[Récit + liste] Pyrénées de Traverses HRP Aller-Retour 45 j

Canyon83 · 14-11-2022 00:38:53

Hervé27 a écrit :

#670490Coucou à tous ,
La vidéo de Lorenzo couvre la même période et donne l'angle de vue de quelqu'un qui était vraiment à la peine ...
https://www.randonner-leger.org/forum/uploads/i/c5/80JKkvFyP.Lorenzo-5.s.jpeg

J'avoue que je préfère nettement ta façon de filmer, plus axée paysages et moins selfie

Hervé27 · 14-11-2022 09:15:32

Canyon83 a écrit :

#670496J'avoue que je préfère nettement ta façon de filmer, plus axée paysages et moins selfie

Merci

J’essaye certes d’améliorer la qualité de ce que je montre (et je sais que je viens de loin …), mais je n’ai pas les talents requis pour produire le niveau d’un film documentaire.

Cela m’a amené à définir quelques principes :

- le sujet c’est l’Itinérance légère et ce que l’on peut y vivre, voir et entendre à hauteur d’humain, donc …
- … pas de mise en scène où je poserai ma caméra pour me montrer en train de marcher (j’ai aussi horreur de faire demi-tour et marcher pour rien, alors ça m’arrange …). La caméra n’est posée que si je le suis aussi, et de toute façon je ne suis pas le sujet. Si je suis montré en mouvement sur le chemin, c’est qu’il y a quelqu’un d’autre pour tenir la caméra. Les plans fixes sont pour les pauses.
- images à hauteur d’œil et commentaires sur le vif pour faire « vivre » la journée au plus près de ce que je l’ai vécue. Ce que je dis est ce que j’ai en tête quand je filme, même si je me trompe ou dois changer d’avis ensuite…
- pas de longues digressions face caméra, car je ne suis (toujours) pas le sujet d’une part, pas certain non plus qu’on se reconnaisse dans mes réflexions, alors si je digresse j’essaie de faire court !
- en dehors d’un générique, pas de musique : je n’ai pas d’orchestre qui me suive … L’an dernier et cet année, le générique est une musique qui m’a trotté dans la tête toute la traversée, donc il a sa place (pour l’été prochain je chante les sardines ?)
- tant que des ailes ne m’auront pas poussé, pas de vue aérienne par drone … C’est joli mais ce n’est pas le vécu.
- j’essaye d’illustrer le matériel et son usage, car il fait partie intégrante du sujet : randonner léger !

NB: pas d’intention à ce stade de monétiser la chaîne. Je ne mets en avant que les articles que j’ai choisi, payé et apprécié parce qu’ils sont adaptés à ce que je veux faire.

Manche · 14-11-2022 22:17:14

Hervé27 a écrit :

#670500pour l’été prochain je chante les sardines

Année impaire => Alpes ?
Sardine => Départ d'un vieux port Méditerranéen dont l'entrée peut facilement se boucher ?

Hervé27 · 14-11-2022 22:51:00

Manche a écrit :

#670548
Hervé27 a écrit :
#670500pour l’été prochain je chante les sardines
Année impaire => Alpes ?
Sardine => Départ d'un vieux port Méditerranéen dont l'entrée peut facilement se boucher ?

Je ne lâcherai pas d’indice … Seuls ceux qui viennent marcher avec moi dans les Vosges ont le droit de savoir

Avec 10 mois d’avance sur mon futur retour, je crois avoir aujourd’hui trouvé mon thème musical parfait. C’est atroce : comment vais-je pouvoir tenir tout ce temps ?

Canyon83 · 15-11-2022 01:53:42

Oui je trouve ce "cahier des charges" très adapté à la retranscription de ton vécu et à ce que tout autre marcheur (en forme ) pourrait vivre et découvrir de la même façon.

tacheton · 15-11-2022 12:26:13

oui, je ne suis pas super client des video mais les tiennes permettent de vraiment voir les itinéraire et la petite pause matos a la fin est sympa.
Au lieu des sardines, tu voudrais pas chanter "le petit bonhomme en slip", une variante adaptée a ta tenue réglementaire.

Hervé27 · 15-11-2022 18:26:32

J39, samedi 13 août : de Certascan à Sorteny

Vidéo

Un peu plus matinal que Cat, je viens lui souhaiter au-revoir avant mon départ. Après une nuit aux étoiles hors de son abri , elle prend le temps d'un petit-déjeuner avant de repartir dans l'autre sens, modulo ses envies (elle montera au Pic de Certascan malgré la longue journée de retour).

selfie du matin

Je démarre ma trace juste avant 7h : au départ de Banyuls ça m'aurait paru très tard, mais maintenant à la mi-août ça correspond au lever du soleil : le temps passe, la montagne défile, l'arrivée se profile, je sens l'écurie et ma foulée s'allonge pour fuir mon odeur ...

Le projet du jour est d'innover sur les 2 itinéraires précédents qui m'avaient vu passer par Baborte et Port de Boet. Je veux cette fois passer le Port de l'Artigue, avec 2 options possibles après cela :
- rester le plus possible en altitude en remontant par Sotlo et rallier le haut du Soulcem par Port Vell ou Port de Boet. Le plus beau, le plus long mais peut-être le plus hasardeux avec l'orage ...
- descendre jusqu'à Mounicou pour remonter par les étangs du Picot puis Fourcat. Gros dénivelé et portion de route, mais offre plusieurs plans alternatifs si, comme je m'y attends, la météo est défavorable.

Evidemment j'ai aussi en tête le lièvre Lorenzo lancé devant moi. Comme déjà écrit, il était visiblement à la peine ces derniers jours, et sans doute avait-il besoin de repartir en solo pour reprendre ses marques. Je suppose ce matin qu'il a dû bivouaquer profondément dans la vallée au Pla de Boavi, pour poursuivre aujourd'hui par Baborte, Port de Boet, Port de Rat et l'Andorre, qu'il est plus en mesure que moi d'atteindre avant l'orage. Je sais donc que je ne le rattraperai pas aujourd'hui, et de toute façon je veux du changement d'itinéraire. On arrivera en journée à échanger par SMS, me permettant d'ajuster les choix pour cette nouvelle course-poursuite.

cairn au Levant

un lac bien bas

refuge de Certascan : retrouvailles avec une énorme et placide boule de poils

N'ayant que des bons souvenirs de mes passages au refuge de Certascan et puisque c'est l'heure, j'y pousse la porte pour quémander une place au petit-déjeuner. Un week-end du 15 août je pourrai craindre de trouver salle comble, mais c'est loin de la bousculade et en réalité presque vide : à 7h30 beaucoup de monde dort encore . Avec mes € à la main je demande au gardien s'il y aurait place pour moi en surnuméraire : il me répond avec le sourire en me désignant la salle et le buffet "installe-toi, profite !", et ignore superbement ma tentative de payer ma place . C'est gentil, merci l'ami !

