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#1 17-09-2015 00:53:02

mknod
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Lieu : Paris
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[Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

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Cette randonnée de 8 jours a été réalisée entre le 30/08/15 et le 06/09/15 dans le Parc naturel de Posets-Maladeta (Pyrénées espagnoles), en solo et en boucle au départ depuis Bagnères-de-Luchon.

Sommaire

Introduction
Quelques données généralistes
Veille et jour de départ
Jour 1
Jour 2
Jour 3
Jour 4
Jour 5
Jour 6
Jour 7
Jour 8
Quelques photos supplémentaires
Itinéraire, orientation et cartographie
Liste matériel 3,6kg
Nourriture et consommables
Épilogue (si j’ai encore des trucs à dire)

ajout 25/09/15 :

Quelques éléments de vocabulaire (pour les personnes extérieures au forum et/ou à la randonnée, lecture non indispensable mais recommandée).

Les termes sont triés dans leur ordre d'apparition dans le récit. Le lexique sera complété avec la publication des épisodes au besoin !

  • "liste" : c'est le matos de base, sans les consommables. Le but de ce site est d'aider ceux qui le souhaitent à la rendre LÉGÈRE pour éviter d'avoir les genoux pétés à 50 ans (mais il existe aussi un tas d'autres raisons).

  • DIY : "Do It Yourself". Action de fabriquer son propre matériel, du fait maison quoi !

  • Cartes IGN France : cartes de référence pour la randonnée en France (celles à l'échelle 1:25.000 soi 1cm = 250m). Elles sont belles, ultra-détaillées, fiables, que du bonheur.

  • HRP : "Haute Route Pyrénéenne". Une manière parmi tant d'autres d'effectuer une traversée des Pyrénées. Celle-ci a la particularité de ne pas suivre un balisage précis mais d'emprunter tour à tour plusieurs sentiers ou passages cairnés*, et de suivre au plus prêt la ligne de crête franco-espagnole, raison pour laquelle elle est "Haute".

  • PGHM : "Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne". Ceux qui à peu de choses près auraient pu partir à ma recherche au Jour 2... enfin leur équivalent espagnol.

  • "102gr" : soit environ 1kg après une bonne journée de marche.

  • Dénivelé, D+, D- : en montagne on compte très peu en distance et beaucoup en dénivelé. Les chemins les plus longs sont d'ailleurs souvent les plus courts. Le dénivelé représente le nombre de mètres parcourus verticalement, en montée ou en descente. Exemple : si je fais l'ascension d'un sommet de 1000m, j'aurais fait 1000m de dénivelé positif (D+). Si je redescend sur l'autre versant et que j’atterris 200m plus bas qu'au point de départ, j'aurais fait 1200m de dénivelé négatif (D-). Le dénivelé cumulé représente le nombre total de mètres parcourus verticalement sur une portion ou un temps donné : si j'enchaine deux sommets comme le précédent j'aurais fais : 2200m de D+ cumulé (1000m d'ascension + 200m pour revenir au niveau initial + à nouveau 1000m), et 2400m de D- cumulé (les deux descentes de 1200m).

  • Hendaye : point de départ ou d'arrivée de nombreux sentiers célèbres, et point de passage St Jacques de Compostelle. Un coin super à la mode quoi.

  • GR10 : "Grande Randonnée 10". Un sentier parmi beaucoup d'autres en France, et une autre manière de faire la traversée des Pyrénées. Les GRs sont balisés en rouge et blanc. Le GR11 est son frère espagnol (l'Espagne et la Belgique utilisent aussi en partie ce système de balisage / numérotation)*.

  • MUL : "Marcheur Ultra Léger". Les SUL sont encore plus légers, et les XUL sont carrément dingues.

  • Deuter Aircontact : un peu l'équivalent du Char Leclerc, mais en version sac de randonnée. Il est lourd, indestructible et très accessoirisé. Overkill pour 90% des gens qui l'utilisent je pense (je le sais, je l'ai eu !)

  • MC mérinos : "Manche courte" en mérinos. C'est une laine aux propriétés miraculeuses (anti-bactériennes notamment).

  • Petzl e+Lite : une lampe frontale très petite et légère. Officiellement c'est une frontale de secours, donc elle a peu d'autonomie et n'éclaire vraiment pas beaucoup.

  • Moraine : débris minéraux entrainés par la glace et déposés après son évaporation.

  • BPL : backpackinglight.com, l'équivalent américain de ce forum.

  • Trails : des chaussures de course à pied, version montagne. Pas faites pour la randonnée à la base.

  • Rimaye : espace existant entre la glace (mobile) et la roche (immobile). Il est préférable de ne pas y tomber !

  • Piolet : le truc avec une lame et un manche vert accroché à mon sac sur la deuxième photo du récit. Officiellement il sert à sauver des gens (enrayage de chute), mais il peut aussi servir à en tuer.

  • Courbes de niveau : lignes virtuelles dessinées sur la carte permettant de représenter le relief du terrain, et notamment de calculer le dénivelé. Une courbe de niveau relie tous les points se situant à une même altitude : on la croise donc en montant ou descendant, et on la suit en marchant toujours à la même altitude à flanc de montagne. Le nombre de mètres verticaux entre chaque courbe est une valeur fixe (c'est l'équidistance, en général 10m en montagne), conséquence : plus les courbes sont rapprochées plus la pente est prononcée (et inversement).

  • Mesh : filet ou tissu en mailles fines beaucoup utilisé dans la fabrication de matériel de randonnée. Il y en a probablement sur le dessus de vos chaussures de course à pied !

  • Wild Oasis : le doux nom de mon abri. Fabriqué par la marque américaine Six Moon Designs.

  • Silnylon : tissu technique en nylon, enduit d'une couche de silicone. Utilisé dans la fabrication d'abris, mais pas que.

  • Concentrique : un des trois types de contraction musculaire avec la contraction excentrique et isométrique.


* correction apportée suite à la remarque d'un membre du forum

Dernière modification par mknod (22-11-2015 12:29:04)


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#2 17-09-2015 02:29:36

mknod
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Introduction

Il s'agit de ma toute première expérience de la haute-montagne, et de ma deuxième sortie dans les Pyrénées (deux randonnées de deux jours dans la vallée d'Ossau il y a quelques années). J'ai pris la décision de partir seul par contrainte et par choix : personne dans mon entourage ne pratique la randonnée de manière aussi engagée que vous et moi, et j'ai développé avec le temps une nette préférence pour la marche en solitaire. En particulier si je sais que je vais rencontrer des conditions "difficiles" ou stressantes, ce qui — toutes proportions gardées — fut parfois le cas. Je pense aussi que l'indépendance et l'autonomie sont des qualités nécessaires en montagne, et je n'aurais pas souhaité tenter cette première aventure avec quelqu'un qui lui-même n'était pas prêt à partir seul.

Avant cela j'ai pu gagner en expérience sur des sorties allant de deux jours à un mois, en moyenne-montagne et au niveau de la mer. Toujours exclusivement en bivouac et dans la mesure du possible, en autonomie. Sans compter bien sûr les sorties à la journée bien pratiques pour s'entrainer à l'orientation. Au niveau des altitudes maximum atteintes rien de bien fou, deux ou trois piques à environ 2300m, souvent lors de randonnées assez courtes au départ d'un parking ou d'une station. Pas vraiment ce que je considère comme un challenge ! À défaut de pouvoir pratiquer autant que je le voudrais, j'essaye de faire fructifier au maximum mes expériences précédentes. Je considère chaque randonnée comme un entrainement pour la suivante.

Cette excursion n'était absolument pas prévue il y a encore quelques semaines. J'avais eu comme projet estival de faire le GR20 en une semaine, mais j'ai vite compris que ça ne serait pas possible pour des raisons professionnelles (pas de vacances jusqu'à début octobre).

Pourquoi le GR20 ? Pour toutes les raisons qui habituellement me feraient fuir dans la direction diamétralement opposée : sentier extrêmement bien balisé, beaucoup de monde, une météo à priori favorable, etc. Pour des raisons diverses et variées, j'ai envie d'un certain confort à ce moment là. D'une bonne balade à caractère sportif et pourquoi pas humain, rien de plus. En outre, je ne suis jamais allé en Corse et ce sentier me semble être une bonne occasion de faire un pas important vers l'allègement sans réelle prise de risque.

Fin juillet début août, j'apprends que je vais finalement pouvoir dégager une semaine de congés prochainement. Entre temps l'accident mortel sur le GR20 est passé par là et le Cirque de la Solitude est fermé. En ce qui me concerne, ce dernier point est une raison suffisante pour abandonner temporairement ce projet. De toute façon j'aurai voulu en profiter pour me poser quelques jours, impossible de tout faire en une semaine.

Mieux, j'ai repris "du poil de la bête" et je peux à nouveau envisager ce que j'affectionne particulièrement : sortir de ma zone de confort, expérimenter de nouvelles choses et de manière générale faire une sortie un peu plus engagée — autant en terme de préparation en amont que sur le terrain — relativement à mon expérience et à mon niveau du moment.

J'ai donc deux-trois semaines pour trouver un lieu et tout préparer. Recherche rapide à caractère purement visuel dans les récits du forum et sur Google. J'aime les photos ? J'y vais !

Le cahier des charges est relativement simple :
- des grand espaces, et des cailloux. Un peu marre de la forêt telle que j'ai pu l'expérimenter récemment en Savoie et Haute-Savoie,
- de préférence ailleurs que dans les Alpes,
- un accès simple depuis Paris,
- me dépouiller,
- ne pas me contenter de suivre des balises : l'orientation devra être une nécessité pour continuer à avancer, et non un simple recours ponctuel,
- faire du hors-sentier (j'en n'ai encore jamais fait en montagne),
- alléger ma liste d'un petit kilo,
- si besoin en profiter pour faire un peu de DIY,
- apporter une réponse frontale aux contraintes que je vais rencontrer et non les contourner,
- me dépouiller.

Je fabriquerai mon propre itinéraire sur mesure, pas besoin de relier un point A à un point B car possibilité de faire une boucle.

Quelques premières là et là donc. La préparation n'en sera que plus intéressante !

Je découvre finalement la ville de Bagnères-de-Luchon via le forum (j'ai une très mauvaise connaissance des Pyrénées à la base). La tentation d'aller côtoyer l'Aneto et les autres 3000 du massif de la Maladeta est grande mais jusqu'à maintenant, je n'ai jamais quitté le confort des cartes IGN France dûment achetées. Pire, l'itinéraire sera forcément à cheval sur la France et l'Espagne.

C'est l'occasion de mettre en application l'avant-dernier point de mon cahier des charges : je fabriquerai aussi mes propres cartes. Ça tombe bien, il faudra forcément passer par là pour une HRP future !

Ça se précise : je ferai une boucle de 8 jours en Espagne au départ de Luchon, si possible avec quelques 3000 dont bien sûr, l'Aneto.

Le seul point noir à l'horizon reste la météo, pourrie en ce mois d'août 2015 pour reprendre les propos de la PGHM elle-même. Elle me vaudra un report de la date initiale d'une semaine, soit le temps nécessaire pour faire quelques pièces d'équipement DIY et perdre encore de précieux grammes.

