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#326 08-11-2023 12:10:14

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Jour zéro n°1 - jeudi 20 juillet 2023
Mo I Rana
Vidéo #zéro n°1

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Arrivé hier soir à mon hôtel proche de la gare de Mo I Rana, je n'avais aucune énergie pour ressortir en ville et prospecter pour un restaurant. Je me suis contenté de dîner avec le contenu de mon sac, encore bien rempli puisque je prévoyais initialement de n'être ici que dans 2 jours. Même si j'ai soupesé l'idée de reprendre un train dans l'après-midi, l'envie et le besoin d'un jour de repos complet sont trop forts, et j'ai déjà réservé une seconde nuit mais dans un autre établissement, moins cher que celui que j'ai trouvé en dernière minute pour le premier soir.

Au matin je profite largement du petit-déjeuner buffet : nous ne sommes pas très nombreux dans l'établissement, et je ne prive personne en dépassant très largement ma quote-part ...

J'utilise le temps qui me reste d'ici mon check-out de midi pour me rendre avant toute chose dans l'un des magasins de sport de la ville, et tenter de trouver chaussure à mon pied. J'entre ainsi chez Sport 1, où j'ai dans un premier temps bien du mal à trouver quelque chose qui puisse se rapprocher de mon cahier des charges. Ce que je vois est soit trop gros, trop lourd, pas assez respirant, trop étroit etc . Je m'oriente un peu plus vers les chaussures de trail, et après l'essai de plusieurs modèles dans de multiples tailles, je finis par ressortir avec aux pieds un modèle Salomon "Braze" en taille 45 1/3 (!), alors que je prends mes Mescalito en 43 1/2 ou max 44 ... Tout ce qui était proposé était membrané Gore-Tex, donc impossible à éviter ...

Ma famille arrive dans 1 semaine avec mes Mescalito de réserve, je ne prends donc un risque que sur une courte période. Le choix sera moins malheureux que celui de la fin de mes HRP de l'an dernier, mais ce ne sera pas idéal. Je vais retrouver des frottements sur le haut des orteils dont je me protègerai avec de l'élastoplaste, et j'aurai quelques débuts d'ampoules. Les semelles s'avèreront moins accrochantes que les Mescalito, m'amenant à être très prudent en particulier sur les rochers mouillés. Enfin, le réglage des lacets sera particulièrement délicat à équilibrer, m'obligeant à le corriger sans cesse au cours de mes journées de marche en fonction de leur gonflement / rétrécissement à l'eau ... En revanche, le Gore-Tex sera plutôt appréciable sur les terrains spongieux et tant que les pieds ne s'enfoncent pas profondément : je serai mouillé moins vite, mais mouillé je serai ...

Ma paire de Mescalito Planet finit dans une poubelle après l'honorable distance parcourue de 1150 km : en plus du défaut de collage du pare-pierre qui a engendré l'éventration de ma chaussure droite, les semelles n'allaient plus tarder à arriver au bout. Je sentais déjà un peu de perte d'accroche, et elles auraient probablement commencé à se déliter bien avant que je ne fasse la jonction avec ma famille. Leurs obsèques pleines d'émotions se tinrent en bord de mer, où je me repose sur un transat après mes achats ...

Autre achat de ce matin que je fais dans une pharmacie : une nouvelle chevillière qui sera particulièrement efficace jusqu'à la fin de la traversée pour empêcher ma cheville de partir de côté dans les dévers et faire souffrir mes tendons.

pneus bientôt lisses
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aération sur-performante
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vous vouliez tout savoir ?
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Darn Tough & nouvelle chevillière
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Tout cela m'a donné faim et je m'offre une collation de 11h
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Je me déplace à midi vers mon second hôtel, lequel offre à bas prix des petits appartements dans un immeuble séparé. Pour le tiers du prix payé dans l'autre établissement, j'aurai finalement plus d'espace et de confort, pour certes un peu moins de modernisme et de design. Je fais mes courses de ravitaillement et reviens à mon logis, pour un après-midi de farniente, grignotage et mise à jour de ma vie électronique ...

Je ne ressors qu'en fin d'après-midi pour compléter mon aperçu touristique de la ville : les bâtiments modernes dominent et il ne reste pas grand-chose de la ville de pêcheurs d'origine. Ici et là quelques bâtiments de bois survivent, et même une rue avec ses maisons à l'ancienne aux toits de tourbe végétalisés. Je suis privé de la belle vieille église de bois, recouverte d'échafaudages pour cause de rénovation ... Pour le reste ce sont des cubes de béton sans beaucoup d'âme, et les efforts d'embellissement ont porté sur la piétonnisation qui me permet de déambuler au long des vitrines et terrasses.

Dans le beau temps presque chaud du jour (~25°C), les lieux mélangent des impressions contraires : l'enfilade du fjord et les mouettes parlent d'océan, tandis que les tremplins de ski et la vue des glaciers dans l'intérieur parlent de montagne. L'ambiance d'une station de sports d'hiver en été, mais au bord de la mer ... Des statues et bustes de bronze sont dispersées dans la ville, rappelant là un écrivain, ici l'ingénieur à l'origine du percement de la desserte ferroviaire des territoires arctiques de la Norvège. Les couleurs norvégiennes flottent un peu partout sous forme de drapeaux ou de flammes, dans une manifestation patriotique presque machinale ...

front de mer du fond d'un fjord
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porte-mouettes
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au loin les montagnes et les glaciers
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la ville à la montagne et à la mer, en même temps ...
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visite touristique
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quelques indices pour dire qu'on peut avoir froid aux fesses ici en hiver ...
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Il serait impensable de terminer un jour zéro sans une pizza, aussi en fin d'après-midi je me décale dans le centre-ville pour aller m'attabler. J'échange dans le sourire avec mes voisines de table, un quatuor de copines  qui me proposent de finir leurs propres pizzas trop copieuses  tongue  : je suis tenté une seconde par le défi, mais non ! Il semble que cette année j'ai mieux géré mes emports caloriques entre 2 ravitaillements, je ne suis plus tenaillé par la faim insatiable des jours de ravito. Il faut aussi dire que je suis arrivé hier et n'ai cessé de boulotter ...

pizza time !
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Quand je rentre vers ma chambre en soirée il fait toujours aussi beau, mais je peux voir que de gros nuages se sont élevés au-dessus des montagnes, y donnant sans doute de l'orage. Demain matin je dois rattraper un train à 5h55 pour me ramener à Lønsdal, et reprendre le périple ...

il fait moins beau dans la montagne qu'ici ...
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à suivre ...



Vidéo #zéro n°1

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Dernière modification par Hervé27 (08-11-2023 12:18:31)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

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#327 08-11-2023 23:36:22

WouinWouin
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Toujours un plaisir de te lire  smile

Personnellement, je suis à ma 3e paire de Mescalitto Planet et je n'ai pas eu ce souci. Je croise les doigts !

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#328 09-11-2023 01:46:01

laxmimittal
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

eh bé.
après covid + vacances/tempêtes bretonnes je viens d attraper quasi un mois de marche.

je suis épuisée  tongue

à chaque rando tes photos sont meilleures.

L.


La touche Majuscule de mon ordinateur fonctionne mal.

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#329 09-11-2023 10:43:47

tolliv
Sérénitude
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#693984J'échange dans le sourire avec mes voisines de table, un quatuor de copines  qui me proposent de finir leurs propres pizzas trop copieuses  tongue

Mais non ?
Tu n'es pas au courant des us et coutumes norvégiennes ?
"Proposer de finir son bout de pizza" en Norvège veut dire tout autre chose là-bas !
Ben mon cochon.
4 en plus !


"La vie est trop courte pour être petite"

Mes récits , mes bricolages et quelques idées saugrenues : ---->> ICI <<----

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#330 10-11-2023 00:41:38

Etimul
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

roll

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#331 11-11-2023 14:12:30

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#31 vendredi 21 juillet
Lønsdal - Raufjelldalskoia, retour au Cercle Arctique !
44km +1196 -1035 11h29 (+pauses 1h17)
Cumul 1194km D+23800m Marche 298h
Vidéo #31

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Ma journée zéro à Mo I Rana a été bien profitable, et avec le confort d'un vrai lit j'ai besoin de mettre le réveil pour m'arracher au sommeil de très bon matin. Je reprends en effet le train dès 5h55, train de nuit qui remonte vers le Nord jusqu'à Bodø. En réservant mon billet hier à tête reposée, j'ai réalisé que j'ai très bien fait d'anticiper mon passage à Mo I Rana depuis la petite gare de Lønsdal : l'opportunité suivante à la gare de Bolna est beaucoup moins desservie et rares sont les trains qui s'y arrêtent. En optant pour Lønsdal, j'ai pu enquiller une journée de marche complète et prendre un train du soir, prendre une pleine journée de repos, et reprendre le sentier dès 7h30 du quai de la gare après un train du petit matin.

Après un coup de balai dans mon logis et conformément à la consigne, je tire la porte derrière moi en laissant la clé dans la boîte aux lettres, et me translate par les rues désertes jusque vers la gare, dans le concert tonitruant des mouettes qu'aucun bruit de circulation ne vient couvrir. Un peu d'attente dans le bâtiment circulaire qui forme une confortable salle d'attente, où je vois minute après minute arriver les quelques passagers matinaux venus comme moi embarquer. Quand il arrive le train me semble démesuré par rapport aux lieux et au faible public, mais je le trouve plutôt bien rempli. Ma place m'a été assignée sur un siège d'un wagon de jour sans compartiment, mais beaucoup des passagers déjà présents ont visiblement inconfortablement dormi ici, et j'essaye de parvenir jusqu'à mon siège sans bousculer personne. Forcément ça et là j'identifie des sacs et chaussures de randonnée, et me demande s'il n'y en aurait pas parmi eux qui viendraient faire un bout de chemin avec moi ..

Mo I Rana, la gare au cri des mouettes
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je dois à ce monsieur, avocat fervent du développement ferroviaire en Norvège, de pouvoir ici prendre un train
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Le trajet ferroviaire est sans histoire, au côté des passagers encore à moitié endormis de leur mauvaise nuit sur leurs sièges, et avec à ma fenêtre les austères paysages de Norvège sous une chape maussade et grise. Voyant que je descendrai à Lønsdal, le contrôleur me dit qu'il viendra me prévenir quand nous serons en approche, et en effet tient sa promesse (même si j'étais déjà prêt pour avoir vérifié l'approche au GPS ...). Je comprends pourquoi il a pris cette peine : je suis totalement seul à descendre sur le gravier du long quai désert de cette gare du bout du monde ...

Le repos à Mo I Rana était nécessaire et bienvenu, mais m'enferme dans un "petit" challenge qui n'est pas pour déplaire à mon caractère. Mon prochain ravitaillement possible sans quitter le sentier est en effet à Umbukta, à 130 km. Là-bas un bus-épicerie suédois vient se positionner à la frontière d'avec la Norvège, mais avec une présence limitée dans le temps : toutes les semaines du vendredi au dimanche, de 11h à 17h ... Nous sommes vendredi matin pour le départ de cette nouvelle section, j'ai donc devant moi moins de 60 heures pour couvrir la distance et ne pas "rater le bus". Si ce devait être le cas, il me faudrait faire du stop pour revenir à Mo I Rana, ravitailler, et idem dans l'autre sens ... Potentiellement une pleine journée perdue. Pour bien faire il faudrait que je me rapproche autant que possible des 50 km parcourus aujourd'hui et demain, pour n'en laisser qu'une trentaine le 3ème jour et garantir mon arrivée avec un peu d'avance sur la fermeture des portes ...

Comme indiqué le temps est aujourd’hui couvert et un peu frais, avec de la pluie annoncée. Je voudrais avoir franchi un large col à presque 1100 m avant les averses, soit 600m D+ depuis la gare, mais étalés sur près de 15 km. Peu de temps à perdre donc avec toutes ces contraintes, mais je profite tout de même des facilités de la petite gare avant de me remettre en marche. Cela me fait tout drôle d'être à nouveau ici alors que j'y suis déjà passé il y a 2 jours : cela me donne une impression de surplace étrange, après 1 mois passé à toujours avancer. Pour un peu, j'aurai le sentiment d'avoir triché ...

