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Recueil de décisions de justice relatives à des activités sportives en montagne organisées par des amateurs

Courts extraits du livre :

  • Droit et responsabilité en montagne | Jurisprudence relative aux activités sportives et touristiques en montagne
  • Marcel Pérès
  • Editeur : Presses Universitaires de Grenoble - P.U.G.
  • Collection : Libres cours
  • Sous-collection : Droit
  • ISBN : 978-2-7061-1351-2
  • 365 pages - Parution : 11/2006

Extrait n°1 : l'importance de respecter les bonnes pratiques

Un jugement rendu le 13 mars 2000 par le tribunal de grande instance d’Albertville: première décision de justice concernant un accident mortel survenu dans une via ferrata.

Les faits. Le 23 juin 1999, trois personnes entreprennent ensemble l’ascension de la via ferrata du rocher Saint-Pierre à Valloire : Marie-Laure et Isabelle, deux jeunes filles sportives mais débutantes, et Claude, pompier professionnel, un habitué de la pratique des via ferrata. Le groupe progresse sans difficulté, Claude en tête, suivi de Marie-Laure et d’Isabelle, chaque membre étant équipé d’un harnais et de deux longes avec mousquetons. Lors d’un passage de mousquetons, Marie-Laure va oublier de démousquetonner le mousqueton aval et se trouve donc bloquée dans sa progression, une fois sa deuxième longe tendue. De l’instruction, il ressort qu’elle aurait alors tenté de démousquetonner à bout de bras et en tension, puis elle aurait lâché prise. Mais au lieu d’être immobilisée par sa première longe, à hauteur du point d’ancrage, elle est tombée dans le vide, suite à la rupture du mousqueton à vis reliant l’absorbeur et les deux longes au baudrier. Claude S. et Isabelle G. ont été poursuivis pour homicide involontaire, en raison du choix d’une voie classée très difficile alors que la victime était débutante, et de l’utilisation d’un matériel jugé inadapté et d’explications consi- dérées comme insuffisantes ainsi que de l’absence d’utilisation de corde en guise d’assurance complémentaire. Le tribunal a d’emblée relaxé Isabelle G. qui n’avait pris aucune part au choix de l’itinéraire et de la fourniture de l’équipement et qui débutait dans la pratique de cette activité. En ce qui concerne Claude S., les débats ont conduit également à sa relaxe, mais sur la base d’une motivation très technique qu’il convient d’analyser succinctement.