J'enquille les cafés, quelques tartines et de bonnes madeleines, puis après seulement 1/2 h dont j'ai bien profité, m'éclipse avec un amical salut à l'équipe dans le brouhaha de la salle qui se remplit.

Je repasse par les belles gorges qui servent de déversoir au lac : l'eau y rugit avant de se déverser plus loin par une immense cascade dans la vallée. Les reflets du soleil encore rasant offrent de beaux effets de lumière. En contemplant une tente plantée sur une péninsule face aux flots grondants et dans le courant d'air porteur d'embruns, je compatis avec ses occupants qui doivent baigner dans l'humidité et la condensation, d'autant qu'ils sont encore profondément à l'ombre ...

déversoir de Certascan : ladite tente à peine excentrée vers le bas et à gauche. Chacun ses choix ...

Dans le vallon et de retour dans l'ombre, pour rejoindre la Serra de Llurri qui permet de basculer vers les lacs de Romedo, je ne suis pas le chemin de la Porta del Cel, mais attrape une sente qui reste à flanc et évite ainsi le gros d'un yoyo de 100m D-/D+. Je retrouve le soleil à ce petit col, d'où je me laisse descendre vers la beauté tranquille des eaux lisses du lac de Romedo de Dalt. Le fracas des cascades de Certascan s'éteint après le col, le silence s'impose et je suis la seule source de bruit. De minuscules îlots sont encore assez grands pour héberger quelques pins : dans le jeu des reflets sous le ciel d'azur, c'est d'une sérénissime beauté ...

Estany Romedo de Dalt

Le chemin plonge ensuite dans un défilé vers l'Estany Romedo de Baix, où je vais de cairn en cairn sur le fil des dalles rocheuses lissées par l'ancien glacier. Sur les rives du lac, un passage acrobatique mais équipé fait franchir un ressaut rocheux. A son pied arrive une conduite d'où s'entend un souffle puissant : la surface du lac bouillonne ... Ici les eaux sont domestiquées, et canalisées de lac en lac pour les besoins hydrologiques. Je passe brièvement sur la piste qui mène au barrage : il y a là un abri de 3 murs et 1 toit, où il est à la rigueur possible de dormir abrité en profitant du plus large des 3 bancs. Pratique sous un orage, mais autrement un peu tristounet car tournant la vue au paysage.

Bouillonnements au lac de Romedo de Baix

la retenue de Romedo de Baix

Le barrage franchi, je ne descends donc pas le vallon de Sallibari (mon itinéraire de 2018), et débute la variante vers le Pas de l'Artigue qui me ramènera vers l'Ariège. Je remonte un étroit vallon où le chemin se partage entre herbes et rochers, et quelques replats où l'eau se fait paresseuse et forme des petites retenues, mi-lacs, mi-tourbières. Le sentier finit par quitter le fond de vallon, et commence à s'élever enfin franchement en direction du Pas de l'Artigue, pour environ 450 m D+ plutôt directs. Je me programme pour les franchir d'une traite, avec en moi toute l'énergie d'un riche petit-déjeuner à la table du refuge.

Début de la montée vers l'Artigue, vue arrière vers Romedo de Baix

Aiguamolt de Guilo

C'est quand même long et plutôt raide, mais au moins je profite en m'élevant de vues toujours plus belles, notamment derrière moi sur le bicolore Pic de Certascan, où à cet instant Cat09 doit être en train de grimper.

Bientôt au Pas de l'Artigue : vue arrière vers Certascan, son pic, son col, son refuge, son lac ...

Je suis au Pas de l'Artigue à 10h05, où je ne veux faire qu'un arrêt express car je n'ai pas beaucoup d'eau et il y a devant moi une grosse redescente. Après quelques images, je suis prêt à me lancer et attaque le raidillon vers la vallée, où je salue un marcheur montant dont je m'amuse de voir qu'il porte le même chapeau que moi. Il me répond par un :

-"Toi, je te connais !"

... et voici donc que je rencontre Zur, forumeur RL dont je me souviens avoir aperçu quelques posts ! Décidément, c'est bien l'été des rencontres ! Ainsi que je le promettais dans l'ouverture de ce fil, je me dois d'offrir le café (même si c'est Zur qui par la force des choses doit fournir l'eau) et je remonte avec lui les quelques dizaines de mètres que j'avais descendu depuis le col. La pause est cette fois installée en bonne et due forme, et nous partageons ici longuement nos philosophies comme nos comestibles .

Alors que je me prépare à repartir un autre marcheur arrive (Christian ? Je ne suis plus sûr, ayant négligé de prendre note), un hexatrekkeur qui marche depuis 2 mois. C'est fou comme le seul fait de mettre un nom sur des chemins qui existaient de toute éternité peut y faire venir du monde ... On ne fait désormais plus un tour de France, mais un hexatrek ! Je finis par abandonner Zur et son nouvel interlocuteur longue distance, et me voilà dans l'interminable descente du vallon de l'Artigue.

ma perspective après l'Artigue : une longue descente

mais d'abord la belle rencontre de 2 couvre-chefs identiques !

Avec ce plaisant mais long arrêt il est près de 11h30 quand je quitte le col. Après une longue portion de grands blocs, quand je retrouve du bon sentier il est déjà midi à la bifurcation qui me ferait remonter par le refuge du Pinet, puis Port de Sotlo ou bien de Riufret. Ces itinéraires sont trop longs et trop engagés pour que je sois assuré d'en être sorti avant l'orage inévitable. Après tout de même une seconde d'hésitation, va donc pour la descente vers Mounicou, et je sais déjà que la même contrainte météo devrait exclure de remonter ensuite par les étangs du Picot et le refuge de l'Etang Fourcat. Ma cible est désormais l'itinéraire de fond de vallée par le Soulcem, pour un retour en Andorre sans doute demain matin via Port de Rat ...