C'est donc parti à 7h30 le long du quai de graviers pour aller rechercher le sentier, mais il me faut faire avec une haute clôture toute neuve qui barre le chemin. Je dois tâtonner et revenir en arrière pour trouver un portillon avec un marquage randonneur, et assez étrangement je longe l'arrière des terrains de quelques maisons privées, mais par leur côté du grillage. C'est pourtant bien ça, et quand je peux passer sous les voies je suis instantanément sur le sentier qui remonte dans la montagne, perdant immédiatement de vue les bribes de civilisation que je quitte. Un panneau m'indique le premier refuge en dur sur mon chemin à 22 km : si le temps doit se gâter je n'aurai pas d'autre abri.

Lønsdal gare : je suis tout, seul, tout seul ...
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sous les rails, la montagne au bout du tunnel, à en avoir mal aux yeux ...
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Je retrouve un environnement de grandes dalles rocheuses, entremêlées de lacs de toutes tailles, similaire aux terrains traversés avant-hier au pas de course sur l'autre versant de la vallée de Lønsdalen. Cette fois je vais moins vite car je n'ai plus de train à prendre : juste un bus dans 2 jours ... Je profite donc mieux des paysages, et bien sûr étrenne mes chaussures toutes neuves achetées la veille. Il me faut prendre mes marques avec elles, car avec une pointure et demie au-dessus de ma taille habituelle les chaussures sont plus longues, et je me retrouve sous à cogner du bout du pied des rochers ou racines que j'aurai esquivé autrement ...

petits lacs ...
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... et plus grands lacs
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j'avais aussi parlé de dalles rocheuses ...
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Quand il n'est pas à même le rocher le sentier se pratique bien et n'est pas trop spongieux, encore équipé de pontons par-dessus les tourbières et j'avance plutôt bien. Le plafond nuageux semble se relever au fur et à mesure de ma lente ascension, et les quelques instants où je crois rejoindre la brouillasse ne durent jamais. L'itinéraire reste très agréable sur du sentier bien formé quand il faut arrondir par les hauteurs la rive sud du grand lac du Kjemåvatnet, dans des pentes de bouleaux et de myrtilles (pas mûres ...) parsemées de grands rochers chaotiques.

De là je débouche dans une vallée largement ouverte, laissant derrière moi les ultimes bouleaux nains une fois franchis les 800 m d'altitude. La pluie ne semble jamais être très loin mais ne vient pas : tant mieux pour moi car le col est encore loin et c'est le dernier endroit où j'apprécierai d'être mouillé. Je n'avais plus vu de neige depuis quelque temps, et commence à retrouver de petits névés survivants. Je ne fais que deviner les reliefs qui m'entourent, tronqués qu'ils sont par le plafond nuageux. J'ignore si les brumes cachent d'élégants sommets élancés et englacés, ou bien juste de douces collines arrondies et dénudées ...

derniers bouleaux et premiers névés
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Quand j'arrive près du torrent un panneau m'indique l'existence d'un itinéraire alternatif, lequel me revient en mémoire puisque j'en avais eu connaissance au temps de ma préparation au cours des longues soirées d'hiver. On peut ici soit tracer au plus court au prix de 2 traversées à gué, ou bien très légèrement rallonger le tracé et n'avoir qu'un seul torrent plus petit à franchir. Le gué ici est très facile car les eaux sont basses et le gros de la fonte des neiges est passé, et j'opte pour le tracé direct.

Premier gué facile et à pieds secs
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Deuxième gué pas plus compliqué, pas besoin du sentier alternatif (en tout cas aujourd'hui)
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Je continue de m'élever lentement, toujours à la limite de la brume qui remonte avec moi, et l'environnement devient progressivement moins herbeux, plus rocailleux, minéral ... Je m'engage dans un large défilé entre 2 montages enchapées de brume et qui tient lieu de col. La carte me dit que les cimes alentours montent jusqu'à 1379m (Steindalstind) à ma droite, 1506m à ma gauche (Lønstinden), mais je n'en vois que la base, et peut-être aussi ici et là la face inférieure d'un petit glacier ... Ce secteur, nommé Låpptåvágge-tjahtsa sur ma carte norvégienne, forme un grand replat presque exclusivement caillouteux sur 4 km de long. Le traverser n'est pas autrement difficile, sauf que c'est long et demande un peu de concentration pour naviguer d'un petit bloc à l'autre. Il y a aussi là plusieurs petits lacs peu profonds, et un autre plus grand, le Lønstindvatnet, après lequel la pente s'amorce vers l'autre versant.

je me rapproche du col
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entre 2 montagnes
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petit sommet secondaire à 1380m du Lønstinden (1506m), et leur glacier mitoyen
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C'est dans la beauté sinistre de ce secteur désolé que je fais mon unique rencontre du jour, un couple de marcheurs que je salue, et après quelques mots échangés en anglais nous identifions vite que nous serons plus à l'aise dans nôtre langue maternelle commune ... Je fais ainsi connaissance d'Ali et Hélène, 2 randonneurs Suisses de Neuchâtel : des quasi-voisins pour moi qui me partage entre Alsace et Franche-Comté ! Ils vont finir aujourd'hui à Lønsdal un circuit de 2 semaines dans la région, dont je n'ai pas noté où ils l'avaient débuté. Je peux ainsi les renseigner sur les horaires de train que je connais maintenant par cœur (je crois me souvenir qu'ils voulaient remonter vers Bodø), et de leur côté ils m'informent sur les différents abris que je vais rencontrer sur l'autre versant : 2 bons refuges DNT, et 1 cabane ouverte très rustique où eux-mêmes ont dormi cette nuit. Il faut dire que n'ayant pas adhéré / cotisé au DNT, les cabines sont plein tarif pour eux, soit ici 400 couronnes par personne quand je n'en paye que 250 si je décide d'y dormir. Eux-mêmes n'ont croisé qu'une unique randonneuse depuis hier, arrivée tard hier soir dans leur cabane après s'être trompée de direction à une intersection proche de notre lieu de discussion, rallongeant sa journée d'une bonne quinzaine de kilomètres faits à l'opposé de la direction voulue et retour ... Me tromper d'itinéraire m'arrive régulièrement, mais mes consultations régulières du GPS avec ma trace prévisionnelle m'ont toujours permis de réaliser mon erreur rapidement, limitant les dégâts ... Si je n'avais qu'une carte papier et les cairns / marques à suivre, ce serait plus ludique !

Parler un peu français fait du bien, mais évidemment je dois retourner bientôt à ma solitude. La plaine de cailloux de ce vaste col commence à être pénible pour les pieds, et Ali et Hélène m'en ont promis pour encore quelques kilomètres. La descente s'amorce et je prends bientôt sans erreur la bonne direction à l'intersection indiquée, et après encore un peu de caillasse la perte d'altitude fait réapparaitre un peu d'herbe et un sentier plus classique. Je surplombe un beau lac (Søre Bjøllåvatnet), avant d'atteindre une gorge où le torrent coule avec force, et que je peux franchir sur une bonne passerelle. Il y a maintenant beaucoup de verdure et les bouleaux font leur retour.

il faut faire son chemin entre caillasse et lacs de fonte, les pieds fatiguent ...
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Søre Bjøllåvatnet, vu de haut
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la végétation revient, par-dessus la gorge on peut apercevoir le refuge DNT de Saltfjellstua
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je ne passais pas sans une passerelle
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J'arrive à 13h45 à Saltfjellstua, et après 6h de marche quasi-continue depuis Lønsdal il ferait bon de s'y arrêter. Toutefois j'ai maintenant sous les pieds un bon sentier et je descends désormais la grande vallée de Bjølladalen, et la cabane (gratuite !) d'Ali et Hélène n'est qu'à 4 km, et je décide de pousser encore jusque-là. J'ai en moi toute l'énergie emmagasinée hier à Mo I Rana et je supporte bien le petit challenge supplémentaire. Le fait que le temps menace mais se tient encore (il n'a toujours pas plus malgré les prévisions) m'encourage aussi à poursuivre tant que c'est possible.

Saltfjellstua
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la Bjølladalen
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Il me faut un peu moins d'une heure pour couvrir la distance, et je finis par découvrir la vieille cabane en pierre sèche nommée Steinstua sur la carte (cabane de pierre ...), mais il faut plutôt la regarder comme l'ancien refuge de Krukkistua (l'actuel n'est plus très loin sur mon chemin). Elle surplombe d'une falaise le torrent de Bjøllåga qui prend de l'ampleur au fur et à mesure qu'il collecte les eaux de la vallée, et quand je pénètre dans l'abri je découvre un intérieur pour une fois très rustique et très sombre. J'ai la déconvenue de réaliser qu'il n'y a pas d'eau à proximité, et je n'ai plus de quoi me faire quelque chose de chaud pour ma pause. J'aurai sans doute mieux fait de m'arrêter au refuge précédent de Saltfjellstua, car ma pause tristounette sera également froide : l'intérieur de l'abri est une glacière, et je trouve l'air extérieur presque chaud quand je ressors ...

Krukkisteinstua extérieur ...
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... et intérieur un poil plus rustique qu'à l'habitude
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Même décevant, l'arrêt fait du bien et je me relance après seulement 1/2h, arrivant en 20 mn à l'actuel refuge DNT de Krukkistua. J'y passe quelques courts instants pour renseigner le hyttebok et profiter des toilettes sèches. J'y vois pour la première fois pleinement exprimée la tradition d'y voir un portrait officiel du couple royal, née du temps où l'usage du papier journal en ces lieux n'était limité que par le respect porté aux photos royales imprimées : on les découpait soigneusement pour les laisser apposées sur les murs ...

Krukkistua (la cabine principale n'est pas sur la photo)
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la tradition avant tout !
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J'ai de la suite de l'après-midi un souvenir plutôt pénible : le chemin devient très irrégulier, fait de creux et de bosses, de marécages et tourbières sans aménagements, de bouleaux malades tombés à terre etc. L'eau ruisselle dans les pentes et le plus souvent aucun chemin n'est plus visible entre deux marques de peinture, et je marche sur la végétation imbibée d'eau. C’est fatiguant, oserais-je dire épuisant ? Au moins la météo est-elle moins mauvaise qu’annoncée, car non seulement je n’ai pas de pluie, mais j’ai même droit à un timide soleil. Pour que le chemin s'améliore sous mes pas, je dois attendre qu'il change de versant après avoir franchi la Bjøllåga sur une passerelle, et repris de l'altitude pour gagner un flanc de montagne moins spongieux.

J'en ai ainsi pour près de 3 heures laborieuses, et le Gore-Tex de mes nouvelles Salomon ne me préservera pas d'avoir vite d'avoir les pieds détrempés. De retour sur la hauteur je pourrai maintenant facilement me trouver un spot de bivouac sur l'une ou l'autre terrasse herbeuse pourvu que ce ne soit pas une tourbière, mais j'ai une motivation en tête qui me fait tenir encore ...

c'est joli mais où est le chemin ?
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par-dessus la Bjøllåga
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Avec une seule véritable pause de toute la journée mes jambes souffrent mais je pousse et pousse encore, et je sens bien que mes foulées se font plus courtes que ce dont j'ai l'habitude. Dans cette grande vallée j'ai visuellement l'impression de ne pas progresser, malgré les kilomètres qui s'ajoutent au compteur. Je franchis de nombreux torrents, les plus délicats étant équipés de petites passerelles. Je passe un point haut à ~800m d'altitude et la vue porte loin, le sentiment d'être seul dans l'immensité s'impose à moi. Après cela je redescends légèrement et très progressivement dans la vallée de Raudfjellelvdalen, dont le torrent se jette dans la Bollåga.

Au milieu de nulle part, un poignant et intrigant petit mémorial
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les franchissements potentiellement délicats sont équipés
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À la fin d’une interminable journée, je parviens enfin à 20h15 à mon objectif du jour : cela commence par la petite cabane d'urgence de Raudfjelldalskoia, au confort minimaliste pour la Norvège mais qui serait classée grand luxe dans nos montagnes. Même si elle me promet une nuit confortable, ce n'était pas (seulement) elle que je visais ...

