureuse avec enfin du soleil. Je vise d'aller me poser au bivacco Bruno Molino, à moins d'1/2 h en contrebas : au total presque 4 heures depuis mon départ ce matin. Si je m'y étais lancé hier soir, je ne l'aurai pas atteint avant peut-être 21h00 et une journée de quasi 13h de marche, c'est dire si mon option du bivacco Gias Nuovo a été la bonne. Avec le vent d'hier soir et un relief impossible, pas de bivouac possible avant d'avoir en effet franchi ce col.

Sur place j'y trouve un groupe de 4 jeunes italiens, à qui je demande si je peux entrer me poser pour un café. Ils pensent sur le coup que je les sollicite pour m'en offrir un, n'imaginant pas que j'ai tout ce qu'il faut dans mon sac ... Eux-mêmes attaquent à peine le petit-déjeuner, et nous partageons quelques instants conviviaux, agrémentés d'un paquet de cookies laissé là par 1 français reparti plus tôt (sjeanmarc wink ?).

Le groupe est mené par Luca, originaire de la vallée et qui a invité ses amis à découvrir son "territoire". Il va me suggérer tout un itinéraire pour la suite de la journée, en me faisant descendre direct vers Balme en fond de vallée, et remonter par le Passo delle Mangioire. J'envisageais avant cela un passage en balcon par les Laghi Mercurin et Del Ru, mais en y regardant bien c'eut été peut-être trop aérien (quoique sûrement magnifique) au vu de ma petite forme de ce matin. J'admets aussi que l'option de passer par le village et ses commerces a aiguisé mon appétit intérêt culturel.

Après déjà Francesca avant-hier et Giuseppe hier, Luca me recommande à son tour le Bivacco San Camillo, à 2730 m au-dessus du Lago della Rossa, comme le plus beau de la région. C'est noté !

8h57 L'Ometto à la descente du col
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10h22 Bivacco Molino. Grâce et disgrâce ...
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10h23 Bivacco Bruno Molino 2279m. Superbe !
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Que dire de la descente sinon qu'elle est directe ? Je repasse dans les étages de végétation, troquant la roche pour l'herbe, les alpages pour la forêt, puis le sentier pour la piste et la route sur les 2 derniers km. La fraîcheur de l'altitude cède le pas à la chaleur de la vallée : c'est bon de se dire que c'est l'été (enfin !). En face je peux scruter les vallées et itinéraires préconisés par Luca : depuis mon point de vue cela parait abrupt bien qu'herbagé / boisé, mais j'ai maintenant assez d'expérience pour savoir que c'est toujours plus raide vu de loin ...

10h51 après Balme (au fond), il faudra remonter tout ça (en face)
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11h17 Alpe Pian Bosco 1680m
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11h24 c'est la fin de l'été ...(Hein ? Quoi ? Déjà ? Mais on venait à peine de commencer !?!)
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L'arrivée à Balme par sa zone commerciale n'en montre pas le plus beau jour, mais le village est néanmoins d'un séjour plus qu'agréable.

Je prends mon tour avec mon masque à l'entrée de la petite épicerie, où le patron ne laisse entrer un client que si un autre ressort pour ne pas dépasser son quota de temps d'épidémie. Retour au monde réel sad ... Je complémente mes réserves pour être tranquille d'ici Bardonenche, qui à force de détours ne se rapproche pas aussi vite qu'espéré et que j'évalue à encore 3 jours de marche. Evidemment, je double ces réserves d'un assortiment de plaisirs à engloutir avant de quitter le village : un conséquent cornet de glace, un pot de yaourt aux fruits artisanal (lui aussi bien frais) et un paquet de biscuits du coin. J'irai m'installer plus loin dans le village, sur un banc d'une aire de jeux et à côté d'une fontaine, pour déguster mes calories tongue

12h03 arrivée à Balme, par sa façade commerciale ...
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Reposé et pieds aérés après la longue descente, je traverse le vieux village pour aller attraper l'itinéraire peu fréquenté qui m'emmènera par les hauteurs vers la Passo delle Mangioire. GTA et Sentiero Italia prennent d'ici une autre direction, après avoir fait les affaires des gîtes et restaurants. Je m'élève agréablement dans les prés puis la forêt (appréciée sous le soleil), par un sentier qui coupe la piste desservant les Alpe un peu plus haut.

