Aller au contenu

Annonce

#301 18-10-2023 16:44:22

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#22 mardi 11 juillet 2023
Oallajohka - Čoarddajávri
43km +893 -815 12h24 (+pauses 2h48)
Cumul 826km D+15200m 207h
Vidéo #22

89tkswUmS.IntroJ22.s.jpeg



Sous un ciel bien dégagé la température de la nuit n'est descendue qu'à 13°C, et pourtant je suis tout le temps resté dans l'ombre de la montagne ... Encore une fois j'ai eu trop chaud dans mon duvet 0°C confort : je me réveille dans la nuit trempé de sueur, obligé de m'aérer au maximum pour sécher un peu. Ce duvet était décidément un overkill et n'était pas le meilleur choix pour les conditions rencontrées. Rétrospectivement je pense que mon X-Lite 200 aurait fait l'affaire, au prix de peut-être 1 ou 2 nuits inconfortables ... Bien réveillé très tôt avec cet inconfort, mais aussi en bonne forme après la petite journée bien reposante d'hier, je suis vite d'attaque et le Pioulou est remballé dès 6h00 !

La météo au matin est toujours aussi belle, je prends de mauvaises habitudes à croire que la Norvège est aussi ensoleillée que les Pyrénées ... Toujours à l'ombre quand je démarre, je longe une succession de lacs et profite de formidables jeux de miroir sur les eaux calmes. J'ai à peine plus de 20mn à marcher pour atteindre le "refuge d'urgence" d'Oallavagge : une petite cabine proprette avec 2 couchettes, un poêle et un réchaud, avec un cabanon pour la réserve de bois et de matériel et bien sûr ses toilettes sèches. Nichée en bord d'un lac, c'est l'abri de rêve que j'aurai eu pour moi seul si je ne lui avais pas préféré ma tente hier soir ... Un petit mot dans le hyttebok et je poursuis au long des lacs et des reflets changeants ... Je suis aux anges et n'échangerais ma place pour rien au monde.

6h00, un dernier regard en arrière depuis mon spot et c'est reparti !
89tkzYUwZ.2023-07-11-06.jpeg

arrivée à Oallavagge, je retrouve du bon fléchage
89tkA4J8O.2023-07-11-06.jpeg

Oallavagge : les tréfonds de la rusticité à la norvégienne, réservée aux cas d'urgence ...
89tkA9pfv.2023-07-11-06.jpeg

Oallavagge au bord de son lac
89tkAeK5e.2023-07-11-06.jpeg

jeux de reflets dans l'Oallavággi : j'ai dû me limiter dans le choix des photos publiées
89tkAjQ3A.2023-07-11-06.jpeg
89tkApRQn.2023-07-11-06.jpeg

La vallée d'Oallavággi est longue et descend lentement pour rejoindre une vallée plus grande encore, celle de la Sealggaljohka. Le chemin est plutôt correct et sec, mais la fragilité de ma cheville droite se fait toujours sentir, malgré la chevillière neuve (mais finalement pas assez protectrice) achetée hier à Narvik. Je profite de la relative régularité du chemin pour lui donner plus de repos, mais je sens qu'il va falloir lui donner plus de protection ...

L'air est calme et le soleil donne généreusement, les températures montent et je retire mon coupe-vent, mais continue à avoir trop chaud : mon nouveau legging et la laine des chaussettes Darn Tough y sont pour quelque chose. J'aurai bien marché en short mais les moustiques s'agitent, alors je préfère transpirer ...

Progressant vers la vallée suivante de la Sealggaljohka, je découvre peu à peu l'imposant massif du Kirken (1894m) couronné de glaciers. Pour une fois je vois des sommets plus élancés, presque alpins ... À son pied s'étend tout en longueur le lac de Sealggaljávri.

le Kirken 1894m et ses glaciers
89tkAzy8I.2023-07-11-07.jpeg

Sealggaljávri
89tkAIdsZ.2023-07-11-08.jpeg

Je me laisse descendre dans la pente paresseuse qui m'amène vers le lac de Cunojávri et son refuge DNT, dont je fais mon objectif pour la pause matinale. Là-bas j'aurai rattrapé la Nordkalottruta qui arrive de suède et d'Abisko, tandis que j'arrive par ma jolie variante plus norvégienne. En chemin je croise un groupe de 5 jeunes "évidemment" bien chargés, nous ne faisons que nous dire bonjour et chacun poursuit dans sa direction.

En passant la barre des 800 km (selfie à l'appui), j'égalise ce matin la distance parcourue lors de ma 1ère HRP : ces 3 semaines de marche forment maintenant ma 3ème plus longue traversée après le "yo-yo" pyrénéen de 2022 et les "Alpes à Fleur de Pô" de 2021 ... Il s'en faut encore de beaucoup avant d'en faire ma plus longue marche sous tous les rapports de temps et distance ...

Selfie des 800km et un moustique qui monte au front
89tkAOY0k.2023-07-11-09.jpeg

Pas certain que les runes soient ce qu'il y a de plus facilement lisible pour un marquage d'itinéraire ...
89tkAVRTi.2023-07-11-09.jpeg

Pont brinquebalant juste avant Cunojávri
89tkB2MY7.2023-07-11-09.jpeg

J'arrive à 10h à Cunojávrihytta au bord du lac : il y a là 2 cabines habitables plus celle hébergeant la réserve et les toilettes. Je fais sur place une rencontre qui va pour une fois un peu me déplaire : je me dirige vers celle des deux cabanes qui est ouverte, occupée par un couple plutôt âgé. M'entendant arriver monsieur va sortir et se tenir entre moi et la porte, faisant mine de discuter mais dans un échange qui ne mène nulle part. Je lui dis que je souhaite faire une courte halte pour laisser un mot dans le registre, et il me répond :
"comment ça, vous n'avez pas la clé ?"
"euh, ben si, j'ai la clé, mais je ne veux pas séjourner, juste laisser un mot dans le hyttebok"
"pour quoi faire ? je ne comprends pas"

Bref je me sens considéré comme un intrus ou un resquilleur, et pas du tout bienvenu ... Ce sera la seule fois de tout mon séjour. Je préfère couper court à ce non-échange qui menace les ondes jusqu'ici positives de la journée, et laisse là mon norvégien taciturne pour me diriger vers l'autre cabine que j'ouvre avec ma clé, y laisse mon mot dans le registre puis m'installe au soleil à la table de pique-nique.

Je décide de strapper ma cheville, ce qui limitera très nettement les moments d'inconforts que je ressens chaque fois que je marche en dévers avec la pente à ma droite.

Un marcheur ultra-lourd et bien pressé de la Nordkalottruta va passer, on ne parle qu'une minute, le temps pour lui de me dire qu'il veut aller aussi loin que possible aujourd'hui, cherchant à doubler toutes ses étapes. Il va dans le même sens que moi mais je ne le reverrai plus ...

Peu après c'est une jeune marcheuse avec, pour une fois, un sac plutôt bien optimisé et un matos visiblement inspiré des thru-hikers US. Greta est contente de me croiser, car elle me dit n'avoir vu personne depuis 4 jours. Partie de Sulitjelma sur la Nordkalottruta, elle s'inquiète de la présence de la neige dans la direction d'où je viens. Quand je lui dis qu'il n'y a rien de compliqué à envisager, elle exulte car elle me dit avoir beaucoup galéré sur la neige depuis son départ le 2 juillet, le pire ayant été dès le 1er jour. Il se confirme donc que la  fonte des neiges est tardive, et que le "pire" est encore devant moi ... Elle a le Cap Nord comme objectif : nous échangeons nos Instagrams respectifs (@greta_jcbs) et continuerons de suivre nos progressions opposées !

Cunojávrihytta
89tkBl4Po.2023-07-11-11.jpeg

Greta et son enthousiasme communicatif
89tkBf00N.2023-07-11-11.jpeg

je passe au strapping, ce sera efficace
89tkB9iLy.2023-07-11-10.jpeg

Je repars à 11h20, bien requinqué par la jolie pause au soleil. La température est montée à 25°C, c'est décidément une belle journée d'été. Ici à 700m d'altitude, j'ai maintenant une large plaine de fond de vallée à traverser avant de retourner dans les montagnes en face.

Après une nouvelle passerelle un peu déglinguée et acrobatique, le sentier court sur une toundra principalement sèche, mais en étant très inégalement matérialisé au sol. Il faut souvent se contenter des cairns et naviguer à l'azimut, jamais très sûr de n'être pas en train de s'écarter de la trajectoire ... Quelques bons torrents à franchir, le dernier étant le plus large et profond avec de l'eau jusqu'aux genoux. J'aurai pu m'en passer au prix d'un détour pour aller chercher un pont ~1km en aval, mais j'avais décidé de m'en tenir au plus court.

Passé ce dernier torrent je crapahute un peu dans les buissons pour retrouver le sentier de la Nordkalottruta qui part à la perpendiculaire dans la remontée d'une vallée en direction du refuge suivant de Cáihnavággihytta.

Pont brinquebalant juste après Cunojávri
89tkBtoxu.2023-07-11-11.jpeg

vallée à fond plat ...
89tkBzl1b.2023-07-11-13.jpeg

enfin, je remonte !
89tkBG4ex.2023-07-11-13.jpeg

Il fait toujours très bon dans cette ascension, et quand j'arrive à 14h30 au refuge de Cáihnavággihytta, le plus haut depuis le départ à 1010m, mon thermomètre enregistre encore 22°C. L'eau ruisselle abondamment sur tous les versants, certaines montagnes bien orientées pouvant littéralement scintiller de toute cette eau de fonte. Je suis là dans un environnement de très beaux lacs, où la végétation rase finit de céder le pas aux seuls éléments minéraux.

C'est le temps d'une pause déjeuner tardive, que je prends sur la terrasse en bois du refuge, confortablement adossé au mur sur mon bout de matelas mousse.  Bien sûr je fais un saut à l'intérieur pour laisser mon petit message habituel dans le hyttebok. J'ai pris l'habitude de commencer chaque message ainsi laissé par mon n° de jour de marche et mon kilométrage, histoire de m'aider à bien réaliser ma progression et ne pas perdre le fil ...

Depuis le départ du Cap Nord, j'en arrive ici à 3° de latitude "redescendus" vers le Sud. Sachant que le soleil de minuit au Cap Nord n'était qu'à 4° de hauteur et que le solstice s'éloigne, mon retour vers les Nuits du Sud va bientôt commencer à être sensible ...

terrain de marche typique à la fonte des neiges
89tkBNlRH.2023-07-11-14.jpeg

arrivée à Cáihnavággihytta
89tkBSLKE.2023-07-11-14.jpeg

pause-café en terrasse !
89tkBY0B0.2023-07-11-15.jpeg

Je repars juste avant 16h pour ce que je veux être une dernière grande session de marche avant le bivouac. Etant parti très tôt j'ai déjà bien progressé et pas nécessairement besoin de pousser trop loin ce soir. Une randonneuse bien chargée arrive dans l'autre sens, et dans la discussion je l'aide dans sa recherche de bivouac, lui indiquant les vastes terrasses herbeuses repérées dans la montée ... J'ai devant moi à franchir le col le plus haut depuis le début de la traversée, au-dessus de 1200m d'altitude. J'avance par étages successifs d'un lac à l'autre, marchant essentiellement sur des pierriers et quelques névés. Encore des rencontres avec un groupe de 4 marcheurs scandinaves (je ne sais pas distinguer les différentes langues à la seule oreille) en direction du refuge tout proche. Le dernier lac est encore à moitié couvert d'une masse d'aiguilles de glace flottantes, rassemblées d'un seul côté par le vent dominant. C'est d'une beauté intense et je me régale les yeux. J'y croise mes 2 derniers randonneurs, dont l'un chantant (plutôt juste, d'ailleurs, c'est assez sympa à entendre dans ce cadre). On se charrie mutuellement sur les opportunités de chaude baignade dans les lacs environnants, puis je retourne à ma solitude et mon trip du soir.

je m'élève au-dessus de Cáihnavággihytta
89tkC46ui.2023-07-11-16.jpeg

la baignade vous tente ?
89tkCa4dy.2023-07-11-16.jpeg

Il me faut contourner ce lac et atteindre le début du col par une montée dans les pierriers et quelques névés plus pentus, mais sans réel danger sur la neige molle. La pente s'adoucit et les champs de neige s'allongent : s'il m'arrive une fois ou deux de m'enfoncer, en général je sais trouver une surface de neige assez ferme et éviter le piège des vides qui se cachent à l'abord des gros blocs.

encore un regard en arrière à la montée du col
89tkChQTl.2023-07-11-17.jpeg

Désert de glace
89tkCn8sH.2023-07-11-17.jpeg

au plus haut, encore un regard en arrière ...
89tkCyBuZ.2023-07-11-17.jpeg

Au plus haut, que je mesure à 1215m, je découvre un autre versant où des masses nuageuses viennent contraster avec le beau soleil que j'ai eu depuis le début de la journée. Environné de neige et avec ces nuages sombres en perspective, il fait pourtant toujours très doux : 18°C au plus frais ... La redescente s'amorce, un peu laborieuse car se partageant entre neige, pierriers et sols ruisselants. Les pieds restent évidemment trempés, mais heureusement pas froids ...

Modulo une petite erreur de routage due à un panneau peu explicite, mais heureusement vite corrigée, je perds lentement de l'altitude en direction du lac de retenue du Gautelisvatnet, me réjouissant à l'avance d'y retrouver la piste carrossable assurant la desserte du barrage. Elle devrait me permettre d'avancer ensuite plus vite, et je forme le projet de pousser ma soirée jusqu'au prochain refuge DNT de Skoaddejávre. Hélas, quand j'approche enfin du lac des affichettes annoncent que le tracé est détourné et les abords du barrage interdits en raisons de travaux, que je peux d'ailleurs voir bien actifs malgré l'heure (19h30). Je dois suivre un marquage récent fait de bâtons à l'extrémité peinte en rouge, lequel m'emmène dans un dédale de grandes dalles rocheuses de la vallée en aval du barrage.

c'est moins beau par là-bas ...
89tkCsjFH.2023-07-11-17.jpeg

un panneau avec des flèches, mais pour où ?
89tkCGifR.2023-07-11-18.jpeg

caillasse, pieds mouillés ... le fun !
89tkCMdB7.2023-07-11-18.jpeg

Là où je rêvais de reposer mes jambes sur de la piste et de cavaler vers le prochain refuge, il faut aller de rocher en rocher, scruter les alentours pour le prochain bâton, m'éloignant toujours plus de la trace directe ... Un bivouac correct est impossible dans cet environnement, et je dois donc impérativement dépasser cette section. Je maugrée et peste tout d'abord, mais il n'empêche que ce bout de tracé est très beau dans l'ambiance du soir, les grandes dalles faciles à naviguer. Il faut descendre vers le fond du vallon, avant de pouvoir enfin remonter sur l'autre versant et attraper une autre branche de la piste que je voulais rejoindre tout-à-l'heure. Il est 20h30 et je me mets en mode automatique au long de la piste, où je croiserai une voiture familiale d'où l'on me fera quelques signes joyeux pour me saluer.

un détour pour travaux (notez la pelleteuse sur la digue de retenue)
89tkCRt6R.2023-07-11-19.jpeg

un long détour ...
89tkD3N2m.2023-07-11-19.jpeg

un beau détour ...
89tkCWZkc.2023-07-11-19.jpeg

un profond détour ...
89tkD9n2S.2023-07-11-20.jpeg

Le ciel s'est de plus en plus bouché tout au long de ma descente du col, et je vois devant moi défiler des ondées, certaines génératrices de beaux arcs-en-ciel. Les températures fraichissent enfin (15°C tout de même), et je décide de reconfigurer en mode pluie. La première ondée est sur moi avant même que d'avoir refermé mon sac, et le redémarrage douloureux après ce court arrêt me fait comprendre que mes muscles sont bien fatigués et demandent du repos. Je boucle le détour en retrouvant le marquage normal de la Nordkalottruta, le refuge n'étant plus qu'à 7,5 km : je me dis que ça reste jouable, et pour peu que le chemin soit roulant je pourrai m'offrir le confort d'un toit et d'un matelas. Il tombe encore parfois quelques gouttes, mais la 1ère ondée fut la plus forte et après ça le ciel va plutôt s'assécher à nouveau.

lac de Gautelisvatnet, un peu de piste
89tkDjtJm.2023-07-11-20.jpeg

où est le trésor ?
89tkDenKe.2023-07-11-20.jpeg

fin du détour
89tkDo25A.2023-07-11-20.jpeg

Bien vite je ressens que le chemin n'est pas si facile que cela : une série de micro montées-descentes, des dévers pénibles pour ma cheville, de l'eau ruisselante ... M'éloignant de la route j'ai de très belles vues sur les lacs dans le couchant, et j'abandonne toute idée de tenter de rallier le refuge. Je scanne le terrain en recherche du premier spot acceptable, ce qui n'est pas totalement évident dans ce paysage de grands rochers et de sols détrempés. J'arrive cependant à trouver une pelouse un peu en dévers et bien drainée, formant à un endroit un léger replat où je pourrai m'allonger. Elle semble suffisamment sèche et je plante ici les piquets, dans un terrain parfait pour eux. J'ai une belle eau fraiche toute proche qui descend d'un névé, tout est parfait.

