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#176 23-12-2013 16:14:42

mad
Jaguar anar
Lieu : Essonne et reste du monde
Inscription : 06-07-2007

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

1) MP pour Kam, en m'abonnant à la mailing list
2) pas de prise de position sur le forum, mais signalement de dérive pénible et intolérante roll
3) souhait très fort que le récit de Kam continue sur RL  smile  !


Un bon hamac vaut mieux qu'un long discours !

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#177 23-12-2013 16:43:37

nutzzz
Membre
Lieu : sud-est
Inscription : 01-09-2010
Site Web

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Petite émersion pour dire que ce récit a selon moi toute sa place ici: ça parle de rando légère non? Bien plus en tout cas que ces polémiques. Je viens sur RL pour voyager, pas parce que je m'intéresse à la politique ou aux sciences sociales.


"Then, when you return to civilization, you will have many happy memories, and the call of the wild will so enter your blood that you will count the days till you can again be free among the everlasting hills." Mary Vaux.

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#178 23-12-2013 19:16:41

abaddon13
Membre
Inscription : 15-07-2010

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

je fais également partie de ceux qui souhaiteraient que Kam continue à poster ici : chapeau pour son récit à hauteur d'homme ! Je lui fais quand même un MP pour ne pas louper la suite ...

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#179 24-12-2013 02:16:10

cernunos
EmulE
Lieu : Coye-la-Forêt
Inscription : 12-03-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

smile Salut,

+1 pour Kam sur RL et non en MP.

Chacun son style, c'est ce qui fait tout le sel. Sinon, il n'y a plus qu'à passer son temps devant un miroir... Toujours les mêmes mots, les mêmes expressions, les mêmes réflexes... La tentation du même... Ennuyant ça et ennuyeux...

Sous l'angle de la tolérance, on impose à autrui ses propres normes... sa sensibilité, son style... et sous couvert de politiquement incorrect encore... Je me gausse... C'est mou, c'est doux dans la forme, c'est plein de respect apparent,  c'est prétendument moral, mais au fond c'est très totalitaire...

C'est désagréable d'être mal reçu par un professionnel de l'accueil... Et c'est pénible cette volonté (ce réflexe bien conditionné plutôt) de vouloir tout policer, quitte à nier les plus évidentes réalités : le monde n'est pas tout rose, il y a des pénibles, des malhonnêtes et des c..s. On l'est parfois tous à nos heures aussi...

Y réagir est très sain : une manifestation de réprobation permet de corriger certains travers... Même vertement, ou crûment... En blâmer celui qui s'y livre revient à substituer la victime du méfait, qui le dénonce, à l'auteur... Pas bien...

On tombe dans le mièvre, le tiède, l'insipide... La soft idéologie, la langue de coton... Et l'injustice...

D'autant que chacun dispose de sa propre capacité de recul sur les commentaires en l’occurrence... On est pas sur le vif, ni même dans un débat... On parle de personnes très éloignées, dont les noms ne sont pas citées, que personne ne connait, et qui ne liront pas le fil... Et ça n'est pas très violent... Je ne vois pas à qui cela peut nuire...

Bref, il y a du faux semblant dans la dramatisation... C'est assez commun de nos jours, et pénible à la longue...

D'où les réactions d'ulcération : y a surdose de bien-pensance roll ...

Des gros mots, quelle horreur, j'en suis tout retourné... lol

AMHA, les anecdotes n'ont d'intérêt que racontées par ceux qui les ont vécues, comme ils les ont vécues... Personnellement, je recherche un retour d'impressions, vivant si possible...

Sinon, c'est un rapport administratif...

Ou une carte postale... Y en a de très belles, mais bon... C'est un style, et on les a toutes vues...

Je suggère que les personnes indisposées par certains fils passent à un autre et n'imposent pas à tous leurs propres vues... ni leurs réflexions ou leur ressenti (dont tout le monde se f...) sur le phrasé de tel ou tel (c'est un jugement de valeur très subjectif), ni les fausses pudeurs, ni le préchi-précha ou la récitation psittaciste de la doxa médiatique du moment, en privant tout le monde d'un point de vue qui non seulement se respecte, mais se comprend (que celui qui n'a jamais été mal reçu, ni déçu de l'avoir été, jette la première pierre), voire s'apprécie (un peu d'humour, diantre)... Lisons avec toute la distanciation qu'implique, nécessairement, l'éloignement géographique des faits et le concept même de forum Internet...

L'excès nuit en tout, même dans la modération... "Sang froid toujours" est la morale du serpent : l'inversion et la novlangue fourchue...

Dernière modification par cernunos (24-12-2013 14:14:03)


"Marche, marche ! Tu verras..." Henri Vincenot - Les Etoiles de Compostelle
"Le recours aux forêts — ce n'est pas une idylle qui se cache sous ce mot. Le lecteur doit plutôt se préparer à une marche hasardeuse, qui ne mène pas seulement hors des sentiers battus, mais au-delà des frontières de la méditation." Jünger

"Marcher dans une forêt entre deux haies de fougères transfigurées par l’automne, c’est cela un triomphe.
Que sont à côté suffrages et ovations ?"   Cioran

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#180 24-12-2013 10:45:57

JJondalar
Membre
Lieu : Estérel
Inscription : 15-06-2011
Site Web

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

cernunos a écrit :

...la récitation psittaciste de la doxa médiatique du moment...

lol On va avoir du mal à faire mieux.


La mésange à tête noire et la sittelle sont d'une compagnie bien plus vivifiante que celle des hommes d'État ou des philosophes; au retour on va considérer ces derniers comme de bien piètres compagnons."
H.D.Thoreau, Une promenade en hiver.

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#181 24-12-2013 13:01:02

jeanjacques
.
Lieu : Sud-Ouest
Inscription : 05-06-2010
Site Web

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Cernunos, tu es bien inspiré en cette veille de Noel smile
J'enregistre ton message wink

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#182 24-12-2013 13:43:16

ibili
Libre Penseur
Lieu : The Basque Coast
Inscription : 03-01-2010

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Il faut vraiment tout ceci pour que je  sorte de mon trou .
J'adresse donc une immense bise virtuelle à ces Dames du Forum :  Florencia, Myrtille88 , Colline, qui ont pris la parole ...

