Aller au contenu

Annonce

Réservez vos dates pour le Camp d'été 2024 : 10 au 17 août dans le Queyras !

#101 15-11-2011 01:14:24

Guybrush84
Threepwood
Lieu : Aix en Provence
Inscription : 02-08-2010

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Simples randonneurs, il nous faut lire, apprendre, rester humble et surtout respecter les disparus. Il est évident qu'ils ne sont pas partis en pensant prendre des risques.
Oscar ou Carn mor Dearg, ont des paroles mesurées et semble-t-il d’expériences, et il en faut pour intervenir sur un tel sujet.

Hors ligne

#102 15-11-2011 09:59:59

Oscar
Membre
Inscription : 01-02-2005

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Je livre ci dessous une analyse personnelle.

Par delà l'émotion causée par ce drame, notre désir de le comprendre et de savoir ce qui s'est passé nait, je pense, du sentiment intime qu'en agissant autrement, la cordée aurait pu s'en sortir.

Ce sentiment se nourrit lui même, de notre difficulté à accepter la part d'inéluctable et de risque contenue dans toute pratique des activités de montagne, et quelque part ce serait rassurant pour nous même de "trouver l'erreur", puis la solution pour ne pas la commettre nous même. Et alors nous convaincre que dans les mêmes conditions, ou dans des cas analogues, on n'aurait pas commis la même erreur et qu'à leur place, nous nous en serions sorti vivants.

Ce qu'il nous est difficile d'accepter, c'est - selon moi, que :

  • malgré notre expérience, il est toujours possible de  mourir en montagne, même sans commettre d'erreur grossière ni dangers objectifs (chute de pierres, avalanches).

  • Partir avec un guide ou un accompagnateur en montagne ne constitue  pas une assurance vie

  • Même les secouristes peuvent rester impuissants à agir en conditions météorologiques très défavorables, et il reste en France des espaces où un appel a secours entendu ne sera pas systématiquement de secours immédiat et heureux

Hors ligne

#103 15-11-2011 11:10:09

Askelon
Membre
Lieu : Bretagne
Inscription : 28-09-2008
Site Web

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Pourtant, cela peut paraitre une évidence, non ? C'est plus l'inverse qui pourrait me gêner, finalement, par exemple les tentatives de trouver des solutions a posteriori pour une histoire qui visiblement, vues les conditions rencontrées, ne pouvait pas se résoudre positivement ; comme dit plus haut il est toujours plus facile de raisonner après coup, mais cela reste bien souvent vain. Les liens donnés par mrifwanted montrent les efforts fournis par les secours, et en lisant on se rend bien compte que parfois, malgré toute la volonté du monde, il est juste impossible de sauver des gens. On peut, à la limite, tirer des leçons des erreurs commisent si il est avéré qu'il y en a, mais bien souvent il faut juste accepter le fait que même sans erreur, le pire peut arriver. C'est d'ailleurs pareil dans la vie de tous les jours, même si statistiquement le fait d'entreprendre l'ascension d'un sommet présente probablement plus de risques mortels que le fait de traverser la rue dans les clous. Mais dans les cas, la personne est − selon moi − consciente des risques qu'elle prend.

On retrouve d'ailleurs régulièrement ce genre de réflexions à chaque nouvelle tragédie ; je me souviens encore des débats sans fin en 1997 quand Jerry Roufs a disparu lors du Vendée Globe, ça m'avait beaucoup marqué. Il a parlé de « déferlantes hautes comme des montagnes », je crois, puis on a retrouvé les restes de son navire des mois plus tard à des milliers de kilomètre de sa dernière position connue, malgré les vastes recherches menées dans la zone par les autres skippers et des cargos de passage dans la région. On peut aussi citer la disparition de Tabarly, et de beaucoup d'autres grands navigateurs. Dès lors qu'on entreprend des courses engagées, par exemple le Vendée Globe qui est une des courses les plus engagées qui existent, on est pleinement conscient des risques que l'on prend ; je peux « comprendre l'incompréhension » de beaucoup de gens face à ce type de conscience, accepter ainsi de risquer sa vie pour assouvir une passion, mais pour ma part l'histoire de Jerry Roufs m'a fait réaliser que parfois, on ne peut simplement rien faire pour empêcher une disparition…

Finalement c'est peut-être tout simplement le fait que l'on ne puisse pas tout contrôler qui effraie, et qui pousse à chercher sans cesse des explications ? Le fait que malgré les moyens techniques actuels, des tragédies restent inévitables ?

Hors ligne

#104 15-11-2011 17:22:26

Bison
OpaRando
Lieu : Quaregnon - Belgique
Inscription : 05-01-2007

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Bonjour,

Oscar a écrit :

Par delà l'émotion causée par ce drame, notre désir de le comprendre et de savoir ce qui s'est passé nait, je pense, du sentiment intime qu'en agissant autrement, la cordée aurait pu s'en sortir.

Ce sentiment se nourrit lui même, de notre difficulté à accepter la part d'inéluctable et de risque contenue dans toute pratique des activités de montagne, et quelque part ce serait rassurant pour nous même de "trouver l'erreur", puis la solution pour ne pas la commettre nous même. Et alors nous convaincre que dans les mêmes conditions, ou dans des cas analogues, on n'aurait pas commis la même erreur et qu'à leur place, nous nous en serions sorti vivants.

Il y a certes la part d'inéluctable (les risques dits objectifs), et puis, il y a certainement la part de risques "inconsidérés".

Partir "léger" que ce soit en alpi, en rando, en mer ou dans les airs ... en étant dangereusement tributaire d'un créneau météo étroit et d'une condition physique "parfaite", sans marge de sécurité ... est-ce un pari raisonnable?

Ou est-ce de l'inconcience?

Personnellement, tout mon respect irait au guide qui aurait su dire non, qui aurait expliqué à sa cliente :  "C'est comme cela que les tragédies arrivent. Allez, on remet cela à l'année prochaine."

Ça, c'était la solution. Après, effectivement, il n'y avait plus qu'à subir; et/ou à compter sur la chance.

Respect donc à tous les professionnels, dans toutes les professions "engagées", qui ont appris à dire "non".