Jugement et analyse sommaire. Les éléments recueillis au cours des constatations effectuées et les débats à l’audience ont permis d’établir que la via ferrata du rocher Saint-Pierre est classée TD (très difficile) sur certaines brochures spécialisées, mais que, néanmoins, elle ne présente pas de difficultés techniques importantes. Il apparaît, de surcroît, qu’elles avaient été toutes franchies sans encombre par le groupe et que Marie-Laure, jeune fille sportive, ne semblait pas particulièrement éprouvée ou mal à l’aise dans cet exercice spécifique. Il a été, de plus, rappelé par l’expert que la pratique de la via ferrata ne requiert pas de technicité particulière, mais une bonne condition physique. On peut donc considérer que le niveau d’aptitude physique de la victime lui permettait d’évoluer normalement dans cette via ferrata qui comportait d’autres parcours ou variantes, en cas de difficultés rencontrées ou d’appréhension. Notons que l’absorbeur utilisé avait été acheté par M. S. en février 1996, alors qu’il était vendu à l’époque sans notice d’emploi, mais aussi que la corde l’équipant qui avait été installée par le vendeur était en réalité d’un diamètre insuffisant. De plus, il n’a pas été établi s’il s’agissait d’une corde statique ou dynamique, capable d’absorber ou non des chocs. Il convient de relever que Claude S. avait pris la précaution d’équiper Marie-Laure d’une longe avec absorbeur d’énergie à déchirement, spécialement conçue pour cette pratique, alors qu’environ la moitié des pratiquants ne se servaient à l’époque que de deux sangles sans absorbeur, ce qui se révèle tout à fait inefficace en cas de chute (rupture des sangles). D’autre part, il ressort du procès-verbal de constatations que la victime était équipée d’un casque et de chaussures de trekking tout à fait adaptés à l’activité. Enfin, le baudrier utilisé était en bon état et l’on ne peut, non plus, reprocher à Claude S. d’avoir fait passer le mousqueton dans les boucles du baudrier plutôt que sur le pontet. En effet, cette pratique était en fait régulièrement admise et même préconisée jusqu’en 1998. Il apparaît donc que l’équipement était irréprochable. L’expertise a aussi permis d’établir que la rupture du mousqueton n’était pas la conséquence d’un diamètre insuffisant de la longe, ni d’un mauvais placement du mousqueton sur le baudrier, mais d’un arc-boutement de l’absorbeur sur le mousqueton. Ce dernier l’empêchait de travailler dans l’axe du doigt, en exerçant sur celui-ci une force malheureusement suffisante – bien que très faible par rapport à celle pour lesquelles les mousquetons sont conçus pour résister – pour entraîner sa rupture. À l’audience, un conseiller technique montagne du conseil général, guide de haute montagne, entendu pour apporter certains éclairages techniques, a pu préciser, qu’après des tests consistant à faire chuter une masse de 55 kg sur une corde dynamique, d’une hauteur de 50 cm et avec arc-boutement, le mousqueton a cassé avec un poids de 220 kg. L’expert a, quant à lui, indiqué que la fixation directe sur le pontet n’empêche pas ce phénomène d’arc-boutement ou de vrille de l’absorbeur sur le mousqueton. En outre, il faut noter que depuis l’accident, les fabricants de matériel proposent de nouveaux modèles d’absorbeurs dynamiques qui n’utilisent plus de mousqueton intermédiaire entre le baudrier et l’absorbeur, mais au contraire une sangle ou un maillon. Ainsi, dans cette espèce, l’expert a pu établir que « l’accident n’était pas dû à l’emploi d’un matériel inadapté ou non conforme, mais à un mauvais positionnement spontané de l’absorbeur dans le mousqueton, faisant travailler ce dernier, de façon non conforme à sa destination, ayant entraîné sa rupture bien que la force initiale exercée soit relativement faible ». Sur la question du non-encordement de la victime, il n’est pas d’usage de s’encorder en via ferrata, si l’on est équipé d’une longe et, a fortiori, si celle-ci est munie d’un absorbeur. Les juges ont donc estimé que rien ne permettait donc d’affirmer, qu’au plan technique, Claude S. devait encorder Marie-Laure R. et qu’il ne lui a pas donné les conseils appropriés et suffisants pour pratiquer cette activité sportive spécifique. On peut toutefois s’étonner, sans revenir sur la chose jugée, du fait que le fabricant de matériel n’ait pas été inquiété dans cette affaire où la fiabilité du matériel a été mise en cause.

Extrait n°2 : fautes en général reprochées

9.9.3. Le cadre bénévole qui a commis une faute peut-il encourir, au plan civil, une part de responsabilité personnelle solidairement avec l’association ?

La victime est intégralement indemnisée par l’assurance de l’association en cas de faute du bénévole tout en disposant de la faculté d’un recours subrogatoire. Précisons que la jurisprudence est assez rare en la matière. Outre le fait que l’association a en général une dette de reconnaissance envers le bénévole dont le dévouement mérite respect, l’assurance responsabilité civile du bénévole est aussi couverte par celle de l’association. Dès lors, l’action en réparation apparaît vaine ou dépourvue de sens. Néanmoins, si les associations garantissent la responsabilité civile de leurs préposés par le truchement de leur propre assurance, dans d’excellentes conditions, pour des activités et des séjours à but non lucratif, la responsabilité pénale des bénévoles comme des professionnels peut être aussi engagée en cas de faute de leur part. Il faut éviter toute confusion lourde de conséquences en intégrant bien que la responsabilité pénale n’est couverte par aucune assurance !

