[Validé] CFMBFO - Cap Sizun, une sortie au phare ouest !

azerty · 18-06-2023 18:33:09

Jobig a écrit :

#684912Cherchez l'intrus...!

Ah ah ! oli_v_ier est venu finalement

Dernière modification par azerty (18-06-2023 18:33:34)

Cat 09 · 18-06-2023 18:40:36

J'avais raté les rimes azertyennes ! Décidément, on parle en vers, par ici ...

Et ça aussi, c'est de la poésie :

Jobig a écrit :

des volumes inouïs de trondjhémite gris argenté (granite de Douarnenez) peu à peu transformée en orthogneiss au fil des millions d’années, ultime vestige géologique contemporain de la chaîne cadomienne en ce bout du monde, que les mouvements tectoniques ont tour à tour soulevés et aplanis, que des vent sableux antédiluviens ont acérés et que le mouvement perpétuel de la houle venue du large a érodés, leur conférant des formes improbables.

Tout ça donne envie, une prochaine fois, de venir féminiser l'équipe... Mais qu'est-ce que c'est loiiiin !

Jobig · 18-06-2023 21:24:36

Salut tout le monde,

@Azerty,

on n'a jamais su qui c'était... sur la photo de Gustave, on dirait qu'il fait vraiment parti de la troupe.

@Cat09,

Tu seras la bienvenue ! tout n'est que poésie chez nous... même quand on pète le soir dans nos duvets ! tu sais que jamais je me suis dit : les Pyrénées, qu'est-ce c'est loin ?

Jobig

PS : je programme une nouvelle édition du tro vraisemblablement à la mi-septembre.

Dernière modification par Jobig (18-06-2023 21:35:18)

Gustave · 18-06-2023 21:44:55

Jobig a écrit :

J’ai un peu de peine à suivre… j’avise une vieille chaussette abandonnée sur le bord du GR 34 et je ne peux m’empêcher de m’identifier à ce petit morceau de coton tricoté condamné à une solitude silencieuse, qui s’étale comme crucifié dans cette bruyère que le vent du nord-est s’active à dessécher. Se faire larguer sur le chemin, c'est tout moi, ça !

A la décharge de notre aimable guide et conteur qui a mené sa "Joy Division" d'un pas martial toute la journée, tel une locomotive, charbonnant devant comme un forcené, il était bien normal de prendre un peu le relais pour la section finale de cette première étape. On a hâte de lire la suite.

patou · 18-06-2023 22:32:48

J'adore !
Vivement la suite.
Et septembre

patou · 18-06-2023 22:33:57

Et votre intrus fout un peu les jetons quand même, non ?

ester · 18-06-2023 23:06:48

Bonjour à tous,

Votre invité surprise ne vous aurait pas collé un micro sous le sàd, par hasard ?
Jobig, tu parlais bien de Plogoff, à ce moment-là, non ???
D'accord avec Patou, je n'aurais pas aimé que l'intrus me suive, surtout d'aussi près.

Sinon je m'étonne qu'il reste des mégalithes pas encore réduits en tas de graviers au profit de la construction d'un supermarket... ou d'une piste d'atterrissage...*

Et concernant l'histoire récente...
Vous ne nous dites pas si les Hauts-Bretons ont utilisé leur Quilt Apex ?

*Edit : Pour ceux qui n'ont pas suivi, ces dernières semaines, des dizaines de menhirs ont été détruits à Carnac... pour construire un magasin de bricolage à la place...

Dernière modification par ester (18-06-2023 23:28:19)

Jobig · 19-06-2023 14:34:49

Bonjour ester,

J'avais quelques hésitations à évoquer ces menhirs de Carnac éradiqués sans autre forme de procès. Je manquais tout simplement d'information. J'ai beaucoup ri en lisant cet extrait du communiqué de la directrice de la DRAC Bretagne, c'est un chef d’œuvre de langue de bois : "L'atteinte à un site ayant une valeur archéologique n'est pas établie." Circulez, y a rien à voir...

