Aller au contenu

Annonce

#1 08-06-2007 16:36:05

konrad
Marcheur Universellement Lent.
Lieu : Baléares
Inscription : 04-02-2005

Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

YOYO a écrit :
konrad a écrit :

PS : Je serais aux encantats en fin de semaine.

http://www.lafilleduperenoel.net/smilie … pn-010.gif
Pour le coup, tu seras au Paradis...

Je reviens de quelques jours dans le paradis dont parle Yoyo.
Je mettrais quelques photos dans un nouveau message, parce que si paradis ce fut j'ai néanmoins vécu une journée d'enfer.
Enfin toute relative.
Je vous la conte.

Je quitte le bivouac au bord du lac d'aiguestortes vers les 7 h du matin.
Il fait beau, comme l'ont été les deux jours précédents, avec tout de même un vent de nord nord-ouest un peu frais, mais rien de bien désagréable.
Je compte aller en direction du refuge de J-M Blanc (pour ceux à qui ça dit quelque chose) en passant par le village d'Espot.
En fin de matinée un petit grain pas bien méchant vient chasser le soleil qui semblait s'être installé.
A l'approche du refuge la pluie forcie et devient belle averse.
Je rentre dans le refuge, il est à peut prêt 15h, pour manger une petit casse-croûte.
J'en repars un peu plus d'une demi-heure plus tard, et la pluie a laissé place à un brouillard qui silencieusement recouvre le paysage.
J'y vois suffisamment pour poursuivre mon chemin.