@ Cernunos : Beau texte !!  wink

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#183 24-12-2013 19:11:40

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Et a toutes celles (ou ceux) qui se sont manifestes en MP meme sans intervenir ici. wink

Bon bah sinon, apres tout ca, je doute que le recit soit a la hauteur... En plus, ca commence a dater, j'ai ecrit la plupart du texte il y a plus de deux semaines...

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Lircay, pres de Talca

C'te choc en arrivant a Concepcion... La ville est immense. Il y a des galleries marchandes, du monde dans les rues a s'en marcher sur les pieds... En fait, le simple fait de voir des trottoirs partout me semble etrange. Je trouve meme un hipermercado... premiere fois que je vois ca depuis que je suis parti. Le truc est tellement grand qu'il y a des tapis roulants - je suis sur quelle planete? J'en profite pour racheter des chaussettes. Je prends aussi un jeu d'ecouteurs pour mon MP3. Ca me permettra de pouvoir ecouter mes memos et de les utiliser pour le recit.

Il y a trois ans, la ville a ete ravagee par un tremblement de terre. En meme temps, elle se.fait ravager par les tremblements de terre depuis sa fondation... Ca ne se voit pas. Je m'attendais au pire... Je repense a Bam...

Vous connaissez l'histoire de Bam, la ville? C'est l'histoire d'une ville en Iran. Une nuit, il y a un tremblement de terre, et Bam, la ville! Il y avait 40000 habitants. Au matin, il en restait 20000. J'y suis passe quelques mois plus tard. Tout etait encore par terre. Les gens vivaient dans des tentes ou des barraquements en taule. On avait recupere de gros containers de cargos que l'on utilisait comme epiceries. De la vieille ville, autrefois la plus belle d'Iran, il ne restait que de la poussiere. Le cimetiere etait tellement grand qu'on y avait construit une route, qui le traversait. Et puis il y avait Akbar, le si bien nomme 'le grand'. Plusieurs annees auparavant, il avait abandonne sa carriere universitaire de professeur de lettres pour ouvrir une mosaferkhune. Des gens ont continue a arriver apres le tremblement de terre. Il dormait sous une tente du Croissant Rouge, trop petite pour sa famille. Il n'en a jamais ferme la porte, preferant dormir dehors pour laisser de la place a ses hotes. On est bien loin de tout cela a Concepcion. En fait, c'est presque comme s'il ne s'etait rien passe...

Je me fais brancher le soir venu par Mr Cage aux Folles, version chilienne. Normal. Ca, c'est fait sur un continent de plus. Ca m'arrive tout le temps de toutes facons. Je trouve ca plutot flatteur en fait...

Je ne m'eternise pas. Je me bouffe de la 2x2 voies sur 30 bornes au sortir du patelin - c'est pour ca que j'adore les grandes villes. Mais ce coup-ci, je suis pare, j'ai des munitions. Je sors mes ecouteurs, et chauffe, Marcel! Je fous les Doors a fond. Avec du Morrison qui te masse les tympans, ca passe tout seul, la grosse quatre voies. C'est con que je n'aie pas assez d'autonomie pour l'utiliser pendant plusieurs jours, m'est d'avis que ca me serait utile en Argentine.

Au depart, je ne voulais pas de MP3 parce que ca t'enferme dans ta bulle, ca te coupe des autres et du monde. C'est tout du moins ce que je pensais depuis toujours, mais en ce monde smartphonise, ces considerations sont si futiles... L'autre raison, c'est que nous sommes assaillis de stimuli sensoriels en permanence, jusqu'a t'en nevroser le cerveau. La marche est l'occasion de se detacher de tout cela. Mais le long des nationales, les stimuli... Bref, j'ecoute les Doors a fond, et ca fait du bien. Faut juste que je remplisse mon MP3 maintenant. A devoir telecharger illegalement des albums que j'ai a la maison, je suis pas rendu...

Je m'arrete au bout d'un moment. Me manque un truc... Putain, mon cheche! Quel con... Je l'avais lave a Cañete, je l'ai oublie dans la douche. Mais quel couillon... Et puis quand tu te limites au strict minimum, tu ne peux pas te permettre de perdre des trucs. Bon... en meme temps, ca aurait pu etre pire. Je me racheterai un bandana, ou une casquette, ou je ne sais pas quoi. Mais putain, ca fait quand meme chier.

J'arrive a Tomé. Le dernier de la longue liste de bleds sur la cote que vomit Concepcion. Je passe devant un hotel. Bonnard. Je vais me fumer une clope sur la plage a cote avant d'y entrer, histoire de taquiner un peu les otaries affalees sur le sable. Un gonze s'approche, tenant absoluement a me parler anglais (il ne connaissait que trois mots), et a me prendre dans ses bras. Je ne sais pas s'il etait particulierement bourre, ou particulierement con, ou s'il cherchait a me faire les poches - surement un peu des trois - mais si c'etait la troisieme option, ca n'a pas marche. Y a pas ecrit 'couillon', la. T'es pas le premier a essayer, mon gars, j'ai deja ete bizute...

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Il n'y a pas grand-chose a dire des jours suivants... Je continue sur les pistes le long de la cote. Les paysages sont toujours aussi beaux, mais le moral n'y est pas. Certaines criques sont belles a t'en faire monter les larmes aux yeux, mais le reste m'indifere. Je marche comme on va au taf. Tu le fais, parce que c'est comme ca. Il est temps que je fasse un break...


Faire une pause... Plus facile a dire qu'a faire. Je me rends compte que je n'ai pas vraiment pris le temps de glander comme il se doit depuis Puerto Varas. C'etait il y a un mois... Les gens pensent qu'on a le temps au long cours... C'est parfois vrai. Mais d'autres fois... Trois mois. C'est ce que j'ai pour traverser le Chili. Je regarde mes jambes. Je regarde la taille du Chili...

- Mouais, c'est pas gagne.