La balance n'est pas un maître, mais un serviteur

Hors ligne

#105 15-11-2011 18:32:59

Carn mor Dearg
Revenant
Lieu : Belgique
Inscription : 17-07-2005

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Guybrush84 a écrit :

Il est évident qu'ils ne sont pas partis en pensant prendre des risques.

Carn mor Dearg a écrit :

Quand on pratique à ce niveau, on joue clairement avec sa vie.
Ceux qui ne s'en rendent pas compte sont simplement inconscients.
Sortir d'une course où l'on a ostensiblement "engagé la viande" procure un sentiment unique, c'est une drogue, un jeu très excitant.
Malheureusement, au jeu, parfois on perd hmm

Je pense qu'ils étaient pleinement conscients des risques inhérents à ce genre de course.
Comme évoqué par Mirfwanted, cette face nord faisait effectivement partie des "3 grands problèmes des Alpes" (avec celle du Matterhorn et de l'Eiger).
Ce sont des parois de légendes, monter un projet dans la nord des Jorasses, c'est un rêve d'alpiniste, un aboutissement ou une étape vers quelques chose de plus dur encore, mais ce n'est pas anodin.
Et certainement pas sans risques.
La montagne c'est magnifique, grandiose, attirant, ressourçant, grandissant... mais aussi mortellement dangereux.
Pour réagir à ce qui dit Oscar, personnellement, j'accepte pleinement les risques liés à la haute montagne et comme je l'ai dit plus haut, j'aime ça.
C'est un avis tout personnel, mais cet accident est certes dramatique mais pas anormal, je n'ai aucun "problème" avec ça.  Je ne cherche pas à tout prix des explications, je me suis fait mon avis, je l'ai couché plus haut.  J'écris ici pour éclairer de mes modestes lumières certaines interrogations/réactions qui parfois m'agacent car il y a des années j'aurais sans doute eu les mêmes !!

P.S.: j'aimerais aussi réagir au message de Bison ci-dessus mais là je suis à la bourre... wink

Dernière modification par Carn mor Dearg (15-11-2011 18:34:29)


"C"est juste l'éthique britannique. On garde les montagnes vierges, sans spits. Beaucoup de voies sont faciles, tu peux te protéger avec des coinceurs. Alors pourquoi mettre des spits? Pour abaisser la montagne à ton niveau?" Andy Turner

"Nager. C'est ce que l'on recommande en cas d'avalanche. Nager? Ceux qui écrivent les guides de survie sont des rigolos." Joe Simpson

Hors ligne

#106 15-11-2011 21:42:21

Oscar
Membre
Inscription : 01-02-2005

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Au sujet de la prise de risque en montagne, il y a quelques ouvrages qui en parlent relativement bien dans la littérature alpine. Je vous liste ceux que j'ai apprécié, et dans lesquels se pose la question du "pourquoi". Pourquoi prendre de tels risques ?

Le dénouement, de Simon Yates
Encordé avec des ombres, de Joe Simpson
Solos, de Christophe Moulin

Les 2 premiers auteurs ont été liés, et d'une certaine manière déliés, lors d'une aventure alpine devenue fameuse et relatée par Joe Simpson dans le livre intitulé La mort suspendue. Simon Yates étant celui qui a coupé la corde.

Hors ligne

#107 16-11-2011 00:12:57

oli_v_ier
Administrateur
Inscription : 24-01-2005
Site Web

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Bison a écrit :

Il y a certes la part d'inéluctable (les risques dits objectifs), et puis, il y a certainement la part de risques "inconsidérés".

Partir "léger" que ce soit en alpi, en rando, en mer ou dans les airs ... en étant dangereusement tributaire d'un créneau météo étroit et d'une condition physique "parfaite", sans marge de sécurité ... est-ce un pari raisonnable?

Ou est-ce de l'inconcience?

C'est pas si simple que ça, Bison. On n'est pas: soit raisonnable, soit inconscient.

Perso j'y connais pas grand chose en matière d'alpinisme, à part ce qu'on lit dans les grands classiques. Et surtout je n'ai jamais pratiqué, donc je m'abstiens de toute affirmation, surtout du style: "ils auraient pu faire ci ou ça, ils auraient pu ne pas y aller, ou attendre, etc", pire encore "ils n'auraient pas du y aller, c'était ça la solution" roll .

Oui la prise de risque existe dans d'autres activités et il y a des points communs. Mais parfois ça se joue à peu de choses et il me semble qu'il faut avoir une connaissance très détaillée du contexte, des personnes et de leurs choix pour espérer avoir un avis pertinent sur la question.


La marche ultra-légère n'est pas un but, mais un moyen. "Un sac lourd est un sac bourré d'angoisse."
Mon équipement pour l'Islande 2008 en détail.

Hors ligne

#108 16-11-2011 01:48:02

solo41
*
Inscription : 16-05-2010

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Rien n’est simple en effet, mais je serais plutôt de l’avis de Bison.

Selon ce que j’ai pu lire ici ou là de sensé, cohérent et concordant, ces malheureux sont partis en sachant (tout le monde savait) que la météo allait se dégrader gravement et leur laissait juste le temps d’effectuer leur course dans des conditions normales. Ils étaient donc contraints de respecter leurs délais. Un retard allait inévitablement les mettre dans de très vilains draps, quelqu’ait pu être leur équipement.

Je considère qu’il y avait là une prise de risque importante. Ce n’est pas un jugement, c’est un constat.

D’autre part, lorsqu’on a charge de famille, a-t-on le droit de prendre des risques aussi importants, même si la famille les accepte ? Et les enfants ? Auraient-ils été d’accord pour risquer de devenir orphelins au seul motif que papa (ou maman) voulait assouvir sa passion ?

Vaste sujet …

Dernière modification par solo41 (16-11-2011 02:33:05)

Hors ligne

#109 16-11-2011 02:38:28

Carn mor Dearg
Revenant
Lieu : Belgique
Inscription : 17-07-2005

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Solo41 a écrit :

Selon ce que j’ai pu lire ici ou là de sensé, cohérent et concordant, ces malheureux sont partis en sachant (tout le monde savait) que la météo allait se dégrader gravement et leur laissait juste le temps d’effectuer leur course dans des conditions normales. Ils étaient donc contraints de respecter leurs délais. Un retard allait inévitablement les mettre dans de très vilains draps, quelqu’ait pu être leur équipement.

