ascension_du_balaitous
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+ | ====== Ascension du Balaïtous (2001) ====== | ||
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+ | * Notre découverte de la superbe toue de Larribet. | ||
+ | * Comment on s'est perdu dans la face nord | ||
+ | * La vire Béraldi...glissante | ||
+ | * Les 60m schuss de Stéphanie sur le glacier. | ||
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+ | C'est plutôt de l' | ||
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+ | {{: | ||
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+ | ==== Premier jour ==== | ||
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+ | Enfin voilà les Pyrénées. | ||
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+ | Des mois qu'on les attendait. C'est la deuxième fois qu'on vient y randonner. Il y a deux ans je partais pour 7 jours en solo entre le Pic du Midi d' | ||
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+ | Pour cette aventure on a choisi le Balaïtous: 3144m, des parois impressionnantes, | ||
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+ | Arrivés au parking vers 13h après avoir traversé la France et remonté la splendide vallée d' | ||
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+ | 14h30, c'est parti! | ||
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+ | On passe le lac de Suyen, joli. | ||
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+ | Puis on arrive à la cabane de Doumblas. Une ancienne toue (1 ou 2 places) est à visiter et une cabane avec lits aménagés (2 ou 3) se trouve non loin. Elle est déjà occupée. | ||
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+ | Les toues sont des anciens abris de bergers, le nom varie selon la région des Pyrénées où l'on se trouve. Le parc national des Pyrénées les considère comme un patrimoine culturel des Pyrénées très important et a décidé de les sauvegarder: | ||
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+ | On continue vers le refuge de Larribet. | ||
+ | |||
+ | > "Tiens on dirait qu'il y a quelque chose à droite là haut, dans les blocs 50m plus haut". | ||
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+ | Ca doit être la Toue de Larribet.. Je n' | ||
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+ | {{: | ||
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+ | Je vais faire de l'eau à une source au SE de la toue. On surprend une vingtaine d' | ||
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+ | Je sors le réchaud Esbit...oula il chauffe pas vite! 3 pastilles de 4g d' | ||
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+ | Soupe, plat lyo., dessert et au lit. | ||
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+ | Je prends une photo du Balaïtous alors que le soleil se couche. | ||
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+ | {{: | ||
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+ | Normalement demain on fait l' | ||
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+ | Pour le retour on redescend le couloir, on prend à droite pour traverser la face nord (au soleil) à l' | ||
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+ | Je m' | ||
+ | |||
+ | On verra demain et on décidera sur place si on continue ou pas. Cette face nord aperçue depuis la vallée est quand même impressionnante: | ||
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+ | ==== Deuxieme jour ==== | ||
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+ | Beau temps: quelle chance. Eau, lait en poudre, céréales, isostar et c'est reparti. On passe le refuge de Larribet (qui pue), 3 gars nous dépassent, puis on quitte le sentier qui mène au port du Lavedant pour nous diriger vers le col noir. | ||
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+ | Le Balaïtous sur notre gauche nous domine, nous surplombe, nous écrase. On prend quelques photos. | ||
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+ | {{: | ||
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+ | Le névé du col noir a assez fondu: on passe dans les cailloux à droite. | ||
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+ | Premiers pas d' | ||
+ | |||
+ | Je regarde de temps en temps l' | ||
+ | |||
+ | Avec un sac de 25kg dans ce chaos de blocs, puis les éboulis, puis la barre rocheuse escaladée. Je montre à Steph, c'est étrange, j'ai du mal à croire que je suis passé par là... | ||
+ | |||
+ | Arrivés au col Noir on mange un peu, un premier gus arrive, apparemment le leader. Je lui demande s'il connaît. "Non, première fois". "Nous aussi" je réponds. | ||
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+ | Le 2< | ||
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+ | On repart et on arrive à l'abri Michaud (5 ou 6 places), bon point de repère mais difficile à voir! Il est pourri, la porte n' | ||
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+ | {{: | ||
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+ | On vient du col noir qui est à gauche de la carte, dans le prolongement du trait bleu. | ||
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+ | La vire de la grande diagonale est en bleu, la vire Béraldi en vert. | ||