Dans mon petit récit du Cap Sizun, j'explique que le SRA Bretagne a mis en ligne plus de 4 000 rapports de fouille, certains remontant aux années 70. Des raretés. Il se trouve que parmi ces documents, il y en a au moins deux qui concernent le secteur où l'on construit ce point de vente d'une grande enseigne de bricolage, respectivement datés de 2007 et 2010. Comme ce n'est pas le lieu pour développer, je me contenterai de dire que ces rapports de diagnostique attestent d'un environnement proche très riche en vestiges pour le néolithique et l'Age du Bronze. Les équipes de l'Inrap qui sont intervenues alors n'étaient pas composées de perdreaux de l'année, non plus (cela pourrait t'intéresser de savoir qu'un des archéologues responsables de ces chantiers a beaucoup fouillé à Fgr)...

J'ajoute que "le chemin de Montauban" (c'est comme ça que s'appelle le site) figurait parmi les sites labellisables par l'UNESCO, au même titre que le tumulus St Michel ou les grands alignements carnacois. L'association Koun Breizh (la mémoire bretonne) a porté plainte pour qu'une enquête détermine la chaîne de décisions qui a conduit à ce fiasco désastreux. Désastreux pour nos connaissance des débuts du néolithique en Bretagne et désastreux pour la confiance du public envers l'archéologie professionnelle et les services culturels de l'Etat qui la chapeautent.

Mais bon, après tout, c'est plus facile de disposer d'un magasin de bricolage quand on a un clou à planter que de se tourner vers une stèle de 3 tonnes, non ?

Les potes de Haute Bretagne : à vos claviers pour éclairer ester sur vos retours éventuels concernant les quilts apex !

Jobig

PS : Guichen, si tu pouvais me mailer tes photos du bivouac les pieds dans l'eau, je serais le plus heureux des rédacteurs de RL !

Dernière modification par Jobig (19-06-2023 14:50:36)

laxmimittal · 19-06-2023 17:03:43

aaahhh j'ai même pas pu attendre ce soir quand j'ai vu ton retour;

mais une remarque :

"J’ai la surprise de trouver un auditoire captivé par ce que je raconte."

perso, je ne suis pas du tout surprise car je n'ai toujours vus que des auditoires captivé.es dès que tu raconte.

comme d'hab je n'arrive pas à comprendre comment guichen peut porter son sac sans souffrir.

quant à l'intrus, il fait peur.

L.

PS: vous me manquez tous...

Dernière modification par laxmimittal (19-06-2023 18:30:57)

Jobig · 19-06-2023 17:11:49

Laxmimi a écrit :

vous me manquez tous...

Ben, nous on t'attend avec beaucoup d'entrain à la maison, cet été !

Jobig

guichen · 19-06-2023 21:53:21

Salut Jobig et les autres...

Jobig a écrit :

la pointe du Raz avait rang de pèlerinage familial annuel. La Vieille, Tévennec, l’Ile de Sein, Ar Men… autant de lieux mythiques pour tout.es les jeunes Breton.nes d’alors, que magnifia pour cette génération turbulente, à la croisée des années 70, les militantes, et des années 80, les alternatives, la lutte contre la centrale nucléaire que l’État français voulait imposer par la force à la population de Plogoff.

Je n'y étais pas mais tout jeune à Guichen, cela nous portait aussi!

J’ai la surprise de trouver un auditoire captivé par ce que je raconte.
Décidément, la réactivité de mon auditoire improvisé me ravit !

C'est la rançon du succès!

Porzh Peron comme au Cap d'Agde...

Ah bon? Je n'ai rien vu de tel!

Un léger embarras gastrique m’oblige à quitter la tête du cortège. Gustave, Guichen et Ruz se relaient pour imprimer un rythme soutenu au groupe dans ce paysage minéral très accidenté.

On a essayé de le semer sinon 2 heures de conférence en plus avec interrogation!

Mais non ! Les copains m’attendent un peu plus loin. pouce

Sinon, pas de rouquin!

Gustave, Guichen et moi, atteints par une crise de flemmardise aiguë, optons pour un déballage express de nos sacs de couchage et de nos matelas à même le sol bétonné. On dort bien à Ti Felix.

Ester a écrit :

Et concernant l'histoire récente...
Vous ne nous dites pas si les Hauts-Bretons ont utilisé leur Quilt Apex ? cool
Pas utilisé mais j'y pense!

Lax a écrit :

comme d'hab je n'arrive pas à comprendre comment guichen peut porter son sac sans souffrir.
quant à l'intrus, il fait peur.
L.
PS: vous me manquez tous..

Le sac était léger!

Lax: on arrivera bien à se revoir avant la fin de l'année.

