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#251 24-09-2023 20:11:19

Nicolas36
Marcheur léger
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

C'est marrant ce jeu de piste entre participants. Sur les circuits nord-américains, les randonneurs ont des surnoms, est-ce que vous avez créer un signe de reconnaissance, comme par exemple l'empreinte de pied de Kim et Lucas ?


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#252 24-09-2023 20:52:46

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Nicolas36 a écrit :

#691340C'est marrant ce jeu de piste entre participants. Sur les circuits nord-américains, les randonneurs ont des surnoms, est-ce que vous avez créer un signe de reconnaissance, comme par exemple l'empreinte de pied de Kim et Lucas ?

Non, car la fille en question ignorait que je la pistais : en dehors du message qu'elle avait laissé à Kim et Lukas sur leur blog, elle n'avait  laissé aucune adresse mail, Instagram, Facebook ou autre... Pour ma part, ceux qui étaient derrière moi pouvant vouloir identifier mon passage, je me suis efforcé de leur laisser quelques belles empreintes. Nous étions hélas trop peu nombreux en SOBO cette année : à ma connaissance seulement 5 partis entre le 2 et le 20 juin, donc seulement une autre personne (que je rattraperai beaucoup plus tard, suspense wink ) en plus de Kim & Lukas et cette fille mystérieuse avec son chien (fin du suspense au prochain épisode).

Le jeu de trace se fera par la lecture des Hyttebok par l'entremise desquels nous chercherons trace de nos passages respectifs, et surtout Instagram où un petit réseau s'est peu à peu formé. Kim & Lukas seront nettement plus efficaces que moi pour intercepter les NOBOs : mes quelques rencontres se feront par hasard ...


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#253 26-09-2023 11:54:31

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Vendredi 30 juin 2023, J11
de Mierojávri à Dealljadas
47km +447m -292m 10h18 (+pauses 3h51)
Cumul 388km D+6322m
Vidéo #11

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Malgré la douceur des températures hier et la nuit ensoleillée, il a fait assez frais pendant mes quelques heures sous la tente, avec un minimum enregistré à seulement 6°C vers 3h00 du matin. Je n'ai pas pour autant froid, puisque je dors maintenant dans les 350 g de mon X-Lite à 0°C confort. Engourdis par la fraicheur nocturne, les moustiques sont réfugiés par centaines entre ma toile de tente et la moustiquaire ... Je suis bien réveillé dès 4h du matin, et décide de ne pas attendre que la toile de tente chauffe au soleil : je renfile mes affaires de marche et remballe tout ce qu'il est possible avant de m'extraire de la moustiquaire, pour un démontage de tente express. Il n'est même pas 5h quand je commence à marcher ! Le soleil chauffe déjà généreusement, et le thermomètre remonte en flèche vers les 20°C.

4h43 : sac presque au complet, plus que l'abri à remballer
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Je n'ai dormi qu'à 2km à vol d'oiseau de la route nationale, que je longe d'abord à distance avant de l'atteindre. Mierojávri n'est constitué que d'une poignée de maisons éparpillées dans des des clairières entre les bouleaux, à peine un hameau ... À cette heure aucun trafic sur la nationale, que je quitte très vite par une nouvelle piste. J'ai décidé très en amont de ne pas suivre l'itinéraire de l'E1, lequel fait faire un détour vers le Nord avant de revenir vers Kautokeino. J'ai repéré que, moyennant quelques courts passages par la route, je pouvais connecter entre eux quelques itinéraires sur piste bien plus courts. J'avoue n'être pas motivé pour rallonger encore l'interminable traversée de cette plaine mi-boisée, mi-marécageuse : même en marchant vite comme je le fais sur toutes ces longues pistes, le paysage ne change que lentement ...

6h du matin : il fait déjà chaud ...
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Les rivières coulent généreusement d'une eau sombre chargée en tanins, cherchant à démentir la sécheresse et l'aridité ambiante. Ici deux étangs marécageux communiquent entre eux par un petit chenal où la piste ne s'encombre pas d'un pont : il faut marcher directement dans 30 à 40 cm d'eau fraîche. Là une portion de mon tracé personnalisé suit de près une belle rivière, la Čábardasjohka. Le coin est visiblement prisé des pêcheurs, avec plusieurs emplacements propices au camping avec ou sans véhicule. Le chemin est par endroit très sableux, donnant par endroit l'impression de marcher sur des dunes que la végétation aurait figé ... Je traverse encore une fois la nationale pour enfin apercevoir les premiers bâtiments de Kautokeino, puis traverser une "banlieue résidentielle" avec quelques maisons mignonettes, et enfin déboucher sur le supermarché : il n'est que 9h et j'ai déjà 20km au compteur !

Mojave ? Non, arctique ...
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CDT ?
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Tout n'est pas sec, heureusement ...
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Le ravitaillement que je dois faire ici est conséquent, car il doit me tenir jusqu'à Kilpisjärvi à 176km : 4,5 jours si je tiens mon rythme de 40km/j, et il me faut prévoir un peu de sécurité si je devais être retardé ... Je fais mes courses en 2 temps, avec d'abord des bricoles à empiffrer sur place pour calmer mon appétit, puis des achats plus raisonnés pour les jours à venir ... Je ressors du magasin avec un sac bien rempli, prenant le temps de reconditionner mes achats pour les faire tenir : la transition d'un sac vide à un sac plein est une épreuve redoutée, et cette occurrence n'échappe pas à la rêgle : ça tire sur les épaules ... J'avais en tête de trouver une enseigne de sport pour y fureter et éventuellement renouveler quelques articles (chaussettes qui s'usent, collant percé, semelles fatiguées ...), mais l'Intersport dont j'avais noté l'existence est désormais fermé ... Je renonce à chercher plus avant car Kautokeino s'étale sur une immense longueur : je me dis que ce que je porte fera bien l'affaire jusqu'à la prochaine opportunité, et préfère me replier vers le restaurant / cafétéria au bord de la nationale, pour y attendre son ouverture à 11h ... J'y suis le premier et pendant un temps l'unique client, pour un burger frites roboratif  (la serveuse me demande de préciser la version : 150 ou 250 g de viande ? Devinez ... tongue) . Un couple avec 2 enfants viendra s'asseoir à une table voisine, et je m'amuserai d'entendre le père parler français à ses enfants, et la mère norvégien, les enfants passant à l'une ou l'autre langue sans même y prêter attention ...

d'aucuns ont des nains de jardin, d'autres repeignent leur vélo
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j'ai faim !
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À midi et après 3h passées "en ville", je reprends le sentier qui, ça tombe bien, bifurque en face de mon restaurant - cafétéria. Il traverse la zone "industrielle" de la ville, avec quelques entrepôts et ateliers, avant de se faire plus accommodant. Après la frénésie des courses et avec la digestion des calories ingérées, je ne cherche pas à redémarrer en force : l'objectif immédiat est de trouver un spot propice à une petite sieste ... Les choses sont bien faites, et à la bifurcation entre deux itinéraires de randonnée je trouve une jolie table de pique-nique où m'installer.

Le temps est toujours magnifique, et dans le grand ciel bleu que je regarde en rêvassant, je note quelque chose d'absent depuis le Cap Nord : des traînées d'avions ! Peut-être que les avions ont toujours été là, et que c'étaient seulement les conditions atmosphériques qui n'étaient pas favorables à la condensation de la vapeur d'eau ?

Kautokeino est le point de départ (ou d'arrivée) usuel des marcheurs de la Nordkalottruta, et je m'attends à commencer à rencontrer plus de monde. Depuis les quelques promeneurs du Knivskjellodden, seuls 6 randonneurs aperçus ou rencontrés sur plus de 300km et 2 degrés de latitude parcourus ! Je ne vais cependant pas suivre cet après-midi l'itinéraire officiel, car celui-ci fait une large boucle vers le sud dans une grande plaine marécageuse : je préfère couper en ligne droite par la route, et gagner ainsi 5 à 6 km sans me mouiller les pieds ni trop batailler avec les moustiques ! J'ai maintenant hâte de retrouver les collines et bientôt la montagne, et d'entrer enfin dans le "dur" de cette traversée ...

le sac a grossi, mais pas à ce point : c'est la table qui est petite ...
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Après quelques kilomètres d'une jolie piste après Kautokeino, mon raccourci me contraint donc à emprunter 6 km d'asphalte, mais la route est très peu fréquentée car elle ne dessert que des fermes et des villégiatures avant de finir beaucoup plus loin en cul de sac. J'ai tout loisir d'observer mon environnement de lacs, forêts clairsemées et tourbières, avec au loin des reliefs enneigés qui se profilent et se rapprochent. J'ai obliqué vers le Nord-Ouest, trajectoire incongrue pour rallier le Sud :  il en sera ainsi pendant 2 jours où je vais remonter en latitude.

loin au-delà des lacs : de la montagne
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Je croise 2 fois le marquage de la Nordkalottruta qui coupe la route : la 1ère fois après son détour au Sud par les marécages, la 2nde quand le tracé revient d'un gîte "Madame Bongos" à l'écart de la route : c'est à partir de là que, après peut-être 100 km de pistes et routes depuis le jour de nôtre arrivée à Máze avec Sophie, je peux enfin revenir sur du petit sentier ! Le changement est brutal et sans aucune transition : je quitte la route à la perpendiculaire, pour aussitôt reprendre la vieille habitude de pister les cairns et marques de peinture ... Je profite du 1er petit lac pour y faire une pause, afin d'offrir à mes jambes un intermède entre 2 terrains aussi différents.

adios Kautokeino
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hello Nordkalottruta
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mais d'abord la pause pour offrir une transition après 100km de pistes & routes
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Je reprends également mon observation attentive des quelques empreintes de chaussures sur le chemin : je n'y observe que 2 jeux de traces en sens contraire. Les traces de la fille au chien que je pistais encore hier soir sont absentes, alors que ce sentier est le passage obligé. Dans la journée j'ai pu échanger avec Kim & Lukas qui s'étaient arrêtés hier pour la journée à Máze, et y ont eu l'information que la "fille au chien" avait alors 2 jours d'avance sur eux. Selon toute vraisemblance, avec mes 2 grosses journées d'hier et aujourd'hui, je l'ai certainement doublé sans la croiser : soit elle s'est arrêtée pour un jour de repos à Kautokeino, ou bien je viens juste de la dépasser en prenant le raccourci par la route ... Je continuerai à scruter le chemin par la suite, sans jamais retrouver sa trace.

Dans cette portion je renoue aussi avec les discordances du marquages sur le terrain avec la position du chemin sur les cartes norvégiennes. Cela me vaudra quelques petits hors-sentier sans gravité, facilement corrigés au GPS, lequel me permet de basculer d'un itinéraire à l'autre sans trop de crainte de me perdre. Sans lui, on peut facilement connaitre quelques galères. Dans ces quelques hésitations, la sécheresse du terrain me facilite l'existence : c'est sûrement moins agréable quand les sols ont leur niveau normal de saturation aqueuse. Si la sécheresse préserve mes pieds et chaussures, elle n'arrange pas mes plans pour la recherche de bivouac qui approche : faire le plein d'eau ne me laisse le choix que d'eaux stagnantes, ou alors jaunâtres et s'écoulant depuis des étangs au niveau bien bas que je n'oserai pas boire sans passage par le filtre.

sécheresse arctique
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tourbière fleurie
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Le chemin s'élève lentement dans les collines, et la vue derrière moi se dégage de plus en plus sur la grande plaine en direction de Kautokeino. Je fais un premier passage au-dessus de 500m d'altitude, puis redescend un peu avant de remonter franchement : j'attrape une eau un peu réoxygénée au déversoir d'un étang, mais quand même bien jaune, et me mets alors en recherche d'une surface accueillante pour mon pioulou. Je la trouve assez vite à peine en contrebas d'un petit sommet à 550m, avec une belle vue vers les immensités environnantes. Le ciel est toujours parfaitement dégagé, avec un petit vent qui limite sensiblement la présence des moustiques. Je pense d'abord n'avoir pas à installer ma moustiquaire, avant de réaliser que la tente leur sert d'abri et point de ralliement : je corrige vite l'erreur !

je prends de l'eau au déversoir de ce lac
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Bivouac d'altitude : 537m ...
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J'avais du bon réseau au moment de planter l'abri, mais une fois à l'intérieur et à raz du sol, plus rien ! Tant pis, j'instagramerai une autre fois ... Au compteur des rencontres auquel je m'amuse, si mes derniers humains sont les quelques automobilistes encore vus sur la route quittée à seulement 11 km, la dernière randonneuse aperçue remonte au matin d'il y a 2 jours et à 120km ... Ce n'est pas encore la foule !