Le chemin est sympa et facile, mais long et encore long ... Je perds de l'altitude en même temps que la journée avance et ce retour dans la chaleur me pèse, et je ressens ici que le versant ariégeois s'est plus desséché que ce que j'ai vu dans mes précédents passages en fond de vallées espagnoles (Val d'Aran, Alos d'Isil ...).

Je marche quelques instants de concert avec un promeneur au sac léger, mais qui doit faire du trail en d'autres circonstances car il finit par me distancer avec une facilité dont je n'ai pas l'habitude . Des équipes s'activent dans le torrent de l'Artigue pour une initiation au canyoning, eux au moins sont facilement rafraichis tandis que je continue de descendre dans une végétation déshydratée. A 13h30 j'arrive enfin au parking de l'Artigue, et pour une fois j'apprécie (au moins au début) de marcher facilement en bord de route après mes 2 heures de descente sur 1300 m D-. Beaucoup, beaucoup de monde par ici, les voitures garées sont innombrables et débordent des parkings en occupant les bas-côtés. C'est moins bondé un peu plus bas, et quand après les derniers aménagements la route longe le torrent d'assez près pour me permettre d'y descendre, je me trouve au bord de l'eau un petit espace discret sous les feuillages.

bientôt la fin des gros blocs ...

c'est long ...

hameau de l'Artigue

un bout de torrent pour une courte pause

Hélas je n'en profite guère : mes affaires étalées après les avoir rincées en même temps que moi dans le ruisseau, quelques gouttes puis un claquement de tonnerre interrompent le plaisir de siroter mon café. Je pensais avoir plus de temps devant moi, surtout en fond de vallée ... Je remballe vite en maugréant, et c'est sous la pluie que je retourne sur la route, avec la veste de pluie et mon électronique à l'abri. Je passe par-dessus le village de Marc et remonte, toujours par la route, vers le hameau de Mounicou. La pluie a cessé mais le temps reste menaçant, et je décide d'aller compenser la frustration de ma pause écourtée au gîte de Mounicou. D'abord en terrasse, puis en intérieur quand l'orage se fait plus sévère, j'enquille les consommations en discutant avec un GRDiste et un groupe de filles qui cherchent une voiture qui voudrait les monter au Soulcem.

Les averses sont souvent violentes, et je commence sérieusement à envisager de dormir ici. Avec le réseau disponible j'actualise ma météo, plus pessimiste à chaque mise à jour ... Je n'ai marché que 5 heures aujourd'hui, ce qui ferait de ce jour le plus petit de toute la traversée jusqu'à présent. Je m'accroche au moindre signe d'espoir, notamment une possible accalmie dans un créneau 18-19h, qui me permettrait peut-être de faire encore quelques kilomètres ce soir pour aller dormir au Soulcem, mais il me faut attendre.

Je discute avec le patron, qui me raconte l'anecdote de la semaine où une randonneuse qui avait dormi ici sur une étape du GR10, s'y est trouvée à nouveau le lendemain soir après une étape circulaire involontaire, suivant toujours une marque rouge et blanche mais omettant sans doute de lire les panneaux. Tout le monde n'a pas les mêmes compétences d'orientation. Il me parle aussi de l'Ours, des mules de contrebande dont on voit la nuit la lumière des frontales sur les chemins des cols d'Andorre ... Je profite de mon immobilisation ici pour lui acheter un fromage, et reçoit alors un SMS satisfait de Lorenzo : il passe pour sa part l'orage dans la station d'Arcalis, et s'y vante de la pizza dont il profite ! Il vise le Pas de la Case pour demain soir et garde donc une grosse avance sur moi. Pour ce soir il me demande si une zone qu'il vise en bas du vallon de Rialb près de Sorteny est bivouaquable, ce que je lui confirme.

A 17h45 je m'élance dans le créneau météo que j'ai repéré. De grosses averses doivent revenir pour 20h, j'ai donc environ 2 heures pour remonter a minima à l'étang du Soulcem, où de nombreux orris pourront le cas échéant m'éviter de tremper mon abri. Je suis prêt à marcher jusque tard en soirée si le temps le permet, puisque jusque dans le fond du Soulcem il n'y a que de la piste et aucune difficulté. Pourquoi pas aller en nocturne jusqu'à l'Orri de Port de Rat ?

17h45 : je repars de Mounicou après plus de 3h d'immobilisation

Exclusivement sur la petite route avec de temps à autre une voiture, je m'applique à tenir un pas soutenu pour ne pas être rattrapé par l'orage avant le lac et ses abris. Je monte ainsi 5,5 km et presque 500m D+ en exactement 1 heure, j'ai lourdement bastonné ! Pour ne pas me brûler les pieds dans mes chaussures maintenant très usées et surtout trempées, je passe en mode "pantoufles", c'est-à-dire avec les lacets largement desserrés ... Cela ne marche que parce que je suis sur une route ... Enfin monté au-dessus du barrage, je découvre un lac incroyablement bas, peut-être 30 m en-dessous de son niveau normal de remplissage ... En revanche il semble que les éléments essayent désormais de combler ce déficit, car la masse grondante et sombre monte derrière moi de la vallée. S'il en était possible, je presse encore le pas, comptant les secondes entre les flashes et leur effet sonore. La cellule est 3 ou 4 kilomètres derrière moi et progresse, lâchant déjà visiblement son eau sur Mounicou maintenant loin derrière. Les camping-caristes bien installés me regardent passer avec une totale indifférence, et je m'attends déjà à prendre la saucée ...

un lac bas, très bas ...

A 19h10 je parviens quand même à l'extrémité du lac et au bout de la piste carrossable autorisée, que je quitte sans retard pour aller visiter le premier orri que j'aperçois. Il y a là plusieurs pièces au sec et largement la place de dormir. Je me contente de m'asseoir et enfiler ma polaire pour ne pas prendre froid après l'effort, et chauffe un capuccino en attendant que le déluge promis arrive. Il tombe des gouttes, mais il s'avère que le gros de l'orage reste coincé en aval et ne parvient pas jusqu'ici. Après 3/4 h, même si le ciel est toujours très sombre, je fais le pari que l'averse est passée et reprends le chemin.