Carn mor Dearg a écrit :

Malheureusement pour eux, le temps s'est détérioré méchamment.  Prévu, pas prévu...?  tous les guides suivent la météo comme une série télé donc probablement pas prévu ou certainement pas si vite.  Sans quoi le guide ne serait certainement pas parti (à moins d'imaginer le cas des alpinistes boulimiques qui partent coûte que coûte, il y en a...)

Christophe Dumarest a écrit :

"L'alpinisme participe d'une urgence de vivre."


"C"est juste l'éthique britannique. On garde les montagnes vierges, sans spits. Beaucoup de voies sont faciles, tu peux te protéger avec des coinceurs. Alors pourquoi mettre des spits? Pour abaisser la montagne à ton niveau?" Andy Turner

"Nager. C'est ce que l'on recommande en cas d'avalanche. Nager? Ceux qui écrivent les guides de survie sont des rigolos." Joe Simpson

Hors ligne

#110 16-11-2011 02:49:51

oli_v_ier
Administrateur
Inscription : 24-01-2005
Site Web

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

solo41 a écrit :

il y avait là une prise de risque importante

Celà me semble d'une évidence triviale. Est-ce vraiment celà qui est en question ici (s'il y en a une) ?

solo41 a écrit :

D’autre part, lorsqu’on a charge de famille, a-t-on le droit de prendre des risques aussi importants, même si la famille les accepte ? Et les enfants ? Auraient-ils été d’accord pour risquer de devenir orphelins au seul motif que papa (ou maman) voulait assouvir sa passion ?

Oui pour ta première question et ça dépend de chacun pour ta dernière question.

Voici ce que disaient les filles de Patrick Berhault (Coralie et Flore) dans une discussion de Camp to Camp.

Flore a écrit :

Je suis la fille de Patrick Berhault, enfin la cadette.
Pour vous répondre je ne pense pas que ce soit un acte égoïste, mieux vaut voir un être cher, un père peu de temps heureux, passionné et en pleine forme plutôt qu'un père toujours présent, triste, loin de son monde, dans une vie qu'il n'affectionne pas et qui l'étouffe.
Les moments que j'ai passé avec mon père étaient des moments merveilleux et plein d'amour c'est tous ce que je demandais.
                                           flore

Coralie a écrit :

Henri,

j'ai lu votre mail, et l'avis que vous émettez est l'avis de beaucoup de gens, je pense, concernant non pas mon père, mais la passion.
Toute personne passionnée peut-être présumée égoiste, mais un passionnée qui ne vit pas sa passion n'est pas un être heureux, et n'est donc pas à même de rendre les gens qui l'aiment heureux. Et mon père, en pratiquant sa passion, nous a donner de belles leçons de vie. Parce qu'il faisait ce que beaucoup de gens sont incapables de faire ou ont peur de faire : réaliser ses rêves. Il nous a montré que c'est possible.
Et en plus, l'amour qu'il nous a donné et nous donne encore, est incommensurable. il est un bon père, un père excellent, et vraiment loin, très loin d'être égoïste.

A bientôt.
Coralie (sa fille aînée).

http://www.camptocamp.org/forums/viewto … 779#p73779

La vie de l'autre ne nous appartient pas.


La marche ultra-légère n'est pas un but, mais un moyen. "Un sac lourd est un sac bourré d'angoisse."
Mon équipement pour l'Islande 2008 en détail.

Hors ligne

#111 16-11-2011 14:17:46

Bison
OpaRando
Lieu : Quaregnon - Belgique
Inscription : 05-01-2007

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Bonjour,

oli_v_ier a écrit :
solo41 a écrit :

il y avait là une prise de risque importante

Celà me semble d'une évidence triviale. Est-ce vraiment celà qui est en question ici (s'il y en a une) ?

J'ai lu sur C2C un intervenant s'insurger contre "la mode du light". (Dans le fil de discussion sur les circonstances du drame, fil supprimé bloqué hier par la modération).

Nous devrions nous sentir concernés car, les vertus de l'équipement léger au sens de la MUL sont bien celles évoquées par les Alpinistes comme nécessaires pour la réussite de ce type de course. Ce qu'il faut et juste ce qu'il faut pour "passer" en une journée, voire en deux avec un matos de bivouac "de survie".

Partir avec l'équipement minimum donne plus d'agilité, plus de rapidité et au final plus de sécurité en progression. Plus d'options même dans certains cas.

OK, le précepte a fait ses preuves, aussi bien en rando que dans les autres disciplines "engagées" que je connais. En aviation, par exemple le poids est l'ennemi de l'aviateur, avec des enjeux économiques et des compromis de sécurité d'un autre ordre de grandeur. En conséquence, personne ne décolle avec des réserves de carburant inconsidérées; parfois, on part avec une réserve vraiment "minimum" - mais les conditions doivent être parfaites ...

Ce qui pour moi est fondamental, c'est qu'il reste une ou des "options". C'est-à-dire des alternatives, des "portes de sortie", si les choses tournent mal :  l'imprévu est prévisible, il fait partie de la vie ...

Dans le cas de figure dont on parle ici, il n'y avait pratiquement pas d'option, pas de porte de sortie si le projet venait à prendre plus de temps que prévu. D'après ce que j'ai pu lire sur C2C dans le fil supprimé, les prévisions de mauvaise météo pour le jeudi étaient claires, et les prévisions étaient "pires" pour les jours suivants.

Donc, pas d'option de secours, pas d'option de redescente  "sûre" le lendemain du départ.

S'ils avaient su patienter, ou remettre à plus tard, et finalement tenter le coup à l'occasion d'un créneau météo bien large, ils auraient alors gardé au moins deux options (pour ce que je peux comprendre) :  redescendre d'une manière relativement sûre, ou appeler les secours.

