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#226 08-09-2023 12:21:30

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Mercredi 21 juin 2023 J02
Sarnespollen - Langnes : départ de Magerøya, débuts sur le continent
31 km +771m -824m marche 8h59 pauses 3h10
Cumul 77km +1800m 22h
Vidéo J02

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Les choses changent pour moi qui ne dormais jamais bien en bivouac. J'ai réalisé que la position sur le ventre me permettait de m'endormir profondément, à condition d'avoir un bon oreiller à me caler sous la tête et le torse. Avec l'addition des bouchons d'oreille d'une part, d'un masque pour les yeux d'autre part, j'arrive à m'isoler de toutes les sollicitations extérieures qui autrement mettent mes sens en alerte et me ferment l'accès au sommeil. Cela ne va pas sans effets secondaires sur mes lombaires fatiguées, lesquelles me le font payer à la 1ère tentative de changement de position, car elles s'ankylosent. Il faut faire des compromis.

C'est le cliquetis de la pluie sur la toile tendue qui m'extirpe lentement d'un profond sommeil, madeleine de Proust qui me renvoie aux nuits familiales de camping au fond du jardin de mes grands-parents. Par réflexe je soulève un coin de la double épaisseur bonnet / masque qui me couvre les yeux pour tenter de jauger l'heure, et la vive lumière me dit que j'ai vraiment bien dormi et qu'il faut entamer le processus de levée du bivouac. Je saisis mon téléphone pour consulter l'heure, il n'est pas encore 3h00 ... Ah oui, Norvège, Cercle Arctique, Solstice, Soleil de Minuit et tout ça ... Bon, ben on va essayer de se rendormir ...

2h58 du matin ...
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Nouvelle petite ondée au "matin", même si il me semble étrange d'employer le terme : le "matin" ressemble au "soir", lui-même ressemblant à la "nuit" qui n'est à son tour guère différente du "jour". Pour ce 3ème jour sans coucher de soleil, l'absence de toute nuit pour reposer les sens travaille le cerveau, mais en même temps une certaine adaptation commence. Inutile d'être à cheval sur l'horaire pour se lever, tout retard au "matin" se compense par une marche décalée dans le "soir".

Je n'entends rien venant de la tente de Sophie, et la laisse dormir encore un peu pendant que je me prépare un café sans encore sortir du duvet et ranger mes affaires. Sophie dort dans mon nouveau Cumulus "d'hiver" à 0°C, et moi dans celui "d'été" à +5°C. Avec une température "nocturne" qui ne sera descendu qu'à 13°C, difficile d'avoir froid ... Seule l'humidité de la pluie et du bord de mer modère légèrement notre confort.

fin de ré-empaquetage
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Le ciel se dégage et un chaud soleil baigne d'une belle lumière le bras de mer qui nous sépare encore du continent, visible en face avec ses plateaux enneigés. Nous démarrons à 8h, et après avoir franchi le passage randonneurs d'une clôture à rennes, nous atteignons la route qui après quelques kilomètres va nous mener au Tunnel qui nous fera quitter Magerøya. Sur une petite moitié de la distance nous évitons le bitume pour suivre de plus près le littoral, au son  des mouettes, sternes, canards et autres oiseaux arctiques.

Nous passons près de multiples cabines, les "hytta", villégiatures si prisées des norvégiens. Dans la douceur de ce matin estival (j'enregistre 19 à 21°C pendant cette balade littorale), je me prends à rêver à y passer une semaine de farniente, profitant d'un bateau dans son hangar, d'une piscine hors sol chauffée au bois ou d'un sauna ... puis l'image de l'hiver se superpose à ma rêverie et je frissonne ... Marchons ! Les nuits d'été sont au Sud !

quand nous ne sommes pas sur la route
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puzzle ...
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Juste avant le tunnel c'est la pause en profitant du bâtiment abritant les toilettes du parking à la sortie du Nordkapp Tunnel. Il y a à l'extérieur une partie abritée avec une façade en bois à claire-voie, qui nous permet d'aérer / sécher toiles de tente et couchages. Évidemment c'est juste là qu'une ondée se manifeste, mais elle n'entrave pas trop notre séchage. Il y a aussi des prises électriques bien utiles pour recompléter des batteries. Nous discutons quelques instants avec un couple de cyclo-randonneurs belges qui viennent de franchir le tunnel, et vont bientôt terminer au Nordkapp leur remontée de la Norvège : admiration réciproque, pour nous qui sommes sur le départ à pied dans l'autre sens ... Je ne réalise toujours pas l'énormité de ce dans quoi je m'engage ! Même à l'heure d'écrire ces lignes avec à ma disposition une masse de souvenirs, photos, vidéos et notes, je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Une autre rencontre est manquée quand pendant notre pause nous voyons sur la route un marcheur (lourdement chargé), arrivant de la direction du tunnel mais qui ne fera pas le détour vers le parking. Juste un signe de mains échangé à 100m de distance, dommage. Nous n'en verrons pas d'autre avant très longtemps ...

avant le tunnel, un pont
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la pause avant le tunnel
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Le Nordkapp Tunnel mesure 6,870 km et descend à une profondeur de -212m sous le niveau de la mer : depuis les débuts de ma préparation j'envisage sa traversée avec gourmandise, comme un gamin rêvant devant une attraction de fête foraine. C'est une expérience décalée avec tout le reste de l'aventure, une plongée dans l'hyper-civilisation quand tout le reste est une tentative pour la tenir à l'écart. Nos frontales vont connaitre ici leur seul usage avant longtemps : celle de Sophie est plus puissante et elle marchera en tête pour nous signaler aux véhicules, et moi derrière avec ma lumière clignotante rouge. Le tunnel est pourvu de trottoirs de chaque côté et sur toute sa longueur, on peut y marcher en relative sécurité. En revanche il ne faut pas négliger de se munir de bouchons d'oreilles, car les sons des véhicules portés et répercutés par la voûte sont assourdissants. Le bruit est insupportable avant même que les phares des véhicules en approche ne soient visibles...

quand faut y aller, faut y aller ...(et parlez plus fort, j'ai mes bouchons d'oreilles)
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Dès l'entrée la température chute à 10°C, et elle ne va cesser de descendre. J'enregistrerai 7°C à l'approche de la sortie, le tout dans 100% d'humidité : les polaires sont enfilées sous les coupe-vents afin de rendre cette traversée plus confortable. Le flot de voitures, camping-cars, motos, camions et bus est régulier mais pas trop intense. Il y a même des moments de calme où seuls nos pas et des sons de ventilation sont à entendre. Nous pourrons saluer quelques rares cyclistes, et en dehors de quelques prises de vue la traversée se fera sur nos pilotes automatiques respectifs : difficile de tenir une conversation avec nos bouchons d'oreille d'une part, le vrombissement des moteurs d'autre part. Forcément il n'y aura pas de GPS pour nous permettre de nous repérer dans notre progression : la signalisation au niveau des refuges d'urgence nous donnera cependant des informations au mètre près, et des panneaux lumineux à destination des automobilistes nous offriront des décomptes arrondis au kilomètre. Après 1h30 la lumière naturelle se fera enfin voir, avant que d'enfin déboucher au grand jour sous un grand soleil.

Nous reprenons d'un coup 10° pour arriver dans une petite baie, et nous nous décalons en direction de la mer pour une longue pause déjeuner adossés à un rocher.

altitude -212m
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et la lumière revint ...
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en voilà 2 qui vont avoir du boulot !
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Les lieux marquent un changement majeur dans notre marche : ces 2 derniers jours nous avons toujours marché proches d'une route et donc de lieux fréquentés. Ici nous allons bifurquer pour nous en éloigner radicalement, sans aucune route à croiser ou seulement apercevoir sur 75 km, lorsque nous ferons le crochet par Olderfjord pour ravitailler. À partir d'ici il va nous falloir être réellement autonomes, et respecter un certain timing pour ne pas tomber à court des 3 jours de vivres qui nous restent. Nous apercevons encore quelques humains dans leurs véhicules ressortant du tunnel ou s'y engouffrant, puis traversons la route pour nous engager dans le fond de la vallée.

adios tunnel et Nordkapp
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Un marquage de l'E1 nous rassure quant aux exigences de la navigation, et même si nous avons l'impression de perdre tout chemin après quelques dizaines de mètres, nous retrouvons vite un sentier en bonne et due forme. Nous suivons la Fisketindelva, torrent de montagne qui sera notre première traversée de cours d'eau à pieds mouillés. Sophie enfile ses chaussettes imperméables, mais je fais sans, histoire de voir si je sais le supporter. De l'autre côté la remontée est raide sur 200m D+ à même la pente, puis oblique en balcon pour une marche très agréable. Ce sont là nos premières sensations de montagne, tout du moins dans notre ressenti des paysages car nous n'excèderons pas 250m d'altitude aujourd'hui ... Si quelques bouleaux s'accrochent aux pentes vers le fond de la vallée, ils disparaissent dès l'ascension des premières dizaines de mètres. Les plus infimes variations d'altitude ont ici un impact considérable sur le couvert végétal.

la Fisketindelva ...
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... et les préparatifs de sa traversée
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enfin, du dénivelé !
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du balcon ...
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bref, de la montagne ... à 250 m d'altitude. Au fond, le Fisketinvatnet (le lac) et le Fisketind (le sommet, 491m)
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Derrière nous une belle vue se dégage sur Magerøya et le port d'Honningsvåg qui s'éloignent désormais au rythme de nos pas. Fini le Cap Nord, nous marchons désormais sur le continent, toujours un peu moins au Nord. Par centième de degré, le GPS me renseigne sur la latitude qui diminue. Frustration de l'itinérance : je ne fais que passer ...

derrière nous, Magerøya et Honningsvåg
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Au rythme des cairns peints d'un T rouge, et après une ravine contournée car encore encombrée d'une neige fragile par-dessus un petit torrent, le passage en balcon s'achève par un retour sur la Fisketindelva qu'il nous faut traverser à nouveau. Quelques gros rochers vers lesquels la marque nous a guidés sont là pour y aider, mais il faut quand même remettre les pieds à l'eau en cette fin de fonte des neiges. Sophie ne sent pour l'instant pas la différence entre les chaussettes imperméables qu'elle porte et d'autres, et pour ma part je n'ai toujours pas essayé. Nous remontons maintenant en douceur un vallon par une piste de quad plutôt qu'un sentier. C'est l'occasion de constater que le chemin et le marquage sont à l'écart de là où OSM les positionne, tandis que la cartographie norvégienne est conforme : début d'une longue période où il nous faudra perpétuellement arbitrer entre chemin (éventuellement) visible au sol, marquage, carte norvégienne, carte OSM et trace gpx de l'E1 dans mon téléphone, notions bien distinctes qui ne convergeront pas toujours ...

retour à la Fisketindelva
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en évitant les ponts de neige
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Dans la douceur et la lumière ambiante nous n'avions pas autrement remarqué que le ciel s'était un peu chargé, et une petite ondée va nous faire renfiler une couche protectrice. La pluie est tellement légère que je me contente du coupe-vent, ne voulant pas avoir trop chaud car il fait toujours très doux. Elle passe en quelques minutes, puis reprend légèrement quand nous approchons d'un petit col avant que de redescendre vers la mer et un fjord de l'autre côté. Nous pensons n'avoir affaire qu'à quelques gouttes, mais la pluie va se faire insistante : trop tard pour moi pour troquer coupe-vent contre veste de pluie, je suis déjà bien mouillé et ne veux pas ouvrir mon sac aux éléments. Nous nous faisons proprement "saucer" tandis que nous descendons la piste détrempée (attention, ça glisse !), heureusement sans prendre froid. Dans une humidité étouffante, le ressenti est proche de celui du Pays Basque ...

nous ne faisons pas attention au temps qui se couvre. Pourtant, sur les photos c'est manifeste !
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avant-goût de fonte des neiges
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mouillés
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La pluie cesse quand nous atteignons le fond de la vallée et du fjord (le Lafjorden), avec une large rivière à traverser et de l'eau jusqu'au mollets. Avec un picotis à un pied, Sophie s'arrête pour réajuster chaussures et chaussettes (les imperméables ...) pour aussitôt constater un début d'ampoule. Sans attendre nous le couvrons d'un élastoplaste, et maudissons les chaussettes "imperméables" qui n'en sont pas et en plus génèrent des frottements.