Quelques remarques avant la lecture :

- c'était prévisible, il m'est arrivé de commettre des erreurs ou de prendre quelques risques parfois stupides. Je pense m'en être rendu compte et je ne manquerai pas de les relater. Si toutefois quelque chose que je n'ai pas relevé vous interpelle, merci de m'en faire part ici ou en MP de manière courtoise et pédagogique. Pas de propos moralisateur SVP. En tout les cas, ce récit N'EST PAS une incitation et encore moins une éloge de quelque comportement que ce soit. Je n'encourage ni n'incite personne à s'en inspirer en tout ou partie, ni même à sortir dehors d'ailleurs ! Je me contenterai uniquement de raconter mon expérience telle que je l'ai vécue avec mon ressenti actuel et/ou celui du moment, et surtout l’œil du débutant en haute-montagne que je suis.

- je me relis, mais n'hésitez pas à me signaler les fautes d'orthographe en MP, je les déteste toutes !

- pour ceux qui n'aiment pas les tartines... désolé mais je n'ai pas spécialement cherché à faire court. Flemme de faire une version allégée pour RL. Promis, il y aura pleins de photos. wink

Dernière modification par mknod (30-09-2015 04:40:43)


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#3 17-09-2015 03:13:58

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Quelques données généralistes

Distance totale : 123km
Dénivelé positif : 11866m 9100m*
Altitude moyenne : 2243m

Carte (sera mise à jour avec la trace au fur et à mesure) :

9369_pyr8j2015_02qdg_mapfull_day1to7_22-11-15.jpg
Sens de lecture antihoraire.

J'avais avec moi un GPS Garmin eTrex 10 dont la seule fonction a été d'enregistrer ma trace en continu (pas d'utilisation pour l'orientation). J'aurai l'occasion de revenir sur les nombreux intérêts que je trouve au tracking dans la description de ma liste de matériel.

Toutes les altitudes issues du GPS ont été remplacées par celles de la base de données SRTM1 de la NASA, plus fiables. Les statistiques et altitudes exprimées sont donc issues des fichiers GPX modifiés et non originaux.

ajout : Les dénivelés sont calculés par VisuGPX avec un seuil de filtrage de 10 mètres.*

* suite aux remarques de Arnaud, clems190, FB à partir du message #13 et la réflexion qui s'en est suivie

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#4 17-09-2015 08:01:18

Magne2
Membre
Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
Site Web

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Bonjour

Chouette un nouveau retour à saute frontiére , d'un coin ou j'ai trainé mon gros sac  il y 30 ans  smile


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#5 17-09-2015 15:02:48

le samarien
Membre
Lieu : PICARDIE
Inscription : 05-09-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

encore un beau récit à venir smile

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#6 19-09-2015 17:04:55

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Veille et jour de départ

Gros coup de pression ce vendredi en fin de journée, 28 août 2015. J'ai travaillé aujourd'hui, et j'avais un rendez-vous important à ne pas manquer. Les billets sont déjà en ma possession pour partir le soir même en train de nuit, et le gros du sac est fait. Seule la nourriture, pourtant bien avancée, n'est pas encore totalement prête. Il me reste aussi quelques formalités diverses à gérer, mais à priori rien de bien compliqué. Bref, deux-trois bricoles de dernière minute, sur le papier ça devrait aller.

Je tiens aussi à mon petit rituel d'avant départ : faire des photos du matériel, de la nourriture, quelques pesées supplémentaires, me raser, prendre la grosse douche qui je l'espère, suffira à me garder dans un état de propreté impeccable pendant 8 jours.

Bon, mis bout à bout ça commence à faire beaucoup, et je dois m'organiser dans un studio de 20m² plus transformé en entrepôt pour l'occasion. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir ça. En l’occurrence moi c'est plutôt ça, mais sans le pouf super moche. (source)

J'ai quelque chose d'important à régler avant mon départ et j'ai demandé un service à un ami qui passera chez moi à 18h30, heure à laquelle je suis censé être totalement prêt pour ensuite faire un saut chez lui, à 1h de métro, avant de finalement rejoindre la gare où le train partira à 21h50 (21h40 + les dix minutes traditionnelles de retard de la SNCF).

18h15. Finalement, entre la fatigue d'une journée déjà bien entamée et quelques imprévus de dernière minute, je suis très, très loin d'être prêt. Trop loin même, mais j'y crois encore.

18h30. P*****, il est pile à l'heure.

18h37. Il me pose la question que n'importe qui poserait dans des conditions similaires, et je lui apporte la réponse que n'importe qui donnerait dans ces mêmes conditions : "Non c'est vraiment super gentil mais franchement c'est le gros bordel là. Moi-même je ne sais plus ce que je dois faire". J'ai le cerveau anesthésié par la perspective de partir dans de très mauvaises conditions, ou pire : d'oublier quelque chose.

19h05. Il a quand même pu m'aider un peu (merci !). C'est du vite fait mal fait mais on n'a pas eu le choix.

19h15. L'heure de faire le sac. Je n'ai pris aucune photo alors que j'adore documenter mes préparations pour mon usage personnel et que je comptais en utiliser comme support de ce récit, le premier que j'écris. Rahhh, il faut vraiment que j'apprenne à mieux gérer mon temps.

19h17. C'est marrant, hier ça rentrait parfaitement et aujourd'hui j'ai l'impression de devoir faire tout tenir dans un Eastpak. C'est ma faute : je n'ai pas réellement testé la méthode que je compte utiliser pour stocker la nourriture et c'est la première fois que je pars aussi longtemps avec un sac aussi petit. Je sais que c'est techniquement possible avec ma liste pour avoir fait quelques estimations avant, mais aujourd'hui rien ne fonctionne comme prévu ! J'aurai l'occasion de revenir plus longuement sur ce point de détail dans la partie "Nourriture et consommables".

19h30. Je m'avoue vaincu, c'est matériellement impossible de partir aujourd'hui. Puis soudain la révélation : je vais annuler mes billets (seulement 3 euros de retenue pour une annulation le jour même) et tout décaler d'une journée. Petit tour sur Voyage-SNCF, l'aller-retour est bien possible sur les dates qui m'intéressent, génial ! J'aurais carrément pu y penser plus tôt. Double avantage : j'économise 75€ par rapport aux billets précédents et je pourrai rentrer en train de nuit alors que le retour initial se faisait de jour via Toulouse, soit une journée de perdue.

Tout va mieux.

On va enfin pouvoir faire ce qu'on a à faire, j'ai toute la journée de demain pour finaliser mon sac, et je pourrai prendre toutes les photos que je veux ! Une bière s'impose.

Entre temps, mon cerveau qui s'était éteint pour cause de surchauffe s'est remis à fonctionner, et j'ai déjà réfléchi à une autre manière de stocker ma nourriture. Elle s'avèrera beaucoup plus judicieuse sur tous les plans.

Je termine comme convenu mon sac le lendemain, samedi 29 août 2015. Il est optimisé à bloc mais tout est rentré. C'est bon d'avoir du temps. En tout et pour tout j'avais quand même bien besoin d'une petite journée supplémentaire.

Début de soirée, direction Gare d'Austerlitz, l'esprit et le sac léger. Il y a beaucoup de randonneurs sur le quai. Au moins je ne serai pas tout seul ! Quelques bribes de conversations parvenant jusqu'à moi m'apprennent cependant que certains vont à Hendaye, terminus du train. Tiens donc. smile

J'ai une place en couchette mais au dernier moment, partant pour la première fois randonner à l'étranger et pour la première fois avec des cartes faites maison, j'ai décidé de prendre ma Rando Édition 1:50.000. Ça me fera un peu de lecture dans le train. J'emporte aussi un emballage étanche qui me permettra de la cacher quelque part dans Luchon pour ne pas avoir à la transporter pendant les 8 jours (102gr quand même). J'ai prévu de ne compter que sur mes propres cartes, je compte bien m'y tenir !

Il me faut donc une place assise pour le début de soirée. J'en trouve une dans la dernière voiture en bout de wagon, mais un type bizarre assis en face de moi me tiendra la conversation jusque tard dans la nuit. Conversation pas forcément inintéressante, qui prend parfois un tournant un peu technique si les sujets sont propices. Forcément, mon matériel l'intrigue ! Il regarde régulièrement de manière insistante et totalement déplacée les filles qui passent chercher un objet dans leur sac. Cela accapare tout son être, qui se voit temporairement privé de ses facultés de communication. Bref, pour lui c'est le spot idéal. J'apprendrai seulement qu'il est militaire, mécanicien sur les hélicoptères, qu'il n'est plus en activité suite à un choc post-traumatique dans le cadre de son travail, et qu'il est célibataire. Sans déconner. Il n'en dira pas plus à son propos mais ne manquera pas non plus de susciter volontairement ma curiosité à plusieurs reprises.

Le temps passe, les yeux commencent à piquer. Je vais me coucher sans même regarder la Rando Édition.

Dernière modification par mknod (25-09-2015 23:39:31)


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#7 19-09-2015 17:05:35

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Jour 1 - 31 août 2015

Distance parcourue : 25,3km
Durée totale avec pauses (à ± 10min) : 10h23

Liens vers la cartographie.

Profil altimétrique :

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Altitude min/max : 621 / 2272m
Altitude moyenne : 1639m
Dénivelé positif : 2729m 2147m*
Dénivelé négatif : 1252m 674m*

Répartition temps de marche :

9369_pyr8j2015_04j1_profiles_time_05-10-15.jpg

Vitesse moyenne : 3,7km/h
Vitesse ascensionnelle moyenne : 384m/h
Vitesse de descente moyenne : 534m/h

* suite aux remarques de Arnaud, clems190, FB à partir du message #13 et la réflexion qui s'en est suivie

Récit

5h10. Il fait nuit noire, le train arrive enfin à Montrejeau où un car nous attend pour nous amener à Luchon. Sur le quai, nous sommes quatre à être descendu au total : un retraité sourd et agressif, un couple de jeunes retraités, et moi-même. L'ambiance est à son comble. Le contexte aidant, nous échangeons quelques mots. Le couple s'est déplacé pour "la cure", ainsi que le retraité. Pas super clair mais pas grave. Zéro randonneur à l'horizon alors qu'ils embarquaient par dizaines en Gare d'Austerlitz. Ils allaient tous à Hendaye ! Je comprends à ce moment là que malgré moi, je n'ai encore pas fais les choses "comme tout le monde" et que je risque de croiser beaucoup moins de gens que ce que j'imaginais.

6h18. Arrivée à Luchon. Il fait encore bien nuit et j'ai mes anciens billets à restituer pour remboursement. On est dimanche et la gare n'ouvre qu'à 9h25. Le temps va être long, très long. Les 200€ de remboursement feront plaisir certes, mais j'avais 60 jours pour le faire. J'attends, je passe derrière la gare sur le quai pour être tranquille. J'occupe le temps comme je peux, m'endors sur un banc, jette un dernier coup d'oeil à là Rando Édition, la cache sous une dalle de béton, prends quelques photos.

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Les voies abandonnées de la gare. J'ai appris peu avant de la bouche d'un chauffeur de car mécontent que la ligne directe depuis Paris a été supprimée, et que plus aucun train ne la dessert. C'est sûr que quand on bosse dans le tourisme, il y a mieux comme nouvelle.

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Le sac au départ, avec tout le matériel et 8 jours de bouffe. Confort impeccable, en optimisant encore plus il doit y avoir moyen de le pousser à 10 jours.

