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Jour 20

Pujol - Refuge de Barbote (ouest refuge de Vall Ferrera) +2300m / -2150m

Grosse dénivelée ce jour là. Micha, le hollandais que l'on a retrouvé hier soir, n'y est pas pour rien! Belle journée, riche de “rebondissements”.

Une bavante

Après une bonne nuit peinards près de notre lac, on est prêts à 6h30, quel exploit ! Micha (il nous a donné son prénom hier) arrive quasiment en même temps que nous au lieu de rendez-vous en grandes enjambées, il nous a même semblé le voir courir à un moment. Il a passé une nuit “très moyenne”: ça ronflait dûr apparemment… Aaah la convivialité des refuges !

On met tout de suite les choses au clair: “si tu nous trouve trop lents ou trop chiants, n'hésite pas à filer après nous avoir dit au revoir”. Il rigole et répond “pareil pour vous!”. C'est parti.

Micha part devant avec ses grandes jambes, il a l'allure d'un coureur de fond. Le sac de 60L bien collé au dos, son topo guide hollandais coincé dans la ceinture (d'où son état!), le porte carte autour du cou faisant office de plastron coupe vent: malgré la fraîcheur matinale il ne porte qu'un T-shirt blanc dans un état pitoyable.

Quoi de neuf depuis le jour 4 où on s'est rencontré: il a troqué ses chaussures de running pour des chaussures cuir tiges basses salomon, et il s'est allégé: au fur et à mesure des poubelles rencontrées, il a déchiré et jeté les pages de son Stephen King qu'il avait lues. Voilà pourquoi il lisait une moitié de bouquin sans couverture hier! Quel phénomène…

Après à peine quelques minutes de marche, alors qu'on doit descendre d'un petit muret naturel de 2m de haut, Nico fait une belle chute juste devant Micha. La gamelle, quoi! Il tombe en vrac sur 2 mètres, mais par miracle arrive à nous faire un atterrissage en douceur avec roulé-boulé magistral pour finir la démonstration. Il est debout avant même que j'ai le temps de me rendre compte de sa chute que j'ai pourtant vue en entier. Micha qui le suivait en dernier franchi le passage avec beaucoup de précautions et n'en revient pas: “Ça va ? Comment t'a fait pour pas te faire mal?”. Réponse du cascadeur: “ben… j'en sais rien..!”.

Et nous voilà reparti après cette frayeur rétrospective.

Micha marche devant à bonne allure, Nico ensuite, puis moi. En descendant on arrive dans une forêt, puis au lieu dit Pleta Palomera sur la carte, on a deux possibilités: monter vers l'étang de Flamicella ou bien passer par le village Noarre. Ce sera Noarre. Le sentier qui devrait partir à gauche de la route vers à 1700m d'altitude est introuvable. On force le passage en passant par dessus une barrière, puis on longe du barbelé pour enfin découvrir une trace qui se transforme en sentier un peu plus loin.

Noarre, joli petit village bien paumé

Voici Noarre: on découvre un village très isolé, comme hors du temps. Aucune route n'y accède et les maisons semblent figées depuis toujours et pour toujours. Deux anciens bêchent la terre de leur jardin, mais ils seront les seuls que l'on verra.

Une longue montée nous attend maintenant: 1100m pour arriver au col de Certascan. On a la forme, je pars devant à bonne allure, l'alti indique entre +10 et +12m / minute. Arrivés en peu de temps à la traversée du ruisseau qui descend de l'étang de la Flamicella, on fait une pause pour boire et faire un peu d'eau. Micha arrive peu de temps après. Il nous avoue qu'il a du mal: le matin il ne mange rien avant 10h …! Putain le barjot. En plus là il n'a plus grand chose à manger: il compte acheter ce qu'il trouvera au refuge de Certascan. En attendant, bien qu'on soit nous aussi un peu à court pour arriver jusqu'au Pas de La Case, on lui passe quelques barres de céréales: on voudrait pas qu'il tombe pas dans les pommes avant le col !