Il est 21h15, je suis rincé de fatigue et ne profite pas suffisamment de la beauté des lieux où je viens de m'échouer, mais je me rattrape par les images que j'en fais pour en rêver plus tard ...

Admettez qu'avec cette ambiance on veuille se poser ...
89tkDt8TU.2023-07-11-21.jpeg

... alors c'est ce que je fais !
89tkDycbP.2023-07-11-21.jpeg


à suivre ...


Vidéo #22

89tkswUmS.IntroJ22.s.jpeg


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#302 18-10-2023 18:52:47

Archimboldi
Membre
Lieu : Ch'nord
Inscription : 12-03-2012

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Merci pour ton récit Hervé.

Je suis un lecteur silencieux, mais je ne loupe pas un épisode.
Merci aussi pour ton honnêteté, ne pas éluder les moments moins plaisants est important dans un récit.

Je suis impressionné par les distances que tu avales. eek
J'ai passé une douzaine de jours dans les marécages fin septembre, sur une durée de 6 à 10h de marche ma moyenne était presque toujours de 2.5 km/h. Les 40 km quotidiens et plus étaient absolument inatteignables pour moi.

Je vais aussi attentivement analyser ta liste de matériel, il doit y avoir beaucoup d'idées à piocher.
J'avais par exemple lu que la moustiquaire S2S que tu as utilisée, les moustiques là-haut étaient si voraces qu'ils rampaient sous l'herbe pour se faufiler sous la moustiquaire. Visiblement cette moustiquaire sans sol t'a suffi. 90g seulement !  pouce

Bon courage pour la suite de ton récit !  big_smile


"Life is full of wonders for someone who is prepared to accept them." Moominpappa

Hors ligne

#303 18-10-2023 21:31:02

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Salut Archimboldi et merci  calin

À ce stade du récit je n’ai pas encore eu à affronter de vraies longues sections marécageuses : suffisamment quand même pour que les chaussures n’aient que rarement le temps de sécher, mais jamais des journées entières. La majorité de mes chemins étaient « secs », entrecoupés d’épisodes spongieux… En clair, j’aurai moi aussi mes périodes à 2,5 km/h … plus tard …

Effectivement très content de la moustiquaire. Pour bien faire au montage il convient d’étendre sa toile de sol par-dessus la jupe , et avec quelques objets / pierres pour caler, les bestioles ne passent pas. Par flemme je laissais la jupe par-dessus le tyvek : c’était un peu moins efficace, mais j’avais vite fait d’occire la poignée d’inconscients qui parvenaient à se faufiler.


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#304 20-10-2023 11:12:22

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#23 mercredi 12 juillet 2023
Čoarddajávri-Baugebua
39km +935 +979 10h20 (+pauses 2h43)
Cumul 865km +16100m 217h
Vidéo #23

89wbweenC.IntroJ23.s.jpeg


Le vent s'est levé dans la nuit. Sans être particulièrement fort il va se maintenir une grande partie de la journée, et fortement dégrader au passage toutes mes prises de son vidéo, c'est comme ça ! Après les lourds nuages et les ondées d'hier soir, le ciel s'est dégagé et la matinée s'annonce très ensoleillée. Avec l'air qui souffle je supporte le coupe-vent, mais au bord de ces lacs à plus de 900m d'altitude la température n'est descendue qu'à 12°C et j'ai déjà 15°C à 6h00 au moment de partir. Je prends mon 1/2 litre d'eau fraîche au ruisseau qui descend du névé et me voilà en chemin de bon matin.

dernière image avant démontage
89wwuPqRI.2023-07-12-05.jpeg

Avec de grands lacs à main droite, je m'élève lentement à flanc de montagne en direction d'un col à 1112m, traversant des terrasses tantôt sèches, tantôt spongieuses, avec des champs de neige qui se font plus fréquents au fur et à mesure que je reprends de l'altitude. La neige baigne ici et là dans des lacs de fonte, présentant de beaux dégradés de bleu dans les riches lumières du matin. Avec la fatigue de la veille encore présente, les pieds vite mouillés, la neige et toutes les petites montées-descentes dans les terrasses, la progression est laborieuse et je me dis que j'ai bien fait de jeter l'éponge hier soir, sans tenter de pousser sur les derniers kilomètres en direction du prochain refuge : ça m'aurait détruit ! La richesse des vues me donne l'énergie pour surmonter la fatigue cumulée des dernières journées, et j'avance gentiment vers mon col.

Bel environnement, mais fatigant ...
89wwuRGN8.2023-07-12-06.jpeg

Quand j'y parviens je découvre la vue fabuleuse d'un vaste plateau cerclé de montagnes et de glaciers, nappé de lacs à divers stades d'englacement. J'ai l'impression d'être au début du mois de juin, la fonte des neiges semble ne faire que débuter ... Je ne suis plus très loin du refuge DNT de Skoaddejávre, au prix d'une redescente de 100m D- à flanc de montagne, toujours sur des terrasses mêlant dalles rocheuses, rares pelouses, champs de neige et eaux ruisselantes ...

du col, une vue de rêve ...
89wwuUfUd.2023-07-12-07.jpeg

J'arrive à 8h au refuge de Skoaddejávre, surplombant le lac qui lui donne son nom. Le cadenas est en place, m'indiquant que les lieux sont inoccupés et l'ont probablement été la nuit passée : je n'ai a priori personne à rattraper allant dans la même direction que moi. Les eaux sont couvertes de glaces flottantes tandis qu'à terre les champs de neige sont encore dominants. La beauté des lieux me fascine, je ne peux que faire halte ici pour ma pause de petit-déjeuner. Pour une fois je profite de l'intérieur du refuge et m'acquitte de mon passage, trop heureux de pouvoir m'abriter du vent. Et pourtant, dans cette ambiance aux vues glaciaires à 1000m d'altitude au-dessus du Cercle Arctique, il fait toujours 14°C : j'ai hésité à me tenir en terrasse, mais la partie ensoleillée est au vent, tandis que la partie abritée est à l'ombre ... La pause dépasse 1 heure, et je n'ai précédemment marché que 2 heures : j'attaque la journée calmement et savoure le bonheur d'être là ...

Skoaddejávre au bord de son lac
89wwuYDjg.2023-07-12-09.jpeg

fenêtre sur glaces
89wwuWoXm.2023-07-12-08.jpeg

Je me suis rapproché ici de la frontière avec la Suède, qui est juste de l'autre côté du lac. Je dois encore la longer un bon moment ce matin, avant de recommencer à osciller de part et d'autre. Reparti à 9h15, j'ai plus de 20km jusqu'au prochain refuge : dans un environnement où la vitesse moyenne tombe à 3,5 km/h au mieux, c'est loin ... Je commence d'ailleurs par traverser à gué le torrent de fonte bien froid qui s'écoule vers le lac, histoire d'être certain de ne pas risquer de sécher mes chaussures.

D'un cairn à l'autre entre les dalles rocheuses j'essaye de trouver un rythme pour progresser à bonne allure, mais je vais être refroidi par 2 glissades / gamelles en l'espace de 5 mn : l'une sur une flaque boueuse, l'autre sur un rocher mouillé ... Je m'en étais déjà payé une hier dans la neige, ça commence à faire beaucoup. Le terrain n'est pas seul responsable, il y a aussi une part d'inattention due à la fatigue accumulée, et une accroche des chaussures qui commence à se réduire après 850 km ... Je me discipline à faire de plus petits pas et à contenir la cadence, et à mieux jauger là où je pose le pied ...

Il est des vues pour lesquelles j'accepte d'avoir mal aux pattes ...
89wwv0R69.2023-07-12-10.jpeg
89wwv38Xl.2023-07-12-10.jpeg

C'est beau mais exténuant, et quand j'aperçois les grosses bornes jaunes de la frontière avec la Suède je sais que je vais bientôt redescendre vers le terrain plus roulant que mes jambes fatiguées réclament. J'ai 300m D- pour revenir à niveau du lac de Sitasjaure, le sentier se faufilant dans des veines encaissées entre les grandes dalles rocheuses : il faut mettre la main au rocher à plusieurs reprises. Ma trace enregistrée tirait droit à la perpendiculaire des lignes de niveau, mais je me fie au marquage sur le terrain pour atteindre le fond du vallon, plaignant à l'avance les lourds marcheurs de la Nordkalottruta dans cette montée accidentée. Mes pieds sont contents de toucher le fond, je peux enfin marcher à plat et au sec, rejoignant une piste carrossable à hauteur d'un petit parking.

Il va être temps de descendre attraper la piste qu'on voit là en bas
89wwv5fXx.2023-07-12-10.jpeg

J'ai touché le fond !
89wwv9FbD.2023-07-12-13.jpeg

Je vois passer là un cycliste mulet, puis franchit une barrière : a priori il n 'est pas autorisé de passer ici en voiture de Norvège en Suède. Je verrai pourtant une voiture circuler dans un sens puis dans un autre de l'autre côté de cette barrière, alors que d'après ma carte la route est en impasse de ce côté, mystère ... Après le sublime de ce matin, les paysages en fond de vallée autour des grands lacs sont ici un peu gâchés par la piste, des lignes électriques ainsi que des installations hydrauliques, mais je ne boude toutefois pas mon plaisir : la marche est facile et je peux détourner le regard de là où je dois poser mes pieds ...

Je peux activer le mode automatique, permettant à mes jambes de tout à la fois dérouler et se reposer. La piste m'emmène illico en Suède, le passage étant matérialisé par un panneau métallique jaune. Elle passe d'abord entre 2 montagnes, repasse brièvement en Norvège pour déboucher après 5 km sur le lac de retenue du Tjårdavatnet, aux eaux bien ridées par les rafales.  Il est 12h15 et je suis vanné, au point que je pourrais m'endormir en marchant ! Je ne me suis forcé à avancer jusqu'ici que parce que je suis à la recherche d'un spot de pause abrité du vent et doublé d'un point d'eau. C'est au bord du lac pré-cité, presque exactement là où je repasse en Suède, que je trouve refuge à l'appui d'un gros rocher, non loin d'un petit torrent ... Je peux m'allonger sur mon bout d'Arkmat et fermer les yeux quelques instants, ça fait du bien ! Dans ma phase éveillée, je profite d'un bon signal GSM et en profite pour mettre à jour ma correspondance et poster quelques textes et images, m'évitant d'accumuler trop de retard dans mes posts quotidiens.

c'est possible, de dormir en marchant ?
89wwv7CJp.2023-07-12-12.jpeg

Je repars à 13h30, toujours par la piste. Le ciel s'est peu à peu voilé, le vent a un peu faibli ... Je pensais basculer vite sur du sentier en direction du lac de Sitasjaure, mais non, la piste se poursuit ... J'arrive sur les rives de cet immense lac de presque 30 km de long, dont je ne fait que brièvement longer une ultime extrémité. Nouveau retour en Norvège à hauteur d'un panneau jaune, et me voilà quelques centaines de mètres plus loin au refuge de Sitashytta sur les rives de la petite partie norvégienne du lac. Un marcheur en arrive, et j'échange ainsi quelques mots avec un jeune belge francophone sur la Nordkalottruta qui venait de faire sa pause dans cette jolie cabane. Cela me fait du bien de parler un peu français, et au-delà des échanges d'usage sur nos chemins respectifs, il me prévient d'un dénivelé un peu brutal une fois passé le lac, message reçu. Je n'avais encore croisé aucun marcheur aujourd'hui  (mais en revanche un cycliste et un groupe en voiture), il me fait savoir qu'il a dépassé toute une famille ce matin, laquelle ne devrait pas tarder à arriver ici.

arrivée sur l'immense lac de Sitasjaure
89wwvbNxp.2023-07-12-14.jpeg

Arrêt express dans le refuge pour laisser un mot, ainsi que profiter des toilettes sèches, et je reprends la piste qui doit bientôt se finir à l'extrémité du lac. Le ciel s'est bien obscurci depuis ma pause, et certains nuages plus sombres peuvent me faire craindre des averses à venir ... Je croise effectivement dans cette dernière portion la famille (suédoise ?) annoncée, qui prend elle aussi la peine de m'avertir d'un dénivelé un peu brutal à venir. Décidément ... Après le bout du lac, la piste vire pour franchir via un pont le torrent par où les eaux du lac précédent (le Forsvatnet) se déversent dans le Sitasjaure. La large route carrossable s'efface désormais pour une piste de quad ...

Sitashytta
89wwvdNmQ.2023-07-12-15.jpeg
89wwvg2vK.2023-07-12-15.jpeg

Doublement averti d'une ascension raide, je dois arbitrer entre un marquage de peinture rouge qui m'emmène droit dans la pente, et l'itinéraire de ma carte qui me fait poursuivre par la piste de quad. Pour une fois je méprise le marquage et préfère le chemin le mieux matérialisé au sol, et je fais bien : il arrondit le relief et attaque la montée de façon plus raisonnable, avant à son tour de virer raide à même la pente. Un peu de dénivelé me dérouille les jambes, et je retrouve des sensations que je n'avais plus eu depuis longtemps : il n'y a pourtant là que 200m D+ vite avalés ... À ceux qui m'avaient alerté sur ce raidillon de pacotille, je ne peux que recommander d'aller faire un tour en Pyrénées, avec en tête (pour ceux qui connaissent) la longue montée d'Alos d'Isil au Col de la Cornella ... J'y ai vu quelques-uns à la peine ...

à mi-pente, vue arrière sur le Sitasjaure
89wwvidZh.2023-07-12-16.jpeg

Une ligne à haute tension monte la même vallée que moi, sa présence est incongrue dans l'environnement de lacs et de neige dans lequel je remonte. Je m'en sépare quand je passe le col à ~950m d'altitude, et je vire à nouveau vers le Sud sur les hauteurs du lac tout en longueur de Baugevatnet. Pour une fois je rencontre des névés un peu pentus, dont un sur lequel la glissade est décommandée ... La neige est heureusement bien molle à la fin d'une journée aux températures très douces (encore 16°C quand je passe au plus haut à 17h), et je passe là sans réelle appréhension. Je suis néanmoins doublement prudent quand la neige épaisse semble recouvrir un possible torrent, ou bien déborde sur la rive d'un petit lac : je ne voudrais pas passer au travers et privilégie autant que possible le terrain solide du rocher.

beautés austères
89wwvkwAC.2023-07-12-17.jpeg
89wwvmArC.2023-07-12-17.jpeg

L'eau de la fonte des neiges reste abondante et chaque cours d'eau est monté en grade : les torrents sont des rivières, les ruisseaux sont des torrents, les chemins sont des ruisseaux ... L'eau a à peine le temps de s'évacuer des chaussures entre deux immersions ... Quand je le découvre au moment d'amorcer la descente, le Baugevatnet m'apparait dans une austère beauté : ses rives sont à ~600m d'altitude, mais il est bordé par des montagnes à 1200m. Sous le ciel sombre l'essentiel du paysage est en noir et blanc, magnifiant le bleu clair des eaux nappées de glace.

chemin - ruisseaux - torrents - rivières ... c'est tout pareil, c'est de l'eau !
89wwvp20t.2023-07-12-17.jpeg

Baugevatnet, encore en hiver
89wwvsmPT.2023-07-12-17.jpeg

J'arrive vite sur la rive, que je vais devoir longer sur ~3km : le sentier alterne avec des champs de neige qui descendent dans l'eau. La température ambiante est toujours douce à ~16°C, mais chute brutalement à chaque rafale de vent qui arrive sur moi après avoir caressé la surface à moitié gelée. Les aiguilles de glace qui recouvrent le lac tintent dans le vent, mais malheureusement le vent m'empêche d'enregistrer ce son magique que je garde en mémoire ...

écoutez avec moi le tintement des aiguilles qui s'entrechoquent dans le vent ...
89wwvuqMx.2023-07-12-18.jpeg

Je sens bien qu'aujourd'hui la fatigue s'accumule plus vite que les jours précédents, malgré les grosses pauses que je me suis accordé. J'en prévois une dernière à hauteur de l'abri d'urgence dont j'ai préalablement repéré l'existence à l'extrémité du lac, et où j'envisageais de faire une ultime pause avant de pousser encore 10 km jusqu'à la prochaine cabine DNT de Paurohytta. Juste avant ce petit abri de Baugebua, c'est un jeune renne que je vois marcher vers moi, ignorant de ma présence : il s'arrêtera à 20m sur une éminence rocheuse, pour me toiser quelques instants avant de disparaitre.

le renne est roi
89wwvwwcM.2023-07-12-19.jpeg

L'abri de Baugebua est installé en bord de torrent et près d'une belle passerelle métallique. J'y arrive à 19h, 1h plus tard que je ne le pensais au départ de Sitashytta. Je ne peux pas marcher plus sans un repos, mais à cette heure-ci je sais que je ne redémarrerai pas, alors j'opte pour m'arrêter ici pour la nuit, et de profiter de l'une des couchettes de cet abri 2 places. Il a beau être appelé "abri d'urgence", il faut la clé DNT pour y accéder et il est donc payant, au même tarif que tous les autres refuges, soit 200 couronnes (~18 €) ... Ce n'est pas donné, mais avec ma fatigue je n'ai plus la force de résister à la tentation du confort d'une cabane pour moi seul ...