Jobig a écrit :

PS : Guichen, si tu pouvais me mailer tes photos du bivouac les pieds dans l'eau, je serais le plus heureux des rédacteurs de RL ! smile

Celle-ci? L'énorme surprise de la fin de journée!

Gustave · 19-06-2023 22:23:34

Le pied !

azerty · 19-06-2023 23:43:14

L’arnaque.

Feat Gustave, guichen, Jobig et les copains

Bilbox · 20-06-2023 10:10:01

J'aime bien ta plume et les explications archéologiques. N'étant pas breton j'avais apprécié la renaissance de la harpe celtique de Stivell, qu'est-ce que tu lui reproches au juste?

tolliv · 20-06-2023 10:31:55

Ça donne vraiment envie tout ça !

Jobig · 20-06-2023 20:48:38

Salut tout le monde,

@Bilbox,

J'ai beaucoup aimé le Stivell des années 70. Je dois avoir tous ses albums. Renaissance de la harpe celtique, bien sûr, mais aussi, E Langoned, Trema'n inis, un devezh b'ar gêr, l'Olympia, etc. Il a été un musicien génial, d'un talent époustouflant. Mais Stivell, biberonné aux scouts Bleimor, a été élevé dans la foi d'une Bretagne libre, débarrassée de la domination française. Cet agenda politique transparaît dans toutes ses créations musicales (ce qui ne m'a jamais dérangé...). Mais à partir du début des années 80, cela devient relou, voire chelou. Le bonhomme lui-même se chope le cigare. Sur scène il phagocyte les autres artistes et ramène tout à lui. Le charme est rompu et le public breton commence à le bouder. Pour te donner une idée de la lourdeur de la poésie stivellienne pendant les événements de Plogoff (album Terre des vivants), je te propose la traduction du couplet de Beg ar Van (que je connais par cœur encore 40 ans après) :

Ar chas a glevan o harzhal
Setu ar soudarded c'hall
Prest eo ar bobl e penn ar bed
Prest eo evit ar gad diwezhañ
Vo ket 'vit c'hoariñ 'vel boazh
G'ar voger ba c'hein 'vo dic'hrazh

j'entends les chiens aboyer
Voilà les soldats français
Le peuple du bout du monde est prêt
il est prêt pour l'ultime combat
ce ne sera pas pour jouer cette fois-ci
car avec le dos au mur [le combat] sera sans merci

Voilà le genre...

Jogig

Dernière modification par Jobig (20-06-2023 20:49:15)

Jobig · 03-08-2023 21:31:07

Salut tout le monde,

Excusez cette longue interruption dans ma narration de nos aventures capistes. Ma tête était ailleurs. Je reprends donc le fil du récit pour le deuxième jour de balade.

Bonne lecture estivale !

Jobig

Deuxième jour au Cap

Les lueurs de l’aube éclairent doucement l’intérieur du penn-ti par la porte laissée ouverte. Loin vers l’Est, au fond de la baie de Douarnenez, le soleil s’élève imperceptiblement au-dessus de la calotte sommitale du Menez Hom, transmutant le ciel bleu nuit en volumes incandescents qui se découpent sur la mer d’encre (d’ancre?) s’ébrouant contre la falaise perdue au bout de la lande qui encercle Ti Felix. On ne célébrera jamais assez la félicité des nuits felixiennes. Mais l’heure n’est plus à la rêverie, c’était bon le temps de faire suer le monstre contre la bruyère au sortir du duvet, les châsses happées par ce panorama aussi exceptionnel que la baie de Bantree en Irlande. Tout le monde s’affaire, qui démontant prestement son abri, qui se repaissant d’un p’tit déj’ frugal sur une des banquettes de pierre de bothi. On planque les cadavres des bouteilles dans un buisson (on n’en a bu qu’une à nous cinq la veille… le reliquat étant réparti dans des gourdes souples prévues pour la conservation du vin), que l’un d’entre nous se dévouera à récupérer lundi soir. Seul ou en groupe le randonneur léger ne laisse pas trace de son passage.