Je randonne seul et j'ai pour habitude de repérer le long des sentiers des coins de bivouac agréables ou protégés qui pourraient me servir en cas de repli ou simplement si je ne compte pas aller plus avant.
Je me fixe de pousser dans les alentours du refuge de la Colomina que je ne peux rejoindre qu'en passant par le col de Saburo qui culmine à 2667 m.
A mesure que j'avance la pluie a reprit de plus belle et le ciel s'assombrit.
Je grimpe d'un pas tranquille, même si la pluie commence à bien imbiber mon pantalon et mes chaussures.
Les arbres et l'herbe verte ont laissé place aux caillasses et aux touffes d'herbe rase.
Le sentier se faufile entre les gros blocs de pierre dans ce désert minéral.
Je distingue le col, encore loin et haut, tandis que la pluie redouble, que le ciel se noircit de colère et que le vent se met de la partie. Je souffle, j'ahane.
Dans la montée qui est plus raide au fur et à mesure, la pluie se transforme en neige fondue.
La température a chuté et si je n'ai pas trop froid, le vent me griffe et m'engourdi les mains dont les gants détrempés ne me protègent plus de rien.
Il me devient plus difficile d'avancer, je dois reprendre mon souffle plus souvent.
Il fait sombre, froid et humide.
Je me demande si en avançant je ne vais pas vers le pire. J'estime où je me trouve. Trop de chemin parcouru pour revenir en arrière, il ne reste plus qu'à avancer.
J'ai du mal à distinguer le chemin et les cairns qui le ponctuent.
D'un coup me vient à l'esprit l'histoire récente de ces randonneurs morts de froids en Corse.
Pourquoi viennent-ils me hanter, là maintenant ?
Sont-ils venus pour me prévenir de ce qui peut m'arriver ?
Ou me faire comprendre qu'ils ont traversé ces conditions avec la malchance qui les a emportés.
Je sens d'un coup un courant me traverser l'échine et venir dans un endroit du cerveau y loger la peur.
J'ai le ventre qui se contracte sans que j'y puisse rien et l'adrénaline me glacer littéralement.
Oui je comprends que l'on puisse mourir de froid en montagne, surtout si l'on n'a pas prit ses précautions. On part le matin sous un beau soleil, on grimpe, l'orage arrive fait chuter la température de plusieurs degrés, on est fatigué, mal protégé….c'est terrible et très con.
Pourtant je n'ai pas trop froid, j'ai le haut bien protégé, mais je lutte pour avancer et chasser de mon esprit cette mélancolie qui s'installe.
J'avance pas à pas, je devine le col là devant, je me dis que derrière ce sera plus tranquille, davantage pour me rassurer et me donner des forces.
A l'approche du col, comme pour mieux me défier, des coups de tonnerre accompagnés d'éclairs magnifiques font trembler le ciel.
Advienne que pourra, mes pas sont lourds mais réguliers.
J'atteins le col, enfin. L'horizon est désolé, lugubre.
Sans trop réfléchir je m'engage vers la descente, l'estomac noué.
Il y a quelques névés sur lesquels je m'engage précautionneusement.
Je progresse doucement en redoublant d'attention, je suis seul et s'il m'arrive une tuile….
Je ne veux pas finir avec ces fantômes pour qui j'ai une pensée fraternelle.
Je les encourage autant que je m'encourage.
J'ai franchi plusieurs petits névés sans trop de difficulté. Mais celui qui se présente devant est tout autre, plus grand et large et en plus je ne peut que le descendre et pas le couper transversalement. Je respire bien fort et avance doucement. Un pas, deux pas, en m'assurant de mes bâtons, trois pas et vlan, je me ramasse sur le dos et glisse pieds devant. Un réflexe venu de je ne sais où me fait planter les talons dans la neige et je m'arrête deux trois mètres plus bas. La pente n'est pas très prononcée et cinq six mètres plus bas les rochers m'auraient stoppés. Mais cette chute sonne comme un avertissement.
Je me mets sur le ventre et rampe vers une pierre qui affleure. J'y prends appui pour me redresser. Prudemment presque à tâtons je reprends la descente.
Sur les roches je respire un instant et je poursuis ma descente.
Mon pantalon est trempé, mes chaussures gorgées d'eau et la visibilité est mauvaise à tel point que je distingue mal les cairns.
D'ailleurs j'en vois de moins en moins et une pensée me traverse l'esprit, je me suis planté de direction.
Je peste, je ralle.
Je me souviens d'un proverbe amazonien qui dit à peut près ceci : Garde toi de faire grandir ta peur sinon c'est elle qui deviendra plus forte que toi.
Je reflue la noirceur du ciel qui assombrit mon mental en respirant profondément.
A un moment donné je m'arrête. Je ne peux plus continuer ainsi, il est 20h et il fait aussi sombre qu'à 10h. Je me suis planté et il faut prendre une décision.
Je jette un coup d'oeil alentour. Je vais bivouaquer là.
Mieux vaut s'arrêter, reprendre mes esprits et faire le point plutôt que d'avancer au risque d'une maladresse.
Je sors la tarptent, il pleut toujours mais le vent est moins fort.
Les doigts gourds je plante le bâton, fixe les sardines. Merci M Shires d'avoir conçu un matériel qui se monte aussi facilement.
Je m'engouffre dans l'abri, sauvé de la pluie. Ouf !
Faire le point. Mais avant tout manger quelque chose de chaud. Je sors le réchaud et me prépare une soupe chinoise avec un lyophilisé de légumes.
Où suis-je ? Où me suis-je planté ? J'évalue le temps de marche donc la distance approximative. Je sors la carte, trempée. Je glisse un œil dehors cherchant un repère qui corresponde à ce que je crois deviner sur la carte. Je vois rien. De toute façon il fait sombre et la pluie n'arrange rien. Je verrais demain.
Je décide de me mettre dans le lit. Je sors le tyvek, le déplie, le matelas idem. Je fouille et sors le duvet qui me semble humide. Je constate que le sac poubelle qui protégeait l'ensemble du sac a été négligemment fermé. Un peu d'eau s'est engouffrée et par capillarité s'est infiltrée partout.
Quelle merde !
Je constate que lorsque qu'une grosse tuile arrive elle a toujours été ponctuée de petits signes précurseurs auxquels on n'a pas prêté attention. C'est cette accumulation de petits laisser aller d'inattention, qui conduisent à la catastrophe.
Je n'en suis tout de même pas là.
Je retire mes chaussures, mes chaussettes, j'enfile la paire sèche et ni une ni deux je m'engouffre dans le duvet avec le pantalon trempé et une veste en duvet bien humide aussi.
Sur mon duvet j'ai mi un sursac (qui s'avèrera une belle merde) et je tente de m'endormir, la tête farcie de pensées qui me taraudent sans cesse.
Je grelotte, je passe une main sous le bas du dos, elle est trempée. Je baigne dans l'humidité.
Je suis agité de spasmes incontrôlables qui secouent mon corps comme un chiffon duquel on chasse la poussière.
Je n'ai pas dormi beaucoup, pour ne pas dire pas du tout.
Au premier signe de clarté, à 6h je me lève.
J'ai l'anxiété et la fraîcheur du matin qui me poussent à me presser.
J'enfile les chaussettes mouillées et froides dans les chaussures mouillées et froides.
Je sors, il fait froid. Je sors le duvet qui est trempé et collé pratiquement au sursac, celui-ci a agit davantage comme un vapor barrier que comme un bivy.
Je regrette de n'avoir pas emmené mon bivanorak ! J'ai voulu alléger et voir. C'est ainsi que l'on apprend !
Au moins dans celui-ci j'aurais mis à l'abri mon sac à dos….
Je défais la tarptent, les gouttes à l'extérieur sont gelées.
Je rentre le tout comme ça dans le sac à dos et je me décide pour un itinéraire.
En passant par là, derrière cette colline, je devrais trouver un point remarquable. Je file, je me sens en confiance même si j'ai l'estomac un peu noué. Heureusement il ne pleut pas.
Une demi-heure plus tard, je tombe sur un étang qui correspond à celui de la carte, je suis dans la bonne direction.
Un peu plus d'une heure après j'arrive qu refuge de la colomina où deux espagnols en train de préparer leur sac pour le départ, sont surpris de me voir arriver en souriant.
J'avais chassé les fantômes en leurs disant que je n'avais pas fini mon voyage.
Konrad.