Baugebua
89wwvyuDP.2023-07-12-19.jpeg


à suivre ...




Vidéo #23

89wbweenC.IntroJ23.s.jpeg


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#305 20-10-2023 21:33:01

ASM
Membre
Inscription : 22-09-2016

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Je n'ai pas trop le temps de te déposer un message à chaque étape de ton périple que je lis à mon rythme - Rythme bien plus lent que celui auquel tu postes !
Il y a plusieurs coins que je connais, pas nécessairement à la même saison, c'est vraiment chouette de les revoir.
Au plaisir de continuer à te suivre ....

Hors ligne

#306 22-10-2023 00:27:08

bruno7864
partir, partir et découvrir
Lieu : toujours dans la Lune
Inscription : 11-10-2012

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

6,70 km pour enfin voir le bout du tunnel pouce , et puis la récompense pour nous aussi, que ces grandes étendues sauvages que l'on découvre au fil de tes vidéos. Comment ne pas avoir envie d'aller se laisser absorber dans cette immensité?

Hors ligne

#307 22-10-2023 00:28:46

bruno7864
partir, partir et découvrir
Lieu : toujours dans la Lune
Inscription : 11-10-2012

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

et merci aussi pour la mise en lumière de Grieg  pouce

Dernière modification par bruno7864 (22-10-2023 00:29:26)

Hors ligne

#308 22-10-2023 09:27:51

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

@ASM : je voulais poster plus lentement, mais un rapide calcul m'a montré que je risquais de n'avoir pas fini d'ici l'été prochain. J'essaye autant que possible de tenir un épisode tous les 2 jours, et même à ce rythme ce ne sera pas fini à Noël ...

@bruno : c'est effectivement un terrain de jeu hypnotique ... À revisiter jour après jour et aux fins du récit mes notes, photos, vidéos & souvenirs, je réalise que je suis encore loin d'en être revenu ...


Merci à tous les 2 de votre passage calin , j'espère vous livrer l'épisode 24 à l'heure de la sieste wink !


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#309 22-10-2023 13:58:46

ludof
Membre
Lieu : Lyon
Inscription : 24-08-2021
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Je ne poste pas de message à chaque étape, mais me régale de ton récit et de tes photos.
Même si le dénivelé n’est pas très important, je suis estomaqué par les distances avalées et la durée de marche quotidienne : tu es une vraie machine  eek

Hors ligne

#310 22-10-2023 14:57:51

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#24 jeudi 13 juillet 2023
Baugebua - Røysvatnhytta
35km +784 -769 9h19 (+pauses 2h54)
Cumul 900km D+ 16900m 226h
Vidéo #24

89zDUDHfj.IntroJ24.s.jpeg


Le confort d'un lit dans le petit abri de Baugebua m'a offert un vrai sommeil réparateur, bienvenu avec la fatigue qui s'accumule à travers les difficultés de la montagne. Je n'ai encore fait aucun jour zéro depuis le départ du Cap Nord, et juste bénéficié de quelques journées plus courtes que d'autres autour des étapes de ravitaillement. Le rythme de me lever tôt est néanmoins bien imprimé en moi, et même après avoir pris le temps d'un petit déjeuner je quitte la cabine dès 6h20 ... Nichée dans un profond défilé, elle a passé la nuit bien à l'ombre et le soleil est encore à cette heure derrière la montagne : il me faudra passer sur l'autre rive pour aller le chercher. J'enregistre 12°C : le vent d'hier a nettement faibli (on l'entend quand même dans mon micro), il fait grand beau et je n'ai pas froid, mais préfère malgré tout démarrer dans le confort douillet de la polaire et du coupe-vent. Enfiler chaussettes humides et chaussures mouillées fut moins plaisant ...

Baugebua dans l'ombre à l'heure du départ
89zXWv9qu.2023-07-13-06.jpeg

Mes plans sont de continuer à faire de longues étapes, afin de pouvoir rallier Sulitjelma avant de tomber à court de vivres : j'en suis encore à 180km, et j'estime avoir 4 jours de réserves ... Avec 40 km par jour je peux espérer y arriver avec un sac à peine vidé, mais pas encore affamé, si rien ne me retarde. Je me prends à espérer que les chemins qui suivent sont plus roulants que les précédents : je suis toujours resté un grand naïf.

Par la passerelle ballottante et ondulante toute proche, je passe de l'autre côté du torrent par lequel l'immense Baugevatnet se déverse dans le vallon en direction de la Suède et du Kåbtåjaure, lac plus grand encore ... J'ai 9 km d'ici au prochain refuge DNT, idéalement situé pour une première pause. Le chemin reste fait d'une alternance de rochers, pelouses spongieuses, petits névés, eaux ruisselantes ... Le sentier n'est pas très bien matérialisé, mais au moins j'ai des marques que je peux suivre. Après quelques encâblures sur les rives du torrent, je bénéficie enfin du "lever" du soleil par-dessus la montagne à ma gauche. Les paysages enneigés / ensoleillés sont toujours magnifiques, et bientôt me voilà passant en Suède, frontière signalée par un panneau métallique.

"lever" de soleil, une des dernières journées avec le soleil de minuit
89zXWx7VD.2023-07-13-06.jpeg

Mon chemin doit contourner la montagne pour atteindre le lac de Båvrojávrre : mon itinéraire de la journée est ainsi fait de grands "S" prononcés qui parcourent les vallées et enroulent les sommets. Sur ces flancs au-dessus du Kåbtåjaure, je rencontre à nouveau plus de névés, dont un ou deux exigeant un peu de prudence et que je m'efforcerai de contourner sans suivre la marque qui me les ferait franchir trop abruptement. Avec la fonte l'eau ruisselle toujours et s'accumule dans les creux, m'offrant quelques sympathiques traversées d'eaux paresseuses mais parfois profondes. Mes chaussures et chaussettes n'avaient déjà pas séché de la veille, autant dire que mes pieds baignent en permanence dans l'eau froide ... Pour ne rien arranger ma chaussure droite "baille" désormais sur le côté extérieur, le tissu se déchire lentement et laisse gaillardement entrer l'eau : j'en reparlerai ...

Le marquage n'a pas encore partout émergé de la neige
89zXWz4xI.2023-07-13-06.jpeg

échantillon : pelouse spongieuse, névés, rochers ... et les vues !
89zXWBFC8.2023-07-13-07.jpeg
89zXWDEVS.2023-07-13-07.jpeg

celui-là, je passe large
89zXWFQbZ.2023-07-13-07.jpeg

89zXWHRXo.2023-07-13-07.jpeg

Un peu d'ascension pour atteindre un collet à 900m et entamer la branche suivante du "S" dans la vallée suivante, en même temps que je reviens déjà en Norvège sous un nouveau panneau jaune : les frontières ici ne suivent pas le relief et les lignes de plus hautes crêtes, elles tirent tout droit dans la montagne d'un angle à l'autre. Ce faisant, elles barrent gaillardement le grand "S" de mon parcours : ça fait "$" et voilà pourquoi les refuges sont aussi chers ...

passeports, SVP
89zXWKf2W.2023-07-13-08.jpeg

De ce collet la vue sur les glaces du Båvrojávrre est euphorisante. Bien que plus basse de ~200m D- la vallée est encore très enneigée, je ne suis pas encore rendu au refuge de Paurohytta ! Encore une fois, je me félicite intérieurement de m'être arrêté hier soir à Baugebua, et de n'avoir pas tenté ces "petits" 9 km supplémentaires. Il valait mieux être raisonnablement reposé pour les entreprendre. La descente vers les rives du lac est assez rapide et directe, et de là je vais les longer par une succession de longs champs de neige entrecoupés de dalles rocheuses et de pelouses (spongieuses) en terrasses.

J'atteins bien fatigué Paurohytta après presque 3h de marche et un petit 3 km/h de moyenne : je ne suis pas encore sur les chemins roulants que j'espérais ... Il y a là un beau husky sur le seuil, lequel va m'accueillir affectueusement dès lors que je lui aurai donné le temps de m'identifier et flairer. La boule de poils se laisse caresser et Erik, son maître, se pointe à la porte pour me recevoir. C'est un jeune norvégien qui baroude avec son chien sur la Nordkalottruta, très lourdement chargé de 30 kg ... Il fait relâche aujourd'hui à Paurohytta pour laisser un peu de temps de repos à ses grosses ampoules ...

Mon idée première n'était que d'entrer renseigner le hyttebok, et ne prendre ma pause qu'au soleil sur la terrasse face aux glaces flottantes du lac. La discussion avec Erik est cependant prenante et je reste en intérieur, devant pour ce faire m'acquitter de mon passage en journée et de l'utilisation des moyens du refuge (électricité, réchaud ...). Je constate alors qu'ici le passage est tarifé à 100 couronnes (~8,50€), au lieu des 30 (~2,60€) plus au Nord ! Je ne peux m'empêcher de trouver que ça fait cher le café ...

Erik marche dans le sens conventionnel (vers le Nord ...) sur la Nordkalottruta, et me renseigne sur ce que je vais rencontrer. Les sentiers s'annoncent effectivement plus roulants et moins enneigés, mais les traversées de 2 rivières seront "intéressantes" : je devrais les atteindre demain, avec à l'esprit le fait qu'Erik les a certes franchi, mais avec de l'eau jusqu'en haut des cuisses. Comme il est plus grand que moi, je traduis ça par la hauteur de ma taille ! Les eaux de fonte sont de plus en plus abondantes ces jours-ci et gonflent les cours d'eau jusque bien en aval des montagnes ... Il me tuyaute également pour raccourcir un peu mon chemin cet après-midi, m'invitant à ignorer un peu plus loin le marquage et longer facilement quelques lacs par leur rive Nord plutôt que Sud. C'est me dit-il tout aussi roulant, totalement dégagé de neige et plus court d'une poignée de kilomètres. L'itinéraire apparait sur la vieille carte murale du refuge, mais est absent des fonds cartographiques de nos applications  électroniques.

On parle itinéraire, poids, matos, rando etc. et le temps file vite. Je reste là 2 bonnes heures et, si je me suis bien reposé, mes muscles se sont refroidis et le redémarrage est laborieux. Le temps s'est couvert dans l'intervalle et l'ambiance à l'extérieur est beaucoup moins riante qu'à mon arrivée. Toujours pas froid avec 14°C et peu de vent. L'herbe entre les névés est encore roussie et n'a pas eu le temps de verdir depuis que la neige s'en est dégagée.

en quittant Paurohytta (sur la gauche de l'image). Le temps a bien changé pendant que je discutais avec Erik
89zXWMbyZ.2023-07-13-11.jpeg

Je m'engage sur un isthme étroit qui barre le grand lac en 2 parties : en son milieu la moitié droite du lac se déverse avec un fort courant dans la moitié gauche, par un passage d'une vingtaine de mètres. Avant l'année dernière où une belle passerelle métallique y a été installée, il y avait là 2 canots pour permettre le passage. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce mode de franchissement, la règle est alors que vous traversiez avec le canot qui se trouve sur votre rive, que vous alliez chercher le second canot de l'autre côté pour le tracter vers votre point de départ, avant de repartir encore une fois dans l'autre sens et finir du bon côté, ayant laissé un canot accessible au voyageur suivant quelle que soit sa direction ... Dans le courant il arrivait que certains trouvent la manœuvre impossible, et laissent les 2 canots du même côté : le suivant était alors condamné à attendre l'arrivée en face d'un autre marcheur, ou bien nager, ou bien encore faire tout le tour du lac (facilement 10km, hors sentier évidemment ...). Plus de manœuvre complexe désormais, je n'ai que la passerelle à franchir.

un isthme étroit coupe le lac en deux moitiés
89zXWOup4.2023-07-13-11.jpeg

depuis l'an dernier, c'est un pont, et non plus 2 canots à rames
89zXWQuKT.2023-07-13-11.jpeg

De là le chemin semble effectivement devenir un peu mieux formé, plus sec ... J'ai droit à une nouvelle belle passerelle par-dessus le déversoir d'un autre lac tout proche, puis me lance dans un nouveau "S" autour de la montagne suivante. Entretemps j'ai pu entrevoir un peu du vaste glacier du Gihtsejiegŋa : d'une certaine façon c'est de lui que je fais le tour. Je m'engage alors à flanc de montagne dans une pente assez franche, avec un peu de soleil qui revient, pour repasser maintenant en Suède entre 2 grosses bornes cylindriques de pierres peintes en jaune. Je reviens au-dessus des rives du Kåbtåjaure par des terrasses herbeuses : le marquage sur ce côté suédois a disparu, j'avance à l'instinct en cherchant à rester à niveau et garder la rive du lac en contrebas sur ma droite, suivant les sentes que je trouve parfois. Elles pourraient tout aussi bien être le produit du passage animal des rennes tout comme des humains. J'y trouve parfois une empreinte de semelle, m'indiquant que je ne suis pas totalement perdu ... Bon, je me rassure également au GPS, la technologie m'épargne ainsi le vrai frisson de l'aventure aux extrémités d'un monde perdu ...

autre isthme, autre pont ...
89zXWSTCa.2023-07-13-12.jpeg

au fond le glacier de Gihtsejiegŋa
89zXWUUXg.2023-07-13-12.jpeg

j'accumule les bornes
89zXWXhhC.2023-07-13-12.jpeg

Parfois j'aperçois en contrebas une sente qui me semble mieux formée et je change de niveau, puis ladite sente reprend progressivement de la hauteur avant que je ne change à nouveau d'étage ... Je marche désormais principalement sur des pelouses plutôt sèches, progressant nettement plus vite que ce matin. Je fais une pause déjeuner au-dessus des rives du Kåbtåjaure, à peine 1h30 après mon redémarrage. Un peu de soleil est revenu et je veux en profiter, l'arrivée d'autres nuages semblant se profiler. Le temps d'arrêt est plus limité avec 40 mn, ce qui est ma durée "standard" pour me déchausser, chauffer un café et grignoter, et repartir sans que les muscles ne se soient trop refroidis.

Sans marquage associé, je suis la recommandation d'Erik pour longer par le Nord la série des lacs allongés du Skuogejávrre. Il y a là encore moins de chemin que précédemment (et absolument aucun marquage), et je découvre le plaisir du hors sentier total, sans même un itinéraire GPS pour m'accompagner dans ma cartographie téléphonique. Je prends des points de repère au loin pour me guider, puis jauge mes trajectoires sur le terrain pour m'en tenir le plus possible aux terrasses herbeuses, et naviguer au mieux dans les tourbières. Je m'offre au passage la traversée d'une large rivière, peut-être 40 m, heureusement peu profonde ... Une superbe cascade rugissante m'accompagne dans ma descente entre 2 lacs ... Seuls humains entre les 2 refuges, j'aperçois un couple de pêcheurs installés en contrebas sur la rive du lac : trop loin pour seulement nous saluer. Dans l'ensemble ce raccourci est verdoyant, roulant, très beau ... très long ...

Cascade que je suis heureux de n'avoir pas à franchir
89zXX1Lcy.2023-07-13-15.jpeg

Il a fait chaud dans l'après-midi au soleil, jusqu'à 23°C, mais la parenthèse ensoleillée finit par se refermer et le soleil disparait avant que je ne sois arrivé au bout du Skuojagejávrre. Les premières gouttes finissent par arriver et je passe en configuration de pluie. Je suis encore très précautionneux avec ma caméra face aux éléments, et image avec mon seul téléphone (les iPhones sont aujourd'hui plus résistants à l'eau que tous ceux que j'ai noyé dans mes aventures précédentes ...). Je m'éloigne du Skuogejávrre pour remonter un vallon, où je retrouve le marquage "officiel" de la Nordkalottruta après avoir franchi un torrent avec de l'eau jusqu'à mi-cuisses, heureusement avec un courant plutôt débonnaire.

sablier géant et fossile
89zXWZkBc.2023-07-13-13.jpeg

Je retourne à une ambiance hivernale avec un peu de pluie et du vent, revenant dans les restants de neige et les rochers. Des plaques de glace flottent encore sur les petits lacs que je longe au milieu des grands blocs. Encore une remontée et me voilà à l'ascension d'un semblant de col à ~800m, en même temps que de la frontière. Sur l'instant je ne sais plus très bien de quel pays je sors et dans lequel j'entre, mais c'est bien de Suède en Norvège, 4ème passage de la frontière aujourd'hui. Le chemin est foutraque, rarement visible sur le terrain au milieu des blocs de rochers, à peine marqué par quelques cairns faméliques faits de 2 ou 3 pierres posées sur un rocher plus gros. Je les distingue à peine de toute la caillasse environnante, et parfois une maigre trace de peinture rouge finit de s'effacer sur la pierre sommitale ... Je suis aidé par le panneau frontalier, car en général ces derniers sont posés là où un itinéraire passe la ligne imaginaire.

retour dans l'hiver
89zXX3E7F.2023-07-13-16.jpeg

plus qu'un col à passer
89zXX8cBk.2023-07-13-17.jpeg

Passé le col je me retrouve sur un plateau rocheux parsemé de petits lacs coincés entre les dalles de pierre arrondies. C'est un dédale pour y faire son chemin, et arriver à 18:30 au refuge DNT de Røysvatnhytta, entre les deux lacs de Bjørnvatnet et Røysvatnet. Pile à la marque des 900 km (selfie !), je veux marcher encore ce soir, toujours avec la logique de progresser le plus possible vers mon ravitaillement avant que d'épuiser mes vivres. J'ai cependant besoin de faire un arrêt, ayant marché 4 heures depuis ma dernière pause : avec la petite pluie et le vent revenus, être en intérieur est un luxe qui ne se refuse pas !