On repart à allure plus cool, rien de franchement très joli à part quelques petits lacs. Par contre, la descente vers le refuge et le lac Certascan depuis le col du même nom est sympa. Quelle patate j'ai aujourd'hui : je me surprends même à courir dans les descentes !

Coup de foudre

Nico fait connaissance avec un habitué des lieux après qu'on ai fait quelques emplettes: difficile de ne pas baver devant un gros cake au chocolat mis en vitrine dans le refuge. On fait une bonne pause et à discuter Micha se révèle très sympa, mais pas trop à l'aise avec le copain de Nico, venu flairer ses gâteaux. Il nous traduit son topo-guide hollandais (de Ton Joosten ) qui semble vraiment bien fait. L'étape suivante que nous allons enchaîner passe par l'étang de Romedia de baix avant de descendre au Pla de Boavi en longeant le ruisseau de Romedo pour ensuite grimper jusqu'au refuge Barbote. Allez, c'est parti.

On croise quelques voitures à l'étang Romedia (ça faisait longtemps) puis on commence à descendre vers Boavi. Sur la carte “Rando Edition” (ancienne édition) que j'ai, le sentier qui longe le ruisseau de Romedo est indiqué, mais il a disparu sur la version récente qu'a Micha. Le guide décrit que le sentier n'existe pas au départ du lac (effectivement), 300m plus loin, on trouve une trace qui se transforme en sentier côté gauche du ruisseau.

Magnifique ruisseau de Romedo en descendant au pla de Boavi

Plus bas on longe dans un système de vasques et de petites chutes d'eau idylliques qui donnent envie de se baigner, mais l'eau bien sûr glacée.

Pont de neige Incroyable ça a tenu, pas de bain glacé cette fois-ci !

Peu après quelques chutes plus grandes que les autres, le sentier traverse le ruisseau et à cet endroit un grand pont de neige qui semble prêt à céder enjambe une vasque. Je me dit qu'il y a une connerie à faire là. Micha en voyant le tableau se met à hurler avec un grand sourire “oui oui, c'est bon on peut y aller, suivez moi, suivez moi !”. Et il s'engage sur le névé, mais s'arrête aussitôt et revient : c'était pour déconner. Nico arrive, Macha et moi l'encourageons à tenter le coup et il est tenté le bougre ! Je précise qu'on peut traverser au sec et en toute sécurité juste à côté du névé, après la vasque.

Nico s'avance doucement en tâtant la neige par petits coups avec ses bâtons. Arrivé à 2 mètres du milieu, un gros morceau se détache sous un de ses coups de bâton et il fait demi-tour… J'ai parfois été surpris par l'incroyable résistance que peu avoir ce type de neige et décide de tenter le coup. J'enlève sac et chemise, Nico et Micha se positionnent pour immortaliser ma gamelle dans l'eau glacée. Je m'avance d'abord doucement et à bien regarder l'endroit le plus étroit, ça doit pas être très solide: 1m de large pour 20cm d'épaisseur environ. Vu la portée de l'arche, ça crée un peu de suspense! J'accélère en m'aidant des bâtons parce que ça glisse, hop un petit saut au milieu et c'est passé ! Micha hurle et applaudit, Nico est hilare, et moi j'évacue petit à petit la grosse décharge d'adrénaline qu'a déclenchée la scène.

Malgré les indications précise du guide, la suite de l'itinéraire n'est pas évidente. On est entré dans la forêt, je marche devant et à un moment j'arrive sur un passage louche: on descend depuis quelques temps déjà et là le sentier semble emprunter une petite ravine sur quelques mètres pour ensuite continuer à descendre. Mais juste avant la ravine, il semble que ça passe en bifurquant à droite en partant à l'horizontale, sous des branches d'arbre. J'arrête le groupe et vais voir à droite. Toujours pas de sentier après 20m, alors que je reviens hésitant, Micha est persuadé qu'il faut emprunter la ravine qui effectivement montre plusieurs traces de passage. Nico se prononce: comme Micha, il lui semble que c'est par la ravine. Ok, va pour la ravine, je m'incline sans problème vu que ça semble évident, mais impossible de me défaire de l'impression que c'est un piège à con comme je les appelle. On descend donc tout droit et après la ravine le sentier continue à descendre, raide. Mais plus on descend et moins ça me plaît: sur notre droite, un ravin de plus en plus profond apparaît et d'après ma carte il faut qu'on le franchisse à un moment. J'arrête à nouveau le groupe, eux sont aussi de moins en moins sûr de l'itinéraire, mais ont d'avis de descendre “pour voir”.