Et puis meme quand tu veux vraiment t'arreter quelques jours et prendre du temps pour toi, soit tu es dans un coin ou il n'y a rien, soit l'ambiance n'y est pas. Alors je continue. Je marche. J'arrive en ville un soir. Quirihue, je crois. Je vois tellement de noms defiler que je ne les retiens meme plus. Je trouve un hotel. J'y recois l'un des meilleurs accueils jusqu'a present.

- Buenas. Il vous reste une chambre?
- Calmos, pepere. Chaque chose en son temps. Tu fais quoi, la? T'es a velo?
- Non, a pied.
- Oh putain!

Forcement, tout le monde etait au courrant dans la demi heure qui suivait... Le lendemain, la petite vieille qui faisait les chambres a passe cinq minutes a me souhaiter un bon voyage. Des gens emus de qu'un type soit venu de l'autre bout du monde pour traverser leur bled... Je ne suis pas habitue a ce genre de reaction ici.

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Je recraque le lendemain. Je prends un bus pour Talca. Faut vraiment que je me calme. Je vais finir par devenir un pro de la rando en motorisee sinon.

Talca. 'Paris y Londres', qu'ils la surnomment. Les habitants doivent avoir un sens de l'humour tres particulier. La ressemblance, faut vraiment la chercher. A la limite, ca pourrait me rappeler quelques coins pres du perif dans le 18 eme, mais ca s'arrete la. Une grosse aggregation de gens, de beton, de crasse, d'etalages de rue, et de fils electriques. Bienvenue a Talca!

J'y passe la nuit et je file dans la cambrousse a 10 bornes de la. Je debarque dans une hospedaje tenue par des allemands. Une propriete immense, des petite barraques en pierre par-ci par-la, de la verdure en veux-tu en voila, de la cerveza plein le frigo... Je crois que j'ai trouve le bon endroit pour faire un break...

Ouais... des allemands. J'en vois deja dans le fond de la salle qui se disent que je viens de debarquer chez les nazis... Parce que forcement, si t'es allemand au Chili, c'est que ton grand-pere travaillait dans le gaz. Et les francais qui sont la, ils ont fui pour ne pas se faire tondre a la liberation?! Ca doit etre pour ca que Nico avait les cheveux longs d'ailleurs... C'est fou qu'il y ait encore toute cette imagerie collee a cette nationalite. Bah non, desole de decevoir, mais la majorite des allemands ici sont arrives bien avant la seconde guerre mondiale... ou bien apres, comme l'ami Franz qui tient le truc. Tout comme les francais, les italiens, les croates, ... qui sont au Chili ou en Argentine souvent depuis plus d'un siecle. Meme la nouvelle presidente - parce que ouais, c'est bien l'amie Michelle qui a gagne - a un nom d'origine francaise... comme le boucher qui a sevi jusqu'en 90 vous me direz.

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C'est la nouba quand j'arrive. Franz fete sa vingtieme annee au Chili et sa vingt-deuxieme annee de marriage. Open bar et empeñadas pour tout le monde. La plupart des autres pensionnaires restent cloitres dans leur chambre. Je me prends une cuite avec le staff. Rapidement, ca se finit en beer pong - le truc des teenage movies americains: deux equipes, une serie de gobelets places en triangles, et quand tu reussis a lancer une balle de ping pong dans un verre, l'autre equipe doit le descendre. C'est extremement con, comme jeu. Mais ca a decoince tout le monde. Je me suis retrouve en equipe avec Oriel, un gros chilien. J'etais super bon, au debut. Au debut... Mais apres quelques jeux et autres celebrations d'amitie franco-chilienne a chanter 'we are the champions', ca a commence a devenir de plus en plus difficile de les viser, ces gobelets. Faut dire aussi que j'avais un handicap: Oriel, son truc, c'etait le whiskey pong. Du coup, il me laissait m'enquiller toutes les bieres, et il m'accompagnait d'un shot de sky. On etait frais, en fin de soiree... D'ailleurs, la fin de soiree, elle a du mal a remonter a la memoire.

Je finis par m'extraire du lit vers onze heures. Je sors mon appareil photo, j'y decouvre quelques videos de la veille. Il y a un cote tres 'The Hangover' dans la scene.... En parlant de gueule de bois, d'ailleurs, je me dis qu'il va falloir soigner le mal par le mal.

- Anny, tu m'en remets une?

Bon bah je crois que je vais rester quelques jours de plus... Le mec qui tient ca a aussi monte une fondation pour imprimer des cartes pour marcheurs au Chili. Il n'est pas rendu, et les cartes qu'il edite ne couvrent que de tres petites zones, mais c'est deja mieux que rien. Je lui en prends une paire pour preparer la route jusqu'en Argentine. Il devrait y avoir moyen de se faire un bon truc, meme s'il me manque des cartes pour la moitie du chemin.

- Bouarf, on verra sur place.

Pas envie de refaire une connerie comme apres Valdivia, mais au moins, les montagnes, c'est deja plus mon domaine. Par contre, il faudrait quand meme que j'evite de me perdre et de me retrouver en Argentine sans m'en rendre compte. Ca ne serait pas la premiere fois que je me retrouverais clandestin a l'etranger, mais si je peux eviter...

Ca fait quatre jours que je suis la... Chaque jour, je me dis que je vais partir le lendemain, et chaque matin aussi, je n'arrive pas a decoler. Il va bien falloir que je parte, c'est un coup a rester trois mois ici sinon. Je passe mes soirees avec le staff, a refaire le monde entre bieres et fumees. Il faut que je bouge...

J'ai passe une bonne partie de la soiree d'hier a parler des montagnes avec Jaime, l'homme a tout faire. Ne parmi les chevaux dans les Andes, il a fini par descendre de ses montagnes pour voir ce qu'il y avait par-dela les cols... Il s'est retrouve a travailler dans un refuge, puis il a atterri ici. On parle des Andes, des Alpes, des chevaux qu'il dresse, des plantes sauvages, des etoiles... Il faut vraiment que je bouge.