Le soleil revenu et nous offrant de beaux arc-en-ciel dans l'orage qui s'éloigne, nous remontons une colline où nous allons faire une dernière pause. Le soleil nous réchauffe et nous sèche, abrités du vent par un gros cube de pierres qui a dû être le socle d'un poteau télégraphique disparu. La vue est unique, sauvage, même si nous apercevons quelques cabanes de pêche ici et là sur les rives du large fjord.

séchés
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récompensés
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arc en ciel tronçonné
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Nous repartons pour une dernière session destinée à trouver notre site de bivouac, laquelle ne saurait se trouver avant que d'avoir traversé un torrent plus encaissé, puis une large zone ondulante et marécageuse (ici, les zones humides se moquent allègrement de la déclivité). Notre itinéraire suit les traces du passage répété des quads des éleveurs de rennes, lesquels créent par endroit de vastes bourbiers parfois pénibles à contourner. Les conducteurs de quads aussi cherchent à les contourner, détruisant un peu plus la surface de la tourbière et élargissant le problème à chaque passage ... J'avais prévenu Sophie que pour apprécier la balade il fallait accepter d'avoir les pieds mouillés : elle entreprend ces zones détrempées et boueuses avec détermination sans se laisser démonter ou décourager.

un franchissement plus délicat
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Au final nous progressons quand même, et le sol redevient ferme et solide quand nous retrouvons la rive du Lafjorden à hauteur d'une cabane de pêche occupée par son propriétaire. Ce sont ses chiens qui nous accueillent en aboyant, mais accepterons nos caresses. Nous nous essayons à un début de conversation avec ce pêcheur plutôt âgé, qui maîtrise quelques mots d'anglais mais sans plus. Nous lui disons vouloir bivouaquer un peu plus loin le long du rivage, et il sait nous faire comprendre que c'est du chemin facile et que nous y trouverons de beaux emplacements. Un petit salut en repartant après cette demie-conversation : nous laissons là le seul être humain rencontré aujourd'hui depuis la sortie du Nordkapp Tunnel, et le seul aussi avant d'arriver dans 2 jours à Olderfjord ... En tout, 75 km avec cette seule rencontre !

mine de rien, c'est le dernier retour à l'océan prévu avant Lindesnes ...
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Longer le fjord se fait par une alternance de dalles rocheuses, lesquelles séparent les marécages du rivage. Elles sont entrecoupées  de petites "gorges" de 1 ou 2 m de profondeurs, tantôt caillouteuses ou herbeuses. Le rivage proprement dit est victime des débris divers que l'océan lui ramène : bouées et filets de pêche, palettes et pièces de bois divers, plastiques évidemment et malheureusement ... Leur accumulation est d'autant plus forte que nous sommes proches du fond du fjord d'où les courants et tempêtes ne peuvent plus les faire ressortir, juste déplacer de plage en plage ... La carte indique que nous couperons quelques cours d'eau où faire le plein préalable au bivouac, que nous allons prendre sur une magnifique petite plaine d'herbe, à côté des soubassements de pierres et de ciment d'un bâtiment disparu. L'eau que nous prenons nous arrive filtrée par les marécages et tourbières, et les tanins lui donnent une couleur jaunâtre qui nous incitent à la filtrer. Par la suite (et sans Sophie), je boirai sans filtre de cette eau des tourbières sans que ce soit un problème.

Le site est magnifique face au soleil noctambule : il prend une place de choix dans la liste de mes plus beaux bivouacs, même s'il faudra composer avec les moustiques après avoir dîné ... Les panneaux solaires sont installés face au Nord pour recharger au mieux pendant la "nuit" : efficace par un aussi beau temps.

bientôt 23h
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à suivre ...

Vidéo J02

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Dernière modification par Hervé27 (08-09-2023 12:27:19)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
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#227 08-09-2023 13:47:24

ludof
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Merci pour cette suite.

Original effectivement cette traversée de tunnel, l'occasion d'emmagasiner un peu d'air pollué avant des semaines d'air pur  big_smile

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#228 08-09-2023 15:31:53

WouinWouin
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

1h30 de tunnel  eek

Toujours aussi agréable de te lire  smile

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#229 10-09-2023 13:22:09

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Jeudi 22 juin 2023 J03
Langnes - Stohpojohka
33 km +730m -409m marche 9h21 pauses 3h04
Vidéo J03

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La nuit a été très douce et ensoleillée, mais un vent insistant s'installe au matin. Même s'il empêche la tente de trop chauffer au soleil, impossible pour moi de dormir après 5h, alors je me fais chauffer un café pendant que Sophie somnole encore un peu. Les derniers moustiques que le vent n'a pas encore chassé sont réfugiés entre toile de tente et moustiquaire. À l'heure du départ, au bleu lumineux du ciel répond le bleu sombre des eaux du fjord, agitées par les risées.

Nous réempaquetons méthodiquement, faisant ou re-faisant l'acquisition de nos automatismes d'itinérance : chaque chose à sa place et à chaque place une chose, afin de ne rien perdre ou oublier ... et pourtant si ! Les chaussettes imper-respi de Sophie étaient à sécher sur le muret ruiné de la cabine disparue : elles vont y rester jusqu'à ce que quelqu'un les y trouve roll . De toute façon elles n'ont pas convaincu Sophie : pieds mouillés et ampoules, autant dire que l'oubli est un acte du subconscient. Je n'ai même pas essayé les miennes, elles prendront le chemin du retour dans l'avion avec Sophie ... Tous les deux nous nous en sortirons très bien avec nos chaussettes de marche classiques (les X-socks : Run Discovery pour moi, Outdoor Low Cut pour Sophie).

Mon panneau solaire tourné au Nord a parfaitement rechargé mes appareils pendant la nuit : powerbank et téléphone sont quasiment au taquet, et le violent soleil d'aujourd'hui permettra de ne pratiquement pas quitter les 100% de charge, malgré une utilisation plutôt intensive (cartographie, enregistrement de la trace, photos / vidéos ...). Sophie connaitra plus de misères, car si mon vieux Stodeus (panneau solaire + powerbank tout-en-un) fonctionne à merveille, son téléphone a tendance à s'ouvrir automatiquement en mode photo sans prévenir, le vidant de sa charge si elle ne s'en rend pas compte à temps. Comme elle l'utilise assez peu, se reposant sur moi pour la cartographie, ce ne sera toutefois pas un souci majeur.

Les 16°C du petit matin se sont transformés en 24°C quand nous nous mettons en marche à 8h. Le vent modère le ressenti, mais nous sommes ébahis des conditions : pas vraiment ce pour quoi nous nous étions mentalement préparés. Le programme d'aujourd'hui doit nous faire traverser le vaste plateau de Porsangerhalvøya, et tutoyer les 500m d'altitude : ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais dans l'Arctique le dénivelé compte triple : déjà qu'ici au niveau de la mer nous avons des paysages valant 2000m à nos latitudes, faites le calcul ... La douceur et le soleil nous rassurent, mais le vent pourrait s'avérer pénible ...

Nous nous lançons donc à finir de remonter les rives du fjord, allant d'une plage à l'autre et croisant encore la cabane (entière, celle-là) de Langnes telle que nommée sur les cartes. En-dehors des aller-retours ferroviaires et hors itinéraire que je ferai pour les besoins de ravitaillement & repos à Narvik puis Mo I Rana, c'est ici mon dernier contact avec l'océan jusqu'à Lindesnes.

l'océan recrache ici ce que le monde lui a abandonné
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le jour du dernier contact
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bleu d'azur et bleu marine
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Passée la dernière plage, nous suivons les cairns et les T rouges qui s'engagent le long de la Bealččajohka (en sami) / Austerbotnelva (en norvégien), dont la vallée remonte en douceur vers le plateau. Les maigres forêts de bouleaux que nous voyons de loin lui donnent un charme idyllique après la toundra plus ou moins marécageuse d'où nous venons. Avec le vent toujours présent (il ne faiblira pas avant le soir) et l'appréhension de conditions peut-être plus difficile sur les crêtes du plateau, un spot abrité et ombragé à proximité du torrent nous incitera à anticiper une pause dite "petit-déjeuner", après seulement 1h30 de marche. Nous allons y lézarder une bonne heure, à peine gênés par les quelques moustiques qui, comme nous, y prennent refuge du vent.

direction la vallée et sa "forêt"
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collection
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montée en douceur
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vue arrière sur le Lafjorden que nous quittons pour la montagne
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pause anticipée dans le peu d'ombre disponible
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Avec la fonte des neiges il faut se mouiller les pieds pour franchir le torrent un peu plus loin, et pour moi ce sera 3 fois de suite car je réalise que j'ai laissé derrière l'attache par laquelle je sécurise mon téléphone autour de mon cou. Je m'en rends compte après quelques minutes, mais seulement après avoir immergé mes chaussures une première fois dans le torrent ... Quand on n'a pas de tête il faut des jambes pour compenser : moi qui parlait d'automatismes ... C'est à cette occasion que Sophie réalise que ses chaussettes sont restées sur notre plage de bivouac : tant pis, pas envie de 3 h de marche supplémentaire pour les récupérer, surtout si c'est pour ne plus les porter ...

franchissement
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La montée vers le plateau est régulière et très facile, à suivre les marques du DNT même si il faut traverser quelques spots marécageux. La trace ne correspond pas à ma carte, qui me disait que le chemin devait ici suivre une clôture à rennes, mais c'est plus court et sans difficulté. Nous laissons derrière nous les derniers bouleaux avant d'évoluer à nouveau dans la toundra, avec une vue qui ne se dégage d'abord que derrière nous, révélant l'océan et les fjords qui s'éloignent lentement. La végétation rase, à peine sortie de la gangue de neige qui la recouvrait encore il y a quelques jours, est encore bien jaune. Nous marchons environ 1h30 avant de parvenir à l'extrémité d'un beau lac allongé, où un cube sombre émerge de l'herbe rase. Il s'agit de la petite cabane cubique de Várdánčohkka, 1er abri randonneur croisé sur l'itinéraire.

Retour à la steppe. Derrière, l'océan s'éloigne au rythme de nos pas
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l'immensité comme sur un plateau
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lac et cabane à Várdánčohkka
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Pour moi c'est une petite émotion car d'une certaine manière je connaissais déjà cet abri, de par les récits lus et les vidéos visionnées de précédents marcheurs du NPL. J'en sais assez sur cette cabane pour remarquer que la porte a été refaite à neuf depuis l'an dernier, et d'ailleurs la vieille porte repose sur un côté de la minuscule bâtisse. L'abri de peut-être 2,5 m de côté est d'une simplicité extrême : 2 lits superposés, 1 table, 1 chaise, des affaires diverses casées dans tous les recoins disponibles, des murs lambrissés, 1 large fenêtre carrée donnant pleine vue sur le lac, décorée de photogéniques bois de rennes. Nous y profitons de l'abri du vent pour une nouvelle pause capuccino - grignotage de 3/4 d'heure, ainsi que pour laisser trace écrite de notre passage dans le "hyttebok". Déjà je prends l'habitude d'y rapporter le n° de notre jour de marche, de même que le kilométrage. J'en ferai ainsi jusqu'au dernier jour, dans le livre d'or du gardien de phare de Lindesnes cool . Je remonte aussi le temps au fil des pages du registre qui couvre plusieurs années de visites, et y trouve les petits mots de tous ceux qui m'avaient précédemment renseignés par leur récits, me faisant prendre un peu plus conscience que ma propre aventure se réalise dans leurs traces, et que leurs histoires vues sur écran n'étaient pas que virtuelles ...

hyttebok
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un peu de déco
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un peu d'histoire : ces cabanes ouvertes sont l'œuvre de passionnés avec le sens du partage, remercions-les !
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à l'heure de repartir : un cube de 2,5m de côté, je ne saurais mieux la présenter
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Nous repartons vers 12h30, avec des muscles bien refroidis et endoloris. Le redémarrage est un peu difficile, et comme je l'ai écrit précédemment je ne me suis pas beaucoup affûté en prévision de ce périple. Il me faudra un certain temps avant de me sentir en mesure de pousser les feux des kilométrages quotidiens. Sophie et moi avons bien fait de fixer la cadence de ces 10 jours à 30 km, plus eut été déraisonnable.

Le vent est toujours là, désormais sans obstacle pour le casser / ralentir. Il est permanent, soûlant, fatigant ... C'est l'unique bémol à mettre à cette journée éblouissante, sur du terrain plutôt facile et des vues à 360° sur l'immensité encore partiellement enneigée. Nos traversées de névés sont rares, car l'itinéraire épouse un fil de crête rectiligne perpétuellement exposé au soleil. La neige est réfugiée dans les creux les plus profonds et les pentes tournées vers l'Est, là où le chaud soleil de l'après-midi donne le moins. Longeant de nombreux lacs de toute taille, notre orientation est d'autant plus facile que la plupart du temps, nous n'avons qu'à suivre la clôture à rennes. Difficile de la perdre !

lac de Várdánčohkka derrière nous
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de beaux restants de neige, mais plus assez pour entraver en quoi que ce soit notre progression. Une marcheuse qui m'a précédé et que je rattraperai plus tard me montrera des photos impressionnantes des mêmes lieux seulement 3 semaines plus tôt ...
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Clôture sans fin
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Nos sens sont saturés par toutes les nouveautés de cet environnement : les vifs contrastes de lumière entre ciel, soleil, lacs, roches et neige, le vent constant, les oiseaux arctiques qui piaillent plus qu'ils ne chantent ... Nous ne savons pas sur l'instant mettre de noms sur la faune, mais je peux a posteriori nommer les Labbes à longue queue (Arctic Jäeger) qui nous foncent dessus en piqué pour nous éloigner de leurs nids, les Lagopèdes alpins (Ptarmigan) qui couvent leurs nichées, les Bécasseaux au sifflement monotone qui forment le fond sonore permanent ... Etrangement, quittée l'île de Magerøya, nous n'avons plus vu aucun renne : mais alors, quand servent ces centaines de kilomètres de clôtures ? Il me faudra longtemps, jusqu'en Finlande, pour en voir à nouveau.

nous franchissons à peine les 400m d'altitude ...
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attaque d'un "Arctic Jäeger" ou "Labbe à longue queue". On finira par s'y habituer tant ces postures défensives seront nombreuses sur notre chemin
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Lagopède à la couvée en plein chemin. Avec un tel camouflage, il faut prendre garde où l'on pose les pieds !
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C'est long, c'est monotone, c'est désolé, c'est beau ... Entre soleil, vent et neige, nous traversons aujourd'hui une terre de feu et de glace. Nous suivons longtemps le fil de crête, y faisant une pause supplémentaire adossés à une barre rocheuse à l'abri du vent. Sans ce dernier, les 19°C que je mesure encore quand nous frôlons les 500m d'altitude sont très agréables dans le soleil. En revanche, les mares de fonte constituent les seules ressources en eau, au point que cela devient une préoccupation si nous ne voulons pas avoir à collecter et filtrer une eau stagnante.