Alors que Micha relis le guide, je scrute l'autre côté du ravin, il me semble voir un cairn, mais sans plus de 3 ou 4 cailloux… Nico dit le voir aussi, ainsi que Micha. Demi-tour, on remonte la pente et on tourne à gauche après la ravine. Le sentier ne descend plus mais fait un arc de cercle pendant 100m au bout desquels je trouve un cairn. Ouf j'avais pas rêvé. Par la suite un vague sentier apparaît puis disparaît quand des arbres sont tombés dessus. On est obligés de faire un peu d'acrobatie, pour Nico et moi ça passe sans problème, mais de son propre aveux cette descente vers Baovi est un enfer pour Micha. J'annonce régulièrement la dénivelée restant à parcourir, et on arrive brusquement au Pla de Boavi comme sortis de nulle part.

Près d'un torrent qu'il a fallu franchir sur un pont plutôt précaire (deux rondins accolés!), on a fait une grosse pause, bien lessivés par ces 600m de descente pas évidents.

Petit pont au pla de Boavi

Micha est le premier à remettre son sac, et alors qu'on le croyait bien naze, il repart comme une fusée. Je suis à 100% sans arriver à le rejoindre. Le sentier est plutôt un chemin et il monte en pente douce mais on grimpe quand même à 600m/h ! Je me rappelle alors ce que Micha nous avais avoué le jour 4, alors que je lui demandais pourquoi il randonnait seul: “I'm a fanatic… Love pain” . Je suis un fanatique, j'aime la douleur. Maintenant je m'en rends compte !

Pour pas griller un fusible plus haut, je suis obligé de ralentir le rythme, on continue Nico et moi à bonne allure. On le rejoint alors qu'il cherche la bifurcation à droite qui longe la rivière de Canedo. Après s'être trompé une fois, on trouve le bon sentier et Micha repart à fond.

Le ciel se couvre et il se met à pleuvoir peu après. Alors qu'on a sorti les blousons étanches (un vieux k-way pour Micha), on croise un randonneur (le seul de la journée d'ailleurs), la quarantaine , français, il nous annonce l'arrivé du marin: un vent de sud humide qui va amener du mauvais temps pour les trois prochains jours ou plus d'après lui. Super.

15 minutes plus tard la pluie s'arrête, mais le ciel reste couvert. On en est à presque 1000m de montée depuis Boavi, mais sur la fin on ne peut s'empêcher de se tirer la bourre et je constate avec plaisir qu'il me reste suffisamment de jus pour continuer à monter à 600m/h après +2300m et -2000m de déniv !

Le refuge Barbote est orange et on le voit de loin! Perché sur un petit môle au milieu d'un plateau, on y arrive dans l'espoir qu'il ne soit ni plein, ni fermé.

Ouf: il est ouvert, vide et très sympathique à l'intérieur ! Seule une cheminée manque.

Refuge de Barbote (ou Cinquantennary) Grand luxe ! Mais pas de cheminée Refuge de Barbote

Il est à peine 16h, après quelques étirements, on passe la fin de l'après midi à se reposer, boire beaucoup, se laver et à écouter la musique sur la mini radio de Micha à l'abri des averses qui arrivent de plus en plus fréquemment.

Alors qu'on se couche, le ciel est d'ailleurs complètement gris et pluvieux. On s'endort heureux, tranquilles en écoutant la pluie et le vent allongés confortablement sur trois matelas chacun: on est les seuls, pourquoi se priver !

hrp/20.txt · Dernière modification : 2015/11/22 08:22 de 127.0.0.1