900 km, et le nez qui pèle de trop de soleil de minuit
89zXX62wf.2023-07-13-16.jpeg

Røysvatnhytta
89zXXakmD.2023-07-13-18.jpeg

Le cadenas ouvert me signale qu'il y a déjà du monde. Je me déchausse dans le vestibule, puis entre dans la pièce de séjour où 2 marcheurs, l'un allemand et l'autre norvégien sont en pleine discussion. Il y a aussi 2 marcheuses allemandes, qui se retireront plus tôt que nous pour la nuit. Les présentations d'usage commencent, et après un court instant le norvégien et moi nous interpellons :
-"es-tu Hervé ?"
-"es-tu Harald ?"

... car il se trouve que nous avons correspondu sur Instagram il y a une dizaine de jours, anticipant que nous n'étions plus très loin de nous croiser. Harald a débuté le Norge På Langs le 22 avril depuis Lindesnes, et j'ai commencé à le "suivre" dans ses posts quotidiens une poignée de jours après son départ. Il est un peu surpris que nous nous croisions 24 jours après mon départ, là où il planifie encore plus du double avant d'arriver au Cap Nord (spoiler : il terminera au Cap Nord 3 jours après moi à Lindesnes). Il est le second "northbounder" que je croise après Tino (mais je ne suis pas sûr de devoir compter ce dernier, car parti d'Oslo et ignorant l'existence du NPL).

Aux yeux ahuris de Jan, l'allemand dont j'ai interrompu la conversation avec mon irruption, nous nous tombons mutuellement dans les bras avec Harald, jouant la comédie des retrouvailles ...

@a.pas.leger & @harald_norgepaalangs_2023
89zXXcbd9.2023-07-13-20.jpeg

Forcément, et même si cela me pose un potentiel problème logistique d'ici à mon ravitaillement à Sulitjelma, ma motivation pour marcher encore ce soir tombe à zéro. Je passerai donc une nouvelle nuit dans un refuge en dur (250 couronnes, ~22 €). Un couple de danois qu'Harald comme Jan ont croisé dans la journée doit arriver encore, et comme Harald a largement étalé les affaires de son énorme sac dans son dortoir, je fais savoir que je me contente volontiers d'un canapé de la pièce commune, formule plus simple pour qui doit démarrer de bonne heure.

Quand nous parlons d'itinéraire, et que j'indique que je veux contourner le lac suédois d'Akkajaure par l'Ouest plutôt que de marcher vers Ritsem, Harald me dit que je ne passerai pas par là ... Il me parle des mêmes rivières bien gonflées à l'égard desquelles Erik m'a averti ce matin, et que ce dernier avait franchi il y a quelques jours avec de l'eau jusqu'en haut des cuisses. Harald est passé par Ritsem (au prix d'une traversée de l'Akkajaure en bateau) pour remonter le lac par l'Est et le chemin du Gränsleden, mais le couple danois qu'il a doublé dans la journée avaient entrepris mon itinéraire envisagé par l'Ouest. Après 25km ils ont rencontré l'une des 2 fameuses rivières, et ont dû renoncer à la traverser, dans une eau trop profonde et un courant trop fort. Ils ont donc rebroussé chemin sur 25 km, pour finalement traverser eux aussi le lac et passer par l'Est ... 50 km en plus et 2 jours pour rien !

Lesdits danois arriveront tard, passé 20h, mais camperont à l'extérieur du refuge (le tarif est par personne, ça chiffre donc vite quand on est en couple !).

Pour ma part je vais utiliser le conseil de la nuit pour soupeser mes options pour demain, prenant en compte les annonces pessimistes d'Harald ("les danois ont rebroussé chemin, trop profond et trop de courant"), la version plus optimiste d'Erik ("de l'eau en haut des cuisses, en traversant par un genre de lac pas trop profond avec peu de courant"), ma réserve de vivres qui s'amenuise comparée aux kilomètres qui me restent, l'état de l'une de mes chaussures dont l'usure m'inquiète ... Là-dessus, je récupère une couverture dans l'une des chambres, et m'installe pour la nuit sur la banquette, dans le refuge qui s'endort ...

Harald est arrivé ici en 83 jours, moi en 24
89zZggcqM.2023-07-13-21.png

à suivre ...


Vidéo #24

89zDUDHfj.IntroJ24.s.jpeg


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#311 24-10-2023 11:53:57

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#25 vendredi 14 juillet 2023
Røysvatnhytta - près de Ritsem
40km +1055 -1054 10h20 (+pauses 2h07)
Cumul 940km D+17900m 237h
Vidéo #25

89CFVUEKj.IntroJ25.s.jpeg

Sur la banquette de la salle commune du refuge de Røysvatnhytta, je me réveille plusieurs fois dans la nuit : j'ai bien trop chaud sous la lourde couette, et c'eut été pire encore dans mon duvet. Vers 5h du matin je me mets en mouvement pour me faire un petit déjeuner et remballer mes affaires. L'une de mes colocataires allemande passe en somnambule pour aller chercher les toilettes à l'extérieur, tandis que je laisse un petit mot d'au-revoir à Harald, lequel émergera malgré tout au moment de mon départ, nous permettant des adieux et encouragements plus formels pour la suite de nos Norge På Langs respectifs ...

C'est au moment de me rechausser que je constate que ma chaussure droite est beaucoup plus abîmée que je ne le pensais. Cela avait commencé par le décollement partiel du pare-pierre, chose qui m'était déjà arrivé avec une autre paire de Mescalito sans que cela porte à conséquence. Cette fois en revanche c'est plus sérieux, car le décollement a exposé plus de tissu aux forces de torsion, et celui-ci s'arrache de la semelle par le côté extérieur. J'avais bien senti depuis longtemps les entrées d'eau, mais n'avait pas réalisé que la déchirure était déjà si prononcée ... Les chaussures sont encore trempées et je ne peux rien tenter de recoller, toute réparation sérieuse devra attendre un séchage en bonne et due forme.

Encore une fois les températures du matin sont douces (12°C), sous un temps couvert et incertain. La pluie n'est pas exclue, et je supporterai longtemps la veste de pluie par-dessus mon T-shirt.

Me voilà donc parti à 6h40, avec une poignée de kilomètres devant moi pour prendre une décision d'itinéraire. À 4 km d'ici je dois trouver l'intersection avec le Gränsleden, et là arbitrer entre mon itinéraire prévu par l'Ouest du lac Akkajaure afin de rester sur une traversée 100% pédestre, ou bien me détourner par la villégiature de Ritsem au prix d'une traversée en bateau du lac. 2 raisons me font déjà pencher pour le détour :
- mes vivres qui risquent d'être courts d'ici à Sulitjelma, à au moins 3 jours d'ici
- les rivières en crue qui risquent de me faire faire demi-tour, à l'image des 2 danois qui dorment à l'extérieur

la tente des danois à Røysvatnhytta
89CUF3ZEO.2023-07-14-06.jpeg

Je pense remettre la décision définitive jusqu'à l'intersection, mais après seulement 500m je réalise que je ne cesse de craindre que ma chaussure ne se déchire un peu plus, ou de me tordre la cheville à cause d'un pied mal maintenu. Sur l'instant je me décide à tenter le collage à la super-glue malgré l'eau qui les imbibe : option vite abandonnée, car je découvre que mon tube de colle s'est éventré à un moment quelconque depuis le départ, formant un bloc de colle séchée dans le plastique où je l'avais emballé ... Pas à court de moyens, je décide d'utiliser une bonne longueur de Duct-Tape pour serrer l'avant du pied et prévenir la poursuite de la déchirure. À partir de là, je dois être prudent en posant le pied, car forcément l'avant de la semelle est désormais lisse et n'offre plus que très peu d'accroche ...

tiendra ? tiendra pas ?
89CUXdXWv.chaussure.jpeg

J'ai désormais une 3ème raison de passer par Ritsem : trouver de la colle ou de nouvelles chaussures, au prix d'une longue escapade en bus / train à travers la Laponie suédoise ... Un peu plus de 40km sur la carte et donc encore plus dans la vie réelle, Ritsem est peut-être jouable d'ici ce soir, et je pourrai alors utiliser la journée de demain tout à la fois pour ma logistique et un peu de repos.

Pour ne rien arranger aux contrariétés du matin, très vite après le refuge je me retrouve dans un dédale de rochers, neige, flaques ... où j'ai bien du mal m'orienter tant les cairns ne sont pas clairs sur la direction à suivre. Lorsque je "tiens" un cairn le suivant n'est souvent pas visible, et je dois "flairer" le terrain pour juger de la direction la plus logique à prendre. Je dois m'en remettre en permanence à mon GPS pour rester dans la bonne direction générale, au prix de multiples aller-retours sur des veines de rocher saillantes entrecoupées de petites gorges où les points de franchissement ne sont pas clairement indiqués. Au bout d'un moment, je finis par comprendre que les cairns sont ici positionnés sur des éminences pour être vus de très loin, mais qu'ils n'indiquent pas nécessairement l'emplacement exact de la trace, et il s'en faut parfois de 100 m ! Ma progression est désespérément lente :  c'est fatigant, c'est contrariant, et les rennes suédois ont désormais appris à entendre quelques jurons sonores en bon français ...

il me faut faire mon chemin là-dedans
89CUQxQlR.2023-07-14-06.jpeg

zigzags
89CJeePYI.2023-07-14-07.png

mais j'ai de la vue ...
89CTZt6he.2023-07-14-06.jpeg

J'apprends à contre-vérifier plusieurs fois ma direction avant de viser le prochain cairn, et finit par atteindre l'intersection des sentiers. Les panneaux de direction sont à terre, mais ont été disposés au sol avec la bonne orientation. Je bifurque ici sur ma gauche et vers le Sud-Est le long du sentier de la frontière , le Gränsleden, lequel relie sur 60 km les bourgades suédoise de Ritsem et norvégienne de Sørfjorden. À noter d'ailleurs que je suis repassé en Suède 1 km après mon départ : Røysvatnhytta ne constituait qu'un court retour dans le pays que je suis supposé traverser ... J'ai maintenant devant moi 3 journées exclusivement suédoises avant de retrouver le pays de Peer Gynt ...

le désordre n'est qu'apparent, suivez les flèches
89CVlIX0Y.panneaux.jpeg

ce sont les plus gros et lourds que je trouverai dans toute la traversée
89CTZvyyK.2023-07-14-07.jpeg

Mal matérialisé au sol, le chemin descend de cairn en cairn et par terrasses successives en direction du lac de Sårgåjávrre. Le terrain se fait moins enneigé, plus herbeux mais aussi plus spongieux ... Dans la descente je trouve un premier abri pour randonneur, auvent à 3 murs avec banquettes et table de pique-nique, et bien sûr toilettes sèches à proximité.

abri n°1
89CTZBXgd.2023-07-14-08.jpeg

quand le passage est obligé, un semblant de chemin apparait
89CTZEn5g.2023-07-14-13.jpeg

Je trouve un bel environnement à l'altitude du lac de Sårgåjávrre, où le chemin surplombe de petites gorges où rugissent les torrents, enjambées par de bonnes passerelles. Le sentier est de meilleure facture, et je me prends à rêver d'un itinéraire enfin roulant. Je commence à retrouver quelques bouleaux avec la perte d'altitude, et sous le soleil voilé les températures tournent autour de 15-17°C, idéales pour la marche. Le chemin tente de rester au sec en suivant les veines de rocher entre les sections marécageuses, au prix de circonvolutions qui rallongent le trajet, mais parfois il n'ya pas d'autres options que de marcher sur la tourbière au son régulier des "plouitch-plouitch" ...

La vue sur lacs, torrents, forêts, montagnes et glaciers est bien belle. Vers le Sud le massif de l'Àhkkå (2011m) s'impose sur le Sarek (2089m) plus lointain ... Je suis dorénavant sous le niveau des derniers névés, mais dans cette immensité j'ai l'impression de ne pas progresser. Je longe à distances variées et pendant 2 heures le lac de Sårgåjávrre, encore loin d'arriver à Akkajaure qui fait 60 km de long !

Sårgåjávrre : petites gorges et passerelles ...
89CXQ5URJ.passerelle.jpeg

là-bas, l'Àhkkå et en retrait à sa gauche le Sarek
89CTZGAza.2023-07-14-13.jpeg

Je commence à me chercher un spot de pause, mais pour cela je voudrais trouver de l'eau. Paradoxalement, malgré tous ces marécages et tourbières la sécheresse frappe ici également. Je ne vois plus les rivières qui charriaient tout-à-l'heure l'eau de la fonte des neiges, et toutes les eaux que je croise sont stagnantes et jaunâtres. Je préfèrerais éviter d'avoir à filtrer, et attends de retrouver un torrent ... qui ne vient pas. Je pousse toujours plus loin, jusqu'à une nouvelle cabane ... J'explore les environs car en bonne logique ces abris sont positionnés près d'un point d'eau, et effectivement je parviens à trouver une maigre source, ouf ! Il est 11h passées et voilà 4h30 que je marche, il était temps. Le duct-tape à ma chaussure tient encore mais ne restera visiblement pas en place à long terme : pourvu qu'il me permette d'atteindre Ritsem, ce sera déjà ça ! Il tombe quelques gouttes pendant que je grignote et sirote une boisson chaude, le temps lourd me laisse croire à l'arrivée d'une pluie plus forte, mais il n'en sera rien.

abri n°2 et pause
89CWNj19N.abri.jpeg

En repartant après la pause je me fais surprendre en suivant le large sentier ... qui ne mène nulle part et se perd dans les bouleaux ! Retour vers l'abri, et après avoir scruté les environs je finis par apercevoir une flèche de peinture délavée invitant à emprunter un passage dans la petite falaise ... Décidément l'itinéraire est dur à suivre, malgré 3 marquages différents (et successifs ?) qui cohabitent :
- des cairns qui ne sont pas forcément sur le chemin

plus le cairn est beau, plus il est trompeur
89CTZxJN6.2023-07-14-08.jpeg
89CTZzY22.2023-07-14-08.jpeg

- des marques de peinture rouge très anciennes : sur la pierre elles sont délavées et presque invisibles, sur les arbres elles tombent au rythme du renouvellement de l'écorce des bouleaux (quand les arbres ne sont pas eux-mêmes à terre ...)

le bouleau est mal fait
89CTZNRgt.2023-07-14-14.jpeg

ceci est une flèche rouge
89CVREJrZ.flche.jpeg

- des petites tablettes multicolores accrochées aux arbres par des ficelles ... mais dont la moitié gisent à terre, tombées avec les branches cassées sinon avec l'arbre entier.

ça, c'est mieux, sauf quand c'est à terre ...
89CTZJ4IB.2023-07-14-13.jpeg

Je dois scanner les sols devant moi sur un chemin presque invisible pour y deviner les traces de passage, et si je cesse de me perdre c'est au prix d'une concentration permanente et fatigante ... Tout à suivre le chemin, à plusieurs reprises l'envol brusque et criard des lagopèdes cachés dans la végétation me fait sursauter : rien de tel qu'une bonne surdose d'adrénaline pour éviter l'endormissement !

Il est 14 heures quand je touche une première fois la rive du lac d'Akkajaure, où je trouve le 3ème abri de la série. Je ne m'y arrête pas, et emprunte non loin une nouvelle passerelle par-dessus un large torrent tout près de son embouchure sur le lac. Même si je n'avais pas prévu de passer par cette rive de l'Akkajaure, je reconnais ce franchissement d'après le récit d'Agnieszka 'Zebra' Dziadek, passée ici l'an dernier alors que les eaux du lac étaient à des hauteurs record, noyant l'accès à l'ouvrage : il fallait s'immerger totalement pour atteindre les planches ... L'été 2023 est bien différent et paradoxal : là où l'eau ne stagne pas la végétation est grillée par la sécheresse, les ruisseaux et sources ne coulent pas ou très peu mais les rivières sont en crues dès lors qu'elles vont chercher leur eau dans la fonte des neiges plus loin dans les montagnes.

été 2023
89CTZLjRB.2023-07-14-14.jpeg

la même à l'été 2022, depuis l'autre rive
89CPgDDFM.zebra1.jpeg

Après cela je ne retrouve la rive du lac qu'une seule fois, à hauteur d'une plage et d'une cabane de planche cadenassée. Sur la plage une grosse tente est installée, mais je n'y vois personne : très certainement des pêcheurs actuellement hors de vue dans leur embarcation quelque part sur l'immensité du lac ... Le niveau du lac de barrage est cette année très bas, découvrant de larges bandes claires disgracieuses et dénudées ... Ensuite le chemin est plus dans l'intérieur, d'abord sur un isthme avec un (beaucoup plus petit) lac voisin. Il reprend lentement un peu d'altitude, avec une belle et franche montagne à franchir avant de redescendre beaucoup plus loin vers Ritsem. La présence de la civilisation se fait d'ailleurs entendre avec le passage d'un hélicoptère, peut-être l'un de ceux qui offrent aux randonneurs pressés un accès accéléré au Sarek ...