Regardant en arrière, je peux confirmer de visu que l'itinéraire en "balcon" que j'aurai pu suivre après le bivacco Molino aurait sans doute été trop exigeant par rapport à l'énergie que j'étais mentalement prêt à dépenser ... Je peux aussi enfin apprécier ce qu'aurait pu être la redescente du Ghicet di Sea : directe mais sans doute pas si difficile, pourvu d'avoir préalablement franchi la montée ...

13h35 reparti de Balme, façade plus présentable ...
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14h17 j'aurai tout aussi bien pu être en face ...
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14h47 l'autre versant du Ghicet di Sea
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Après 700 m D+ d'une ascension régulière et bucolique, une petite erreur d'itinéraire rectifiée d'un demi-tour, et le franchissement d'une crête secondaire par un "col" à 2129 m, le chemin se fait un temps presque horizontal. La végétation cherche à l'envahir, mais heureusement les  cantonniers débroussailleurs sont passés me faciliter la tâche. Après un nouveau petit col ridicule à 2216 m, je dois redescendre de 150 m D- dans le vallon avant de pouvoir enfin engager la montée du Passo delle Mangioire. La marche à la chaleur du milieu d'après-midi prélève néanmoins son dû, et avant que d'attaquer une nouvelle section à 700 m D+ je m'octroie une ultime pause sous les mélèzes et dans la douceur de l'herbe.

14h47 le Bessanèse ? 3593 m à g. et l'Uia di Ciamarella 3676 m à dr.
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15h14 vue vers le Passo delle Mangioire
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Le retour dans la haute altitude en fin de journée et des températures plus propices à la bonne ventilation s'avère très agréable. C'est quand je me fais la réflexion que je n'ai croisé personne depuis Balme que je vais coup sur coup rencontrer 2 groupes dans l'autre sens. Une courte tchatche avec 3 italiens, et la solitude revient, si bien sûr j'exclus la proximité des bouquetins et marmottes.

A part peut-être dans les tous derniers mètres, la montée au col m'aura paru très facile et régulière. Je suis plus en forme en cette fin de journée que ce matin : depuis Balme je viens de remonter plus de 1 400 m, avec pas de mal de yo-yo !

Le col en lui-même est une étroite fente dans le rocher, on ne s'y croise que si l'on est intime. Un ultime regard en arrière, et me voici maintenant sur les hauteurs du vallon d'Arnas.

16h32 montée au col
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17h20 Passo delle Mangioire 2738m
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17h21Passo delle Mangioire, dernières vues arrières ...
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2 km en face et par-delà un vallon herbagé, je peux voir les bâtiments près du Lago della Rossa et, parmi eux, le bivacco San Camillo. J'ai fait beaucoup de grosses pauses aujourd'hui et je suis loin de mon quota de 10h de marche, mais je n'ai pas d'appétance pour pousser beaucoup plus loin au vu des dénivelés déjà fait. Profiter du "plus beau bivacco de la région" 3 fois recommandé vaut bien de sacrifier ma futile comptabilité.

Si je vois que les bâtiments que je vise sont perchés sur un large mamelon rocheux, je peux aussi constater que celui-ci surplombe le vallon d'une falaise d'une bonne centaine de mètres. Avec le soleil dans les yeux et ladite falaise dans l'ombre, pas moyen de distinguer par quel passage miraculeux se faufilera le sentier bien présent sur la carte. Il faudra pourtant bien que ça se fasse !

17h22 Passo delle Mangioire, vue directe sur l'objectif
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Je dois attendre d'être à mon tour de retour à l'ombre (et jusqu'à demain !) pour enfin et à la dernière minute distinguer le goulet d'éboulis qu'il me faut franchir. Je ne suis plus à 100 m près, c'est parti !

17h53 je vois enfin par où passer
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18h01 c'est par là
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A mi-parcours je croise un vieux pêcheur (au sens piscicole) qui redescend du lac, et à partir de mes remerciements pour s'être serré à mon passage nous attaquons une tchatche de quelques minutes. C'est fou ce que, depuis ma reprise, ces rencontres anodines se multiplient et font un bien inestimable à mon moral.

Mon vieux pêcheur va toutefois doucher mes espérances quant au bivacco San Camillo : habitué tout cet été à avoir profité d'abris ouverts pour mon bénéfice exclusif ou en petit comité, il m'informe qu'un groupe conséquent de 12 ou 13 personnes, dont beaucoup d'enfants, a pris possession des lieux ... Après notre séparation je suis vite en haut sur ce vaste mamelon rocheux, découvrant le sombre lac della Rossa au pied de la Croix Rousse (3566m) et de l'Ouille d'Arbéron (3554m) : je m'autorise la dénomination française, la frontière passe là-haut. L'à-pic est si vertigineux que je n'arrive pas à cadrer à la fois le lac et les sommets dans le champ de mon téléphone ...