Fort de ses bonnes résolutions, il plaît également au randonneur léger de se recueillir admiratif devant un lavoir restauré, surtout quand c’est le premier de la journée, emblème ardent (j’aime cet adjectif qu’on n’entend plus guère), solidement creusé dans la thronjémite, du petit patrimoine breton valorisé. La tronche de mes camarades lorsque, alors que nous nous lançons vaillamment dans notre deuxième étape, je leur virgule inopinément un bassin candidement offert au regard blasé des passants dans un recoin du sentier : scrupuleusement pétrie d’attention, un vrai p’tit chœur de fidèles, les potes ! Je transporte la moitié du pinard. Il y a peut-être un lien… le b.a-ba de la pédagogie bourrine, quoi ! La bonne vieille carotte… et c’est bien connu : le Kreiz Breizh, d’où je viens, regorge de pédagogues et le rouge fait tellement couleur locale…

Aujourd’hui on s’offre le tour des grandes pointes du Cap Sizun qui, s’échappant de leur plateau central couvert de landes ruisselantes de silènes maritimes aux fragrances subtiles, vont se vautrer dans l’océan fouetté d’embruns acides, et sur les flancs desquelles se tortille le sentier des douaniers en un long rhizome à la texture de galet. Ne me demandez pas où je vais chercher des phrases pareilles, parce que je me contente de les ramasser au petit bonheur : je remplie de mots choisis ma boîte à malices, je secoue bien fort et je claviotte le tout. J’appelle ça jacqueter stylé !

Au programme : la pointe de Penharn (le bout du cairn…), celle de Brezellec (faux ami : ça ne vient pas de brezel, la guerre, mais de brezhell, le maquereau, parce qu’on le pêchait de façon abondante à cet endroit), la pointe du Van (d’origine inconnue, un mot gaélique?), et enfin la très photogénique pointe du Raz (sans commentaire). Ne croyez pas que je joue les étymologistes sentencieux gratuitement : ce sont des questions que l’on m’a réellement posées pendant la balade, et que doivent se poser bien des randonneurs sans que leur curiosité soit pleinement satisfaite, du moins ceux et celles pour qui le breton n’est pas qu’un borborygme vaguement exotique crachoté sur l’écran de leurs coûteux smartphones.

Sous les falaises, la mer est tellement d’huile que les petits chaluts qui croisent au large pourraient remonter de la sardine en boîte directement dans leurs filets sans passer par les conserveries douarnenistes… il va faire chaud aujourd’hui, encore. j’ai repris la tête du peloton, mon trouble d’hier n’était que passager. Curieusement, il me paraît moins directif d’arrêter le groupe dans cette position pour lui proposer quelques commentaires sur les sites que nous traversons. Si j’étais en queue, il serait peut-être nécessaire de m’appareiller d’un sifflet pour stopper la course de mes véloces. J’imagine déjà la scène qui ferait frétiller d’envie un Sturmscharfürher bourré d’érudition : « Achtung, Halt : Hören Sie mir zu ! Kaputt ! Schnell !» un vrai cinoche à la Jean Marie Poiré… avec un Jobig tout excité à la place de Gérard Jugnot !

La côte du Cap Sizun est constellée de minuscules cales aménagées dans la plupart des cas au début de la 3ème République, tel le petit mouillage de Brezellec muni d’un escalier vertigineux taillé dans le granit à la fin des années 1880. Il fallait favoriser le développement de flottilles de pêche locales qui, à leur tour, approvisionneraient les conserveries du pays, lesquelles engraisseraient leurs propriétaires bourgeois, dont les riches demeures, un brin tapageuses, acquises à la sueur du front des ouvrières de ces manufactures, les filles, les sœurs et les femmes de ceux qu’on appelle les « Penn sardin’* », marquent encore le paysage urbain de Douarnenez et d’Audierne.

* Les penn sardin’ ou têtes de sardine peuplent la région de Douarnenez. A Chateaulin, on trouve les Penn eog, ou têtes de saumon (lequel fraye dans l’Aulne). Ah ! J’oubliais : On me signale qu’il y avait aussi des nièces et des cousines parmi ces dames ouvrières !

Nous ne nous attardons pas à Castel meur, l’autre forteresse grandiose de la protohistoire au nord du Cap et cinglons vers la pointe du Van… le vent nous portera… il est d’ailleurs bien agréable le zef qui souffle sur nos endosses alors que la température hausse le ton et vocalise dans les aigus en cette fin de matinée. La chapelle de St They est toujours close, comme en décembre dernier pendant notre repérage, alors que nous étions en quête d’un obstacle pour nous abriter du vent glacial qui nous battait froid (mais alors trèèès froid!) de partout à l’heure de midi. L’enclos prévu pour accueillir des foules immenses lors des pardons est si large que le vent s’engouffre dedans en alimentant un véritable tourbillon autour de l’église ; le mur qui emprisonna Merlin ne devait guère être différent… vous visez comment que je vous souffle le chaud et le froid à partir d’un souvenir anecdotique ?