à suivre ...


Vidéo #11

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#254 28-09-2023 11:08:02

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Samedi 1er juillet 2023, J12
Dealljadas à Imogammen (Reisa Nasjonalpark)
45km +662m -976m 11h04 (+pauses 3h26)
Cumul 433km +7000m 107h
Vidéo #12

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Il n'a fait ni chaud ni vraiment froid cette nuit, avec une température descendue à 6°C et qui remonte graduellement quand le soleil reprend de la hauteur sur l'horizon. Sous la toile du pioulou qui chauffe et dans mon sac à 0°C confort, je me réveille avant 4h trempé de sueur. 9°C au thermomètre : le problème vient surtout de ce que je n'ai pas laissé le sac de couchage grand ouvert au niveau des épaules, provoquant l'accumulation de ma perspiration ... Pas d'autre choix que de m'extirper du duvet, et puisque je suis désormais bien réveillé je remballe pour me remettre en chemin à 5h00 ...

une journée qui commence comme les précédentes avec un généreux soleil
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Il fait à nouveau grand beau, mais je sais que le temps doit tourner demain vers beaucoup plus frais et un peu de pluie. Je reprends le sentier sur le fil des collines arrondies en y allant très doucement, histoire de ne pas brusquer les muscles refroidis, et probablement pas assez reposés de la grosse journée précédente. Après 5mn et au premier petit torrent mon pied glisse dans l'eau et m'ôte l'espoir de marcher à pieds secs ce matin ... J'ai enfilé mon coupe-vent pour ce démarrage en douceur, mais je l'enlève après 1/2 h avec la température qui s'élève. Je croise quelques cabines d'éleveurs de rennes, mais à cette heure n'y voit ni rennes ni éleveurs. En l'absence d'engin motorisé, je suppose que les lieux sont encore inoccupés.

je suis suivi
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cabanes
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immensités
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ici et là de petits lacs et, au loin, les montagnes enneigées
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Je suis d'abord un semblant de piste de quad, mais quand elle s'éloigne de ma trace GPS je dois couper un peu à travers pour retrouver le sentier de la Nordkalottruta dont j'ai manqué la bifurcation. Encore une fois il y a divergence entre le sentier sur le terrain, la carte norvégienne et ma trace GPS ...

Ce matin les chants d'oiseaux sont plus variés et plus vifs qu'au cœur des heures chaudes. Dans une petite montée un couple de lagopèdes va me donner le tournis pour attirer mon attention loin de leur nid : j'essaye de filmer, mais avec le stabilisateur j'ai bien du mal à garder dans le cadre les volatiles et leurs changements brusques de trajectoires. Ils font tout pour être vus, gonflant leur jabot et déployant leurs ailes, dévoilant ainsi un plumage blanc par-dessous celui qui leur sert de camouflage. C'est réussi parce que je ne vois qu'eux et n'aperçois rien de leur nid ...

Les collines sur lesquelles j'évolue marquent une frontière géographique. D'un côté les marges du grand bassin d'où je viens côté Kautokeino, lequel s'étend vers la Finlande et plus au Sud la Suède jusqu'à la Baltique. De l'autre, un relief bien plus marqué avec au loin des montagnes enneigées, des dépressions occupées par de grands lacs cernés de marécages, et quelques vallées profondes.

Je vais maintenant quitter le Finnmark pour entrer dans le Comté de Trømso, et par la même occasion pénétrer dans le Parc National de Reisa en direction des montagnes qui me font de l'œil. Avant de basculer ainsi dans un autre monde, je m'arrête pour la pause sur le plus haut (petit) sommet de cette matinée au mont Rivkkoš, où trône un cairn massif que j'ai eu en ligne de mire depuis mon départ. Je m'adosse au grand cairn sur sa face abritée du petit vent, contemplant les montagnes enneigées qui m'attendent. J'ai ici un excellent signal GSM, alors j'en profite pour mettre à jour Instagram de mes aventures de la veille. Je fais bien, car pour l'essentiel je ne retrouverai plus de réseau stable avant Kilpisjärvi ...

pause
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mon cairn coupe-vent, et un ciel qui se recouvre
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Le temps de ma pause le ciel se recouvre de nuages clairsemés, le vent forcit légèrement et les températures fraichissent. Rien de menaçant, mais cela précède le petit coup de froid annoncé pour demain ... Je me remets en marche à la descente, en direction du vaste lac de Ráisjávri qui sert de réservoir (naturel) à la Reisa. J'ai la bonne surprise de pouvoir traverser un premier marécage sur un ponton de planches, je crois que c'est le premier aménagement significatif que je rencontre depuis le début de la traversée. Je dois contourner l'immense lac, et commence donc à le suivre par l'Est, d'abord par la hauteur puis plus près de ses rives. Le marquage du chemin disparait, et quand je ne vois plus de sentier au sol je n'ai plus que la trace GPS à laquelle me fier. Une importante ligne électrique traverse le secteur et me sert d'utile point de repère avant que je ne retrouve le sentier près des berges.

le Ráisjávri à contourner
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400 km !
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Quelques aménagements en bord de lac pour pêcheurs invétérés
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Je passe près d'une première cabine privée, avant d'arriver un peu avant 11h au refuge de Ráisjávrihytta. Je l'avais noté comme un refuge DNT et pense devoir l'ouvrir avec ma clé, mais découvre sur place que c'est un refuge Statskog, donc théoriquement public, comme en atteste sa porte non verrouillée. Je me déchausse avant d'entrer et je suis encore à l'extérieur quand j'ai la surprise de voir quelqu'un en sortir pour s'enquérir du nouvel arrivant ... Moi qui m'habituais à la solitude ! Je fais ainsi la rencontre de 2 pêcheurs finlandais, lesquels m'invitent à l'intérieur à l'heure de leur petit-déjeuner : ils viennent juste de se lever après avoir pêché en barque sur le lac jusqu'à 3h du matin. Au soleil ils n'ont pas fait attention à l'heure ... Quand je réalise que la cabine n'est pas en libre accès mais doit être louée au préalable (une exception pour les cabines Statskog en Norvège), je leur fais mes excuses pour mon intrusion, qu'ils acceptent en rigolant ... Au passage je peux les renseigner sur la météo, car ils n'en ont plus pris depuis 2 jours : c'est surtout le vent qui les intéresse, histoire d'anticiper les conditions qu'ils pourront avoir sur le lac ... Nous discutons une bonne heure tout en partageant le café et grignotant, avant que je ne reparte passé midi. Mon compteur des humains est remis à zéro ici, mais pas celui des randonneurs : ils sont venus en 4x4, lequel est garé sur une piste à 2km...

Ráisjávrihytta
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Il fait frais quand je repars, mais cela ne modère pas l'ardeur des moustiques. Heureusement je me suis enduit de crème répulsive, et avec la moustiquaire de tête et le coupe-vent je suis à peu près tranquille. Je navigue d'abord à bonne distance au Nord du Ráisjávri, assez vite après le refuge sur une bonne piste qui reste bien aménagée à travers les marécages. Après un moment il me faut cependant en revenir à du sentier, de facture plutôt correcte mais avec de larges rivières à traverser à gué. Avec la sécheresse elles sont peu profondes avec de nombreuses pierres qui affleurent, et certaines se traversent à pieds presque secs.

traversée sous haute tension
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c'est fléché
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marécages aménagés, une première !
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Ráisjávri plage
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Nouvelle pause après une dernière grosse traversée, pas trop embêté par les moustiques et avec juste assez de soleil pour me réchauffer. Ensuite le chemin commence à remonter un vallon évasé, me ramenant progressivement vers plus d'altitude et moins de végétation. Au sol je ne relève plus aucune empreinte récente, et lorsque la vue me permet de scruter le chemin devant comme derrière moi, je réalise à quel point je suis seul dans cette immensité ...

re-pause
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Après quelques petits lacs j'en arrive à un genre de col, d'où je peux apercevoir le profond sillon de la vallée de Reisa dans laquelle je vais bientôt descendre. Il vaudrait d'ailleurs mieux parler de gorge ou même de canyon plutôt qu'une vallée ... La proximité de la Finlande - dont je longe la frontière à distance - me vaut de voir mon téléphone changer d'heure : captant un signal finlandais sans que je m'en rende compte, il s'est décalé d'une heure ! Une conséquence amusante est que désormais l'horodatage de mes prises de vue est décalé entre le téléphone d'une part, ma caméra d'autre part : cela va me compliquer (un peu) l'existence au moment du montage de mes vidéos ...

encore quelques traversées
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là au fond la Reisa et la montagne
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La journée s'avance et j'aimerai bien profiter ce soir de l'un des abris en dur que j'ai préalablement repéré. Il en est un juste un peu à l'écart du chemin dans la forêt de bouleaux, juste avant d'entamer la profonde redescente dans la vallée de Reisa. Cela me semble idéal et je quitte le sentier pour aller à sa recherche, mais en vain : à sa géolocalisation exacte, que j'avais repiqué d'après le site ut.no, il n'y a rien, pas même une ruine. Je n'ai aucun réseau pour pouvoir contre-vérifier, et dois me résoudre à abandonner cette option. Ce n'est qu'en rédigeant ce récit que, revenant à la cartographie des lieux, je vais constater que le Gammu recherché change de place selon l'échelle de la carte. À l'échelle maximale que je n'avais pas préalablement téléchargé, il était 100m plus loin, caché en contrebas derrière les bouleaux ...

Frustré de mon abri en dur et dans un environnement moins propice au bivouac, je vais "plonger" de 250m D- dans la vallée, descendant d'abord en douceur. Les bouleaux clairsemés vont rapidement céder le pas à une belle forêt de pins, dans un environnement digne d'une vallée alpestre. Quel changement par rapport à la toundra des 2 dernières semaines ! J'arrive à la bifurcation qui permet d'aller visiter les cascades d'Imofossen, dont le circuit rejoint le sentier principal plus bas en aval. Je sais aussi pouvoir trouver dans cette direction un autre abri (s'il est effectivement présent !), et me décide donc pour cette direction.

juste avant de plonger dans les gorges
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un arbre, un vrai !
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Mes jambes sont bien fatiguées de cette journée, et face à la descente raide dans un sentier incertain entre les falaises je suis d'abord pris d'un doute et veux faire demi-tour. J'insiste cependant et la difficulté s'avère n'être pas si grande. Presque au fond de la vallée et dans un chaos de grands blocs parallélépipédiques (mes souvenirs de lycée sont trop loin, j'ai dû réouvrir un dictionnaire pour l'écrire correctement), je retrouve un petit sentier à plat qui serpente dans les fractures du rocher, non loin du rugissement des cascades. Trop fatigué je remets à demain la visite de ces dernières, et poursuis en direction de mon abri, 500m en amont et à contre-sens de la direction de ma traversée : demain il faudra repasser ici dans l'autre sens.

la Reisa : je ne vous montrerai les cascades que demain ...
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Je découvre un petit morceau de paradis, avec une toute petite cabine en rondins équipée de 2 couchettes avec des matelas faits d'une grosse mousse isolante, une table, un poêle et matériels divers. La porte ne fait qu'1m20 de haut et il faut bien se baisser pour entrer ... Si j'avais la crainte qu'elle ne soit occupée, celle-ci est dissipée quand je la vois verrouillée de l'extérieur, ce qui signifie qu'il n'y a personne. Avec une très petite fenêtre elle est bien sombre une fois la porte fermée, et il faut faire un choix cornélien entre l'éclairage et les moustiques ... Heureusement il y a là des spirales anti-moustiques à brûler, d'une efficacité redoutable même avec la porte grande ouverte : à peine allumée la cabine est dégagée de la horde de petits vampires qui s'y trouvaient. La Reisa en amont des chutes coule à 50m : j'y fais le plein d'eau et un brin de toilette, et m'installe donc ici pour la nuit.