PS : Le reste de la randonnée fut placée sous de meilleurs auspices et c'est un endroit vraiment magnifique des Pyrénnées.

Hors ligne

#2 08-06-2007 17:13:27

zaack77
Somewhere else, high above...
Inscription : 22-03-2006

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

He ban, ça calme qd même cette histoire!

Dans ton récit, on sent bien que la mise en péril de soi, on ne la comprend que trop tard... Heureusement, tu as eu la presence d'esprit de te poser, de te mettre a l'abri et de manger un truc chaud... Mais on note que tu as continué malgre le mauvais temps et tu as meme tenté de passer un neve un peu "délicat"... Heureusement rien de grave à déplorer!
Ton récit par sa sincérité et le point de vue qu'il donne sur les conditions extérieures et sur toi même est la preuve qu'n montagne le danger rampant...


"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas. C'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles."  Sénèque

Mon matériel :: HRP 2010

Hors ligne

#3 08-06-2007 17:54:49

Peyo
PRO
Inscription : 06-03-2005
Site Web

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

La boule au ventre, l'angoisse qui fait trembler les jambes, la panique que l'on reprime, le dangers qui se fait plus présent... oui ça me parle... et c'est magnifiquement raconté, merci Konrad.

J'adore le proverbe péruvien que tu donnes, tellement vrai !

Pour la prise de risque, je n'ai pas de leçon à donner, je "pousse" aussi des fois un peu trop la machine. Pas facile de s'arrêter surtout quand on se dit qu'on a déjà vu pire...


ps: juste un truc : tu pourrais pas poster un peu plus tard, parce que là je suis au boulot et mes collaborateurs ne comprennent pas mon visage livide et la goutte de sueur qui perle wink

Hors ligne

#4 08-06-2007 18:02:10

Peyo
PRO
Inscription : 06-03-2005
Site Web

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Konrad,

Excuse-moi d'avance pour ce matérialisme de bas étage, mais te serait-il possible de dire ce qui cloche avec le sursac Mont-Bell que tu avais ?
Tu as l'air de dire que c'est une grosse M**** !
(dans la rubrique "on a testé" ça serait parfait big_smile j'abuse je sais smile )

Hors ligne

#5 09-06-2007 01:52:22

oli_v_ier
Administrateur
Inscription : 24-01-2005
Site Web

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Yep ! Merci pour ce récit Konrad, vrai et sincère comme je les aime !
On apprend beaucoup quand on vit ce genre d'expérience, non ? En tout cas, content qu'il ne te soit rien arrivé d'ennuyeux.