Petit à petit nous nous rapprochons de la baie des Trépassés. Une fois les raidillons du Vorlenn surmontés, on embrasse des yeux le long et large vallon magique, faisant face à la mer, qui sépare deux mondes géologiques, le domaine centre armoricain, au nord, qui contient des fragments réduits à leur racine de l’immense chaîne hercynienne (ou varisque) et le domaine sud armoricain et ses cisaillements riches en vestiges minéraux témoignant d’un très vieux plancher océanique : les ophiolites de la baie d’Audierne (ou les grenats de l’île de Groix !)… vallon qui suture un ancien océan englouti dans les profondeurs terrestres (je ne suis pas à un paradoxe près…), une Atlantide inversée en quelque sorte… Cette fermeture océanique et son corollaire, le surgissement d’un formidable mur de montagnes furent générés par la formation d’un super continent né de la collision de plusieurs plaques tectoniques, connu sous le nom de Pangée, il y a 330 millions d’années ! Le plus inouï de cette histoire de mouvements terrestres, c’est que dans cette antique zone de subduction marine s’ouvrira bien plus tard un nouvel océan, l’Atlantique.

Peu de monde parmi les plagistes soupçonne l’envers du décor préhistorique de ce paysage de carte postale qu'est la pointe du Raz, de ses phares (ouest), de ses îlots (bientôt submersibles), de ses récifs comme enchâssés dans l’anse enrochée secouée par la houle nerveuse de la mer d’Iroise. La baie du ruisseau et non pas des Trépassés** comme le ressasse la communication touristique depuis plus d’un siècle, ne livre que très parcimonieusement ses secrets. Un exemple entre mille : il faut un œil averti pour remarquer sur la droite, quand on se tient sur la plage, ces quelques blocs rocheux à la texture friable noircis à la coke s’étalant sur l’estran et entrevoir alors que la période carbonifère y a laissé des traces, il y a 300 millions d’années... Et le travail des historiens de confirmer qu’une houillère fut belle et bien exploitée entre le milieu du 18ème siècle et la Belle Epoque… Même s’il n’en reste rien aujourd’hui.

** Une erreur de transcription est à la source de la transformation de l’originel bae an a’on (la baie du ruisseau ou du cours d'eau, ce qui reflète pleinement la réalité topographique) en un burlesque bae an anaon, proche phonétiquement (littéralement la baie de âmes défuntes), passé depuis à la postérité ! Baie des Trépassés, ça sonne tellement mieux aux oreilles des conseillers en marketing !

Excusez pour cet exposé hyper concentré et un peu décousu ! Qu’un espace si modeste recèle autant de trésors porte l’émerveillement à ébullition. Des explications plus détaillées sont réservées aux seul.es complices de mes virées pédestres. Hé ! Hé !

On fait le plein d’eau dans les toilettes du parking de la baie. Petit arrêt casse-croûte à l’ombre des falaises et nous poursuivons jusqu’à la pointe du Raz. On commence à redouter les moments où le vent s’arrête de souffler… c’est la chaleur qui se met au charbon avec l’entrain d’un cheminot devant la chaudière de sa loco en ce début de mois de juin. A chaque fois que le silence se fait, à peine rompu par le bruit de mes grolles sur le sentier rocailleux (j’ai le pied léger !), j’ai l’impression d’être happé par une étuve.

Est-ce la foule qui se presse autour du sémaphore et la statue de Notre Dame des Naufragés ? Le soleil que rien n’arrête sur ce lambeau de terre arasé ? Toujours est-il que nous ne nous attardons pas sur la pointe. Je ne sais pas pour les autres, et ça n’a rien de personnel envers la masse des touristes qui n’a que le tort d’être là (et qui en a parfaitement le droit !), ce n’est même pas clairement formulé, mais l’idée de m’éterniser soulève en moi un sentiment de profonde inutilité, de dégoût, presque. Je ne suis pas à ma place. Notre randonnée traverse un monde qui n’est pas le nôtre. Du moins, pas aujourd’hui. C’est décidé : on gerbe ! tant pis pour l’ultime rostre du promontoire qui fait face à la Vieille, on ira une autre fois ! Je constate avec une pointe de soulagement que les autres n’ont pas l’air très motivés, non plus. Les premières chaleurs de l’été qui s’annonce produit ses effets débilitants sur nos corps de Bretons encore peu acclimatés aux excès thermiques.