À quelques dizaines de mètres un portique de bois marque symboliquement le franchissement de la ligne du Cercle Arctique ! Une étape essentielle dans ma quête de la nuit perdue … À partir d'ici le soleil de minuit n'existe plus, même si en ce qui me concerne la mécanique astronomique me l'a fait perdre un peu avant mon passage à Sulitjelma. Dans ma préparation de cette aventure, jamais certain d'avoir tout le temps nécessaire à une traversée complète, le Cercle Arctique était l'objectif symbolique minimal que je m'étais fixé, alors je m'autorise un poil d'émotion ...

Raudfjelldalskoia
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content de moi !
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content de lui !
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Sur un terrain difficile, surtout dans l'après-midi par-dessus les marécages de la Bjøllådalen, je n'ai pas fait autant de kilomètres que j'aurai pu espérer au vu du total d'heures de marche. Je reste dans les temps pour attraper mon bus-épicerie à Umbukta après-demain dans l'après-midi, mais avec peu de marge ... À chaque jour suffit sa peine, aussi je préserve pour la suite du parcours le "Real Turmat" qui doit égayer le dîner de ma journée la plus méritante d'ici au prochain ravitaillement ...



à suivre ...


Vidéo #31

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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#332 12-11-2023 19:54:33

Hartza
Membre
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Donc, le cercle polaire est en réalité un arc de cercle en bois...


Liste moyenne montagne printemps été: https://lighterpack.com/

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#333 13-11-2023 16:46:14

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#32 samedi 22 juillet
Raudsfjelldalskoia - Kvitsteindalstunet
58 km +1289 -1393 13h38 (+pauses 3h17)
Cumul 1253km D+ 25100m Marche 311h
Vidéo #32

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La nuit dans la cabane de Raudfjelldalskoia sur la ligne du Cercle Arctique a été réparatrice après ma longue journée d'hier. Je suis efficace ce matin en vue d'une nouvelle grosse journée, prêt au départ dès 6h00. En effet, j'ai toujours pour objectif d'être demain dans l'après-midi à Umbukta à temps pour me ravitailler au bus-épicerie : il me reste 36 heures pour faire 86 km ...

Le ciel ce matin est incertain, les nuages paresseux laissent apparaître très peu de ciel bleu, et j'opte pour un départ dans le cocon douillet de ma polaire plus veste de pluie. Pieds et chevilles sont endolories de la marche casse-pattes de la veille, et après d'ultimes photos sur la ligne de l'Arctique, je démarre sur une allure très tranquille pour ne rien brusquer.

Raudfjelldalskoia
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encore 3 pas et c'en est fini de l'Arctique
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les nuages flemmardent : ils ont le temps, eux ...
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Le chemin est désormais meilleur que celui de la veille, et j'apprécie le changement sous mes pieds. Je reste pendant ~1h30 à la lente ascension du vallon de Raudfjelldal, avant de passer insensiblement sur l'autre versant de l'interminable col, juste sous les 800m d'altitude. J'arrive alors sur les hauteurs du Randalen, la vallée qui descend vers Mo I Rana et dans laquelle je suis passé par 2 fois en train ces derniers jours (en bon cachottier, je ne vous avais pas dit que c'était la 3ème fois en 48 heures que je passais le Cercle polaire, mais la seule fois qui compte vraiment est à pieds ...). Il y passe aussi la route nationale E6 qui remonte vers le Cap Nord, alors que je viens de faire mon selfie des 1200 km parcourus ... Là en-bas, voitures et camping-cars y seront peut-être dans 1 ou 2 jours si c'est leur direction...

1200 km ...
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Bolna gare
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Tout doucement d'abord, puis plus raide sur la fin dans la forêt de bouleaux retrouvée, je descends jusqu'à la gare de Bolna où j'aurai bien voulu faire une pause dans la salle d'attente + toilettes, mais je trouve le bâtiment fermé. Peu importe, je descends encore jusque sur la Nationale, que je suis sur 500 mètres jusqu'à atteindre la cabine DNT de Bolnastua. Je n'y entre que le temps de laisser un mot dans le hyttebok, mais profite d'une table de pique-nique sur le perron pour une modeste pause d'1/2h. La présence de la route signifie aussi mes retrouvailles avec le réseau, et mon actualisation météo continue de me promettre une pluie que depuis hier je ne vois pas venir.

Pour ne pas avoir à le renfermer à chaque ondée, je replace alors un peu de sparadrap autour de la connectique du panneau solaire afin de l'étanchéiser. Ce qui est idiot c'est que pour ce faire je suis obligé de scotcher le câble USB au panneau, et donc de défaire cette protection à chaque fois que j'ai besoin de ce câble en particulier pour me brancher sur le secteur. J'ai d'autres combinaisons de branchement possibles, mais avec 2 câbles, 2 adaptateurs et 3 appareils il y a toujours une combinaison spécifique qui exige ce câble-ci plutôt que celui-là ...

D'ici je pourrais reprendre le sentier qui traverse la nationale et repart courir à flanc de montagne, mais mes jambes ont besoin de facilité et je décide de me laisser glisser au bord de 2.5 km supplémentaires de bitume, avant de quitter la route E6 par une piste carrossable qui remonte ensuite la vallée adjacente de Sør-Randalen et rattrape l'itnéraire. C'est à peine plus long en distance, mais tellement plus simple pour les muscles et le mental, pourvu que ça ne dure pas trop ...

La route n'est pas trop fréquenté et les automobilistes ont la discipline de s'écarter à hauteur des marcheurs, ce à quoi je réponds systématiquement par un petit signe de main en remerciement. Après une petite 1/2h à ce régime, je trouve la piste qui descend vers le torrent de la Randalselva, puis l'enjambe par un solide pont apte à supporter les véhicules, et s'élève ensuite sur une pente appréciable. Après un peu moins de 200m D+, la piste s'horizontalise autour de 700m d'altitude, juste après avoir été rejointe par le tracé "officiel" de la Nordlandsruta et son marquage de "T" rouges. Elle court alors à flanc de montagne, juste au-dessus de la limite des bouleaux, m'offrant une belle vue qui me permet de voir que j'ai la pluie sur les talons ...

vous êtes sûr qu'elle est par là-bas ?
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hauteurs du Sør-Randalen
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Je vois une unique voiture redescendre la piste, et un peu plus loin arrive là où elle a certainement dû faire demi-tour. Quelques dizaines de mètres de route ont été défoncés par le ravinement, sans difficulté particulière pour le marcheur mais impossible pour un véhicule qui ne serait pas tout-terrain.

Les kilomètres faciles s'ajoutent au compteur mais je ne voudrais pas marcher trop longtemps sans nouvelle pause. Un triangle rouge sur la carte norvégienne m'indique normalement un abri précaire type gammu un peu en contrebas de la route, ce qui semble correspondre au marquage lorsque celui-ci me fait quitter la piste et descendre dans le vallon. Il me semblait pouvoir remonter encore la vallée pour traverser le torrent plus en amont, mais la fidélité au marquage et la perspective d'une pause à l'abri de la pluie qui menace l'emportent.

D'un cairn à une marque de peinture je me retrouve dans la pente à descendre vers le torrent, sur un sentier très mal formé et un terrain alternant buissons mouillés, tourbières, rochers saillants. C'est très malcommode et par endroit raide, et je cherche du regard cet abri que mentionne la carte mais ne vois absolument rien ... déception ... Je descends encore jusqu'au creux du vallon où une passerelle enjambe le torrent, et le sentier remonte ensuite dans la montagne.

Je sais que si je me ré-engage maintenant en altitude et que la pluie m'y rattrape, toute pause sera impossible et je serai "dans la seringue" pour pousser jusqu'à l'abri suivant, encore 10 km plus loin. À 200m plus en amont de la passerelle, il y a une retenue de captage pour une conduite souterraine, et plutôt que d'engager le sentier je vais dans cette direction, par où je pensais initialement devoir traverser le torrent si je n'avais pas quitté prématurément la piste. J'espère y trouver un spot abrité, et effectivement je peux m'adosser au béton sur le déversoir et sous la passerelle, juste quand commence à tomber une première averse. Je peux ici faire un déjeuner anticipé, et attendre que l'ondée passe avant de redémarrer en coupant dans la pente pour rattraper le sentier.

quand on cherche un abri, on le trouve !
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À peine émergé du vallon et de nouveau sur le chemin, je fais ma première rencontre du jour, et pour la deuxième fois ma "célébrité" m'a précédé. Katharina (Instagram @kat.romer) remonte le Norge På Langs par sections pour la 3ème année consécutive, espérant finir désormais en une dernière traite au Cap Nord. Elle a été prévenue par un autre passionné du NPL (Instagram @m.kettler) qu'un français frappadingue arrivait du Nord avant tous les autres et dans sa direction à tout berzingue, et elle m'identifie vite en m'apercevant venir à sa rencontre ... Discussion sympa au bord du chemin, et nous nous renseignons réciproquement sur ce que le chemin nous réserve : j'apprends ainsi que si il n'y a plus vraiment de chemin dans la montagne où je m'engage, l'itinéraire de cairn en cairn est très facile tout droit sur les pelouses d'altitude, avec juste 1 ou 2 secteurs plus marécageux d'ici au prochain refuge DNT.

On se sépare en échangeant nos Instagrams quand la pluie recommence à tomber après 20 mn, et c'est ainsi que je peux vous confirmer que Katharina arrivera bien au Cap Nord dès cet été ...

Sous la pluie légère mais continue je n'image plus beaucoup, mais prends beaucoup de plaisir à traverser ce massif aux reliefs arrondis, jamais très loin de la frontière suédoise. Il n'y a effectivement plus de chemin, juste des cairns immanquables et qui tracent droit dans les pentes. C'est facile, mais c'est long ... J'ai un peu de frustration à ne faire qu'entre-apercevoir quelques beaux massifs enneigés lorsque le plafond nuageux veut bien me les révéler, et les images embrumées que j'en fais ne leur rendent pas justice.

Je remonte au plus haut juste au-dessus de 1000m d'altitude, et peu après passe à hauteur d'un abri d'urgence (cabane similaire à celle où j'ai dormi cette nuit). Je crains que si je fais là une pause au sec, il me sera difficile d'en repartir ... J'ai d'ailleurs aussi une autre préoccupation, celle de la recharge des batteries. Avec la météo défavorable depuis hier matin où j'étais parti "à bloc" de Mo I Rana, les charges du téléphone, de la caméra et de la powerbank s'étiolent sans perspective de recharge par le panneau solaire, et j'ai désormais toujours au coin de mon esprit le souci de la prochaine prise électrique ... Ce sera d'ailleurs et dorénavant une constante jusqu'à la fin de la traversée.

Je décide donc de poursuivre à la descente jusqu'au refuge DNT de Virvasshytta : si je dois arrêter là la journée à cause du mauvais temps cela me fera un kilométrage plus honorable (35 km), et je trouverai là la connectique USB tant prisée.

tout ça dans la pluie
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Je souffre un peu dans le réglage imparfait de mes nouvelles chaussures, qui change avec son degré d'imbibation aqueuse. Inlassablement je dois tantôt resserrer, tantôt desserrer, rééquilibrer entre l'avant et le cou de pied ... C'est frustrant et agaçant, mais le confort retrouvé avec le bon réglage ne se négocie pas ...

La descente sur le refuge DNT de Virvasshytta est pénible, et j'y arrive bien fatigué à 15h40, toujours sous la pluie qui s'est renforcée.

Le Virvatnet vu de haut
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descente vers Virvasshytta
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Je fais là un long arrêt reconstituant et peux y rebrancher téléphone et power bank. Un solide gaillard norvégien arrive alors à son tour, après sa journée de marche depuis le refuge suivant / précédent de Kvitsteindalstunet. Il est trempé et me décrit un chemin difficile, sans aucun pont… Il a besoin d’allumer le poêle pour sécher ses affaires, ce à quoi je ne vois pas d'objection ! À l’entendre, je crois comprendre qu’il a eu de l’eau jusqu’à la taille ... Entre son récit et la pluie qui bat aux fenêtres ma motivation à poursuivre s'étiole ...