La marche ultra-légère n'est pas un but, mais un moyen. "Un sac lourd est un sac bourré d'angoisse."
Mon équipement pour l'Islande 2008 en détail.

Hors ligne

#6 09-06-2007 13:24:53

Artiguel
chat errant
Inscription : 24-04-2006

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Et malgré l'expérience limite, il continue son chemin. La grande classe.

Personnellement, je tire au moins une leçon de ton récit: il n'est peut-être pas prudent que le sac de couchage et la doudoune soient en duvet; l'un au moins doit être en synthétique, ou bien ?

Hors ligne

#7 09-06-2007 16:04:59

Yak
Membre
Inscription : 31-03-2007

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Merci Konrad pour ce beau récit.

C'est bien de montrer aussi que tout ne se passe pas si bien que ça parfois...en plus en cas de coup dur en rando....on peux se remonter le moral avec ces histoires vécues et qui, contrairement à celles dont la presse nous parle, se sont bien finies.

Pour ma part, et ainsi répondre un peu à Artiguel, j'enfourne chacun de mes groupements d'éléments du sac dans un sac plastique de base dont je fait un noeud avec les anses. Je ne pense pas que ça fasse bq de poids en plus (en réalité je n'ai jamais pesé - ma conversion en "MUL" est en cours-).
Quoiqu'il en soit, si ma gourde venait à percer ou s'ouvrir dans mon sac, ou un sachet de purée... ou un gros orage du ciel... J'aurais la chance de ne pas avoir TOUT de trempé dans le sac.

En plus un autre arguement, c'est que les pochons glissent les uns sur les autres dans le sac, et il est facile de les comprimer (une fois bien vidés de leur air).

Dernier aspect +, c'est qu'au bout de qqs déballages de sac, on sait quel type de pochon correspond à quel type de "regroupement" (il ne faut pas qu'il soit tous pareil, ou alors transparent !!!)

Et ça peut même faire une poubelle de secours.

                                                      Elle est pas belle la vie -:)


LE PARADIS.....??
il est là,
Sous nos pieds....                                                .... c'est la TERRE...

Hors ligne

#8 09-06-2007 22:22:02

konrad
Marcheur Universellement Lent.
Lieu : Baléares
Inscription : 04-02-2005

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Merci pour vos commentaires.

Je précise que je ne suis ni un aventurier, ni un casse cou.
Ce qui confère un caractère « particulier » à cette journée c'est l'addition de ces petits incidents qui mis bout à bout font passer une randonnée de « ballade » à « galère ».
Parce que les conditions climatiques que j'ai rencontré n'ont rien d'exceptionnelles en montagne.

A posteriori je peux dire que j'aurais pu éviter cela, mais en même temps je ne regrette pas de l'avoir vécu. J'irais même jusqu'à penser, mais je reste prudent sur cette question, que je devais le vivre.
Bien sur je peux dire cela parce qu'il ne m'est rien arrivé de dommageable.

C'est le type d'expérience dont on apprend beaucoup, elle synthétise et met à nu tous les manquements. Et j'apprends beaucoup, rapidement, sur l'aspect du matériel emporté, sur la gestion technique et  surtout sur moi. C'est pourquoi je ne regrette pas de l'avoir vécu.

En reprenant le fil des évènements je peux voir où sont mes erreurs, où sont les points à corriger. Mais ce dont je reste le plus satisfait c'est d'avoir su m'arrêter. Il y a un instant dans le lâcher prise où beaucoup de choses se jouent.

Le deuxième point qui me vient comme une évidence c'est le manque de préparation de l'itinéraire.
Je survole la carte en dilettante sans anticiper les passages délicats, ni les difficultés liés au relief.
J'aime marcher sans trop rechigner aux dénivelés, alors je marche…
Cette expérience me rappelle à plus de rigueur.