Dîner, un petit mot dans le Hyttebok et au dodo !

ma cabane au Canada ...
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la Reisa, encore ...
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à suivre ...


Vidéo #12

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Dernière modification par Hervé27 (28-09-2023 12:10:28)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#255 28-09-2023 13:16:24

Magne2
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Cela doit faire du bien de revoir des arbres smile


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#256 28-09-2023 15:49:15

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Magne2 a écrit :

#691467Cela doit faire du bien de revoir des arbres smile

Farpaitement !

Ça m'a fait un beau contraste, et j'ai encore mieux en réserve pour l'épisode suivant. Stay tuned wink !


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#257 28-09-2023 20:56:36

Schum
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#691460(...) Je vais maintenant quitter le Finnmark (...)

Quand je lis ça j'ai l'impression que tu marches vers le royaume du Rohan et que tu ne vas pas tarder à nous annoncer que tu as croisé Gandalf ou Frodo  smile
Merci pour le chouette récit de tes aventures nordiques, ça fait rêver!

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#258 29-09-2023 07:51:57

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Schum a écrit :

#691491

Hervé27 a écrit :

#691460(...) Je vais maintenant quitter le Finnmark (...)

Quand je lis ça j'ai l'impression que tu marches vers le royaume du Rohan et que tu ne vas pas tarder à nous annoncer que tu as croisé Gandalf ou Frodo  smile
Merci pour le chouette récit de tes aventures nordiques, ça fait rêver!

Le Seigneur des Anneaux puise abondamment dans la mythologie et les langues nordiques.

Quand on pratique soi-même l’itinérance, le récit de la longue traversée des Terres du Milieu prend une saveur particulière.

J’avais d’ailleurs moi aussi un présssieux : mon chocolat !


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#259 30-09-2023 13:18:05

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#13 Dimanche 2 juillet 2023
Imogammen à Skáidečohkka, Reisadalen nasjonalpark
43km +841 -351 11h38 (+pauses 3h47)
Cumul 476km D+7800m 118h
Vidéo #13

NB : la journée a été si riche que j'ai eu du mal à compacter, de peur de vous priver ! Pardonnez-moi donc la longueur de cette épisode (36mn !) ...
890sgYKlR.Intro-J13jpg.s.jpeg


Pendant le temps des repérages et de la préparation au fil des mois, la perspective de la balade au fond de la vallée de Reisa m'a fait rêver. Ce matin dans le confort de la petite cabane d'Imogammen, j'ai du mal à réaliser que je suis désormais bien éveillé au milieu de mon rêve ... Je me suis bien avancé hier et donc plutôt en avance sur le "programme" : je mets là des guillemets car je ne planifie pas mes étapes, je réfléchis juste à l'échelle d'une section entre 2 ravitaillements. Donc, quand je dis "programme", cela signifie accorder mon rythme avec mes réserves de provisions et la distance à couvrir jusqu'à la prochaine chocolaterie supérette.

Réveillé très tôt dès 4h (ce sera le cas pratiquement toute la traversée), et même en prenant mon temps, je suis prêt à partir dès 5h15 : la nuit "en dur" facilite évidemment le réempaquetage ... En mettant le nez dehors je vois cependant passer une petite ondée, en même temps que je respire un air bien frais : seulement 6°C ... Retour donc à l'intérieur pour reconfigurer ma tenue : je supporterai ce matin ma polaire sous le coupe-vent. Enfin prêt me voilà ressorti par la petite porte, avec le gag de voir un clou fiché dans la porte me chiper ma popote : la ficelle de sa housse s'accroche au clou et la voilà extirpée de la poche extérieure ! Je me vois contraint de re-déposer le sac pour tout remettre en place, en prenant garde cette fois à ne pas laisser pendouiller la ficelle coupable ... Après ce second faux départ la 3ème tentative est la bonne, je marche au fond de la vallée de Reisa !

La petite pluie ne dure pas, ou alors de rares gouttes de temps à autre auxquelles je cesse vite de prêter attention.

Je reviens sur mes pas de la veille au soir, la rivière tumultueuse sur ma gauche, et devant moi le rugissement des chutes d'Imofossen qui se renforce. Pour bien les voir il faut quitter le chemin et s'engager dans les fractures entre les grands blocs de rochers, et jouer des pieds et des mains pour rejoindre un promontoire monolithique surplombant la gorge. Des pins parviennent à pousser sur ce bloc dénudé, plongeant leurs racines dans les fractures de la roche. Je m'approche prudemment du rebord dans le fracas assourdissant des chutes d'eau, essayant de désactiver ma terreur instinctive des grands vides pour mieux profiter de la vue. Les 2 images que je vous en montre ne rendent pas suffisamment hommage à cette merveille : j'aimerai avoir des yeux plus grands pour en voir plus à la fois ! La Reisa débouche dans une cuvette depuis un ressaut de rocher au débouché d'une gorge, tandis que la cascade d'un torrent affluent chute depuis la falaise de l'autre versant dans la même cuvette. Les eaux réunies poursuivent ensuite leur chemin pour disparaitre dans une gorge plus profonde encore ...

Je sais bien que tous les marcheurs du Norge På Langs, de l'E1 ou de la Nordkalottruta (ici c'est la même chose) font les même images, mais comment résister ?

des pins tenaces sur leur terrasse
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cascade double
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J'en prends plein les yeux et vis mon rêve, en même temps que j'en mets plein en réserve en photos et vidéos pour les consommer plus tard ... Après 1/4 h les impératifs de la traversée reprennent le dessus : il faut marcher et avancer vers le Sud, même si aujourd'hui la direction est au Nord ...

Je n'ai pas à remonter la sente raide par laquelle j'étais descendu hier soir, puisque les cascades peuvent se visiter par un circuit : je poursuis donc en longeant la gorge. Quand bien même il n'y aurait pas les cascades au bout, le chemin que je suis vaut à lui-même la balade : il se faufile dans les fractures les plus larges entre les grands blocs, le tout sous le couvert de la forêt de pins, et ici et là des eaux retenues dans des citernes naturelles et qui n'ont pas trouvé leur chemin vers la rivière.

Une nouvelle ondée passe mais, comme la précédente, elle ne dure pas. À chaque fois je remballe la caméra dans un ziplock pour la protéger, pour aussitôt la ressortir car dans cet environnement la tentation d'imager est permanente et irrésistible. Plus la traversée progressera et plus je l'exposerai ainsi aux éléments, sans qu'elle paraisse en souffrir, tant mieux !

Je m'amuse beaucoup sur ce terrain labyrinthique, avant d'arriver enfin au débouché de la gorge étroite que je longeais : ici les eaux ralentissent et s'étalent entre les rives de son lit qui s'élargit, prenant momentanément l'aspect d'un lac tranquille. Me voilà sur une berge herbeuse avec quelques traces de campements anciens, d'où je fais sans le vouloir peur à une maman cane et ses canetons qui cherchent à la queue-leu-leu à mettre de la distance entre eux et l'intrus, traçant leur sillage sur les eaux plus calmes. J'arrive donc sur le fond de la vallée, que je vais maintenant suivre sur 30 km.

jolie balade
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quelques aménagements
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bientôt au fond
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Le sentier évolue d'abord bien à plat sur la terrasse alluviale, mais se pimente de quelques obstacles histoire de ne pas s'ennuyer. Quelques arbres en travers du chemin d'abord, puis quand la terrasse alluviale disparait un passage à flanc largement raviné, et qui a été équipé de mains courantes pour en permettre le franchissement. Trop près de la Reisa l'érosion de la berge emporte le chemin, trop loin la pente est trop forte ...

Après un passage d'éboulis j'aperçois la belle passerelle qui enjambe la Reisa dans un resserrement de rochers : c'est mon premier pont suspendu de la traversée ! Juste après se trouve le refuge DNT de Nedrefosshytta que j'aperçois, mais d'abord je dois passer le pont. Je tiens à le faire avec la caméra en main, ce qui est un peu limite avec le balancement et le besoin réflexe de me raccrocher au câble ... Evidemment tout se passe bien, et bientôt ces passerelles ondulantes seront pour moi d'une totale banalité.

celui-là est même en travers de la passerelle
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passage équipé
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passerelle de Nedrefoss
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De l'autre côté j'arrive au refuge de Nedrefosshytta, où je comptais faire un arrêt express pour laisser un mot dans le Hyttebok, certain que Kim & Lukas derrière moi seront bientôt là pour le lire. Hélas des travaux sont en cours et le cadenas DNT a été momentanément remplacé par un cadenas à code : ce n'est pas encore aujourd'hui que je vais me servir de ma clé ! Je n'ai pas essayé de visiter la petite annexe en contrebas, sans savoir si c'était seulement une réserve ou bien si elle était accueillante. Trop tôt de toute façon pour la pause, donc je poursuis, désormais sur la rive gauche de la Reisa.

Nedrefosshytta en haut, et en bas cette annexe que je n'ai pas essayé de visiter
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perron et travaux d'extension de Nedrefosshytta
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Il fait toujours relativement frais, ce qui limite la présence des moustiques. Kim & Lukas nous avaient dit avoir eu des échos comme quoi la vallée était infestée, mais il faut croire que je suis passé dans un bon jour. Ils ne sont pour autant pas totalement absents, et je m'en rends bien compte chaque fois que je m'arrête ...

Le chemin oscille entre berges de la Reisa et des terrasses plus en hauteur, offrant une variété de vues. La végétation est dense au milieu des bouleaux en bord de rivière, avec des fougères toujours plus hautes au fur et à mesure que je progresse. Plus haut les sous-bois sont plus dégagés sous les grands pins.

Quelques ondées passent à la perpendiculaire de l'axe de la vallée encaissée, tantôt devant, tantôt derrière, parfois sur moi ... Le couvert nuageux n'est pas uniforme et le soleil parvient toujours à illuminer quelque partie de mon champ de vision, m'offrant parfois des arc-en-ciel de rêve. Normal, je vous dis depuis le début que c'est un rêve.

rêve éveillé
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Je marche rive gauche et ne peux donc aller visiter une nouvelle cabine ouverte (Naustihytta) qui se trouve sur la rive droite. Un petit panneau indique le chemin qui descend vers la rive à la hauteur de celle-ci, et si mes repérages sont corrects il doit y avoir une barque permettant de traverser la Reisa pour s'y rendre ... ou pas ! Je ne vais pas y voir et poursuis. Le temps et les kilomètres s'écoulent, mais étant parti à 5h30 j'ai déjà 12 km au compteur quand j'arrive à 8h30 à la cabane de rondins de Vuomatakka, parfaitement située pour m'offrir un abri de second petit-déjeuner. J'y fais tranquillement chauffer un chocolat chaud, tandis que je complète le Hyttebok des informations relatives à mon passage. La rivière est toute proche pour y puiser l'eau, et je dispose mon panneau solaire à l'extérieur pour recharger un peu les batteries : comme je suis en forêt la plupart du temps, la recharge en mouvement est aujourd'hui problématique, surtout avec les passages d'ondées pour compliquer le tout ...

bords de Reisa
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Vuomatakka
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Je repars ragaillardi après plus d'une heure et une micro-sieste sur la banquette, et ce n'est pas du luxe car le chemin  s'avère de plus en plus fatigant. Les fougères sont parfois plus hautes que moi, et le sentier souvent totalement masqué : j'ignore sur quoi mon pied va se poser quand j'avance une jambe, et c'est en tâtonnant que je découvre creux et racines sur le chemin. Seules les marques de peinture rouge m'assurent parfois que je suis sur l'itinéraire. Par endroits l'érosion de la berge a rogné sur le sentier, et la rareté des marcheurs n'a pas encore reformé une nouvelle trace plus à l'intérieur : je marche parfois dans la rivière, ou bien cherche le sentier perdu ...