Sur les quelques centaines de mètres qui me sépare du bivacco je repère précautionneusement 1 ou 2 emplacements possibles pour un abri (guère plus), pourvu que les piquets veuillent s'enfoncer dans ces creux de rocher comblés par l'érosion. A l'ombre depuis déjà longtemps au pied des géants de pierre, les nuits doivent être ici glaciales, surtout avec le petit vent qui souffle ce soir ...

Entre le lac, les sommets, les névés et glaciers, la vue ouverte vers la Plaine du Pô, je comprends la réputation du bivacco : il bourdonne ce soir d'activité ... Quand je m'y pointe et en discutant avec les présents, les comptes vont être ainsi faits : 18 places, le méga-groupe familial italien de 13 personnes, 2 couples ... Il ne reste qu'une place et j'ai donc le choix d'une nuit glacée sous la tente ou de la chaleur douillette d'un matelas et de couvertures, sonorisée par l'entrain italien ! Je n'hésite pas plus que ça et prend le matelas sur lequel on m'a fait de la place !

A peine plus tard arrive un trio de français (Bastien / Louis / Alexis), venus ici depuis Bonneval sur Arc. Dépités par l'affluence inhabituelle, il s'installent dehors pour dîner malgré une température ressentie maintenant négative à l'ombre et sous le vent. Sans abri (mais autrement bien équipés et visiblement aguerris), ils envisagent d'aller bivouaquer dans la toute petite chapelle / oratoire 200 m plus loin, ouverte et sans porte, et plaisantent sur les cauchemars que pourraient leur y donner les fresques religieuses ... Comme les 2 grandes tables du bivacco ont été partagées entre les 13 italiens pour l'une, les 5 restants pour l'autre, je les enjoins à venir dîner au chaud. On sympathise, ça parle rando et immanquablement matériel, et finalement on fera de la place sur le plancher pour ajouter 3 couchages, avec des matelas faits des couvertures surnuméraires.

18h41 bivacco San Camillo, vers le lac
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18h41 bivacco San Camillo, vers la plaine
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19h47 traduction ?
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Moi qui était habitué à la solitude, j'avoue que la nuit à 21 dans un bivacco de 18 places m'a offert un contraste joyeux et bienvenu ! Mon déficit de sommeil de la nuit dernière et mes bouchons d'oreille vont m'aider à ignorer l'environnement que je craignais bruyant, mais le joyeux groupe des 13 italiens (montés en voiture par la piste jusqu'au pied du barrage ...) se montrera très respectueux et discipliné, tenant à s'excuser de prendre la place des randonneurs "réguliers".

Prévoyant comme jamais, je vais refaire totalement mon sac dès ce soir, dormant sans mon duvet sous les couvertures, pour partir demain à mon heure habituelle sans traumatiser personne.


En quelques chiffres :

Total J40
23 km
D+ 2627 D-1779
Marche 8h45
km-Effort 51.1

Cumul J01-40
1 335 km
D+ 83 000 m
Marche 400 h
km-Effort 2 328

Itinéraire & Progression :
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Impression générale :

Passé le coup de mou du petit matin sur un démarrage un peu brutal, le détour par Balme m'a permis de recharger les batteries et de finir la journée par un bien bel itinéraire. Je me suis arrêté plus tôt qu'à l'habitude pour pouvoir dormir en bivacco à haute altitude. Un peu moins d'effort, un peu plus de repos et un peu de resocialisation m'auront fait du bien.



J40 - 17 août en vidéo
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Dernière modification par Hervé27 (04-02-2022 18:32:55)


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#143 21-12-2021 20:48:47

sjeanmarc
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Les cookies au bivacco Bruno Molino n'étaient pas de moi. Je suis passé par le col Ghicet di Sea. J'avais quelques inquiétudes. Au refuge Daviso, on m'avait dit que le sentier n'était pas facile et vu d'en bas, on se demande effectivement par où cela peut passer. En fait, il ne présente pas de difficulté majeure. On rejoint une vire que l'on suit (montant et descendant) à ras des falaises.
Le 17 août, j'ai dormi au refuge Città di Ciriè de l'autre côté du col Ghicet di Sea. J'ai fait une pause dans la matinée au bivacco San Camillo (sans rien y laisser... désolé).