Pas d'eau courante sur les crêtes, mais l'eau de la moindre mare est cristalline. Je filtrerai tant que je serai avec Sophie, histoire de pas risquer de gâcher la fête...
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Terre de glace et de feu sous le soleil impitoyable
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Il fait bon pour la pause à l'abri du vent. On s'aère ...
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plein les yeux !
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Il est 17h et l'après-midi bien avancé quand, enfin, nous pouvons décrocher et descendre une première "marche" vers la vallée en contrebas sur notre gauche. Il faut franchir un grand champ de neige un peu pentu, mais celle-ci est molle et sans risque de glissade. À son débouché nous pouvons recharger une eau claire bienvenue. Nous passons entre 2 grands lacs au prix du franchissement du large torrent d'eau glacée qui les relie : après avoir péniblement progressé d'une pierre affleurante et glissante à l'autre pour tenter de rester à pieds secs, Sophie capitule et me rejoint sur l'autre rive dans de grandes éclaboussures ...

on aurait pu le descendre en ramasse wink
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et la clôture, toujours la clôture ...
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Sophie, dépitée, abandonne ses pieds aux eaux froides
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Nous décrochons ensuite d'un 2ème palier vers la vallée suivante, pour arriver à un "gammu" dépouillé de son revêtement de tourbe traditionnelle, et dont la structure de planches est en piteux état. Je l'avais préalablement repéré et noté comme abri "précaire", et c'est bien le cas. À presque 18h nous commençons à avoir le bivouac en tête, mais cet abri ne nous tente pas. Les alentours se prêtent en revanche bien à planter la tente, mais j'avoue que le vent nous décourage. Le prochain abri en dur dans mes repérages est encore à 10 km, c'est peut-être encore beaucoup même si il n'y a pas de dénivelé significatif devant nous, juste suivre la longue vallée, ses lacs et ses marécages. L'idée de pouvoir bénéficier d'une option abritée du vent nous motive cependant, et malgré nos jambes lourdes et fatiguées nous allons patiemment égrener les kilomètres.

Gammu délabré, abri très précaire au sol de terre battue et où la pluie pénètre ... Pour les situations d'urgence uniquement ... En l'absence de tourbe pour le recouvrir, c'est comme si la construction avait été laissée inachevée il y a de nombreuses années, livrée aux éléments
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Dans ce beau temps et les ombres qui s'allongent, les alignements de cairns sont visibles sur d'incroyables distances, je vais parfois pouvoir en compter jusqu'à une quinzaine devant moi, laissant peu de doute quant à la direction à suivre. Ce n'est que là où il faut naviguer entre quelques lacs qu'il faudra être plus attentif, mais les quelques erreurs de navigation que nous commettons sont facilement réparées sur ce terrain dégagé. Nous nous habituons aussi au son régulier des "plouitch, plouitch" de nos pas à la surface des tourbières, qui empêchent les chaussures de sécher entre 2 traversées de torrent ...

On suit le fond de vallée sur un sol souvent spongieux, difficile de se perdre avec de longues lignes droites de cairn devant nous
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Maintenant que nous avons visé un abri en dur, plus question de changer d'option, même si nous ne marchons pas tout-à-fait aussi vite que nous le pensions, sur ce terrain où pratiquement aucun chemin n'est matérialisé au sol. Encore une fois une clôture sert de main courante, nous menant à la rivière la plus large que nous ayons eu à franchir jusqu'à présent. Large ne veut pas dire profonde (au contraire), et nous n'aurons pas d'eau au-dessus des mollets : cela n'interdit pas d'être prudents pour ne pas glisser et nous tremper. De l'autre côté une vague piste de quad longe la clôture qui remonte la pente, et nous allons pester dans les quelques ornières laissées par les roues motorisées. De la rivière à la cabane nous n'avons qu'un peu plus d'1 km et seulement 60m de D+, mais nos corps fatigués sont à la peine ...

la grande traversée
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arrivée (enfin !) à Stohpojohka
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Cabane de Stohpojohka (vue du lendemain matin)
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La cabane de Stohpojohka n'offre que 2 lits, mais est assez vaste pour permettre à beaucoup plus de monde de s'installer au sol. Tables, chaises, poêle, nécessaire de cuisine, vaisselle, réserve de bois, bric-à-brac à disposition ... Dans le hyttebok, la dernière entrée est signée de Kim & Lucas, qui sont passés ici dans la matinée après leur bivouac ! Cela signifie que nous avons déjà rattrapé les 3/4 de leurs 2 jours d'avance au Nordkapp : ils ont dû arriver dans l'après-midi à Olderfjord où ils auront certainement fait halte pour la nuit. Désormais nous scruterons le chemin en quête de leurs empreintes de pas ... Il y a si peu de passage qu'après la pluie d'hier après-midi, toute trace fraiche que nous verrons ne pourra que leur appartenir.

Enfin coupés du vent nous pouvons faire nerveusement relâche. Nos couchages étalés sur nos lits respectifs, avec masques sur les yeux et bouchons d'oreille, la nuit sera reposante. Cette journée m'a laissé un souvenir intense : elle fut riche de lumières et de sensations, récompensant et justifiant notre fatigue.


à suivre ...


Vidéo J03

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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#230 12-09-2023 13:06:38

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Vendredi 23 juin J04
Stohpojohka - Olderfjord
21 km 217+ 530- marche 4h40 pauses 1h20
Cumul 131 km
Vidéo J04

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Sur de vrais lits et abrités du vent, la nuit dans la cabane de Stohpojohka nous apporte un vrai repos. Nous sommes contents d'avoir poussé jusqu'ici depuis 2 jours que nous avons quitté Magerøya et pénétré dans la montagne, car cela va nous permettre d'être à Olderfjord tôt dans l'après-midi. C'est notre première étape de ravitaillement, avant la grosse section de 160 km jusqu'à Maze. Si il y a de la place pour nous, le plan est de se loger en dur au camping et nous remettre à neuf : douche, lessive, ravito, restaurant, farniente ...

Il fait toujours beau ce matin et le vent est tombé : les températures toujours très douces n'en sont que plus sensibles, annonçant une chaude journée !

Après un coup de balai rapide passé derrière notre passage, nous quittons la cabane un peu avant 8h30, nous assurant de n'avoir rien laissé derrière nous. Le marquage des cairns nous fait descendre en pente douce vers la rivière (la Stohpojohka ...), pour un passage à gué et une immersion des chaussures dès les 5 premières minutes de marche. Ça tombe bien : Sophie avait pris soin d'enfiler ses chaussettes sèches pour aujourd'hui ...

Ai-je bien d'enfiler des chaussettes sèches ?
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Après la rivière nous arrivons bien vite à une bonne piste de quad, et en-dehors de quelques ornières dans les pentes et des passages humides à hauteur de certains ruisseaux ou déversoirs de petits lacs, la suite de l'itinéraire sera facile. Nous sommes très "relax" ce matin, car nous n'avons qu'une vingtaine de kilomètres à faire. Nos esprits se libèrent de l'obligation de constamment veiller à là où nous posons les pieds, permettant de perdre nos regards vers les collines ondulantes et encore enneigées qui entourent notre steppe.

vue arrière d'où nous venons ...
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... et devant nous
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Peu à peu nous voyons le terrain s'ouvrir devant nous vers l'Est, indiquant la vallée descendant vers l'océan et notre destination d'Olderfjord. Le corollaire est que nous retrouvons du réseau, nous permettant d'échanger via Instagram avec Kim & Lucas qui nous précèdent. Ils prévoient de quitter Olderfjord peu après midi, trop tôt pour que nous les y retrouvions. Leur avance sur nous est néanmoins très mince, et nous ne manquerons pas de les rattraper dans la longue section jusqu'à Maze.

Difficile de croire qu'on a déjà trop chaud ...
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lac et ornières
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un zeste de marécage, juste un zeste
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A plusieurs reprises dans le Finnmark je croiserai des boîtes aux lettres contenant des fiches avec des codes et références, m'interrogeant sur leur fonction exacte : jeu de piste, compétition quelconque ? Cela correspond en réalité à des balises de circuits de randonnée en mode interactif (cf perletur.no). Je n'ai pas tout compris aux principes de fonctionnement, mais cela ajoute au fait que les scandinaves ont poussé l'intégration des technologies numériques jusque dans les lieux les plus reculés ...

du courrier ?
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En l'absence de vent et avec le soleil qui monte, les températures s'élèvent doucettement : nous descendons vers les bords d'un lac pour une pause confortable, dont il sera un peu difficile de repartir. Mon thermomètre indique 25°C, et il nous reste 10 km à marcher au chaud soleil de la mi-journée, sachant qu'il nous reste encore ~200m D- à descendre du plateau où nous avons marché jusqu'à présent.

repos !
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celle-ci ne redémarrera pas facilement
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bientôt la mer !
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Lorsqu'enfin le chemin se met à descendre, l'environnement change avec une rapidité toujours aussi surprenante : la toundra laisse place à la forêt de bouleaux, et les steppes rases qui s'étendaient à l'infini sont remplacées par des collines abondamment boisées descendant vers des torrents tumultueux. C'est aussi la civilisation qui revient : la route se fait visible et audible, nous passons sous une ligne à haute tension, une antenne-relais nous domine ...

redescente vers la civilisation
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Quand nous touchons l'asphalte de la route, il nous faut ignorer le marquage de l'E1 qui nous ferait la traverser et tirer tout droit. Le sentier ne passe en effet pas par Olderfjord, ce sont les obligations du ravitaillement qui font qu'il nous faut faire un détour bitumé de 8 km, et presque autant demain pour rattraper l'itinéraire un peu plus loin ... Il fait maintenant bien chaud avec 28°C, et notre transpiration n'est modérée que par la descente en pente douce vers la mer. Les véhicules sont rares, et nous aurons la surprise qu'un conducteur de quad croisé dans l'autre sens fasse demi-tour pour revenir à notre rencontre, juste pour le plaisir d'avoir une discussion avec 2 randonneurs  calin ... Il est le premier être humain rencontré depuis le pêcheur du Lafjorden il y a 2 jours ... Si on ne parle guère d'autre chose que de la pluie et du beau temps, c'est pour confirmer que nous n'avons eu que l'illusion d'avoir les pieds mouillés : c'est une véritable sécheresse qui a cours ici, et il serait temps qu'il pleuve ...

pendant quelques secondes, nous sommes à l'ombre ...
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rêverie rafraichissante en bord de route. Qui veut une glace ?
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on y est presque !
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Nous arrivons à 14h30 à hauteur du carrefour routier d'Olderfjord, où toutes les activités commerciales sont concentrées. Nous y étions brièvement passés lundi dernier (il y a seulement 4 jours ...), le temps de changer de bus tandis que nous transitions d'Alta à Honningsvåg. Nous nous adressons au magasin de souvenirs pour prendre place au camping, où nous louons une petite cabine pour la nuit. Il y en 2 de ce type à l'arrière de l'hôtel, les randonneurs & cyclo-touristes semblent y être abonnés. Il faut garder les fenêtres ouvertes pour ne pas y avoir trop chaud et nous craignons d'y être envahis de moustiques, mais finalement nous serons tranquilles. On nous avance des pièces de 20 couronnes de la caisse du magasin pour nous permettre de prendre nos douches, mais pour la lessive nous en avons si peu que nous nous contenterons de la faire à la main.

Hypercentre d'Olderfjord
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Cabines n°10 et 11 du camping d'Olderfjord. Les marcheurs du NPL et de l'E1 s'y reconnaitront ...
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La gare routière / hôtel / camping / restaurant / magasin de souvenirs du Russenes Hôtel où nous sommes vend un peu d'alimentation, ou plutôt des produits locaux sous forme d'épicerie fine, mais il suffit de marcher quelques centaines de mètres de plus pour la Station Service / Supermarché / Bar pour y faire des courses en bonne et due forme. A priori nous savons tenir le minima de 30 km de marche quotidienne, aussi nous traduisons en 5 jours de vivres les 158 km de la cartographie. De toute façon on en prend toujours trop, et si nous étions retardés il serait toujours possible d'économiser et faire durer un peu plus ... Tous les supermarchés / supérettes que je croiserai seront toujours excellemment bien achalandés, et il sera facile d'y retrouver le menu-type qui bientôt va s'établir :

- tortillas pour les pauses casse-croûtes en journée
- sauces au choix pour les tortillas : barbecue, aïoli, mangue-curry ...
- paquets de chips (que je perce, broye et compacte méthodiquement) : multitude de choix, j'en prévois 1/2 par jour au début, puis ce sera 1 par jour ... Ainsi pulvérisées, elles se mangent à la petite cuillère, c'est pourquoi je les rebaptise "spoon chips", au grand amusement de ceux avec qui j'en partagerai la "recette" lol
- assortiment graines & fruits secs
- "real turmat" : plats lyophilisés "certifiés" par le DNT, j'en chargerai toujours un pour chaque section, que je réserverai au dîner des journées les plus éprouvantes (c'est un peu cher l'unité ...)
- nouilles chinoises, soupes ou purée (type Mousline) pour les dîners
- fromage (j'ai toujours trouvé des triangles de Parmesan : un peu chers mais se conservent très bien à température ambiante). Le mariage avec la purée ou les soupes relève la saveur du dîner.
- tablettes de chocolat : mes rations quotidiennes monteront à 200 g !
- pâte à tartiner "Nugatti" (imitation Nutella) tongue , par pots de 500 g en plastique pour préserver ma conscience légère. A étaler sur des tortillas ou directement dans le pot à la cuillère tongue tongue
- dosettes café + dosettes chocolat chaud, ces dernières excellentes. J'en viendrai à préférer ces chocolats chauds au café, c'est dire ...
- parfois des barres de céréales, mais je ne trouverai jamais rien d'équivalent aux Isostars, aussi je finirai par ne plus en acheter
- parfois des biscuits, ou des pains Wasa

Notre réserve d'alcool à brûler (1 litre chargé à Alta) est à peine entamée. Nous pouvons juste nous débarrasser de la bouteille d'origine et nous limiter à nos 2 flacons de 500 et 250 ml, de quoi tenir encore 10 jours à nous 2.

ravito 5 jours 1 personne
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le même en sac étanche
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En revenant de nos courses, je note bien un gros sac à dos adossé au mur de la cafétéria où nous comptons dîner tout-à-l'heure, mais je ne sais dire si son propriétaire est attablé ici ou s'il est à l'intérieur. Impossible également de dire si il/elle est arrivé à pieds, en bus ou autre ... Une rencontre manquée ? Nous notons au passage que le restaurant ferme tôt, et c'est dès 18h que nous revenons y dîner. Nous y évoluons pieds nus pour mieux faire relâche, surprenant un peu les (rares) autres convives ...