Akkajaure bien bas
89CTZQ1Aw.2023-07-14-15.jpeg

Un peu avant 17h et après une nouvelle session de 4h30 sans arrêt, je refais une halte sur un joli replat avec vue sur l'Akkajaure et, par-delà, les montagnes qui me séparent des fjords de Norvège ... L'arrêt dure les 45 mn règlementaires, pas plus, et je repars avec pour objectif d'être à Ritsem ce soir, encore à 12 ou 13 km. Le duct-tape de ma chaussure a fini par céder et a rejoint ma poubelle, mais comme je suis sur du meilleur chemin j'arrive à pas trop mal gérer le baillement de ma chaussure ...

halte ! Vue vers l'Ouest et le Rautåive (1578m)
89CTZSs9k.2023-07-14-17.jpeg

N'ayant pas fait de repérages pour cet itinéraire, j'ai l'heureuse surprise de reprendre encore de l'altitude et retrouver une ambiance plus montagnarde, ainsi que des vues de plus en plus dégagées. Je dépasse à nouveau les 800m (le lac était à 450m), et j'ai maintenant un meilleur sentier évoluant presque à niveau entre pelouses et rochers. Je peux mieux apprécier mon environnement, et commence à repérer que certains spots feraient de bien bons bivouacs ...

Pour ne rien gâcher le ciel s'éclaircit et je marche sous un beau soleil du soir : les lumières rasantes magnifient les reliefs de l'autre-côté du lac, montagnes et glaciers m'hypnotisent ...

de mieux en mieux
89CTZUDrC.2023-07-14-18.jpeg
89CTZX493.2023-07-14-18.jpeg

Encore une fois une famille de lagopèdes se met à courir devant moi : les poussins sont désormais assez grands pour déjà s'envoler et s'égayer aux alentours, tandis que les parents courent en zigzags devant moi pour détourner mon attention.

lagopède racing team
89CTZZmv4.2023-07-14-18.jpeg

Peu à peu je me fais à l'idée que je n'ai rien à gagner à être à Ritsem à 20h ou 21h : en bivouaquant et me levant tôt demain, je pourrais y être dès 7h et enquiller avec ce que j'aurai à faire dans cette journée. Je me fais plus attentif aux spots où je pourrais planter les piquets, d'autant plus que je recommence à croiser quelques beaux torrents d'eau fraîche alimentés par les névés ... Juste après le point le plus haut avant d'attaquer la descente vers Ritsem, encore à ~6km, je trouve le spot de rêve auquel je ne peux résister : vues sur des lacs de de toutes dimensions, les montagnes, les glaciers ... Le site a déjà été utilisé, et une série de belles pierres est à disposition pour maintenir les piquets en cas de vent, le tout sur une belle pelouse facile à piquer et tout proche du torrent ! Je jette le sac à terre et m'installe, content de m'arrêter à la fin de cette journée laborieuse et pourtant si belle ...

spot parfait
89CU01xSo.2023-07-14-19.jpeg
89CU03Bcy.2023-07-14-19.jpeg

à suivre ...


Vidéo #25

89CFVUEKj.IntroJ25.s.jpeg


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#312 26-10-2023 13:26:32

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#26 samedi 15 juillet 2023
Ritsem - Vastenjaure, Padjelanta
40km +565 -677 8h35 (+pauses 4h30)
Cumul 980km D+18500m 245h
Vidéo #26

89G0NipQb.IntroJ26.s.jpeg


Le temps se couvre sur mon spot de rêve, et il pleut une première fois entre minuit et une heure du matin. J'ai droit à une nouvelle petite averse vers 5-6 heures, laquelle me tire définitivement du sommeil et m'incite à remballer. Je suis en chemin à 6h30 sous un ciel gris avec un petit 8°C de température. Les belles vues par-dessus l'Akkajaure ont disparu, et mon sentier du Gränsleden redescend désormais vers les rives du lac, 300m D- en contrebas. Je repasse à l'envers les étages de végétation, bientôt de retour dans la forêt de bouleaux et quelques étangs aux abords boueux.

au matin, la vue a disparu et il ne fait pas bien chaud
89Ger6nWN.2023-07-15-06.jpeg

Ma Mescalito ouverte est désormais sans la réparation du duct-tape, je m'efforce de prendre garde à la manière dont je pose le pied pour ne pas risquer de me tordre la cheville. En réalité, cela fait déjà de nombreux jours que je compense inconsciemment la faiblesse de ma chaussure ... Peut-être après tout pourrait-elle poursuivre encore, sans m'obliger à une opération logistique compliquée depuis Ritsem pour me racheter une paire à des centaines de km d'ici ...

À force de descendre le sentier devient une piste, puis la piste devient une route. J'ai aperçu de haut les rares bâtiments qui forment le village de Ritsem : en passant devant le camping il y a là 10 fois plus de caravanes que de maisons dispersées aux abords du lac ... Je n'avais ici rien repéré ou planifié préalablement, n'ayant pas prévu de passer par ce côté du lac : grâce à mes échanges avec les autres randonneurs je sais juste qu'il est possible de ravitailler ici, et à 8h20 j'arrive au gîte / refuge / office de tourisme où je fais halte. Je peux m'installer dans la grande salle commune, d'où je profite de la cuisine pour me chauffer de l'eau et prendre un petit-déjeuner parmi les autres randonneurs de passage, qui eux ont dormi ici.

Ritsem : la signalisation d'hiver attend les premières neiges ...
89GeGjK4f.2023-07-15-12.jpeg

... tout comme les motoneiges qui traînent dans les fossés boueux
89GeLLdjZ.2023-07-15-12.jpeg

Les options pour aller "en ville" me semblent horriblement compliquées et risqueraient de me coûter plusieurs jours. Les choses seraient plus simples si ma chaussure voulait bien tenir au moins jusqu'à Sulitjelma, à 3 jours de marche. J'ai manqué de peu la première navette du matin pour passer de l'autre côté du lac, la prochaine est à 13h. La réception du gîte fait épicerie (avec des horaires assez serrés), et lorsqu'elle ouvre j'y vais recompléter mon stock afin de retrouver 3 jours complets d'autonomie. Je demande à tout hasard s'il n'y aurait pas quelque part une bonne colle à chaussures que je puisse utiliser : on me proposera bien (et très gentiment) un pot de colle sorti du comptoir, mais totalement inadapté à la réparation que je voudrais faire.

Je discute avec Viktor, marcheur suédois qui veut emprunter ce matin le Gränsleden d'où j'arrive, et je peux le renseigner sur l'état du chemin : pas difficile, à condition de rester vigilant sur le marquage et l'orientation ... J'apprends en retour que le Padjelanta vers lequel je me dirige est d'une facilité déconcertante ... Cette information emporte ma décision de prendre le risque de faire durer encore ma chaussure, et à prendre le bateau de 13h pour poursuivre la marche dès cet après-midi. Je resserre la chaussure cette fois avec de l'élastoplaste, mais lorsqu'il sera une nouvelle fois arraché à la fin de la journée, je réaliserai que je peux continuer à marcher sans réparation de fortune. Pas idéal, mais ça se fait ...

Autre argument pour poursuivre la marche, la météo de demain est assez mauvaise avec de la pluie et surtout du vent, lequel risque de suspendre toutes les traversées. Le bateau qui assure la traversée n'est pas fait pour le gros temps ...

J'ai ainsi quelques heures à tuer avant d'embarquer, pratiquement une demie-journée de repos qui me fait beaucoup de bien ...

À midi j'ai besoin de me dérouiller les jambes et me décale du gîte vers l'embarcadère, qui est tout de même à 1,5 km. J'arrive à oublier dans un premier temps mes lunettes, mais bon je ne serai pas allé beaucoup plus loin sans m'en apercevoir ... Descendu sur le "port" je me retrouve seul à attendre, jusqu'à ce qu'à quelques minutes du départ arrive un bus plein à craquer de marcheurs de toutes nationalités, tous avec des sacs énormes ... Avec le niveau extrêmement bas du lac, il faut marcher sur les galets pour rattraper la passerelle pour embarquer. On paye son billet une fois installé à bord, un membre de l'équipage passant avec son petit terminal de carte bancaire : après des semaines de vie sauvage et solitaire, l'utilisation de la technologie dans les lieux les plus reculés ne cesse de me surprendre ... Moi qui m'inquiétais de n'avoir pas de liquide en devise suédoise ...

seul à l'embarcadère ... avant l'arrivée du bus ...
89GeOFgcK.2023-07-15-12.jpeg

le bateau
89GeS3k3Z.2023-07-15-12.jpeg

Autre manœuvre à l'embarquement : chacun est invité à déposer son gros sac à dos dans l'espace désigné à cet effet, afin de ne pas surencombrer la cabine. Pour ce qui me concerne, on m'invite à garder le mien avec moi, même gonflé par 3 jours de provisions il ressemble plutôt à un bagage à main ... Je m'installe à l'arrière sur le pont ouvert, afin de mieux profiter des vues. Nous ne sommes que 4 ou 5 à en faire ainsi, tandis que 40 personnes se serrent dans la cabine, dans laquelle je risquerais trop facilement d'avoir le mal de mer.

Le temps est calme et la traversée de 45 mn est très paisible. Le plafond nuageux est remonté, permettant de retrouver de belles vues sur les montagnes. En revanche la météo pour demain est assez mauvaise, avec de la pluie et pas mal de vent.

traversée sous un ciel bas, et sur des eaux calmes
89GeUndhj.2023-07-15-13.jpeg

La navette dessert 2 destinations sur l'autre rive : Ännonjálmme puis Vaisaluokta. J'avais originalement prévu de bifurquer dans l'intérieur sur cette seconde escale, mais je préfère descendre dès la 1ère qui me permet de m'engager directement sur le Padjelanta. Je n'ai pas de préférence particulière pour l'un ou l'autre itinéraire, ni d enotion pour dire si l'un est plus intéressant que l'autre, alors je prends celui qui me permet de me remettre en marche au plus vite ...

Au débarcadère, je me presse pour ne pas me retrouver prisonnier de la longue file des marcheurs fraîchement débarqués. Ce n'est pas difficile de partir en avant : les uns et les autres doivent en passer par de pénibles manœuvres pour charger leurs sacs, certains assis par terre à la renverse, telles des tortues retournées sur leurs carapaces et cherchant à se redresser ...

Je croise dès le départ un groupe dans l'autre sens qui semble se presser pour probablement tenter d'attraper le bateau, mais il est déjà reparti et ils devront attendre demain ... Il n'y a que 2 traversées par jour (ou alors des traversées sur commande, beaucoup plus chères, par des pêcheurs qui font taxi ...).

Bien vite je réalise que c'est un très bon sentier que j'ai sous mes pieds : dans les portions sèches c'est un large sentier de terre bien à plat, et partout où l'on risquerait de se mouiller les pieds il y a des pontons ou des passerelles. En l'absence d'obstacles je peux pour une fois allonger la foulée, et réaliser à quel point je me suis affûté après presque 4 semaines de marche. J'avance à pleine vitesse, et il se pourrait bien que malgré mes 5 heures de pause je puisse réaliser aujourd'hui un kilométrage très honorable ... L'itinéraire pour aujourd'hui et demain consiste à remonter un large fond de vallée, remontant très lentement 500m de D+ sur 80 km (avec quelques petits yo-yo de montée - descente, mais le ressenti est essentiellement d'une marche sur le plat).

Je passe vite le premier refuge d'Akka Fjällstuga, puis enjambe la rivière furieuse du Vuojatädno par une série de passerelles : probablement le cours d'eau le plus impressionnant que j'ai eu à traverser jusqu'ici, totalement infranchissable sans aménagements ... Les rivières que j'ai évité par mon détour étaient-elles aussi gonflées que celle-ci ? Si oui, j'ai eu bien raison ...

beau pont ...
89GflTQUE.2023-07-15-14.jpeg

belle rivière ...
89Gfn6aBl.2023-07-15-14.jpeg
89GfobjSQ.2023-07-15-14.jpeg

Je ne rattrape personne dans ma direction (et ne risque pas d'être rattrapé ...), et ne fait que croiser quelques rares marcheurs dans le sens opposé. Le début d'itinéraire me fait passer à la jonction de 3 parcs nationaux :  dans le Stora Söfjallet d'abord, puis extrèmement brièvement le Sarek, et enfin le Padjelanta où je dois rester jusqu'à mon retour en Norvège. Au pied du massif de l'Áhkká, j'ai en face de moi un peu d'un glacier qui tente de descendre dans la vallée ...

Áhkká et l'une de ses langues glaciaires
89GfqGEvr.2023-07-15-14.jpeg

Après 1h30 de marche rapide (jamais depuis le Cap Nord je n'ai avancé aussi vite), je décide de profiter d'une aire de bivouac équipée de tables de pique-nique pour faire une confortable pause. Les moustiques viennent un peu m'y embêter, mais je préfère profiter de l'opportunité plutôt que de risquer de me faire rattraper par une pluie possible, laquelle me priverait de toute pause confortable.

pause chocolat chaud
89GfsIt9p.2023-07-15-15.jpeg

Avec les kilomètres vers l'intérieur loin des rives du lac, les bouleaux se font plus rares et le paysage de plus en plus dégagé. Juste une fois sur une petite colline j'aurai l'obstacle de quelques arbres en travers du chemin, et pour le reste c'est une autoroute sur laquelle je roule à bonne vitesse de croisière. Le ciel me semble plus lumineux à l'Ouest vers où je me dirige, et effectivement avec l'avancée de l'après-midi c'est un beau ciel bleu qui m'arrive.

ici, les arbres en travers sont exceptionnels, ce qui m'a amené à les photographier
89GfQ3Yb0.2023-07-15-16.jpeg

Je longe à distance la grande rivière du fond de vallée, traversant par d'excellentes passerelles tous les torrents affluents. J'en viens même à trouver les aménagements excessifs, le moindre franchissement de cours d'eau étant aménagé. Sur la plaine les pontons défilent sur des kilomètres par dessus les marécages, et j'apprécie de marcher dans des chaussures qui s'assèchent pour la première fois depuis plusieurs jours.

ici, les ponts reçoivent des petits noms
89GfwCMye.2023-07-15-15.jpeg

des ponts partouts ...
89GfVMIfe.2023-07-15-17.jpeg
89GfXAAS3.2023-07-15-18.jpeg
89Gh2RZT9.2023-07-15-20.jpeg

sinon, c'est à plat et en ligne droite
89GfTm72j.2023-07-15-17.jpeg

Beaucoup de panneaux d'informations autour de la culture Sami, des rennes, de la faune et de la flore, de la géologie ou de la préhistoire des lieux. Plutôt que de m'arrêter prendre le temps de tout lire, je photographie les panneaux pour une lecture tranquille, plus tard ...

ici, on signale que le vague trou visible dans le sol est ce qui reste d'un piège à rennes datant du néolithique ...
89GfIeXTk.2023-07-15-16.jpeg

panneau d'information parmi des dizaines ... Le petit papier bleu signale de l'hébergement possible, ainsi que de la vente de fromages et viande séchée dans le village
89Gh7T6UU.2023-07-15-18.jpeg

Je passe vers 17h30 un second refuge (Gisuris Fjällstuga), près duquel du monde s'affaire déjà autour des chambrées, de même que de nombreuses tentes sont déjà plantées. De mon côté j'ai l'impression d'avoir à peine commencé ma journée ...

J'ai droit à une jolie portion quand le sentier va suivre la crête d'une ancienne moraine, évitant ainsi par la hauteur les abords marécageux de la rivière. Cela m'offre aussi un peu de dénivelé, excellent pour se dégourdir les jambes sur du terrina jusque là trop facile.

le chemin par l'ancienne moraine
89Gg9tZYx.2023-07-15-19.jpeg

derrière moi aussi, le ciel s'est dégagé vers l'Áhkká qui s'éloigne
89GgfCF0J.2023-07-15-19.jpeg

À peine plus tard en soirée je commence à croiser d'autres tentes plantées sur de jolis spots près de la rivière. Je pourrais me laisser tenter à faire de même, mais je me fixe 2 objectifs. Le premier est d'avoir couvert 40 km malgré ma longue pause du matin à attendre le bateau, le second est d'atteindre un point en hauteur avec de belles vues sur les lacs, et idéalement orienté au soleil du soir. Aujourd'hui est le dernier soleil de minuit à cette latitude, je voudrais en voir le plus possible depuis le fond de mon duvet ...

J'achève mon détour entamé hier matin depuis Røysvatnhytta quand j'atteins le pont d'où arrive le sentier depuis Vaisaluokta. Je suis désormais de retour sur mon itinéraire prévisionnel.

certains spots sont déjà pris
89GgD46kk.2023-07-15-19.jpeg

de retour sur l'itinéraire, pourvu de ne pas se perdre dans les directions
89GgBrxqy.2023-07-15-19.jpeg

villages samis en bord de lac
89GgR2Oyg.2023-07-15-20.jpeg

Les spots ne manquent pas dans la pente douce, et une fois le plein d'eau fait à une source et mon quota atteint, j'ai vite fait de trouver un bon replat herbeux. J'ai une belle vue en enfilade sur le grand lac de Vastenjaure vers l'Ouest, et vers le Nord un horizon aussi dégagé qu'il est possible par rapport aux montagnes. Le Soleil de minuit sera certainement masqué par ces dernières, mais c'est le mieux que je puisse trouver ce soir. Certes, j'ai marché jusqu'à presque 21 heures ce soir, mais je ne suis pas peu fier d'avoir réussi à marcher mes 40 km règlementaires malgré l'équivalent d'une matinée de repos.