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#144 22-12-2021 15:10:40

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

sjeanmarc a écrit :

#636986Les cookies au bivacco Bruno Molino n'étaient pas de moi. Je suis passé par le col Ghicet di Sea. J'avais quelques inquiétudes. Au refuge Daviso, on m'avait dit que le sentier n'était pas facile et vu d'en bas, on se demande effectivement par où cela peut passer. En fait, il ne présente pas de difficulté majeure. On rejoint une vire que l'on suit (montant et descendant) à ras des falaises.
Le 17 août, j'ai dormi au refuge Città di Ciriè de l'autre côté du col Ghicet di Sea. J'ai fait une pause dans la matinée au bivacco San Camillo (sans rien y laisser... désolé).

Salut sjeanmarc smile

C'eut été trop sympa de se retrouver "par hasard"  au long du chemin ... On va voir jusqu'où ce chassé-croisé inabouti s'est poursuivi !

Je vais peut-être arriver à accélérer un peu la publication en profitant des fêtes : tant que je n'aurai pas clos le récit je ne serai pas tout à fait rentré ... ce qui n'est pas plus mal, ça m'offre un dérivatif plutôt que de ronger mon frein avant la prochaine virée cool

... et bien sûr, le récit vidéo se poursuit de son côté, pour les adeptes du mal de mer lol

J32 / 9 août Scatta Minoia - Alpe Veglia
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#145 23-12-2021 09:19:41

DOM42
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Lieu : Saint-Victor-sur-Loire
Inscription : 17-03-2009

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut,
Je savoure ce périple à chaque pages et reste admiratif du projet.

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#146 25-12-2021 21:25:26

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Merci DOM42  smile  !

Cela n'a l'air de rien, mais rien de tel que les petits mots comme le tien pour me motiver à bâtir le récit du jour suivant ...

Pour ceux que l'aventure d'un récit à épisode tente, entre la mise en forme de la carto (reposer l'itinéraire, les distances, D+/D- ...), la sélection / recadrage des images, la revisite des notes et vidéos pour se remettre en mémoire les temps forts, la rédaction, la relecture ... j'en ai pour presque une journée à chaque fois ... mais c'est aussi pour mon plaisir wink  !

Je vous souhaite un joyeux Noël tout en légèreté avec ce nouvel épisode !





J41 mercredi 18 août : Pioulou connection !

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Nuit globalement bonne dans le bivacco San Camillo surpeuplé (21 dormeurs pour 18 places !), et encadré par 2 ronfleurs légers qui finalement ne me gêneront pas grâce à mes bouchons d'oreille : article indispensable d'une bonne itinérance ! Sur cette balade j'en ai emmené 5, afin de pouvoir gérer les pertes et lavages ...

Pour être efficace et faire le moins de bruit possible à l'heure du départ (je suis dehors à 6h10 !), mon sac était totalement fait de la veille. J'ai dormi avec les seules couvertures du bivacco et dans mes vêtements de bivouac, que je garde pour commencer à marcher dans la vive fraîcheur de ce matin d'altitude. Je n'ai que polaire, coupe-vent et chaussures à enfiler, et c'est parti !

6h10 Bivacco San Camillo : 1er dehors, avant même le soleil !
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Comme la position du bivacco avec une vue presque directe vers la plaine du Pô permettait un peu de réseau, j'ai pu avant de me lever actualiser ma météo. La journée s'annonce sèche mais ennuagée, avec seulement 5 heures d'ensoleillement. Malgré un ciel bleu profond à ma sortie du bivacco, je peux anticiper pas mal de nébulosité passée l'heure fraîche. Cela va orienter mon choix d'itinéraire, à bon escient.

En plus d'un peu de réseau, j'ai aussi pu recharger mon téléphone sur les batteries solaires du refuge, ça le rend ce matin un peu plus résistant au froid : je prends néanmoins beaucoup de précautions à le garder contre moi au chaud dans une poche, et à le réchauffer dans la paume de mes mains entre 2 prises de vue. Sans cela, chargée ou pas, la batterie se mettrait en rideau et je m'en verrai contraint d'attendre que le soleil ranime mon panneau solaire ...

Ce n'est pas l'orage, mais plus le grand beau non plus
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Avant de traverser le barrage du Lago della Rossa, je recharge 1/2 litre à la fontaine à côté d'un des bâtiments hydroélectriques :  c'est malin, je m'y glace les doigts !