9h25. Retour devant la gare, une petite quinzaine de personnes s'est accumulée, et parmi eux des randonneurs... sur le retour. Un car repart bientôt pour Montrejeau où un train les ramènera à Paris. Je les laisse passer. Quelques formalités plus tard me voilà débarrassé de ces billets bien encombrants, prêt à partir ! Il y a eu quelques complications et un RIB a été nécessaire. Note à moi-même pour plus tard : toujours demander à l'inconnu qui a accepté de me prêter son smartphone d'ouvrir lui même le navigateur pour accéder à Internet. wink

Je m'apprête à quitter les lieux, et premier problème : je constate que mon appareil photo a une défaillance mécanique au niveau du zoom (manuel) et de sa bague de contrôle/extinction. Une pièce m'en est restée dans les mains. Gros coup de panique : je ne vais pas pouvoir prendre de photos de ma première aventure en haute-montagne et je serai contraint de porter 561g inutilement alors que la randonnée n'a même pas démarrée. Ça commence très mal. Il m'est régulièrement arrivé de partir sans appareil, mais cette fois c'est différent ! Je parviens à démonter / remonter la pièce défaillante, mais malgré tout le soin apporté à mon matériel le mécanisme est partiellement cassé. Étonnant, sachant qu'il a toujours été avec moi et qu'il n'a subi aucun choc. Il fonctionnait d'ailleurs impeccablement plus tôt pour les images ci-dessus. Le verdict tombe : il me permettra encore de prendre des photos mais je ne peux plus l'éteindre de manière conventionnelle, ce qui m'obligera non seulement à retirer la batterie après chaque prise de vue, mais aussi à refaire à chaque fois tous les réglages d'exposition puisque non sauvegardés lors du processus d'extinction (note : si ça vous arrive assurez-vous toujours à l'aide de la LED prévue à cet effet qu'aucune écriture n'est en cours sur la carte mémoire au moment de retirer la batterie, au risque de compromettre à jamais les données). Ça va être chiant, mais ça aurait pu être pire ! J'avais déjà relevé cet avantage indéniable que devrait représenter le zoom manuel face à ceux motorisés des modèles d'autres marques, dont la casse condamne purement et simplement l'usage du boitier tout entier. Je peux maintenant en témoigner concrètement !

Ça y est, c'est parti. Le temps est radieux, il fait déjà bien chaud et j'atteins rapidement la rue principale de Luchon, ville très animée et agréable en ce dimanche matin. Il est déjà tard, je veux faire vite. Petit tours à l'Office de Tourisme pour le bulletin météo. La direction m'a été indiquée par une retraitée et son amie. Comme prévu, elle est pourrie. J'en profite pour demander le numéro du service client de Fujifilm, en espérant pouvoir les appeler dès demain matin pour me rassurer si ça capte depuis mon lieu de bivouac. Ça ne sera pas le cas.

Un touriste demande au personnel quel est le sommet des Pyrénées, et à combien il culmine. Ils ne le savent pas et sont visiblement un peu gênés. Bon, je ne le savais pas non plus il n'y a pas si longtemps mais étant venu spécialement pour ça, je me permet de lui apporter modestement la réponse tout en essayant de détendre l'atmosphère à coup de "En même temps ce n'est pas en France, vous n'êtes pas obligés de le savoir !". Plutôt étonnant quand même, mais après tous les gens qui se déplacent pour l'Aneto arrivent le plus souvent directement en Espagne pour l'attaquer depuis le Refuge de la Rencluse. Visiblement on vient plutôt à Luchon pour le Pic de Sauvegarde, le massif du Luchonnais... et bien sûr "la cure".

On me conseille également de faire un crochet par le Bureau des Guides pour plus d'informations météo. Il est fermé et n'est pas prêt d'ouvrir. Tant pis !

Je voulais prendre un gros petit-déjeuné sur place avant de commencer à monter, mais il se fait de plus en plus tard et j'ai oublié de prendre de la monnaie. Ça me fait mal au coeur de déjà, casser un billet de 10.

Je me dirige donc vers la forêt domaniale de Luchon où je prendrai le GR10 jusqu'à Superbagnères, suivi du Lac d'Espingo. L'accès se trouve vers la place du marché, derrière l'école. Je ne l'ai pas trouvé immédiatement, comme souvent en milieu urbain. J'aurai pu prendre le téléphérique jusqu'à Superbagnères mais ce n'est clairement pas ma vision de la randonnée. La montagne, ça se mérite ! J'en profite pour me gaver littéralement de fruits, les derniers avant une bonne semaine. Tant pis pour le billet de 10. En bon MUL qui se respecte, je demande quand même si je peux avoir un billet de 5 avec la monnaie.

Arrivé devant l'accès au GR10, je recroise la retraitée. Hu? Elle s'est téléportée ou quoi ? Toujours pas compris d'où elle arrivait. L'orientation en ville, c'est vraiment pas mon fort. Elle me demande où je vais, je lui explique que je pars randonner 8 jours en Espagne et que je serai de retour à Luchon le dimanche suivant. Réponse typique : "Avec ce sac ?! Et ben, déjà que t'es pas bien épais, il va plus te rester grand chose sur les os". Une réponse en deux mots me vient immédiatement à l'esprit, mais je me retiens. Ce qu'elle ne sait pas c'est que les 3/4 de l'espace du sac sont réservés à la nourriture, et que j'ai un peu de ventre à perdre (note : mission accomplie). C'est à la fois marrant et énervant. Marrant car sur ce forum nous sommes tellement habitués à négocier chaque gramme que c'est devenu la norme, mais c'est très loin d'être le cas pour la plupart des gens, randonneurs compris. D'ailleurs mon sac est relativement lourd et gros au regard de cette randonnée. Objectif à atteindre pour ce genre de conditions : -1kg. Énervant car on est rapidement identifié comme des inconscients ou des types irréfléchis alors que c'est précisément parce que l'on passe beaucoup de temps à réfléchir avant, pendant et après nos sorties que l'on parvient à alléger nos sacs sans ignorer le facteur sécurité. Réflexion que n'a certainement pas eu le randonneur qui attaque le GR20 sur un coup de tête après avoir passé un après-midi parisien au Vieux Campeur à s'équiper en objets divers et variés sous les conseils avisés d'un vendeur capable de refourguer un Deuter Aircontact à un gamin de 10 ans. Pour un résultat que l'on connait tous : sac de 70L, du matériel à n'en plus finir, 23kg avec ravitaillements au programme.

Bientôt 11h du matin. Je commence la montée tranquillement histoire de me faire un peu les jambes, puis accélère rapidement. Je pète la forme, j'ai l'impression d'être monté sur ressorts ! C'est de la forêt donc c'est parfois un peu pénible, mais pour démarrer ce n'est pas si désagréable. Ça cogne au dessus de la canopée, et je transpire comme rarement. Mon t-shirt MC mérinos est vite totalement trempé et mouille tout équipement qui serait à son contact. La marche étant propice à cela, je commence déjà à réfléchir à une solution DIY pour ma prochaine randonnée. Cela se prolongera tout au long de mon périple au fil des différentes contraintes rencontrées. À venir donc, un fil dans l'Atelier des bricoleurs !

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11h05, 730m d'altitude. Luchon peu après le départ... on prend vite de la hauteur et c'est toujours agréable de se le voir confirmé régulièrement par une petite fenêtre !

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Je croise régulièrement cette canalisation immense et impressionante, aller simple vers la ville. Quelqu'un sait de quoi il s'agit ?

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Première pause bouffe. L'occasion de faire sécher le t-shirt, et tout le reste.

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13h38, 1631m. Peu avant Superbagnères, la vue se dégage enfin et devient de plus en plus minérale. Vision classique mais qui fait plaisir après une montée parfois éprouvante en forêt, première récompense d'une très longue série.

La montée jusqu'à la station (1800m) me prendra 3h contre les 4 annoncées. Mes deux litres d'eau sont déjà engloutis, c'est le moment de faire le plein. Je me rends dans un des nombreux bar-restaurants du coin, où le personnel est aimable parce qu'il faut l'être. Je hais les stations de ski, vivement que je quitte cet endroit !

Je rejoins l'arrivée du téléphérique comme point de repère pour m'orienter. Un peu plus loin, il y a une petite bute avec une vue plongeante sur Luchon.

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1781m. Luchon depuis Superbagnères.

À peine arrivé, je reconnais un visage qui m'est désormais familier : la retraitée. Et son amie. Ça devient louche. Elles sont montées entre temps via le téléphérique pour admirer la vue. Impressionnées par le chemin déjà parcouru à pied, l'instinct protecteur et maternel de ces femmes reprend le dessus et on me questionne sur la randonnée à venir, mon équipement, mes cartes, etc. Totalement rassurées après ce petit interrogatoire improvisé, elles me laisseront repartir non sans me donner deux biscuits, seule entorse que je ferai au régime que je me suis fixé. J'étais persuadé que c'était des locales, mais elles aussi sont là pour "la cure". Décidément !

Globalement, et ce malgré la montée rapide jusqu'à Superbagnère, j'ai l'impression de prendre mon temps et d'avoir du mal à me presser. La machine à engouffrer du dénivelé redémarre doucement, ainsi que ma faculté à m'orienter. Note à moi-même pour l'avenir : randonner plus souvent.

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Un peu plus tard, 1837m. Je quitte Superbagnères et continue sur le GR10, on rentre enfin dans le vif du sujet !

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Traversée d'un troupeau de vaches (race ?), visiblement habituées à la présence humaine.

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Une autre, parce que je les préfère ici qu'à Simply Market.

Et effectivement, en ce dimanche après-midi ça défile sur cette première moitié du tronçon qui relie le Lac d'Espingo. Toujours dans le même sens : il s'agit de randonneurs à la journée ayant garé leur voiture à la station ou à Luchon. La plupart sinon tous, emprunteront le téléphérique pour redescendre.

Je ne croise qu'une seule personne qui va dans la même direction que moi, elle compte bivouaquer "là où la nuit l'arrêtera". J'aime beaucoup faire ça également mais ce n'est pas quelque chose que j'appliquerais volontairement en montagne. D'après lui, "ça se fait rare les gens qui bivouaquent maintenant". Ça se confirmera par la suite.

Beaucoup de dénivelé positif aujourd'hui, pas toujours facile. Le randonneur-bivouaqueur me dépasse rapidement et je constate son avance sur moi au grès du relief, quand il réapparait, toujours un peu plus loin. Rien d'anormal à cela cependant : lui aussi a pris le téléphérique, et plus de 1000m de D+ nous séparent au moment où nous nous croisons.

J'ai prévu de dormir vers le Lac du Portillon, il me reste encore beaucoup de chemin à parcourir et j'ai accumulé pas mal de retard. Cette première journée s'avère forcément assez difficile physiquement mais la motivation et la promesse sans cesse renouvelée de nouveaux panoramas suffisent amplement à passer outre cette difficulté.

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16h48, 2168m. Le sentier est bien visible, avec à gauche le Pic de Subescale puis de Coumenere. Derrière la crête au loin, se trouve le fameux Lac d'Oô.

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18h07, 2250m. Lac d'Oô environ 800m plus bas, déjà bien à l'ombre des Pics de Nord Nère et d'Espingo...

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... et sa cascade, très impressionnante et bruyante malgré la distance (environ 1,3km à vol d'oiseau).