Dehors près des parkings plusieurs tentes sont déjà montées, un groupe aussi optimiste que moi s'efforce d'allumer un feu pour un barbecue ... Le haut du Soulcem est plus lumineux et j'y vois un signe positif.

d'autres orris

Je suis la piste, sauf une fois où un sentier permet de couper un lacet. J'avance vite, mais commence à sentir que le jour descend. Je n'ai pas énormément de kilomètres au compteur aujourd'hui, et j'ai fait beaucoup de longues pauses : je me sens d'attaque pour à peu près n'importe quoi. Avec la présence des chevaux, j'exclus de dormir dans le fond plat du vallon, on me l'a déjà faite ! J'aimerai bien atteindre la cabane de Port de Rat, quitte à y arriver de nuit. A hauteur de la bergerie d'Estrets et sous l'œil suspicieux d'un border-collie, j'attrape le sentier qui monte direct vers le col plutôt que la longue piste.

le haut Soulcem : la nuit peut tomber, je m'en f...

La lumière baisse toujours, et après avoir croisé une dernière fois la piste sous le col, vers 21h15 je vais chercher ma frontale dans le sac alors que je n'y vois déjà plus grand chose. L'idée de finalement marcher de nuit l'emporte : j'en avais envie depuis longtemps dans cette traversée. La Pleine Lune était hier soir, et sera donc encore très éclairante cette nuit mais elle ne viendra qu'au moins 1 heure après le coucher du soleil. Avant sa lumière, le plus difficile sera donc de monter à Port de Rat et, surtout, d'en redescendre ... Ma loupiote n'est guère puissante : cela m'évite d'être ébloui et m'autorise à profiter de ma vision nocturne, mais ne permet pas de scruter à plus de 4 ou 5 m la présence du chemin ou d'une marque ... C'est donc avec prudence que je suis le sentier, toujours dans la crainte de m'engager sur une sente de mouton et m'écarter de la trace. A l'Ouest il y a plus de lumière dans le couchant, signalant un ciel qui se dégage.

montée à Port de Rat : un peu de lumière revient par l'Ouest

Je repense à l'histoire des contrebandiers raconté par le patron du gîte de Mounicou, prêt à devoir me justifier aux gabelous de ma présence ici à cette heure. Je croise en nocturne le troupeau de moutons, mais ne vois rien des chiens supposés l'accompagner. Finalement je suis au col à 22 h dans la nuit noire : je peux juste apercevoir quelques étoiles confirmant que le temps s'est éclairci, et les lumières en contrebas signalant la station d'Arcalis. La Lune devrait se lever mais restera encore longuement invisible, masquée par la montagne. Je dois donc descendre encore dans le noir total, avec ma petite lumière pour ne pas me perdre. J'y vais à tout petit pas, régulièrement rassuré par les marques du sentier qui ressortent bien à la lumière de la frontale. Prudemment et sans erreur d'orientation j'arrive enfin dans les pentes herbeuses de la station, où je me laisse descendre, guidé par les lumières du bar-restaurant toujours actif à cette heure. J'y passe un peu avant 23h, y entrant chercher au sous-sol les toilettes. Je prends assez d'eau pour me permettre désormais de bivouaquer à la première occasion, et fais un point cartographique : je vois un abri mentionné sur mon fond Opencycle (OpenTopo est trop long à charger ...) à peut-être 1h de marche au bord d'une piste dans la vallée en direction d'El Serrat. J'en fais mon objectif.

Descente facile par la route d'abord, malcommode ensuite par des pistes de ski trop raides à mon goût, surtout dans la pénombre. La violente lumière de la Lune presque pleine m'éclaire désormais, avec ce défaut près que je la reçois de pleine face et suis obligé de baisser les yeux ...

Je dois reprendre la route sur un lacet, puis une piste (en fait l'ancienne route), puis à nouveau la route avant de prendre enfin le large sentier en bord de torrent. A chaque retour sur l'asphalte, je me signale aux quelques voitures avec ma frontale en mode rouge clignotant. Une fois sur le sentier, l'ambiance nocturne sous la Lune au bruit du torrent est un régal, je n'ai à utiliser la frontale que dans de rares passages plus sombres.

J'approche de l'abri que j'avais visualisé, mais il s'avère que c'est un orri ruiné et pas la jolie cabane ouverte andorrane que j'avais imaginé ! Il y a non loin un genre de petit col près de la route d'Arcalis avec de larges replats herbeux où je pourrai piquer le Pioulou, ainsi qu'une belle fontaine de l'autre côté de la route, mais une nouvelle idée germe : le refuge de Sorteny et son dortoir d'hiver en accès libre où j'avais dormi en 2018, et qui ne dois pas être à plus d'1 heure d'ici. Il se rejoint exclusivement par de la route et de la piste, et ainsi je pourrai avoir mis tout l'asphalte derrière moi et n'en rien garder pour demain. De jour évidemment, je ne serai jamais descendu jusqu'ici mais resté sur les sentiers des hauteurs ...

Bon, j'avoue que ces derniers kilomètres n'ont pas été des plus faciles : les jambes sont fatiguées et je le sens, j'y vais à la volonté plus qu'à la motivation ...

Des panneaux lumineux décomptent les places disponibles au parking au-delà duquel l'accès motorisé n'est plus permis. J'y trouve un genre d'office du tourisme où j'envisage un instant de m'installer, mais cela manque totalement de charme. Il me reste 3 kilomètres pour Sorteny, je vais me les faire ... Je coupe une fois la piste en suivant le sentier, mais les hautes marches en rondins qui y sont aménagées scient ce qui me reste de jambes. Après cela je m'en tiens à la piste. Une autre tentation quand je croise un genre d'arboretum, mais je me dis que ce n'est pas un lieu qui a été prévu pour moi et je ne voudrais pas qu'on m'y surprenne ... Et puis je me suis encore rapproché de Sorteny et de son refuge d'hiver ...