De là, direction le Colle Altare (2908 m) pour un petit 200 m D+ sur un itinéraire de caillasse, tandis que tout autour de moi les cimes se parent des chaudes couleurs des premiers rayons. Pour ma part, j'essaye de ne pas me refroidir dans l'ombre glacée de mon vallon de rocaille ...

6h18 barrage traversé, le lumignon du bivacco veille encore ...
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6h39 la Croix Rousse / Croce Rossa 3566 m, qui me file le torticolis
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6h47 depuis le Colle Altare (2908m) vue arrière vers le Lago della Rossa
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Je ne m'arrête qu'un très court instant au col, juste le temps d'imprimer une dernière fois les vues sur ma rétine et ma mémoire. Je plane ...

La descente devant moi m'amène après 40 mn d'un bon chemin et 350 m D- enchanteurs au refuge Luigi Cibrario. Là, je trouve enfin le soleil et me pose quelques instants pour rapidement échanger mes affaires de bivouac pour celles de marche : retour en short et T-shirt manches courtes !

De là, j'aurai pu m'en tenir à mon itinéraire prévisionnel et entreprendre le passage du Colle Sulè à 3072 m, ce qui aurait été le plus haut point de la traversée depuis le départ.  Deux raisons vont me pousser à opter pour un itinéraire de contournement : la brume qui monte rapidement de la vallée (appuyée par la météo !), et l'opinion de mon organisme qui à cet instant me demande des températures plus douces et du chemin déroulant : je cède à sa demande ...

7h05 redescente du Colle Altare , de g. à dr. la Testa Sula 3255m, le Colle Sulè 3072m, la Punta Sulè 3384m et le Monte Lera Occidentale 3337m et Orientale 3355m
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7h13 descente du Colle Altare au rifugio Cibrario
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7h19 encore grand beau
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7h30 arrivée au rifugio Cibrario
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7h37 vue du refuge sur la Testa Sula 3251m et la Punta Valletta 3384m
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7h53 Rifugio Cibrario, enfn au soleil et en tenue d'été !
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A peine reparti les premiers lambeaux de brume passent le verrou rocheux par où le chemin bascule dans la vallée. Très vite, je passe dans une première nappe en compagnie des bouquetins. Je vais cependant vite retrouver un soleil plus timide par-dessous, et par un long chemin redescendre les étages de végétation et trouver un meilleur équilibre avec la température extérieure.

L'itinéraire de contournement que j'emprunte va me faire descendre jusqu'à 1 800 m, soit 1100 m D- depuis le Colle Altare. Je prévois de faire ma 1ère pause du matin lorsque j'atteindrai le point bas, sur un fil de crête (la Cresta Bricial) d'où je bifurquerai pour remonter la Valle di Viu en direction du Lago di Malciaussa et rattraper l'itinéraire.

7h57 déjà la brume arrive ...
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8h02 déjà la brume est là !
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8h23 il suffit de passer sur le pont, et sous la brume ...
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8h28 volutes de pierre
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Une fois le gros de la descente effectué, j'aurai le régal de marcher sur un chemin à peu près de niveau, tout en douceur et en verdure. Il est temps de me chercher un spot de pause, et j'ai jeté mon dévolu sur un promontoire pris en ligne de mire depuis un long moment. Je suis au point de bascule d'une vallée à l'autre, et je profite ici de vues de toute beauté sur les sommets, observant le ballet des nuages. Le sort des cimes qui m'entourent est inégal : celles à gauche et à droite sont bien visibles, tandis que le Monte Lera (3335m) derrière moi est désormais totalement enchâssé dans un nuage inamovible ...

9h15 un peu de douceur ...
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9h25 la pause sur ce petit promontoire
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9h31 d'où je viens
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9h36 la Punta Corna 2960m
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9h29 la Valle di Viu que je vais remonter
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Reparti après 1h de détente bien agréable, je me retrouve vite sur un sentier d'altitude très égale et sans aucun dénivelé ... et pour cause :  c'est une ancienne desserte ferrée (minière et/ou hydroélectrique), et l'itinéraire de randonnée qui lui a succédé s'appelle le sentier Decauville, du nom de la société qui avait équipé cette installation. Sous mes pieds émergent encore parfois quelques rails qui n'ont pas été ensevelis par la végétation et le ravinement.

Avec le soleil maintenant haut, je profite maintenant d'une vallée chaudement ensoleillée. En ce 18 août, je me fait la remarque que, pour la 1ère fois, je peux constater un début de jaunissement de ces prairies bien exposées ... Avec le temps qu'il a fait en juillet et début août, rien d'étonnant que la verdure ait perduré.