Geo, l'un des receptionnistes - pour autant que le terme puisse s'appliquer ici - arrive. Il fait tourner. Un grand irlandais squelettique vivant a Berlin avant de partir voyager. On a tout de suite accroche lorsque l'on s'est rencontre. On parle de l'Inde, des femmes, on reecrit une constitution pour l'Union Europenne... Il doit etre une heure du matin quand je vais me coucher. Je m'ouvre le gros orteil en butant sur une pierre. Je m'assois sur une chaise dehors pour fumer une derniere clope. Je rigole. Je vais rester une journee de plus, et puis je bouge.

Six jours. La cerveza d'hier a eu raison de moi. C'est a genoux dans des toilettes qu'un homme retrouve la raison et voit le monde tel qu'il est. J'en etais presque a rester quelques mois pour apprendre l'espagnol. Toujours savoir quand partir. Rester le temps qu'il faut, mais jamais plus. Tel est l'art du voyageur. Je prepare mon sac. C'est l'heure de tirer ma reverrance.

- Tu cherches du taf? Il me faut un jardinier, au moins pour la semaine.

C'est Franz qui vient de parler. Il faut croire que j'ai oublie mon art... J'accepte.

Jardinier au Chili... Pourquoi pas. J'imagine que ca pourrait faire bien sur un CV. Ce n'est pas autant la classe que jardinier en Colombie, mais quand meme. Et puis j'ai le temps de faire pire de toutes facons...

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J'ajouterai les photos un autre jour. Joyeux Noel a tous!

Dernière modification par Kam (26-12-2013 00:50:10)

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#184 24-12-2013 19:21:18

guichen
Membre
Inscription : 06-05-2013

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Juste avant de partir...Happy Christmas man... smile

Bien content de te retrouver parmi nous... wink

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#185 24-12-2013 20:32:20

nobru75
Membre
Inscription : 17-01-2010

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

yes smile

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#186 24-12-2013 20:41:10

Fishbone
Membre
Inscription : 13-03-2012

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Une seule chose est sûre Kam : Tu es fait pour raconter.
Bon Noël à toi

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#187 24-12-2013 21:51:05

tomi
Qui ça ?
Lieu : Belledonne + Euskal Herria
Inscription : 02-09-2008

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Kam, le retour.

Ben j'ouvre une chopine, tiens !


Monsieur Miko, attendez, vous ne pouvez pas faire ça ! - Toi pas t'inquiéter, Miko pouvoir.  (Vuillemin)

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#188 24-12-2013 23:35:44

Hareotoko
But alors....
Lieu : Hte Normandie
Inscription : 08-01-2013

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Pour moi, ce sera champagne.....
Bonnes fêtes de fin d'année, Kam
Que les vents te soient propices.........


Quand Bruce Banner est énervé, il devient Hulk. Quand Hulk est énervé, il devient......Chuck Norris.

Bénir....ramollit ; Maudire.....tonifie.

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#189 25-12-2013 00:31:28

cernunos
EmulE
Lieu : Coye-la-Forêt
Inscription : 12-03-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

smile Salut,

Bonne route, joyeux Noël et beau solstice...


"Marche, marche ! Tu verras..." Henri Vincenot - Les Etoiles de Compostelle
"Le recours aux forêts — ce n'est pas une idylle qui se cache sous ce mot. Le lecteur doit plutôt se préparer à une marche hasardeuse, qui ne mène pas seulement hors des sentiers battus, mais au-delà des frontières de la méditation." Jünger

"Marcher dans une forêt entre deux haies de fougères transfigurées par l’automne, c’est cela un triomphe.
Que sont à côté suffrages et ovations ?"   Cioran

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#190 25-12-2013 07:10:06

cédric
Allez hop ... chargeons la MUL !
Inscription : 01-02-2005

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

très content du retour de Kam et de ses aventures sur le forum  smile  !

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#191 27-12-2013 17:23:29

Ontheroad33
Pandabruti
Lieu : Bordeaux
Inscription : 15-08-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Bonjour à tous ! smile

Je vois qu'il s'est passé plein de choses pendant que je n'étais pas là. Je suis jaloux, je me serais bien enflammé moi aussi, j'aime bien ! lol Bon je ne rentre pas dans le débat, c'est nul après... sad Je ne dirais que : je comprends. wink

Par contre, ce fainéant de Kam, il préfère labourer la terre plutôt de nous faire un retour matos plus appronfondi parce que son TS en mérinos on s'en tape, nous on veut le reste ! lol T'as déjà bien mangé du km et des nuits donc sans doute des choses à dire. Si t'as un peu de temps, j'aurais des questions :
- Sursac : Imperméabilité OK ? Dimensions OK pour toi ? Comment se présente l'usure ?
- Pantalon : Le produit que je cherchais depuis des lustres, remplace deux items en un seul pour voyager. C'est lequel des 4 modèles que tu as exactement ? Quelles critiques tu aurais à soumettre ? Respi ? Résistance ?
- Filtre : Bonne idée ? Il demande beaucoup d'entretien ?

"Cuatros vientos sin esfuerzos, norte al sur sin pararse..." wink


"Je ne sais pas où je vais. Ouh ça je ne l'ai jamais bien su. Mais si jamais je le savais, je crois bien que je n'irais plus." La Rue Kétanou, Où Je vais, Album En Attendant Les Caravanes, 2000.

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#192 27-12-2013 18:27:52

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Salut.

Filtre: top, super utile, pas d'entretien (j'ai du le passer genre deux fois sous un robinet depuis que je suis parti). Seul mini reproche: ca va tres vite quand la platy est pleine, beaucoup moins vers la fin. Compter cinq minutes pour 1l dans ce cas.

Sursac: dimensions parfaites, impermeabilite idem. Par contre, le fond en cuben est une connerie pour moi dans es climats relativement humides a cause de la condensation. La prochaine fois, je prendrai un sac tout en event. Il manque aussi une petite attache pour la moustiquaire, qui parfois te retombe sur la tronche quand tu ne la fermes pas. Aucune trace d'usure, trou de clope mis a part.