J'arrive au refuge à 1h du matin, et fouille la mémoire de mon passage de 2018 : le refuge d'hiver est en RdC sous l'ancien bâtiment. Il faut manipuler une lourde porte métallique à 2 battants : je m'efforce de le faire le plus silencieusement possible, ne sachant qui se trouve déjà là. J'arrive dans un couloir où le refuge entrepose du matériel, et la salle en accès libre se trouve derrière une porte sur la gauche. Je pose mes affaires et me déchausse dans le couloir, et entre dans la pièce aussi discrètement que possible, la frontale en mode rouge. Il est indiqué 8 couchages, et si je crois d'abord la pièce inoccupée, il y a tout de même déjà un dormeur. Bonheur : depuis 2018 d'épais matelas ont été ajoutés, ce sera le grand confort !

Toujours en silence je retourne dans le couloir et me change, et n'attrape dans mon sac que le strict nécessaire : mon duvet, de l'eau, mes valeurs ... et laisse tout le reste, en particulier chaussures, chaussettes et odeurs ...

Si Lorenzo a dormi là où je le lui ai indiqué (en bas du vallon de Rialb), alors je suis revenu à sa hauteur ... Quelle journée ! Quelle nuit !

En quelques chiffres :

Total J39 :
48 km
D+2465
D-2835
Marche 11h35 (+pauses 6h30)
kmE 80
IBP 271

Cumul J01-39 :
1330 km
D+ 74 600m
Marche 363 h
kmE 2242

Itinéraire

profil

Progression

Vidéo

Dernière modification par Hervé27 (18-01-2023 12:00:44)

pap35 · 15-11-2022 19:03:13

Quelle étape !!!

Bombadyl · 16-11-2022 01:03:23

Oui sacrée étape !
Une manière de défier la "routine" dans une si longue traversée ?

Hervé27 a écrit :

Je discute avec le patron, qui me raconte l'anecdote de la semaine où une randonneuse qui avait dormi ici sur une étape du GR10, s'y est trouvée à nouveau le lendemain soir après une étape circulaire involontaire, suivant toujours une marque rouge et blanche mais omettant sans doute de lire les panneaux. Tout le monde n'a pas les mêmes compétences d'orientation

J'ai eu le droit à la même anecdote lors de mon passage mi-juillet

zur · 16-11-2022 01:10:27

Salut Hervé,

C'était super cette rencontre
Un café avec vue magnifique, chouette moment !

C'était Bernard qu'on a croisé avec un beau sac LD.
On a passé l orage ensemble au refuge de Certascan,
et je me suis fait un copain que tu connais,
Je regrette de ne pas connaitre son nom?

Canyon83 · 16-11-2022 01:30:26

Qu'est-ce que tu ne ferais pas pour ne pas finir seul ce périple ?!

Hervé27 · 16-11-2022 08:30:16

Bombadyl a écrit :

#670602Oui sacrée étape !
Une manière de défier la "routine" dans une si longue traversée ?
Hervé27 a écrit :
Je discute avec le patron, qui me raconte l'anecdote de la semaine où une randonneuse qui avait dormi ici sur une étape du GR10, s'y est trouvée à nouveau le lendemain soir après une étape circulaire involontaire, suivant toujours une marque rouge et blanche mais omettant sans doute de lire les panneaux. Tout le monde n'a pas les mêmes compétences d'orientation
J'ai eu le droit à la même anecdote lors de mon passage mi-juillet

Il m’est arrivé un truc similaire cet été : je me suis aussi retrouvé à mon point de départ … à Banyuls

Hervé27 · 16-11-2022 08:33:15

pap35 a écrit :

#670582Quelle étape !!!

Dans le peu de jours qui me reste avant le final, il va y avoir pire … À suivre

Hervé27 · 16-11-2022 08:38:02

Canyon83 a écrit :

#670605Qu'est-ce que tu ne ferais pas pour ne pas finir seul ce périple ?!

Le solo est mon mode normal, mais une vraie amitié s’est faite avec Lorenzo, mon double cosmique avec 20 ans de moins et la bonne humeur italienne en plus …

On s’est promis de s’organiser des virées futures

Hervé27 · 16-11-2022 08:40:07

zur a écrit :

#670603Salut Hervé,
C'était super cette rencontre
Un café avec vue magnifique, chouette moment !
C'était Bernard qu'on a croisé avec un beau sac LD.
On a passé l orage ensemble au refuge de Certascan,
et je me suis fait un copain que tu connais,
Je regrette de ne pas connaitre son nom?

https://www.randonner-leger.org/forum/uploads/i/a0/80OMyH7dJ.IMG_0065.s.jpeg

Salut zur !

Je suis sûr qu’en fouillant les récits RL on finira par trouver le nom de la grosse boule de poils sympatoche !

tolliv · 16-11-2022 09:09:38

Hervé27 a écrit :

#670612Je suis sûr qu’en fouillant les récits RL on finira par trouver le nom de la grosse boule de poils sympatoche !

Démis Roussos ?

Hervé27 · 16-11-2022 10:22:08

tolliv a écrit :

#670614
Hervé27 a écrit :
#670612Je suis sûr qu’en fouillant les récits RL on finira par trouver le nom de la grosse boule de poils sympatoche !
Démis Roussos ?

je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ...

azerty · 16-11-2022 11:56:04

J'ai l'impression d'être un roi
Un chevalier d'autrefois….

Belle étape, mais ça ne change rien, tu es cinglé

Ce week-end, je me suis fait plaisir sur le sentier côtier de nuit au clair de lune. Avec juste mon chien et le fracas des vagues pour compagnie et c’était bien.

Vive les bat-MULs (copyright @Ester)

Dernière modification par azerty (16-11-2022 11:58:27)

Hervé27 · 16-11-2022 12:55:53

azerty a écrit :

#670623Belle étape, mais ça ne change rien, tu es cinglé

dixit Pierrot le Fou

J'aurai pu baptiser l'épisode "le grain de la folie" ...

Hervé27 · 17-11-2022 15:19:18

J40, dimanche 14 août : du refuge de Sorteny au Pas de la Case

Vidéo

Arrivé à 1h du matin au refuge d'hiver de Sorteny, la nuit fut courte ... Je ne ressens pourtant pas le besoin de traîner au fond du duvet, plus motivé par la perspective d'un petit-déjeuner au refuge que par une grasse matinée. J'ai indiqué ma position par SMS à Lorenzo, en lui promettant de lui offrir les croissants s'il me rejoint ici à temps. Il a dû bivouaquer tout près mais j'ignore si c'est avant ou après le refuge.