Je ne croise ici que quelques rares randonneurs : c'est dommage car cet itinéraire est bien joli et agréable. Le public préfère sans doute aller garer sa voiture au lac en bout de vallée, plutôt que de s'imposer cette marche ... Un bon sentier en balcon et à la déclivité contrôlée pour des wagonnets, c'est l'idéal pour bien avancer. Petite attraction quand je découvre que je dois passer par un long tunnel de peut-être 200 m : c'est l'occasion d'aller chercher la frontale au fond du sac !

10h55 sentier Decauville : on commence à distinguer un certain jaunissement des alpages
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parfois j'arrive à faire une pas trop mauvaise macro (c'est rare roll ...)
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11h25 un bout du tunnel ...
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11h31 on poursuit par là, les sommets se couvrent
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Après 5 km de cette reposante promenade, j'arrive à la route et au lac de retenue de Malciaussa. On trouve là hameau, gîte, restaurant, aire de bivouac ... et bien sûr parking puisque c'est le terminus de la route et un bien joli point de départ de randonnée. Je profite des conteneurs de tri pour me délester de mes déchets, ça fait toujours quelques grammes et du volume de gagné ! Je fais le tour du lac le long des parkings, puisque c'est d'ici que je dois remonter vers la Croce di Ferro (2558m), soit ~750m D+, basculer sur l'autre versant et faire le tour du Rocciamelone (3558m) en direction du Mont-Cenis (que j'aimerais atteindre ce soir).

C'est là que sur une barrière de bois, je repère au séchage la toile d'un abri et un duvet. La toile m'est familière, et je me rapproche pour pouvoir m'exclamer "Oh, un Tipik !" , Pioulou de surcroît, ainsi que "Oh, un Cumulus !" au sujet du duvet, et ainsi entamer la conversation avec leur propriétaire. Admettons-le, la probabilité de croiser sur un chemin une toile artisanale identique à la mienne était faible. Je fais ainsi la connaissance d'Olivier, solide gaillard qui pour sa retraite s'est offert une traversée des Alpes ++ : parti de Vienne mi-juin, il rentre chez lui dans le Béarn qu'il espérait atteindre mi-octobre (voir son récit ici sur Canalblog). Il a pris modèle sur la traversée de Bruno7864, avec qui il a longuement échangé. C'est rigolo de se trouver ainsi des connaissances communes !

Olivier terminait sa pause et remballe ses affaires tandis que nous discutons, et comme notre direction est commune nous allons cheminer de concert dans la montée au Croce di Ferro. On tchatche, on tchatche ... et on ne se rend pas compte du dénivelé avalé, sur soit-dit en passant un excellent chemin. Nous sommes peu à peu passés dans la brume totale, et en l'absence de paysages notre conversation colorise les tons de gris de cet après-midi.

On croise un nombre raisonnable d'autres randonneurs, qui sortent fugacement de la brume avant d'y retourner. Nous sommes au col bien plus facilement que ce que les chiffres de dénivelés laissaient supposer.

Olivier va devoir poursuivre vers Suse, et donc redescendre très directement sur 2 000 m D-. Avant que son chemin ne bifurque et dans un brouillard devenu glacé, nous allons nous installer à une table intérieure de la Capanna Sociale Aurelio Ravetto, petit refuge d'altitude juste en-dessous du col. Avec un panaché que m'offre Olivier, je crois avoir bu ici l'unique verre d'alcool de mon périple ! Il avait la saveur de l'amitié : merci à toi, Olivier wink

11h56 Lago di Malciaussa 1800m
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13h43 Olivier dans l'ascension ... et le brouillard. Le sac a dos a vu du pays ...
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13h48 Croce di Ferro 2558m : beaucoup de nuances de gris
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Encore quelques centaines de mètres, toujours dans la brume, et voilà Olivier parti vers Suse. Pour ma part, j'espérais beaucoup de l'itinéraire que je m'étais concocté, haut en balcon autour du Rocciamelone et au-dessus du Val-Cenis. C'est loin d'être dépourvu de dénivelés, mais ça laissait augurer d'une progression facile en direction du Mont-Cenis, avec vues imprenables sur les cimes ... Las ! Tout n'est que brume et fraîcheur, et tout cela est froid, humide et monotone. Qu'à cela ne tienne, ça me pousse à ne pas traîner et à progresser vite, déterminé à faire aujourd'hui une très grosse journée comme j'aime ...