La nuit n'est pas encore pour cette nuit. Je me comprends ...
89GgjkNIa.2023-07-15-21.jpeg

belle vue en enfilade sur le Vastenjaure
89GglGHRg.2023-07-15-21.jpeg

1h15 du matin, minuit solaire
89GhAMn8W.2023-07-15-01.jpeg


à suivre ...

Vidéo #26

89G0NipQb.IntroJ26.s.jpeg


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#313 27-10-2023 00:45:16

Javah
Membre
Inscription : 14-10-2014

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Les journées "honorables" s'enchaînent malgré les petits pépins! pouce Est-ce que marcher pieds nus pour pallier le problème de Mescalito t'est venu à l'esprit ou était-ce impensable?

Hors ligne

#314 27-10-2023 10:39:24

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Javah a écrit :

#693186Les journées "honorables" s'enchaînent malgré les petits pépins! pouce Est-ce que marcher pieds nus pour pallier le problème de Mescalito t'est venu à l'esprit ou était-ce impensable?

Salut Javah smile

J’admire ceux qui randonnent pieds nus, mais je ne l’imagine pas en ce qui me concerne …


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#315 29-10-2023 17:15:47

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#27 dimanche 16 juillet 2023
Vastenjaure - Sarjasjaure, Padjelanta
48km +1182 -1050 11h13 (+pauses 2h03)
Cumul 1029km D+19700m 257h
Vidéo#27

89KZO4dKl.IntroJ27.s.jpeg


J'ai un souci technique avec mon nouveau Pioulou : depuis le départ, je rencontre des difficultés à maintenir la tension sur le hauban de façade, donc celui qui doit supporter le plus de force. Mon interprétation première était que le filin était trop fin pour les possibilités du bloqueur, mais je découvre ce matin que la cause était toute autre. En réalité c'est le gainage en tissu qui se distend et "glisse" sur le cordon principal, et à force de jouer ainsi ce gainage a fini cette nuit par céder, amenant le bloqueur à glisser jusqu'au piquet. le bâton s'est peu à peu incliné et au matin  j'ai fini par sentir la toile me frotter le nez, ce qui n'est jamais bon signe ... En ressource immédiate et pour les bivouacs suivants, je remplacerai le hauban de façade par l'un des 4 haubans d'appoint, sans spécialement dégrader la tenue au vent et l'habitabilité. La même usure du gainage se reproduira, mais ce hauban tiendra (tout juste) jusqu'à la fin de la traversée. À mon retour j'ai échangé avec Xavier / Tipik sur le sujet et il m'a aussitôt adressé un hauban de meilleure facture. Suite à des retours similaires il avait déjà commencé à corriger ce point. À l'avenir cependant je pense que je prévoirai un filin de plus grosse section spécialement pour la façade, car c'est elle qui doit encaisser les forces les plus importantes ...

La nuit a été plus fraiche que d'habitude, avec un enregistrement descendu jusqu'à 5°C, et ce tant que le ciel était bien dégagé, me permettant de profiter d'un "crépuscule de minuit". C'en est maintenant bien fini du soleil du même nom, cette nuit trop bas pour émerger des collines à l'horizon. La combinaison des paramètres astronomiques avec ma redescente vers le Sud ont fini par mettre un terme à 4 semaines d'un soleil perpétuellement levé ...

L'incident de la perte de tension sur le Pioulou m'a amené à me lever encore plus tôt qu'à l'habitude, et je démarre un peu avant 6h. Le ciel est maintenant gris et chargé avec un vent désagréable, la température est déjà remontée à 12°C. La dernière météo attrapée hier m'annonçait l'arrivée de la pluie en fin de matinée, et une intensification dans l'après-midi. Partir tôt et marcher aussi loin que possible avant le mauvais temps est donc une bonne option. J'ai repéré devant moi des refuges / cabanes à intervalles réguliers de 7-10 km : si la météo devient trop mauvaise, je ne serai jamais à plus d'une heure de marche d'un abri (si j'inclus l'option improbable de faire demi-tour), du moins tant que les chemins resteront d'aussi bonne qualité que ce que j'ai eu depuis hier sur ce Padjelantaleden.

En quittant mon spot de bivouac ma vue sur le lac de Vastenjaure se dégage, dans une configuration de montagnes enneigées, collines herbeuses, îles éparses hébergeant un peu d'habitat sami. Mon sentier reste abondamment pourvu de pontons partout où les sols pourraient être boueux ou exposés au ravinement, autant dire que la phase de marche tranquille au démarrage est vite remplacée par un rythme plus rapide, mais facile à soutenir. À 750m j'ai pris un peu d'altitude depuis hier, me faisant retrouver encore un peu de neige dans des creux abrités, mais ces névés n'en ont maintenant plus pour longtemps, la vraie neige est désormais plus haute.

Vaste Vastenjaure
89LhhzHd4.2023-07-16-06.jpeg

un névé sur sa fin
89Lhhw4Wi.2023-07-16-06.jpeg

Dès 6h30 un trailer passe en sens contraire, me rappelant que cet itinéraire n'a plus rien à voir avec les déserts humains précédemment traversés. Comme souvent je dérange une nouvelle nichée de lagopèdes en bord de chemin, arrivant cette fois ci à bien cadrer la danse de distraction offerte par les parents tandis que leurs poussins se dispersent aux alentours. Je suis gêné de les voir perdre des plumes dans l'affaire, je ne voulais pas déranger ... Un soleil voilé encore bas sur l'horizon arrive à m'éclairer par-dessous le plafond nuageux, mais ne me réchauffe pas : je supporte très bien polaire et coupe-vent.

la danse distractive d'un couple lagopède
89LhhCgbD.2023-07-16-07.jpeg

À nouveau une traileuse (bien essoufflée dans la montée) lorsque j'ai droit à une première redescente profonde en vallée vers la tumultueuse rivière de Låddejåhkå et le refuge gardé du même nom, où j'arrive à 7h20 après 1h30 de marche. Avec des nuages très sombres et une pluie qui me semble proche, je vais m'asseoir sur le perron afin de pré-positionner ma configuration "pluie" et ne pas me laisser surprendre. Pendant que je m'affaire la gardienne arrive vers moi depuis un autre bâtiment et entame la conversation. J'échange ainsi avec une personne d'une infinie gentillesse, qui était au départ un peu inquiète de voir quelqu'un arriver au refuge aussi tôt avec aussi peu d'affaires sur le dos : elle s'est demandé un instant si je ne venais pas chercher du secours pour quelqu'un en détresse ... Elle ne veut pas me laisser repartir sans que j'ai laissé un mot dans le registre, et nous voilà à poursuivre la discussion dans la cuisine / pièce commune. C'est presque à regrets que je repars, resté là 40mn au lieu de l'arrêt technique express envisagé. Il est cependant des rencontres chaleureuses qui font un bien fou et brisent la solitude, et je poursuis d'ici ma journée avec le plein d'ondes positives ...

sur les hauteurs avant de descendre vers Låddejåhkå
89LhhF0Qk.2023-07-16-07.jpeg

Låddejåhkå et son drapeau samie, que le vent cherche à enrouler
89LhhKw67.2023-07-16-07.jpeg

il était possible de ravitailler ...
89LhhHBZe.2023-07-16-07.jpeg

Je double une marcheuse allemande solitaire partie du refuge quelques instants avant moi, puis emprunte la passerelle métallique qui enjambe la gorge où s'engouffre la Låddejåhkå, toute droite arrivée du Sarek. Les eaux sont furieuses et le franchissement est impressionnant, et me voilà remontant vers les hauteurs. Le ciel est toujours plus sombre, et avec le vent je n'ai jamais le confort souhaité : un peu frais dans les zones exposées, trop chaud dès que je suis abrité ... Je dois passer un col à ~950m avant de redescendre vers les rives du grand lac suivant du Virihaure et la possibilité suivante de refuge à Årasluokta. J'ai vers le Sud-Est quelques jolies vues sur les sommets du Sarek, dans l'axe de la vallée de la Låddejåhkå, et à l'Ouest les eaux sombres bordées de montagnes enneigées du Virihaure.

Låddejåhkå et son franchissement
89LhhNrSI.2023-07-16-08.jpeg

au-dessus de Låddejåhkå, dernières vues sur le Vastenjaure
89LhhPH3A.2023-07-16-08.jpeg

À bientôt 9h je croise encore des tentes toujours en place dans la montée : mon compteur est déjà à 10km alors que ceux-là ne sont pas encore levés, ne cherchez pas plus loin la recette pour faire de gros kilométrages ... Le vent souffle fort dans l'entonnoir désolé du vaste col, et comme souvent c'est par surprise que j'arrive sur un rocher caractéristique que je me souvenais avoir aperçu sur des vidéos sans l'avoir spécialement localisé. Avec son pilier central sculpté par les vents, on lui donnerait plus sa place dans le désert saharien. Relativement petit, isolé et seul de sa sorte dans les parages, son incongruité fait sa (relative) célébrité photogénique.

festival des lève-tard (au fond de la 1ère image, le Sarek)
89LhhS20J.2023-07-16-08.jpeg
89LhhUjVZ.2023-07-16-08.jpeg

Une petite pluie commence à tomber et je m'affaire à l'exercice désormais bien rôdé d'enfiler ma jupe de pluie et protéger les équipements sensibles dans leurs étuis adaptés, et ce sans spécialement m'arrêter sur le chemin. Bien occupé par ces manipulations, je ne me rends pas immédiatement compte que je suis ici entouré de centaines de rennes disséminés dans le paysage. Plutôt farouches bien que faisant partie de troupeaux d'élevages, ils s'appliquent à garder leur distance et me compliquent la tâche quand j'essaye d'en faire quelques images. Ils filent en travers de mon chemin, avec le mouvement gracile et étonnamment silencieux de leurs pattes molletonnées, la tête caractéristiquement redressée comme pour aller humer l'air le plus haut possible ... J'en aperçois dans toutes les directions dans le versant qui descend vers Årasluokta, plus que je n'en ai jamais vu depuis le Cap Nord.

Rocher insolite, j'en fais la photo comme tout le monde ...
89LhhWORL.2023-07-16-09.jpeg

encore un regard vers le Sarek
89LhhZ8B4.2023-07-16-09.jpeg

descente vers Årasluokta
89Lhi3VwR.2023-07-16-09.jpeg

il y a des rennes partout, même sur les panneaux
89Lhi6lMv.2023-07-16-09.jpeg

C'est dans ce secteur que je franchis le cap des 1000 km parcourus, et je sacrifie au selfie. Mon décompte de l'instant n'est pas exact et je me trompe de plusieurs kilomètres, mais quelle importance ? Ce n'est pas encore ma plus longue traversée, ni en durée ni en distance, mais c'est la 1ère fois que je parcours 1000 km en si peu de temps, et sans avoir encore pris un véritable jour de repos ... Je trouve Årasluokta au pied d'une petite descente abrupte, avec la surprise d'y entendre sonner la cloche du gammu aménagé en petite église et perdue dans le paysage et l'habitat très dispersé de ce village sami.

1000 km au soleil
89Lhi8KjA.2023-07-16-09.jpeg

toute cette eau descend du Sarek
89Lhibccr.2023-07-16-10.jpeg
89Lhie1yz.2023-07-16-10.jpeg
89LhigKfM.2023-07-16-10.jpeg

Årasluokta au bord du Virihaure
89LhijgYY.2023-07-16-10.jpeg

Avec la pluie légère, la température fraîche et le vent désagréable, j'aimerais profiter d'une pause abritée et me dirige vers la série de cabines identiques qui forment le gîte / refuge. Je n'y trouve personne et surtout pas de gardien auprès de qui j'aurai pu m'enquérir de la possibilité de m'arrêter un instant dans une pièce commune. Les chalets sont à louer et verrouillés, mais l'un d'eux est tout de même laissé ouvert à disposition des randonneurs arrivant en l'absence du gardien. Je vais m'y poser, commence à faire chauffer mon café et écris un mot dans le registre, mais j'aurais dû commencer par regarder d'abord les conditions tarifaires : 160 couronnes suédoises pour une utilisation en journée (€13,50) ! Je m'étrangle et trouve que ça fait cher le café, surtout quand celui-ci sort de mon sac ! Je l'avale vite fait et décampe en resquilleur, il n'était pas dans mon intention de mettre une telle somme dans une pause-café ... Dans tout le périple, autant les nuitées en cabines payantes seront toujours dans une fourchette plutôt stable de 200 à 300 couronnes norvégiennes (~17 à 25 €), la tarification des passages en journée sera beaucoup plus aléatoire, allant de 30 à 160 couronnes (€ 2.50 à € 13.50), sans que cela soit justifié par une différence dans les services proposés ... Je rappelle que ce sont des tarifications par personne, imaginez donc ce que cela représente quand on randonne en couple ou, pire, en famille ...

Gîte / refuge d'Årasluokta
89LjEZC33.2023-07-16-11.jpeg

La pluie ne se décide pas à s'installer, je n'ai que de courtes et faibles ondées, toujours avec pas mal de vent. Je remonte à nouveau vers les flancs de la montagne, cette fois vers seulement 750m, profitant de la beauté sinistre des eaux du Virihaure sous les lourds nuages. Dans une section pontonnée, je rattrape un couple en m'efforçant de faire raisonnablement du bruit pour prévenir de mon arrivée, mais rien à faire : ils sursauteront de surprise quand ils entendront mon "he-hei" final juste derrière eux.

Il y a quand même quelques endroits où le soleil va percer, mettant ici et là quelques touches de couleur illuminée, et je me prends à rêver d'une amélioration et d'une belle fin de journée comme hier. Il n'en est rien, et c'est dans de fortes rafales que je descends de l'autre côté de la montagne vers le village suivant de Staloluokta. Des ondées bien chargées sont visibles tout autour sur les montagnes, et il ne saurait tarder que l'une d'elles soit pour moi. A Staloluokta je longe les rives du lac, et passe outre le minuscule cabanon qui sert d'épicerie et fait la fierté des lieux. Il parait qu'on y trouve de tout dans un volume ridiculement petit, mais comme je me suis rechargé hier matin à Ritsem je n'ai besoin de rien, même pas d'assouvir ma curiosité de touriste ... Je me dirige plutôt et au plus vite vers le refuge gardé, où je vais me poser quelques instants dans la salle commune (et profiter des toilettes sèches ...), afin de faire le point sur la suite de la journée.

d'Årasluokta à Staloluokta, au-dessus du Virihaure
89Lhilmaj.2023-07-16-12.jpeg
89LhinSzW.2023-07-16-12.jpeg
89LhiqH0e.2023-07-16-13.jpeg
89Lhit3BD.2023-07-16-13.jpeg

Il est 14h30 et j'ai déjà bien progressé avec 30 km au compteur, ce qui en fait une journée honorable. Il est clair que la pluie plus forte que la météo d'hier annonçait est en chemin, et le prochain refuge de Ståddajåhkå est à 12km, soit ~3 h, peut-être moins avec ces bons chemins. Je scrute le ciel à la baie vitrée, puis je me dis que je n'ai pas très envie de rester ici, où je trouve qu'il y a trop de monde. Je finis par me décider à tenter ma chance pour une étape supplémentaire aujourd'hui, et me relance dehors en me faisant un peu violence tant que la météo semble se tenir. J'ai une longue vallée à remonter, avec seulement 300m D+ à remonter sur les 30 prochains km : le sentier est ici un peu moins sur-aménagé, mais toujours très roulant et j'avance donc vite.

arrivée à Staloluokta
89LhivtA9.2023-07-16-14.jpeg
89LhiCRVb.2023-07-16-14.jpeg

La vraie pluie me rattrape après une petite demie-heure, et va rester plutôt soutenue un long moment jusque vers 17h. Avec ma polaire pour faire tampon entre la veste et le T-shirt, et des températures qui se sont radoucies vers 14-15°C, j'arrive à rester plutôt confortable bien que toute respirabilité soit maintenant illusoire. Avec les indications des panneaux je peux mesurer ma progression sans avoir recours à l'écran tactile bien difficile à manipuler de mon téléphone dans son étui mouillé, et je vois peu à peu se rapprocher le refuge de Ståddajåhkå en marchant sur une longue plaine au bord d'un lac. Mes chaussures bien sèches de ce matin ne sont plus qu'un souvenir, ma chaussure abîmée tenant toujours le choc.