Je soupèse mes options : d'ici il me reste ~50 km jusqu'au point de stationnement du bus-épicerie d'Umbukta, et il me parait totalement irréaliste d'y être avant 17h demain en une seule journée de marche si je passe la nuit ici. Il me faut donc choisir entre marcher encore ce soir sous la pluie, ou bien rater mon ravito et devoir perdre une journée en logistique pour rallier un lieu de ravitaillement et en revenir. Sur la carte, j'ai 3 points de chute possibles pour dormir à l'abri, à 7 km (abri précaire), 15 km (cabane de bois comme la nuit dernière) et 22 km (refuge DNT tout confort) ... L'option 0 km et ne plus bouger est réclamée par mes muscles qui se dorlotent à la chaleur du poêle, mais la crainte de tomber à court de chocolat l'emporte : je me fais violence et me voilà de nouveau dehors à 17h45 pour un trip du soir ...

L'averse redouble dès lors que je suis chaussé et prêt au départ sur le perron du refuge, mais je tiens bon sur ma décision et retourne affronter les éléments ! Bourrin un jour, bourrin toujours !

Virvasshytta sous l'averse au moment de repartir ...
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Le confort de Virvasshytta s'éloigne ...
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Gêné par l'averse dans la consultation de mon écran de téléphone, je commence par me tromper de direction au départ du refuge, désorienté par la multiplicité de chemins à ce carrefour d'itinéraires. La pluie est drue mais au moins elle n'est pas froide, et tombe droite car il n'y a guère de vent.

Avec les indications pessimistes de mon norvégien à Virvasshytta, je m’attends aux pires conditions sur le chemin mais la réalité que je découvre sous mes pieds est très roulante, bien plus que tous les kilomètres faits depuis ma pause précédente sous le petit barrage. J'avance très vite, gambade presque ... La pluie n'incite pas à s'arrêter ou à traîner, de même que les moustiques dont je me demande comment ils arrivent à rester en vol sous les gouttes. Aucun pont effectivement, mais l'eau la plus profonde que je traverse ne m'arrive qu’aux mollets : de la gnognotte !

ici un torrent facilement traversé : l'essentiel de l'eau passe sous la dalle rocheuse, laquelle forme une passerelle naturelle
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Ce très bon chemin et la bonne forme des 1ers km font que le plan "22 km" s’impose à mon esprit : j'ignore si j'irai jusque-là, mais fais tout pour y arriver.

Après une première série de collines, la 1ère option d'abri à 7 km me fait découvrir un gammu à l'intérieur un peu minable, perché sur un îlot dans une plaine de marécages entre 2 massifs montagneux. Il n'est que 19h15 et je passe sans hésiter, attaquant derechef les 8 km jusqu'à l'option suivante.

Option 7 km, gammu de Vardfjellkåta
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Le chemin remonte dans les montagnes, et bien que ne dépassant pas les 800m l'ambiance laisserait croire à plus d'altitude. J'avance toujours bien, même si le sentier est maintenant souvent une pataugeoire alimentée par la pluie ruisselante. De toute façon l'eau n'est pas froide, et mouillé pour mouillé ... Je ne fais que très peu d'images, et presque uniquement avec la caméra dans les accalmies entre les plus grosses averses. Extirper le téléphone de son étui étanche est une manip pas évidente sous la pluie, dans laquelle on finit par enfermer ensemble eau et électronique ... La caméra n'est pas tropicalisée alors je m'efforce d'être prudent sous la pluie, mais d'ici à Lindesnes elle résistera à toutes les agressions aqueuses. La pochette où je la range n'est pas aussi imperméable que je l'aurai voulu, et j'ai maintenant appris à ranger mon gant microfibre à ses côtés pour pomper tous les excédents d'eau ...

Au long d'un chemin presque de niveau je longe une interminable enfilade de lacs qui seraient beaux sous le soleil, et compte à rebours les kilomètres qui restent avant l'objectif.  L'ambiance se fait graduellement plus sombre sous la pluie et avec l'avancement de la soirée, pour une nuit qui ne vient jamais ... C'en est certes fini du Soleil de Minuit (surtout par ce temps), mais je suis encore loin de retrouver ne seraient-ce que quelques instants d'obscurité.

retour dans la montagne sur des chemins de pluie
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je me croirais plus haut qu'à seulement 800m
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C'est à 21h10 que je passe à hauteur du deuxième point de chute possible, la cabane "d'urgence" de Kvepsendalskoia, de facture identique à mon refuge de la nuit dernière. J'y jette un œil histoire de documenter, y trouve des lieux mignonnets et très propres, mais avec seulement 7 km à faire jusqu'au confort intégral d'un refuge DNT, je me lance aussitôt dans l'ultime section de 7 km qui me reste ...

Kvepsendalskoia, passage express
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La pluie s'est faite plus légère mais reste toujours présente, et le chemin met longtemps à redescendre (ou est-ce moi qui ralentis ?). De la montagne dénudée je retourne dans la végétation marécageuse et la forêt clairsemée de bouleaux. Le chemin reste bien formé et bien marqué, mais désormais les pas me coûtent, il est temps d'arriver.

Une clôture à rennes surgie de nulle part me barre le passage, et le marquage me dirige vers une chicane faisant office de passage randonneur : l'étroit passage oblige à marcher dans une confiture de gadoue, alors que jusque-là j'avais su garder mes chaussures propres. Mouillées, mais propres ... Sur le final le chemin zigzague interminablement entre dalles rocheuses et passages spongieux, avant que je ne fasse mes retrouvailles avec l'unique passerelle depuis le dernier refuge pour franchir le large torrent de la Litlumelva. Il est 23h et je n'ai plus eu une ambiance aussi sombre depuis la veille au soir de mon envol pour la Norvège, il y a des siècles de cela. Ma poursuite de la nuit toucherait-elle au but ? Le refuge est à 2 pas, un peu en hauteur au-dessus de la rivière d'un côté, du grand lac du Kallvatnet de l'autre ... J'arrive !

23h après le franchissement de la Litlumelva, le refuge est à 2 pas
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Refuge DNT de Kvitsteindalstunet (j'ai mis du temps à parvenir à prononcer ça sans bafouiller)
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À cette heure tout est calme aux abords du refuge, mais je peux voir que le cadenas DNT est ouvert, signe d'occupation des lieux. Je ne veux pas réveiller tout le monde en faisant plus de bruit que nécessaire, ni pourrir l'intérieur avec mes chaussures pleines de gadoue et mes vêtements dégoulinants de pluie. J'entreprends de me déchausser à l'abri de l'auvent sur le perron, mais malgré mes efforts pour être discret j'ai été entendu et la porte s'ouvre.

Une fille passe la tête et commence par me demander si tout va bien, puis me regarde avec de grands yeux :
- "Hervé ?"
et après quelques secondes ahuries , je m'exclame à mon tour :
- "Kathy ?"

Voici donc qu'à bientôt minuit à l'exact milieu de nulle part, je rencontre sur le Norge På Langs qu'elle remonte vers le Nord une certaine Kathy (cf son blog sur Wix)... avec qui j'avais partagé 3 belles journées de marche lors de nos HRP respectives de l'été 2018, plus précisément du refuge de Pombie jusqu'à Gavarnie (ça commence ici il y a presque exactement 5 ans) ...

Les sourires, les rires et les exclamations de ces retrouvailles improbables font oublier toute fatigue de cette incroyable journée : nous voilà à parler et à raconter nos aventures parallèles, en même temps que je m'efforce d'avaler un semblant de dîner. Les chemins n'ont pas de fin, qui eut cru que la HRP se poursuivait en Norvège ?

L'épuisement des randonneurs finit quand même par prendre le dessus sur l'euphorie de la rencontre, et à 1h du matin il est temps d'aller dormir, remettant la suite au petit-déjeuner ...

toutes les rencontres se font en 2 temps
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Le poêle tourne et les affaires sont mises à sécher, et les appareils rechargent sur les prises USB, que j'ai d'abord eu du mal à trouver sur le coffrage d'un canapé. Dehors la lumière est entre chien et loup, définitivement plus le plein jour mais pas encore la nuit, même si je m'en rapproche ... Je sombre vite dans le sommeil.

Quelle journée !


à suivre ...



Vidéo #32

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#334 13-11-2023 21:14:57

Schum
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Inscription : 19-01-2019

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

58 bornes, seigneur... C'est bluffant!

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#335 14-11-2023 00:32:28

laxmimittal
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Inscription : 23-10-2016

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

ouahou,

la rencontre de Kathy  calin  calin  calin

L.


La touche Majuscule de mon ordinateur fonctionne mal.

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#336 14-11-2023 08:49:04

Magic Manu
Magicien itinérant
Inscription : 12-11-2011

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Toujours aussi sympa!!! Et Kathy? Est elle devenue MUL après ta rencontre d’il y a 5 ans, ou se balade-y-elle toujours avec 15 kg sur le dos?


"Il en faut peu pour être heureux" (Baloo, le Livre de la Jungle)
Le kilt? La meilleure façon d’être en « burnes out »!
Trombi

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#337 14-11-2023 10:47:21

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Schum a écrit :

#69420658 bornes, seigneur... C'est bluffant!

Appelle-moi Hervé, on est entre nous cool  !


laxmimittal a écrit :

#694217ouahou,

la rencontre de Kathy  calin  calin  calin

C'était certes improbable, mais si on se dit que toutes ces grandes traversées répétées année après année ne sont que de longs fils que l'on suit sans trop s'écarter de la trajectoire, il est inévitable que les gros marcheurs finissent par s'y retrouver ...


Magic Manu a écrit :

#694225Et Kathy? Est elle devenue MUL après ta rencontre d’il y a 5 ans, ou se balade-y-elle toujours avec 15 kg sur le dos?

Pas MUL, mais le sac s'est bien réduit depuis 2018, en tout cas beaucoup plus compact ! 9.4 kg d'après son blog


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#338 14-11-2023 11:20:22

Javah
Membre
Inscription : 14-10-2014

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Salut Hervé!
Génial ces retrouvailles pour récompenser la petite bambée journalière big_smile  pouce

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#339 14-11-2023 16:09:42

ASM
Membre
Inscription : 22-09-2016

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

58km, tu ne ménages pas tes nouvelles chaussures !

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#340 14-11-2023 16:55:00

ludof
Membre
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

58 km, presque 14 heures de marches  eek  eek  eek
Tu es un grand malade  big_smile

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#341 14-11-2023 17:50:04

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Javah a écrit :

#694238Salut Hervé!
Génial ces retrouvailles pour récompenser la petite bambée journalière big_smile  pouce

L'euphorie effaçait la fatigue cool !


ASM a écrit :

#69425358km, tu ne ménages pas tes nouvelles chaussures !

Les chaussures s'en portaient très bien. C'est pour mes pieds que ce fut moins évident roll ...


ludof a écrit :

#69425558 km, presque 14 heures de marches  eek  eek  eek
Tu es un grand malade  big_smile

C'est ma façon de me soigner  wink


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#342 15-11-2023 18:16:51

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#33 dimanche 23 juillet 2023
Kvitsteindalstunet - Grasfjellkoia
47km +1303 -1377 11h20 (+pauses 2h09)
Cumul 1300km D+26400m Marche 323h
Vidéo #33

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La nuit a été courte, et si la journée d'hier m'a donné de bonnes marges de manœuvre pour atteindre Umbukta dans les temps pour ravitailler, je ne saurai repartir sans avoir partagé le petit-déjeuner avec Kathy. Il me reste 31 km jusqu'au point de stationnement du bus-épicerie "Mattbussen", donc ~7h30 de marche et je dois l'atteindre avant sa fermeture de 17h. Debout péniblement dès 6h30, je sacrifie autant de temps qu'il est possible sans compromettre mon arrivée, et après les adieux , je quitte le refuge de Kvitsteindaltunet à 7h40, sous la pluie ...