Si j'avais bien repéré un bâtiment sur ma carte tout en haut d'un télésiège (en fait seulement un treuil monte-charge), ma balade en balcon va en réalité culminer au Refuge Ca d'Asti à 2854 m, point haut du jour : je n'avais pas téléchargé la carte à assez petite échelle pour le voir mentionné comme refuge (cela me jouera encore un tour aujourd'hui, restez attentifs). J'y fais une courte pause dans le vestibule, je veux juste souffler un peu et ne pas m'imposer d'aller consommer en intérieur.

Le refuge est la dernière étape dans l'ascension du Rocciamelone , totalement invisible dans les nuées, encore 700m plus haut au bout d'un fil de crête abrupt. En d'autres circonstances, l'idée d'une nuit dans son bivacco sommital m'aurait tenté ...

15h41 monochromie & monotonie
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16h56 Rifugio Ca d'Asti 2854m ...
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16h56 ... et sa chapelle où tournent les corbeaux
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Passé Ca d'Asti, mon chemin décroche de 800m D- pour aller chercher l'ultime portion "à flanc" qui doit me mener au Mont-Cenis, donc à des altitudes plus propices au bivouac. La descente va se révéler éprouvante, car en fait de chemin c'est un dédale de blocs, où seul le marquage de peinture rouge & blanc permet de se retrouver. Dans un brouillard toujours aussi épais, je suis d'une vigilance extrême pour ne pas perdre la trace, revenant à chaque doute à la dernière marque aperçue. A plusieurs reprise je dois prendre le risque de prendre une direction sans avoir pu apercevoir la marque suivante. C'est physiquement et nerveusement fatigant, surtout sur une descente assez raide.

Les choses s'améliorent quand je peux enfin passer en-dessous de la chape de brume, et enfin apercevoir un peu du Val-Cenis. Sous mes pieds le chemin reste évanescent, selon toute vraisemblance assez peu emprunté. Cet itinéraire n'est pas celui qui permet une approche en voiture pour couper la moitié de l'ascension du Rocciamelone : passer par ici suppose d'avaler la totalité des 2 000 m D+ entre la vallée et le sommet ...

Je zigzague maintenant dans les alpages, finissant par atteindre la vacherie de l'Alpe Crest, d'où oblique mon chemin en direction du Mont-Cenis : je vais enfin pouvoir dérouler à flanc, mais la rude descente m'a coûté du temps et de l'énergie, il est déjà 18h40.

17h11 une grosse part des 850 m D- dans ce type d'environnement. Usant ...
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17h40 un peu de douceur smile
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18h33 le soleil me désigne le Col du Mont-Cenis
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18h38 Alpe Crest, panneaux décolorés
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Au début tout va bien, le chemin est bon et déroule bien dans la forêt de mélèzes. Passé un torrent, je dois constater que l'itinéraire se fait moins passager, car la végétation s'y fait envahissante. Les panneaux décolorés semblaient le signe d'un manque d'entretien récent ... A un moment, l'itinéraire marqué et ma trace OpenTopo divergent : la dernière s'enfonce dans les buissons, tandis que la marque descend dans un thalweg sur un sentier à peu près visible. Je suis la marque, laquelle descend profondément sur le flanc encore végétalisé d'une ravine, mais je me retrouve face à un gouffre défoncé par le torrent. La marque semble longer le bord du ravin, mais disparait après 30 m. En face je n'aperçois que l'autre flanc raide de la ravine, que je n'imagine pas franchir à l'aveugle : pas seul, pas si tard ...

De là où je me trouve tout indique que l'itinéraire n'existe plus et a été emporté sur une large section par une succession de ravines récemment élargies. Rapide retour à mes cartes : si je me refuse à tenter le franchissement, la seule option qui demeure est celle du demi-tour, suivi de la descente au fond du Val-Cenis ...

19h16 plus de chemin, aucune indication de passage, ravine plus profonde que ne le laisse entrevoir l'image
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L'heure tourne et sous le plafond nuageux on sent que le jour descend rapidement. Rien n'est propice au bivouac par ici, dans l'hypothèse où j'aurai voulu attendre le lendemain pour réfléchir. Mortifié, je fais demi-tour et refait en sens inverse les 40 mn  de marche vers l'Alpe Crest. De là, j'attrape le sentier qui serpente d'un Alpe à l'autre, me faisant aboyer par les chiens. Je fais le plein d'eau bivouac au bassin d'une bergerie, puis prospecte ... Je veux être à l'écart des différentes bergeries pour ne pas me payer les chiens et rester discret : je fais un détour pour ne pas passer trop près de l'une d'elles, et pouvoir poser l'abri sur un rare replat près d'une vieille grange, sans être vu ...