Ruz prend la tête de la colonne et nous tournons le dos à la mer d’Iroise. Commence une longue descente vers la baie d’Audierne. Le Cap Sizun est divisé en 3 espaces distinctes (c’est normal au vue de sa forme triangulaire…) : la baie de Douarnenez au Nord, l’Iroise à l’Ouest avec l’île de Sein (que les Capistes ont surnommé en breton ar C'hap don, le cap profond), et la baie d’Audierne, au seuil du Pays Bigouden qui s’étend à perte de vue au Sud-Est et qui remplit l’horizon maintenant que nous approchons du petit port de Bestrée.

Je conseille à Ruz de ralentir un peu le rythme car nous ne sommes plus très loin de Feunteun Aod, où j’ai planifié un arrêt sanitaire. Inutile de s’esquinter la carcasse. Le soleil nous pilonne de plus en plus durement alors que nous nous engageons sur un sentier tracé au beau milieu d’une lande en friche. Brusquement la ventilation s’arrête complètement. On se cogne à nouveau le Sahara… c’est étouffant. On morfle. Curieux comme le temps lambine quand on en chie. Enfin, les lacets de la voie d’accès du mouillage apparaissent. Soulagement général. On s’empresse de se partager l’ombre portée des bâtiments du club de plongée surplombant la cale. C’est là que l’État voulait construire la fameuse centrale, au prix d’un rabotage monstrueux de 300 M de falaise pour ce Flamanville breton. Le site se prête donc aux longs débats sur les énergies alternatives au nucléaire, question des plus délicates… qui va nous occuper un certain temps, et même un temps certain !

C’est à Feunteun Aod (le d final se prononce localement comme un t sonore, je précise !) que s’achève la portion maritime de notre deuxième étape. Ruz et Nikolaï doivent reprendre le collier le lendemain, aussi est-il prévu de se séparer à Plogoff, où les attend leur véhicule. Direction les chemins de terre du Cap, un vrai labyrinthe que votre Thésée local avait préalablement sondé, pour rejoindre le bourg de la manière la plus économe en goudron.

Quelques boissons plus tard prises à la terrasse du seul rade plogoffite ouvert, et Guichen, Gustave et moi prenons congés des deux compères pour gagner notre spot de bivouac avec piscine aménagée... que j’ai décidé de tenir secret. La soirée s’écoule doucement à la belle étoile comme un grand cru versé par un maître échanson dans les verres de convives un soir de dîner aux chandelles (c’est dire à quel point ce fut précieux et délicieux). La nuit a depuis longtemps noyé nos abris de son obscurité quand nous nous glissons dans les toiles.

Ha bremañ p'eo echu va zon
Ma 'peus ket soñj mat deus an ton
Kanit ane’hi war un ton all
Ha kanit, kanit 'giz gwechall...

Et maintenant que ma chanson est terminée
Si vous ne vous souvenez pas bien de l’air
Et bien, chantez-la sur un autre air
Et chantez, chantez comme autrefois…

Keleier Plogo (Denez Abernot – 1979)

Dernière modification par Jobig (07-08-2023 16:58:45)

Gustave · 03-08-2023 23:14:36

Arff... Maître Jobig de retour !
Quelle verve ! ça valait la peine d'attendre

Jobig, ton récit nous rappelle que l'été en Bretagne, c'était en juin !

J'ai hâte de lire les mots tirés de ta boîte à malice qui me rappelleront à quel point les rayons UV de notre cher astre céleste ont su peser lourd sur nos épaules lors de ce troisième jour au Cap.

azerty · 04-08-2023 07:11:11

C’est telemant bien écris, sa donne envie d’y avoir allez avec vous.

Ahhhhh, la félicité des nuits felixiennes

patou · 04-08-2023 08:07:24

Quel "ardent" récit ! Y a pas à dire tu sais vraiment "jacqueter stylé" c'est un régal.

le b.a-ba de la pédagogie bourrine, quoi ! La bonne vieille carotte…

ou le carburant breton

Des explications plus détaillées sont réservées aux seul.es complices de mes virées pédestres.