Accueil de la caféteria sous haute protection
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du renne au menu ...
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À l'heure de nous coucher, nous convenons de ne pas nous presser demain matin. Visiblement Sophie en a besoin, nul besoin d'en faire trop. Les prévisions météo annoncent bien un peu de pluie possible dans 2 jours, mais rien de significatif. Au moins pour demain, c'est toujours du grand soleil.

Durant la nuit, je profite du soleil de minuit lorsque je me relève pour aller jusqu'aux toilettes du camping. Déjà une semaine que nous ne l'avons plus vu se coucher !

1h55 du matin
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à suivre ...


Vidéo J04

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#231 12-09-2023 13:35:29

Matt81
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Toujours une régalade ce début de balade trans-scandinave par procuration. Surtout avec cette météo !
Aussi productif via le média numérique qu'en km marchés wink
J'espère que tu nous gratifieras en images également de quelques rencontres, à l'occasion, en plus du texte.

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#232 12-09-2023 14:02:20

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Matt81 a écrit :

#690443J'espère que tu nous gratifieras en images également de quelques rencontres, à l'occasion, en plus du texte.

ça viendra ... mais l'étape que je viens de décrire vient clore une section de 75 km où nous n'avons croisé qu'un seul être humain, et demain commence une autre section de 90 km (!) avant de retrouver des congénères, patience !

Je n'ai d'ailleurs pas toujours eu le réflexe de solliciter un selfie (je trouve ça plutôt gênant sur l'instant, même c'est vrai que cela illustre formidablement bien un récit).

Dernière modification par Hervé27 (14-09-2023 08:07:56)


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#233 12-09-2023 15:29:09

bernard_lyon
Μηδὲν ἄγαν
Lieu : Lyon
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Bon, de mon côté j'ai fini mon récit… je me réoriente vers la lecture de tes pérégrinations scandinaves !  smile


Mon trombi | Liste | HRP Banyuls-Alos d'Isil | GR738
"Le soleil n'est jamais si beau qu'un jour où l'on se met en route." (Jean Giono, "Que ma joie demeure")
Modification non explicitée : orthographe ou syntaxe

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#234 14-09-2023 12:47:36

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Samedi 24 juin 2023, J05
Olderfjord - Skáiddemohoaivi
24 km +573 -239 marche 5h57 pauses 2h14
Vidéo J05

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Grasse matinée aujourd'hui, il était décidé dès hier que nous nous mettrions en chemin sans violence pour une petite journée. Le temps reste magnifique, la lumière est déjà violente avec un soleil qui s'est élevé de sa torpeur de la "nuit". Seul un petit vent empêche la température de monter, et dégage les moustiques  cool . Nous ne nous pressons pas, mais notre cabanon chauffé au soleil nous invite tout de même à aller prendre l'air. Quand il n'est plus possible de tenir sous nos couettes, nous réempaquetons avec méthode, car il faut refermer nos sacs sur 5 jours de ravito prévus "large", au cas où il nous faudrait plus de temps que programmé pour rallier Maze.

La meilleure manière pour un départ en douceur, c'est d'aller s'offrir un café et une viennoiserie à la cafétéria, où nous nous décalons avec notre paquetage après avoir rendu notre clé. Les cafés sont vite bus, et voilà qu'à 10h30 le chrono de la journée est enclenché. Arrivés hier à 14h30, c'est presque une journée entière de repos que nous nous sommes offert : je la compte pour 1/2 journée sur les 3 jours zéro que j'entends m'accorder sur la traversée, mais elle en vaut bien 3/4 ...

Bois de renne sur renne de bois
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Pister et rattraper Kim & Lucas est en toile de fond de cette 2ème section qui s'engage : ils sont repartis d'Olderfjord hier à la mi-journée (dixit nos échanges Instagram), ils ont donc pratiquement repris une journée d'avance sur nous. C'est le côté le plus étonnant de ce "Grand Nord" : nous y avons souvent un excellent réseau dès lors que la vue est dégagée et/ou que nous nous rapprochons d'une route. Sophie fera remarquer que le signal est meilleur au fond de la toundra que dans notre petit village alsacien face à l'Allemagne et la Suisse ...

Corollaire de nous être détournés hier de l'E1 par la route pour ravitailler à Olderfjord, il faut recommencer ce matin roll . Nous sommes cette fois sur l'E6, la route principale qui sert de colonne vertébrale logistique à la Norvège. En ce tout début d'été le trafic n'est pas démentiel, les vacances n'ayant pas encore réellement commencé, et nous pouvons marcher assez tranquillement les 6 km qui nous séparent de l'intersection avec l'E1. Si Sophie s'était amusée à compter les rennes sur Magerøya (nous n'en avons plus vu aucun une fois sur le continent), ma distraction est de mesurer les kilomètres qui nous séparent de notre dernière rencontre humaine : nous n'avons plus croisé le moindre randonneur depuis l'entrée du Nordkapp Tunnel (km 50), soit 80 km derrière nous à notre départ d'Olderfjord (km 130), et un seul être humain (un pêcheur) sur les 75 km entre la sortie du Nordkapp Tunnel et l'arrivée sur la route d'Olderfjord hier après-midi. Le compteur des humains repart à zéro quand nous quittons la route et ses automobilistes au km 136 de l'aventure, mais celui des randonneurs est toujours à zéro sur 86 km. À quand les suivants ?

La route s'est élevée doucement le long de l'Olderfjorddalen, et nous sommes déjà à 200m d'altitude quand nous la quittons. Nous remontons dans la forêt de bouleaux au-dessus d'un cours d'eau arrivant d'un large lac. La forêt a été ravagée par les chenilles depuis les années 2000 : de nombreux arbres sont dépouillés avec le tronc noirci et beaucoup gisent à terre, mais d'autres s'accrochent et font mine de repartir. Au sol c'est le printemps, et nous marchons parfois dans l'herbe verte avec des tapis de petites fleurs jaunes ou blanches. Le marquage de peinture de l'E1 est impossible à manquer s'il s'appuie sur des cairns, mais là où la peinture était apposée sur les troncs des bouleaux c'est parfois plus difficile. Le chemin est inégalement matérialisé au sol : souvent évident, parfois évanescent ... Il faut apprendre à faire avec.

après la route
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un air de printemps
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Nous identifions peu d'empreintes de pas imprimées dans le sol et raisonnablement fraîches : peut-être 3 ou 4 types de semelles différentes allant dans la même direction que nous, ainsi que les pattes d'un chien. Kim & Lucas sont forcément parmi celles-ci, et nous jouons à tracer le portrait-robot du propriétaire de chaque semelle.

Nous arrivons près des rives du Davit Fránssajávri à l'heure et météo idéales pour la pause déjeuner. Il y a là une cabine inoccupée, et une dépendance juste au bord de l'eau faisant office de petit hangar à bateau. Nous nous assurons qu'il n'y a personne pour ne pas déranger, et allons nous adosser à l'abri du petit vent contre le mur de la dépendance. La discipline de se déchausser est maintenant bien ancrée : elle nous permettra d'éviter les ampoules les plus sévères avec les multiples traversées de rivières qui suivront. Celles que Sophie avait soigné après l'intermède des chaussettes imperméables se résorbent tranquillement, protégées par l'élastoplaste.

pas d'auvent mais pas au vent
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pieds à l'air (notez les chaussettes qui n'ont plus leur blancheur d'antan)
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Après la pause nous avons une petite section marécageuse à négocier autour du lac et au fil d'un chemin qui s'efface, avant de retrouver du sentier quand le chemin s'élève à nouveau vers le plateau. Nous laissons derrière et en-dessous de nous les derniers bouleaux à 250 m d'altitude, et revenons vers une toundra ondulante qui sera notre lot jusqu'à notre redescente vers Maze dans quelques jours.

après la pause lacustre
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chemin incertain et spongieux dans un cimetière de bouleaux
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et hop !
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quel plaisir de laisser le bouleau derrière soi !
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Nous continuons de trouver les mêmes empreintes sur le chemin, quand soudain Sophie est plus attentive que moi et s'étonne : d'aucuns ont marché pieds nus !

WTF ??
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Maintenant sur le plateau la vue porte au loin, révélant des collines enneigées dans de multiples directions. Les lacs que nous croisons sont de toutes tailles, et leur bleu profond absorbe l'intense luminosité du ciel d'azur. Nous marchons de cairn en cairn sur la végétation rase et sèche. La température tourne autour de 20°C, moins qu'hier donc, et avec un tout petit vent c'est très agréable, d'autant que cela limite la présence des moustiques.

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Vers 16h nous faisons une pause-sieste à l'ombre de quelques maigres bouleaux : les moustiques sont plus nombreux dans les spots abrités et ont le temps de rappliquer quand nous nous arrêtons, et nous allons enfiler nos couches de protection pour nous en isoler : coupe-vent, moustiquaire de tête, mains dans les poches, vêtements divers étendus sur nos jambes ... En y ajoutant le spray à la citronnelle et une crème répulsive, nous sommes blindés ! Plutôt efficace, car je vais arriver à dormir quelques instants !

ici, le bouleau indique la direction du repos
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sieste blindée
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c'est moche mais ça marche
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En marche nous avons toujours quelques moustiques, mais nous ne gardons nos moustiquaires que dans les endroits où on ne peut pas faire autrement. Elles gênent la vue, particulièrement quand comme nous on marche avec le soleil de face ...

Nous traversons plusieurs rivières, cherchant quelques alignements de pierres affleurantes pour préserver nos pieds, avec des résultats mitigés. Les zones de marécages ne sont pas détrempées, ce qui nous facilite la tâche en allant d'une motte à l'autre pour ne pas mettre les pieds dans la boue. Il faut scruter le terrain avec attention pour y repérer les marques, et c'est parfois difficile en l'absence de support naturel pour apposer une marque de peinture. Le marquage n'a visiblement pas été renouvelé depuis longtemps dans ce secteur, et beaucoup de marques sont presque effacées, quand d'autres reposaient sur des bouleaux nains maintenant morts et dont les troncs brisés gisent au sol. Entre le GPS, la carte et le terrain, il n'est heureusement pas difficile de rester sur l'itinéraire. Nous retrouverons le marquage à chaque fois, parfois après avoir fait notre propre itinéraire. Pieds parfois un peu mouillés mis à part, la progression reste facile même hors sentier.

on joue à la marelle ?
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Une colline plus haute que les autres nous amène vers 18h30 à l'altitude vertigineuse de 375m, et de là nous décidons de nous en tenir à nos plans d'une petite journée. Dès que nous aurons pu charger l'eau pour le bivouac, nous nous mettrons en recherche d'un spot. La rivière coule généreusement en contrebas, mais nous n'aurons pas besoin d'aller jusque là : dès le début de la descente nous trouvons un long névé délivrant un filet d'eau claire et fraiche, non loin d'un petit collet où il nous sera facile de trouver des replats adaptés. Nous sommes un peu au vent, mais il n'est pas supposé forcir cette nuit et nous pouvons nous installer.

ivresse des cimes
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Pour couronner le tout il y a un bon réseau, et je peux instagrammer ... Pas de nouvelles de Kim & Lucas, c'est donc qu'il sont encore loin devant nous, là où justement il n'y a probablement plus de réseau. Nous n'avons pas vu âme qui vive depuis la route : le décompte de la solitude totale n'est toutefois encore qu'à 18 km, mais celui des randonneurs (ou plutôt de leur absence) dépasse désormais les 100 km ...

Pioulou le Jeune et Pioulou l'Ancien, pour une fois en "altitude"
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à suivre ...


Vidéo J05

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#235 14-09-2023 12:54:15

Serval
Carpe diem
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#690639Nous continuons de trouver les mêmes empreintes sur le chemin, quand soudain Sophie est plus attentive que moi et s'étonne : d'aucuns ont marché pieds nus !

M'enfin, le Yéti a bien le droit de prendre des vacances touristiques de temps en temps, quand même !

(On ne dit rien, mais on suit assidument, hein wink )


(Modification non justifiée = orthographe, typo, etc.)