Un troupeau de brebis et un ruisseau plus tard, où j'ai à nouveau dû faire le plein d'eau (déjà 4 litres bus depuis le départ), j'arrive rapidement au refuge puis au Lac d'Espingo. Une étape concrète de franchie, alors que la femme du bar de Superbagnères me voyait mal arriver avant la tombée de la nuit. C'est bon pour le moral ! Peu avant, je croise un type assez âgé, une gueule cassée qui sent le vécu, posé sur son rocher avec ses deux genouillères et son tabac à rouler. Il vient d'Ariège via le GR10, chapeau l'artiste ! J'espère pouvoir en faire autant à son âge. Il a de quoi être autonome mais me demande de prévenir le refuge d'Espingo qu'il arrive en espérant qu'il restera de quoi manger, ce que je ne ferai pas par manque de temps. La lumière baisse très vite une fois le soleil passé derrière la crête, et ce moment approche à grand pas. Je ne peux me permettre ce crochet avec l'objectif que je veux atteindre.

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19h15, 1928m. Lac d'Espingo après l'avoir dépassé. Le petite construction est probablement une cabane (bien présente sur la carte IGN mais aucun nom). Le refuge est sur les hauteurs du lac et n'est pas visible sur cette image.

J'attaque donc le Lac Saussat. Je croise sur ma route un alpiniste chevronné qui vient de se faire quelques sommets alentours. Il est parti à 4h du matin de je ne sais quel parking (probablement celui des Granges d'Astau) et rentre tranquillement alors que les plus jeunes qui l'accompagnaient sont déjà loin devant. Je les avais croisé un peu plus haut avec leurs cordes.

Je lui demande si le Portillon est jouable avant qu'il fasse nuit noire. "Ça va être chaud mais c'est possible". Il connait là Petzl e+Lite qui me sert de frontale et n'a pas l'air de considérer cela comme une limitation majeure. Ce qu'il me dit est surement vrai, mais toujours se méfier de ces types qui connaissent le coin mieux que leur propre maison. Ils s'y déplacent rapidement et seraient capable d'y évoluer de nuit à la lumière d'un cierge. Je me renseigne sur les éventuelles zones de bivouac que je rencontrerai sur le chemin, pour avoir une solution de repli. Il m'en indique deux, dont une à mi-chemin jusqu'au Lac du Portillon. Ça fait encore pas mal de D+.

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19h12, 1938m. Le Lac Saussat se trouve au niveau du petit point orange, probablement la tente du randonneur-bivouaqueur croisé plus tôt dans la journée. La porte sera close quand je passerai à proximité un peu plus tard. On aperçoit à gauche le Grand Quayrat, et à droite le Pic des Spijeoles. Pour dormir au Portillon, il faut encore passer entre les deux !

Finalement je décide sagement de choisir la première zone de bivouac indiquée plus tôt, j'essaierai de rattraper mon retard demain. C'est un véritable petit coin de paradis sur les hauteurs du Saussat, à proximité du Lac de la Coume de l'Abesque. Encerclé d'une parois rocheuse sur environ 180°, le sol est mou et spongieux, idéal pour planter son abri.

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20h passé, 2101m. Fin de journée ! Il fait nuit noire 40 minutes plus tard, même pas eu le temps de prendre l'abri en photo.

Je me rattrape bien sûr le lendemain matin.

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Morceau du jour, "Montée en forêt jusqu'à Superbagnères" :

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Ceephax - Steve (infos)

Dernière modification par mknod (05-10-2015 17:41:44)


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#8 19-09-2015 19:54:51

kodiak
Pas assez léger, mon fils!
Inscription : 09-06-2014

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Sympa le démarrage! Décaler son départ de 24 heures le temps de faire son sac, je ne l'avais jamais fait...
Bienvenue dans les Pyrénées!

mknod a écrit :

Je croise régulièrement cette canalisation immense et impressionnante, aller simple vers la ville. Quelqu'un sait de quoi il s'agit ?

C'est la canalisation forcée qui alimente la centrale électrique "du lac d'Oô" (qui comme son nom ne l'indique pas est située dans la banlieue de Bagneres). Plus d’infos ici


Lâche ce clavier, attrape ton sac et pars marcher!
Il y a toujours un objet plus léger que celui que tu portes dans ton sac : celui que tu as eu le courage de laisser chez toi.
« Strong, light, cheap, pick two » (*)

| k

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#9 20-09-2015 00:08:59

Magne2
Membre
Lieu : Vitry sur Seine
Inscription : 23-09-2013
Site Web

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Super début avec un ton général bien sympathique , je suivrai  smile


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#10 20-09-2015 13:50:30

le samarien
Membre
Lieu : PICARDIE
Inscription : 05-09-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

ton récit et ton tracé m'intéresse,
et surtout le compte rendu matériel  smile

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#11 20-09-2015 18:40:31

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

kodiak a écrit :

Sympa le démarrage! Décaler son départ de 24 heures le temps de faire son sac, je ne l'avais jamais fait...
Bienvenue dans les Pyrénées!

Merci ! Moi non plus je te rassure. Disons que j'ai été un peu pris de court par un petit changement de situation professionnelle récent (avec passage pour la première fois au 35h), doublé d'une gestion du temps un peu aléatoire par moment.

kodiak a écrit :

C'est la canalisation forcée qui alimente la centrale électrique "du lac d'Oô" (qui comme son nom ne l'indique pas est située dans la banlieue de Bagneres). Plus d’infos ici

Je me renseigne rarement sur les lacs ou autre éléments remarquables que je vais rencontrer avant de partir. Ça me permet d'être vierge de tout à priori et de me forger un souvenir que j'espère le plus authentique et personnel possible... quitte à être un peu ignorant sur le moment. Je me rattrape bien sûr au retour.

J'attends d'avoir terminé de tout rédiger pour commencer à vraiment me renseigner sur chaque col, pics, lacs, refuges... Ça me servira de fil conducteur. J'espère que wikipédia a une bonne bande passante wink.

Magne2, le samarien, merci pour vos encouragements. La question du ton est en effet intéressante, pas toujours facile d'ailleurs pour un premier récit. Je ne peux m'empêcher de redevenir un peu plus formel lors du passage du brouillon à la version finale. Ce n'est pas faute d'aimer le vocabulaire familier pourtant. Le CR matériel arrive, mais pas tout de suite. Je veux éviter de trop me disperser avec les détails techniques (dont je raffole aussi) pour le moment.

La suite bientôt... fini les vaches et les prairies pour le Jour 2. Sensations garanties big_smile

Dernière modification par mknod (20-09-2015 18:41:28)


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#12 20-09-2015 20:00:52

ester
Membre
Lieu : Bzh
Inscription : 24-08-2011

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Bonjour Mknod,  smile

Mknod a écrit :

Il connait là Petzl e+Lite qui me sert de frontale et n'a pas l'air de considérer cela comme une limitation majeure. Ce qu'il me dit est surement vrai, mais toujours se méfier de ces types qui connaissent le coin mieux que leur propre maison. Ils s'y déplacent rapidement et seraient capable d'y évoluer de nuit à la lumière d'un cierge.

...une nuit sans vent...  tongue

Mknod a écrit :

La suite bientôt... fini les vaches et les prairies pour le Jour 2. Sensations garanties big_smile

L'art de maintenir ses lecteurs au bout de l'écran !
Je crois que tu l'as trouvé, le ton ! smile

Merci pour le récit.  smile


Grâce à vous, j'avance ! merci !  smile

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#13 21-09-2015 10:58:10

Arnaud
Membre
Inscription : 08-12-2011

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Salut !

Je rentre juste de l'Aneto  big_smile , et j'ai passé quelques jours l'an dernier dans le luchonnais (départ granges d'Astau) donc je salive déjà en attendant la suite tongue .

Merci pour le récit !

Juste une remarque concernant le dénivelé que tu donnes (2729m) et qui me parait un peu fort. Je dirais plutôt dans les 2200m, non ?

Vivement la suite!

Edit: orthographe

Dernière modification par Arnaud (21-09-2015 11:28:50)

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#14 21-09-2015 21:06:26

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Heureux de te compter parmi mes lectrices ester smile

Arnaud a écrit :

Je rentre juste de l'Aneto  big_smile , et j'ai passé quelques jours l'an dernier dans le luchonnais (départ granges d'Astau) donc je salive déjà en attendant la suite tongue .

As-tu prévu de faire un CR ? J'ai eu droit à une vue d'ensemble magnifique sur le massif du Luchonnais avec ses tons roses sur la fin de mon parcours, ça m'a donné envie d'y retourner pour voir ça de l'intérieur.

Arnaud a écrit :

Juste une remarque concernant le dénivelé que tu donnes (2729m) et qui me parait un peu fort. Je dirais plutôt dans les 2200m, non ?

Ah! La gestion des altitudes... Tu touches un point sensible là. big_smile
Je n'avais pas prévu de me prendre plus la tête avec ça pour le moment mais puisque tu m'y invites (et que je n'y résiste pas).

Voici ce que j'obtiens :

3175m avec le GPX original. Valeur forcément imprécise car issue du GPS, et probablement faussée par les nombreux écarts de mesure entre chaque points, qui ne correspondent en rien à la réalité du terrain (il faut les filtrer)

2059m avec le GPX passé à la moulinette Openrunner. Il ignore totalement les données enregistrées et recalcule tout lui-même. Méthode de calcul et source des altitudes : inconnue (?).

Pour ma part je considère ce site comme une très mauvaise blague et ne l'utilise plus depuis longtemps pour plusieurs raisons :
- espace de travail ridicule sacrifié au profit de bannières publicitaires intrusives, même en plein écran... mieux vaut ne pas faire de clique accidentel
- il bousille et aseptise totalement les GPX importés (suppression des métadonnées, suppression de points !!, noms à rallonge incompréhensibles)
- il lui arrive de buguer sur des grandes traces en mode dessin, en tout cas chez moi
- utilisation massive du javascript dans la conception de son interface, ergonomie peu conforme aux standards d'accessibilité du web (quand je clique sur un lien, j'aime que celui-ci mène effectivement à une page !)
- aucune confiance dans les altitudes, mais ça il faudra quand même que je vérifie précisément (edit : fait en partie dans le message #17 et #20)
- le site indique 2059m de D+ mais la trace réexportée en GPX en indique 4087...
- etc.

3370m avec VisuGPX en remplaçant toutes les altitudes avec la SRTM3 V2, sans lissage ni seuil

2580m en remplaçant toutes les altitudes avec la SRTM3 (via gpsvisualizer.com, un des rares outils en ligne sérieux à ma connaissance)

2729m (ce que j'utilise) en remplaçant toutes les altitudes avec la SRTM1 (toujours via gpsvisualizer.com, résolution de 30m contre 90m pour la SRTM3)

Y'a de quoi se taper une migraine.

Et il doit y avoir la possibilité d'obtenir encore d'autres résultats en cherchant bien... ça mériterait surement un fil de discussion à part s'il n'existe pas déjà. Mon choix était en tout cas assez naturel même si la SRTM1 possède des défauts. Ça a au moins le mérite d'apporter une certaines cohérences entre toutes les traces. Je t'invite à faire tes propres essais si tu en as la possibilité, tu apprendras forcément des trucs.

Qu'est-ce qui te fait dire 2200m, simple estimation ?