Yes ! En espérant que l'été ne revienne pas en septembre

axel rouge · 04-08-2023 09:28:40

J'habite là et depuis le COVID il y a beaucoup de monde, les mairies ont mis des interdits un peu partout (bivouac, camping car. Stationnement, parc marin...)car il y a eu de mauvais comportement ( camping car, camping, voiture vantouse, déchets. Crotte et p-q..).
Je subit ces interdictions en tant que pratiquant de ma région ( c'est compliqué à expliquer mais entre autres je n'ai plus accès à la côte à certains endroits)et franchement, il y a du monde depuis le COVID. C'est la chine, plus que ne peut supporter l'environnement (oiseaux. Végétation..). Au point que certains office de tourisme un peu plus au sud de la région arrêtent de communiquer.
Voila, c'est bizarre de dire ça, mais c'est un peu comme si je vantais mon tour dans la Vanoise alors que c'est blindé ( du coup bivouac interdit). Quoique en Vanoise les offices de tourisme continuent à faire de la pub et dans le cap aussi.
Désolé de cette note un peu négative qui peut être mal prise.
Heureusement se qui nous sauvent, capiste, c'est la météo, ici c'est la mousson et le vent casse les tentes.
Il y a de plus en plus de mauvaise action qui me font honte aussi de la part de gens du coin ( ou néo- breton plutôt) pour faire fuir les touristes. C'est indéfendable comme comportement ( comme sur la côte Basque!). Mais c'est vrai que des fois c'est lourd , surtout depuis les canicules et le COVID. Trop de monde qui ne respectent rien et trop de monde par rapport à ce que peut supporter l'environnement naturel. Je passe les détails.
Mon message sera pris comme vous voudrez mais ce sont juste des faits, rien que des faits.
Je ne dit pas ça pour reprocher aux groupes qui sont passés,mais si vous pouviez ne pas faire de pub, c'est encore mieux ...les offices de tourismes ( 30 km plus au sud, mais ça remonte avec le réchauffement ) ne font plus de photos de la mer maintenant. C'est très intelligent.
Voila, je ne dis pas ce qu'il faut faire, j'en sais rien. Je suis certain que vous avez bien respecté la végétation, ramasser votre p-q. Pas trop approcher les oiseaux marin, pas fait de bivouac dans le parc d'Armorique mais c'est pas le cas de tout le monde.
A vous de voir en comprenant le problème.
Par ex, si vous approchez d'un nids même sans le savoir( 100m) d'oiseaux marins, les parents tournent autour de vous, cris, et le goélands marin ou faucon en profite et mange les petits.
Explication pour les chiens dans la réserve, mais vous pouvez comprendre que les sternes, fulmard, pingouins, crave et guillemots ne connaissent pas la frontière de la réserve pour niché, ou alors on leur laissent cette partie de côte?
Du coup il y a de moins en moins d'espèces d'oiseaux pour une suprématie du goélands( il y a d'autres facteurs, je précise car je vois déjà les commentaires derrière). C'est juste un exemple, je ne vais pas tout détailler, c'est un environnement naturel donc fragile par rapport à la pression touristique qui s'accentue. J'ai déménagé de Concarneau à cause de ça et je vais devoir aller aux îles bientôt!
Un autre exemple bien parlant, ce qu'est devenue la Pointe du Raz avec ces larges allées entre des câbles pour canalisé les promeneurs, sans végétation, son centre de vente de carte postal, son parking payant...Bon, avant j'allais plongé dans le raz à pied, en descendant au bout, maintenant il me fraudais payer le parking et marché avec mon matos ultra léger (10 kg à l'allée, 20 kg au retour), c'est plus possible.
https://www.ouest-france.fr/tourisme/re … 95ed7c2106

Voir aussi le cap de la chèvre:
https://www.letelegramme.fr/finistere/c … 782957.php

plage de l'île vierge:
https://www.letelegramme.fr/finistere/c … 191418.php

Dernière modification par axel rouge (04-08-2023 10:18:51)

Jobig · 04-08-2023 10:39:56

Bonjour Axel et bienvenue sur RL !