Savoir patienter ... est-ce incompatible avec la passion de l'alpinisme?
Pour moi, ce serait plutôt une vertu cardinale dans toutes les activité engagées .
___________________________


Tout comme la capacité à évaluer les risques, à bien avoir conscience des risques particuliers propres à une situation particulière, et savoir les ré-évaluer en cours de route aussi.

Il me vient à l'idée ceci (c'est bien évidemment une hypothèse, une piste de réflexion) :

Ayant bien appréhendé les risques au départ, et constatant courant du premier jour que la progression imposerait un bivouac de fortune et une redescente périlleuse le lendemain ... pourquoi ne pas avoir appelé les secours en fin de journée quand il était encore temps et à un endroit où c'était possible? Ou demander, si l'évacuation est trop risquée, de se faire déposer du matos de survie "conséquent" en un endroit accessible ?

Quelqu'un avait émis cette hypothèse sur C2C. La réponse était qu'il ne vient pas à l'idée d'appeler le PGHM pour un simple "coup de pompe" d'un équipier.

Ce qui montre pour moi à quel point la réflexion sur la gestion des risques est peu profonde.
Car c'était pourtant une option, la dernière ...

Décision peu "honorable"?
Inconsciemment, peut-être.
L'ego est un facteur de risque trop souvent sous-estimé.

___________________________________________________

Il me reste une autre piste de réflexion, concernant le risque météo.

Les grandes courses en mer ont une assistance météo dédiée.
Les compagnies aériennes ont un "dispatch" qui collecte et transmet aux avions en vol les infos pertinentes.
Les équipages rapportent les conditions météos "anormales" constatées en vol :  fort givrage, forte turbulance etc.
La météo retransmet ces infos, de même qu'elle transmet en urgence toute connaissance de phénomènes météo particulièrement dangereux (sigmet).

Je n'ai jamais entendu parler d'un véritable "service" dédié aux sorties en montagne.
(Je ne parle pas des simples bulletins météo "montagne" -  payants et, de ma petite expérience, inaccesibles d'ailleurs aux téléphones étrangers,  ce qui en dit long sur le soucis de sécurité)

Je parle d'un service, payant ou non, que l'on pourrait appeler pour connaître aussi précisément que possible les toutes dernières évolutions météo.

"Allo, Cham-met? Quelles sont les dernières infos concernant la face sud de ... ?
- C'est couvert, je vois des orages sur la page radar.
- Ok, bien reçu. Les dernières prévisions pour demain?
- Les prévisions sont bonnes, c'est un front qui passe vite
- OK, merci, on va aviser."
Evidemment, les infos données peuvent être plus techniques.
Mais si l'interlocuteur est un pro, il fournira l'information pertinente.

On peut rêver, hein?
Ce serait juste l'opposé des show météo à la télé ...

À défaut d'un tel service, et juste pour les grandes occasions :  un collègue de confiance, resté à la base?
_______________________________________

PS important :

Pour moi, analyser un "scénario d'accident", en discuter, en retirer des leçons ou simplement des idées, ce n'est pas manquer de respect à quiconque.
Même si l'analyse suggère des erreurs.

L'attitude de "vierge effarouchée" de certains (sur C2C) dans ce domaine me désole.
C'est comme si on voulait occulter les problèmes, se voiler la face devant les pratiques en cours.

Mais je préfère en tous cas parler d'un scénario, parce que la réalité, bien évidemment, on ne peut que l'approcher.
Et de très loin encore dans le cas présent ...

Dernière modification par Bison (16-11-2011 19:56:59)


La balance n'est pas un maître, mais un serviteur

Hors ligne

#112 16-11-2011 18:16:12

solo41
*
Inscription : 16-05-2010

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

oli_v_ier a écrit :
solo41 a écrit :

il y avait là une prise de risque importante

Celà me semble d'une évidence triviale.

Cela ne m'a pas paru évident pour tout le monde, loin s'en faut. D'où mon propos volontairement simpliste.

Hors ligne

#113 16-11-2011 18:22:43

solo41
*
Inscription : 16-05-2010

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Bison a écrit :

(...) Dans le cas de figure dont on parle ici, il n'y avait pratiquement pas d'option, pas de porte de sortie si le projet venait à prendre plus de temps que prévu. D'après ce que j'ai pu lire sur C2C dans le fil supprimé, les prévisions de mauvaise météo pour le jeudi étaient claires, et les prévisions étaient "pires" pour les jours suivants.

Donc, pas d'option de secours, pas d'option de redescente  "sûre" le lendemain du départ.

(...) Ce qui montre pour moi à quel point la réflexion sur la gestion des risques est peu profonde.

Merci, Bison, et bien d'accord avec toi pour le reste.

Hors ligne

#114 16-11-2011 20:35:53

Eddie1964
Voyageur UL
Inscription : 14-06-2009

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Merci Bison pour ton message 111 qui traduit tout à fait ma pensée et point de vue.

Et même si l'alpi n'est pas mon domaine,le texte de Bison s'applique à toutes les pratiques où une analyse de risques s'impose comme dans la vie tout court.


Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit,celui-ci voudrait souffrir en face du poêle et celui-là,croit qu'il guérirait à côté de la fenêtre!Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas et cette question de déménagement en est une que je discute sans  cesse avec mon âme!C.Baudelaire.

La vie est une aventure dont on ne sort jamais vivant (Alphonse Allais)

Hors ligne

#115 16-11-2011 20:54:52

solo41
*
Inscription : 16-05-2010

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

@ Oli_v_ier
Les réponses des enfants ne m'ont pas convaincu. Elles sont sans doute sincères, mais elles sont caricaturales et pourraient (conditionnel) avoir été inspirées par des explications justificatives antérieures (voire très antérieures) de la maman.

Hors ligne

#116 16-11-2011 22:03:33

Oscar
Membre
Inscription : 01-02-2005

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Je ne souhaite plus trop intervenir sur ce fil de discussion, mais j'apporte tout de même une précision "technique" à une interrogation de Bison : il existe en montagne des routeurs météo, comme pour les marins. Voir par exemple le livre "le routeur des cimes".