Futal: tres resistant... a part aux epines. Des mailles du tissu se defont parfois lorsqu'elles sont accrochees, mais rien de grave au final. Deperlance bizare. Le tissu exterieur s'imbibe mais tu restes au sec. Ne me demande pas le pourquoi du comment. Trop chaud certainement pour les tropiques, mais top pour les climats plus frais. Le noir est aussi trop salissant quand tu es dehors avec la boue et la poussiere. Par contre, il se lave super facilement.

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#193 31-12-2013 01:42:42

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Lircay

Mais qu'est-ce que je fous la? Ca fait une semaine que j'arrache, que je desherbe, que je rotofile tout ce qui me pase sous la main. Si ca ne tenait qu'a moi, je laisserais tout pousser et je me contenterais d'entretenir quelques sentiers... Oui mais voila, ca ne tient pas qu'a moi.

Bosser ici... Ca avait l'air sympa au debut... des gens avec qui je m'entends super bien... un cadre idylique... de l'alcool et autres substances moins legales a profusion... C'est marrant comment le paradis peut insensiblement se transformer en enfer lorsque tu decides d'y squatter un bout de terrain et d'y poser ta carcasse un peu plus longtemps que de raison. Insidieusement, pernicieusement, le rien-rien quotidien reprend le dessus. Au-debut, tu es le phenomene de foire, la curiosite que l'on veut voir, le type qui marche, quoi. Tu rencontres d'autres etrangers, c'est facile. Il y a toujours de quoi meubler les premiers soirs. Des banalites, il y en a a la pelle. Mais passe une semaine, tu dois innover,  et te mettre a tapper dans le reflechi, le profond. Tu commences a mettre tes trippes sur la table, en esperant que les autres en apprecieront l'odeur et la couleur... Parfois, ca arrive. C'est je crois ce que l'on appelle l'amitie. Mais le plus souvent... on se remet juste a parler allemand quand tu es la, parce que tu es creve, et que tu n'interresses plus.

Et puis il y a la fatigue, justement. Depuis combien de jours est-ce que je bosse? Je n'ai pas pu me reposer depuis le debut. Bien sur, je pourrais me coucher tot le soir, mais je ne suis pas la parce que je cherchais un job - d'ailleurs je ne suis pas paye - je suis la pour apprendre l'espagnol, et pour une raison inconnue, ma rotophyleuse ne me repond pas lorsque je lui parle, si ce n'est sous forme de vrombissements et de vapeurs d'essence.

C'est Noel. Je dois aller bosser. Pourquoi est-ce que je fais ca? Je suis dans la peau du type qui a un boulot de merde et qui le fait sans raison. J'ai assez donne en France. Je pourrais aller m'eclater dans la montagne, mais je suis coince la. Je ne voyage pas pour ca...

La rotophyleuse est encore en panne. Je choppe des ampoules aux doigts a force d'essayer de la demarrer. Je perds une heure a chercher en vain Cristian, l'autre jardinier. Comme tous les jours. Ca ne rime a rien. Je ne sais meme pas combien de temps je suis cense travailler, ou si j'aurais des jours de repos. C'est ca d'ailleurs, le pire. Ne pas savoir. Rien. Jamais. Il faut que je me casse.

Il est cinq heures. Frantz me dit d'arreter. Il nous reunit dans la salle a manger, et fait chanter tout le monde un chant de Noel dans sa langue maternelle avant que les gamins puissent ouvrir les cadeaux. C'est le tour des lieds allemands. Je croise le regard du couple d'australiens a cote de moi... Ils hallucinent tout autant. J'ai l'impression d'etre dans une secte. Et puis comme si j'en connaissais, moi, des chants de Noel.

Je repense au gamin de Frantz. Un psychopathe de sept ans. Je suis sur qu'il a recu une panoplie de serial killer pour Noel. Il etait en face de moi a table la veille.

- Tomorrow, you're gonna sing in French, and if you don't, you will die. You will die! You will die! I WILL KILL YOU!

Il m'a repete ca pendant deux minutes. Son pere l'a laisse repeter ca pendant deux minutes avant d'intervenir. Familles de tares. Je veux bien defendre les allemands au Chili contre tous les prejuges qu'on en a, mais vous ne m'aidez pas, la, les psychos. Le matin ou je suis arrive, deux faisans avaient ete trouves egorges dans leur cage. Je suis suis sur c'est le gamin qui a voulu jouer a Jack l'Eventreur. Meme sa nounou le surnomme le 'devil'.

Ca y est. J'ai torche ma semaine. Je prepare mon sac. Je ne sais pas quoi faire. Voir si je peux rester? Je ne tiendrai pas dans ces conditions. Repartir? Je n'ai pas la tete a marcher. Il y a une regle a respecter quand tu voyages. LA regle. Celle qui va faire de toi un encule, mais qui va aussi rendre le voyage possible. Ne jamais creer de liens. Ne jamais s'attacher. Parce que tous les liens que tu creeras finiront par se briser. Je n'ai jamais pu la respecter. Je suis en famille, avec tous les defauts que peuvent avoir des frangins et des frangines, avec meme mon lot de psychos, mais je suis en famille. Il me faut un break. J'achete un ticket de bus pour Puerto Varas. Il est temps de retourner aux sources.

Je pars le soir meme. Je suis completement defonce. Je comate sur la route en graviers. J'ai envie de sauter, de partir en courrant, de rejoindre les montagnes... Je monte dans le bus.

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A suivre demain.

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Je debarque chez Nico. Au moins ici on se sent bien. Il n'y a pas de prises de tetes. On va se prendre un cafe un matin. Au bout de quelques temps, on regarde la pendule... Il est presque midi. C'est l'heure de l'apero, et ils ont du Pastis. Quatorze heures, et trois bouteilles. C'est le temps qu'on a tenu. On offrait des portos au patron, qui s'est tres vite retrouve aussi torche que nous. Putain, Nico, serieux...

Il retourne une demi-heure a l'hospedaje histoire de voir s'il y a des clients. Il l'avait fermee pendant tout ce temps. Il se plante de page en regardant les reservations, et renvoie tous les clients vers d'autres auberges en pensant qu'il etait complet. Nico...