Une méthode fiable je pense, reste de confronter manuellement une trace aux courbes de niveaux d'une carte IGN. À l'ancienne quoi. Qui s'y colle ?  tongue

Dernière modification par mknod (22-09-2015 22:55:55)


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#15 22-09-2015 10:41:45

clems190
Membre
Lieu : Vers Pau
Inscription : 02-10-2013

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Bonjour,

Curieux de lire la suite du récit car c'est une ballade que j'ai en prévision de faire (2016?).

Par contre, et pour avoir l'étape dans l'autre sens, je suis un peu surpris par les dénivelés annoncés, 1252 D- ouch! J'ai repris la carte IGN et marqué les différents points hauts (5) et bas (5) et j'arrive à 2055 D+ et 580 D-, en considérant un bivouac à 2100m.

Après tout dépend ce que l'on veut montrer. Tu retranscris les données calculées par ton GPS en reprenant toutes les petites dénivellations qui ne sont usuellement pas comptabilisées, ce qui est peut être plus juste mais qui est inapplicable pour prévoir des randonnées. Du coup comment as tu préparé tes étapes, temps de marche, ...?

Au plaisir de te lire.


"Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple."  Jacques PREVERT

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#16 22-09-2015 15:57:48

FB
Membre
Lieu : Luchon (31), La Forêt F (29)
Inscription : 16-04-2006
Site Web

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

mknod a écrit :

Une méthode fiable je pense, reste de confronter manuellement une trace aux courbes de niveaux d'une carte IGN. À l'ancienne quoi. Qui s'y colle ?  tongue

C'est ce qu'on obtient, à peu de chose près, en appliquant un filtre de seuil sur les données GPS : on ne compte un dénivelé que lorsqu'on franchi une "ligne de niveau" virtuelle. Avec des seuils tous les 15 ou 20 mètres*, avec un petit lissage très modéré des altitudes GPS et après élimination des points aberrants, cela marche pas mal.

Je crois qu'il y a déjà un fil là dessus, mais je ne le retrouve pas.

* edit : en montagne.
En plaine ce serai sans doute différent, mais le dénivelé est-il intéressant dans ce cas ?

Dernière modification par FB (22-09-2015 16:01:49)


François

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#17 22-09-2015 15:58:21

mknod
Banni(e)
Lieu : Paris
Inscription : 08-01-2015

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Salut clems190,

clems190 a écrit :

Par contre, et pour avoir l'étape dans l'autre sens, je suis un peu surpris par les dénivelés annoncés, 1252 D- ouch!

À la suite du commentaire d'Arnaud hier, j'ai regardé de plus près le profil altimétrique de cette étape (disponible en début de message du Jour 1), et j'ai également été un peu surpris.

clems190 a écrit :

J'ai repris la carte IGN et marqué les différents points hauts (5) et bas (5) et j'arrive à 2055 D+ et 580 D-, en considérant un bivouac à 2100m.

Soit des données très proches de celles fournies par Openrunner. Je comptais justement m'atteler à ce même exercice aujourd'hui mais en utilisant le profil altimétrique. Je poste un peu plus tard le résultat à la suite de ce message. edit: annulé suite à la réponse de FB ci-dessus.

clems190 a écrit :

Après tout dépend ce que l'on veut montrer.

Dans le cadre de ce récit, des résultats les plus proches possibles de la réalité.

Dans le cadre de mon usage personnel, la véracité des D+/D- m'intéresse moins. C'est plus la consistance des données dans le temps et l'espace qui m'importe. Si j'ai un contrôle total sur la méthode de calcul j'ai l'assurance de pouvoir comparer les résultats sur le long terme et donc de pouvoir me créer une échelle de références assez fiable.

clems190 a écrit :

Tu retranscris les données calculées par ton GPS en reprenant toutes les petites dénivellations qui ne sont usuellement pas comptabilisées, ce qui est peut être plus juste mais qui est inapplicable pour prévoir des randonnées.

Hé non justement ! J'ai précisé plus haut (message #3 et fin du #14) que je n'utilise aucune altitude issue du GPS et que je leur préfère celles de la SRTM1. Les GPX qui me servent pour faire les stats ont donc vu toutes leur altitudes remplacées (et donc lissées je présume). Ta remarque concernant le "bruit" typique des altitudes des GPS est également relevée au début du petit comparatif, message #14.

Que penses-tu de ce comparatif d'ailleurs ? Les écarts entre les résultats sont... vertigineux.

Je n'ai pour l'instant qu'une certitude : les altitudes prises à part dans les GPX modifiés sont très fiables. Rédigeant le récit au fil de ces traces, j'ai régulièrement l'occasion d'en vérifier leur exactitude (cols, lacs, etc). Par exemple l'altitude maximum de cette première journée est bien 2272m (cf. carte IGN France) et non 2288m comme dans la trace réexportées depuis Openrunner.

clems190 a écrit :

Du coup comment as tu préparé tes étapes, temps de marche, ...?

Comme d'habitude, assez vaguement. Jusqu'à maintenant j'ai toujours fait ça sur carte papier en estimant "à vue" et/ou manuellement, et souvent dans un cadre assez flexible laissant place à l'improvisation. Aucun calcul précis des temps de marche donc. Je n'avais jamais créé mes propres cartes ni même établi à l'avance une trace prévisionnelle bien définie (ce qui ne m'a pas empêché de bidouiller et d'explorer les diverses options informatiques pendant tout ce temps).

Je me suis servi de QLandkarte GT, qui ne calcule pas les dénivelés en temps réel. J'ai donc simplement fait comme si j'étais sur papier, mais en moins précis ! La trace a été créée par sections principales qui devaient plus ou moins correspondre à des journées de marche, et auxquelles j'ai greffés des sections optionnelles ou secondaires histoire de pouvoir m'adapter.

Une fois sur le terrain, j'ai rapidement dû la considérer comme un fil conducteur autour duquel je devais composer, et non une finalité en soi. C'est l'intérêt de partir seul et en autonomie totale : aucune pression, grande liberté d'improvisation, et personne pour t'en vouloir si t'as mal prévu ton coup tongue

J'ai cependant énormément appris de ce premier essai et je saurai être beaucoup plus précis à l'avenir, notamment grâce à la collecte de toutes ces données (c'est fou tout ce qu'on peut extrapoler d'une simple trace...)

Beaucoup plus d'informations à venir dans la partie "Itinéraire, orientation et cartographie".

clems190 a écrit :

Au plaisir de te lire.

Merci pour tes remarques !

La suite ce soir.

Dernière modification par mknod (22-09-2015 16:11:41)


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#18 22-09-2015 16:12:20

mknod
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

FB, je t'envoie un mail de ce pas edit: autant en faire profiter tout le monde.

FB a écrit :

C'est ce qu'on obtient, à peu de chose près, en appliquant un filtre de seuil sur les données GPS : on ne compte un dénivelé que lorsqu'on franchi une "ligne de niveau" virtuelle. Avec des seuils tous les 15 ou 20 mètres*, avec un petit lissage très modéré des altitudes GPS et après élimination des points aberrants, cela marche pas mal.

Pas bête du tout, d'autant que VisuGPX permet cette manipulation très simplement.

Existe-t-il à ta connaissance un autre outil en ligne permettant d'appliquer ce seuil ? VisuGPX est limité à des traces de 2 Mo (au pire je ferai sauter quelques points sur la trace complète, c'est pour le calcul du D+ total).

Seuil de 15 ou 20m selon toi ? Pourquoi pas 10 sachant que c'est l'équidistance des cartes IGN du coin ?

Lissage ou pas ? Réponse à ma propre question : aucune incidence quelque soit le GPX (original ou modifié) et le nombre de points choisi.

FB a écrit :

En plaine ce serai sans doute différent, mais le dénivelé est-il intéressant dans ce cas ?

Sur des distances courtes ou moyennes ça risque d'être considéré comme du plat. Mais : si je ne fais que de la plaine la distance est plus intéressante comme tu le soulignes, et si ça s'intègre dans un itinéraire de montagne alors je n'en suis pas à 20m près. wink

Dernière modification par mknod (22-09-2015 17:50:00)


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#19 22-09-2015 19:51:22

kodiak
Pas assez léger, mon fils!
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

@mknod, @FB, merci pour cette conversation constructive et édifiante.

Puis-je vous suggérer d'en faire une petite page dans le wiki? Éventuellement en y incorporant des éléments du fil de discussion que FB n'a pas trouve? (c'est peut-être celui-ci?)

@mknod, j'en oubliais presque l'essentiel. Super CR. La suite!

---
EDIT : ajout

Dernière modification par kodiak (22-09-2015 19:53:20)


Lâche ce clavier, attrape ton sac et pars marcher!
Il y a toujours un objet plus léger que celui que tu portes dans ton sac : celui que tu as eu le courage de laisser chez toi.
« Strong, light, cheap, pick two » (*)

| k

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#20 22-09-2015 22:48:51

mknod
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Merci aussi à Arnaud et clems190 pour avoir relevé cette grande supercherie qu'est le calcul de D+. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour faire péter les records maintenant big_smile

Sympa le fil que tu as mis en lien, finalement notre discussion n'en n'est que le prolongement... deux ans plus tard.

Par contre quand je lis :

Phil67 a écrit :

En effet TOUT dépend du mode de calcul choisi pour le dénivelé :
   - est-ce : D+ = (altitude maximum - altitude minimum) => on loupe toutes les montées descentes intermédiaires donc D+ largement sous-évalué

Moi j'appelle ça une "balance", pas du dénivelé.

Je ne suis pas très à l'aise avec le wiki mais j'aiderais volontiers à la rédaction d'un article ou à la réalisation de tests complémentaires (j'adoore les tests).

En dernier recours et parce que ça fait du bien (des fois), je me suis résolu à utiliser mon cerveau pour trouver la réponse aux questions que je pose ci-dessus. J'ai donc extrait arbitrairement quelques traces simples de mes GPX pour y compter manuellement les dénivelés sur carte IGN, en m'arrangeant toujours pour démarrer et terminer sur une courbe maitresse.

Une petite crise d’épilepsie plus tard j'ai fais quelques tests rapides dont voici les résultats :

Trace de test #1 (D+ uniquement)
- Calcul manuel (référence) : 1150m
- Calcul sans seuil (simple addition des delta positifs et négatifs) : 1360m
- Seuil de 10m : 1162m
- Seuil de 15m : 1141m <- 2ème valeur la plus proche
- Seuil de 20m : 1144m <- valeur la plus proche

Trace de test #2 (D+ uniquement)
- Calcul manuel : 350m
- Calcul sans seuil : 394m
- Seuil de 10m : 354m
- Seuil de 15m : 349m <- valeur la plus proche
- Seuil de 20m : 354m

Dans les deux cas l'erreur sans seuil est de 13%, soit environ 6-7m inventés pour 50m réels. Je suis sûr que j'obtiendrais le même résultat sur d'autres traces.

Trace de test #3 (D+ / D-, petite trace car grosse flemme)
- Calcul manuel : 90 / 160m
- Calcul sans seuil : 124 / 192 (!!)
- Seuil de 10m : 89 / 154m <- 2ème valeur la plus proche
- Seuil de 15m : 63 / 120m
- Seuil de 20m : 46 / 111m
- Peu convaincu je test avec un seuil de 5m : 92 / 160m <- valeur la plus proche

Pas le même taux d'erreur mais je pense que c'est parce que la résolution du relief est beaucoup fine que dans les traces #1 et #2.
Pour les mêmes raisons un seuil élevé donne n'importe quoi : en gros il faudrait un seuil dynamique pour s'adapter à la résolution du relief et donc se rapprocher encore plus de la réalité. C'est techniquement largement faisable via un système de fenêtre glissante (si un développeur fréquente le forum ça pourrait être intéressant !).