Elles s'entendent de très loin, leur son rugissant réverbéré par les falaises de la gorge : les chutes de la Mollisjohka forment un monstre d'écume en tombant par étages depuis le plateau. À leur pied mais sur l'autre rive, un nouvel abri et des tables de pique-nique ne sont accessibles qu'à ceux qui viennent en bateau. C'est d'ailleurs non loin que ma solitude va être enfin en partie brisée, puisque je vais commencer à apercevoir des humains ! D'abord des tentes posées sur l'autre rive près de barques tirées sur la rive. Puis un couple installé pour pique-niquer sur une île de galets au milieu de la rivière. Parfois une barque qui remonte avec un duo ou trio de pêcheurs ... Personne ne prête attention à moi, qui me fraye un chemin dans la végétation dense et sur un chemin chaotique, unique marcheur des lieux pour aujourd'hui ...

Mollisfossen
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des humains (qui ne sortent pas de leur tente)!
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moi, je lutte dans les fougères
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j'ai les marques, mais où est le chemin ?
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Quand je peux lever le nez du chemin je profite tout de même de la belle présence de la rivière, et des cascades que je croise. J'ai l'impression de faire du sur-place avec la répétition du paysage et le manque de vue à longue distance, mais c'est que cette vallée est très longue ... À 12h30 et au 23ème km j'arrive à la belle aire aménagée de Sieimahytta : il y a là des cabines verrouillées (qui se louent auprès de l'association qui les gère) et une table de pique-nique. Une autre cabine, a priori ouverte, est sur l'autre rive pour qui a une barque ... Il fait un peu frais à l'extérieur (11°C) mais je profite quand même de la table et des bancs, moyennant un peu de protection contre les moustiques. Le temps se fait moins ensoleillé et j'ai quelques fines gouttes de pluie, gâchant un peu ce temps de repos. C'est quand je repars qu'un peu de soleil revient, mais désormais il restera plutôt blafard ...

cascade
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cascade encore
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Sieimahytta et pause-déjeuner
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C'est reparti pour des successions de bons et mauvais chemins, plus les seconds que les premiers. Bizarrement, l'itinéraire est d'autant plus mauvais que je me rapproche de son point de départ au bout de la piste carrossable qui dessert la vallée. Je ne cesse de monter et descendre, j'enquille creux et bosses, roches saillantes, trous cachés dans la végétation, portions mangées par la rivière ... Heureusement que j'ai la forme, car d'aucuns trouveraient ça exténuant ...

Je croise d'autres aires aménagées non mentionnées sur mes cartes et que je n'avais pas relevé dans mes repérages : ici c'est un auvent de pique-nique assez grand pour y dormir, là une simple table sur une pelouse de rêve en bord de rivière ... et les incontournables toilettes sèches ... Il y a tout ce qu'il faut à qui veut prendre son temps dans cette vallée, surtout s'il a emporté une canne à pêche !

bon chemin ...
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mauvais chemin ...
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C'est à 16h que je vois enfin le bout de cette longue et magnifique traversée de la Reisa, quand j'arrive au parking d'Ovi Raishin où je trouve une seule voiture et un grand abri en auvent. Je ne me suis pas détourné pour aller voir le refuge DNT du même nom. La balade m'a rincé et j'ai besoin d'une grosse pause que je prends sur les bancs de l'auvent. Il traine là une couverture que je mets sur mes jambes pour me tenir au chaud : il fait toujours plutôt frais quand on ne bouge pas. Sur le dossier des bancs qui couvrent tout le pourtour intérieur de l'auvent, c'est une carte de la Reisa qui a été pyrogravée, avec ses cascades, affluents, abris ...

Il retombe une ondée et je m'interroge sur quoi faire du reste de ma journée. D'ici mon itinéraire va me faire très bientôt remonter très directement dans la montagne : nous ne sommes plus ici qu'à 100m d'altitude, et il va falloir remonter à 700m. Est-il bien judicieux de retourner vers les hauteurs arctiques en cette fin de journée fraîche ? D'un autre côté je me dis que je suis plutôt bien équipé pour un bivouac plus froid que d'habitude (confortable matelas pleine longueur, duvet 0°C, doudoune ...), et que c'est l'occasion de m'assurer que tout ça fait l'affaire ... et puis j'ai trop d'impatience à enfin, enfin, entrer dans la montagne ! Si je m'avance bien, cela m'aidera aussi à atteindre Kilpisjärvi dès après-demain sans risquer d'être à court de ravitaillement, même si mes craintes à ce sujet seront toujours démenties.

dernière pause sous l'auvent à Ovi Raishin
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Me voilà donc reparti à 17h30 pour mon trip du soir, avide de retrouver enfin du dénivelé, de l'altitude, de la montagne ! Je marche encore 1,5 km le long de la piste, passant devant l'entrée de Saraelv (où de l'hébergement est possible), puis bifurquant enfin sur un bon sentier qui attaque le dénivelé avec gourmandise. Grimper franchement fait un bien fou à mes jambes, ce sont des sensations qui me manquaient depuis le départ. Les premiers 200m D+ sont bien directs, mais j'essaye de les faire avec lenteur pour ne pas trop transpirer : je ne voudrais pas être trempé une fois dans les températures plus froides auxquelles je m'attends là-haut. Au-dessus de moi le soleil est désormais bien blafard et perce à peine la couche nuageuse.

à gauche les étapes précédentes, à droite les suivantes. Kilpisjärvi à 82 km : 2 jours ?
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Saraelv
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Le chemin grimpe dans un mélange de bouleaux et de pins où ces derniers dominent : je pourrai par instant me croire dans les Alpes ou les Pyrénées. La forêt s'éclaircit un peu quand je passe au pied des belles cascades de Sarafossen, et un peu plus loin je veux m'offrir le petit détour qui me permettra d'aller les admirer d'en haut. Seulement voilà : dans la montée par la forêt j'ai tourné le dos au sens de la circulation atmosphérique, et je n'ai pas jugé à leur juste valeur les sombres nuages qui sont maintenant sur moi. La pluie commence, vite accompagnée de brume ... À quoi bon aller jusqu'aux chutes sous la pluie si je ne dois rien en voir ? Je reviens donc sur le chemin principal après avoir enfilé la veste de pluie en lieu et place du coupe-vent, avec en plus la polaire par-dessous.

Sarafossen d'en bas ... le haut attendra que j'y retourne ou que vous y alliez voir vous-mêmes !
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J'ai le vent dans le dos et la pluie modérée n'est donc pas trop désagréable. L'ondée devrait n'être que passagère car j'ai maintenant une vue dégagée hors des arbres et je peux surveiller mon environnement. L'ascension reprend avec une déclivité beaucoup plus paisible, et à part mes pieds mouillés et un peu froids je suis plutôt confortable. Je porte bonnet, buff en cagoule bien ajusté sur le menton, polaire et veste de pluie, jupe de pluie ...

En fin d'averse, j'ai la surprise de voir des gouttes plus grosses que d'autres, qui s'avèrent être des flocons à moitié fondus ! Quand le plafond se relève et que la vue se dégage, je peux voir derrière moi que les montagnes ont blanchi ...

l'averse passe, révélant des montagnes passées au sucre glace
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bibi
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seuls les pieds sont un peu froids, sans plus
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Avec un peu de ciel bleu aperçu derrière les noirs nuages de mon averse, je suis persuadé que le soleil va bientôt revenir. Je poursuis donc sur le facile chemin, pondérant mes choix pour ce soir : soit un bivouac au premier sport disponible, soit un trip tardif pour avaler la dizaine de km qui me reste jusqu'au prochain refuge, plus confortable qu'un bivouac dans le froid. En m'élevant je commence à rencontrer une fine couche de neige au sol, d'abord bouillasse fondante, puis poudreuse craquante sous le pied.

Un nouveau coup d'œil en arrière m'annonce l'arrivée d'une nouvelle masse noire, et celle-ci emporte la décision : je remplis la Platypus au 1er torrent, puis progresse aussi vite que possible en scrutant les abords du chemin en quête d'une surface plane accueillante. Avec le dévers des pentes et la végétation basse c'est moins évident qu'il y parait, mais je force le destin en quittant le chemin pour aller explorer une zone aux abords d'un petit collet. Le sol me paraissait rocailleux mais avec un piquet en main je peux constater la présence d'une bonne épaisseur de terre et de racines : je plante l'abri au plus vite et étend le tyvek sur le sol saupoudré de neige fondante, sans m'embarrasser de la moustiquaire. Il recommence à neiger faiblement dès que je suis à l'abri à aménager mon intérieur, étendant le saupoudrage aux alentours.

c'est bientôt reparti pour un tour
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Mon thermomètre mesure 2°C, et descendra juste sous zéro un peu plus tard. Avec mes affaires de bivouac, ma doudoune et dans mon duvet + SOL Escape en sursac, je suis bien au chaud et au sec. Je vais avoir un peu froid plus tard dans la nuit, mais ce sera parce que j'ai négligé de correctement resserrer le duvet autour des épaules d'une part, la capuche autour de la tête d'autre part. Une fois corrigé tout ira bien. Mis à part ce tâtonnement dans ma configuration, je peux maintenant dire qu'elle a passé le test !

Au compteur de la solitude, les pêcheurs et promeneurs en barque aperçus sur la Reisa ont remis à zéro le compteur des humains, mais je ne peux pas appeler ça des rencontres. Mes derniers mots échangés avec un congénère remontent à hier matin et mes 2 pêcheurs finlandais à Raisjávrihytta, 70 km en arrière ... Quant aux marcheurs, il s'agit toujours de la suissesse croisée avec Sophie bien avant Máze, à 5 jours de marche et plus de 200 km !

En tout cas, quels contrastes avec la luxuriance du fond de vallée, ou la chaleur des jours précédents ! J'étais pressé d'entrer dans la montagne et me voilà servi. Ce soir, je dors au plus haut point de la traversée jusqu'à présent, à 714m d'altitude. Après 2 semaines, la Norvège ne fait que commencer ...


à suivre ...

Vidéo #13

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#260 30-09-2023 17:18:58

René94
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Tu nous régales avec ton récit, les photos et les vidéos smile
C'est bien pratique d'avoir un piquet de tente à portée de main en fin de journée pour vérifier instantanément s'il sera facile ou non d'installer la tente à un endroit qui semble propice au bivouac.


"Je ne suis pas ce qui brille..." (F. Marchet)
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#261 30-09-2023 18:31:58

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

René94 a écrit :

#691559Tu nous régales avec ton récit, les photos et les vidéos smile

Merci calin !