Nouveaux adieux à Kathy, jusqu'à la prochaine fois !
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Accrochées juste au-dessus du poêle toute la nuit, mes chaussures et mes chaussettes sont pour une fois totalement sèches quand je les enfile, mais tellement rêches que c'en est inconfortable. L'infiltration rapide de l'eau au long des flaques et des herbes hautes va cependant vite corriger ce petit désagrément, un comble !

Après un départ en forêt le sentier s'élève une première fois par dessus une colline dénudée, puis replonge dans un fond de vallée verdoyant et marécageux, au milieu duquel passe une clôture à rennes munie d'un escabeau pour l'enjamber. Sous la pluie les planches de ce passage randonneur sont glissantes et je dois prendre garde. Le chemin s'élève ensuite à nouveau en longeant les flancs du massif du Melkfjellet (1473m au plus haut), puis remonte une vallée jusqu'à un col que j'enregistre à 1079m.

ambiance tristounette et monotone dans la pluie et la brume
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escabeau glissant à randonneur
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les photos se ressemblent, alors pourquoi les multiplier ?
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Je n'utilise que quelques mots pour décrire 4 heures de marche, durant lesquelles j'ai assez peu imagé en raison de la pluie et de la brume : pourquoi me donner de la peine à montrer du gris sur fond blanc ? Le chemin est fait de creux et de bosses, de gadoue, de torrents gonflés par la pluie à traverser sans passerelles (dont un qui me fera une petite frayeur), de pierriers avec lesquels je renoue et au final d'un dernier névé un peu raide avant de pouvoir basculer vers l'autre versant. J'avoue que je galère et que je morfle un peu : c'est sûr, je paye également la facture de la journée d'hier, laquelle me prive du surcroît d'énergie utile à mobiliser quand la progression se fait ainsi plus ardue.

Marquage d'épouvante ... Le franchissement de ce torrent s'avèrera plus technique qu'il n'y parait, entre pierres glissantes et courant puissant que je ne peux pas enjamber ...
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Dernières encâblures avant le col, et le névé plus raide qu'à l'habitude qui le précède
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Les températures se font pour une fois carrément fraîches avec la pluie et l'altitude, et je n'aurais pas été étonné si des flocons avaient accompagné la pluie. Un oubli de sauvegarde m'a fait perdre les enregistrements de températures sur quelques jours dont celui-ci, et c'est dommage car j'aurai bien aimé faire la part des choses entre le froid réel et celui ressenti, histoire de mieux pondérer la part de fatigue ... Dans le mauvais temps et avec le timing serré de la journée, il n'est pas question de faire halte avant le refuge de Sauvasshytta, non loin après le col déjà cité et à 960m d'altitude au bord du beau lac de montagne d'Østre Sauvatnet. J'y arrive à 12h10 et au 17ème km pour ce matin, restent 14 jusqu'au bus ...

Il est refait à neuf en matériaux modernes, et je prends le temps d'y déjeuner et siroter café et chocolat chaud. Je ne veux pas prendre le risque d'un instant de sieste dont pourtant j'aurai besoin, et m'impose d'en repartir à 13h, heure calculée comme ma limite si je veux avoir encore un peu de marge sur les horaires du bus. Kathy m'a décrit à partir d'ici un itinéraire plus roulant jusqu'à Umbukta qu'elle m'a dit avoir beaucoup aimé, et après la section plutôt fatigante de ce matin j'espère maintenant que ce sera bien le cas ...

Sauvasshytta
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Départ à 13h donc : la pluie s'est calmée mais comme je me suis refroidi dans le refuge avec mes affaires de marche humides encore sur moi, j'ai franchement froid au redémarrage, et je crois d'ailleurs que ça s'entend dans ma voix de la vidéo. Le sentier descend une première grande vallée d'altitude, passant d'un versant à l'autre entre deux lacs. Après les pierriers de la section la plus haute que j'avais traversé juste avant le refuge, je retrouve les pentes herbeuses et bien évidemment spongieuses ... Mes pieds ne sont pas plus mouillés à traverser les torrents directement que s'il y avait eu des passerelles, donc pourquoi s'en soucier ? Je croise ici un unique randonneur bien chargé, qui monte passer la nuit à Sauvasshytta, et je retrouve aussitôt après la compagnie de ma solitude si parfaite.

À partir de là le chemin se fait plus roulant
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un pont ! Enfin, presque ...
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Par étages successifs je perds de la hauteur, et si je crois un temps qu'un peu de soleil va revenir les brumes finissent par se refermer sur moi. La longue descente dans les pentes herbeuses ne m'offre que de rares vues embrumées en direction du lac d'Umbukta qui se rapproche, et je n'image pratiquement pas car il n'y a pratiquement rien à voir ...

splouitch, splouitch ... est le son qui rythme la marche
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un dernier névé avant l'ultime descente
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À 15h30 enfin je débouche sur le camping d'Umbukta, le lac du même nom, la route nationale E12, la civilisation ... Rincé au sens propre comme au figuré, il me reste un peu plus de 3km par le bord de route pour arriver au lieu de stationnement de mes calories sur roue. Je passe juste devant l'auberge-gîte d'Umbukta, pratiquement décidé à y revenir tout-à-l'heure pour y passer la nuit : je sais en effet que les lieux réservent un hébergement gratuit aux randonneurs occasionnels du Norge På Langs, pourvu qu'ils ne soient pas trop nombreux en même temps ...

sans transition, débouché du chemin dans le camping
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Auberge-gîte d'Umbukta, mais d'abord le ravitaillement !
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le gardien, soyez gentil avec lui et souriez !
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Je marche avec la petite pluie sur le bord de route, et me voilà à peine passé 16h passant peut-être pour la dernière fois la frontière suédoise, renouant aussi ici avec l'Union Européenne. Sur le parking en rive du lac, moteur tournant pour alimenter ses éclairages intérieurs et ses armoires réfrigérées, le Matbussen est là qui n'attend plus que moi ... J'ai une heure d'avance et tout le temps ! Cela me fait toujours bizarre d'arriver ainsi à ce commerce itinérant repéré depuis chez moi des mois à l'avance, et je me félicite en particulier d'en avoir bien noté les jours et horaires et su gérer ma trajectoire pour m'y tenir !

Les produits offerts ne sont pas particulièrement conditionnés et/ou adaptés pour le randonneur, mais à force de va-et-vient dans l'unique et étroite allée encadrée de victuailles, je parviens à constituer une réserve apte à subvenir à mes besoins pour la longue section de 5 à 6 jours  (230 km ...) d'ici à Røyrvik, ma prochaine cible. Je tape volontairement large car le tracé à venir inclut la traversée d'une partie du Parc National de Børgefjell, réputé pour être dépourvu de tout sentier. Quand enfin j'estime avoir assez de chocolat tongue , je passe en caisse et ressors me réfugier dans la cabane de rondins qui agrémente l'aire de repos en bord de lac. Je peux m'y poser au sec et reconditionner tranquillement mes achats pour les faire tenir dans le sac : ce qui ne rentre pas est englouti sur place !

le Matbussen à l'arrêt de bus
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Je repars en sens contraire le long de la route, aussitôt revenu en Norvège. La pluie s'est calmée et il fait plutôt doux ici, comparé à la fraîcheur de l'altitude plus tôt dans la journée. Juste avant de repasser devant le gîte d'Umbukta, j'avise un nouvel abri en bois dans lequel je pourrai m'offrir une pause plus conséquente dont j'ai absolument besoin. Je veux aussi faire le point avant de prendre la décision d'aller prendre chambre au gîte.

L'aire de jeux et de repos que j'ai lorgné s'avère être un peu à l'abandon, et je dois passer dans quelques hautes herbes bien mouillées pour y arriver. Sur place cependant je trouve un bon auvent avec table et banquettes où je peux me poser, me déchausser et faire chauffer une boisson tout en grignotant et consultant mes cartes. Quelques moustiques mais, bon, je suis maintenant largement habitué et n'y prête plus guère attention ...

Ma réflexion est qu'avec 230 km à faire jusqu'à Røyrvik, où le plan est de retrouver mon épouse et notre 2ème fille qui doivent se mettre en route en voiture d'ici 2 jours, je ne dois guère musarder si je veux que mon ravitaillement tienne la distance. Avec la pluie, des sols détrempés et des terrains pas forcément très favorables au bivouac qui se profilent (tout ce qui est plat est selon toute probabilité une tourbière ...), je reste à la recherche d'un abri en dur. La prochaine cabane que j'ai pu repérer s'avère n'être qu'à 11 ou 12 km, et il s'agit semble-t-il d'un bon abri en bois, qui plus est libre d'accès. Avec le regain d'énergie de la pause et des calories, je finis par me motiver à me lancer dans ce petit trip dans lequel je vais prendre beaucoup de plaisir.

Je passe ainsi outre au gîte, où peut-être j'aurai pu croiser d'autres marcheurs du Norge På Langs ou de la Nordlandsruta, mais tant pis, j'avance ! La pluie qui reprend cherche à me faire changer d'avis, mais maintenant que j'ai décidé de bourriner je ne vais pas me raviser pour un peu d'eau.

Un peu de tâtonnement à l'heure de quitter le bord de route, le marquage du sentier est un peu déroutant  ... Je renoue instantanément avec la pataugeoire tant que je suis proche du lac d'Umbukta, mais bientôt je m'élève un peu et l'environnement se partage entre dalles rocheuses et creux herbeux parsemés de bouleaux. Je quitte un lac pour en trouver un autre, oblique et en découvre un troisième qui peut-être est le même que le premier, je suis vite totalement désorienté dans ce labyrinthe mais j'ai toujours une marque pour me rassurer sur ma direction.

retour sur les chemins détrempés
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Je me suis maintenant bien habitué à la pluie et, dès lors qu'il n'y a pas de vent pour me voler mes réserves thermiques, je suis plutôt confortable dans mes 3 couches. Je n'ai guère de vue tant que je suis dans la forêt, mais lorsque le chemin s'élève suffisamment pour que les arbres se retire, je découvre des lacs immenses parsemés d'îles, de péninsules et d'isthmes. Je me suis volontairement calé sur un petit rythme pour ne pas risquer de casser une machine un peu malmenée depuis quelques jours, et je prends finalement beaucoup de plaisir à cette promenade du soir à flanc d'une montagne essentiellement sauvage. Je passe au plus haut à peine au-dessus de 700m, là où un petit sommet a été défini comme angle de la frontière ici très géométrique entre Norvège et Suède : je ne passe qu'à 200 m de cette pointe de Suède saillante à angle droit, et reste pour ma part sur le versant norvégien. La promenade se poursuit ainsi en soirée à flanc de montagne, pas vraiment de niveau à force de montée et descente, et peu à peu je me rapproche de l'abri que je vise.

une pointe de Suède là-haut dans le nuage, près de laquelle je vais passer
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j'aime
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reflets parfaits
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quand le plafond veut bien se lever un peu
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J'utilise le GPS pour vérifier régulièrement la distance qui me reste en ligne droite jusqu'à l'abri, et comme toujours le final me semble interminable ... Avant de la voir et sachant que je m'en approche, je remplis ma Platypus d'une bonne eau fraîche à une source qui jaillit de la petite falaise que je longe, et juste après à 21h je parviens à la petite cabane. Tout étonnés de me voir arriver à cette heure, j'y fais la rencontre d'un couple norvégien et leur fillette de 8 ans, à peine en train de s'installer et qui n'ont eux-mêmes pas encore dîné. Ils remontent le Norge På Langs par section avec leur fille, un morceau chaque année pendant les vacances scolaires : tu parles d'une petite marcheuse, je suis épaté !

Beaucoup de discussions variées pendant le dîner, et le père qui est cuisinier de profession me parle longuement de sa passion pour les chocolats norvégiens (il m'a vu en sortir 5 tablettes de 200 g tongue lol !). Pour ce qui est de la rando, il me prévient de ne pas prendre le Børgefjell à la légère : message reçu, même si je n'ai pas l'intention de le traverser par sa partie la plus engagée ...

La cabane n'est pas prévue pour 4 personnes mais je peux après dîner étaler mon couchage au sol, face au poêle et au pied de la pile de bois. Mes colocataires sont sur les banquettes de planches, et j'imagine que 2 ou 3 dormeurs pouvaient encore s'installer au sol et sur la table ... Qu'il est bon de pouvoir se remettre au sec et au chaud après une journée sous la pluie ! Mes affaires à sécher trouvent leur place autour et au-dessus du poêle avec celles de mes colocataires, et ainsi la perspective de peut-être les enfiler sèches demain matin.