Je ne sais pas si cela aidera au débat, j'en doute même fort, mais si vous achetez ce livre, vous aiderez une petite maison d'édition spécialisée en livre de montagne,avec un catalogue de qualité.

Dernière modification par Oscar (16-11-2011 22:06:02)

Hors ligne

#117 17-11-2011 03:20:41

oli_v_ier
Administrateur
Inscription : 24-01-2005
Site Web

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

solo41 a écrit :

Elles sont sans doute sincères, mais elles sont caricaturales et pourraient (conditionnel) avoir été inspirées par des explications justificatives antérieures (voire très antérieures)

Exactement comme ton point de vue, à mon humble avis wink .


La marche ultra-légère n'est pas un but, mais un moyen. "Un sac lourd est un sac bourré d'angoisse."
Mon équipement pour l'Islande 2008 en détail.

Hors ligne

#118 18-11-2011 18:30:35

NikoJorj
Oeil émerveillé
Inscription : 10-09-2008
Site Web

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Bison a écrit :

Ce qui pour moi est fondamental, c'est qu'il reste une ou des "options". C'est-à-dire des alternatives, des "portes de sortie", si les choses tournent mal :  l'imprévu est prévisible, il fait partie de la vie ...

Dans le cas de figure dont on parle ici, il n'y avait pratiquement pas d'option, pas de porte de sortie si le projet venait à prendre plus de temps que prévu.

Je suis d'accord que ce n'est pas une gestion prudente des risques ; mais en gros, si on veut être vraiment prudent, on ne fait pas d'alpinisme.
Ce mode de fonctionnement n'est pas jugé anormal en alpinisme, où on n'a pas non plus le droit de tomber par exemple. Il est porté à son extrême en himalayisme. Les alpinistes le désignent souvent par le terme "engagement", et ce serait presque consubstantiel à l'activité.

C'est une question de risque acceptable, pour certains ça leur permet de pratiquer le basejump, d'autres ont du mal à sortir de chez eux ; et pourtant, les accidents domestiques existent aussi et pourraient donner tort aux seconds.


La réponse était qu'il ne vient pas à l'idée d'appeler le PGHM pour un simple "coup de pompe" d'un équipier.

Ce qui montre pour moi à quel point la réflexion sur la gestion des risques est peu profonde.

Au-delà de toute fierté particulièrement déplacée, la décision d'appeler les secours fait prendre des risques aux secouristes et on peut donc comprendre qu'elle soit réservée aux situations d'urgence, et pas simplement de risque.


Les compagnies aériennes ont un "dispatch" qui collecte et transmet aux avions en vol les infos pertinentes.
Les équipages rapportent les conditions météos "anormales" constatées en vol :  fort givrage, forte turbulance etc.
La météo retransmet ces infos, de même qu'elle transmet en urgence toute connaissance de phénomènes météo particulièrement dangereux (sigmet).

Ce service fonctionne essentiellement sur la remontée d'infos en temps réel depuis le terrain...
En alpinisme, ça me semble une solution de moins en moins irréaliste (l'equivalent du partage d'infos sur les courses réalisées façon site du SNGM, C2C ou OHM, mais en temps réel) vu que plein de gens prennent leur smartphone en montagne, mais ça n'est pas encore là - et il faut quand même la 3G accessible en altitude, dans la face ouest des Bans ça me semble moins évident à moyen terme. big_smile


Pour moi, analyser un "scénario d'accident", en discuter, en retirer des leçons ou simplement des idées, ce n'est pas manquer de respect à quiconque.

Entièrement d'accord sur ce point!
La culture du retour d'expérience sur accident manque parfois cruellement en montagne, même si des initiatives comme http://www.data-avalanche.org dans un domaine voisin vont dans le bon sens.


Quotation, n: The act of repeating erroneously the words of another.”
― Ambrose Bierce, The Unabridged Devil's Dictionary

Hors ligne

#119 18-11-2011 21:08:05

Bison
OpaRando
Lieu : Quaregnon - Belgique
Inscription : 05-01-2007

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Au-delà de toute fierté particulièrement déplacée, la décision d'appeler les secours fait prendre des risques aux secouristes et on peut donc comprendre qu'elle soit réservée aux situations d'urgence, et pas simplement de risque.

Certes ... encore que, les secouristes aiment intervenir.
Sérieusement :  témoignage recueilli de la part de l'un deux au cours d'une rencontre débat au CAB.

Et j'imagine bien que dans un cas "critique", il préfèreraient intervenir avant que la situation ne devienne désespérée. Surtout que eux aussi sont des pros de la montagne, parfaitement capables de comprendre.

Dans le scénario imaginé :  une première journée qui ne se passe pas bien, un bivouac à l'arrache : la situation était vraisemblablement critique dès le jeudi matin. Le tout est justemnt de reconnaître le moment ou une situation devient critique. Pour cela, il est utile d'avoir envisagé ce type de situation à l'avance.
Parce que, à 4000 m, déjà bien fatigué, on a déjà perdu pas mal de moyens.

Mais là, cela signifie donc que l'on réfléchit aux risques "gérables" avant de partir.

Risques gérables, par opposition aux risques objectifs, aux vrais "aléas".

J'ai un peu l'impression que, pour avoir pris l'habitude d'accepter les risques irréductibles - ce qui est une décision qu'il ne me viendrait pas à l'idée de juger -  on prend la mauvaise habitude d'oublier aussi les risques que l'on pourrait réduire au prix d'un peu de réflexion et de retenue. C'est un piège ...


La balance n'est pas un maître, mais un serviteur

Hors ligne

#120 19-11-2011 00:54:16

Phil67
Nouveau membre
Lieu : Tres Tabernae
Inscription : 04-10-2011

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Bison a écrit :

Certes ... encore que, les secouristes aiment intervenir.
Sérieusement :  témoignage recueilli de la part de l'un deux au cours d'une rencontre débat au CAB.

Aussi étonnant que cela puisse paraître pour le néophyte, je confirme à 100% !