Sur la question du matériel je ne me pose pas trop de question.
J'étais « au point » pour ce type de randonnée.
Je me dis, et cette expérience me le confirme, que l'option bivanorak est plus polyvalente (et surtout plus efficace et sécurisante) que celle choisie, tyvek + bivy, mais moins légère il est vrai.
Le choix plume ou synthétique est en effet un débat.
Je doute que j'aurais mieux dormi, dans les mêmes conditions, avec un matériel synthétique.
Mais bien sur cela reste une hypothèse.
Mes articles sont empaquetés dans des sacs style « stuff sack » golite ou equinox.
Le duvet a davantage prit l'eau que la doudoune, pourquoi ? Sac plus volumineux ? Au fond de sac donc plus sensible lorsque je pose celui-ci ? Je ne sais.
En tout cas pas suffisamment protégés, c'est certain.
Je ne suis pas un habitué du sac poubelle en protection, alors…

PS : Peyo je posterais un compte rendu sur le sursac Montbell dans la rubrique « on a testé ».

Konrad.

Hors ligne

#9 09-06-2007 22:48:09

Carn mor Dearg
Revenant
Lieu : Belgique
Inscription : 17-07-2005

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

C'est de ce type d'expérience qu'on retire le plus.  Merci pour ce témoignage qui me rappelle quelques souvenirs wink

Juste une remarque concernant le matériel emporté : pour des sorties en montagne début juin, des crampons légers (4-6 pointes ou 10-12 en alu) voir même un piolet alu pour arrêter les chutes me semble obligatoires.


"C"est juste l'éthique britannique. On garde les montagnes vierges, sans spits. Beaucoup de voies sont faciles, tu peux te protéger avec des coinceurs. Alors pourquoi mettre des spits? Pour abaisser la montagne à ton niveau?" Andy Turner

"Nager. C'est ce que l'on recommande en cas d'avalanche. Nager? Ceux qui écrivent les guides de survie sont des rigolos." Joe Simpson

Hors ligne

#10 09-06-2007 23:45:09

Gigi
Dahumûle vive les mélanges !
Lieu : belleville
Inscription : 04-02-2006

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Bravo pour ton récit Konrad, la mélancolie dont tu parle, je l'ai déjà ressentie, tu as bien trouvé le terme !
et c'est quand tu es seul face à une situation angoissante que tu l'éprouve...

Hors ligne

#11 10-06-2007 12:36:31

Peyo
PRO
Inscription : 06-03-2005
Site Web

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Le Capitaine de l'Abeille Flandre (bateau insummersible de sauvetage en mer) a eu un mot fort pour raconter un sauvetage qui tourne mal:

"J'ai senti la panique monter du ventre jusqu'au sternum, et je me suis dit que si elle arrivait plus haut j'étais foutu... Alors j'ai marché sur ma peur !"

Hors ligne

#12 10-06-2007 19:05:19

ith
Version Light
Inscription : 08-03-2007

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Bonjour,

Très beau compte rendu.....c'est une région magnifique mais c'est aussi une région dangereuse qui prélève souvent sa dîme.

Le massif des encantats est une barrière Nord/Sud et Est/Ouest (Val D'aran, Catalogne, limite Aragon). Un port dans les Pyrénes désigne non seulement un col, mais aussi la limite entre deux régions : donc une zone de confrontation de climat.

Puisque l'on fait dans les proverbes :

"Quand le vent souffle au Port le père n'attends pas le fils, le fils n'attends pas le père..."



Merci, did wink


"The more you carry in your bag, the less you carry on your head"

Hors ligne

#13 10-06-2007 19:20:39

zaack77
Somewhere else, high above...
Inscription : 22-03-2006

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Heureusement que Didier est là pour nous apporter un peu de IMMENSE son culture! Je me suis souvent demandé pourquoi un col s'appelait un port dans les Pyrénées, j'ai ma réponse... Merci Ith!


"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas. C'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles."  Sénèque

Mon matériel :: HRP 2010

Hors ligne

#14 10-06-2007 23:22:53

konrad
Marcheur Universellement Lent.
Lieu : Baléares
Inscription : 04-02-2005

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Carn mor Dearg a écrit :

C'est de ce type d'expérience qu'on retire le plus.  Merci pour ce témoignage qui me rappelle quelques souvenirs wink

Juste une remarque concernant le matériel emporté : pour des sorties en montagne début juin, des crampons légers (4-6 pointes ou 10-12 en alu) voir même un piolet alu pour arrêter les chutes me semble obligatoires.