Cabane de Grasfjellkoia (image du lendemain matin, mais la pluie était la même la veille au soir ...). Je n'ai pas pensé à imager l'intérieur mais il vous suffit de retourner aux épisodes précédents pour en voir l'équivalent
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à suivre ...



Vidéo #33

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Dernière modification par Hervé27 (16-11-2023 10:21:05)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#343 15-11-2023 23:16:12

Etimul
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

pouce

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#344 16-11-2023 17:36:35

Matt81
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hello,
quelques étapes kilométriquement impressionnantes !!!  yikes

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#345 16-11-2023 18:50:13

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Matt81 a écrit :

#694354Hello,
quelques étapes kilométriquement impressionnantes !!!  yikes

Une belle série qui va se poursuivre encore quelques jours ... Ce sera ensuite plus irrégulier pour plein de raisons différentes (famille, étapes obligées, météo, terrains compliqués, quelques rencontres ...), et j'essayerai toujours de retrouver le bel enchaînement de ces journées. Il faudra lire le récit jusqu'à la fin pour savoir si j'y suis parvenu wink


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#346 17-11-2023 10:26:05

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#34 lundi 24 juillet
Grasfjellkoia - Nilstinden
47 km +1167 -1102 12h07 (+pauses 3h17)
Cumul 1347km D+ 27500m Marche 335h
Vidéo#34

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Une bonne nuit au chaud et au sec dans l’abri de Grasfjellkoia, trop chaud surtout au coin du poêle avec mon sac 0°C confort, je lui ai préféré le seul sursac… Je m’étais efforcé dès hier soir de rassembler le maximum d’affaires pour ne pas faire trop de bruit à l’heure de me lever, mais comme il pleut dehors je ne peux pas juste attraper mes paquets pour les reconditionner à l’extérieur. J’espère n’avoir pas trop dérangé mes colocataires, lesquels ne donnent guère de signes d’être éveillés. À 6h15 je suis dehors sous une pluie fine, et me voilà parti !

Avec la météo pluvieuse et un prochain abri au sec à 17km, je positionne dans les poches de l’ALD et en guise de petit-déjeuner un peu de calories pour ne pas risquer de caler. Les jours de pluie ne sont en effet pas favorables aux pauses en plein air … À peine en marche je fais déjà le selfie des 1300 km, incertain de savoir si j'ai franchi ce seuil dès hier soir ou seulement ce matin …

1300 !
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La cabine de Grasfjellkoia est nichée à la limite de la forêt dans les pentes abruptes du Grasfjellet, sommet qui s’élève à 1412m (800m à l’aplomb de moi), mais dont je ne vois rien à travers la brouillasse. Je longe les pentes d’abord en restant grosso-modo de niveau, avec la vue sur ma droite et le vaste lac du Storakervatnet. Au moment d’arrondir la montagne et de m’engager dans le vallon du Storskardet qui oblique vers le Sud, j’entends une grosse chute de pierres dans les falaises dont seul le pied apparait sous la brume. Rien qui semble devoir me menacer, et la montagne revient au presque silence après quelques secondes, seuls les impacts des gouttes de pluie et quelques piaillements d’oiseaux se faisant entendre.

Storakervatnet
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au pied des falaises invisibles du Grasfjellet
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Comme hier le chemin oscille entre des dalles rocheuses lissées par les anciens glaciers, et les tourbières nichées dans tous les creux où l’eau a le loisir de stagner. L’ambiance est sereine et incroyablement paisible : s’arrêter juste pour le plaisir de ne rien entendre que la pluie est formidablement reposant …

Avec pieds et chaussures saturés d’eau, c’est avec un certain soulagement qu’au bas d’une longue descente je rejoins une piste carrossable à laquelle je ne m’attendais pas. Elle apporte un peu de détente musculaire à mes jambes et articulations, et je profite de ces instants de marche en douceur … Je suis au comble du bonheur quand je constate que, là où je pensais en revenir à du sentier, c’est bien toujours une piste qui va me faire remonter jusque sur les rives du lac de retenue du Gresvatnet, dont j’aperçois la digue depuis un bon moment déjà. La progression s’accélère et cela me permettra d’être plus vite au refuge où j’entends faire une longue pause déjeuner … La pluie s’est d’ailleurs allégée et je ne m’en porte pas plus mal.

Dans les brumes la forêt de bouleaux en fond de vallée prend des airs de jungle tropicale sous la mousson , la chaleur en moins … La piste monte doucement et ne se raidit que dans les derniers mètres pour passer la digue du Gresvatnet, après un gros crochet de l’itinéraire pour me faire parvenir jusqu’ici. Je me demande s’il n’aurait pas été possible de couper beaucoup plus court pour arriver par l’autre côté et traverser sur la levée de terre et de rochers du barrage, mais il est vain de se poser maintenant cette question …

de la piste en fond de vallée ...
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... aux berges du Gresvatnet
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Je suis tellement bien lancé sur la piste que je crois pouvoir la poursuivre sur la berge du lac, avant de réaliser que j’ai dépassé de quelques dizaines de mètres un panneau d’information que je ferais peut-être bien de lire. Effectivement la Nordlandsruta bifurque ici, et redevient un sentier malcommode à flanc de montagne et quelques dizaines de mètres au-dessus des berges du Gresvatnet. Quand je dis malcommode, je ne parle pas seulement des creux spongieux et des bosses rocheuses, mais aussi de portions où le sentier est raboté dans la pente par l’érosion et où je m’accroche à tout ce qui passe pour garder un équilibre, fut-ce un buisson ou un brin d’herbe … Au bout d’un moment j’en ai assez, et décide de profiter de ce que le niveau de la retenue est assez bas pour descendre vers la berge et marcher sur les limons exposés qui forment une plage : c’est infiniment plus pratique, même si désormais du sable mouillé se mêle à la gadoue qui macule mes chaussures.

Le suivi de ma progression au GPS me dicte où il me faudra quitter la plage pour rattraper le sentier là où il commence à s’éloigner du lac, et je bénéficie ainsi de 1,5 km de progression facile. Par endroits sur cette plage je verrais d’autres empreintes : au moins une paire de chaussures, mais aussi celles d’un gros quadrupède à sabots qui ne saurait être qu’un élan …

par la plage plutôt que par les flancs abrupts
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élan ?
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Je passe une petite hauteur pour ne pas avoir à faire le tour d’une grosse colline arrondie formant péninsule dans le Gresvatnet, et l’isthme que je traverse est fait de lacs et de tourbières. Je patauge donc à nouveau, d’autant que la pluie revient et décore de petits cercles emboîtés la surface autrement tranquille des étangs. Les zones les plus boueuses ont fait l’objet de quelques planches ou perches de bois jetées en travers, mais même là il est difficile de ne pas mettre le pied dans la tourbière …

En marche continue depuis maintenant 4h30 j’ai vraiment besoin de m’arrêter, visant depuis ce matin le refuge DNT de Gresvasshytta. Je le confonds d'abord avec une petite cabane privée érigée sur un éperon, avant de réaliser que j’en ai encore pour 1,5 km … Passé un gros torrent sur une large passerelle où j’ai peur que le bois soit glissant (heureusement non), le chemin se fait meilleur dans la forêt de bouleaux, mieux drainé que dans tous ces marécages par où je viens de passer.

la jungle, la mousson, mais pas la chaleur tropicale
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cabane privée 1.5 km avant le refuge
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un pont, un p'tit pont, encore des p'tits ponts ...
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... des ponts de 1ère classe ...
... des ponts de 2ème classe ...

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Je parviens enfin à 11h au refuge, perché dans les hauteurs et les bouleaux au-dessus du Gresvatnet, pour une déconvenue : il est en cours de réfection, et les travaux en extérieurs en sont à refaire la couverture. Le bâtiment principal est fermé par un cadenas à code en plus du cadenas DNT et est momentanément inaccessible. Une affiche mentionne également que le séjour n’est pas autorisé en raison de la présence de punaises de lits, décidément le sujet du moment !

Les posts Instagram des autres marcheurs du Norge På Langs qui passeront là après moi montreront que j’ai joué de malchance :  le refuge n’en était qu’à quelques jours de sa réouverture, dévoilant un bâtiment agrandi et totalement refait à neuf. Certains y seront d’ailleurs accueillis chaleureusement par l’équipe des bénévoles du DNT en plein travail, alors que je m’y sens aujourd’hui seul au monde …

Je n’ai accès qu’au bâtiment secondaire qui héberge les toilettes sèches et la réserve de bois, et où un petit local offre 2 couchettes et un réchaud à gaz. Plus qu’il n’en faut pour une pause, mais je comptais aussi sur les panneaux solaires du refuge pour recharger mes appareils mis à mal par l’absence de soleil, et ce petit local n'a pas accès au précieux courant électrique ... Je ne fonctionne depuis hier matin que sur ma recharge faite à Kvitsteindalstunet, et si j’ai encore assez pour aujourd’hui dans mon téléphone et ma caméra, les choses pourraient commencer à être problématiques à partir de demain … La poursuite des prises secteur sera désormais ma constante jusqu’à l’arrivée, ayant laissé l’été derrière moi dans le Grand Nord …

Pour tout arranger je n’arrive pas à brancher la bouteille de gaz du refuge, il y faut un coup de main que je ne maitriserai que plus tard. Il est d’ailleurs amusant que les norvégiens, bien qu’étant le plus gros extracteur de gaz naturel d’Europe occidentale, n’utilisent pas eux-mêmes ce combustible chez eux, en tout pas couramment. Il n’y a guère que dans les cabines de randonnée qu’on en trouve … Tant pis pour le gaz, j’utilise un cendrier en verre comme support de mon réchaud à alcool … et fait éclater ce support improvisé sous la chaleur ! Confus de ma maladresse, je vais me souvenir d’avoir toujours avec moi de la super-glue, grâce à laquelle je vais pouvoir remettre l’objet en état, désormais décoré d’un joli motif étoilé …

Gresvasshytta, bâtiment principal fermé pour travaux et encore seulement quelques jours ...
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Pause petit-déjeuner tardive, ou bien déjeuner anticipé, je repars après plus d’une heure et passé midi avec le plein d’énergie, mais pas tout-à-fait séché de la pluie du matin. J’éprouve un peu de lassitude à renfiler chaussettes et chaussures froides et trempées, et la petite pluie est toujours là quand je quitte les lieux …

Je m’éloigne maintenant du Gresvatnet et m’engage dans une vallée, le Spjeltfjelldalen, constituée en réserve naturelle. D’abord à flanc de montagne et dans un mix de bouleaux et de buissons, j’ai la bonne surprise de retrouver quelques rennes, lesquels comme à l’habitude gardent leurs distances et s’éloignent de ma trajectoire de leur démarche gracile caractéristique.

je m'éloigne du Gresvatnet
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Le fond de la vallée forme une plaine de marécages entrecoupée de bosquets de bouleaux, et surmontée de belles montagnes dont descendent des langues glaciaires, que je n’aperçois partiellement que quand le plafond nuageux daigne un peu s’écarter. L’ambiance est magique, avec une impression de jungle amazonienne au pied des sommets des Andes, mais en plus frais … La massif de l’Okstindan monte à 1916m, et à cette latitude on peut en comparer les conditions à celle des Alpes du Nord à 3500 ou 4000m.

La neige est là-haut mais mes pieds sont dans les marécages, et le cadencement des splouitch-splouitch rythme mon avancée. La pluie s’est assagie, et avec la mi-journée maintenant installée il y a un peu plus de lumière. Le téléphone branché sur le panneau semble maintenir sa charge (ou à tout le moins ralentir sa décharge), malgré la consultation régulière de la cartographie et l’enregistrement de ma trace. Autant de gagné.