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+ | En rouge: voie d' | ||
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+ | En noir: une vire à peine indiquée sur la carte. | ||
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+ | En rose: la voie venant du côté espagnol (sud) (253) et la voie d' | ||
+ | |||
+ | Les 3 gus arrivent, le leader me demande s'il faut une corde là haut. Je lui réponds que ça dépend d'avec qui on est et de ses capacités: mieux vaut être à l'aise en paroi à mon avis. Il acquiesce... | ||
+ | |||
+ | Je lui propose de continuer ensemble à cause du risque de chute de pierres, il répond oui sans hésiter. | ||
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+ | On repart dans cet ordre: Olivier, Steph, leader et ses 2 potes. Steph s' | ||
+ | |||
+ | Pas de vire en vue, on voit des gens plus haut qui descendent la croupe et on décide de les interroger. | ||
+ | |||
+ | > " | ||
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+ | > "Ah eh bien ce n'est pas évident...il faut monter là jusqu' | ||
+ | |||
+ | > "Ah, bon euh merci beaucoup, on va voir". | ||
+ | |||
+ | On reprend l' | ||
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+ | On monte environ 50m sans voir de bâtons et on arrive face à des blocs monstrueux posés sur la crête frontière. Ils nous barrent le chemin: impossible de monter plus haut en suivant la crête sans se lancer dans une escalade plus difficile que prévue. | ||
+ | |||
+ | Je vais voir sur la gauche, coté face NO. Je découvre une vire qui parcourt la face sur 100m, ensuite un couloir plutôt raide mène à une petite brèche 70m plus haut. | ||
+ | |||
+ | Je distingue un ou deux cairns sur la vire et un autre dans la brèche... Je vais chercher les autres. | ||
+ | |||
+ | Leader distingue d' | ||
+ | |||
+ | J' | ||
+ | |||
+ | Je lui demande "on va voir?. Elle acquiesce. | ||
+ | |||
+ | Les autres remettent leurs sacs, nous souhaitent bonne course, on les remercie et leur souhaite bon retour. | ||
+ | |||
+ | On descend sur 2 ou 3m pour prendre pied sur la vire. A mi-chemin, à la vue de la paroi et des blocs qui nous dominent sur la droite, on décide de mettre les casques et je mets la corde sur les épaules en vue d'un futur encordement. | ||
+ | |||
+ | {{: | ||
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+ | L' | ||
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+ | Nous voilà à son pied. Sans même s’arrêter on commence à le monter: la pente n'est pas raide et le rocher excellent. Au début on ne se sert presque pas des mains, puis le couloir se redresse... Je passe un, puis deux passages plus difficiles... Ça va encore, et puis on n'est pas loin du haut du couloir. | ||
+ | |||
+ | On s' | ||
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+ | La roche devient très pénible: friable, elle demande de prendre beaucoup de précautions. En plus les pas deviennent plus difficiles: la pente est raide maintenant, je me demande si on fait bien de continuer. Redescendre ou pas? Alors que je me pose ces questions, en regardant plus haut je distingue une vire bien marquée, 10m au-dessus de nous, qui traverse horizontalement la face nord. Décidément c'est la face aux vires! Celle là, puis celle qu'on a empruntée tout à l' | ||
+ | |||
+ | Steph passe sans trop de problème, nous continuons donc. Arrivés sur cette vire n°2, on la suit vers la gauche en passant par la petite brèche aperçue tout à l' | ||
+ | |||
+ | On était donc bien hors voie normale. La grande diagonale est bien plus bas que la première vire qu'on a empruntée, il ne fallait donc pas monter sur la croupe vers des bâtons en croix comme on nous l' | ||
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+ | (Cf carte détaillée: | ||
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+ | Rassurés d' | ||
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+ | Le couloir se rétrécit jusqu' | ||
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+ | Soudain, le sommet! | ||
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+ | On est les seuls étonnamment, | ||
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+ | On mange en commentant l' | ||
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+ | D' | ||
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+ | On se prend en photo: les premières depuis le début du col noir! | ||
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+ | On appréhende beaucoup la descente. La voie d' | ||
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+ | Nous avons prévu de redescendre par le couloir de la voir normale pour ensuite prendre à droite dans le prolongement de la vire de la grande diagonale jusqu' | ||
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+ | La vire Béraldi n' | ||
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+ | Une cordée d' | ||
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+ | La descente est bien sûr plus délicate que la montée. Steph est devant moi, parfois le dernier espagnol se retourne pour voir si elle suit sans problème. | ||
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+ | En fait, c'est plutôt moi qui en ai: j'ai la trouille! J' | ||
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+ | Mon cœur bat à la chamade, je vois des cailloux instables partout, j'ai l' | ||