J'en ai plein les pattes, et le demi-tour de ce soir qui me barre l'approche du Mont-Cenis n'a rien arrangé ...

La nuit tombe, et un peu partout dans la montagne les chiens des alpages aboyent et se répondent. Je note cependant des tonalités différentes dans ce concert : jappements et hurlements qui se déplacent ... Là-haut, loin mais distinctement, les loups harcèlent les troupeaux, ! Je vais les entendre toute la nuit, ne pouvant m'empêcher de ce que je pourrais bien faire s'ils venaient à proximité de mon bivouac ... Les bouchons d'oreille me permettront de faire semblant d'oublier ...

20h37 bivouac posé entre chiens et loups
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2 réalisations qui me viendront après cette rude soirée :

- là où les ravines m'ont arrêté, j'avais suivi les marquages présents sur le terrain, mais sans doute anciens ... Si j'avais suivi précisément au GPS le tracé OpenTopo forcément plus récent, j'aurai peut-être trouvé un passage à travers les ravines. On réfléchit mal le soir venu et avec la fatigue ...

- plus tard, en consultant OpenTopo au niveau de détail maximum, que je n'avais pas préalablement téléchargé, je vais découvrir que la "bergerie" voisine de mon bivouac et que j'avais contourné pour ne pas me faire voir porte un nom : Bivacco Fraterni Chiaberno ... J'ai planté l'abri à 100 m d'une cabane ouverte qui n'attendait que moi, tandis que dans la nuit hurlaient les loups lol  (il semble qu'entretemps OpenTopo a ici complété sa nomenclature aux plus grandes échelles : tant mieux pour les suivants ...)



En quelques chiffres :

Total J41 :
34 km
D+ 1799 D- 2950
Marche 11h30
km-Effort 62.3

Cumul J01-41 :
1 369 km
D+ 84 000 m
Marche 412 h
km-Effort 2 390


Itinéraire & Progression
7SqfBHDFg.Trace-J41-2.jpeg
7SqfDhFqS.Progression-J41.jpeg


Impression générale :

J'ai eu la bonne interprétation des prévisions météo que la nébulosité allait fortement limiter l'intérêt de rester à haute altitude. En redescendant j'ai pu profiter plus longuement de la douceur ensoleillée, et offrir à mes guibolles le chemin roulant dont elles avaient besoin. Belle rencontre fortuite avec Olivier, à la suite de laquelle les brumes ont repris le dessus. J'aurai d'ailleurs mieux fait de rester en sa compagnie dans sa descente vers Suse, mais comment pouvais-je deviner ce qui m'attendait ? Au final journée plus éprouvante que ce qu'en disent les chiffres, couronnée d'un bivouac d'anthologie ...


J41 / 18 août en vidéo :
7TA3Xoxgf.Intro-J41.s.jpeg


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Dernière modification par Hervé27 (07-02-2022 16:17:23)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#147 25-12-2021 22:12:24

Amateur38
Membre
Inscription : 27-11-2017

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Un immense bravo pour cette aventure et un grand merci pour le travail de la relater ici, détails, ressentis et photos.
Sans réagir jusqu'à présent, je suis enchanté - et crevé ! - de te suivre depuis le premier jour lol
Pourvou qué ça doure...

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#148 25-12-2021 22:40:36

Etimul
Membre
Inscription : 13-03-2013

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Hervé a écrit :

Au final journée plus éprouvante que ce qu'en disent les chiffres,

Modeste en plus  le garçon smile
Merci pour le récit

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#149 27-12-2021 08:25:33

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Salut Amateur38 & Etimul, et merci  smile  !


Suite des vidéos :

J33 / 10 août en vidéo
7SuxNwHVg.Intro-J33.jpeg


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#150 27-12-2021 08:36:02

brons07
Membre
Inscription : 27-06-2015

Re : [Récit + liste] Alpes à Fleur de Pô, 50 j de Trieste au Mercantour

Bonjour,
Toujours là!!
Toujours impressionné et admiratif.
Toujours merci pour le partage.
J'attends la suite que je suivrais plus précisément, ayant parcouru certains des itinéraires que tu vas emprunter.

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