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« Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans [les voyages] que j'ai faits seul, et à pied. » (J.-J. Rousseau)

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#236 14-09-2023 18:50:07

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Serval a écrit :

#690640M'enfin, le Yéti a bien le droit de prendre des vacances touristiques de temps en temps, quand même !

Qui ça, le Yéti lol ?


Serval a écrit :

#690640(On ne dit rien, mais on suit assidument, hein wink )

Les compteurs rl me rassurent sur la présence des lecteurs silencieux cool . C'est parfois intimidant ...

En revanche sur Youtube, le Norge På Langs ne semble pas parler aux néophytes et n'attire pas foule cry : j'aurai dû refaire une HRP, ça m'aurait attiré plus de visionnage lol .

Mais peu importe, je ne monétise pas ...


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#237 14-09-2023 19:10:29

Magne2
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Norge etc cela ne parle ni  aux francophones ni aux anglophones  cool

Bon courage pour l'écriture.


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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#238 14-09-2023 19:54:21

Yapluka
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Et pourtant la musique se marie merveilleusement avec le paysage. Le tel est un peu réduit. Je vais me les visionner sur un grand écran. Attachez vos sceintures. On va decoller tongue

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#239 14-09-2023 21:54:40

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Magne2 a écrit :

#690671Norge etc cela ne parle ni  aux francophones ni aux anglophones  cool

Bon courage pour l'écriture.

Merci !

Plus qu’une question de langue, c’est une affaire de notoriété. Pas besoin par exemple de parler la langue Maorie pour identifier le Te Araroa.

Pour ce que j’en ai vu, je suis persuadé que dans peu d’années, le Norge På Langs se sera fait une notoriété à la mesure du grand trail qu’il est effectivement.

C’est juste qu’il est plus facile d’aller vers ce que l’on connaît déjà que vers l’inconnu.


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#240 15-09-2023 09:27:18

wwwfabien
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Et la surfréquentation des itinéraires connus et popularisés sur les réseaux attirera les randonneurs vers les itinéraires moins connus.
Quoique le Norge Pa Langs à comme protecteurs les moustiques...  tongue


Je suis ton récit et attend la suite avec impatience ;-)

Dernière modification par wwwfabien (15-09-2023 09:27:51)

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#241 16-09-2023 10:48:38

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Dimanche 25 juin 2023, J06
Skáiddemohoaivi - Bastingammen
39 km +555 -595 marche 9h49 pauses 3h22
Cumul 194 km
Vidéo #06

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La nuit fut encore belle et ensoleillée, comme en témoignent les quelques images que je fais vers 3 heures du matin. Le ciel va cependant se couvrir, et à l'heure de lever le camp nous nous retrouvons sous un ciel gris et un plafond bas. La température cette nuit est descendue jusqu'à 9°C, et ne remontera guère : il ne fait "que" 12°C quand nous démarrons juste après 8h. Puisque nous avons ici du réseau j'ai actualisé les prévisions météo sur mon téléphone : une petite pluie est annoncée pour la mi-journée et tout l'après-midi. Bref, un temps bien différent du chaud soleil des 3 derniers jours.

3h du mat' j'ai des frissons...
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... mais aujourd'hui, coupe-vent et veste de pluie sont de rigueur ...
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Nous n'avons pas de nouvelles de Kim & Lucas depuis le message qu'ils nous avaient envoyé avant qu'ils ne quittent Oldelfjord : nous allons donc continuer à les "pister" aujourd'hui, mais le terrain sera moins favorable à la recherche de leurs empreintes.

Nous descendons la colline de Skáiddemohoaivi, jusqu'à un coude de la Skáidielva, une rivière plutôt large qui coule en contrebas mais que nous sommes contents de ne pas avoir à franchir. Malgré notre solitude absolue depuis le départ d'Olderfjord, il y a des traces humaines dans ces paysages désolés sous le ciel sombre : le faible marquage de l'itinéraire, des clôtures à rennes et une ligne électrique qui nous permettent de bien faire le lien entre la carte et le terrain. Le marquage ici est ancien et il faut être attentif pour ne pas le perdre : il ne s'agit parfois que de quelques écailles de peinture rouge qui s'accrochent encore à l'écorce du tronc décharné d'un vieux bouleau nain émergeant à peine d'une tourbière ... Là où nous n'avons pas une clôture évidente à suivre, je fais sans cesse le lien entre le GPS et ma trace pré-enregistrée, effectuant de régulières corrections de trajectoire.

Il y a encore quelques névés dans les creux les plus marqués des ondulations du paysage, mais l'essentiel de la fonte des neiges est passé et nous n'avons jamais à en traverser. Par contre les franchissements de torrent sont fréquents, et il n'est pas toujours possible d'avoir assez de pierres affleurantes pour garder les pieds secs. Pas grave, nous nous sommes maintenant habitués aux pieds mouillés, pourvu que de s'arrêter au bon moment pour les aérer ... Entre les torrents, il faut négocier notre trajectoire avec les tourbières, parfois aidés par le marquage usé qui s'efforce de nous guider vers les sols les plus solides. La période est néanmoins anormalement sèche, et ces traversées des zones humides ne sont pas spécialement compliquées.

celui-là n'est pas difficile à traverser
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direction la clôture
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les bois de rennes décorent souvent les cairns
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Avec la fraîcheur les moustiques sont moins nombreux et agressifs, mais l'absence de soleil et la menace d'ondées n'invitent malgré tout pas à la pause en plein air. Nous voulons avancer le plus possible avant que la pluie annoncée n'arrive, et fixons notre objectif du matin vers un gammu (abri ouvert aux randonneurs) identifié durant mes préparatifs dans le récit d'Agniezska "Zebra" Dziadek, passée ici l'an dernier. C'est le seul abri en dur que nous pouvons espérer en journée, le suivant se situant à la limite de ce que j'estime être nos possibilités pour aujourd'hui (il faudrait marcher 40 km...). Il faut se détourner largement à 5 km de l'E1 pour y aller, en partie en hors sentier mais c'est chose facile sur ce terrain, et nous bifurquons donc à angle droit à l'écart de la marque. Magie du GPS, à mi-parcours du détour nous tombons pile sur une piste de quad que la carte mentionne, laquelle nous mène ensuite directement à notre objectif.

Situés à une extrémité de l'immense lac de Skáiddejávri, les 2 gammus de Skáiddevann forment une base de pêche idéale, que nous découvrons depuis la hauteur par laquelle nous arrivons. Des barques multicolores sont entreposées la quille en l'air, et peut-être allons-nous faire ici une rencontre ? Il n'en est rien et nous trouvons des lieux inoccupés : le plus grand des 2 gammus est visiblement privé et cadenassé, mais le second plus petit porte tous les signes que nous y sommes les bienvenus, à commencer par le "Velkommen" peint sur la porte calin . L'intérieur est enchanteur pour le randonneur fatigué et transi, avec couchages, couvertures, table et chaises, cuisine équipée, matériels divers ... Si loin de l'E1 il y a peu d'entrées sur le "Hyttebok", mais je retrouve bien celle d'Agniezska qui s'était arrêtée ici en septembre de l'année dernière avec Katharina, une allemande : je ne saurai assez les remercier du tuyau !

Nous avons marché presque 4 heures sans aucune pause et il est maintenant midi : Sophie et moi nous accordons pour un long arrêt, sieste incluse cool .

Skáidevanngammen
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l'abri ouvert est celui de gauche
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Au départ d'Olderfjord samedi matin nous avons tablé sur une arrivée à Máze dans la journée de jeudi, à condition de tenir le rythme de 30 km par jour. Sophie doit reprendre l'avion dimanche à Alta pour une arrivée en soirée à Paris, mais aimerait faire un peu de tourisme entre 2. Elle fait ses calculs et voit que, moyennant un peu d'effort, nous pourrions être à Máze dès mercredi soir, lui laissant ainsi plus de latitude. Pour ma part j'ai encore plus de 2 mois pour arriver à Lindesnes et nul besoin de me presser, mais la fille doit tenir de son père car ses cadences des prochains jours vont m'impressionner ...

Nous quittons à regret notre abri si cosy à 14h30, après un arrêt record de 2h45 et une vraie sieste, allongés sur de confortables matelas et dans le cocon douillet de chaudes couvertures. Après ça, renfiler chaussures et chaussettes mouillées est une épreuve ... Rattraper l'E1 est très facile depuis ici, car il faut le faire par une piste de 4x4 qui longe le lac sur des kilomètres. Au global ce n'était pas un véritable détour, l'E1 devant lui aussi contourner le lac par l'autre rive ... Pour éviter un moment de remonter vers le Nord pour rejoindre l'E1, nous allons une nouvelle fois couper facilement à travers et nous éviter 1 ou 2 km inutiles.

terrain facile
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et toujours les franchissements
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Le temps est toujours gris avec parfois quelques fines gouttes de pluie, mais jamais les ondées ne s'installent. La température n'a pas quitté les 11-12°C, et nous aurons gardé nos coupe-vent / veste de pluie en permanence. Nous continuons d'enchaîner le suivi des longues clôtures, la remontée le long de grands lacs, la traversée de tourbières à demi-asséchées, les traversées de torrents ... le tout baignés par les chants lancinants des oiseaux arctiques. Dans la rédaction de ce récit j'ai cherché à mieux les identifier par leurs sons qui hantent toutes les vidéos, mais j'ai abandonné en découvrant la myriade d'espèces recensées : nous avions l'impression de n'avoir affaire qu'à 5 ou 6 espèces dominant cet espace, et il faut en réalité être spécialiste pour réellement s'y retrouver.

A 17h nous faisons une pause obligée dans un creux de rochers abrité du petit vent et près d'un torrent. Nous soupesons nos options pour le bivouac de ce soir : nous n'avons encore "que" 24 km au compteur aujourd'hui et il nous faut encore marcher, surtout si Sophie veut parvenir à Máze d'ici mercredi soir. Nous convenons de ne pas nous arrêter avant d'avoir passé les 30 km d'une part, caressant l'idée alléchante d'atteindre le Gammu suivant, mais ça ferait 40 km et cela semble beaucoup : autant pour Sophie que pour moi, car je n'ai pas encore retrouvé mes jambes de trail ... Entre tourbières, rochers, pentes et moustiques les terrains favorables au bivouac ne sont pas aussi nombreux qu'il pourrait y paraitre au premier abord, et tout au long des kilomètres suivants je scruterai le terrain pour repérer les lieux propices.

Passé le grand lac de Leaktojávri nous bifurquons plus franchement vers le Sud, puis entrons dans le Parc National de Stabbursdalen alors que la soirée commence. Les kilomètres jusqu'au Gammu rêvé mais trop lointain se réduisent peu à peu, et nous restons sur le fil du rasoir quant à la décision de pousser jusque-là ou pas. Je vois sur la carte qu'une clôture nous mènerait droit à cet abri, alors que l'E1 suit l'autre versant de la vallée. Au moment de faire un choix, nous voyons qu'un bon chemin accompagne la clôture, alors que la carte ne le mentionne pas : il est déjà 20h et il nous resterait 6km, mais Sophie reste motivée ! Certaines ondées se font un peu plus denses, faisant craindre une pluie plus soutenue, en même temps que la température fraîchit : nous renfilons les polaires par-dessous les vestes de pluie ...

lumière du soir
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Nous nous tenons désormais à notre décision de pousser jusqu'au confort d'un abri en dur, et progressons vers l'objectif. Ce ne sera pas aussi facile qu'espéré, car les 2 derniers kilomètres s'avèrent très marécageux : la piste de quad est toujours là, mais avec de profondes ornières. Nous apprenons à jauger la capacité de chaque surface de marécage à supporter le poids de notre passage, avec plus ou moins de réussite. Régulièrement les pieds s'enfoncent dans la boue avant de pouvoir retrouver un sol plus ferme.

Soudain j'entends Sophie crier derrière moi, et me retournant je la vois enfoncée dans la boue jusqu'à mi-cuisses ! L'instant est partagé entre le côté comique et l'envie d'immortaliser la photo, et le tragique avec l'immanquable question "jusqu'où peut-on s'enfoncer dans pareil marécage ?" ... Je m'évite les foudres filiales en gardant bien rangés téléphone et caméra, pour me consacrer au côté pratique de conseiller Sophie pour l'aider à s'extraire, ce à quoi elle va parvenir sans y laisser une chaussure, ouf !

celui-là attend l'hiver
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Après cela nous retrouvons un terrain légèrement surélevé et surtout bien solide, et arrivons pile sur le Gammu rêvé ! L'intérieur est beaucoup plus rustique que celui de ce midi, mais il y a là deux banquettes de bois, une table, un poêle et des bûches ... et bien sûr la cabane au fond du jardin pour les immanquables toilettes sèches. Nous arrivons à 21h15 mais n'en avons pas fini pour autant, car nous avons négligé de faire préalablement le plein d'eau : il faut aller la chercher à la rivière qui est à presque 500m, soit 1 km supplémentaire ... Sophie m'y accompagne pour pouvoir y nettoyer ses chaussures et legging maculés de boue, mais nous allons y faire notre première vraie expérience de la férocité des moustiques ! Les nuages d'insectes vampiresques se soulèvent à notre passage et nous assaillent : nous réduisons notre présence au bord de l'eau au strict minimum, avant de revenir en arrière jusqu'à notre gammu. Avec appréhension, nous nous disons qu'il faudra repasser par ici demain matin pour traverser la rivière et rejoindre l'E1 ...