Analyse de la faute. La distinction entre faute délictuelle et faute contractuelle n’est pas d’un grand secours. En effet, en pratique pour les accidents corporels, la différence n’est qu’affaire de langage juridique, les tribunaux soumettant les deux régimes à une même analyse de la faute. C’est donc la responsabilité contractuelle de l’association loi 1901 qui pourra être engagée pour toute faute lourde ou légère, soit en tant qu’organisateur de la sortie ou du stage et donc de l’exécution du contrat, soit comme utilisateur des bénévoles. Que l’activité soit ou non réglementée, elle varie en termes de responsabilité en fonction du nombre de pratiquants concernés, de leur âge aussi et de leur degré d’autonomie. Ainsi, les principes à respecter, couramment appelés « règles de l’art », auxquels le juge civil ou pénal se référera en général, comme l’atteste la jurisprudence qui suit, résultent :

  • du défaut de qualification de l’encadrement, même jusqu’à un certain point dans le cadre du bénévolat, et aussi du défaut de « directives » que donnent, en matière de formation, aux dirigeants des clubs les fédérations sportives, titulaires d’une déléga- tion, conformément à l’article 17 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée ;
  • des connaissances transmises par ceux dont le métier les expose à la connaissance et à la réalité des dangers de la nature, tels les spécialistes de l’hydrologie et de la météorologie, les services de secours, etc. ;
  • du comportement de « bon père de famille » qui recouvre l’ensemble de précautions relevant du bon sens.

Pour déterminer la responsabilité des personnes en cause, le juge appréciera au cas par cas, et tiendra compte des éléments suivants pour motiver et fonder sa décision :

  • de la difficulté de l’activité pratiquée, considérée par rapport à l’âge et au niveau technique des pratiquants ;
  • des mesures prises pour évaluer les risques, notamment ceux liés aux conditions météorologiques et à l’hydrologie, et ceux inhérents à une non-reconnaissance préalable des itinéraires ou a minima, la non-utilisation de cartes et de topo-guides de qualité, notamment en escalade, en randonnée pédestre techniquement engagée, pour la descente de canyons et la spéléologie, etc. ;
  • du respect des consignes et des signaux de sécurité pour certaines activités et de l’utilisation de signaux clairs et précis, convenus entre les membres d’un groupe notamment lorsqu’il est tenu de se disperser, à titre exceptionnel, les membres échappant alors provisoirement à la surveillance active de l’encadrement, en VTT, descente de canyon, canoë-kayak de rivière, etc. ;
  • de l’état du matériel utilisé pour toutes les activités nécessitant des matériels spécifiques; le juge pourra être amené à vérifier, si le procès-verbal de constatations ne le mentionne pas, qu’ils étaient entretenus et adaptés à la pratique de l’activité considérée.

En ce qui concerne les fautes qui peuvent être en général reprochées, il s’agit principalement d’une insuffisance en nombre et en qualification de l’encadrement, d’un mauvais choix des courses ou des randonnées avec, par exemple, des parcours retenus dont la difficulté n’est pas adaptée au niveau technique des stagiaires, notamment de l’encombrement des voies, avec risques de chutes de pierres provoquées. Il peut s’agir aussi d’une dangerosité spécifique du moment, telle le danger de chutes de pierres ou de délitement du rocher, à raison de la sécheresse ou de la caractéristique du secteur – comme au couloir du Goûter – ou d’un examen insuffisant des aptitudes des stagiaires, tant au plan technique que médical mais aussi, en termes de préparation physique, d’endurance et d’acclimatation à l’altitude.

Extrait n°3 : cas d'une personne qui renonce

Obligation d’assistance faite à l’association et à son encadrant à l’égard de tous les participants à une randonnée : un arrêt de la cour d’appel de Toulouse consacrant la règle de solidarité et d’éthique en montagne qui consiste à ne jamais laisser seul une personne en difficulté ou fatiguée.