Difficile de croire que 70 jours de vidéo tiennent sur 2 minuscules micro-SD qui ne font même pas réagir ma balance rl , il y en a peut-être pour 25 heures de rushes ... 1 mois après l'arrivée je n'en ai pas encore visionné la moitié ! Vous allez en prendre plein les yeux mais pas à tous les épisodes, histoire de vous ménager un peu de repos oculaire wink


René94 a écrit :

#691559C'est bien pratique d'avoir un piquet de tente à portée de main en fin de journée pour vérifier instantanément s'il sera facile ou non d'installer la tente à un endroit qui semble propice au bivouac.

Nous avons tous vécu ces instants où, après avoir étalé les affaires, le spot de rêve s'avère n'offrir que 5 cm de sol moussu sur du rocher ... Alors, plutôt que de déménager, on s'acharne et on tape comme un forcené sur le malheureux piquet qui n'y est pour rien lol . Ce n'est que cet été que j'ai ainsi parfois pré-positionné un piquet pour tester le terrain. Il m'est encore arrivé de négliger cette précaution, et alors j'ai tapé, tapé ...


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#262 30-09-2023 22:34:47

Yapluka
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Bonjour Hervé,  après des jours sur la lande plate, te voilà dans un paysage de montagne avec de la neige. C'est Noël au pays des rênes.  Quel formidable périple !
Ça donne envie de mettre les chaussures et d'aller grimper un peu.
Merci pour tout ça.

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#263 01-10-2023 10:44:06

René94
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Inscription : 30-12-2009

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#691560...
Ce n'est que cet été que j'ai ainsi parfois pré-positionné un piquet pour tester le terrain.

C'est étonnant ces idées qui flottent dans l'air : pour moi aussi, ce n'est que cet été que j'ai eu l'idée d'avoir une sardine à portée de main en fin de journée pour tester le terrain avant de déballer les affaires.


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#264 01-10-2023 15:05:22

fab
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Vraiment une superbe aventure.

Question matos, est-ce que tu as été content de ta protection en tyvek ? Est-ce que c'est du tyvek un peu rigide comme du papier ou au contraire plutot mou comme celui de ton patanlon raidlight par exemple ?

En te remerciant

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#265 01-10-2023 15:20:17

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

@rené94 : convergence évolutive  wink

@fab : la texture m'a semblé être exactement la même que celle du pantalon Raidlight. J'en ai été content pour sa résistance, notamment sur des sols presque toujours couverts de micro-pousses de buissons divers, auxquelles le polycree n'aurait pas résisté éternellement.

En revanche il faut accepter que ce n'est pas imperméable et qu'il y a toujours un peu d'humidité qui le traverse là où il est pressé sur un sol mouillé, ce qui était sans conséquence au vu de mon aménagement intérieur. De ce fait plus long à sécher, ce qui l'alourdit encore un peu plus par rapport à une surface équivalente de polycree.


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#266 01-10-2023 15:25:30

fab
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Merci.
Pour info, il existe des versions tyvek plus rigide un peu comme du papier.
https://www.extremtextil.de/en/tyvek-ha … g-sqm.html

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#267 02-10-2023 11:33:12

wwwfabien
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Très belle étape, tes photos donnent envie  pouce  smile

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#268 02-10-2023 16:30:30

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#14 lundi 3 juillet 2023
Skáidečohkka à Meekonjärvi : montagne & Finlande !
45 km +646 -752 11h19 (+pauses 4h00)
Cumul 520 km +8500m 130h
Vidéo #14

(pas mal polluée par le vent, désolé ...)
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Après l'oasis luxuriante de la Reisa hier, aujourd'hui c'est le retour dans la toundra mais aussi dans la montagne, à des altitudes plus élevées que tout ce qui a précédé.

Dans la "nuit" lumineuse et sous un ciel qui se dégage, mon thermomètre enregistre une température légèrement négative (-0.3°C) et je réalise que j'ai du mal à rester au chaud. C'est que j'ai perdu l'habitude de dormir avec un duvet à capuche, et je ne retrouve mon confort que quand j'enserre correctement cette dernière autour de ma tête. J'attends au fond de mon couchage que la température remonte avec le soleil qui s'élève, pour finalement émerger un peu après 6h avec ~6-7°C et une belle lumière. Sans trop divulguer la suite parce que je l'ai déjà écrit sur ce fil, ce sera pour l'essentiel la seule nuit de toute la traversée où mon duvet 0°C aura été réellement nécessaire ...

Cette fois c'est la batterie de la caméra qui n'a pas trop aimé le froid, et en attendant qu'elle se réchauffe ou que je puisse la recharger avec la powerbank, au matin je ne peux imager qu'au téléphone.

Dehors la neige qui m'environnait hier soir a essentiellement fondu, mais reste encore présente à peine plus haut en altitude. Je renfile des chaussures et chaussettes toujours mouillées et surtout bien froides, ça forge le caractère !

bien que choisi un peu dans l'urgence, le spot n'était pas mal ...
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J'ai les doigts bien engourdis à remballer la tente encore un peu mouillée et froide, et suis en chemin à 7h00 (heure franco-norvégienne auquel je vais me tenir pour cet épisode, 8h à l'heure finlandaise). Je reprends l'ascension en douceur interrompue hier soir, avec bientôt la manifestation de ma cheville droite avec laquelle je me débats depuis l'automne dernier. Elle n'aime pas ce petit sentier à flanc sur lequel il faut en permanence poser le pied avec le dévers du même côté (pente descendante à ma droite) ... Ma chevillière m'aide mais ne fait pas tout.

Remontant de 100m D+ à ~800m d'altitude, le plus haut depuis le Cap Nord, je retrouve vite la petite croûte de neige tombée hier soir, mais cette fois sous le soleil tempéré par un vent froid. Je supporte bien ma polaire sous le coupe-vent ainsi que mon bonnet. Les vues derrière moi sur les profondes vallées (dont la Reisa) et les sommets enneigés est magnifique. Pourtant peu d'entre eux dépassent les 1000m et pas de beaucoup, à peine un petit ballon vosgien !

Enfin la montagne !
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Après 1/2h le reste d'ascension est fait, et pour la suite je vais doucement osciller entre 750 et 850m sur les flancs et fond de la vallée que je remonte, changeant très peu d'altitude. Je commence à longer quelques lacs dans cette toundra d'altitude, avec des températures qui restent autour de 5-6°C malgré la matinée qui avance et le soleil qui s'élève. Quelques névés décoratifs ici et là, mais l'environnement est essentiellement fait d'herbe rase, la fonte des neiges est passée. Tout autour, les oiseaux arctiques piaillent pour détourner mon attention de leurs nids que je ne vois ni ne cherche, c'est qu'ils doivent être efficaces dans leur stratégie !

Haldi par le Nord
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Compagnon fidèle
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pas de véritable dénivelé avant quelques heures
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Vers 10h le vent faiblit un peu, et l'abri d'un rocher plus haut que les autres me permet de prendre une agréable pause-café au soleil sans avoir froid. Les températures remontent enfin légèrement, vers 9-10°C, très agréables dans le soleil. Je longe désormais un interminable alignement de lacs au vaguelettes dorées par le soleil, et mes pieds trouvent ici le plaisir de marcher sur une bonne piste de quad, soulageant ma cheville faiblarde. Les kilomètres s'alignent, et par endroit la prairie de montagne se couvre de fleurs (Trolle d'Europe).

piste inattendue
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Trolles en fleur
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fin de fonte des neiges
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Malgré une trace GPS différente je m'en tiens à ma bonne piste : le tracé de l'E1 semble couper à travers pour rallier le refuge de Somashytta, mais le gain de distance ne me semble pas suffisant pour justifier de quitter mon excellent terrain de marche. Un peu avant d'arriver audit refuge, je passe un territoire d'antiques moraines sur et autour desquelles la piste fait son chemin, quand je réalise que la grande montagne autour de laquelle je marche n'est autre que Haldi : je la voyais tout-à-l'heure par le Nord et maintenant par l'Est, et l'arrondirai par le Sud d'ici ce soir. La montagne forme la pointe de la Finlande entre Norvège et Suède, son sommet proprement dit étant situé en Norvège. Bref, c'est la plus haute montagne de Finlande, mais en Norvège ...

Haldi par l'Est
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J'ai droit à une bonne traversée de torrent un peu avant Somashytta, histoire d'être sûr que mes chaussures ne sèchent pas par inadvertance. J'arrive au refuge à 12h45, et j'ai le plaisir de découvrir qu'il est libre d'accès et non payant, alors que je le croyais DNT. Je n'y trouve personne et m'y pose longuement, faisant même une petite sieste sur une banquette ...

Arrivée à Somashytta (cf vidéo pour les intérieurs)
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J'en repars à 14h30 dans des températures encore un peu adoucies (11°C), marchant le long du grand lac de Somasjärvi. Au bout de 20mn un gros cairn cylindrique, peint en jaune sur sa partie haute, signale le premier passage de frontière de mon périple : me voici en Finlande ! Encore 40 mn de plus et après avoir enjambé par un bel escabeau aménagé une clôture à rennes, ainsi que traversé une série de larges torrents, c'est cette fois le refuge de Kopmajoki qui m'accueille, lui aussi libre d'accès : toujours personne, la montagne et tout ce qu'elle contient m'appartiennent aujourd'hui ! Pas tout à fait, car je remarque que 2 hydravions sont posés sur le lac près d'une cabane sur l'autre rive : il m'avait bien semblé apercevoir un avion volant bas tout-à-l'heure, je ne pensais pas trouver une base aéronavale !

rien à déclarer !
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Kopmajoki
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Je ne reste dans le petit refuge propret que le temps de laisser un mot dans le registre, et m'engage dans la remontée le long du torrent de Kopmajoki, avec au bout un col à 977 m ... Chaque pas est vite un nouveau "plus haut" dans la traversée !

C'est au milieu de cette ascension que je situe mon franchissement symbolique du cap des 500 km, alors je me prête au jeu du selfie qui mesure la progression de la pilosité qui me ronge le visage ... Avec les chiffres posés correctement depuis le confort du domicile familial, je vois que je me suis peu à peu décalé tout au long de la traversée : le passage a en fait eu lieu un peu plus tôt quand j'ai quitté Kopmajoki.

500 km !
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Il me faut franchir 2 fois le même torrent afin de garantir mon taux d'humidité podologique, et en m'élevant vers le large col la prairie s'efface pour une ambiance toujours plus minérale. Je marche de plus en plus dans les pierriers, avec de temps à autre un névé presque plat et neige molle à traverser. Je suis passé au marquage des itinéraires à la mode finlandaise : au lieu des cairns et pierres dressées marquées à la peinture rouge de la Norvège, ce sont des petits piquets de bois à l'extrémité peinte en jaune et qui se distinguent parfois mal de la roche et des lichens, surtout avec le soleil de face. La vigilance est de mise pour ne pas perdre la trace. Je ne suis pas aidé par la cartographie, car Iphigénie ne propose pas de fonds de carte spécifiquement finlandais : je ne dispose que d'Opentopo avec peu d'informations et des lignes de niveau difficilement lisibles sur mon petit écran. Je n'aurai que la trace et ma position sans carte que je ne verrai pas la différence ...

Le col à 977m tient plus d'un immense plateau que des petits cols alpins ou pyrénéens auxquels je suis habitué : peut-être 1 km de large et plusieurs kilomètres de long avant de réellement commencer à redescendre de l'autre côté ... Je frôle les 1000m sans encore les atteindre, il faudra patienter quelques jours pour cela.

sans piolet ni crampons
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Haldi par le Sud-Est
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Je commence vite à apercevoir le grand lac de Pitsusjärvi au bas de la longue descente, et au bord duquel se trouve la 3ème cabane de la journée dans laquelle j'ai l'intention de passer la nuit. Il me faut tout de même une bonne heure pour descendre cette vallée, où je croise au large d'un village sami. Quand je commence à distinguer les bâtiments du refuge de Pitsusjärvi, j'ai un choc ! Je commence à compter les tentes installées aux alentours : 5, 6 ... peut-être 10 quand je m'approche un peu plus. Du monde entre et sort, je n'ai pas vu autant d'humains depuis Kautokeino il y a 4 jours, ni surtout autant de randonneurs en une seule fois ! Si mes comptes sont exacts, je clos ici une section de 240 km sans randonneurs ... Les derniers humains à qui j'ai pu parler étaient mes 2 pêcheurs finlandais à Ráisjávrihytta à 110 km.