Je suis content qu'un Capiste se manifeste ici. Notre pratique de la randonnée est des plus respectueuse pour l'environnement, faune et flore comprises (on en fait une question de respect de soi et des autres !). La MUL c'est même l'anti tourisme de masse par excellence. Tu ne croiseras pas lerchouille de gaziers ou de gerces comme nous sur les sentiers du Cap (ou d'ailleurs). Ce que tu exposes, je l'ai parfaitement ressenti en vadrouillant par chez toi, sans que personne n'ait besoin de me l'expliquer. Je pense que pour les autres, c'est du kif.

Publier ? Ne pas publier ? Il faut des récits pour faire vivre ce site. Mais dorénavant, je ne divulguerai plus les coordonnées de mes spots bretons et tairai les infos un peu trop sensibles, les gardant pour celles et ceux qui viendront avec moi, ou qui me le demandent gentiment (je me répète, là : je dois commencer à radoter, que voulez-vous c'est l'âge...).

J'ai l'intention d'organiser une autre sortie au Cap et je serai heureux de t'accueillir parmi les participant.es. La date reste à fixer. A l'automne, probablement (afin de laisser à Patou la marge nécessaire pour qu'elle puisse mettre à profit dans ses marais salants l'été indien qui risque bien de se profiler cette année... ).

@bientôt!

Jobig

edit : souligné

Dernière modification par Jobig (04-08-2023 11:03:35)

axel rouge · 04-08-2023 11:40:21

Merci de votre compréhension. Bonne idée.
Je fais de même pour des endroits de montagne que je garde secret. C'est différent quand je croise des gens chez moi. Je leur montre des spots secret, mais sur les fofos c'est pas pareil en terme de partage humain. Déjà c'est x1000.
Alors pour une randonnée itinérante dans le cap,je ne sais pas trop car j'arpente tellement le coin que je connais trop bien.
De plus il pleut tout le temps et c'est hyper difficile, dénivelé, vent violent glissade, c'est trop dangereux. Le nombre de personnes qui tombent de la falaise, oulala. Pour finalement pas grand chose.
Je sais bien que vous respectez (sans chien qui court partout en dehors de la réserve, après des oiseaux qui s'installent en dehors de la réserve, qu'est ce que tu veux, c'est pas faute de leurs dire....clin d'oeil, bah. Si il n'y en a qu'un ça va, loll) et je ne ferai jamais la leçon, (même si je vois des gars en dehors des clous)c'est pas mon job.c'est un peu ce que je viens de faire avec boutade. ..Le soucis c'est le nombre et le tourisme de masse.
Et aussi les jugements sur nos pratiques local.
Il y a beaucoup de néo breton (gentrification) ou de touristes qui nous expliquent comment on devrait faire pour vivre, mais ça c'est autre chose.
Bien content d'avoir été compris.

Dernière modification par axel rouge (04-08-2023 11:48:22)

tolliv · 04-08-2023 12:05:50

Ce problème de tourisme de masse n'est malheureusement pas réservé à la Bretagne. Après avoir délocalisé nos industries dans d'autres pays, on délocalise les habitants des grandes villes !
C'est embêtant cette histoire mais il y a tellement de pressions commerciales pour que la France puisse vivre du tourisme que cela dépasse le raisonnable.

Je ne suis pas convaincu que les hordes de touristes regardent des récits sur RL. Cet récits ne vont donner envie qu'aux randonneurs et le plus souvent ceux-ci n'y vont pas pendant la période estivale.
Quand on est touriste, si on cherche dans son moteur de recherche préféré "quels endroits voir absolument en Bretagne", on n'arrive pas sur RL..

axel rouge · 04-08-2023 12:25:32

C'est vrai.
De plus je suis pour un tourisme intelligent, et la rando en fait parti. Quand j'en vois sur le gr34 je discute (combien pèse ton sac?)et ça me fait plaisir de voir des gens braver les conditions météo effroyable, l'eau glacé avec des courants marin qui t’entraînent au large, le dénivelé, chemin en dentelle pour ne pas avancer que jusqu'à la pointe que tu vois depuis une heure...C'est bien d'être courageux à ce point.
Finir en stop par la route, quoi!
Franchement avant je ne voyais personne.
C'est mieux que ceux qui font St Malo, Mont St michel, pointe du Raz, la torche, Guilvinec et la ville close de Concarneau en deux jours.
Bref, je suis d'accord avec ça.

Dernière modification par axel rouge (04-08-2023 17:36:21)

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