Bastingammen
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Un feu est facilement allumé dans le poêle, et bien vite notre abri bien isolé par son revêtement de tourbe va atteindre une agréable température. On essaie bien de faire sécher chaussures et chaussettes, même si tout sera de nouveau instantanément mouillé demain matin avec la rivière à franchir ... Quelques bruits parasites vont nous informer de la présence de colocataires, lesquels préfèrent vivre dans les murs ... La sarabande se fera entendre par intermittence tout au long de la nuit, mais entre bouchons d'oreilles et fatigue nous saurons l'ignorer.

En tout cas, pas trace de Kim & Lucas dans le Hyttebok, mais l'abri est à l'écart de l'E1 et ils ne se sont peut-être pas détournés pour y passer. Pourvu que nous ne les ayions pas doublés en venant ici directement par la clôture plutôt que l'itinéraire marqué ...

Aucun être humain vu aujourd'hui, et le compteur de la solitude totale monte à 57 km. Pour ce qui est des randonneurs, j'en suis à 145 km depuis le dernier aperçu de loin sortant du Nordkapp Tunnel ...


à suivre ...


Vidéo #06

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Dernière modification par Hervé27 (16-09-2023 10:59:17)


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#242 16-09-2023 12:03:26

Javah
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Lecteur silencieux: présent. Merci pour ce récit et ces belles images, il doit falloir une certaine force mentale pour s'extraire de ces gammus, alors par gros temps!  cool

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#243 16-09-2023 20:19:56

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Javah a écrit :

#690787Lecteur silencieux: présent. Merci pour ce récit et ces belles images, il doit falloir une certaine force mentale pour s'extraire de ces gammus, alors par gros temps!  cool

Merci cool

Heureusement pour nous, à part une averse qui nous a pris de court au jour 2, et cette journée 6 un peu tristounette, nous avons surtout eu un temps radieux.


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#244 18-09-2023 10:44:53

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Lundi 26 juin 2023, J07
de Bastingammen à Suolojávri (Parc National de Stabbursdalen)
32km +527 -431 marche 8h00 pauses 2h12
Vidéo #07
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Après notre grosse journée d'hier et arrivée tardive dans le gammu de Bastingammen, nous nous accordons un peu de temps ce matin avant de redémarrer. Nous avions délibérément laissé le feu s'éteindre dans le poêle car il faisait trop chaud pour dormir, et nous ne sentons pas le besoin de le rallumer ce matin. Les affaires remballées après un petit déjeuner, il est passé 9h30 quand commence notre journée de marche. Le temps est encore couvert, mais malgré tout nettement plus lumineux qu'hier, et une température agréable de 13°C (je reporte les températures dans le récit sinon à quoi bon avoir emporté un thermomètre et enregistré les relevés ?).

Devant affronter la traversée de la rivière (la Leaktojohka) où nous avions pris de l'eau hier soir dans des nuées de moustiques, nous nous équipons en conséquence : moustiquaires de tête, coupe-vent, pantalons en tyvek que j'avais prévu à cet effet ... le tout après nous être parfumés à la citronnelle et enduits de crême répulsive ... Sous ce blindage nous retraversons la tourbière et le petit bois de bouleaux, et franchissons les pieds dans l'eau sur les pierres rougeâtres. Les bestioles sont toujours présentes mais moins virulentes : les heures du soir sont les pires et les matins plus tranquilles.

Tenues hazmat
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Traversée sous haute protection
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Le chemin remonte sous les maigres bouleaux dans la faible pente et la densité de moustiques s'abaisse, sans toutefois jamais disparaître. Nous allégeons par étape les couches protectrices, en commençant par les sur-pantalons en tyvek.

sentier discret mais marquage immanquable
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Le sentier fait un grand détour par la hauteur avant de redescendre dans le couvert forestier vers une rivière affluente de la Leaktojohka et un gué praticable, pour la remonter ensuite par l'autre rive. Nous marchons ainsi 2,5 km pour ne nous être éloignés que de 1 km de notre refuge de la nuit ... Nous nous approchons sans le rejoindre du vaste lac de Nuorttat Bastinjávri, cerné de tourbières et de marécages. Le chemin est cependant globalement sec et nos chaussures peuvent progressivement évacuer l'eau, sans pour autant jamais avoir le temps de sécher tout-à-fait entre 2 franchissements ...

C'est dans cette zone que le compteur atteint les 200 km depuis le Nordkapp, et sur l'idée de Sophie je vais tenter de penser à faire un selfie à chaque passage de centaine ... Le ciel se dégage et le soleil recommence bientôt à inonder le paysage : la journée sera belle !

Notre itinéraire est emprunté par les quads et donc plutôt large et bien marqué dans le sol, parvenant à se maintenir sur des zones sèches et solides : la progression est facile. Même ancien, le marquage reste bien visible. Nous zigzaguons ainsi une dizaine de kilomètres entre prairies, tourbières, bouleaux et étangs, reprenant très lentement de l'altitude. Passé 300m les bouleaux disparaissent pour laisser la place à une très maigre végétation rase. Par-delà l'autre versant de la vallée, nous pouvons admirer la vue vers les montagnes enneigées du Stabbursdalen, qui culminent au-delà de 1000m (1118m pour la plus haute, si je ne fais pas d'erreur).

vue vers l'Ouest et le Nuorttat Bastinjávri, qui se cache derrière ses marécages
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arrêts reconfiguration
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vue vers le Sud-Est et les montagnes du Stabbursdalen Nasjionalpark
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200km ! plus que 2600, ça avance wink
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fleurs sous bois
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bois sur cairn
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Partis tard, la 1ère pause est déjà celle du déjeuner, et nous la prenons au bord du chemin sur un point haut de la colline afin de maximiser la vue. Les nuages s'étaient déjà déchirés et clairsemés, mais la pause va voir le grand beau temps revenir par le Nord. Les températures ne s'élèvent guère, je relève 14 à 16°C : idéal pour randonner ! Long arrêt d'1h15, mais nous sommes psychologiquement prêts à marcher tard le soir, donc pas vraiment stressés.

Pause n°1, face aux sommets du Parc
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Stabbursdalen Nasjonalpark
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Le chemin va droit au Sud, oscillant entre 350 et 450m d'altitude, rejoignant dans les points bas les déversoirs de grands lacs. Des buissons bas constituent la végétation la plus haute que nous rencontrons à proximité de l'eau, mais sur les hauteurs elle ne dépasse pas une poignée de centimètres. Nous avançons facilement, mais dans le détail nous constatons que le marquage ne correspond pas toujours exactement aux tracés disponibles sur les cartes. Cela ne se joue souvent qu'à quelques dizaines de mètres, mais amène à perpétuellement devoir choisir entre le chemin visible au sol, la marque qui s'en écarte, et le GPS qui nous indique encore une autre voie ... Rien de bien grave ici, car il s'agit de suivre un fil de collines plein Sud en gardant les lacs à main droite et le fond de vallée à gauche.

Nous ne faisons qu'une seule autre pause passé 16h et de 45 mn, cette fois juste après le déversoir du plus grand lac rencontré. Nous sommes sur les limites du parc de Stabbursdalen comme nous le rappelle un petit panneau, lequel ne comporte qu'un seul signe d'interdiction : pas question de faire voler ici un drone ! Au plus chaud de la journée j'enregistre 18°C : très agréable pour la pause au soleil.

Pause n°2
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La belle balade monotone reprend sous un soleil qui redescend lentement, allongeant nos ombres et magnifiant le paysage. Les lacs se parent d'un bleu profond sous le ciel lumineux et nous en prenons plein les mirettes. Dans ce beau temps et alors que nous sommes bien en jambes, nous caressons l'idée de marcher encore une fois tard, pour rallier la cabane de Bojobeaskihytta, le 1er abri DNT (donc payant !) de la traversée. La distance me fait estimer une arrivée possible vers 22h, et une journée de marche de presque 45 km, n'étant partis qu'à 9h30 ce matin.

des lacs, des lacs ...
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...et encore des lacs
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Ce plan ambitieux mais trop incertain va changer après 19h30 quand, grâce à la bonne vue de Sophie, nous allons déceler une présence humaine devant nous. Il y a là, remontant des rives d'un beau lac, 2 silhouettes en train de prospecter le terrain en quête d'un bivouac en hauteur. Nos 1ers congénères rencontrés sur les derniers 90 km, mais aussi les 1ers randonneurs en 180 km ! On ne se bouscule pas par ici  cool . Nous les avons vus de loin, et lorsque nous arrivons leur tente est déjà montée : nous les abordons par l'inévitable "Kim & Lukas, I suppose ?". Nous avons rattrapé en 3 jours leur journée d'avance au départ d'Olderfjord.

La tente de Kim et Lukas est déjà montée, à peine visible sur la colline en face
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à notre tour
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La rencontre est un peu irréelle : nous avions pris contact par le biais virtuel d'Instagram, depuis le confort de nos domiciles respectifs. Nous retrouver ainsi au milieu de nulle part et sur l'itinéraire tant rêvé semble tenir du miracle, mais comment ne pas se croiser quand on ne fait que suivre un fil de 50 cm de large sur 2800 km de longueur ? Bien sûr ils acceptent de faire bivouac commun sur la petite éminence où nous nous trouvons, et Sophie et moi plantons les Pioulous (Piouloux lol ?) à une trentaine de mètres. Nous nous rassemblons pour dîner, affrontant les moustiques sous lourde protection des moustiquaires de tête, pantalons et coupe-vent pour pouvoir partager ce moment.

Ils nous avouent être les auteurs des traces de pieds nus sur le chemin que nous avions relevé 2 jours auparavant, sachant que nous serions peut-être en train de les pister : le gag était donc à notre attention et a parfaitement fonctionné lol !

si vous regardez bien, vous verrez 2 empreintes. Je vous donne un indice, Lukas mesure 2m !
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Lukas retourne se baigner dans le lac car il ne veut jamais manquer une occasion, mais les moustiques sont trop intenses pour que Sophie et moi pensions à autre chose qu'à aller nous réfugier dans nos abris. Peu profonds et perpétuellement au soleil en cette saison, les lacs ne sont jamais froids et je regrette de n'en avoir pas plus profité ...

Le soleil nous écrase de lumière car il ne reste plus un nuage. Un premier quartier de Lune s'élève au-dessus des lacs et collines. Dans les lumières rasantes les vues sont euphorisantes, mais les moustiques nous empêchent hélas d'en profiter trop longuement ...

On en oublie de faire un portrait de groupe, il attendra demain car nous avons bien l'intention de marcher un peu ensemble !

S'il n'y avait les moustiques, un paradis ...
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à suivre ...



Vidéo #07
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#245 20-09-2023 11:33:49

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Mardi 27 juin 2023, J08
de Suolojávri à Hárreráhppát
39km +635 -578 9h32 (pauses 4h00)
Cumul 266km
Vidéo #08
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Avec l'objectif partagé avec Sophie d'être à Máze dès demain soir, il nous faudrait partir tôt et/ou marcher tard. D'un autre côté nous aimerions pouvoir marcher un peu de concert avec Kim & Lukas, aussi optons nous pour le compromis d'un démarrage collectif à 8h30. La nuit a été magnifique sous le soleil, et à l'heure du remballage nous sommes toujours baignés de soleil. La journée va être belle !

2h15 du matin
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je suis en retard pour replier
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Avec nos amis suédois la langue de marche passe à l'anglais, sauf quand il nous faut nous exprimer dans nos vidéos respectives : eux aussi documentent abondamment leur périple, avec une productivité et une assiduité exemplaire pour alimenter Instagram, Facebook, leur Blog (et YouTube par la suite). Un peu plus tard Kim se sentira obligée de détailler ces cadences infernales :
- Posts Instagram : en général à la fin de chaque section et dès qu'il y a du réseau
- Stories Instagram : en direct là et quand il y a du réseau
- Facebook : partage des posts Instagram
- Blog : mise à jour quotidienne, mais avec un décalage de 10 jours
- Tracking Link en direct

Pour ma part je me suis limité à un post Instagram quotidien (avec retard si pas de réseau), et une carte postale de temps à autre sur RL ... C'est depuis mon retour que le plus gros du travail est à faire, avec le récit à rédiger et les vidéos à éditer. Dites-vous qu'il m'en reste 10 fois plus à montrer que tout ce qui a été édité à ce jour (20/09/2023).

Le chemin de ce matin est facile, toujours à suivre le fil des collines mais descendant très progressivement vers le fond plus plat et marécageux de la vallée. Nous restons d'abord sur du terrain bien dégagé, au-dessus de la limite des bouleaux, et avec un petit vent qui limite fortement la présence des moustiques. Comme toujours, la marque, le chemin et la carte ne s'entendent pas toujours, et il s'y ajoute qu'avec nos discussions de groupe nous sommes moins attentifs. En conséquence nous devons effectuer quelques corrections de trajectoire, heureusement pour nos chaussures sur des sols plutôt secs.