Ta remarque est judicieuse Carn.
Dans ce cas particulier les névés n'étaient pas si importants que cela.
Puis je n'avais pas d'itiniraires très imposés. Il m'est arrivé de faire plusieurs fois demi-tour parce que justement les passages étaient trop délicats.
mais bien sur il suffit d'une fois...

Gigi a écrit :

Bravo pour ton récit Konrad, la mélancolie dont tu parle, je l'ai déjà ressentie, tu as bien trouvé le terme !
et c'est quand tu es seul face à une situation angoissante que tu l'éprouve...

Merci Gigi, je suis content, même si j'aurais préféré dans d'autres circonstances !

Peyo a écrit :

Le Capitaine de l'Abeille Flandre (bateau insummersible de sauvetage en mer) a eu un mot fort pour raconter un sauvetage qui tourne mal:

"J'ai senti la panique monter du ventre jusqu'au sternum, et je me suis dit que si elle arrivait plus haut j'étais foutu... Alors j'ai marché sur ma peur !"

Oui ce sont ces symptômes. J'ai senti un courant parcourir l'échine et toucher une partie du cerveau, celle archaïque certainement et lui envoyer comme une décharge.
C'est un réflexe primaire de survie presque instinctif et c'est pourquoi il faut tenter de le juguler avant qu'il nous envahisse.

Konrad.

Hors ligne

#15 10-06-2007 23:25:46

konrad
Marcheur Universellement Lent.
Lieu : Baléares
Inscription : 04-02-2005

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

ith a écrit :

Bonjour,

Très beau compte rendu.....c'est une région magnifique mais c'est aussi une région dangereuse qui prélève souvent sa dîme.

Le massif des encantats est une barrière Nord/Sud et Est/Ouest (Val D'aran, Catalogne, limite Aragon). Un port dans les Pyrénes désigne non seulement un col, mais aussi la limite entre deux régions : donc une zone de confrontation de climat.

Puisque l'on fait dans les proverbes :

"Quand le vent souffle au Port le père n'attends pas le fils, le fils n'attends pas le père..."



Merci, did wink

Bonsoir,

N'est-ce pas le massif entier des pyrénnées qui forme cette barrière ?
Est-ce du particulièrement à son altitude ?

Merci.
Konrad.

Hors ligne

#16 11-06-2007 09:31:35

ith
Version Light
Inscription : 08-03-2007

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Salut,

Les pyrénées dans les encantats sont à la latitude de la corse, donc pas mal au sud. Nous sommes dans les pyrénées centrales, soit à mi chemin entre l'atlantique et la méditérrannée. C'est la région qui forme la limite de la ligne de partage des eaux.

Pour les encantats :

La zone  nord, c'est le val d'Aran. Une région espagnole mais qui est sur le versant nord des pyrénées. On passe "à plat" vers la France par le Pont du Roi. Mais le fond de la vallée est bordée au nord par le Mauberme à 2900m. Donc la vallée est à la fois ouverte au Nord aux influences, et protégée....
Le Val d'Aran (traduction : la vallée de la Vallée) est relié par le Port de la Bonaigue (2100 m) à la Catalogne à l'Est. Au sud la ligne de crête tutoie 3000m. La ligne de crête est franchie par un tunnel depuis 50 ans. A l'Ouest, c'est le pays de Luchon (col du portillon : col du petit col) ou bien le massif de la Maladetta  (3400m )par le col des aranais...

Au sud du Val D'aran, les encantats forment un massif culminant à 3000m, avec des hauts plateaux autour de 2000m. Les cols entre les différentes parties des encantats, sont souvent élevés (2500m). Le versant nord est froid et humide, le versant sud sec. L'ouest est adossé au massif des Monts Maudits et l'Est ouvert vers la méditerrannée....Les différentes influences ce confrontent ici : régime nord, tempête nord Ouest, retour d'Est par la méditerrannée et influence Sud.
Les conditions d'enneigement varient d'un versant à l'autre de facon importante, les effets de foehn sont importants....Pas facile d'avoir des prévisiosn météo complètes (partage France, catalogne, Val d'Aran, Aragon....)