Départ de Staloluokta
89LhiG69b.2023-07-16-14.jpeg
89LhiAaso.2023-07-16-14.jpeg

Il est 17h45 quand j'arrive à hauteur du refuge après avoir encaissé une nouvelle grosse ondée, signe que j'ai pu avancer vite depuis Staloluokta. Mouillé mais pas inconfortable, je me sentirais capable de continuer, pourvu d'avoir un abri sec en ligne de mire. Justement, je sais que la cabane suivante est a priori gratuite, ce qui serait attractif si j'en connaissais la distance que j'ai du mal à apprécier depuis mon l'écran de mon téléphone. J'avais jusqu'ici vu des indications un peu contradictoires m'indiquant encore 7 à 9 km, ce qui dans le mauvais temps peut sembler très long. Juste avant l'intersection pour Staloluokta, je définis que si la distance est de 9km ou plus j'en resterai là, mais que si elle n'est que de 7 km je tenterai le coup. J'ai encore un peu d'énergie mais je ne veux pas marcher au-delà de 20h ... À l'intersection la cabane de Sarjasjaure est donnée à 6km, tuant toute hésitation. Je ne serai pas plus mouillé là-bas que je ne le suis déjà, et je peux bien marcher 1h30 de plus ...

précédé et poursuivi par la pluie
89LhiL8W9.2023-07-16-15.jpeg
89LhiISiA.2023-07-16-15.jpeg

Avec le vent et surtout la pluie qui se renforcera en prenant de l'altitude, le sentiment de confort relatif s'atténuera quelque peu. Je sais que la cabane que je vise n'a que 8 places, et sur ce chemin un peu plus fréquenté il est plus que probable que je ne suis pas le seul à vouloir y prendre abri : pourvu qu'il y ait de la place, car je n'ai aucune envie de monter le bivouac dans les averses

À 19h et toujours sous la pluie je passe un col d'où je débouche sur le très beau lac de Sarjasjaure, avec ma cabane éponyme tout au bout d'une belle plage engazonnée. Je croise une tente individuelle installée au début de la plage, son propriétaire bien à l'abri à l'intérieur : est-ce un signe que la cabane affiche complet ? JE poursuis le long de la plage et arrive à la jolie maisonnette, toute proche du déversoir du lac qui s'écoule par une cascade splendide. Je dégouline d'eau et me déchausse à l'extérieur avant de risquer de pourrir l'intérieur, et pénètre par un vestibule étriqué et déjà encombré. Il y a là 2 portes : je toque à la première et passe la tête, découvrant un minuscule volume avec 4 couchettes superposées, un petit coin cuisine et une table. J'aperçois quelqu'un qui sort la tête de son duvet et demande s'il reste une place et me fait indiquer d'aller voir à côté ... Je sens bien qu'il se fiche de moi, puisque 2 couchettes sont libres et personne d'autre n'est aux alentours. Je n'ai pas envie d'être désagréable et vais donc voir l'autre porte, où je découvre le même minuscule volume et la même disposition de 4 couchettes, une table et un coin cuisine. J'y fais la connaissance de Conrad et Myriam, couple de marcheurs suisses qui vont faire une place au randonneur misérable qui vient d'apparaitre ... Ils terminent 12 jours à travers le Sarek et vont comme moi en direction de Sulitjelma : nous partageons le temps du dîner et une soirée sympathique, pendant que la pluie tambourine intensément dans les bourrasques sur la petite fenêtre et la toiture.

arrivée sous la pluie à Sarjasjaure
89LjpuMXy.2023-07-16-19.jpeg

L'espace est si étriqué qu'il faut négocier chaque mouvement pour ne pas se heurter à quelque chose ou à quelqu'un, alors je m'efforce de bien regrouper et agencer préventivement mes affaires, de telle manière que je puisse m'éclipser demain matin sans trop de bruit ...

Ayant franchi ce cap de distance aujourd'hui après le dernier Soleil de Minuit, j'aurais pu intituler cet épisode "1000 km au soleil" ... mais il fallait bien faire passer le message que le Soleil de Minuit ne peut pas toujours briller ...
les gens du Nord ...
89Lhi1GZ1.2023-07-16-09.jpeg

à suivre ...



Vidéo#27

89KZO4dKl.IntroJ27.s.jpeg


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#316 01-11-2023 00:56:18

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#28 lundi 17 juillet 2023
Sarjasjaure - Sulitjelma Turistsenter
36km +801 -1261 8h54 (+pauses 4h19)
Cumul 1064km D+20500m 266h
Vidéo #28

89ONSmLcI.IntroJ28.s.jpeg


Dans la petite cabane de Sarjasjaure, je me réveille vers 5 heures après une nuit marquée par de fortes averses. Le temps dehors semble ensoleillé et je décide de ne pas traîner afin d'être en mesure de passer le col avant que cela ne se dégrade à nouveau (je n'ai plus d'actualisation météo depuis 3 jours). Hier soir j'avais rassemblé mes affaires au maximum afin de pouvoir m'extirper de la petite chambre à 4 couchettes avec le minimum de bruit. Je me décale dehors dans la fraîcheur (~10-11°C) et un vent assez marqué pour me changer et réempaqueter correctement mes affaires. Evidemment, mes chaussures et chaussettes que j'avais glissé sous le plancher de la cabane sont tout aussi mouillées ce matin qu'elles l'étaient hier soir, les renfiler n'est qu'un mauvais moment à passer ...

Je peux également enfin faire le tour des lieux, chose rendue difficile hier soir dans la pluie battante : le site est absolument magnifique ! Le lac sombre ridé par les rafales se déverse directement via une gorge étroite en une cascade furieuse, et les eaux patientent dans un petit lac secondaire avant de se jeter dans d'autres chutes que je vois fumer ... Tout est magnifié par le soleil rasant du petit matin, je ne peux que recommander de viser ces lieux, d'autant que la plage offre une longue pelouse bien plane face au lac où la place ne manque pas. Quand je démarre avant 6h, je vois sortir et s'étirer au soleil le campeur qui y avait planté sa tente, mais il se sera à nouveau hermétiquement réfugié sous son abri quand je passerai à son niveau, sans permettre de nous saluer ...

Déversoir du lac de Sarjasjaure
89OZr2Ddu.2023-07-17-05.jpeg

Refuge de Sarjasjaure
89OZr4ZiE.2023-07-17-05.jpeg

Les plus jolis panneaux d'orientation du parcours
89OZr7esg.2023-07-17-05.jpeg

J'ai ce matin devant moi une bonne dizaine de kilomètres à longer le lac tout en longueur de Sarjasjaure, entrecoupé d'îles, d'isthmes et de péninsules, enchâssé entre des montagnes d'où glaciers et champs de neige crachent les eaux de la fonte des neiges. Mon chemin est essentiellement à plat avec un fort vent dans le dos, sur des pelouses et des tourbières où je ne peux guère espérer voir sécher mes chaussures. Le soleil l'emporte encore pour le moment, mais de gros nuages sombres défilent et je surveille constamment derrière moi l'arrivée inopinée d'une ondée possible.

Le plan initial est de marcher d'une traite les 10 premiers kilomètres jusqu'à la cabine DNT de Sorjushytta pour y faire ma pause petit-déj, mais peu après le panneau jaune de la frontière norvégienne je me retrouve à l'abri du vent et sous un beau soleil. Je décide d'en profiter pour faire ma pause en extérieur, assis sur un rocher avec la plus belle vue qui soit sur le lac et la montagne enneigée aux alentours. J'ai bien fait, car à la fin du temps règlementaire le soleil se cache et l'ambiance fraîchit.

Après 3 jours de Suède, retour en Norvège !
89OZrbmBW.2023-07-17-07.jpeg

Rives du Sarjasjaure
89OZr9heW.2023-07-17-06.jpeg
89OZrdCcf.2023-07-17-07.jpeg

Bientôt je dois affronter ma plus grosse traversée de rivière depuis bien longtemps : un  torrent bien chargé dévale depuis le glacier en direction du Sarjasjaure, mais s'étale largement à son embouchure. Une série de T rouges marquent le gué et je les suis avec de l'eau jusqu'au mollets, court-circuitant un pont que je sais par mes repérages avoir été aménagé plus récemment plusieurs centaines de mètres en amont. Mes pieds sont déjà détrempés de toute façon, alors autant gagner du temps et progresser en ligne droite ... C'est cependant l'eau la plus froide que j'ai traversé jusqu'à présent, et en ressortant j'ai du mal à sentir mes orteils. Par contraste, l'eau des quelques flaques que je traverse après cela me parait chaude ... Pour être bien sûr de ne pas me réchauffer trop vite, l'itinéraire m'impose aussitôt après de remonter plusieurs champs de neige ...

après la frontière, retour des T rouges
89OZrfKy5.2023-07-17-07.jpeg

je surveille le temps derrière moi
89OZrhZTD.2023-07-17-07.jpeg

Dans le matin la lumière joue avec les eaux, la neige et de petites ondées qui commencent ... J'ai même droit à un large arc en ciel qui surgit du lac pour aller s'arrondir dans la montagne ... Sans la petite pluie qui s'installe je n'aurai visé qu'un passage express au refuge DNT de Sorjushytta, mais maintenant avec un temps très sombre en direction du col que je dois franchir, et quand j'ay arrive à 9h30 je préfère y doubler la 1ère pause déjà faite peu de temps auparavant. L'environnement du refuge est splendide, le lac y prend une couleur turquoise et plusieurs névés couvrent les pierriers jusqu'à la rive. J'y arrive juste quand la pluie se fait plus forte, orageuse même ... Je me pose à l'intérieur, acquitte mon passage, me chauffe plusieurs boissons chaudes d'affilée. Je ne suis qu'à 15km de Sultijelma et de mon ravitaillement, avec encore 1 jours de vivres. Je peux voir venir et m'accorder le nombre d'heures nécessaires à ce que le mauvais temps se lève.

à l'approche de Sorjushytta
89OZrjW4R.2023-07-17-08.jpeg

qui dit arc-en-ciel dit pluie
89OZrmdYy.2023-07-17-09.jpeg

arrivée au refuge, la pluie arrive
89OZroi1p.2023-07-17-09.jpeg

Dans tout le confort de rêve du refuge, il y a en particulier un fauteuil avec repose jambes dans lequel je m'installe, avec d'un côté mon gobelait de chocolat chaud que je repose sur la tablette entre deux gorgées, et de l'autre mon téléphone branché sur la prise USB et sur lequel je complète mes notes et passe en revue ma cartographie. Je suis bien, très bien ... et me réveille une heure plus tard avec un beau soleil à la fenêtre ! Si j'ai dormi c'est que j'en avais besoin, mais je dois maintenant profiter de ce créneau de beau temps pour franchir le col et descendre de l'autre côté vers Sulitjelma.

Tandis que je rassemble mes affaires arrive un couple d'allemands partis ce matin de Sulitjelma et au tout début de leur Nordkalottruta, avec l'intention de faire déjà hakte ici pour la nuit prochaine et ne pas forcer leur rythme au démarrage sous leurs lourds sacs à dos. Quelques instants d'échanges s'ensuivent sur la philosophie de la randonnées légère, car forcément ils ont du mal à faire correspondre le gabarit de mon sac avec les dimensions de mon périple qui est le triple du leur ...

refuge de Sorjushytta
89OZrsMGM.2023-07-17-11.jpeg

Je repars sous le soleil à 11h30 avec seulement 10 km au compteur de ce matin :  c'était bien la peine de me lever à 5 h ! L'itinéraire cesse de longer les rives du Sarjasjaure après le refuge, et après un premier pont pour passer le torrent je remonte le vallon par les pierriers et les névés. Une note dans le refuge indiquait que le tracé avit été récemment dévié par cette rive du torrent, car le tracé direct par l'autre rivé était jugé risqué après plusieurs accidents. Je peux en effet voir de l'autre côté une congère abrupte que je n'aimerais pas avoir à franchir ... La montée est plus dégagée et simple par la nouvelle trace, mais une fois en haut il faut retraverser le large torrent qui s'écoule d'un lac débordant d'eau de fonte. Une passerelle enjambe les quelques mètres où l'eau est la plus profonde et le courant assez violent, mais il faut progresser 20m avec de l'eau jusqu'aux mollets pour l'atteindre ... À défaut de traverser à pieds secs, au moins puis-je le faire en sécurité. Je peux voir que la passerelle de bois et de métal, fixée sur des caissons remplis de pierres, a été bien secouée par l'eau et la glace au cours des récents hivers. L'environnement peut être rude par ici ...

mon col est par là
89OZrqGcR.2023-07-17-11.jpeg
89OZrv6aE.2023-07-17-11.jpeg

La semaine dernière j'avais croisé Greta au refuge de Cunojavrihytta, et elle m'avait alors parlé de la journée bien pénible qu'elle avait passé à marcher dans la neige depuis Sulitjelma. Au refuge de Sorjushytta j'ai pu lire le mot qu'elle avait laissé à la fin de cette journée fatigante : je ne suis pas mécontent de passer ici deux semaines après elle, et avec une fonte des neiges bien plus avancée. Je passe plusieurs longs champs de neige, où parfois les marques de peinture rouge du sentier commencent à peine à émerger : il vaut mieux être averti pour s'engager ici tôt dans la saison ... Je passe néanmoins sans problème, et m'élève jusqu'à un point haut à 1040m, d'où je commence à découvrir un horizon beaucoup plus ouvert et la perspective de vallées profondes. D'ici j'ai 900m D- jusqu'à Sulitjelma, en ayant d'abord à traverser des cuvettes successives parmi pierriers, champs de neige et torrents à franchir à gué. Je borde le massif du Suliskongen (1907m), dont la plupart des sommets et des larges glaciers restent hélas masqués à ma vue car je suis trop en contrebas ...

regard en arrière vers le Sarjasjaure et Sorjushytta
89OZrxcuJ.2023-07-17-11.jpeg

pont flottant ...
89OZrzAuj.2023-07-17-11.jpeg

les marques jouent aux perce-neige
89OZrBswO.2023-07-17-12.jpeg

au plus haut (1042m), regard en arrière
89OZrDQlb.2023-07-17-12.jpeg

regard de côté
89OZrFGKl.2023-07-17-12.jpeg

regard en avant, nouveaux horizons
89OZrHRlV.2023-07-17-12.jpeg

Suliskongen 1907m
89OZrK8Np.2023-07-17-13.jpeg

Je n'ai pas croisé la foule aujourd'hui, aussi la rencontre de ce qui me semble être 3 générations d'une même famille est notable : j'y vois un grand-père avec une belle chevelure blanche, sa fille (supposée) et petite-fille (toujours supposée), cette dernière de peut-être 7 ou 8 ans et montant d'un pas décidé dans le pierrier en direction du col d'où je descends. J'admire le goût familial de l'effort dans cet environnement un peu engagé, et leur souhaite de parvenir à leur objectif de Sorjushytta avant que le temps ne tourne. En effet le soleil est maintenant bien masqué par de gros nuages sombres, et là où la vue est dégagée des trains d'ondées sont visibles sous le défilé des nuages ...

Après la remontée du fond d'une dernière cuvette, je passe un dernier mamelon de sentier minéral et peux enfin attaquer la descente plus franche dans la vallée. Bien vite l'environnement se fait plus vert et le chemin descend dans les alpages. La zone est néanmoins bien marquée par l'exploitation minière, et la montagne est tachetée des anciennes ouvertures comblées des galeries et des protubérances de leurs cônes de déblais. Une route serpente en contrebas et le sentier descend maintenant à flanc d'une pente assez raide et exposée, tandis que plusieurs roulements de tonnerre vont se faire entendre. Je vois une grosse averse franchir la vallée à la perpendiculaire de ma direction, et je me prépare à me faire saucer ... Le refuge / gîte de Ny Sulitjelma n'est plus très loin, et je presse le pas afin de limiter le temps durant lequel je vais devoir marcher sous l'averse que je pense certaine.

en Norvège, il y a toujours un lac
89OZrMg2k.2023-07-17-13.jpeg

sommets du massif du Suliskongen
89OZrOc0m.2023-07-17-14.jpeg

Je n'ai pourtant que quelques gouttes, et vois l'orage passer tout près puis s'éloigner dans la montagne, échappant aux différents trains d'averses que je peux apercevoir. Quand j'arrive aux abords de Ny Sulitjelma et de la piste carrossable, un beau et chaud soleil est revenu. Je décide alors de zapper l'arrêt à ce refuge et d'entreprendre aussitôt la descente un peu rébarbative par la route de graviers. J'aperçois vite en contrebas la vallée profonde et le grand lac tout en longueur de Langvatnet, au bord duquel quelques bâtiments de Sultijelma sont visibles, aux dimensions lilipputiennes que leur accorde les 450m de dénivelé qu'il me reste à descendre ...

j'attaque la descente, attendant l'orage ...
89OZrQEOV.2023-07-17-14.jpeg

... qui ne passe pas loin
89OZrSNHS.2023-07-17-14.jpeg

arrivée près du refuge de Ny Sulitjelma, au milieu des anciennes mines
89OZrVf3V.2023-07-17-14.jpeg

Je descends le long de la piste en mode automatique, découvrant trop tard que j'aurai pu couper un grand lacet de la route par le sentier marqué auquel je n'ai pas prêté attention, me rallongeant le trajet. Avec la descente dans la douceur et la moiteur je voudrais me découvrir, mais les kleggs (taons norvégiens) me tournent autour et au moins mon coupe-vent offre-t-il une barrière pour me protéger le haut. Les bestioles tournent autour de moi en attendant l'instant propice, et le plus stressant est quand je cesse d'entendre le bourdonnement, signalant que la bête s'est posée ... quelque part ... La végétation grandit et s'étoffe tandis que je redescends jusqu'aux 130m d'altitude de Sultijelma, où j'arrive par le quartier de l'église. La ville a une longue histoire minière dont j'ai aperçu une partie dans la montagne. Ici sur les bords du lac de nombreuses installations industrielles maintenant abandonnées témoignent de ce passé, transformées en musée à ciel ouvert.

un grand cairn avec la descente vers Sultijelma, juste visible sur la rive du lac
89OZrXocC.2023-07-17-14.jpeg

Sulitjelma : l'église
89OZrZEDP.2023-07-17-15.jpeg

Ma priorité est ici d'opérer mon ravitaillement au supermarché en bord de route, et j'y arrive à 15h45 après plus de 4h marchées d'une traite depuis Sorjushytta. JE fais un premier raid dans le magasin, afin de m'offrir de quoi me rassasier à l'une des tables de pique-nique mises à disposition à l'extérieur. J'y rencontre un couple de jeunes danois qui viennent de terminer la Nordkalottruta, et nous nous installons à la même table pour échanger longuement. La discussion est très sympa, et ils doivent marcher encore quelques jours vers le Sud par le même itinéraire que moi, jusqu'au Cercle Arctique et juste après rattraper un train à Bolnastua dans 4-5 jours. Ils ont des sacs bien optimisés et connaissent bien l'esprit MUL, et nous nous trouvons plein de sujets d'intérêt commun. Avant de retourner dans le magasin pour nos ravitaillements respectifs en bonne et due forme, nous devisons de nos plans d'hébergement pour ce soir : j'ai de plus en plus besoin de repos et voudrais trouver un gîte ou un hôtel et bénéficier d'une douche chaude, et mes compagnons danois me disent se diriger vers un gîte que je crois être à la sortie de la ville. Je leur dis que je pense les y rejoindre puisque c'est ce dont j'ai besoin et que c'est sur mon chemin, mais je ne réaliserai qu'après mes courses que ledit refuge est situé bien plus loin au prix d'un grand détour que je ne veux finalement pas faire ... S'ils m'y ont attendu ça aura été en vain ...