Evidemment les 10 places intérieures de la cabane sont toutes prises, et s'il va me falloir bivouaquer j'ai avant tout besoin de prendre une nouvelle et dernière pause, ce que je fais au soleil sur la terrasse. Les pieds ont besoin d'être déchaussés et de sécher, il faut que les muscles fassent relâche ... Un locataire du refuge va revenir vers moi pour me poser plein de questions sur mon parcours et mon sac ridiculement petit : ici tout le monde est venu pour l'ascension d'Haldi, et tous les sacs sont énormes, dignes d'une expédition sur l'Annapurna ! Je donne à Aki quelques références et liens vers ma liste ...

refuge de Pitsusjärvi plein à craquer : j'y vois plus de randonneurs en une fois que depuis 2 semaines ...
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Je reste ici un peu plus d'une heure, profitant d'un point de vue époustouflant sur le lac et un ciel qui finit de se purger de ses derniers nuages. Le soleil s'est abaissé vers l'horizon et les lumières se font rasantes, accentuant et magnifiant les reliefs. Bien reposé, je reprends la marche à 19h30 en quête d'un bivouac paisible. Tant qu'à devoir marcher encore autant que ça en vaille le coup, je suis donc décidé à avancer encore un moment ce soir, ça m'avancera pour arriver tôt demain à Kilpisjärvi.

Soleil aveuglant dans un ciel sans nuages. Je béate ...
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Me voilà donc à longer la rive de l'immense lac de Pitsusjärvi.Je croise encore d'autres tentes sublimement postées au bord de l'eau, et croise les ultimes randonneurs montant vers le refuge. Quand j'arrive au déversoir je fais une dernière vue derrière moi du soleil rasant sur ses eaux d'un bleu sombre, et commence à descendre la vallée. Un peu plus bas je me détourne un instant du chemin, car j'aperçois des volutes d'écume qui sortent de la gorge encaissée et à l'ombre pour venir briller dans les rayons du soleil. Cela valait bien ce petit écart à la trajectoire, il y a là une rugissante et somptueuse cascade arrivant du lac !

JC aurait marché sur l'eau, lui ! Tandis que nous, pauvres pêcheurs ...
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parlez plus fort, j'entends rien ...
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Est-ce réellement le terrain ou alors ma cheville qui me handicape ? Je trouve le sentier malcommode, avec tant de pierres saillantes que jamais les pieds ne se posent à plat. Je ne peux lever le nez du chemin sans aussitôt trébucher : il faut souvent choisir entre marcher et profiter de la vue, alors parfois je prends des images sans m'assurer qu'elles sont cadrées ...

La descente se poursuit très progressivement, et j'atteins un nouveau lac plus petit après lequel le torrent reprend plus furieusement encore. Je tâtonne pour trouver mon chemin, ayant failli oublier de bifurquer pour aller chercher l'unique pont me permettant de me trouver du bon côté du prochain refuge. Il faut dire que les bâtonnets peints de jaune sont très discrets, et ont la fâcheuse manie d'être absents dans les endroits critiques où il faut bifurquer ... Je rattrape malgré tout le chemin et trouve un très bel ouvrage métallique enjambant des eaux furieuses : comment ferai-je sans pareil aménagement ? Traverser les lacs à la nage ?

Bel ouvrage
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L'heure avance et le soleil descend, et désormais je scrute de droite et de gauche pour trouver le spot favorable. Avec toute cette caillasse et ces buissons bas c'est un peu compliqué ... Un beau spot en promontoire au-dessus du torrent est hélas déjà occupé, si bien placé qu'il devrait pouvoir garder le soleil toute la nuit. Je commence à envisager de devoir pousser jusqu'au refuge suivant de Meekonjärvi, mais finalement trouve un emplacement à 10m du sentier alors que je commence à revenir dans un peu de forêt de bouleaux. Je viens de perdre les derniers rayons de soleil dans cette portion plus encaissée, et les moustiques se livrent ici à une frénésie sanguinaire avant que la fraîcheur ne s'installe.

Après avoir dû taper un peu sur les piquets pour atteindre une profondeur respectable (je n'avais plus guère de choix d'emplacement), je me dépêche de me réfugier sous la moustiquaire ...

marche de nuit à la lumière de l'étoile
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À l'heure finlandaise il est 23h15 quand je fais halte, une heure de moins sur les montres norvégiennes, et pourtant toutes les montagnes alentours restent illuminées. Cette longue journée équitablement partagée entre Norvège et Finlande aura été enchanteresse ...

si ce n'étaient les moustiques ...
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à suivre ...


Vidéo #14

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Dernière modification par Hervé27 (02-10-2023 18:03:03)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#269 02-10-2023 21:51:15

Matt81
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

T'as eu droit à des conditions météos incroyablement "favorables" quand même  pouce
Bon OK, J13 était plus humide et froide, mais le lendemain, zou, conditions sublimes ! cool

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#270 02-10-2023 22:06:32

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Matt81 a écrit :

#691650T'as eu droit à des conditions météos incroyablement "favorables" quand même  pouce
Bon OK, J13 était plus humide et froide, mais le lendemain, zou, conditions sublimes ! cool

Le plan était de commencer au Nord pour vite mettre derrière moi le froid et la pluie, et rejoindre l’été en allant vers le Sud … Ça a été l’inverse : c’est au Sud que j’ai rencontré le pire des conditions auxquelles je m’attendais au Nord, et surtout après le 7/8 août avec un déluge qui a ravagé toute la région au Nord d’Oslo, bouleversant mes plans de route …

Vous aurez donc droit à quelques épisodes bien humides, patience !


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#271 02-10-2023 22:15:50

Matt81
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Yes, j'ai bien "vu" ton timing avec Hans sur le live.
Mais sur ces 2 premières semaines, c'était quand même fabuleux (mais le début juillet est souvent très estival et beau dans le conté de Troms côtier et insulaire; sur le plateau Lapon, je connais moins, mais ça avait l'air moins le cas de ce que j'ai pu voir en vidéo).

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#272 04-10-2023 14:04:24

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#15 mardi 4 juillet 2023
Meekonjärvi - Kilpisjärvi
32km +598 -715 7h46 (+pauses 2h04)
Cumul 553km D+9100m 137h
Vidéo #15

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Aujourd'hui est à l'heure finlandaise, et je ne sais plus très bien sur quelle horloge je dois me caler pour le récit de cette journée ... Mes vidéos, photos, notes et enregistrements de températures iront piocher dans différents horaires dans ce petit morceau de Finlande coincé entre Norvège et Suède. Sauf mention contraire je vous parlerai donc ici en heure finlandaise = Norvège +1h.

Malgré la grosse journée de la veille j'émerge très tôt après seulement une poignée d'heures de sommeil. Ce n'est pas le soleil qui chauffe la tente ce matin, car le ciel s'est couvert d'une chape grise qui ne se déchirera guère dans la journée. Les ambiances seront à la fois sinistres et belles, bien différentes de la veille. Tant que le ciel était dégagé les températures sont descendues à 2°C sans que je m'en aperçoive depuis la douceur de mon duvet, mais remontent en flèche avec le couvert nuageux : déjà 13°C à 6h40 quand je me mets en marche après avoir fini de plier bagage ... Certains de mes piquets en alu (achetés à Alta pour pouvoir me contenter d'un bagage à mains dans l'avion) se sont incurvés sous mes coups d'hier pour les faire tenir dans le sol rocailleux, tous les spots de bivouacs ne peuvent être parfaits ...

Je commence par longer encore un peu pendant 20mn le torrent qui me sert de main courante (le Vuomaskasjoki), lequel maintenant s'étale largement pour former un petit lac aux eaux plus calmes, le Meekonjärvi qui donne son nom au refuge où j'arrive bientôt. Le chemin est par endroit chaotique dans des pierriers au pied des falaises du Megonbákti, petit sommet rocheux à l'altitude misérable de 780m, mais je bénéficie de quelques aménagements de solides planches de bois brut pour permettre d'accélérer leur traversée. Plusieurs tentes sont plantées sur l'autre rive, profitant de bien beaux spots mais au prix d'un circuit plus long que le mien, compte tenu des grands détours à faire pour contourner lacs et torrents tumultueux.

Refuge de Meekonjärvi
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Pour ma part je suis sur la bonne rive pour le refuge, après avoir failli commettre une irréparable erreur d'itinéraire hier soir... Malgré l'heure matinale (7h à la finlandaise et donc 6h à la norvégienne) il y a déjà du monde qui s'active à l'extérieur des bâtisses de bois, mais avec la fréquentation de l'itinéraire vers Haldi on n'accorde guère d'attention à un marcheur de plus : tout juste un "he-hei !" de courtoisie. Même si je ne vois ici qu'un dixième de la fréquentation normale d'un refuge pyrénéen ou alpin, voir ainsi du monde à répétition me fait tout drôle : je me sens asocial, ours sortant de son hibernation ... Je voudrais me resocialiser, parler, échanger, mais maintenant que je retrouve des humains je suis un anonyme dans la "foule" ... Ici la culture de la randonnée est résolument "mulet" : les sacs sont énormes et dépassent systématiquement la tête de leur porteur. Les tenues sont à l'avenant, prêtes à affronter les rigueurs des pires tempêtes. Le pas est lent sous les lourdes charges, les visages aux traits tirés par l'effort. Suis-je un inconscient, avec mon sac minuscule, ma tenue légère et des moustiques collés au dents ?

est-ce une vue de l'esprit ou bien sont-ils encore plus chargés que les mulets de chez nous ? (images de la journée rassemblées en une seule série)
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Du refuge le sentier bifurque à la perpendiculaire des rives, et entame la remontée dans la montagne. Les bouleaux nains s'effacent aussitôt pour laisser place à une végétation rase de "haute" altitude, mais je viens à peine de décrocher des ~600m du fond de vallée, qui bénéficiaient de l'abri et de l'humidité des lacs et torrents. En m'élevant et me retournant, je peux admirer la perspective qui aligne les reliefs pour mettre en valeur Haldi en ligne de mire. Je comprends pourquoi la balade est prisée !

Haldi dans la perspective. J'ai bivouaqué dans le méandre de la rivière
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Encore quelques tentes ici et là plantées à plus ou moins grande distance du refuge, puis bien vite il n'y a plus trace d'humains sur le chemin car la grande majorité roupille encore. J'enjambe une cascade photogénique par une belle passerelle, et apprécie un sentier plus doux, dépourvu des pierres saillantes si fatigantes hier soir. Les kilomètres s'alignent vite dans des paysages érodés par les glaces, prenant un peu l'allure de mesas. Les flancs abrupts de ces montagnes sont encore couverts de longs névés, sur lesquels j'aperçois de petites tâches sombres qui se déplacent : ici les rennes remplacent aussi chamois et bouquetins.