Les faits. Lors d’une randonnée, d’assez haut niveau technique, organisée par le CAF de Toulouse dont les inscrits devaient présenter la preuve d’un bon niveau d’endurance, l’un des membres du groupe arrivé à l’antécime fit connaître qu’il renonçait à faire le sommet, compte tenu de son état de fatigue. Il indiqua qu’il préférait entamer lentement la descente pendant que le groupe achevait l’ascension. Le responsable de la sortie en montagne lui indiqua alors un accès au sentier situé 100 mètres en aval qui ne présentait, a priori, aucune difficulté pour un randonneur expérimenté. Durant cette courte descente, pour une raison qu’il n’a pas été en mesure d’expliquer, ce randonneur fatigué chuta, puis fit une longue glissade dans un pierrier où il se blessa.

Jugement et analyse. La victime a engagé, devant la juridiction civile, une action en responsabilité, à l’encontre de l’association ainsi que du guide, reprochant à ce dernier de ne pas l’avoir accompagné et d’avoir ainsi manqué à son obligation de sécurité. Pour leur défense, l’encadrant et l’association avaient fait valoir notamment que, lors d’une randonnée de haut niveau durant laquelle chaque participant doit veiller lui-même à la sécurité de ses pas, l’obligation de sécurité ne peut être, en l’espèce, qu’une obligation de moyens. La chute avait certainement, selon eux, pour origine une maladresse ou une inattention de la victime que la présence d’un camarade n’aurait pu empêcher. Néanmoins, les juges du fond vont retenir la responsabilité de l’association et de l’encadrant. Ainsi, pour déclarer ces derniers responsables des conséquences dommageables de cette chute, la cour d’appel de Toulouse a retenu à leur encontre un manquement à « une obligation d’assistance », définie comme une obligation de moyens à laquelle l’encadrant était assujetti, et qui consiste notamment à ne jamais laisser seul un membre d’un groupe évoluant en montagne :
« …l’assistance d’un guide expérimenté, apte à prendre toute décision s’impose, en fonction de l’évolution de la randonnée ».

Ainsi, à l’instar d’autres juridictions d’appel, cette cour a tenu à confirmer la règle de solidarité et d’éthique montagnarde. Pour autant, en l’espèce, la cour d’appel de Toulouse ne s’est pas prononcée sur les mesures d’assistance concrètes qui auraient pu empêcher cette chute inopinée.

Extrait n°4 : la clause de non-responsabilité ne joue en aucun cas

Un bénévole, titulaire ou non d’un brevet fédéral, qui conduit son groupe sur une voie qui est sujette à des chutes de pierres à une heure trop tardive, au moment où la glace fond dans les fissures, en raison du réchauffement de la température, générant des risques de délitement de la pierre, est susceptible de voir sa responsabilité engagée. Celle de l’association commettante sera, elle aussi, recherchée. Sauf faute du bénévole encadrant, les risques anormaux imputables aux organisateurs et autres responsables d’un dommage, sont toujours couverts par leur assurance. Relevons que les juges de fond, dans l’arrêt du 30 janvier 1985 de la cour d’appel de Paris, ont estimé que l’acceptation d’un risque ne peut être invoquée que si « le risque est tel que l’acceptation par la victime constitue une erreur de conduite équivalant à une faute ». Ainsi, si le risque est anormal, soit la victime en ignorait l’existence ou le niveau, en raison de la faute de l’organisateur dans la présentation de sa prestation, soit que la victime l’a accepté commettant ainsi une faute engageant sa propre responsabilité. Parfois, des clauses exonératoires de responsabilité sous forme de décharge ou de clause limitative, insérées dans les statuts, acceptées par l’adhérent, sont avancées par l’association. Les décharges de responsabilité pratiquées par certaines associations qui n’ont aucune valeur juridique ne sont jamais retenues dans l’appréciation du juge. La clause de non-responsabilité ne joue en aucun cas, non seulement en cas de faute dolosive ou faute lourde mais aussi, en général, en cas d’atteinte à l’intégrité physique, selon une jurisprudence constante (idem pour une professionnel : C.A. Chambéry, 10 février 1983). Enfin, une association organisatrice de séjours ne peut alléguer pour s’exonérer de toute responsabilité, qu’elle a convenablement suivi des instructions réglementaires en vigueur, le juge peut être conduit à les considérer comme insuffisantes au regard de l’obligation de sécurité et des diligences qui lui incombent.

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