Nous passerons juste à l'écart d'une petite éminence, pour éviter de déranger des dormeurs installés près de leurs quads avec un chien. On aurait bien aimé faire une rencontre, mais le sommeil c'est sacré !

on ne réveille pas les dormeurs
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Avec Sophie nous préférons anticiper la pause-déjeuner avant la cabane DNT de Bojobaeskihytta, laquelle se trouve dans le fond de la large vallée près des marécages et dans le couvert des bouleaux. Craignant une présence trop dense de moustiques, nous préférons faire halte tant que nous sommes sur les hauteurs dégagées. Kim & Lukas poursuivent et nous attendrons au refuge, où nous les rejoignons vers 13h30. Entre notre pause et le refuge, nous trouverons un marquage du sentier fait à la bombe de peinture à même le sol, peut-être en prévision de refaire prochainement le marquage à neuf ?

on marche à 4
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pause au-dessus des moustiques
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flêchage au sol
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plein d'eau
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Je rappelle ici que l'utilisation des cabanes du réseau DNT est payante, avec des tarifs variables d'une association régionale à l'autre. Pour une utilisation en journée je verrai des tarifs allant de 30 à 150 couronnes, soit de ~2,50€ à ~12,50€, par personne et si adhérent DNT ! À deux et comme Sophie n'est pas adhérente (ça n'en valait pas la peine car c'est la seule cabane DNT qu'elle était prévue de voir), cela nous reviendrait à € 25 pour un simple arrêt en journée ... Après il faut admettre que ces abris n'ont rien  à voir avec les cabanes ouvertes / bivacco que nous pouvons connaître dans nos montagnes  : couchages avec matelas, draps et couettes, cuisine équipée, espaces séjour et salle à manger, poêle avec réserve de bois de chauffage, toilettes sèches ... Celle-ci offre un intérieur un peu plus rustique que d'autres (pas de canapés !), mais propose un sauna  cool !

Bojobaeskihytta, 1ère cabane DNT, avec son sauna et ses moustiques féroces
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Avec Sophie nous avions bien anticipé, car effectivement les lieux sont à cette heure infestés de moustiques : il est impossible de se tenir statique au dehors, et nous rejoindrons nos amis suédois dans la cabane. Nous profiterons seulement des toilettes sèches à l'extérieur, ce qui constituera une épreuve car les nuages de moustiques sont aussi abondamment présents dans la "cabane au fond du jardin" lol . Nous restons 20 mn avant de pouvoir repartir tous les 4, pressés de quitter ce fond de vallée et vite monter dans les collines qui s'annoncent ensuite.

Nous partons sous protection complète, mais pressés de pouvoir vite retirer ces couches étouffantes sous le chaud soleil. Ce sera chose faite après 1/2 heurs, après avoir gagné mois de 100m d'altitude et laissant le couvert des bouleaux derrière nous. C'est d'ailleurs là que, fait assez exceptionnel pour l'avoir noté, nous croisons 2 randonneurs qui arrivent en sens inverse, père et fils norvégien bien chargés. Cela porte à 5 le nombre de randonneurs rencontrés ou seulement aperçus en 8 jours depuis le Nordkapp ...

Alors que nos altitudes ce matin n'avaient oscillé qu'entre 350 et 450m, nous montons maintenant résolument, avec des passages à 600m qui sont les points les plus hauts depuis le départ. Malgré encore quelques névés l'ambiance y reste estivale, dans une végétation rase sur des collines ondulantes. La vue porte loin et c'est un régal mêlant lacs, forêts de bouleaux, toundra, rivières et collines enneigées. Avec ses 2m Lukas est impressionnant à voir évoluer à grandes enjambées hors de l'étroit chemin : si avec Kim ils se sont donnés 4 mois pour cette traversée (ils sont toujours en marche à cette heure et vous pouvez les suivre), il est certain que Lukas pourrait pour sa part aller beaucoup, beaucoup plus vite ...

derrière nous, Stabbursdalen s'éloigne
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tout autour, ce n'est que lacs et volupté
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Nichée de petits lagopèdes ? En plein chemin, il faut prendre garde à poser le pied !
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rare névé à franchir
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En milieu d'après-midi nous décrochons de la hauteur pour une redescente profonde, pour une fois par un morceau de sentier un peu raide qui me redonne une illusion de montagne. Nous arrivons ainsi à la ferme-gîte de Joatkajávri, accueillis par le concert des chiens de traineau qui sont élevés ici. Les propriétaires sont absents mais un voisin venu d'une ferme "proche" garde les lieux et les canidés, et nous ouvre gentiment (et gratuitement) les portes du gîte pour nous y permettre une pause confortable. Nous restons là 2 heures à grignoter et consommer nos boissons chaudes, prenant aussi le temps d'aller nous baigner dans l'un des 2 lacs qui enserrent la ferme. Il faut dire qu'il fait 25°C, avec un ressenti au soleil bien plus élevé.

descente vers Joatkajávri
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accueil d'aboiements
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Joatkajávri fjellstue
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Elle est froide ? Même pas !
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Nous remercions chaleureusement notre hôte et repartons à 19h, avec l'intention de prendre nos bivouacs respectifs sur les hauteurs suivantes. Avec Sophie et pour pouvoir tenir l'objectif d'être à Máze demain soir, il nous faut marcher au moins 10 km, soit a minima 2 heures de marche sur les bons chemins que semble indiquer la carte. Kim & Lukas sont moins pressés, et visent le 1er spot de bivouac qui s'offrira à eux, c'est-à-dire avec un lac où Lukas pourra renouveler la baignade. Les au-revoirs vont durer près d'1h30, que nous partageons à marcher à bon rythme sur la large piste, jusqu'à ce que finalement  Kim & Lukas s'écartent du chemin tandis que nous longeons le lac idéal ... Ce fut une belle journée sympathique de partage, et grâce à Instagram nous resterons en contact régulier, me permettant parfois de les renseigner en avant de leur propre progression, que ce soit sur l'état du chemin ou bien les ravitaillements ou hébergements possibles ...

Ombres et entrelacs
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Kim & Lukas nous laissent après une grosse journée par rapport à leur rythme habituel
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Nous voilà donc à nouveau réduits à notre binôme père-fille, avec une seule journée de marche nous restant encore à condition de bien progresser ce soir et demain. Sophie est motivée, et nous sommes bien en jambes grâces aux chemins faciles du jour et à nos pauses généreuses. Après avoir laissé nos amis et fait le plein d'eau en prévision de notre propre bivouac, nous avons une section pénible car violemment emmoustiquée, la piste faisant un bel arc de cercle tout autour et au bord d'un cirque marécageux. C'est interminable et limite notre envie de planter de la tente, nous poussant à chercher toujours plus loin un secteur plus tranquille. J'avais noté un possible abri ouvert au sommet d'une petite colline que nous allons viser, trouvant sur place (à 22h !) 2 vieilles caravanes dont une est effectivement occupable, mais si crasseuse de déchets divers que nous allons préférer planter les pioulous malgré les moustiques surabondants.

Sophie avait accepté un contrat à 30 km / jour, et voilà qu'elle en a fait presque 40 aujourd'hui. Il en reste encore 36 jusqu'à Máze, mais si le chemin reste aussi facile elle est bien déterminée à les engloutir dès demain ! Mine de rien, elle aura gagné avec détermination une pleine journée sur le programme de cette section, je ne suis pas peu fier d'elle ...

Nous grignotons chacun de notre côté sous nos moustiquaires (on avait essentiellement déjà dîné lors de nôtre arrêt au gîte), pour une nouvelle nuit ensoleillée dont nous nous protégeons derrière nos masques ...

un gros ménage intérieur serait nécessaire pour rendre la caravane plus hospitalière
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bientôt minuit, derrière les grilles ...
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à suivre ...


Vidéo #08
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Dernière modification par Hervé27 (20-09-2023 11:38:57)


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#246 21-09-2023 12:25:57

Matt81
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#691120à suivre ...

Toujours avec grand plaisir, merci smile

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#247 21-09-2023 16:55:42

PatrickVP
Membre
Inscription : 02-04-2022

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Je suis aussi très assidu à tout les récits. Une mine d'informations si on envisage un jour et sinon une découverte. La vidéo, c'est top aussi.
Bonne continuation Hervé.

Patrick

Dernière modification par PatrickVP (21-09-2023 16:56:04)

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#248 22-09-2023 13:20:17

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Mercredi 28 juin 2023, J09
de Hárreráhppát à Máze
33km +341 -550 7h26 (pauses 2h24)
Cumul 299km
Vidéo #09

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Ayant monté le bivouac tard hier soir, il nous est difficile de démarrer très tôt. Il nous reste cependant 36 km à parcourir jusqu'au village de Máze, d'où Sophie reprendra le bus, me laissant désormais poursuivre l'aventure en solo ... C'est une grosse journée en perspective, et nous ne pouvons pas trop traîner. Nous arrivons donc à plier le camp et nous mettre en chemin à 7h45, toujours sous un grand soleil et des températures très douces. Il y a moins de moustiques ce matin qu'hier soir, et la journée s'annonce donc très agréable.

Vue de notre campement avant démontage
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Pour l'essentiel nous suivons une piste de quad qui trace Sud puis Sud-Sud-Est, au milieu d'innombrables lacs. Dans l'épisode de la veille, j'avais omis de parler de notre choix d'itinéraire, qui consiste à passer à l'Ouest du grand lac de Iešjávri plutôt qu'à l'Est. L'option Est aurait été plus sauvage, mais plus longue et surtout plus basse en altitude et dans les marécages, donc avec un grand risque d'être extrêmement exposée aux moustiques. Notre option Ouest reste dans les hauteurs et nous en préserve. Nous n'apercevons donc que de loin un peu de ce grand lac aux multiples îles et péninsules ...

I am a poor lonesome MULe
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Peu après notre départ nous allons croiser une marcheuse bien chargée accompagnée de son petit chien. Ce n'est pas la marcheuse allemande qui, comme nous, descend le Norge På Langs vers le Sud et dont Kim et Lukas nous ont parlé. Celle-ci est Suisse, vit en Norvège à Trømso, et se promène à travers le pays avec son packraft. Nous passons ainsi 40 mn à parler au bord du chemin, avec un petit débat sur la légèreté et la sécurité. Elle s'étonne en particulier que nous n'utilisions pas de Garmin, mais je lui fais remarquer que son mode d'itinérance est très différent du nôtre : nous suivons un itinéraire balisé et (modérément) aménagé, tandis qu'elle évolue hors sentiers et par les lacs et cours d'eau, donc avec une prise de risque plus importante. Je ne dis pas que les Garmin sont inutiles, bien au contraire, mais que la meilleure sécurité consiste en premier lieu à éviter autant que possible de se placer dans des situations périlleuses. Le Garmin ne prévient pas l'accident : il ne trouve son utilité qu'une fois qu'il est trop tard ...

Depuis 8 jours que nous avons quitté Magerøya, nous n'aurons croisé que 5 randonneurs : Kim & Lukas bien entendu, le binôme père/fils croisé hier matin et cette baroudeuse suisse. Il n'y en aura pas d'autre jusqu'à Máze, et ce n'est que beaucoup, beaucoup plus loin que j'en rencontrerai d'autres ...

Le chemin est vraiment très roulant aujourd'hui, puisque nous suivons toujours une piste de quads. Nous évoluons quasiment de niveau, avec de légers yoyo dans les ondulations du terrain. En milieu de matinée nous arrivons à un joli lac au bord duquel se trouve une cabane. Celle-ci est privée et fermée, des planches vissées sur les ouvertures, mais nous allons nous adosser contre elle, bien à l'ombre du soleil impitoyable. Nous ne choisissons pas son petit porche abrité du vent, car celui-ci sert de refuge aux moustiques et moucherons, mais plutôt une façade bien au vent ... Nous y restons une petite heure, cherchant à alléger nos sacs des excès de provisions que nous portons encore. Nous repartons légers, et même un peu trop puisque Sophie devra revenir en arrière chercher son bâton oublié ...

derrière nous Stabbursdalen s'éloigne
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devant nous : des lacs, encore des lacs ...
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pause !
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Pour la deuxième partie de journée nous allons remonter de 100m, soit de 450 à 550 m d'altitude, ce qui va nous offrir de très belles vues à 360° : derrière nous les montagnes de Stabbursdalen s'éloignent, à l'Est le grand lac de Iešjávri trône au milieu d'une myriade d'autres, à l'Ouest et au Nord-Ouest s'aperçoivent de belles montagnes couvertes de glaciers que nous avions survolé avant d'atterrir à Alta. Au Sud il nous faut attendre d'arriver au bout de ces collines pour voir le terrain s'ouvrir et descendre vers la vallée. C'est là que nous faisons une seconde pause, avant la descente vers Máze.

attaque en piqué d'un Arctic Jäeger
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re-pause !
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On commence à redescendre : bouleau, boue, l'eau
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Sophie montre d'où nous sommes venus ...
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Le bon chemin nous permet d'aligner les kilomètres, nous permettant d'entrevoir une arrivée à Máze pas trop tardive. La redescente en altitude se traduit par les retrouvailles avec une végétation un peu plus haute, puis la forêt de bouleaux, avant de toucher un peu avant 17h les bords de la grande rivière (Guovdageaineatnu) sur une large route de graviers. La température remonte un peu à 21°C, avec une moiteur plus sensible. Nous avons marché vite toute la journée et les jambes s'en ressentent : la poignée de kilomètres restante est un peu dure. Nous franchissons le pont pour arriver vite au village de Máze proprement dit, mais nous n'en avons pas fini. En effet, Máze est formé de 2 villages (ou plutôt de 2 zones d'habitat clairsemé), et ce n'est que dans le second à Badje-Máze et encore 3km que se trouve le camping que nous visons... C'est un peu déprimant car nous nous trouvons devant la supérette, fermée à cette heure, où il me faudra ravitailler demain matin : en clair, ça veut dire parcourir 3 fois les 3 km de bord de route entre ce soir et demain matin, pas glop !