Pratiquant le freeride à Chamonix j'ai eu l'occasion d'aborder le sujet avec un gars du PGHM, un secouriste de la DZ de Chamonix et un pilote du Dragon67 (Bas-Rhin) et tous préfèrent être prévenus le plus tôt possible en cas de situation potentiellement critique avec doute sur la marge de sécurité :

  • ils ont toutes les cartes en main pour estimer la situation si on donne un maximum de précisions lors de l'appel,

  • ils ont du recul pour donner les meilleurs conseils "à froid" (pas d'"effet chimpanzé" ou d'entêtement au-delà des limites),

  • un appel ne déclenchera pas systématiquement un secours en montagne et ils pourront décider en fonction des risques d'aggravation ou des autres interventions en cours,

  • ils sont passionnés par leur métier et préfèrent intervenir dès que possible plutôt que de risquer un "échec" plus tard.

Paradoxalement ils ont beaucoup plus d'interventions en été pour des cas bénins (genre foulure de touriste lambda en baskets) qu'en hiver : ils seront donc très compréhensif pour quelqu'un qui n'a pas pris de risques totalement inconsidérés (exception pour l'anecdote du freerider qui s'est fait secourir une 1ère fois dans la face de l'Aiguille du Midi et qui y est retourné pour récupérer son matériel en se plantant une 2nde fois dans la même journée mad).

Je suis globalement assez prudent (trop pour certains, pas assez pour ceux qui ne pratiquent pas), je n'ai jamais fini dans l'hélico et juste participé à un secours d'un gars qui à descendu tout le couloir des Trifides en vrac à La Grave (mais miraculeusement sans trop de dégâts).

Avec le recul j'en ai tiré une ligne de conduite : en cas de doute sur la sécurité (même en cas de "simple" casse de matériel non réparable, d'égarement par jour blanc en zone "critique" ou de risque de "bivouac improvisé" par la tombée de la nuit), que je soit en solo ou en groupe, je "remballe ma fierté" et j'appelle le PGHM dès que le réseau GSM passe. Dans le cas favorable je continue à rejoindre la vallée par mes propres moyens en suivant une route convenue et je les rappelle pour confirmer que tout est OK (ils ont horreur des appels de proches à la tombée de nuit signalant que les personnes ne sont pas rentrées et sans indication approximative de leur itinéraire).

Désolé pour la longueur de ce message (en plus sur ce fil de discussion qui n'est pas le plus approprié), mais il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet. J'espère juste que cette tragédie pourra inciter chacun à la réflexion sur ses propres pratiques et son rapport aux risques. Je ne porte aucun jugement sur ces deux alpinistes : je suis bien placé pour savoir à quel point le fait de dépasser ses "barrières mentales" ou d'"engager la viande" (dixit Carn mor Dearg) est totalement euphorisant et difficile à comprendre pour les non-initiés...


Phil67 (papa de 2 enfants qui préfère finir sa vie au fond d'une crevasse ou sous une avalanche plutôt que grabataire... mais pas avant 75 ans wink)

Dernière modification par Phil67 (19-11-2011 00:57:11)


Le contenu de ce message ne reflète pas nécessairement le point de vue de son auteur. wink

Hors ligne

#121 19-11-2011 09:54:45

Oscar
Membre
Inscription : 01-02-2005

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Bison a écrit :

Mais là, cela signifie donc que l'on réfléchit aux risques "gérables" avant de partir.

Risques gérables, par opposition aux risques objectifs, aux vrais "aléas".

J'ai un peu l'impression que, pour avoir pris l'habitude d'accepter les risques irréductibles - ce qui est une décision qu'il ne me viendrait pas à l'idée de juger -  on prend la mauvaise habitude d'oublier aussi les risques que l'on pourrait réduire au prix d'un peu de réflexion et de retenue..

Pour éclairer ceux qui ne pratiquent pas l’alpinisme, voici comment se prépare une course en haute montagne, et l’évaluation et la gestion des risques, avec un guide.

Gestion de la relation contractuelle :

Le guide et le client co signent un contrat, fixant la rémunération, la course envisagée, la liste de matériel à prendre par le client, celle du matériel emporté par le guide. Les modalités de report de la course sont détaillées, précisant tout ce qui est relatif aux arrhes, acomptes, etc. Sont particulièrement explicites les conditions de report de la course en fonction de la météo, de grèves de la SNCF, etc. Une formule de révision des prix est impérative, faute de quoi les prix sont réputés fermes et non révisables en cas de report de la course à une date ultérieure

En pièces annexes au contrat figurent impérativement le diplôme du guide, son certificat d’assurance, le Kbis. Et pour le client : une autorisation des héritiers potentiels (ascendants et descendants au 1er degré), un certificat d’assurance, un certificat médical de non contre indication à la pratique de l’alpinisme datant de moins de 3 mois, un carnet des courses déjà effectuées avec des guides avec avis signé de chaque guide sur les aptitudes du client. Dans le cas particulier d’un passage par l’Italie, une photocopie de la carte d’identité du guide et du client en cours de validité.

La vérification du contenu des sacs à dos du client et du guide fera l’objet d’un constat contradictoire signé des 2 parties, éventuellement en présence d’un huissier, pour s’assurer de la conformité desdits sacs aux listes de matériels à emporter figurant dans les pièces contractuelles.

Ce constat contradictoire sera effectué lors du départ de la cordée de la vallée, ainsi, en cas de nuit en refuge, lors du départ du refuge pour garantir que ni le guide, ni le client, n’a oublié un objet indispensable au refuge.

La relation de confiance client/guide qui est la base de toute cordée ne rend pas obligatoire le constat contradictoire en fin de course. Toutefois, celui ci est fortement recommandé pour s’assurer que le client a bien restitué au guide tout le matériel technique de progression (pitons, coinceurs, broches à glace)


Matériel de base
Vêtements : 3 couches pour chacun des membres de la cordée dont la 3 ème couche imper respirante, un rechange complet, un pantalon et une veste en doudoune, un casque, 2 paires de gants de rechange, chaussures adaptées à la pratique de l’alpinisme, lunettes de soleil, crème solaire, couverture de survie, 1 paire de lunettes de soleil de rechange pour la cordée (risque d’ophtalmie des neiges en cas de perte des lunettes) , 1 masque « brouillard » par personne, 1 masque « brouillard » de rechange pour la cordée, sac à dos étanche

Matériel pour solliciter les secours : balise spot, GPS, téléphone portable, radio

Matériel de bivouac
: 7 jours de nourriture pour chaque membre de la cordée, réchaud, réchaud de secours, gamelle, combustible pour 7 jours, tente de paroi, tente autoportante pour terrain plat, matelas, sac de couchage –20°C (certificat de conformité à la norme européenne joint en annexe au contrat)

Matériel technique
: par personne : piolet, crampons, baudrier, casque.