En résumé, les encantats sont la frontière entre plusieurs langues, plusieurs régions, plusieurs climats, partage des eaux : la météo est très capricieuse. L'altitude est élevée dans la partie centrale. En hiver, l'enneigement varie énormément dans les différentes parties des Encantats.
De plus, le massif possède des refuges bien équipés  (normes des pyrénées), qui sont souvent d'anciens édifices des compagnies d'électricité espagnoles. La tentation est grande de s'y rendre avec un équipement light, y compris en hiver.


did,;)


"The more you carry in your bag, the less you carry on your head"

Hors ligne

#17 11-06-2007 09:48:48

zaack77
Somewhere else, high above...
Inscription : 22-03-2006

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Merci Ith pour ces précisions! Tu devrais écrire un livre sur les Pyrénées! ;-)


"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas. C'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles."  Sénèque

Mon matériel :: HRP 2010

Hors ligne

#18 11-06-2007 10:07:33

ith
Version Light
Inscription : 08-03-2007

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Zaack merci, mais tu te trompes, sincèrement j'ai très très peu de connaissance :


Donc, j'ai juste quelques précisions à donner, à la limite utiles pour ceux qui sont loin. Mais je n'ai aucunes prétentions à l'exhaustivité sur ce sujet.....j'en suis à trois parsecs !


did, wink

Dernière modification par ith (11-06-2007 17:53:33)


"The more you carry in your bag, the less you carry on your head"

Hors ligne

#19 11-06-2007 10:59:48

konrad
Marcheur Universellement Lent.
Lieu : Baléares
Inscription : 04-02-2005

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

ith a écrit :

Salut,

Les pyrénées dans les encantats sont à la latitude de la corse, donc pas mal au sud. Nous sommes dans les pyrénées centrales, soit à mi chemin entre l'atlantique et la méditérrannée. C'est la région qui forme la limite de la ligne de partage des eaux.

Pour les encantats :

La zone  nord, c'est le val d'Aran. Une région espagnole mais qui est sur le versant nord des pyrénées. On passe "à plat" vers la France par le Pont du Roi. Mais le fond de la vallée est bordée au nord par le Mauberme à 2900m. Donc la vallée est à la fois ouverte au Nord aux influences, et protégée....
Le Val d'Aran (traduction : la vallée de la Vallée) est relié par le Port de la Bonaigue (2100 m) à la Catalogne à l'Est. Au sud la ligne de crête tutoie 3000m. La ligne de crête est franchie par un tunnel depuis 50 ans. A l'Ouest, c'est le pays de Luchon (col du portillon : col du petit col) ou bien le massif de la Maladetta  (3400m )par le col des aranais...

Au sud du Val D'aran, les encantats forment un massif culminant à 3000m, avec des hauts plateaux autour de 2000m. Les cols entre les différentes parties des encantats, sont souvent élevés (2500m). Le versant nord est froid et humide, le versant sud sec. L'ouest est adossé au massif des Monts Maudits et l'Est ouvert vers la méditerrannée....Les différentes influences ce confrontent ici : régime nord, tempête nord Ouest, retour d'Est par la méditerrannée et influence Sud.
Les conditions d'enneigement varient d'un versant à l'autre de facon importante, les effets de foehn sont importants....Pas facile d'avoir des prévisiosn météo complètes (partage France, catalogne, Val d'Aran, Aragon....)


En résumé, les encantats sont la frontière entre plusieurs langues, plusieurs régions, plusieurs climats, partage des eaux : la météo est très capricieuse. L'altitude est élevée dans la partie centrale. En hiver, l'enneigement varie énormément dans les différentes parties des Encantats.
De plus, le massif possède des refuges bien équipés  (normes des pyrénées), qui sont souvent d'anciens édifices des compagnies d'électricité espagnoles. La tentation est grande de s'y rendre avec un équipement light, y compris en hiver.


did,;)

Bonjour,

C'est très intéressant et instructif.
Je comprends mieux pourquoi je n'ai pas réussi à avoir des renseignements fiables sur les conditions météo, même dans les refuges.
J'avais constaté cette "anomalie" de vent de nord nord-ouest dont je n'avais pas souvenirs dans d'autres parties des pyrénnées.
Je confirme aussi les variations d'enneigement assez surprenantes où l'on voit sur un versant les lacs encore gelés et les flancs de montagne habillés d'hiver, tandis qu'à trois heures de marche plus loin l'on tombe sur une vallée printanière.
Merci de ces précisions.
konrad.