Speltfjelldalen au pied de l'Okstindan
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Je me suis habitué à progresser sur les tourbières, et d’ailleurs le marquage de peinture ne s’embarrasse pas d’essayer de les contourner. J’ai appris à « lire » leur surface pour ne pas m’y enfoncer, en fonction du type de végétation, de la couleur, ou encore de la distance à leur bordure. Il est désormais rare d’être surpris par une zone plus « liquide », et je sais naviguer sur les surfaces les plus fermes même si elles ondulent sous mon poids …

C’est au milieu de ce nulle part que je vois venir à moi un autre randonneur solitaire, un allemand qui se présente en tant que « Sisko », sans que je sache si c’est un prénom, un diminutif ou un surnom. Les pieds dans le marais aux allures de rizière, nous devisons quelques instants sur les vertus du Norge På Langs Nord-Sud ou Sud-Nord, le poids de nos sacs, quelques menues questions sur le matériel, et enfin ce que nos chemins respectifs nous réservent. La fermeture momentanée de Gresvasshytta est connue de Sisko, et il me prévient que je ne devrais pas tarder à rencontrer un autre « northbounder » norvégien, avec qui il partageait l’hébergement la nuit précédente. Nous repartons bientôt pour disparaître chacun dans nos bosquets de bouleaux respectifs, rares humains dans cette vallée sauvage.

Sisko s'enfonce dans la jungle, cherchez la tâche bleue
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Peu après je peux jeter un œil à 2 gammus dûment référencés dans mes repérages : le 1er est en très mauvais état, n’a plus de porte et n’offre plus qu’une faible protection aux éléments, malheureusement jonché de détritus … Le 2nd fait l’objet de travaux de réfection : on a étanchéisé son pourtour, des planches neuves sont stockées à l’intérieur pour, je pense, aménager une banquette surélevée sur le sol de terre. Les lieux sont encombrés et je passe mon chemin, jugeant qu’il est encore trop tôt pour une nouvelle pause.

les 2 gammus voisins de Balskota
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Encore quelques instants et, décidément, la fréquentation est en hausse : je rencontre l’autre Norge På Langiste annoncé par Sisko, Ole Johan, au 14ème jour d’une seconde moitié de traversée qu’il finira cette année (Instagram @ norge_paa_langs_2022_2023, vous trouverez mention de notre rencontre au dit jour 14, même si la traduction Instagram du norvégien au français laisse des doutes sur le fond de nos échanges … ). Il me demande combien d’avance Sisko a sur lui, car visiblement ce dernier lui sert de « lièvre » pour le pousser à avancer : plus qu’1/2h, ça va le faire ! Comme tous, le poids de mon sac l’a marqué … et dire que je suis ici moitié plus lourd qu’à l’habitude !

Ole Johan visait sa pause à l’un des 2 gammus dont nous étions encore tout proches, et pour ma part je marcherai encore 1 heure, attendant que le chemin prenne de la hauteur et qu’un peu de soleil apparaisse. Je peux m’asseoir 20 mn avec une belle vue sur l’Okstindan face à moi, mais ne prolonge pas plus car je me refroidis vite.

Ole Johan en route pour sa pause et, un peu plus loin, le Nordkapp !
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Pause courte
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la même sans les chaussures
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Le fond de vallée était à ~600m, et je vais m’élever doucement jusqu’à ~800m dans une végétation qui se fait plus rase, avant que la trajectoire n’emprunte un fil de crête arrondi pour descendre au plus direct en direction du Røssvatnet, lac aux allures de mer intérieure avec ses 40 km de long et parfois 10 de large. Des rideaux de pluie masquent les montagnes, mais finalement aucun ne sera plus pour moi ce soir.

C’est dans cette section plus en altitude que je croise encore un couple de néerlandais, plusieurs fois plus chargés que moi, et qui ne font pourtant là qu’un circuit sur 2 jours à proximité de leur voiture. On a le temps de parler chaussures avant d'aller chacun son chemin ...

les hauteurs sont belles et plus simples pour les pieds
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je crois un instant que cette pluie est pour moi ...
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en bas, le Røssvatnet
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Une fois dans la descente, je perds 400m d’altitude en 40 mn, descendant pour une fois dans une forêt de sapins après l’étage des bouleaux. J’atterris dans la riche verdure de prés agricoles puis sur une route de graviers, sur laquelle je marche 1 km avant d’arriver à une longue plage de galets en bord de lac. Il est 18h et j’ai du réseau, j’en profite pour faire une nouvelle pause plus conséquente au bord de l’eau, afin de bien réfléchir à là où je veux / peux espérer terminer ma journée.

Cascades dans la descente
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Retour à la campagne
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Les vacances à la plage
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Nouvelle réminiscence de mes HRP passées, je corresponds avec Lorenzo (YouTube : « The Art of Backpacking »), lequel doit venir en août en Norvège avec sa compagne et en van aménagé, promettant de jouer mon « trail angel » personnel ! Derniers échanges aussi avec la famille qui prend la route demain, et un point de RDV définitivement fixé à Røyrvik : qui arrive en premier y attendra le/les suivant(es). Nous sommes lundi et avec encore 180 km à faire sur la trajectoire prévue, ce sera normalement vendredi ou samedi.

Pour ce soir, je me sens de marcher encore un peu et, en l’absence d’abri recensé, je suis prêt à remonter mon premier bivouac depuis 8 jours : le dernier remonte au soir de mon 1er jour à travers le Padjelanta, plus de 300 km en arrière ! Encore faut-il que je trouve un endroit propice : il y a ici quelques prés mais en bord de route et à proximité de bâtiments de ferme peut-être habités, et tant qu’à ressortir enfin le Pioulou je préfèrerais que ce soit dans un cadre plus sauvage. La Nordlandsruta d’ici remonte dans la montagne, et je repère qu’il y a là-haut quelques lacs d’altitude qui pourraient offrir les belles vues dont j’ai envie, pourvu qu’il ne pleuve pas !

C’est donc parti à 19h pour le trip du soir habituel, avec un début très facile puisque dans la vallée la Nordlandsruta suit une bonne piste de 4x4 qui me permet d’avancer sans fatigue. J’y croise 2 marcheuses en sens contraire à la fin de leur journée, et si nous discutons quelques minutes il nous faut rompre la discussion car les moustiques se font vite plus agressifs envers quiconque est statique en soirée : motivation additionnelle pour aller chercher un bivouac plus en hauteur …

Je passe la rivière de la Storelva sur une longue passerelle ondulante, et de là le sentier attaque une remontée toujours plus raide, avant de replonger dans un vallon encore richement boisé de bouleaux. Jusque-là pas le moindre spot où le bivouac serait envisageable, et dans la montée suivante mon regard scrute les possibles replats alors que les bouleaux se font plus dispersés. Bingo ! C’est dans le premier secteur que je jugeais possible à la seule lecture de la carte que, non loin d’un bon torrent et sur une éminence à la vue dégagée, je trouve la zone plane idéale molletonnée de mousses … Les moustiques sont hélas encore virulents, mais la moustiquaire est là pour ça.

...toujours des p'tits ponts ...
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vue arrière sur le Røssvatnet et, derrière, l'Okstindan toujours dans les nuées
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le bingo de la rando
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J’ai encore marché jusqu’au-delà de 21h, mais s’il est bien un lieu et un moment où il faut profiter des longues heures de jour c’est ici et maintenant. Aujourd’hui j’aurai croisé un total de 6 randonneurs (en plus du trio familial avec lequel j’ai dormi la nuit précédente, mais que je compte pour hier). Étonnamment et alors que j’avance raisonnablement vite sur de longues journées, je ne rattrape jamais personne : toutes les rencontres se font avec ceux en sens contraire, que ce soit Norge På Langs, Nordkalottruta ou maintenant Nordlandsruta. C’est statistiquement normal, mais le sens Nord-Sud n’est décidément pas le plus prisé, alors que de mon point de vue c’est pourtant celui qui permet de mieux négocier l’enneigement aux extrêmes Nord et Sud du parcours …

Les batteries de mes appareils commencent à être maintenant un peu courtes, il me faudra impérativement du soleil ou alors une prise électrique demain pour pouvoir poursuivre vers le Børgefjell sans risquer d’être à l’aveugle, mais chaque chose en son temps ! Ce soir je profite un peu de la vue, et sombre vite dans le sommeil …


à suivre ...




Vidéo#34

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#347 17-11-2023 10:54:40

ludof
Membre
Lieu : Lyon
Inscription : 24-08-2021
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

herve27 a écrit :

J'avoue que je galère et que je morfle un peu : c'est sûr, je paye également la facture de la journée d'hier, laquelle me prive du surcroît d'énergie utile à mobiliser quand la progression se fait ainsi plus ardue.

C'est sûr que rien ne vaut deux journées de "seulement" 47 km pour se reposer après une journée de 58 km  big_smile

Immense respect, je suis bluffé  pouce

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#348 17-11-2023 11:06:47

Rodo le Preux
Membre
Inscription : 19-01-2023

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Merci Hervé pour tes retours quotidiens sur ta traversée !
Je passe de temps en temps sur RL et c'est toujours un plaisir de lire tes CR smile

Respect pour ton aventure, clairement.
Une question : après 1 mois de paysages qui (globalement) se ressemblent, est-ce qu'une forme de lassitude ne se fait pas ressentir ?

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#349 17-11-2023 11:33:09

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Salut ludof, Rodo et merci calin

Rodo le Preux a écrit :

#694393Une question : après 1 mois de paysages qui (globalement) se ressemblent, est-ce qu'une forme de lassitude ne se fait pas ressentir ?

C'était ma crainte après les merveilles de la Nordkalottruta, mais au quotidien tel ne fut pas mon ressenti : chaque journée représentait une absolue nouveauté et apportait son lot de belles surprises. La lassitude ne viendra que dans les 3 dernières semaines au mois d'août, quand après la grosse tempête je devrai sans arrêt ajuster mon programme et revenir plus souvent que prévu dans les vallées et au contact des zones habitées, par des itinéraires "bis" moins sauvages.

Pour tout dire, s'il fallait repartir l'an prochain je referai volontiers ce même parcours, sans peur de la répétition !


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#350 19-11-2023 09:28:50

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#35 mardi 25 juillet 2023
Nilstinden – Tverrelvnes
47km +993 -1129 11h10 (+pauses 3h24)
Cumul 1394km D+28500m Marche 346h
Vidéo #35

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Les jours du récit s’éloignent plus vite que je ne peux les raconter, ranimer toute la mémoire de ces instants devient de plus en plus difficile … Je ne prenais pas toujours des notes, soit parce qu’il pleuvait et que faire la dictée à un téléphone sous étui était peu efficace, soit parce qu’il me fallait préserver les batteries. Plusieurs facteurs contribuent d’ailleurs de plus en plus fortement à une efficacité de mon panneau solaire qui se réduit :
-    Je marche vers le Sud face au soleil
-    Le temps est le plus souvent couvert depuis quelques jours
-    Si le jour est encore permanent, l’interminable lumière du soir n’est plus suffisante pour une recharge "de nuit"
-    Les sections boisées sont plus fréquentes
-    Les portions hors sentier m'obligent à un usage plus intensif du GPS et de la cartographie

En conséquence, j’en viens à planifier mes journées autour des opportunités de recharge électrique sur le chemin, essentiellement autour des cabanes DNT et des gîtes que je croise au rythme de 2 ou 3 par jour. L’idéal est de les avoir comme point de chute en soirée : cela permet de me motiver à pousser les kilomètres sans souci de chercher un bivouac, avec la récompense d’un logis confortable …

Pour aujourd’hui c’est d’autant plus important que je dois me diriger ensuite vers la solitude sauvage du Børgefjell : il serait bon que je le fasse à plein de batteries … Autant de motivations donc à me lever tôt avec des objectifs ambitieux : soit le gîte de Tverrelvnes à 45 km, ou alors le camping de Grannes à 56 km. Dans les deux cas une longue journée …

Prêt au départ
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À 5h30 ce matin je suis prêt au départ, avec en guise de 1ère section une petite ascension jusqu’à un petit col à 800m d’altitude, puis une redescente jusqu’aux abords du lac du Famvatnet, 300m plus bas. Le ciel ce matin est incertain, j’espère un peu de soleil pour prolonger la charge de mes appareils. Du col je surplombe un nouveau paysage, avec plusieurs lacs nichés dans les prairies, et plus loin de nouvelles montagnes encore porteuses de neige. Les nuages s’agrippent sur les hauteurs, le soleil espéré n’est pas de la partie …

Au col, nouvelles vues
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On n'est pas toujours obligé de mettre les pieds dans l'eau
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La descente se fait en douceur sur un relativement bon sentier, plus raide pour quitter la cuvette hébergeant les lacs et descendre dans la forêt le long du torrent qui se déverse en belles cascades. La forêt de bouleaux se mêle de sapins, et après 1 ¾ h j’arrive sur la route de graviers de Famvassveien toute proche des berges du lac du Famvatnet.