Je rencontre Len, un autre francais vivant la-bas. On s'etait deja croise, en fait, mais on n'avait jamais vraiment discute. Huit ans sur la route, un an a Puerto Varas. Il pense a se barrer. Il en a marre.

- Tire-toi. N'hesite pas une seconde, fais ton sac et reprends la route. Des demain, barre-toi. Cours!

Je ne sais pas si je lui parlais ou si je me parlais a moi-meme, mais j'ai fait mon choix. J'ai deja fait le plus dur, couper les liens. Partir. Meme si c'est juste pour quelques jours.

Je me reveille chancelant.

- T'aurais envie d'aller bosser, la, mon gars?

Bien sur  que non je n'aurais pas envie. Rebosser pour Franz? C'te blague. Mais en meme temps, il y a Katha, la-bas... J'y pense toute la journee...

- Ne jamais creer de liens, rappelle-toi.

Je reprends un bus de nuit pour Talca. J'arrive chez les teutons a sept heures du mat, en marchant, juste parce que... j'avais envie. Je m'assois autour de l'une des grosses tables en bois de la cour, pres du barbecue en pierre. Passee la surprise de me voir revenu quelques jours plus tot que prevu, je me retrouve plonge dans ce neant qu'etait ma vie ici. Je suis devenu l'etranger. Je suis  un client. A part pour Jaime, et Carla, et Cristian... pour qui j'ai toujours ete un etranger, mais qui m'ont accepte en tant que tel. On est le 30 decembre. J'ai presque envie de partir sans attendre le reveillon.

Dernière modification par Kam (31-12-2013 14:20:22)

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#194 31-12-2013 14:22:12

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Fin du recit postee.

Bonne annee a tous!

Au passage, merci encore pour tous les mails envoyes, meme si je n'y ai pas repondu. Je garde les adresses... au cas ou. Une pensee en particulier pour Nayana qui est aussi en train de s'enfiler une pellete de kilometres en ce moment...

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#195 02-01-2014 00:40:19

Ontheroad33
Pandabruti
Lieu : Bordeaux
Inscription : 15-08-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Bonne année...
Bonne route...

Je sens que je vais transgresser quelques règles cette année...
Encore...
Encore...
Comme l'an dernier...
Et l'année d'avant aussi...
Y compris mes propres de règles...
Je faisais déjà ça en France, pourquoi pas ailleurs...
Le même schéma, un peu maso...
Mais bon...
Ca fait des histoires à raconter...
Et des alcoolos...
Bon...
Pourquoi j'écris comme ça aujourd'hui au fait ?


"Je ne sais pas où je vais. Ouh ça je ne l'ai jamais bien su. Mais si jamais je le savais, je crois bien que je n'irais plus." La Rue Kétanou, Où Je vais, Album En Attendant Les Caravanes, 2000.

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#196 02-01-2014 22:14:57

Colline
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Lieu : Venansault
Inscription : 15-05-2013
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Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Ca fait plaisir de te lire à nouveau! smile

Bonne année Kam!!!


"L'homme fait des provisions pour un an et il ne sait pas s'il vivra jusqu'au soir." Tolstoï

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#197 05-01-2014 21:41:09

Kam
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Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Armerillo

- Geo, ne me compte pas sur moi pour le repas de ce soir, je me ferai cuire un truc...

20 lucas pour un barbecue et une coupe de mousseux... faut pas abuser. C'est peut-etre le reveillon, mais il n'y a pas ecrit gogo, la. Et puis j'ai deja assez depense d'argent ici. Je n'ai plus envie de laisser le moindre peso aux teutons.

Jaime arrive avec quelques morceaux de viande fraichement tranches qu'il me tend. Je refuse. Ca fait deux jours que je me prends des reflexions, que l'on me fait bien comprendre que je ne fais plus partie du staff, sans pour autant etre traite comme un veritable client, ca va encore jaser si j'accepte. Il revient quelques minutes plus tard et pose la planche avec ce qui restait de bidoche a cote de moi.

- On est au Chili ici, pas en Allemagne. Ca ne se passe pas comme ca chez nous. Tu finis ca, et si quelqu'un te fais une reflexion, tu me l'envoies.

Il est tellement doux d'ordinaire... Un peu introverti, et avare de ses mots, mais le coeur sur la main. C'etait la premiere fois que je le voyais enerve. Merci. Merci a toi, l'ami. Peu importe que tu sois chilien, francais, ou malien, merci d'exister, et de rendre cette terre meilleure. J'avais besoin de quelqu'un comme toi apres tout cela. Je voudrais tremper ma plume dans des larmes pour ecrire ton histoire...

Il est minuit moins le quart. Je n'en peux plus, et je suis completement bourre. Je monte faire mon sac. Je croise un allemand avec qui je partage le dortoir. Il me demande ce que je fais. Je ne cherche meme pas a lui expliquer. Comment pourrait-il comprendre de toutes facons? Comment pourrait-il entendre cette voix qui m'appelle et me hurle:

- Pars, pars petit homme, et marche! Marche, et chante! Chante la vie, chante le mouvement infini! Voyage, explore, des montagnes aux oceans. Arrache-toi de tous tes liens afin d'avec le monde ne faire qu'un. Va retrouver ta place parmi les sans castes, les oublies, les bardes errants. Retourne user ta carcasse sur les routes et les chemins. Abandonne incertitudes et doutes, et embrasse la vie, le mouvement. Embrasse le present!

Je fais mes adieux, et pars en pleine nuit, titubant, une bouteille a la main. Je regarde les etoiles. Depuis combien de temps n'avais-je pas leve la tete? Les douze coups de minuit resonnent. Je commence l'annee comme j'aurais du la terminer, en marchant. Je ris. Je ris de ce que j'ai retrouve. Et je pleure ceux que j'ai laisses.

- Une putain d'annee qui commence...