(Note supplémentaire sur le camping de Máze : nous savons qu'il n'est plus en activité, mais qu'il fait encore gîte sur appel téléphonique)

la Guovdageaineatnu. J'y peux rien, c'est écrit comme ça sur la carte ...
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C'est à ce moment et juste à côté de la supérette que nous apercevons un panneau avec un logo mentionnant un gîte et, nous en approchant, une affichette avec un n° de téléphone. Ni une ni deux on appelle, et que nous pouvons sans problème prendre place : la clé est suspendue à côté de la porte, et il nous suffira demain matin de laisser le prix de la location sur la table ... C'est la fameuse confiance dans laquelle fonctionne la société norvégienne, et qui ne cessera de me surprendre tout au long des prochaines semaines. En dormant ici nous économisons 3 km dès ce soir, et 3 autres demain matin. L'arrêt de bus pour Sophie demain matin est juste en face, ainsi bien sûr que la supérette où je pourrai ravitailler.

Le gîte en question est en fait l'ancienne maison des gérants de la supérette, lesquels habitent désormais un peu plus loin. La maison est moderne, suréquipée et hyper-confortable, un vrai régal après 9 jours d'itinérance. Nous nous installons, prenons nos douches et dînons avec nos ultimes restes.

Máze centre-ville, notre gîte est juste derrière la supérette
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c'est rustique mais on s'en contente lol
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Nous procédons également à quelques échanges de matériels, et en particulier :
- je reprends le Cumulus chargé à 350g contre le 200g. Je serai bientôt dans la montagne et m'attends à des températures froides (tout faux !)
- nous échangeons nos Pioulous : je prends le neuf et laisse l'ancien
- j'abandonne mes chaussettes imperméables (jamais utilisées...), mais garde encore le pantalon en Tyvek (sans savoir que je ne l'utiliserai plus ...)
- je ne reprends pas le 2ème bâton, m'étant habitué à marcher avec un seul

Quel plaisir que ces journées de marche en binôme ! Tout s'est très bien passé, et Sophie a dépassé mes espérances en terme de cadences de marche. Nous étions convenu de 30 km quotidiens, et la moyenne s'établit à 33, avec un record à 39 km. Le compteur s'élève ce soir à 299 km depuis le Nordkapp, mais on peut s'autoriser à l'arrondir à 300 ! Demain je repars en solitaire et pour 2 mois, avec un peu d'appréhension ...

à suivre ...


Vidéo #09

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#249 22-09-2023 14:18:32

Stéphane_33
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Lieu : Bordeaux
Inscription : 05-12-2018

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Bonjour Hervé,
Merci pour ce récit, et bravo à vous deux pour cette première partie !
Stéphane.

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#250 24-09-2023 13:02:18

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Merci pour les petits mots et encouragements dans l'écriture, c'est un périple plus long et peut-être plus difficile que la traversée elle-même !

Jeudi 29 juin 2023, J10
de Máze à Mierojávri
42km +526 -438 8h43 (+pauses 1h56)
Cumul 341 km
Vidéo #10

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Ce matin à Máze c'est le jour de la séparation d'avec ma grande fille. Elle attrape le bus à 9h40, lequel s'arrête sur le parking de la supérette à côté de laquelle nous logeons. Son itinéraire de retour la ramène à Alta où nous avions atterri il y a 10 jours. Elle a modifié son billet de retour, afin de pouvoir s'organiser un peu de tourisme : aujourd'hui à Alta, les 2 jours suivants à Trømso, puis retour en France via Oslo le dimanche ...

Sophie est dans le bus, je suis à nouveau solo !
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De mon côté j'attends l'ouverture de la supérette, dont le gérant est aussi notre logeur dont je peux ainsi faire la connaissance (et au passage acquitter notre loyer en mains propres plutôt que juste laisser les billets sur la table ...). Avec seulement 60 km à  faire jusqu'à Kautokeino et le prochain ravitaillement, nul besoin de trop charger. Je m'offre juste quelques friandises en guise de petit-déjeuner à consommer sur la table de pique-nique à l'extérieur, sous un beau soleil ... À 10h30 je suis en route, en commençant par de l'asphalte ... Je n'apprendrai que plus tard que Kim & Lukas ne m'ont manqué que de très peu : ils sont arrivés là à 11h ...

Máze : l'église88RbN7kF9.2023-06-29-09.jpeg

Máze : la supérette
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longue embarcation, hélicoptère, motoneige ... il y a là de quoi se déplacer sur tous les modes
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la baraque ne supportera plus très longtemps le poids de la neige en hiver ...
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Histoire de repérer les lieux je coupe par un petit sentier à travers bois pour rejoindre la nationale (l'E6) en traversant le camping (Máze Turistsenter). J'y fais en vitesse mon selfie des 300 km avant que les moustiques ne me saignent à blanc, puis passe devant le petit bâtiment vaguement en forme de gammu qui faisait réception et restaurant avant la fermeture récente de l'établissement. Une affichette sur la porte confirme la fermeture, mais indique aussi le n° de tél à appeler pour pouvoir encore bénéficier de la fonction de refuge proposée dans les bungalows encore présents.

300km, le compteur tourne, la barbe pousse ...
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Réception et restaurant fermés ... Il parait que les burgers n'étaient pas mauvais, mais tout un bon pour un randonneur affamé...
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J'ai 2 km à marcher le long de la nationale avant qu'enfin un rare marquage signale la bifurcation du sentier de l'E1. Il y a là 2 motards arrêtés de l'autre côté de la route : je crois entendre parler français et fait un signe de salut mais ils ne me prêtent aucune attention : je n'insiste pas et m'engage sur la petite piste de quad qui s'enfonce dans le maquis de bouleaux, et retourne ainsi à la totale solitude ...

la rivière depuis le bord de route ...
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... puis depuis la hauteur
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Je rencontre plusieurs fourches et bifurcations de la piste, sans toujours avoir une marque pour m'aiguiller. Constatant à un moment qu'elle ne coïncide plus avec ma trace gpx de l'E1, je prends un sentier qui me semble aller dans la bonne direction, avant de constater qu'il n'y a aucun sentier sur ladite trace numérique ... Les bouleaux nains sont clairsemés et il n'est pas difficile de tracer à l'azimut, puis au bout d'un moment je retrouve la piste de quad que je n'aurai jamais dû quitter. Des marques bien affadies de peinture rouge sur les bouleaux en bord de chemin confirment l'itinéraire, et je garde désormais un œil attentif pour ne plus me retrouver à divaguer. Ce n'est plus très nécessaire, car désormais il n'y a plus guère de bifurcations.

Le chemin s'élève par étages successifs dans les collines, franchissant bientôt la limite des 400m qui marque la disparition des derniers bouleaux. Je réalise aussi l'absence d'eau courante et la sécheresse toujours plus marquée au fur et à mesure que je descends vers le Sud. Je ne croise que des mares d'eau stagnante, ou bien de maigres filets d'eau suintant de la boue : peu encourageant mais pour une fois mon filtre ne sera pas surfait. Je fais ma halte déjeuner près d'un petit lac où je peux prendre une eau moins jaune qu'ailleurs, avec un rien d'ombre fourni par un minuscule bosquet.

l'exceptionnelle aridité de ce début d'été n'est pas qu'une impression
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ce n'est pas que pour faire joli : les cairns sont travaillés pour résister aux vents les plus forts
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au moins ici j'ai de l'eau, même s'il me faut la filtrer
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Je monte ensuite encore un peu, jusque sur un fil de crête bien arrondi aux alentours de 550m d'altitude, non loin du maximum depuis le départ mesuré à 602m ... Les vues sont belles sur le grand lac de Biggejávri en contrebas, les plaines lacustres et marécageuses à l'Est en direction de la Finlande et de l'Inarijarvi (peut-être à 200km d'ici), les montagnes à l'Ouest en direction de Trømso et de ses fjords, et devant moi ma route qui trace au Sud ... En direction de Kautokeino je distingue une grande antenne relais en haut d'une colline, elle me servira de point de repère tout l'après-midi.

quand t'es dans le désert ...
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Je décroche des hauteurs pour redescendre vers les rives du Biggejávri, où ma somme toute jolie piste de quad / 4x4 devient une large route de graviers et de poussière. Au moins je peux avancer vite, compensant mon départ tardif. Redescendu dans la forêt de bouleaux mais aussi dans les zones humides, il me faut remettre la moustiquaire de tête pour ne pas être trop incommodé. Ma seconde pause du jour s'effectue de nouveau au bord d'un joli lac, où je trouve un espace non marécageux au bord de l'eau et visiblement prisé pour le bivouac des pêcheurs et randonneurs, puisque j'y trouve trace de feux de camp. Moins de moustiques à cet emplacement, mais je fais quand même mon brin de sieste protégé de mon pantalon tyvek, coupe-vent et moustiquaire de tête ...

redescente vers Biggejávri
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re-pause sous haute protection
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Quand je repars sur ma piste monotone c'est dans l'idée de mon traditionnel "trip du soir" quand je suis solo et que les circonstances le permettent. Le soleil reste omniprésent, et il me faut scruter vers l'horizon pour voir quelques nuages en chou-fleur s'élever à plusieurs dizaines de kilomètres de distance. Ici, hors des lacs et des cours d'eaux pérennes qui les relie, l'eau s'est faite plus rare, au point que les surfaces de mousses sont craquelées. Dans la poussière de la piste je ne détecte qu'un seul jeu de traces en dehors de celles des pneumatiques : quelqu'un a marché ici dans la même direction que moi, accompagné d'un chien. C'est certainement cette allemande qui avait envoyé un message à Kim & Lukas avant leur départ, et dont je vois les traces au moins depuis Olderfjord ...

la longue route ...
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je piste cet unique jeu de traces ...
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Ma route de terre (en fait une ancienne route de poste d'avant le percement de l'E6) est pourvue d'un marquage d'hiver, fait de grands "X" de bois perchés en haut de piquets dressés plus ou moins verticalement. J'avance en laissant le contrôle des commandes à mon pilote automatique, je me vide l'esprit et peux observer et écouter mon environnement. Le champ des coucous est omniprésent, leur saison de reproduction décalée ici de 2 mois par rapport à nos latitudes hexagonales ... La piste s'élève doucement, revenant flirter avec les 500m d'altitude et se dépouillant à nouveau de sa forêt de bouleaux. Je passe à proximité d'un site d'élevage de rennes, désert et dépourvu desdits animaux. Quelques cabanes, une caravane, l'armature dépouillée d'un vaste tipi ... Je me demande si l'un ou l'autre de ces abris pourrait être accueillant au randonneur, mais je ne vais pas y voir. Je passe maintenant à hauteur de la grande antenne relais que je voyais tout-à-l'heure à l'horizon : décidément les kilomètres défilent ...

marquage d'hiver
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campement d'éleveurs de rennes
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Il est 19h et je dois maintenant envisager où je vais atterrir pour ce soir. À bien regarder la carte je vois que je vais maintenant progressivement redescendre vers la vallée et la grande rivière qui passait déjà Máze. J'aurai avantage à essayer de rester sur la hauteur pour bivouaquer en minimisant les moustiques, mais pour ce faire il me faut retrouver de l'eau pas trop pourrie, de même que des surfaces favorables. Je me prends à croire que les abords d'un lac pourraient offrir un site comme celui de ma dernière pause, mais je n'y trouve que rives marécageuses ... J'arrive néanmoins à y faire le plein d'eau à filtrer, c'est déjà ça, mais non sans avoir lutté contre des taons particulièrement agressifs ...

point de spot pour le pioulou, que du marécage ...
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Je poursuis donc le long de la piste, où je vais apercevoir un gros canidé en train de la traverser 100m devant moi : plutôt un gros renard qu'un petit loup, mais je garde un doute dans mon esprit ... Je finis par quitter la route de terre juste avant 21h, avant d'avoir à descendre vers les quelques maisons de Mierojávri traversées par la nationale, et pour aller explorer les sous-bois dans une zone où les lignes de niveaux sont bien espacées. J'y divague un moment avant de trouver un espace plat et moussu, dépourvu des petits buissons noueux qui recouvrent les sols. Le pioulou est monté avec empressement, et je suis content de pouvoir enfin me réfugier sous la moustiquaire ... Les hordes de petits vampires s'agitent à l'extérieur, mais je peux enfin cesser de m'inquiéter pour mon épiderme.

Je vais être maladroit en faisant chauffer mon eau pour le dîner, car je ne vais pas tenir la toile de ma moustiquaire suffisamment à l'écart de mon réchaud. Dans un courant d'air 2 flammèches vont surchauffer et fondre le nylon, y laissant 2 trous de 2-3 centimètres de diamètre ... Je répare aussitôt en accolant des carrés de duct-tape recto-verso, lesquels tiendront parfaitement pendant tout le reste de la traversée, me rappelant par leur présence à la plus élémentaire des prudences ...

Bien que sans la moindre originalité technique et avec une certain monotonie, cette étape me laisse un souvenir agréable, certainement grâce à son beau soleil et ses températures douces. Je craignais d'avoir beaucoup de route asphaltée mais passé les 5 premiers kilomètres depuis Máze j'aurai été rigoureusement seul sur de la piste de quad puis la longue route de terre, sans croiser personne ni aucun véhicule. Le compteur de la solitude humaine est à 37 km (mes motards en bord de route), et à 66km pour ce qui est des marcheurs (la dernière est notre baroudeuse suisse d'hier matin).

Malgré mon départ tardif ce matin à 10h30, et grâce un itinéraire fait presque exclusivement de route et de piste, j'aligne 42 km au compteur de la journée. Kautokeino n'est plus qu'à moins de 20 km, je peux y être dès la fin de matinée demain, voire plus tôt selon mon heure de départ.

Ze bourrin is back !


Bien à l'abri des petits vampires ...
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à suivre ...



Vidéo #10

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Dernière modification par Hervé27 (24-09-2023 13:21:24)


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