Un air de mesas
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Jolie cascade
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Chemin facile
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Les traversées suivantes de torrents se font à gué, mais sans difficulté particulière. Le ciel reste sombre, la pluie n'est pas exclue, mais la température est montée à 16°C, presque chaude pour le marcheur et en l'absence de vent significatif ... J'arrive à 9h15 au refuge de Kuonjarjoki, où je croise 2 randonneurs qui viennent d'en partir. Une tente est encore montée à l'extérieur mais personne à l'intérieur du refuge : j'y cale ma pause petit-déjeuner et laisse un mot dans le registre. Un renne placide vient passer sous la fenêtre, et avec ceux aperçus au loin dans la neige peu avant ce sont les premiers que je revoie depuis que j'ai quitté Magerøya (l'île du Cap Nord).

refuge de Kuonjarjoki
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ici le renne est roi
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Après le refuge je bifurque dans une vallée plus resserrée, toujours à la lente ascension d'un col qui ne porte pas de nom. Je longe le torrent de la Kuonjarjoki, qu'après un moment il me faut traverser à gué mais sans me mouiller les pieds. Le sentier de terre laisse la place à la caillasse, et avec le gain d'altitude j'ai même droit à une première petite traversée de névé dans l'axe du sentier marqué.

J'enregistre 982m au GPS au plus haut de l'immense plateau de chaos de rochers qui forme l'immense col, et quand j'avance suffisamment pour commencer à en apercevoir l'autre versant, un liseré de belles montagnes englacées se profile avec magnificence à l'horizon. Chouette, c'est peu ou prou ma direction pour les jours suivants ! Malgré quelques instants où de petites trouées ont laissé entrevoir d'infimes portions de ciel bleu, le ciel s'est ici bien rebouché. L'impression plus lumineuse vers les sommets à l'horizon est bientôt gâchée par le signe évident d'ondées lointaines, lesquelles estompent les lignes acérées du relief.

quand de nouveaux horizons se profilent...
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La redescente vers le grand lac de Saarijärvi me semble interminable, surtout dans ses derniers kilomètres où je retrouve les sentiers rocailleux, chaotiques, casse-pattes qui mobilisent toute l'attention. À chaque distraction, si je veux saisir un objet dans une poche du sac, ou bien lever les yeux pour admirer la vue, je trébuche presque systématiquement : c'est fatigant mentalement et physiquement, et ma cheville faible en souffre malgré la chevillière. Je croise maintenant fréquemment des marcheurs, solos ou en groupe, toujours très, très chargés. On se salue et échange parfois quelques mots d'usage entre randonneurs : "vous allez où ? vous venez d'où ? avec votre petit sac ? et vous avez une tente ?" etc. etc.

J'arrive à 12h15 au refuge ouvert de Saarijärvi (le 3ème de la journée après Meekonjärvi et Kuonjarjoki), et vais profiter de son intérieur pour prendre une pause déjeuner attablée. Il y a du monde présent dans les 2 chambrées de part et d'autre de la petite pièce centrale où je me tiens : quelques figures entrent et sortent, et visiblement on n'a pas bu que de l'eau par ici ... Un ronfleur phénoménal offre les bruitages pendant je déguste mes chips à la cuillère et chauffe mon café. Il y a d'autres cabines que celle du refuge, celles-là privées : le grand lac est une base prisée pour la pêche, et à cette heure ce ne sont pas les randonneurs qui squattent.

La pause dure plus d'une heure et me voilà reparti à 13h20, direction Kilpisjärvi qui n'est plus qu'à une douzaine de kilomètres. Je longe les rives du large lac, qui a la particularité d'être enclos dans une pointe de la frontière avec la Norvège. L'essentiel de la surface du lac est en Norvège, et la frontière passe un temps par des îlots près de la rive finlandaise où je me trouve. Le chemin est toujours pénible et chaotique, il me tarde de retrouver des sections roulantes où je pourrai poser les pieds librement sans y penser, et admirer les vues sans la crainte de trébucher ... Je ne me rends compte d'être repassé en Norvège que lorsque je croise le panneau suivant qui m'indique que je reviens en Finlande. Pas même le temps de sortir son passeport ...

échantillon de ce que j'appelle du casse-pattes
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rives du Saarijärvi, paradis des pêcheurs
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L'immense lac de Kilpisjärvi se voit de loin, y arriver est interminable. Le chemin s'améliore toutefois au fur et à mesure que je me rapproche, parfois avec quelques aménagements de planches, ou quand il s'élargit aux dimensions d'une piste de quad. Je longe puis franchis une nouvelle clôture à rennes, puis descends vers le lac de Čahkáljävri. Il prend alors l'aspect d'un sentier de découverte, bien plus praticable. Quand j'atteins le bout du lac, j'y trouve un parking et des abris de pique-nique, et désormais une piste de gravier aménagée pour les vélos, et de là descends vers la route près de laquelle tous les bâtiments de la villégiature sont groupés. Je suis tout étonné de croiser des rennes "en ville", peu farouches. L'un d'eux se comporte comme un affectueux chien d'accueil à l'entrée de l'établissement où je vais aller prendre chambre ... Les températures sous un ciel toujours couvert sont douces sans être chaudes (18-19°C), et le changement de temps par rapport aux quinze derniers jours semble s'être désormais opéré en faveur d'une météo plus variable.

Čahkáljävri, et au-delà ...
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par-delà le lac Kilpisjärvi, de quoi rêver
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aux abords charmants du sentier de découverte
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renne de compagnie
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Avec un gros ravitaillement à faire, et le besoin d'un peu de repos, douche, lessive, calories ... mon intention depuis ce matin est de dormir ici bien que j'y arrive relativement tôt : 16h30 heure finlandaise, donc 15h30 heure de Norvège pour la comparaison avec mes journées classiques ... Je regarde depuis mon téléphone les places offertes mais je ne vois pas grand-chose, et tout est très cher. Je rentre dans l'hôtel situé de l'autre côté de la route nationale par rapport au centre commercial, et me retrouve à payer un prix exorbitant pour une chambre dont toilettes et douches sont à l'autre extrémité du bâtiment. Quelque chose entre le motel et l'auberge de jeunesse, pour le prix d'un hôtel étoilé ... Je me suis bien mal débrouillé, car il y avait non loin des locations de cabine pour moins de la moitié de ce prix ( Kim & Lukas, passant là quelques jours après, seront plus avisés que moi).

Je profite néanmoins du confort d'un vrai lit, et de la proximité de la supérette. Plutôt que d'aller prendre une table dans une cafétéria, je vais préférer me charger en nourriture supplémentaire à mon ravitaillement pour m'en empiffrer dans ma chambre, et enfin me détendre une fois la douche prise et la lessive faite ... Je recharge tous mes appareils, et donne des nouvelles par les différents canaux disponibles (téléphone, Instagram et bien sûr RL wink ). Le ravito est conséquent car il doit me durer pour les 200km de ma section jusqu'à Riksgränsen : je table sur 4 jours 1/2, c'est peut-être un peu juste mais je n'ai pas plus de place à offrir dans le sac. Il faut dire que mes menus sont aujourd'hui  beaucoup plus étoffés et caloriques qu'à mes débuts dans l'itinérance !



à suivre ...



Vidéo #15

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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#273 04-10-2023 15:02:45

ludof
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#691739
est-ce une vue de l'esprit ou bien sont-ils encore plus chargés que les mulets de chez nous ?

Je ne sais pas s'ils sont plus chargés que chez nous, mais c'est effectivement impressionnant  eek

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#274 06-10-2023 10:03:56

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#16 mercredi 5 juillet 2023
Kilpisjärvi - Nordre Måskanvarrirøysa
40km +865 -471 9h36 (+pauses 1h10)
Cumul 593km D+9900m 147h
Vidéo #16

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Mon hébergement de cette nuit était sans nul doute trop cher pour la prestation offerte, mais au moins le petit déjeuner était au top ! Un peu inquiet d'avoir visé un peu court sur mon ravitaillement, avec juste de quoi tenir 5 jours pour 200 km à parcourir, je m'efforce d'ingurgiter ce matin autant de calories qu'il m'est possible. Je prends mon temps à table, et après avoir rendu ma clé me voilà reparti juste avant 9h30 (heure finlandaise). Pour en rajouter à la confusion des horaires, alors qu'hier mon téléphone enregistrait ses photos à l'heure finlandaise, aujourd'hui il le fait au fuseau horaire norvégo-suédois (la Suède est juste en face de l'autre côté du lac). Etrangement, ma trace GPS depuis ce même téléphone s'enregistre sur le fuseau finlandais, et les températures sont en Suède : faut suivre ! Puisque je quitte la Finlande aujourd'hui, j'indiquerai donc mes horaires à l'heure franco-suédo-norvégienne ...

8h30 norvégienne donc, me voilà parti de mon hôtel - motel, sous un temps gris et quelques nuages bas qui viennent lécher le mont Saana, gros bloc rocheux à 1029m qui domine de 500m le lac de Kilpisjärvi. Avec 14°C la température est très douce sans être chaude, très confortable pour marcher. Les prévisions météo pour ces prochains jours oscillent entre rares averses et pluies légères : je m'ajusterai selon ce que je trouverai ... Mon estomac jamais rassasié tente de me faire repasser par la supérette acheter de quoi tenir 1 ou 2 jours de plus, mais je me raisonne car je n'ai plus de place dans le sac d'une part, et déjà bien lourd d'un plantureux petit-déjeuner d'autre part ...

Par facilité et pour gagner un peu de temps sur cette journée commencée tardivement, je ne vais pas reprendre le sentier qui court en parallèle de la route dans la hauteur, mais marche sur le bas-côté de la Nationale en bord de lac. La circulation en direction de la frontière norvégienne en bout de lac est infinitésimale, la marche à plat est reposante et mon regard peut se perdre dans le paysage. Par-delà les eaux du lac, les cimes norvégiennes prennent des aspects alpins : elles ne montent qu'à ~1800m pour les plus hautes et plus lointaines, mais neiges et glaciers valorisent leurs contours plus acérés, contrastant nettement avec les reliefs plus arrondis croisés jusqu'ici. Il est bizarre de se dire que je regarde tout à la fois vers les montagnes et vers l'océan, car ces sommets sont ceux qui dominent les fjords autour de Trømso. Certains sont des îles, d'autres des péninsules, mais impossible à dire puisque les langues d'océan à leur pied me sont invisibles derrière le relief.

on commence par de l'asphalte, ça repose ... Mont Saana (1029m)
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Pour bien cadrer ma photo en échappant à une disgracieuse ligne téléphonique qui barre le paysage depuis la route, je fais un écart par un parking en bord de lac, où ceux qui ont dormi dans leur camping-car ou bien une tente près de leur véhicule sont affairés à replier leur barda. Les eaux sont particulièrement calmes en l'absence de vent, et offrent ainsi quelques beaux reflets ... mais en contrepartie les moustiques sont à la fête dès que je ne suis plus en mouvement  ... Plus loin je passe le long du complexe hôtel-camping de Retkeylikeskus, jusqu'où je n'ai pas voulu marcher hier soir afin de rester au plus près des commerces et lieux de restauration ... Je m'y serai sûrement logé à bien moins cher.

Photo d'apparence paisible, mais pour la faire je me tape les moustiques. Remerciez-moi !
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Je marche ainsi en quasi ligne droite sur le bord de route durant 6.5 km, parcourus en seulement 1h15, gagnant ainsi une grosse 1/2 h sur l'alternative de sentier qui court à flanc de montagne. C'était reposant après les chemins casse-pattes des jours précédents, mais il est heureux que ce ne soit pas plus long. A l'extrémité du lac j'arrive à un grand parking de terre, d'où je peux apercevoir plus loin le poste frontière entre Finlande et Norvège. C'est ici que je bifurque, revenant enfin sur un sentier. De nombreuses voitures et quelques camping-cars sont garés ici, c'est un point de départ de randonnée stratégique sur la Nordkalottruta.