Je suis debout avant 7h et vais prendre l'air, la Lune qui m'avait éclairé cette nuit toujours haute dans le ciel au petit matin. Dans le dortoir du refuge d'hiver, je fais la connaissance de mon unique voisin de chambre, autre HRPiste mais en direction contraire. Pas ultra-léger mais lecteur de RL, au fil de la discussion il va m'identifier puisque s'étant appuyé (entre autres) sur mon récit de 2018 pour sa préparation . Cela me fait bizarre de n'être ici pas totalement anonyme ... Il repart vite tandis que j'attends l'ouverture de la salle à manger à l'étage.

Refuge de Sorteny : l'accès libre au refuge d'hiver est ici en RdC

Dans la salle commune je retrouve les patrons très sympas. Il n'y a qu'à mettre les pieds sous la table et l'on vient vous servir. Nous ne sommes au début qu'un trio à une seule table (pourtant le week-end du 15 août ?!?), et le service est aux petits soins à notre égard. Un vrai bon moment surtout que je prends mon temps : besoin de gérer cette journée plus calmement après mes extravagances d'hier d'une part, attente d'un éventuel Lorenzo d'autre part. Je fais la connaissance de Papsy, HRPiste allemande basée en suisse à Zürich. Elle part avant moi, mais je la rattraperai au Col de Meners et nous marcherons une poignée d'heures ensemble.

A 8 h aucune nouvelle de Lorenzo, dont je sais qu'il n'active son téléphone que rarement. Sachant en plus que nous sommes en Andorre, pas certain également que la gratuité de l'itinérance européenne s'applique à son contrat, raison supplémentaire de rester en mode avion (en ce qui me concerne mon contrat Orange s'applique à l'identique des Pays de l'UE). Je prends alors tardivement le chemin du Col de Meners à pas mesuré, la fatigue de la veille étant bien là .

Je remonte le vallon de Sorteny dans l'ombre et bien mouillé des orages d'hier. Après avoir franchi le petit pont de bois sur le torrent de la Cebollera, le sentier arrondit la montagne pour s'élever vers la Pleta Serrera, passant à courte distance de la cabane ouverte mais je ne me détourne pas pour en faire la visite. Je tourne ce matin à l'économie, pas de jus pour m'offrir des à-côtés ... Derrière moi la Lune s'abaisse vers l'Ouest dans des nuées aux rougeurs d'incendie , lesquelles stagneront en matinée jusqu'à ce que le vent se lève, estompant les vues.

je quitte Sorteny, la Lune allant allant maintenant vers son couchant...

... dans les fumées d'incendie

Cabane de Pleta Serrera

Le bon sentier s'élève en pente douce et bientôt le Soleil émerge par-dessus les flancs du Pic du Sal, je suis bien content des clips solaires que Laxmimittal avait déposé au Somport à mon intention . La facilité du chemin est reposante, et petit à petit les calories du petit-déjeuner diffusent et l'énergie me revient. Pour autant je ne force pas, ce petit rythme est trop agréable ...

1ère lumière

direction Col de Meners, face au Soleil

Au col de Meners à 9h35 j'y retrouve Papsy, et nous en descendons ensemble pour aller visiter le bel Orri voûté en contrebas, nous installant devant pour une pause-café. J'y vais clairement mollo aujourd'hui et évite de me brutaliser ... Je marche ensuite au rythme de Papsy, descendant d'abord jusqu'à la Cabane Coms de Jan. Contrairement à mon précédent passage de 2018 où je l'avais trouvée infectement souillée et empuantie par le passage du bétail par des portes laissées grandes ouvertes, le refuge est cette année parfaitement propre. Deux pièces d'accès séparés y offrent un total de 10 banquettes métalliques.

vue toujours estompée au-delà du Col de Meners

Orri de Meners : le bois entreposé fait cet été banquette de couchage

l'antre du Roi de la Montagne

Refugi Coms de Jan : cette année, un 2 pièces très propre

Papsy et la Coume de Varilles

Il faut ensuite remonter progressivement, puis de plus en plus raide jusqu'à un col anonyme à plus de 2600 m sous la Coume de Varilles. Les vues y sont belles derrière nous sur le Col de Meners, en contrebas vers presque tout l'Andorre et devant vers Siscaro et les crêtes menant au Pas de la Case. J'y attends Papsy qui, plus chargée que moi, a attaqué la montée avec moins d'énergie. De fait je me requinque avec ce petit rythme et la journée qui avance.

Redescente ensuite vers Cabana Sorda et son joli lac. De haut nous voyons l'affluence montée du Val d'Incles en ce beau dimanche au pic de la saison d'été. Nous allons néanmoins réussir à trouver un confortable spot de pause au bord de l'eau, abrités du vent qui se lève par la digue de retenue. Je descends dans l'eau faire quelques brasses : connaissant la suite du parcours, ce sera sans doute la dernière baignade avant l'eau salée de la Méditerranée. Je réalise qu'il ne me reste qu'une poignée de jours, estimant pouvoir arriver samedi ou dimanche prochains selon ce que la météo me permettra : je recense désormais les "dernières fois", tournant inexorablement les pages d'un livre que je voudrais ne jamais finir ...

du col de la Coume de Varilles, vue arrière vers Meners. Les fumées ont été dissipées par le vent, qui empêche aussi l'orage de se former

le val d'Incles dans le fond, et à gauche Siscaro et les crêtes d'Ortafa avant le Pas de la Case

Lac et Cabana Sorda avant la pause

Papsy poursuivra vers Juclar et reste encore un peu ici, non sans avoir noté les références de RL .

Papsy, si tu passes ici, sache que Salvador (cf épisode 38) m'a recontacté et ne retrouve plus ton e-mail. Envoie-moi un message que je lui fasse suivre !
Papsy, if you read these lines, Salvador has lost your e-mail : send me a message so that I can forward it to him !