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Un panneau de randonnée indique 20 km jusqu’au Krutvatnet, prochain grand lac près duquel je devrais pouvoir trouver une cabine. La vallée est ici agricole, avec quelques prés et bâtiments de ferme. J’ai environ 6 km à marcher le long de la route de graviers avant de reprendre un sentier, et comme le soleil a enfin percé je me mets en quête d’un spot de pause avec un double objectif : prendre un petit-déjeuner et reprendre un peu de charge grâce au panneau solaire en position statique et optimisée …

Faire la pause exige de trouver d’abord de l’eau, que je prendrai dans un ruisseau au pied du pont qui l’enjambe. Elle est un peu chargée en tanins et je préfère la filtrer, d’autant que je croise par ici mes 1ers moutons … Les modes d’élevage sont bien différents en Norvège : les moutons que j’apercevrai n’iront jamais que par petits groupes de 4 ou 5, le plus souvent 1 ou 2 brebis accompagnées de quelques agneaux, jamais de grands troupeaux. Le scénario répétitif verra les ovidés me fixer du regard à mon arrivée, puis s’enfuir par la route devant moi, reprenant leur course chaque fois qu’ils constatent que j’avance toujours vers eux. Ce sera parfois sur plusieurs kilomètres, et je me demande comment les bergers retrouvent leurs bêtes dans ces conditions …

Avec le plein d’eau j’avise le creux d’une carrière à l’écart de la route où je peux m’adosser sur la pente au soleil et chauffer mon café. Evidemment, dès que je m’installe les nuages commencent à masquer le soleil, et je n’obtiens qu’une bien maigre recharge de mon téléphone …

Famvasdalen, vues campagnardes
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Après la pause et avant de quitter la route pour le sentier, j’aperçois fugacement à travers les arbres du bord de route un large animal se déplaçant à une cinquantaine de mètres aux abords d’un bosquet. Le temps de chercher une meilleure position pour le voir, il a disparu. Même si ce n’était qu’une poignée de secondes, je suis persuadé d’avoir aperçu une femelle élan !

Le sentier quitte la route à la perpendiculaire, bien renseigné par les panneaux et un double marquage de peinture rouge et bleu. Je traverse ici une réserve naturelle, et m’élève doucement sur une colline par un chemin bien marécageux. Le soleil revient, et avec lui les vues tandis que je reprends de l’altitude.

Au long du sentier les cèpes se font de plus en plus nombreux, et les mûres arctiques (« Molter » en norvégien, ou « cloudberries » en anglais, « Plaquebière » au Québec) commencent à virer du rouge à l’orange, bientôt mûres …

Pour qui prends le temps de cuisiner, les cèpes suffiraient à le nourrir
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Bientôt, les mûres arctiques / cloudberries
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Un peu avant d’arriver en haut de la colline et alors que la météo s’est enfin mise au beau, je croise une randonneuse australienne sur la Nordlandsruta, et nous papotons quelques instants en bord de chemin. Elle me recommande fortement le confort du gîte de Tverrelvnes où elle a dormi l’avant-veille, ce que je note soigneusement …

Deux autres randonneurs allemands en haut de la colline, assis à profiter de la vue tout en faisant sécher leur toile de tente étalée au soleil sur un rocher. Tout à leur conversation ils ne m’accordent que peu d’attention, et je me contente d’imager le beau panorama ensoleillé fait de montagnes enneigées, plaines verdoyantes, lacs, contrastes de ciel bleu et de nuages …

Nouveau nouveau col, nouvelles nouvelles vues
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Je descends ensuite dans une pente douce aux abords d’un large lac, puis quand je retrouve le début de la forêt de bouleaux je me trouve un petit emplacement mi-ombre mi-soleil pour ma pause-déjeuner. Je m’adosse à un arbre, et pendant que je lézarde je m’assure que mon panneau solaire reste bien orienté … Il passe encore un couple de randonneurs, à croire que c’est la foule !

Meurtris par mes chaussures, mes pieds ont besoin de protection et je replace des protections de bande adhésive à tous les points critiques. La bonne chevillière que j’ai acheté à Mo I Rana fait merveille, je n’ai pas besoin d’aller jusqu’à un strapping.

La marche reprend un peu après 13h, avec déjà 22 km au compteur. J’ai à peine repris la descente que j’aperçois un bel abri en bois tout près des rives du lac que je pensais ne pouvoir qu’admirer de haut. À 5 mn près, je pouvais me faire là une pause bien plus belle et même me baigner, dommage … Il y a là un gros sac à dos, mais nulle trace de son propriétaire qui doit être au plus loin au bord de l’eau.

Je descends maintenant vers le lac du Krutvatnet, que je vais longer de plus ou moins près sur 5 km, et ce n’est là que la moitié de sa longueur. Il y a là d’innombrables cabines privées, et par cette belle journée d’été ensoleillée je comprends l’attrait des norvégiens pour l’opportunité de farniente qu’lles représentent : on peut y passer ses journées entre pêche, barbecue et sieste, avec d’autant plus de plaisir que les moustiques commencent à se faire maintenant moins nombreux.

Parmi toutes ces bâtisses se trouve celle de Krutvasshytta, cabine ouverte aux randonneurs entretenue par le Statskog et gratuite. Plus rustique qu’une cabane DNT, mais avec malgré tout le confort de couchettes, cuisine et séjour … Il n’est que 14h à mon passage, j’arrive à peine de ma pause et ne peux envisager d’y séjourner. Je me contente de laisser un mot dans le hyttebok.

Krutvasshytta
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Plus loin, alors que le sentier rejoint la piste au bord de l’eau, je rencontre un couple et leur chien qui se préparent au départ de leur randonnée, finissant de tasser leurs affaires dans leurs gros sacs à dos. Nous avons une belle discussion qui durera bien ¼ h autour de la randonnée, monsieur me parlant de sa passion pour les hors sentiers à travers la Norvège : il n’aime marcher qu’en dehors des itinéraires marqués ! J’ignore encore à ce moment à quel point je vais pouvoir goûter ce même plaisir dans les jours qui viennent … D’ailleurs, je ne verrai plus d’autres randonneurs avant longtemps : je redémarre ici (sans le savoir sur l’instant), le « compteur de la solitude » …

Au soleil et un peu redescendu en altitude (600m tout de même), il fait bon et l’abondance des fleurs des champs me laisse croire que j’avance enfin vers le cœur de l’été, moi qui arrive de l’Arctique …

rives du Krutvatnet
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Au bout du lac j’atteins la route, le long de laquelle je ne marche que le temps d’un pont par-dessus l’Austerelva, belle rivière se jetant dans le Krutvatnet. Aussitôt après, un panneau apposé sur un bâtiment agricole signale la bifurcation de la Nordlandsruta et me voilà reparti dans la verte.

Je m’élève doucement, enjambe un torrent par une passerelle, et remonte le vallon le long de celui-ci. Le paysage change, et la montagne se fait ici plus encaissée, projetant ses falaises vers les hauteurs. Le chemin se fait toutefois facilement, c’est un bon sentier bien formé. Je m’extripe peu à peu de la forêt, et avec le soleil qui donne je suis content de retrouver la compagnie de mon ombre : son absence des derniers jours me faisait me sentir bien seul …

que serait une journée sans pont ?
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Il fait beau, il fait bon mais j’ai mes petites misères. Les pieds restent douloureux de tous les petits bobos qui s’y cumulent avec de nouvelles chaussures, et j’ai bien du mal à trouver le bon réglage du laçage. La charge des appareils est capricieuse, avec ma caméra qui n’accepte pas de recharger sur une powerbank qui ne serait pas elle-même à pleine charge, tandis que la charge du téléphone baisse au rythme de mon utilisation de la cartographie … La caméra est presque à plat, et mes dernières vidéos de la journée seront (parcimonieusement) filmées avec le téléphone.

Pour ne pas risquer d’ajouter une blessure supplémentaire à mes pieds, je m’octroie une pause supplémentaire au bord du ruisseau, et tant qu’il y a du soleil. Je peux ainsi me déchausser et me requinquer, et en repartir à 17h plutôt en bonne forme pour mon traditionnel trip du soir … Ce matin je surestimais mes possibilités, et désormais le gîte de Tverrelvnes est le point le plus éloigné que je peux espérer rallier ce soir : il me reste encore 13 ou 14 km et une montagne à franchir …

Je passe vite un col juste au-dessus de 900m, point le plus haut de ma journée qui m’offre un dernier point de vue en arrière sur mon parcours de la journée. Un petit vent s’est levé et les températures fraîchissent avec l’altitude, et à peine passé le col je commence à apercevoir le haut massif fortement enneigé du Børgefjell : il ne monte guère qu’à 1700m, mais on lui donnerait 2000m de plus …

la pause des petites misères
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vue arrière avant le point haut du jour
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zoom sur le Børgefjell
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J’évolue maintenant dans de larges et longues vallées dans une pente descendante très faible, ne descendant que de 150m sur une distance de 10 km ! Je marche sur d’interminables plaines herbeuses, suivant des alignements de cairns à perte de vue …

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là au fond, la montagne brille de toute l'eau de fonte qui ruisselle ...
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Sur ma carte une longue partie de l’itinéraire se faisait le long d’une clôture, mais sur le terrain il n’en reste plus que les trous des poteaux. Je retrouverai empilés bien plus loin tous ces lourds piquets, le bois pourri se décomposant lentement …

la clôture n'est plus que sur la carte
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À 18h je passe à hauteur de la cabane de Tjuvjodalen, que je n’avais pas référencée : elle est ouverte aux randonneurs, à qui elle offre tout le confort souhaité. Bien plus simple qu’une cabane DNT, mais aux yeux du randonneur qui cherche abri, sa pièce unique rassemblant cuisine, séjour et couchage est du grand luxe ! Je m’estime cependant bien lancé, et comme de toute façon il n’y a pas ici de panneaux solaires et de courant, je privilégie de poursuivre jusqu’à Tverrelvnes, encore à 10 km. La facilité du chemin me permet de marcher vite, très vite, et d’envisager être pour environ 20h au gîte visé, heure somme toute encore raisonnable.

Cabane de Tjuvjodalen
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Après cette course à travers la montagne, la descente ne se fait plus forte que dans les 2 derniers kilomètres à travers la forêt retrouvée. Les sous-bois sont verdoyants, et au fond du vallon je débouche sur une dizaine de bâtiments aux couleurs vives au milieu de quelques prés.

Course du soir
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descente en forêt
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Le gîte est tenu par un couple âgé qui m’accueille très gentiment pour m’ouvrir la porte et me permettre de m’y installer, et je suis le seul résident pour ce soir. Il y a 2 bâtiments pouvant héberger chacun 8 personnes et j’en ai un pour moi tout seul : cuisine suréquipée, séjour, salle à manger, 2 dortoirs pour 4 personnes chacun, TV, vestibule et séchoir à chaussures, WC et … douche chaude ! Le tarif de 250 couronnes est le même que celui d’une cabine DNT (pour un adhérent cotisant), mais j’y suis mieux que dans n’importe quelle chambre d’hôtel ! En plus, il y a du réseau, ce qui permet une ultime communication avec l’expédition familiale qui remonte en voiture depuis l’Alsace. Elles dorment ce soir dans le Nord de l’Allemagne, et si le planning est tenu nous devrions nous retrouver ce samedi (nous sommes mardi) à Røyrvik …

Tverrelvnes
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à suivre ...



Vidéo #35

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