Bref pour toutes ces raisons une valeur de 10m me semble la plus adéquate.

Deux petits derniers tests pour la route :

Comparaison GPS / SRTM1. Je reprends la trace de test #1 mais avec les données d'altitude du GPS :
- Calcul manuel : toujours 1150m
- Calcul sans seuil : 1293m
- Seuil de 10m : 1163m
- Seuil de 15m : 1156m
- Seuil de 20m : 1141m

Pour le calcul de dénivelé le GPS est loin d'être ridicule finalement (pour des altitudes ponctuelles je me méfierais plus).

Comparaison avec Openrunner. Toujours avec la trace de test #1 : 1147m. Pas mal du tout ! Par contre le GPX réexporté dit toujours n'importe quoi. Donc Openrunner c'est toujours aussi naze.

Reste plus qu'à refaire les mêmes tests avec des traces beaucoup plus grandes et complexes.

Allez j'arrête de parler tout seul !

Dernière modification par mknod (24-09-2015 00:16:10)


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#21 23-09-2015 08:30:55

FB
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

mknod a écrit :

Allez j'arrête de parler tout seul !

Mais tu as très bien parlé smile

Avec les lissages et les seuils adéquats on peu faire dire ce qu'on veut aux altitudes d'un tracé GPS, le tout est de savoir ce qu'on veut lui faire dire.
Si c'est d'être conforme aux dénivelés visibles sur une carte, je crois que c'est bien en calibrant le calcul sur quelques traces caractéristiques qu'on peut y arriver.

Les différences avec la trace brute, viennent d'une part de l'imprécision du GPS en altitude (variable selon le GPS, son paramétrage et les conditions de réception), et d'autre part des irrégularités du terrain. Ces irrégularités sont bien réelles mais trop petites pour être visibles sur une carte. On peut les classer "difficultés du terrain" plutôt que dénivelé. C'est un choix cohérent avec les habitudes et qui permet de comparer les randos quelquesoit le moyen de calcul du dénivelé.


François

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#22 23-09-2015 19:34:17

Jobig
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Bonjour mknod,  smile

Ton récit est agréable à lire, le style est soigné, le registre de langue soutenu. C'est bien ! ça me plaît. cool

J'ai une petite question cependant : tu lui avais promis quelque chose à ton Ariégeois GRtiste ?

J'attends la suite et m'en réjouis d'avance ! smile

Jobig


From each according to their ability, to each according to their needs.

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#23 23-09-2015 19:41:17

mknod
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Merci Jobig, la suite arrive dans quelques minutes  smile

Le registre sera peut-être légèrement différent, mais résolument à l'image des événements ! Pas de promesse et d'engagement moral à proprement parlé, même si j'avais accepté de le faire (et ça me faisait bien sûr plaisir). Je ne suis pas des plus à l'aise avec ça, mais le crochet était vraiment important au regard des circonstances. Je pense qu'il comprendrait. Et puis bon, il avait décidé de fumer sa clope tranquillement assis sur son rocher juste avant la tombée de la nuit après tout  roll

ajout : réponse plus complète à ce sujet ICI.

Dernière modification par mknod (28-09-2015 17:23:06)


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#24 23-09-2015 20:57:01

mknod
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Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Jour 2 - 31 août 2015

Distance parcourue : 12,2km
Durée totale avec pauses (à ± 10min) : 09h29

Liens vers la cartographie (FR).
Liens vers la cartographie (ES).

Profil altimétrique :

9369_pyr8j2015_05j2_profiles_elevation_23-09-15.jpg

Altitude min/max : 2023 / 2984m
Altitude moyenne : 2571m
Dénivelé positif : 990m
Dénivelé négatif : 1072m

Répartition temps de marche :

9369_pyr8j2015_05j2_profiles_time_05-10-15.jpg
(impossible d'extrapoler les vitesses, je ne sais pas pourquoi)

Vitesse moyenne : 2,3km/h
Vitesse ascensionnelle moyenne : 394m/h
Vitesse de descente moyenne : 385m/h

Récit

Aujourd'hui, direction l'Espagne !

La nuit a été calme, pas de pluie, un sommeil profond et réparateur. Ça faisait longtemps. J’avais prévu de me lever assez tôt pour rattraper le retard de la veille, mais ce matin je ne cesse de repousser l’échéance, je suis trop bien dans mon duvet. Et j’en ai besoin. Je suis plutôt nocturne par nature et mon rythme de sommeil a été assez accidenté ces dernières semaines. Le passage à "l'heure de la montagne" est brutal mais reste cependant impératif si je veux continuer en toute quiétude. On verra demain !

Je décolle donc assez tard et attaque directement "à froid" la montée vers le Lac du Portillon, à un peu moins de 600m de D+. Il est clair qu'il aurait été très ambitieux de s'y engager hier soir.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1288_ls_23-09-15.jpg

10h57, 2093m. Le Lac Saussat, dépassé la veille.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1289_ls_23-09-15.jpg

11h12, 2229m. En me retournant j'aperçois également le petit Lac de la Coume de l'Abesque, non visible depuis ma zone de bivouac à cause du tas de pierres.

Les 20-30 premières minutes sont toujours difficiles, je n'échappe pas à la règle ce matin.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1291_ls_23-09-15.jpg

11h53, 2495m. Peu de temps avant d'arriver sur le plateau qui précède le Portillon.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1292_ls_23-09-15.jpg

11h57, 2513m. Ici, le challenge c'est de se perdre. Avec toutes ces cairns le sentier a plutôt une allure d'autoroute.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1295_ls_23-09-15.jpg

Cinq minutes plus tard, le refuge et le Lac du Portillon sont dans mon viseur. Bien sûr, cette construction humaine visible au loin m'interpelle immédiatement. N'ayant ni fait de recherches particulières en amont ni relevé le détail sur ma carte IGN, j'étais totalement passé à côté du fait que ce lac est doté d'un barrage. J'apprendrai à mon retour qu'il est en fait totalement artificiel.

Plus je me rapproche et plus je remercie le destin de m'avoir retardé la veille. Il est évident que ces lieux ne sont pas du tout propices au bivouac, et cela se confirmera aussi aux abords du lac. En outre, je trouve l'endroit laid, inhospitalier et hostile. Je n'aime pas les ondes qui s'en dégagent. J'ai habituellement besoin de "sentir" la zone où je plante mon abri. Avec le recul il s'agit de la seule partie de cette randonnée que je n'ai pas apprécié. Heureusement, elle fût très courte.

Depuis hier je subis une gène à l'utilisation de mes bâtons, à cause d'un bête oubli de ma part avant de partir : j'ai omis de vérifier le système de serrage des brins, ce qui occasionne un dérèglement systématique de leur longueur lorsqu'ils sont un peu trop sollicités. Ce n'est pas grand chose, mais c'est super chiant.

Le refuge arrive donc à point nommé, je suis sûr d'y trouver le tournevis dont j'ai besoin pour ajuster les clips. En m'y dirigeant je tombe régulièrement sur des déchets imposants, essentiellement de type ferreux. Ils sont surement issus de chantiers précédents.

J'arrive enfin, pose mes affaires, en profite pour faire un brin de toilette, remplir mes bouteilles, etc. L'heure est aussi à la crème solaire. Je demande un tournevis, on me sort le "kit de réparation pour crampons". Nickel. Je suis disposé à partir, à un gros détail prêt : la voie pour atteindre l'est du lac est censée passer sur le barrage mais il est fermé pour cause de travaux. Je l'avais plus ou moins deviné en arrivant et demande donc confirmation de mon itinéraire à un gardien du refuge. J'ai peur de passer pour un con avec mes cartes faites maison et la trace prévisionnelle qui est imprimée dessus. Et si je m'étais planté ? Je sais que c'est techniquement impossible puisque j'ai revérifié au moins trois ou quatre fois chacune des sections de mon tracé avant de tout imprimer. Sur le moment, ça ne m'empêche pas de douter. Il m'annonce que c'est bien la voie normale, qu'un itinéraire de substitution a été aménagé en contrebas du barrage et que je retrouverai la voie plus loin sur le flanc de montagne. J'ai à peu près compris.

Je ressort, essaye de visualiser le fameux tracé de substitution au nord du barrage, et surtout d'identifier où et comment je vais rattraper le sentier. C'est très loin d'être clair et je me remets à douter. En réalité ça pourrait être beaucoup plus simple, mais je ne suis définitivement pas à l'aise en ces lieux.

Peu importe, je vais aller voir l'autre côté du barrage, c'est à dire côté chantier, et procéder par élimination. Je n'y crois pas un instant mais m'engage quand même, on verra bien. Je sais pertinemment que je n'ai pas le droit d'être là puisque c'est écrit partout autour de moi, mais si je me fais attraper j'en profiterai pour faire le naïf et reprocher le manque évident d'indications pour les randonneurs. En bon Français, je pousserai peut-être même un peu la gueulante si on m'y invite. J'évolue sur un terrain sableux et instable, jonché de panneaux "Attention déchets dangereux", de tuyaux sous pression en fuite et m'aspergeant d'une fine rosée. Réflexion du moment : "j'espère que ce n'est que de l'eau". Ce chantier est de type alpin et il y a des mains courantes un peu partout. Bref, un vrai terrain de jeu.

Arrivé presque au bout du barrage, je dois me rendre à l'évidence : ce n'était pas là. Un ouvrier suspendu à sa nacelle au loin me le confirme. Au moins j'aurais testé.

C'est donc reparti en sens inverse :

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1298_ls_23-09-15.jpg

J'arrive de nouveau rapidement au refuge, et j'en profite pour photographier l'hélicoptère qui ne cesse de faire des aller-retours dans la vallée depuis ce matin.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1299_ls_23-09-15.jpg

Par chance, je croise au même moment des types qui travaillent visiblement sur le chantier. Ils m'indiquent enfin clairement par où je suis censé passer, et on me montre au loin une barrière ancrée dans la roche, quasiment invisible depuis le refuge puisque de couleur grise. J'ai du mal à la visualiser mais je fini par la repérer. Pour s'y rendre par contre, chacun fait comme il peut : il n'y a aucun itinéraire de substitution, il faut couper et se frayer un chemin à travers des rochers sur un terrain peu praticable.

En apprenant que je compte franchir le col qui délimite la frontière, l'un deux m'annonce que des orages avec grêlons arrivent de l'ouest, presque inquiet pour moi. S'il savait tout le chemin qu'il me reste à parcourir aujourd'hui !

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1300_ls_23-09-15.jpg

La barrière se trouve quelque part sur la paroi rocheuse, au bout du barrage.

S'en suit une portion assez exposée mais très intéressante à flanc de montagne, en contrebas du Pic du Lézat.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1302_ls_23-09-15.jpg

Réflexion du moment : "faut pas tomber". J'aurai l'occasion de me le répéter un certain nombre de fois tout au long de cette randonnée, si bien que ça en deviendra une private-joke avec moi-même.

J'avais prévu de faire le Pic Perdiguère mais je n'ai qu'une hâte : quitter cet endroit. Je prends donc un raccourci sur l'itinéraire initial en empruntant directement le pierrier du Vallon Inférieur de Litérole, dernière étape avant de franchir le col de même nom qui me sépare de l'Espagne.