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+ | Il faut que je retrouve l' | ||
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+ | On arrive sur la grande diagonale, ils prennent à gauche, on prend à droite. Arrivés à la brèche des Isards, la vire Béraldi se découvre...avec comme porte de sortie la brèche Peytier-Hossard étincelante au soleil à 100m à la même altitude que nous. Si proche... | ||
+ | |||
+ | La vire est sombre, lugubre mais déneigée. Le caillou est aussi pourri qu' | ||
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+ | On se regarde...on décide d'y aller, conscients que ce sera sûrement plus risqué que tout ce qu'on a fait aujourd' | ||
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+ | On s' | ||
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+ | En fait ce n'est pas une vire mais une succession de 2 couloirs à traverser. | ||
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+ | Le sol est fait de petits cailloux qui glissent dans la pente si on les touche. Quelques cailloux gros comme le poing émergent ça et là, ils semblent tenir, parce que mieux ancrés au sol ou à la neige qui se trouve peut-être dessous. | ||
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+ | Je prends appui dessus, mais je progresse centimètre par centimètre: | ||
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+ | Le passage est en fait comme un grand demi-entonnoir aux parois recouvertes de graviers avec un grand névé en haut et une paroi verticale en dessous du goulot. Le névé nous empêche d' | ||
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+ | Je suis donc sur les fesses et les mains en train de tâter du pied et de nettoyer les cailloux susceptibles de tenir, hyper concentré. | ||
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+ | Le monde entier est réduit à ces graviers et ces cailloux qui émergent. | ||
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+ | Chaque geste est calculé, millimétré. Arrivé au goulot, je pousse un ouf de soulagement: | ||
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+ | J' | ||
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+ | Les graviers me semblent sur le point de s' | ||
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+ | Steph a tout suivi sans rien dire. Maintenant sur un sol fiable, je remonte jusqu' | ||
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+ | Elle commence sa descente, comme moi elle n'est pas du tout rassurée. Je la guide du mieux possible en avalant la corde et elle arrive au goulot sur la petite prise. Elle hésite...me regarde... regarde les cailloux face à elle. Je la rassure en l' | ||
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+ | Elle me rejoint en secouant la tête: "si ma grand-mère voyait ça elle mourrait!" | ||
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+ | Un seul couloir nous sépare maintenant de la brèche Peytier-Hossard toute proche maintenant. | ||
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+ | Cette fois-ci encore il nous faut descendre un côté du couloir pour remonter de l' | ||
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+ | Avec cette fois une pente raide en rocher, sorte de cheminée à descendre. Steph y va d' | ||
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+ | Je lui demande comment est l' | ||
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+ | > "Vu d'ici on dirait que ça le fait". | ||
+ | > " | ||
+ | > "Ça à l'air bon" | ||
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+ | Elle me dit aussi que la descente est facile, effectivement je love la corde et descends sans probleme. Arrivés en bas, on commence à remonter en même temps, chacun par son propre chemin vers la brèche. | ||
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+ | Le sol est pourri mais la pente pas trop raide. | ||
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+ | Ça y est, nous voilà à la brèche... quel choc! On en prend plein les yeux: le soleil nous ébloui, nous réchauffe, le glacier...immense et superbe nous aveugle. Derrière nous: la vire Béraldi, vu d'ici elle est vraiment effrayante. | ||
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+ | Notre joie éclate enfin, on s' | ||
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+ | Pour moi c'est un déstressage total (attention au relâchement!). Je vais prendre en photo le cap Peytier-Hossard et la barre rocheuse que j' | ||
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+ | Je rassure Steph qui est un peu inquiète: elle appréhende la descente du glacier qui n'est pour moi qu'une simple formalité: la neige, tant qu'il n'y a pas de crevasses et de risque d' | ||
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+ | Steph met son pantalon K-way et ses guêtres. Le glacier débute 30m plus bas que la brèche. On descend les 30m et on met les crampons sur les graviers. On saute sur le haut du glacier, la pente est très raide, immense: le plus grand toboggan que j'ai jamais vu: plus de 1000m de glissade sous nos pieds! Devant la pente Steph hésite: on s' | ||