Pour la cordée : une corde de 100 m + une corde de secours de 70m. Matériel pour traction des sacs ou d’un second de cordée fatigué par cordée.

Orientation : carte plastifiée, topos guides plastifiés, GPS, Boussole, boussole de secours, GPS de secours

Pharmacie : détaillée dans le contrat (compter un minimum de 5 kg environ)

Les certificats de conformité aux normes CE devront être produits pour chaque pièce listée ci dessus

Risques inhérents à la progression en terrain glaciaire :

Matériel à emporter, pour chaque membre de la cordée : piolet, crampons, corde, baudrier, matériel d’autosauvetage en crevasse, matériel nécessaire pour effectuer un mouflage triple. Pour le guide : sonar pour détecter les crevasses.

Il est recommandé au guide de se faire assister d’un routeur pour l’itinéraire à suivre.

Risques liés à la progression en terrain glaciaire d’inclinaison > 50° :
Matériel additionnel : 1 second piolet par personne, + 1 piolet de secours pour la cordée, + une paire de crampons de secours pour la cordée. 20 broches à glace : 3 à chaque relais (6) et 1 broche d’assurance de la progression tous les 3 m

Risques liés à la progression en terrain rocheux°
Matériel additionnel : 1 paire de chaussons d'escalade par personne. 1 marteau à piton avec chaine de retrait des pitions par personne + 1  de secours pour la cordée, 1 jeu complet de coinceurs et 1 jeu complet  de friends pour la cordée, un dispositif de retrait des coinceurs et friends par personne + 1  de secours pour la cordée..

Risques en terrain neigeux, risque d’avalanche
Matériel additionnel, par personne : ARVA, sonde, pelle à neige, sac ABS, avanjulag

Précautions d’usage :
assistance d’un routeur météo et d’un routeur nivologue. Le guide doit fournir au client une attestation ANENA et météo France datant de moins de 4 heures au départ de la course indiquant explicitement els risques d’avalanche présents et l’évolution prévisible de ces risques pour la semaine à venir. En cas de risques supérieur à 1/5, la course est annulée.

Risques sismiques ou liés aux chutes de pierres
Pour la chaine de montagne englobant les Grandes Jorasses, les Courtes, les Droites, l’Aiguille Verte et les Drus, en raison effondrements rocheux des années passées liées à la fonte du permafrost (Drus)et de secousses sismiques (Grandes Jorasses principalement), un relevé sismique préalable doit être établi en envoyé aux 2 parties, ainsi qu’un relevé des températures du permafrost à 3000 m et 4 000 m altitude.

Une assistance 24/24 et 7j/7 d’un spécialiste doit être prise en charge par le guide

Risques météorologiques
La course est annulée si les prévisions météorologiques ne garantissent pas pour les 7 jours à venir les conditions suivantes :

  • beau temps

  • Température inférieure à 0°C (risque de fonte des ponts de neige sur glacier, de chute de pierres ou de glace en montagne en cas de températures positives)

  • absence de vents supérieurs à 20 km/h

  • Indice de fiabilité des prévisions à 7 jours supérieur ou égal à 4/5


Sur tous ces aspects, la formation des guides de haute montagne est très poussée, comme l'explique Yvan Estienne dans son récit sur la vie d'un guide de Haute Montagne, Désiré Lamour :

19_formation_guide_800x600.jpg
19_formation_guide0001_800x600.jpg


Convivialité

Ce qui précède n'est qu'un minimum pour assurer la sécurité de la cordée, mais pour la convivialité, il est recommande de se faire un peu plaisir sur la bouffe, l'alpinisme n'étant pas une activité austère.

Selon la place restant dans les sacs à dos, il est souhaitable d'emporter quelques sucreries, ou un peu à boire.

A ce sujet, rien n'est vraiment établi, mais les guides s'inspirent souvent de la liste des "vivres de course" établie pour l'ascension du Mont Blanc, en 1851, par 4 messieurs (ajouter 16 guides et 17 porteurs...). (extrait de "Le Mont Blanc à la mode", d'Albert Smith)

  • 60    bouteilles de vin ordinaire

  • 6    bouteilles de Bordeaux

  • 10    bouteilles de Saint Georges

  • 15    bouteilles de Saint Jean

  • 3    bouteilles de Cognac

  • 1    bouteille de sirop de framboise

  • 6    bouteilles de limonade

  • 2    bouteilles de Champagne

  • 20    miches de pain

  • 10    petits fromages

  • 6    tablettes de chocolat

  • 6    paquets de sucre

  • 4    paquets de pruneaux

  • 4    paquets de raisins secs

  • 2    paquets de sel

  • 4    bougies de cire

  • 6    citrons

  • 4    gigots de mouton

  • 4    épaules de mouton

  • 6    rôtis de veau

  • 1    rôti de bœuf

  • 11    grosses volailles

  • 35    petites volailles


Dans les Grandes Jorasses, généralement, on n'emporte pas les 35 petites volailles.


Bonnes courses.

Dernière modification par Oscar (19-11-2011 22:29:56)

Hors ligne

#122 19-11-2011 11:21:48

NikoJorj
Oeil émerveillé
Inscription : 10-09-2008
Site Web

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Oui, Désiré Lamour est une bonne référence ; on peut aussi trouver de bons exemples d'ascensions réussies, avec des listes de matériel présentant des alternatives intéressantes à celle présnetée ci-dessus, dans le Port de la mer de Glace, un récit palpitant de Dominique Potard.

Bon, plus sérieusement, c'est vrai aussi que l'appel aux secours sera bien pris en charge, et effectivement, ils préfèrent sortir trop tôt que trop tard.