A 14h30 je me remets en chemin, de nouveau solo. J'ai entretemps reçu les réponses de Lorenzo, lequel n'était toujours pas en forme ce matin et est redescendu par la route à El Serrat. Il y a attrapé un bus pour le Pas de la Case où je lui avais dit que j'avais l'intention de louer une chambre pour ce soir. Désormais serré par ses dates de retour pour le week-end à venir, il s'est résolu ainsi à "tricher" ... mais quelle importance, il est son seul juge ! Il y gagne une journée de repos après laquelle il fera preuve d'une belle énergie (à suivre !). Puisqu'il est sur place je lui laisse réserver la chambre, charge à moi d'y être ce soir à temps pour les pizzas .

Je commence par descendre dans le joli Pla del Manegor où le torrent s'étale dans les replats d'une herbe plus verte que sur les pentes grillées par cet été caniculaire. J'y bifurque pour descendre vers le Val d'Incles que je découvre, m'offrant ainsi une variante sur mes précédents passages. Il fait bien chaud au creux de la vallée, et pour aujourd'hui tout risque d'orage a été dissipé par le vent qui s'est levé, emportant dans le même mouvement les fumées d'incendie du matin.

Descente vers le Pla del Manegor, avec en face le Port de Fontargente et les lacs sans doute dans la brume de l'autre côté

en bas, le Val d'incles et la remontée vers le Pla de Siscaro, puis les crêtes

Les tablées des restaurants et auberges autour du terminus de la route et des parkings sont bien remplies, autant dire que je ne m'attarde pas dans ces lieux surfréquentés. Je fais juste un arrêt express aux WC publics, me rechargeant en eau, puis franchissant le Pont de la Baladosa pour attraper piste puis sentier pour monter à Siscaro.

Ici je touche le fond

Aparté ici sur mes chaussures qui approchent des 1400 km parcourus, puisque ce sont les mêmes depuis mon départ de Banyuls. L'accroche diminue, les semelles se délitent depuis maintenant plusieurs jours, et je souffre désormais d'un amorti de moins en moins performant. Dans un état encore très satisfaisant à ~1000 km, j'ai voulu croire que je pourrai les pousser jusqu'à la Méditerranée mais c'était trop ambitieux. Le renouvellement est impératif et c'est l'une des motivations du passage au Pas de la Case et sa pléthore de commerces ... Je regrette de n'avoir pas planifié un renouvellement à mi-parcours à Hendaye, où j'aurai pu m'adresser d'avance une paire neuve de mon modèle de prédilection. Au Pas de la Case, il me faudra faire avec ce que je pourrai trouver ...

Du fond du Val d'Incles au crêtes d'Ortafa, j'ai ~750 m D+ à remonter, et dans l'appréhension d'un retour de fatigue j'y vais en douceur mais avec régularité. Le sentier monte d'abord plutôt franchement, mais il est d'assez bonne qualité pour ne pas me scier les jambes. J'arrive finalement assez vite à 16 h au Pla de Siscaro, sans aller visiter ce qui semble être la jolie cabane ouverte de l'autre côté des tourbières. Je me repose à marcher ainsi un instant sur le plat, avant une nouvelle élévation plus en douceur vers les lacs de Siscaro. Si sur ma carte je vois 2 étangs de dimensions similaires, sur le terrain c'est une autre affaire : celui sur ma droite n'est plus qu'une petite mare, dévoilant sa faible profondeur même à plein remplissage. L'autre sur ma gauche (l'Estany de Baix) reste en revanche rempli à ce qui semble être son niveau normal.

Pla de Siscaro : les beaux efforts andorrans dans l'esthétique de la signalisation

Pla de Siscaro : la cabane sur la gauche

Depuis le Col de Meners ce matin je croise de nombreux promeneurs, le pic ayant été atteint entre Cabana Sorda et bien sûr le fond du Val d'Incles. Ici et à cette heure la fréquentation se réduit, et je croise mes derniers marcheurs à la montée vers le "Pas de les Vagues". A 2572 m, j'y rejoins enfin les crêtes et, comme je m'y attendais, un vent fort désagréable qui m'oblige à enfiler le coupe-vent par-dessus ma lourde transpiration de la montée. Il va être 17 h et d'ici je n'ai plus qu'à laisser défiler un beau chemin sur une steppe de crête, en arrondi herbeux sur le versant andorran, quelques à-pics et vallons rocheux côté vallée de l'Ariège (encore andorrane à cette hauteur).

Vue arrière sur les lacs de Siscaro, l'un à sec, l'autre plein ...

Pas de les Vagues : maintenant, ça déroule

Les fortes rafales latérales redressent le bord de mon chapeau, qui plus est du côté du soleil de la fin d'après-midi, me chauffant le côté ainsi exposé du visage. Les profondeurs abritées de la vallée de l'Ariège permettent en revanche à la brume de s'y former, et de les grignoter lentement à rebours du cours de la rivière. Le vent est le plus fort sur la succession très exposée des Pics d'Ortafà, mais ne m'empêche pas de scruter mon proche avenir avec la vue du Carlit par-delà le Col de Puymorens. Je sens la fatigue dans les jambes lorsqu'il s'agit de remonter 80m D+ dans l'ultime remontée très arrondie entre le Collet d'Ortafa et le "Pic" de Maià et sa haute antenne peinte en rouge en blanc. Je mets des guillemets à "pic", car l'aspect est plus celui d'un pain aplati que d'une cime acérée ...

Enchaînement des Pics d'Ortafa, dans un violent vent latéral sur ma droite

à l'abri du vent, la brume fait son chemin

En tout cas, maintenant que je rejoins les approches aménagées du Port d'Envalira et du Pas de la Case, je me dois d'admettre que cette section sur les crêtes fut très belle ... Je croise sur la cime de Maià un 4x4 dont le conducteur me fait un salut amical, puis de là commence à descendre vers le Port d'Envalira, coupant autant que possible par un sentier d'herbe les lacets de la piste. Je veux court-circuiter le col proprement dit en visant le lacet de la route en contrebas, mais me retrouve coincé par les abords abrupts du "Pic Maià Mountain Hotel", bâtiment à l'abandon. Je dois revenir vers le Col, puis descendre longuement par la route jusque dans le Pas de la Case, longeant au passage un circuit de course moto-kart parfaitement incongru.

"Pic" de Maià : fin du bel intermède

Circuit de Grandvalira : WTF ?!?