Ca doit faire deux ou trois heures que je marche. Je veux m'arreter, m'allonger simplement sur un bas-cote. Il semble y avoir un peu de place sur la gauche. Je fais quelques pas dans cette direction, et je m'effondre dans un fosse plein de ronces. Ma frontale me glisse des mains... Je ne pourrai pas la retrouver. Je mets cinq minutes a m'extraire du bourbier. Mes bras sont laceres et macules de sang. Je suis couvert de boue. Je m'en fouts. Je m'appercois qu'il manque un verre a mes lunettes de soleil. Il se barrait tout le temps de toutes facons depuis que j'avais marche dessus. Je les balance. Je m'allonge un peu plus loin. Je suis creve comme pas permis, completement intoxique par l'alcool, je ne sais plus bien ou j'en suis, mais je suis bien. J'ai retrouve ma liberte. Le froid commence a se faire sentir. Je sors mon duvet, et plonge dans le royaume d'Orphee.

Il est six heures lorsque je me reveille. Je marche comme un zombie. Je ne pense qu'a une chose: trouver un hotel ou pioncer toute la journee. Je traverse San Clemente. Je passe devant quelques hospedajes, encore closes a l'aube de la nouvelle annee. Je ne vais meme pas sonner. Je sors de la ville sans le remarquer, et je marche, dans un etat second. La terre toussote quelques collines. La plaine aride se termine et les montagnes apparaissent au loin. Je retrouve les pistes, et les hameaux deserts.

Je finis par arriver a Vilches. Enfin... c'est ce que je croyais, parce que ce qu'on ne m'avait pas prevenu, c'est qu'il y en avait deux des Vilches: alto, et bajo. Et forcement, c'est a Vilches Alto que je vais. 8 ou 10 bornes en rab en mode la Nuit des Morts-Vivants, que du bonheur.

Je debarque dans un refuge tenu par une boulotte adorable au teint rougi par l'alcool. Des chambres en frisette, des bouteilles de vin en guise de fenetres - non, pas juste le cul, des bouteilles entieres. Elle fremit en voyant mes bras laceres.

- Ne cherche pas...

Je m'enfile une cuisse de poulet roti avec soupe et salade sur une des tables cradingues de la gargotte. 2500 pesos pour le tout. Quand je pense qu'en tant que client je payais 7500 pour la bouffe vegetarienne degueu de Franz... Ce n'etait pas degueu parce que vegetarien, meme si le manque de proteines se fait gravement sentir, mais juste parce qu'il s'agissait du mariage denature du pire de ce qu'avait a offrir la cuisine allemande (ca existe?) et de la cuisine chilienne. Il aurait du me mettre au fourneau, Franz, il aurait vire le reste de la cuisine...

Je repars au petit matin en laissant derriere moi des draps macules du sang des trois grosses ampoules que j'avais chopees la veille - les premieres depuis la Terre de Feu. Je m'enfonce sur les sentiers. J'arrive sur les cretes avant midi. Je pense me faire une petite journee. Je n'ai qu'a redescendre dans la vallee suivante pour trouver un refuge ou pioncer.

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Je regarde ma carte... le sentier devrait etre par la. Je ne vois rien. Je parcours la crete dans les deux sens... rien. Le seul passage semble etre ce pierrier, la, devant moi. Il y a du crotin de cheval seche, c'est bon signe: c'est le 'balisage' que je suis depuis le debut. Mais pourtant... je ne vois pas de traces au sol indiquant qu'il s'agisse d'un sentier. J'entame la descente.

Ca y est, je l'ai encore fait. Je me suis encore barre en hors sentier en montagne. Je sais bien que c'est rarement une bonne idee, mais on ne se refait pas. Je tombe sur un a-pic de quelques metres au bout de quelques temps. Je peux le franchir - rien de difficile techniquement - mais je n'ai pas interet a me planter. Et puis si je le fais, c'est un aller simple, je me verrais difficilement le remonter. Je me lance.

Ma carte est ridicule d'imprecision. Le relief est parfois fantaisiste, l'ombrage ajoute aux courbes de niveau est absurde et ne sert qu'a faire joli et a rendre la carte encore moins lisible, de nombreux elements, comme les torrents, n'existent que dans l'esprit pervert et embrume de cerveza de Franz... Bref, je peux difficilement compter dessus. Mais au moins, je sais dans quelle direction aller. La vegetation est dense, mais compare a Valdivia, ce n'est rien.

Je finis par rejoindre un torrent, qui s'ecoule jusque dans la vallee que je veux rejoindre, dix bornes plus loin. Je decide de le suivre. La progression est beaucoup plus facile, mais c'est aussi plus risque. Je peux glisser et me fracasser sur les rochers. Et puis il y a le risque de tomber sur une chute que je ne saurais franchir... Je finis d'ailleurs rapidement par tomber sur une serie de petites cascades - oh, pas des grosses, juste un metre ou deux, mais il ne faudrait pas que je me rate. Et puis mon corps commence a me faire payer ces trois dernieres semaines d'exces. Mes jambes ont du mal a me porter. Je n'ai plus l'assurance physique que j'ai habituellement. Je m'arrete en surplomb du torrent, et je deroule mon sursac.

C'est marrant... je suis encore grave dans la merde selon les standards courrants, mais je ne m'en fais pas une seconde. Je suis meme bien. Je connais les risques, mais je sais aussi quoi faire. Je suis dans mon element. Prends un parisien moyen, et place-le dans la meme situation, et son calbut ressemblera a un pot de Nutella eventre. Mais en meme temps, replace-moi dans la peau du parisien moyen, et je retomberai en depression. Malgre les risques, tout est simple pour moi ici, bien plus que ces trois dernieres semaines de sociabilisation. J'ai toujours eu du mal avec les rapports humains. Souvent, je ne sais pas comment m'y prendre. Ou plus exactement, ca ne vient pas naturellement. C'est sans doute pour cela que je me refugie souvent dans les exces. Mais ici, dans la Nature, il n'y a pas de masques, pas de faux-semblants. Tu fais ce que tu as a faire, et tu vois si ca passe ou si ca casse.