PS : En effet les gîtes ont l'air bien équipés et très nombreux dans cette zone.

Hors ligne

#20 11-06-2007 11:25:34

jeronimo
Membre
Lieu : Paris
Inscription : 05-03-2007

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

konrad a écrit :

PS : En effet les gîtes ont l'air bien équipés et très nombreux dans cette zone.

Oui, c'est vrai mais attention, en été tout du moins il faut réserver car j'ai toujours trouvé les refuges archi-pleins (au point de refuser de servir à manger à celui qui ne dormait pas là...)

Hors ligne

#21 11-06-2007 12:15:01

ith
Version Light
Inscription : 08-03-2007

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Salut,

Les refuges sont aussi très fréquentés en hiver.....attention aux périodes de vacances françaises et espagnoles. Dans le parc, pas de bivouac.....

did,


"The more you carry in your bag, the less you carry on your head"

Hors ligne

#22 11-06-2007 14:17:26

konrad
Marcheur Universellement Lent.
Lieu : Baléares
Inscription : 04-02-2005

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

ith a écrit :

Salut,
Dans le parc, pas de bivouac.....

did,

Officiellement.
Officieusement je ne fait que ça.
En étant discret et respectueux de l'environnement, ça passe.
Konrad.

Hors ligne

#23 11-06-2007 14:23:30

jeronimo
Membre
Lieu : Paris
Inscription : 05-03-2007

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Oui, je confirme, aucun problème pour bivouaquer en respectant les règles officieuses

Hors ligne

#24 11-06-2007 14:56:35

Squatt
Lo gavach
Lieu : Tolosa
Inscription : 31-05-2005

Re : Récit d'une journée "infernale" dans le "paradis".

Bravo Konrad pour ce récit très prenant (j'ai pas eu la sueur froide de Peyo mais pas loin wink ).

Un conseil : tu devrais partir plus souvent en montagne dans des conditions très difficiles et te mettre en difficulté le plus souvent possible (et toujours revenir) afin de consigner tes expériences dans un livre. C'est tellement prenant que tu ferais fortune !!! lol

Sur le "Port" Pyréneen.

zaack77 a écrit :

... Je me suis souvent demandé pourquoi un col s'appelait un port dans les Pyrénées...

Le mot provient, dans les Pyrénées, de l'occitan "pòrt" qui est, comme la très justement noté Ith, synonyme de "col" ("còl" ou "còth" en occitan). En ariège, le Col de Port est donc une redondance. En Aussau : lo Portalet : le petit col. Lo Sompòrt, en Aspe, c'est le sommet-col etc...


Mais le mot "Pòrt" possède une connotation beaucoup plus large que le "còl"

Le "Pòrt" signifie également. en occitan, un lieu de passage pour les hommes et leurs cultures. Même éthymologie que "porte" en français (occitan : "pòrta"), qui est un lieu de passage ou que les "ports" maritimes également, qui sont bien entendu eux aussi des lieux de passages vers d'autres terres...

Pas étonnant que les cols pyrénéens portent donc ce nom, car ils ont été pendant longtemps des lieux d'échanges très intenses entre les populations pyrénéennes.

Pour l'histoire (non officielle), les cols pyrénéens ont été des lieux d'échanges très prolifiques entre la civilation arabo-andalouse et la civilisation occitane durant cinq siècles. Vus du sud, les Pyrénées s'appelaient alors, "Djebel Al Bortat" (en langue arabe donc), c'est à dire, la montagne des ports...

Dernière modification par Squatt (11-06-2007 15:12:24)


Sometimes I think the surest sign that intelligent life exists elsewhere in the universe is that none of it has tried to contact us (Calvin... with Hobbes)

Hors ligne

Pied de page des forums