Quotation, n: The act of repeating erroneously the words of another.”
― Ambrose Bierce, The Unabridged Devil's Dictionary

Hors ligne

#123 19-11-2011 11:31:26

Bison
OpaRando
Lieu : Quaregnon - Belgique
Inscription : 05-01-2007

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Il y a quelques bonnes pistes là  big_smile

Mais il manque l'essentiel :

Avant de partir, le guide et son client envisageront ensemble l'hypothèse où, en cours de sortie, les conditions ou un aléa quelconque venaient à compromettre sérieusement l'issue de la course. Ils examineront ensemble la ou les options de dégagement, encore appelées "plans B" disponibles dans cette hypothèse. Si aucun "plan B" n'est disponible, le guide avisera son client que le contrat est annulé ou suspendu.

Ça ne coûte rien, ça ne pèse rien et c'est très peu contraignant finalement dans une relation contractuelle de type "guide-client" telle que l'on peut la concevoir lors d'une course en Europe. L'intervention des secours pourrait en effet être considérée comme l'ultime plan B, pourvu évidemment que cette intervention soit possible au vu au vu du terrain, des moyens de communication et de localisation et bien évidemment des prévisions météo soigneusement étudiées.


La balance n'est pas un maître, mais un serviteur

Hors ligne

#124 19-11-2011 13:34:26

Carn mor Dearg
Revenant
Lieu : Belgique
Inscription : 17-07-2005

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Oscar, je suis mort de rire lol

Si je peux me permettre, le débat tourne un peu en rond, non?? neutral
L'alpinisme c'est dangereux, on ne peut pas gérer complètement tout les risques, le message d'Oscar, derrière l'humour, le fait très bien comprendre.
En progression alpine, tu ne peux pas placer des points d'assurage tous les 2 mètres (en général plutôt 5m ou plus), tu peux pas perdre un piolet ou un crampon, tu ne montes pas des relais à 3 broches ou 4 coinceurs etc... et surtout tu ne peux pas tomber.  Cette simple règle résume tout pour moi sur les risques encourus en alpinisme.
Il n'y a que quelques trucs à faire en fait : contrôler la météo, bien préparer l'itinéraire, gérer le matos technique (ni trop, ni trop peu), ne pas partir dans une course trop dure, trop longue pour soi.  Et surtout se former avec des professionnels, pas avec "un pote qui a fait ça et ça et blablabla...".  On est pas autonome parce qu'on a fait des courses en second derrière un guide !!!

Pour revenir sur la notion d'engagement évoquée par NikoJorj, elle fait partie intégrante de la cotation en alpinisme. 
J'ai l'impression qu'on l'oublie souvent.  On s'arrête à la difficulté pure pour la jouer "j'ai fait une voie TD+" wink
Alors qu'un voie PD et engagement IV, comme la traversée du Pelvoux dans les Ecrins par exemple, sans être techniquement dure, est déjà une course d'ampleur.
Elle est longue, parfois expo et nécessitant pas mal de manoeuvres de corde, donc demande déjà une certaine maitrise pour ne pas y passer 15 heures.
Alors qu'on n'y grimpe rien de compliqué.

    * I : Itinéraire court, peu éloigné, descente facile.
    * II : Itinéraire plus long ou un peu plus technique, descente demandant parfois de l'attention, peu de dangers objectifs.
    * III : Itinéraire long, parfois éloigné, descente délicate, risques objectifs éventuels.
    * IV : Itinéraire d'ampleur demandant une bonne expérience de l'alpinisme, approche longue ou descente compliquée, risques objectifs, retraite délicate.
    * V : Itinéraire long dans une grande paroi, engagé. La cordée doit posséder un excellent niveau de compétence (choix de l'itinéraire, problème d'assurage, nombreuses longueurs difficiles et soutenues), retraite difficile, descente longue ou difficile, risques objectifs importants.
    * VI : Itinéraire sur une grande face pouvant être parcourue en une journée par les meilleurs. Pratiquement que des longueurs dures et soutenues. Conditions rarement bonnes, cheminement compliqué, assurage problématique, retraite aléatoire. Descente longue et difficile. Itinéraire très exposé aux dangers objectifs (séracs).
    * VII : Idem en encore plus dure. Très rarement utilisé.

Il y a des voies engagement VI dans les Alpes.  Pas besoin d'aller au Nepal.

Dernière modification par Carn mor Dearg (19-11-2011 13:36:37)


"C"est juste l'éthique britannique. On garde les montagnes vierges, sans spits. Beaucoup de voies sont faciles, tu peux te protéger avec des coinceurs. Alors pourquoi mettre des spits? Pour abaisser la montagne à ton niveau?" Andy Turner

"Nager. C'est ce que l'on recommande en cas d'avalanche. Nager? Ceux qui écrivent les guides de survie sont des rigolos." Joe Simpson

Hors ligne

#125 19-11-2011 14:46:25

spigi
Membre
Lieu : Bruxelles
Inscription : 30-12-2007

Re : Bloqué à 4000m au Mont Blanc

Carn a écrit :

Si je peux me permettre, le débat tourne un peu en rond, non?? neutral

... Normal, quand on voit une telle liste !?!...  lol

Bison fait référence  big_smile

Si aucun "plan B" n'est disponible, le guide avisera son client que le contrat est annulé ou suspendu.

Evidemment que c'est ce qui devrait se faire, mais c'est bien souvent que de la théorie. En pratique, et le film "premier de cordée" y fait très bien référence... Le client est roi, et les affaires sont les affaires. Ces guides vivent de cela et il peut être difficile de refuser une course parce qu'il n'y a pas de solution "B"... D'autant qu'ils savent que l'hélicoptère existe. Il est dès lors tentant de risquer quand même.
Certains guides appliquent  les règles de sécurité, d'autres pas.

... Ca changerait peut-être si les secours devaient un jour devenir payants d'office, mais là c'est un autre débat, et je ne suis absolument pas pour !

Dernière modification par spigi (19-11-2011 14:47:02)

Hors ligne

Pied de page des forums