Je repars le lendemain, sautant de rochers en rochers sur le torrent. La nuit m'a fait du bien. Je suis autant en forme qu'un marcheur avec trois ampoules monstrueuses et des pompes en train de rendre l'ame peut l'etre. Je profite d'un passage particulierement difficile pour remonter sur  les hauteurs rive gauche, histoire d'avoir une vue degagee. Je me fraie un chemin a travers la vegetation. Le terrain est instable. La terre et les pierres roulent sous chacun de mes pas. Je finis par arriver a un endroit degage. Ca y est, je sais exactement ou je suis. Il faut que je retourne au torrent. J'aurai alors deux options: soit le suivre sur plusieues kilometres en contrebas pour rejoindre un chemin cense le traverser, soit grimper rive droite et prendre plein Ouest pour couper un sentier.

Je rejoins tant bien que mal le torrent que je commence a suivre. Ca se corse. Je suis dans des gorges dont il sera difficile de s'extraire. Et histoire de m'achever, une cascade de trois metres se trouve maintenant a mes pieds, sans moyen de la contourner. Je ne veux pas tenter la descente - tout est bien trop glissant. Mais en meme temps, quelle alternative ai-je? Je regarde la falaise en face. Une trentaine de metres de montee facile techniquement, mais sans assurance et sur un terrain instable. Je me lance, porte par l'adrenaline. J'arrive en haut.

- T'as ete trop loin ce coup-ci, mon gars - le but, c'est pas d'y rester...

Au moins, je suis desormais sur la bonne montagne. J'avance plein Ouest pendant un quart d'heure. Je vois un passage degage. Un sentier, enfin! Je le suis pendant deux heures, claudiquant jusque dans la vallee. Je repense aux animales avec qui je bossais. Je suis dans la verte, j'ai risque plusieurs fois ma vie ces deux derniers jours, mais je me sens bien, serain, apaise. Leur principal soucis quant a eux, ca a ete de savoir s'ils ne s'etaient pas plantes sur une reservation ou s'il y avait assez de biere dans le frigo. Pas etonnant qu'il y ait un decalage parfois...

Le sentier se transforme en chemin. Je tombe bientot sur des barbeles que je saute. Je ne cherche meme pas a essayer de comprendre. J'arrive au milieu d'une grande ferme.

- Bon bah on va essayer de passer discretement.

C'est rate pour la discretion: une petite vieille attend a la grille. Faut que je lui dise un truc, je ne vais pas passer comme ca:

- C'est par la, la route d'Armerillo?

Je connaissais deja la reponse. Elle me marmonne quelques mots. Elle ne me demande meme pas ce que je fouttais chez elle. Apres trois mois au Chili, je n'ai toujours rien compris a leur concept de propriete privee.

Je discute un peu avec le patron du refuge, et je lui raconte par ou je suis passe. Il regarde ma carte...

- Tu sais, c'est une ancienne edition que tu as la. Le sentier qui descend n'existe plus.

Franz, je vais te tuer. J'ai risque ma carcasse, certes parce que j'ai pris une mauvaise decision, mais cette decision au final a ete prise parce que cette raclure voulait se debarasser d'un stock de vielles cartes. Quatre euros. J'ai failli me fracasser le crane pour quatre euros. Connard.

Je rencontre un couple de Talca avec qui je taille un bout de gras. Je leur parle des teutons. Ils les connaissaient, et v'la la reputation qu'ils semblent avoir dans la region. En meme temps, ca confirme ce que je pensais.

- Ils font tourner leur business en exploitant les etrangers. Ca fait du taf en moins pour les chiliens, et les etrangers la-bas bossent comme des anes bates. Et puis le courrant ne passe pas  avec eux, ils sont trop rigides, trop droits dans leurs bottes. Franz est cheulou, mais Katy, sa femme, c'est la pire.

- M'en parle pas. Elle a l'air plutot cool quand tu la vois, un peu hippy, mais c'est une connasse de premiere. Si je te racontais mes derniers jours la-bas...

Je repars le lendemain vers les montagnes. Je m'arrete rapidement. Je regarde mes pompes. La semelle s'est tassee jusqu'a devenir dure comme du beton, et j'ai fini de les achever hier. Le mesh etait deja ravage, mais les coutures sur le cuir ont aussi lache, et j'ai maintenant deux gros trous. Ca va etre chaud de s'enquiller plusieurs centaines de kilometres de sauvagerie dans les montagnes avec ca. C'est pas possible... Il y a vraiment une conspiration pour ne jamais me laisser quitter Talca. Y a plus qu'a choper un bus pour aller me racheter des pompes maintenant... J'en ai marre, ca devient ridicule.

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Dernière modification par Kam (05-01-2014 21:49:45)

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#198 05-01-2014 22:01:47

René94
Membre
Lieu : Mont Griffon (du 9-4)
Inscription : 30-12-2009

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Bonjour Kam,

As-tu pensé au cours de ce voyage que tu aurais du prendre une PLB ?


"Je ne suis pas ce qui brille..." (F. Marchet)
Mon trombi

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#199 05-01-2014 22:02:39

Kam
Membre
Inscription : 19-01-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Une quoi?

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#200 05-01-2014 22:19:10

Ontheroad33
Pandabruti
Lieu : Bordeaux
Inscription : 15-08-2011

Re : [Récit + liste] Petite virée aux Amériques

Salut Kam smile

Tu dis que tu n'es pas très bon pour les contacts humains (on l'avait plus ou moins deviné dans le début du récit), ce qui les rend "inconfortables", mais tu sembles quelqu'un qui aime ça, et j'imagine pourquoi. Où trouves-tu ton équilibre ? Par une alternance de solitude into the wild et rencontres multiples en ville ? C'est ce que je fais mais, comme il y a toujours du temps entre le moment ou je commence à en avoir marre et le moment où je change d'environnement, il y a toujours une période de raz-le-bol qui n'est pas agréable.

EDIT : Si 1er degré, et j'en doute, PLB = balise de détresse...

Dernière modification par Ontheroad33 (05-01-2014 22:20:35)


"Je ne sais pas où je vais. Ouh ça je ne l'ai jamais bien su. Mais si jamais je le savais, je crois bien que je n'irais plus." La Rue Kétanou, Où Je vais, Album En Attendant Les Caravanes, 2000.

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