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+ | La pente est trop raide et la neige n'est plus gelée: les crampons ne tiennent pas. Plutôt que de tailler des marches, elle s' | ||
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+ | Sa technique de freinage n' | ||
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+ | Elle creuse alors une marche et plante son piolet jusqu' | ||
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+ | Elle commence à glisser en essayant de se freiner le plus possible. Comprenant ce qu'il se passe, j'agis vite: je prends mon piolet et commence à l' | ||
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+ | Mon piolet est à peine enfoncé quand Steph passe à côté de moi en hurlant, comme une formule 1, les mains pathétiquement accrochées à son piolet. "Oh putain" | ||
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+ | Je décide alors de me mettre debout et d' | ||
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+ | La corde se tend, je me crispe sur ma seule prise, le bras écartelé pendant que la corde finit de se tendre. Ouf! Le piolet a tenu. Elle se rétablit, je me redresse hilare: sacré Steph, elle a dû avoir la frousse!!! 60m de glissade incontrôlée avec potentiellement toute la longueur du glacier à dévaler, ça à dû lui donner des sensations! | ||
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+ | Je la rejoins rapidement, mort de rire et je lui raconte comment elle a été arrêtée. Elle finit par en rire. | ||
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+ | La pente commence à être moins raide: on décide de progresser en marchant simultanément, | ||
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+ | On entend des cris dans la paroi, sûrement des grimpeurs engagés dans la cheminée de Las Néous. Un homme et une femme...ça n'a pas l'air de très bien se passer. On s' | ||
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+ | Plus bas ça devient trop tentant: on se désencorde, | ||
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+ | On s' | ||
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+ | Plein de souvenirs d'y a deux ans me reviennent, je les confie à Steph: oui! et puis ces blocs là haut, mon sac s'est coincé là", etc. | ||
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+ | On descend le reste du glacier comme des fusées, puis la moraine. La vallée apparaît: impression d' | ||
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+ | La vallée est paisible et jolie, on parle de ce qu'on vient de vivre: très intense, très instructif et beaucoup de sensations! On ne recommencera pas l' | ||
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+ | On arrive au refuge Ledormeur (non gardé) et on décide de dormir là. | ||
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+ | Malgré la dénivelée (+1450m/ | ||
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+ | Les grimpeurs (un couple) arrivent, on se salue. Il me demande si on vient du Balaîtous, avec un accent anglais. | ||
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+ | Je réponds "oui, vous venez de la cheminée Las Néous?" | ||
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+ | Il hésite, je lui demande par où ils sont passés. Il répond quelque chose que je ne comprends pas, Steph croit comprendre Béraldi, il acquiesce. | ||
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+ | Je lui explique qu'on est passés par là et notre itinéraire. | ||
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+ | > "Mais où elle était alors?" | ||
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+ | > "Aaaah bon! Parce que nous on a..." et il commence à nous raconter par où ils sont passés. | ||
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+ | En fait ils voulaient descendre par la vire Béraldi et sont partis du sommet vers le nord-est. Il a trouvé un couloir qui descendait et ils l'ont emprunté et là ça a été l' | ||
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+ | Puis elle a lâché son piolet en glissant sur le glacier: obligé de remonter le chercher! | ||
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+ | Ils décident de continuer jusqu' | ||
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+ | On mange et on se couche après avoir admiré les couleurs du soleil couchant. Quelle fabuleuse journée! | ||
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+ | En pleine nuit Steph me réveille et me demande d' | ||
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+ | ==== Troisième jour ==== | ||
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+ | On se lève, le soleil n' | ||
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+ | Des " | ||
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+ | C'est parti, le sac me semble toujours aussi léger qu' | ||
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+ | On passe à côté de la toue de Labassa sans la voir, les gens ne disent pas bonjour, on traverse un troupeau de vaches. Steph aperçoit quelque chose à gauche qui ressemble à une toue. Je vais voir...effectivement, | ||
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+ | On poursuit et on rejoint notre itinéraire de montée que l'on suit tranquillement jusqu' |
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