Pour une fois le chemin est excellent, pas défoncé par la forte fréquentation qui doit y passer. Je commence vite à croiser quelques promeneurs, sans excès. La plupart sont sur le retour, ils ont dû ne faire qu'un petit A/R pour aller prendre la vue, renonçant peut-être à aller plus loin avec le temps bouché. Passé le torrent par lequel le petit lac de Siilasjärvi se déverse en direction du colossal Kilpisjärvi, le sentier s'élève dans la colline, s'affranchissant progressivement du couvert de bouleaux. J'ai maintenant droit à une petite pluie, mais je retire la polaire que j'avais gardé pendant la marche à plat, et ce afin de ne pas trop transpirer dans le dénivelé. L'ondée est très légère, les gouttes sèchent sur moi presque aussi vite qu'elles tombent.

Des 500m des bords du lac je remonte jusqu'à 700m sur un petit col pierreux, où une vieille cabane de mineurs mi-creusée, mi-enterrée dans le rocher, fait l'objet d'un panneau d'information touristique. On peut y entrer et a priori je ne vois rien qui empêcherai d'y rester pour la nuit. C'est rustique mais en meilleur état que beaucoup de cabanes des Pyrénées ou des Alpes où j'ai pu passer la nuit ... De là le chemin reste en balcon sur l'autre versant, offrant potentiellement de très belles vues par-dessus la vallée sur les montagnes en face, si celles-ci n'étaient pas actuellement enchâssées dans les nuages de pluie. Quand je n'image pas j'enferme ma caméra dans un sachet plastique, la pluie sur ce versant se faisant plus tenace. La pluie n'est pas froide, j'enregistre un honorable 12°C ...

dans la montée, chemin bien agréable malgré la petite pluie
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la cabane juste avant le col
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vue arrière vers le Kilpisjärvi
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vue avant vers la triple frontière et les montagnes autour de Trømso
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Toujours quelques marcheurs de temps à autre, tous revenant vers le parking, et avec pour la plupart seulement des sacs à la journée. Je croise au moins un couple de randonneurs plus équipés quand je commence à redescendre, puis plus personne. Le chemin atteint puis longe une clôture : c'est aussi la frontière avec la Norvège, et je descends désormais en ligne droite dans la pente. Le chemin est toujours bien aménagé, des planches viennent égaliser les creux et bosses d'une part, épargnent les tracas des abords marécageux d'autre part. La zone est une réserve naturelle intégrale, il est interdit de s'écarter du sentier.

En bas de la descente et alors que la petite pluie a cessé, je vais 200m sur ma gauche chercher le refuge de Kuohkimajärvi au bord du lac du même nom. Sur cette courte distance et pour une fois je salue un randonneur doté d'un sac visiblement optimisé, mais nous ne démarrons pas une conversation. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'il y avait peut-être ici la rencontre manquée d'un 1er marcheur longue distance. Le refuge finlandais est spacieux et cosy (et également gratuit), j'y rencontre 2 promeneurs turcs (Selim et Osman) avec qui je discute quelques instants avant qu'ils ne repartent, et je m'installe pour une pause déjeuner. Ils reviennent peu après avec un 3ème (Ahmet) qu'ils devaient attendre, et un peu gênés me demandent la permission de pouvoir faire leur prière dans un coin de la pièce. Je ne me vois évidemment aucune raison ni droit de le leur refuser, et cherche à rester discret et respectueux tandis que je déjeune silencieusement durant leurs ablutions ... Passé cet instant nous reprenons notre conversation, et au moment de partir ils me feront cadeau d'un sandwich tortilla - oeuf - fromage : mon inquiétude (infondée) d'être court en nourriture sur cette section se dissipe, "the trail provides !".

à pieds secs
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c'est fléché : une borne frontière en vue, mais avant pause-déjeuner au refuge
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Intérieur de Kuohkimajärvi
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À 13h15 me voilà à mon tour reparti, sans avoir vu personne d'autre. Je rejoins le sentier principal là où je l'avais quitté, puis en bifurque à nouveau pour me rendre au point emblématique de cette journée : la frontière triple entre Finlande, Norvège et Suède, à seulement 10mn du refuge. Il y a là juste un petit groupe familial, puis plus personne lorsqu'ils repartent. Le point triple consiste d'une énorme borne frontière cylindrique peinte en jaune et logée sur un rocher à l'extrémité du lac de Golddajávri, que l'on atteint par un ponton métallique. La vue sur le lac et les montagnes norvégiennes enneigées est magnifique malgré le temps gris. Je passe ici le temps touristique réglementaire, fait mon selfie comme tout le monde, pousse un soupir sur le temps qui passe trop vite et mon destin de MUL errant, et voilà qu'après 5mn je quitte les lieux pour retourner m'enfoncer dans la montagne sauvage ... Ce n'était qu'un point sur une longue ligne, un point parmi tant d'autres ...

Un point sur une ligne ...
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Point pointé par un MUL
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Je quitte donc la Finlande et entre brièvement en Suède, passant par la rive sud du lac de Golddajávri. L'E1 ferait passer par la rive Nord et le refuge norvégien de Goldahytta, mais j'avais préalablement repéré un chemin plus court par l'autre côté. Évidemment je ne porte pas attention à ma direction, et me retrouve à m'enfoncer dans la forêt suédoise au lieu de longer la rive norvégienne du lac ... Ne voulant pas faire demi-tour, je décide de couper à travers et m'en débrouille pas trop mal, parvenant à rattraper mon itinéraire (une bonne piste de quad) sans même me mouiller les pieds. Je repasse 3 fois de suite de Suède en Norvège et inversement, passages à chaque fois signalés par des panneaux métalliques jaunes auxquels je vais vite m'habituer tant les franchissements seront fréquents ... Je reste ensuite tout proche de la frontière, mais sur un chemin résolument norvégien.

je quitte le tripoint
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on ne sait vite plus dans quel sens on passe la frontière
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Après une heure à plat près des rives du Golddajávri, je retrouve l'E1 / Nordkalottruta et bifurque vers la montagne, en même temps que revient la pluie, plus soutenue cette fois. Je marche désormais sur un plateau de toundra bien exposé au vent et à la pluie, et fait assez peu d'images pour ne pas risquer d'exposer les appareils. Le sentier est bon et permet de marcher d'un bon pas, et je maintiens un rythme soutenu pour pouvoir franchir vite les kilomètres qui me séparent du prochain refuge DNT (Gappohytta). Les franchissements de cours d'eau se répètent, la plupart plutôt faciles et sans se mouiller les pieds plus qu'ils ne le sont déjà par la pluie ... J'en rencontre néanmoins un plus large que les autres, et je vais m'employer à y trouver un itinéraire de franchissement qui m'évitera d'immerger mes pieds. Stratégie gagnante et une fois sur l'autre rive je suis fier de ma performance, mais peut-être eut-il été plus simple d'emprunter le pont que je découvre seulement maintenant 30 m en amont ? Par définition les instants de solitude ne sont pas partagés, alors je rigole tout seul de moi-même ...

Sous la pluie et les lourds nuages, les paysages de montagnes enneigées sont d'une sinistre beauté, le dépaysement est complet.

Je suis désormais bien mouillé dans une veste de pluie qui ne peut plus respirer. Le chemin évolue à flanc d'une pente assez douce, sur la toundra d'abord, puis des dalles rocheuses entaillées par le passage des torrents. Dans ces creux mieux protégés quelques bouleaux nains s'accrochent, et des mares se forment entre les rochers quand l'eau de pluie ne trouve pas son chemin vers le torrent. A l'approche des cabanes de Gappohytta je croise un groupe de randonneurs chargés, nous ne faisons que nous saluer, peu enclins à attaquer la conversation sous la pluie battante ... Le refuge est perché sur une petite éminence où il faut mettre un peu la main au rocher pour gravir. J'y parviens à 17h, après avoir doublé un couple de marcheurs à la peine.

Je fais pour la 1ère fois usage de ma clé DNT, pour me mettre d'abord à l'abri dans le vestibule et faire au sec le point sur ma situation et mes options. La pluie s'est faite plus légère, j'aimerai marcher encore mais je dois préalablement consulter ma cartographie à tête reposée et sur un écran de téléphone que je puisse manipuler. Je me décide finalement à poursuivre et ressors, pour retrouver dehors le couple doublé en arrivant, tentant de consulter une vaste carte papier qu'ils peinent à tenir, battue par la pluie et le vent. Je demande si je peux leur venir en aide, mais nous ne trouverons pas de langage commun (une des rares fois où je n'arriverai pas à échanger en anglais).

Je quitte donc le refuge après 10mn sans l'avoir visité au-delà du vestibule, avec le projet de marcher tant qu'il pleut, et de profiter d'une accalmie pour monter le bivouac quand le moment sera venu. Une des motivations pour repartir dans le mauvais temps est que si je me laisse retarder à la moindre averse, je risque de me retrouver court en vivres sur cette section ... J'ai le vent dans le dos et la petite pluie qui se calme n'est pas trop gênante, et le sentier s'avère désormais très roulant sur une vaste prairie en fond de vallée. Il s'élève très progressivement, passe à nouveau en Suède dans une vallée un peu moins large. De part et d'autre j'ai tantôt une rivière étalant son lit sur plusieurs dizaines de mètres de large, tantôt un torrent dégorgeant ses cascades dans des resserrements de rochers. Je monte peu à peu jusqu'à 900m d'altitude, franchissant même un peu de neige. La zone forme un genre de col de l'autre côté duquel s'ouvre une belle vallée austère, dominée par de sombres montagnes rocheuses où les nuages s'agrippent. Là je retrouve une borne jaune circulaire signalant que je ressors de cette pointe de Suède enfoncée en Norvège, et aussitôt après une belle pelouse plane s'offre à moi à quelques mètres du sentier, non loin d'un ruisseau d'eau cristalline coulant des névés en amont. Il était temps car depuis mon déjeuner près de la triple frontière je viens de marcher 23 km sans pause et sans me déchausser ...

pieds mouillés en perspective, mais puisqu'ils le sont déjà ...
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vallée moins large
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Quoi, déjà fini avec la Suède ?
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Il est 19h et c'est ici que je plante le pioulou sur un sol parfait, et une vue majestueuse sur les flancs de l'Isdalsfjella (1475m) , montagne balafrée de cascades qui lutte avec les nuages. Une place de choix dans mon catalogue des plus beaux bivouacs. Je dors donc en Norvège avec vue sur la borne frontière suédoise, ayant arpenté 3 pays dans la même journée. Pour une fois le compteur de la solitude est presque à zéro : à peine 8 km depuis Gappohytta, mais la seule vraie rencontre aura été avec mes 3 turcs ... La pluie reprend vite après mon installation, elle va rester soutenue jusqu'à 3h du matin ... À 900m d'altitude il ne fait plus que 8°C (ça ne descendra pas à moins de 6°C dans la nuit), mais tout mon barda est encore bien sec et malgré l'humidité extérieure je suis confortablement installé.

je ne regrette pas d'avoir délaissé le refuge ...
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à suivre ...



Vidéo #16

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Dernière modification par Hervé27 (06-10-2023 21:46:46)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#275 06-10-2023 20:40:47

Matt81
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#691739 Ici la culture de la randonnée est résolument "mulet" : les sacs sont énormes et dépassent systématiquement la tête de leur porteur.

Je confirme, comme dirait bob: "Ils sont fous ces scandinaves".
Le jour au cette culture du light va arriver, comme pour le trail, ils vont dominer aussi tant ils pratiquent en revanche. Mais ils en sont loin. J'en ai déjà parlé avec eux, c'est rigolo. En attendant, c'est hallucinant ces sacs à dos, souvent hors d'âge, qu'ils baladent.

Hervé27 a écrit :

#691853A l'approche des cabanes de Gappohytta

C'est dans cette cabane que "ma vie" a connu un joli changement  smile

Hervé27 a écrit :

#691853Photo d'apparence paisible, mais pour la faire je me tape les moustiques. Remerciez-moi !

merciiii

Bon WE
Matt

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