Si vous vouliez lire que le Pas de la Case, c'est moche et écœurant, c'est fait. Ainsi que je l'ai vu en d'autres lieux (Baqueira), rien n'est pensé pour les piétons puisqu'aucune ruelle ou escalier ne permet de couper les immenses lacets qui descendent dans l'agglomération pourrie de spéculation foncière, prolongeant ma souffrance de marcheur sur l'asphalte dans des chaussures ayant outrepassé les ultimes limites de l'agonie.

Lorenzo a pris chambre d'hôtel pour nous 2 à 30 mètres seulement de la frontière avec la France, et j'y suis à 18h45. Entré hier soir en Andorre à 22h par Port de Rat, j'en touche donc l'autre limite moins de 24 heures après ... "L'Andorra Challenge" est réussi !

L'architecture de l'hôtel est délirante : le bâtiment d'origine dont on voit des photos dans le hall a été littéralement dévoré par les extensions successives. Il est désormais invisible dans la masse bâtie du bloc d'immeubles. L'intérieur de couloirs et d'escaliers est un dédale, mais je finis par trouver la chambre dégottée par Lorenzo, sous la toiture avec une large baie vitrée (sur la rue et les supermarchés ...) et une baignoire-jacuzzi ! Je m'effondre sur le lit, mon sac encore sur le dos, dans un grand éclat de rire de l'ami transalpin !

Le temps de me remettre un peu et de reconnecter nos épisodes respectifs depuis Certascan, nous sortons dîner dans une bonne pizzeria où nous doublerons la commande (2 pizzas chacun ). J'y rajoute un dessert dégoulinant, mais suis hélas déçu, n'y trouvant pas les saveurs que j'espérais ... Il est impossible pour moi de garder mes pieds épuisés serrés dans mes chaussures : j'ouvre largement les lacets pour leur donner de l'air, mais le fumet se dégage inexorablement autour de notre table que nous avions pourtant judicieusement choisi dans la véranda aux fenêtres ouvertes. D'autres convives s'installent non loin et se mettent à discuter de leurs étranges sensations olfactives, qu'ils mettent sur le compte des fondues et raclettes proposées sur la carte ... C'est pas beau de vieillir pour une paire de chaussures ...

Avant de retourner à l'hôtel nous faisons le repérage des enseignes de sport et leurs horaires d'ouvertures. Si je trouve chaussure à mon pied je peux espérer être en marche vers 10h, mais Lorenzo devra partir en avant. En effet, dans les combinaisons possibles de bus et de trains, il s'est imposé un nouveau challenge : finir dès vendredi à Banyuls pour y attraper un train en fin d'après-midi. Nous sommes dimanche au Pas de la Case, ça va être chaud !

faim de l'étape

En quelques chiffres :

Total J40 :
30 km
D+2187
D-2051
Marche 8h31 (+pauses 2h14)
kmE 57
IBP 236

Cumul J01-40 :
1360 km
D+ 76 800 m
Marche 371 h
kmE 2299

Itinéraire

Profil

Progression

Vidéo

Dernière modification par Hervé27 (18-01-2023 12:02:56)

Canyon83 · 17-11-2022 21:11:39

Hervé27 a écrit :

#670684
J40, dimanche 14 août : du refuge de Sorteny au Pas de la Case
surtout que je prends mon temps : besoin de gérer cette journée plus calmement après mes extravagances d'hier
Je prends alors tardivement le chemin du Col de Meners à pas mesuré, la fatigue de la veille étant bien là .
Je tourne ce matin à l'économie, pas de jus pour m'offrir des à-côtés ...
La facilité du chemin est reposante... Pour autant je ne force pas, ce petit rythme est trop agréable ... J'y vais clairement mollo aujourd'hui et évite de me brutaliser ... Je marche ensuite au rythme de Papsy
De fait je me requinque avec ce petit rythme .
Je me repose à marcher ainsi un instant sur le plat,
Je sens la fatigue dans les jambes lorsqu'il s'agit de remonter 80m D+
Je m'effondre sur le lit, mon sac encore sur le dos,

Où l'on apprend qu'Hervé27 est capable de ménager sa monture et, parfois, peut être fatigué

Etimul · 17-11-2022 23:50:49

Tant que ça ne lui coupe pas l'appétit

laxmimittal · 18-11-2022 02:27:24

ah ben dis donc, quel rythme !!!!

je viens de lire 5 jours d'affilée et je suis é-pui-sée.

L.

vacuithe · 18-11-2022 09:01:57

arf... après plus de 1300km de marche forcée en montagne et une journée à 50 bornes la veille, monsieur est fatigué.
je confirme, t'es un grand malade.
en tout cas bravo !

Pat85 · 18-11-2022 11:26:51

Bien jolie faim d’étape !
On salive à chaque épisode ou à attendre le suivant.
Pour les pompes : le projet était-il de faire le voyage avec une seule paire ?

Le forum de la randonnée légère ou ultra-légère !

#376 14-11-2022 00:38:53

Re : [Récit + liste] Pyrénées de Traverses HRP Aller-Retour 45 j

#377 14-11-2022 09:15:32

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#378 14-11-2022 22:17:14

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#379 14-11-2022 22:51:00

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#380 15-11-2022 01:53:42

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#381 15-11-2022 12:26:13

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#382 15-11-2022 18:26:32

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J39, samedi 13 août : de Certascan à Sorteny

#383 15-11-2022 19:03:13

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#384 16-11-2022 01:03:23

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#385 16-11-2022 01:10:27

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#386 16-11-2022 01:30:26

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#387 16-11-2022 08:30:16

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#388 16-11-2022 08:33:15

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#389 16-11-2022 08:38:02

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#390 16-11-2022 08:40:07

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#391 16-11-2022 09:09:38

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#392 16-11-2022 10:22:08

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#393 16-11-2022 11:56:04

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#394 16-11-2022 12:55:53

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#395 17-11-2022 15:19:18

Re : [Récit + liste] Pyrénées de Traverses HRP Aller-Retour 45 j

J40, dimanche 14 août : du refuge de Sorteny au Pas de la Case

#396 17-11-2022 21:11:39

Re : [Récit + liste] Pyrénées de Traverses HRP Aller-Retour 45 j

J40, dimanche 14 août : du refuge de Sorteny au Pas de la Case

#397 17-11-2022 23:50:49

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#398 18-11-2022 02:27:24

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#399 18-11-2022 09:01:57

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#400 18-11-2022 11:26:51

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