Durant l'ascension, je croise un couple de HRPistes français qui reviennent d'Espagne, la trentaine, à peu près à la moitié de leur périple. Forcément, nous nous trouvons au beau milieu des Pyrénées ! Ils ont chacun pris 40 jours de congés sur leur travail, pas un de plus. Le temps est compté et les étapes millimétrées. Il est 14h passé d'une dizaine de minutes, mais ils terminent déjà leur journée et ont réservé une place au Refuge du Portillon. Ils marchent "depuis 5 heures", toujours pas sûr d'avoir compris s'il s'agissait de l'heure ou de la durée. Si c'est l'heure, alors il est effectivement temps de poser le sac, mais ça implique 2 heures de marche passées à la frontale, j'ai du mal à y croire. Si c'est la durée, leur journée me paraît bien courte.

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14h44, 2935m. D'ici, la vue sur le Lac du Portillon est vertigineuse. Réflexion du moment : "finalement je t'aime bien, de loin".

Au même moment derrière moi se présente une ultime épreuve avant le passage du col : un névé. Mais pas n'importe lequel, puisque c'est mon premier. N'ayant jusqu'alors pas eu l'occasion d'user mes semelles ailleurs qu'en moyenne-montagne, je n'ai jamais franchi ni même approché de près une telle formation. L'émotion est grande. Je pourrais le contourner mais ça me ferait perdre un temps précieux, et je compte bien me dépuceler du névé. Je tourne donc un peu autour, m'en approche, recule, le touche du bout des doigts (de pieds), recule et me rapproche à nouveau, le tout avec beaucoup de pudeur. C'est ma première fois après tout. Lui reste de glace malgré ma grande délicatesse. Trop excité, je finis par perdre patience, chausse mes crampons et le chevauche. La première portion est assez molle, l'accroche est plutôt bonne. Puis il durcit peu à peu par endroit, enfin je lui fait de l'effet ! La glace est mêlée à de nombreux débris minéraux qui garantissent là encore une accroche excellente.

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Réflexion du moment : "j'aurai du demander aux copains du forum comment c'était, leur première fois".

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Réflexion du moment : "dans quelques minutes, je serai un homme (des montagnes)".

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15h01, 2971m. Réflexion du moment : "c'était mieux dans mes rêves en fait".

Puis arrive le moment tant attendu, le passage du Col Inférieur de Litérole. Celui-ci marque vraiment le début de mon aventure (vous pouvez commencer à lire tongue).

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15h11, 1985m. À gauche la France, à droite l'Espagne. Comme en vrai.

Premier constat, le changement brutal du paysage si tôt la ligne de crête franchie : couleurs, textures, reflets du ciel dans les lacs, tout est différent et c'est une Espagne rouge feu qui s'offre à moi.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_dscf1314_ls_23-09-15.jpg

Cette vue est la promesse d'une première expérience inoubliable, et j'entame la descente dans un mélange d'impatience et d'excitation.

Deuxième constat : la nature de la roche est toute autre sur ce versant. Beaucoup plus agressive et instable, elle se dérobe sous les pieds. Le terrain est friable et la moraine très fine, ce qui rend la descente assez pénible voire potentiellement dangereuse.

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15h33, 2892m. En premier plan un petit lac gelé aux motifs surprenants. En second plan le Lac de Litérole (Ibón Blanco de Lliterola). Pour la suite de ce récit je choisis de ne pas traduire les toponymes espagnols puisque ceux-ci ne trouvent pas réellement leur équivalent en Français. Par exemple, "ibón" est un mot employé uniquement en Aragon pour désigner des "petits lacs d'origine glaciaire".

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Détail sur le lac gelé, représenté comme tel sur la carte IGN France mais comme glacier sur la carte espagnole. La vérité est ailleurs.

Maintenant, le but est de rejoindre l'Ibón Blanco de Lliterola puis de redescendre la Valle de Lliterola via la rivière de même nom, alimentée par le lac. J'avais envisagé en section alternative de passer plus au nord est pour emprunter la HRP via la Valle de Remuñe, mais c’est un détours que je considère inutile. L'idée est de se rapprocher au maximum de l'Aneto, en espérant secrètement pouvoir le faire le sur-lendemain. Sur le papier ça s'annonce plutôt facile. Ça le sera, en partie.

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16h59, 2743m. Passé le lac, je démarre la longue descente de la vallée, émerveillé par un environnement 100% minéral mêlant eau, glace, ainsi que ces parois rocheuses rouges et globuleuses.

Pour l'instant comme diraient nos confrères de BPL, "it's all fun and games". Ça ne va pas durer. Je ne le sais pas encore mais l'enchainement de quelques erreurs stupides — deux seulement —, mêlée d'une trop grande confiance en moi va me mettre en véritable situation de danger de mort. Je n'aurai pas la prétention d'être le messager de quelque sermon que ce soit, mais je tiens quand même à signaler que ce qui pour moi s’est avéré être une formidable et nécessaire leçon de vie et d’humilité aurait à peu de choses près largement pu être un énième fait divers de disparition en montagne dont vous auriez peut-être fini par parler ici.

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Les minutes passent, la progression a été très agréable et ludique jusqu'à maintenant. La dépression dans laquelle j'évolue devient progressivement de plus en plus étroite et technique, certaines zones agissent comme goulot d’étranglement sur le torrent, qui gagne en débit et en profondeur. Je me contente alors d'escalader les parois et de redescendre un peu plus loin.

Problème : le gentil petit cours d'eau des débuts se transforme bientôt en une cascade infranchissable.

Je sors la carte et devine mon erreur dans la foulée : au lieu de suivre méthodiquement le torrent j'aurais dû légèrement virer vers l'est pour ensuite passer sur les hauteurs de l'Ibonet de Lliterola (le petit lac en forme de coeur). J'étais un peu déconcentré, j'ai oublié de faire le point régulièrement, erreur plutôt classique et sans gravité. J'ai donc le choix entre faire demi-tour ou m'engager sur une portion d'escalade beaucoup plus technique et à l'issue incertaine. L'occasion se présente de faire du hors-sentier (en réalité je crois que j'en fais déjà depuis un moment), la journée est déjà bien entamée, et j'ai la flemme de faire un demi-tour qui nécessitera pas mal de désescalade. Possible car j'y avais veillé, mais chiant. Première grosse erreur.

Je range donc les bâtons et attaque la paroi rocheuse par l'ouest, elle devrait me permettre de prendre rapidement de la hauteur et de contourner la cascade. Cette roche lisse avec ses grosses bulles, me fait penser à de la mousse compensée. Seules quelques crevasses très fines permettent d'y glisser les doigts. Je cale mes pieds dans des crevasses verticales ou sur de petites "marches" formées à la surface. Elles dépassent d'environ 2 ou 3cm. Le renfort de pointe de mes trails est d'une grande utilité à ce moment là.

Puis j'atteins rapidement un second obstacle : un névé incliné d'environ 25° dont la rimaye d'une bonne soixantaine de centimètres suffira à engloutir un corps tout entier. En dessous il fait noir, la paroi est verticales et je peux déceler de l'eau qui ruisselle. Au-delà cependant, le terrain semble redevenir accessible et j'ai la quasi-certitude que je pourrai reprendre ma route normalement.

Je suis déjà bien engagé, je décide également de le contourner, toujours par l'ouest, toujours en prenant de la hauteur.

Un pas d'escalade, puis deux, puis trois, et je dois me rendre à l'évidence : je n'arriverai pas à continuer. La paroi est de plus en plus lisse et de plus en plus raide, je ne trouve plus aucun couloir à emprunter malgré ma tentative de lecture du terrain avant de continuer.

Cette fois c'est sûr, je dois faire demi-tour. Je tourne la tête, regarde autour de moi, et réalise que j'ai commis une deuxième grosse erreur : un pas d'escalade que je ne serai pas capable de reproduire en sens inverse à cause de son amplitude, du manques de prises et de mon inertie. Je ne l'envisagerai pas avec un sac à vide, alors avec 7 jours de bouffe sur le dos !

Bloqué sans possibilité de trouver une vraie position de repos, plus ou moins en équilibre sur quelques marches étroites, obligé d'utiliser mon propre poids pour plaquer mon corps contre la paroi et ainsi m'assurer un minimum de confort.

Là je suis vraiment dans la merde.

Je pourrais peut-être remonter d'un bon mètre pour me poser plus confortablement, mais ça ne changerait rien à ma situation. J'essaye de réfléchir à une solution, temps pendant lequel mon c** de piolet trouve la parade pour se décrocher partiellement du sac. Je le sais au son que le métal du manche a généré en venant frapper la roche. Réflexion du moment : "pas grave on verra plus tard". J'ai à peine le temps de formuler cette phrase dans ma tête qu'il finit par se décrocher entièrement. Il ne tenait plus que par la boucle du sac prévue à cet effet. Impuissant, je le vois chuter, rebondir quatre ou cinq fois sur la paroi en contrebas, je vis la scène au ralenti. Dans ma tête son sort est scellé, il va disparaitre sous le névé et moi avec si je ne fais pas attention. Je pense immédiatement à l'Aneto et accessoirement au fait que je viens de l'acquérir. En réalité je me moque complètement de ces deux derniers points, mais c'est juste suffisant pour m'irriter un peu plus dans une situation où je n'en n'avais pas besoin.

Je ne panique pas ni ne perd mon sang froid. La montagne a décidé de donner une bonne leçon au jeune prétentieux que je suis, bien fait pour moi. Maintenant il faut assumer. Je test diverses possibilités pour essayer de redescendre, notamment celle de passer le sac sur l'avant. Je sais pertinemment que cette idée est absolument stupide puisqu'elle m'empêchera de voir mes pieds et qu'elle décollera mon centre de gravité de la paroi, mais j'ai besoin de faire le tour de toutes les options. Ça me donne l'impression de me rapprocher de la porte de sortie. À plusieurs reprises la poche frontale du sac frotte contre la roche, elle contient notamment mes crampons et cela occasionne des petits trous sur son renfort inférieur. L'utilisation que je fais de mon sac à ce moment précis est totalement hors cahier des charges.

Par miracle, le piolet est passé par dessus la rimaye, a dévalé une bonne partie du névé et à terminé sa course en son milieu.

Reflexion du moment : "j'espère qu'il sera visible depuis l'hélico qui me recherchera". J'avais évidemment par précaution et comme il est recommandé de le faire envoyé ma trace prévisionnelle à un proche, sens de lecture compris. Il n'y avait plus qu'à la transmettre à la PGHM en cas de besoin.

Ça va très vite dans ma tête, je crois ne pas avoir été aussi concentré depuis mes derniers examens. Deuxième réflexion du moment : "si je dois y passer, autant que ça soit en allant le chercher". La roche a de toute façon livrée toutes ses options, peut-être que la glace me sortira de ce faut pas.

Je suis à environ 2m50 au dessus du névé et mon point de vue me permet de constater qu'en contrebas sur ma droite, la roche et la glace se rejoignent sur une largeur d'environ 50cm. Si j'arrive à rejoindre cet endroit je pourrai m'y caler temporairement en butée, me poser un peu, manger un morceau, chausser mes crampons, ressortir mes bâtons et surtout attaquer le névé sans que mon poids ne fasse craquer son rebord aiguisé.

Et c'est parti pour une désescalade ultra périlleuse. La distance n'est pas très importante mais je sais qu'à la moindre erreur, je glisse et je disparais. La suite est inconnue puisqu'il fait un noir abyssale là-dessous : fracture, hypothermie, noyade, la liste des hypothèses est longue et je ne veux pas en savoir plus. Tout ce dont je suis certain, c'est que la probabilité de pouvoir remonter est infiniment petite, sinon nulle. Heureusement, j'ai bien d'autres préoccupations sur l'instant et je ne me laisse pas envahir par toutes ces pensées anxiogènes.

Par moment la partie inférieure de mes jambes se met à trembler toute seule, probablement à cause du stress et de la fatigue engendrée par l'équilibre. Je prends énormément de temps à négocier chaque mouvement, mais je parviens finalement à me retrouver "en lieu sûr", c'est à dire en butée contre le névé. Ces quelques mètres de désescalade m'auront pris 20 minutes. Je ne suis pas encore tiré d'affaire, mais je ne suis plus directement en danger de mort.

Après une courte pause bien méritée, j'entame la dernière étape de ce qui j'espère ne sera bientôt qu'un souvenir : la descente en ligne droite vers le piolet. C'est la deuxième fois de ma vie que je me retrouve sur un névé. Et c'est raide, très raide. Mes chevilles sont totalement déployées, chose qui aurait été difficile voire impossible avec des grosses. Ça ne sera ni la première et ni la dernière fois que je me réjouis d'être parti en trails : je ne me suis jamais autant senti en sécurité dans des chaussures. J'ai enfin retrouvé toute l'amplitude, la précision et la finesse à laquelle mes chevilles peuvent prétendre. Réflexion du moment : "quelle idée de partir marcher emplâtré dans des montantes".

Je ne peux bien sûr pas en dire autant de mes crampons qui eux, sont clairement sous-calibrés.

J'avance par petits pas, jamais plus d'une dizaine de centimètres à chaque fois. La surface est mixte, parfois dure comme du béton, souvent suffisamment neigeuse pour être particulièrement glissante. Chaque pas est assuré par mes bâtons de la manière suivante :

1. Planter fermement la pointe du bâton légèrement devant soi dans la glace,
2. S'assurer de son bon ancrage,
3. Effectuer le pas en faisant le moins de gestes brusques possibles et en évitant de trop décoller le pied de la surface (c'est déjà délicat avec les deux pieds au sol !),
4. Positionner l'avant du pied en butée contre le bâton, et en profiter pour bien ancrer les pointes du crampon dans le névé,
5. Répéter les étapes 1 à 4 pour le pied et le pas suivant.

C'est lent, mais j'ai le temps. Épuisant aussi, pas le droit de se déconcentrer ni de décontracter ses jambes. Si je glisse cette fois, c'est un aller simple par voie express vers le pierrier qui m'attend une trentaine de mètres plus bas. Aïe.

Inévitablement, je dérape et me fait quelques grosses frayeurs un certain nombre de fois.

Quelques minutes plus tard, je réussi enfin à rejoindre ce piolet qui me nargue depuis tout à l'heure, toujours avec son sourire en coin de bouche super désagréable. Enfin j'imagine, il est en fait resté très sage.

Plus que quelques dizaines de centimètres nous séparent et dans une ultime main tendue, je le frôle accidentellement avec la pointe d'un de mes bâtons. Il reprend alors sa course et redescend de plus belle quelques mètres plus bas. L'enfoiré ! Je pourrais commencer à m'énerver mais non, j'ai réussi à me faire rire moi-même. Par chance et grâce à son poids plume, il a encore fini sa course tout seul au beau milieu de la glace.

C'est reparti : étape 1 à 4 pour le pied gauche, étape 1 à 4 pour le pied droit. Encore et encore.

J'arrive pour la deuxième fois à son niveau et prend encore plus mon temps. J'avance prudemment jusqu'à l'avoir entre les deux pieds, m'accroupis doucement et le saisis d'un geste résolu de la main gauche. Je t'ai eu !

Qu'en faire maintenant ? Depuis que je suis sur la glace je suis contraint de me mouvoir dans l'espace à la vitesse d'un type qui essaierait d'échapper à un détecteur de mouvement. L'objet tant désiré m'apparait tout d'un coup bien encombrant, d'autant que ce n'est pas lui et ses quelques centaines de grammes d'aluminium qui me permettront d'enrayer une glissade sur ce névé. Même si c'est le cas, je manque d'expérience pour l'utiliser dans ces conditions. En réalité, je suis plutôt bien avec mes bâtons !

Je glisse finalement son manche sous une poche de ceinture de mon sac, lame pointée vers le bas. Ce n'est pas beaucoup plus sûr pour autant mais le plus dur est passé et je n'ai plus qu'à rejoindre la terre ferme en restant sur ma courbe de niveau. Je me paye le luxe de me creuser quelques marches dans la glace avec les crampons pour plus de sécurité.

Le stress, cette réaction indispensable qui m'a permis de concentrer toute mon énergie et mes moyens intellectuels au service de la résolution de ce problème, évolue inversement proportionnellement à mesure que je m'éloigne du centre du névé. Mais je sais que je n'ai pas le droit de me relâcher jusqu'à avoir les deux pieds sur la terre ferme.

C'est heureusement chose faite quelques instant plus tard. Cette progression m'a semblé être une éternité et je profite de cette petite victoire un bref instant. Pas le temps de faire une pause cependant, je veux d'abord confirmer mon intuition concernant la possibilité — ou non — de continuer à avancer sans encombre. Heureusement, j'avais vu juste.

Pour ceux qui auraient eu la flemme de tout lire, voici une illustration assez schématique du déroulement des événements. Ça ne se voit pas sur cette image mais le jour entre la paroi et le névé était vraiment très important.

9369_pyr8j2015_05j2_pics_donts_ls_23-09-15.jpg

Encore du temps perdu, maintenant je trace. Ce n'est pas aujourd'hui que je rattraperai mon retard. Retard tout relatif cependant puisque ma trace prévisionnelle représente un fil conducteur plus qu'une série d'objectifs quotidiens à atteindre. Je ne fais pas la course mais je suis déterminé à marcher le plus possible et jusqu'à la nuit tombante, quitte à devoir improviser un bivouac de dernière minute ce soir. De toute façon je redescend et la roche laissera bientôt sa place à l'herbe.

Je ne ressortirai pas l'appareil photo jusqu'au lendemain matin et je garde un souvenir relativement vague de cette fin de journée. Je tombe sur un sentier espagnol non représenté sur ma carte, il est balisé avec des grosses pastilles de peinture dont j'ai oublié la couleur. Je découvre à mon retour qu'il s'agit du sentier S5. La section sur laquelle je me trouve est une descente prononcée, essentiellement en pente herbeuse. J'apprécie l'herbe, mais en D- jamais plus de 30 minutes. La résolution du terrain est mauvaise et cela m'empêche de négocier finement mes pas et mes appuis. Qui n'a jamais posé le pied un peu trop à droite ou un peu trop à gauche sur une motte en pensant viser son centre ?

La lumière commence à baisser mais je croise deux Espagnols, Ivàn et Juan, qui montent vers le Portillon. Ce sont les premiers de ma randonnée, ils sont très amicaux, parlent Anglais, moi aussi, nickel. Ça fait un moment que je n'ai pas pratiqué mais l'on parvient à discuter. Je ne leur ferai pas de publicité pour le Portillon, j'imagine qu'ils ont depuis compris ce que je voulais dire si ce n'était pas clair sur le moment.

Il est 20h passé. J'ai marché autant que je le pouvais, l'orage qui arrive de l'ouest s'est fait attendre mais il est bel et bien là et se fait de plus en plus menaçant à chaque coup de tonnerre qui résonne dans la vallée.

Je parviens difficilement et juste à temps à trouver une zone pour planter mon abri. C'est un peu le F1 du bivouac, mais en pire. Ou bien l'Hôtel Première Classe d'Honfleur du bivouac, mais en mieux. Il trône sur un petit "plateau" tout juste assez grand pour m'accueillir en position allongée. Dans la précipitation, j'ai un peu — beaucoup en fait — mal visé. Tant pis.

Contrairement à ce qu'elle laisse penser cette herbe n'a rien de confortable : elle est dure, piquante (pour les mains mais aussi à travers le duvet), et très peu absorbante. Pire, l'eau ruissellera à la surface des brins temporairement couchés par l'emprise de mon campement. À peine glissé sous mon cocon protecteur que les premières gouttes m'atteignent. Moins d'une minute plus tard, les éléments se déchainent littéralement sur l'abri. Ça tombe bien, je n'ai presque plus d'eau et je vais pouvoir récolter très facilement 1,5 litre via le goutte à goutte produit par le mesh de la Wild Oasis. Les éclairs sont tellement fréquents et intenses qu'il fait plus jour qu'en plein jour, et le contact de ma toile en silnylon avec la pluie et la grèle génère un crépitement d'une intensité sonore assourdissante.

Quel spectacle, j'adore !

Morceau du jour, "Ambiance autour du Portillon" :

9369_pyr8j2015_05j2_soundtrackthumb_23-09-15.jpg
Keith Fullerton Whitman - Stereo Music For Serge Modular Prototype - Part Two (infos)

Dernière modification par mknod (03-11-2015 21:44:53)


A vegan, an atheist and an ultra-light backpacker walk into a bar - I only know because they told everyone within the first three minutes.

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#25 23-09-2015 21:53:22

Archimboldi
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Inscription : 12-03-2012

Re : [Récit + liste] 8 jours autour de l’Aneto au départ de Luchon (J7)

Ah, je me disais à la fin du premier épisode "il joue les modestes, mais il enquille les denivelés le monsieur", de mémoire il y avait du 650 m à l'heure en montée, c'est pas mknod, c'est supersonic ! Ça me semble un peu plus "réaliste" comme ça.  smile

Le rush de départ m'a bien fait rire, souvenir de ma sortie dans les Pyrénées :
Une semaine avant : "bon, pour une fois j'aurais mon sac prêt très en avance"
Deux jours avant : "ça va, j'ai encore deux jours !
Le jour même : "Eh meeeeeeeerde ! " Comme d'habitude j'ai tout fourré en vrac dans le sac en esperant ne rien oublier, et ai fini de préparer le sac dans le train.

C'est comme ça pour toutes mes sorties, mais quand même je n'ai jamais eu 24h de retard sur mon planning.  tongue

Le passage sur le névé du second épisode est très instructif. Pourquoi avoir emmené un piolet s'il n'est pas suffisant pour arrêter une chute ?
Placer le piolet là où tu l'as mis après l'avoir recupéré était-il une bonne idée ? Comme la chute était toujours possible, j'aurais eu peur de me blesser en le mettant à cet endroit. Je dis ça mais je ne vois pas où l'on aurait pu le placer en securité si le porte piolet n'était pas suffisant. Que ce soit dans le creux des reins ou au niveau des épaules, ça peut quand même esquinter le bonhomme en cas de chute, je pense que la meilleure place doit être à la main, batons dans une main et piolet dans l'autre. En étant prêt à laisser partir les batons pour faire un arrêt piolet (que je ne connais qu'en théorie).


Super récit en tout cas, j'aime beaucoup le style, l'honnêteté et les petites blagues, je fais les mêmes. Encoooore !  big_smile


"Life is full of wonders for someone who is prepared to accept them." Moominpappa

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