À ma sortie du magasin je vois un jeune s'affairer avec un grand sac à dos et un carton rempli de nourritures orientées rando qu'il vient de réceptionner (comme souvent dans les villages de Norvège les lieux font aussi office de poste). Je discute un peu avec lui, qui se prépare avec quelques amis à se lancer sur la Nordkalottruta, et le renseigne de quelques informations utiles sur le trajet, notamment concernant le ravitaillement (compte tenu de ce qu'offrent la plupart des commerces norvégiens, je ne trouve pas spécialement utile de se faire adresser des colis ...).

J'ai la flemme de reconditionner mon sac dès maintenant, d'autant que je me suis offert quelques gâteries à consommer dès ce soir là où je logerai. Je garde mes excédents à la main dans un grand sac plastique (c'est ballot !), et entreprend d'aller vers la sortie de la petite ville où je crois trouver le gîte convenu avec mes compagnons danois (ces derniers toujours dans le magasin). Je pars le long de la route, et au bout d'un moment je commence à consulter mon téléphone pour repérer où se trouve l'hébergement en question, sans arriver d'abord à le repérer sur la carte. Je finis par réaliser qu'il m'aurait fallu rebrousser chemin par la piste par laquelle je suis descendu de la montagne, et que si je suis bien sur mon chemin ce gîte ne l'est absolument pas. J'ai déjà bien marché et aucune envie de faire à l'envers tous ces kilomètres, et fixe mon dévolu sur le camping du Turistsenter, situé à 6km dans la forêt mais bien sur mon chemin. Sa destination est fléchée par un sentier plutôt que par la route goudronnée, et je m'y engage avec mon sac de courses à la main ...

Sulitjelma : ancien bâtiment minier (proche de l'éco-musée)
89OZs1vQF.2023-07-17-17.jpeg

Le sentier est d'abord très agréable, dans la forêt et les myrtilles (pas encore mûres ...), le long d'un torrent semble-t-il apprécié pour la baignade avec de larges dalles de rocher inclinées vers des vasques, mais l'eau qui y court en cet été est famélique ... Le sentier se fait plus incertain, et à un moment je réalise que j'ai manqué une bifurcation et dois faire demi-tour ... L'itinéraire commence à être envahi par la végétation estivale, et son marquage me semble bien effacé ... Là où je devais trouver un pont sur une gorge, il n'y a plus qu'un pilier de béton et un amoncellement de poutres pourries : il y a bien longtemps que l'ouvrage a été emporté ... Je ne veux pas revenir en arrière et finis par me trouver un passage dans le torrent presque à sec pour remonter de l'autre côté, et dois jouer quelque peu au sanglier avant de retrouver un sentier sous mes pieds, le tout avec mes yeux sur le GPS pour tenter de rattraper les traces que ma carte mentionne. Au final me voilà revenu sur la route 1/2 km avant la bifurcation du camping : j'aurai mieux fait de tracer direct le long de l'asphalte !

j'avais un pont sur ma carte, seulement sur ma carte ...
89OZs43ge.2023-07-17-18.jpeg

Je parviens à 19h au camping, pour y trouver le bâtiment de la réception déjà fermé. Un QR code permet de se connecter au site de l'établissement pour louer un bungalow, et c'est ce que je fais : je me vois attribuer le bungalow n°5 où je me rends, mais ne trouve pas le code de la boîte à clé dans ma confirmation de commande ou mes e-mail. Je commence à être un peu frustré et reviens en direction de l'accueil, y cherchant d'autres instructions que je n'avais peut-être pas vu, mais en chemin je vois arriver en quad une jeune employée du camping qui me donne dans un grand sourire les 4 chiffres du précieux sésame, ouf ! (le surlendemain je recevrai un mail m'indiquant que le bungalow n°5 n'est pas disponible, et que je dois prendre le n°4 dont on m'indique le code ... Il ne faut pas chercher à comprendre ...)

J'ai payé ce qu'il fallait mais ma cabine est à la hauteur de ce dont j'ai besoin : literie, séjour, cuisine équipée, douche chaude et, luxe suprême, une armoire sèche-linge ! Je peux me laver ainsi que tous mes vêtements, avec l'assurance que tout sera sec demain matin, y compris mes chaussures. J'ai racheté tout-à-l'heure un tube de colle forte, qui me permettra de tenter demain matin une réparation de ma chaussure, une fois que celle-ci aura bien séché. Avant de m'effondrer de sommeil je m'efforce de rattraper quelques épisodes de mon récit via Instagram. C'est la 2ème nuit de suite que je dors en dur, signe que je me ramollis ...

de la fenêtre de mon bungalow, mes voisins jumeaux
89OZs609L.2023-07-17-20.jpeg


à suivre ...


Vidéo #28

89ONSmLcI.IntroJ28.s.jpeg

Dernière modification par Hervé27 (01-11-2023 01:00:19)


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#317 02-11-2023 00:43:08

bernard_lyon
Μηδὲν ἄγαν
Lieu : Lyon
Inscription : 16-12-2015

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Toujours un plaisir de suivre ce beau récit…  smile


Mon trombi | Liste | HRP Banyuls-Alos d'Isil | GR738
"Le soleil n'est jamais si beau qu'un jour où l'on se met en route." (Jean Giono, "Que ma joie demeure")
Modification non explicitée : orthographe ou syntaxe

Hors ligne

#318 03-11-2023 23:54:26

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#29 mardi 18 juillet 2023
Sulitjelma Turistsenter - Balvashytta, Junkerdal nasjonalpark
44km +1246 -1000 11h21 (+pauses 4h39)
Cumul 1108km D+21700m 277h
Vidéo #29

89TaJAH4e.IntroJ29.s.jpeg


Je profite bien de ma nuit dans un bungalow du camping de Sulitjelma. Grâce à l'armoire sèche-linge toutes mes affaires sont parfaitement sèches, y compris pour une fois mes chaussures ! J'en profite donc pour faire usage de la super-glue achetée hier au supermarché, et recoller aussi proprement que possible le pare-pierre et le tissu : plutôt satisfait du résultat, je fais aussi quelques réparations préventives sur l'autre chaussure.

Si je devais m'en tenir aux ravitaillements expressément sur le chemin, il m'aurait fallu charger 6 à 7 jours de vivre. Plutôt que de charger ainsi la le mule, j'ai en tête d'attraper d'ici 3 à 4 jours un train jusqu'à la ville portuaire de Mo I Rana, où je pourrai ravitailler, renouveler les matériels qui le nécessitent (chaussures !), et peut-être aussi prendre (enfin) un peu de repos. Mes vivres sont donc calculés pour 3 jours "larges".

3 jours +
89TaASJ7e.2023-07-18-06.jpeg

Petite séance de ménage avant de libérer les lieux, je replace la clé dans sa boîte codée et me voilà à 8h parti rattraper mon sentier qui remonte dans la montagne directement depuis le camping. Je réaliserai bien plus tard dans la journée que j'ai laissé sur le perron du bungalow le sac poubelle que je devais aller déposer dans les bennes de tri : la fatigue s'accumule et mon esprit "zappe" à répétition, m'obligeant à être doublement vigilant après chaque pause ou bivouac pour ne rien oublier / perdre ...

Au bout du camping, en lieu et place du pont que je croyais trouver, c'est le barrage en béton qui retient l'eau de l'étang autour duquel la base de loisirs est installée. On ne passe pas sur la digue mais dans le lit rocheux du torrent en contrebas, sans difficulté car pour l'heure très peu d'eau s'écoule de la retenue. Le fléchage du sentier vers la montagne démarre aussitôt après, et mes jambes retrouvent le plaisir d'un peu d'ascension, environ 350m D+ pour remonter vers les plateaux et pénétrer dans le Parc National du Junkerdal. D'abord dans une forêt luxuriante (et quelques moustiques), je m'élève peu à peu jusqu'à laisser en-dessous de moi la forêt de bouleaux. Le temps est gris et incertain, et dans l'ascension les 16°C du départ ne seront plus que 9°C dans la hauteur ...

Quelques panneaux du sentier de découverte expliquent la géologie des lieux, certains mis à terre par les éléments. Derrière moi je peux voir s'éloigner Sulitjelma et son lac, et déjà je remarque qu'ici et là des ondées circulent. Juste avant de passer un petit col et tant que je suis en vue de la vallée, je profite d'avoir encore un bon réseau pour faire une courte halte et appeler ma petite famille, car il faut programmer leur venue d'ici maintenant quelques jours. Finalement mon épouse et l'une de mes filles se mettront en route dans une semaine, avec un voyage en voiture étalé sur 3 à 4 jours. Ou serai-je dans 10 jours pour le rendez-vous ? Le dévolu est sous toutes réserves fixé sur Røyrvik (la presque exacte mi-parcours), mais il y aura d'autres opportunités de refaire le point avant les retrouvailles.

Sulitjelma s'éloigne
89TaAUXzh.2023-07-18-08.jpeg

Passé le col, j'évolue sur la végétation rase, zigzaguant entre des collines sur les hauteurs. Ma cheville me cause à nouveau des soucis, et particulièrement lorsque j'évolue à flanc de montagne avec la pente descendante sur ma droite. La chevillière achetée à Narvik est clairement insuffisante, et plus tard dans la journée je vais la strapper à nouveau. Les ondées autour de moi se multiplient, et si je crois un temps avoir été chanceux, on ne peut pas éternellement passer entre les gouttes et je suis mouillé à mon tour. Je me perds un peu à l'approche d'une intersection de plusieurs itinéraires, et dois couper (facilement) à travers pour retrouver ma bonne direction. Le sentier se fait alors un peu meilleur car plus fréquenté, et progresse en descente lente sur les hauteurs du lac de Tjálalnisjávrre.

pour qui la prochaine ondée ?
89TaAWWHt.2023-07-18-09.jpeg

au-dessus de Tjálalnisjávrre
89TaAZdd8.2023-07-18-10.jpeg

L'idée première était de faire une halte de second petit-déjeuner à la cabane DNT de Tjalalvashyyta, un peu à l'écart du sentier. Je fais ce petit détour de 200m, mais une fois sur place me contente de laisser un mot dans le hyttebok et repars aussitôt. Parti plus tardivement qu'à l'habitude, mon arrêt "téléphonique" de tout-à-l'heure m'avait déjà offert un peu de repos : je ne me trouve pas très "efficace" à vouloir m'arrêter encore. Je me sens de marcher tant qu'il ne pleut pas :  je ne voudrais pas "perdre" un bon créneau de temps sec ...

À la cabane le sentier était redescendu dans la forêt, il remonte maintenant de nouveau dans la toundra plus en altitude : ici la limite est autour des 600 m. La pluie reprend et c'est dans un environnement un peu désagréable que je passe près des lacs de Doarrojávrre, sans véritable visibilité sur les montagnes frontières avec la Suède : il devrait y avoir là le Nordre Saulo (1768m), montagne solitaire que j'avais aperçu de loin hier, maintenant invisible alors que je passe tout près.

déversoir d'un des lacs de Doarrojávrre
89TaB3sua.2023-07-18-12.jpeg

montagnes qu'on devine plus qu'on ne voit
89TaB5mys.2023-07-18-12.jpeg

La pluie cesse à nouveau et le temps s'éclaircit : cette météo est décidément plus conforme à ce que j'attendais de la Norvège ... Alors que je ne suis plus qu'à une poignée de kilomètres du refuge de Tjoarvihytta où je suis décidé à m'arrêter pour une longue pause (tardive) de déjeuner, je croise une marcheuse qui arrive à ma rencontre et ... me reconnait eek ! Wenche (@snellogsprell) marche vers le Nord sur une section du Norge På Langs, et suivait déjà Harald sur Instagram. Du dernier post d'Harald elle vient tout juste de commencer à me suivre sur mon profil, il y a à peine 1/2 h lors de son arrêt au refuge de Tjoarvihytta ... Sortez-moi de là, je suis une célébrité  lol ! Nous passons 20 mn à discuter au bord du chemin, les rencontres ne sont pas si fréquentes. La petite communauté des marcheurs nordiques s'élargit ainsi un  peu plus (Kim, Lukas, Harald, Greta, Wenche ... et d'autres que je n'ai même pas pu croiser). Au jour où j'écris ces lignes, il est amusant que ces rencontres éphémères continuent de vivre au travers de nos profils d'instagrammeurs ...

temps incertain
89TaB7QSO.2023-07-18-14.jpeg

un peu du Balvatnet apparait entre les ondées
89TaBd2lO.2023-07-18-14.jpeg

Nouvelle redescente vers la végétation et les rives d'un petit lac, attenant à celui bien plus grand, immense même, du Balvatnet. Je débouche vite au refuge DNT déjà cité, et entre dans la mignonette cabane de rondins pour un arrêt confortable. Il y a là Katharina, une allemande partie de Münster au printemps, avec un projet fou de circumnaviguer autour de l'Arctique ... Elle prévoit de remonter jusqu'au Cap Nord puis Kirkenes et redescendre en Finlande. Si la triste actualité n'avait pas sévi elle aurait dû poursuivre à travers l'arctique russe, mais au vu des circonstances elle a modifié ses plans pour chercher à traverser l'Atlantique Nord sur un voilier (si elle trouve l'embarcation et le skipper !), vers l'Islande, puis le Groenland, puis le Canada ... Elle avance au rythme de ses envies, et ponctue son voyage d'animations et de conférences autour du thème de la danse : la communauté s'agrandit donc encore, retrouvez Katharina sur @_roundmotion_ !

descente vers Tjoarvihytta
89TaBauut.2023-07-18-14.jpeg

Katharina et ses pas de danse autour de l'Arctique !
89TaBf8DP.2023-07-18-16.jpeg

Tjoarvihytta
89TaBhzPw.2023-07-18-16.jpeg

Nos discussions sont passionnantes et ma pause dure là plus de 2 heures. À l'heure du départ je suis bien reposé mais mes muscles se sont refroidis. Je suis tout surpris de voir passer une voiture et de découvrir qu'une route (de graviers) mène jusqu'ici, moi qui me croyais au milieu de nulle part. Je ne fais que la traverser, et entreprends maintenant un vaste arc de cercle pour contourner le lac de Balvatnet. Sans trop regarder ma carte, je pensais rester assez près de ses rives et marcher dans pas mal de végétation et de tourbières : en fait le chemin s'élève légèrement vers le plateau dénudé, et je profite d'un sentier bien roulant avec de belles vues. Le temps sinistre de la 1ère partie de journée s'est fait plus lumineux, et ce morceau de la balade me laisse un bien joli souvenir.

autour du Balvatnet
89TaBk2Ns.2023-07-18-18.jpeg 89TaBn9Il.2023-07-18-18.jpeg89TaBqe07.2023-07-18-18.jpeg89TaBuhJP.2023-07-18-19.jpeg

J'ai du mal à réaliser les dimensions de ce volume d'eau : j'ai pratiquement 20 km à marcher à proximité de ses rives, et je peux vous dire que c'est long ! La forme est néanmoins là, et je me sens prêt pour une journée de 50 km en profitant, à défaut du soleil de minuit, de nuits encore très claires. Avec la météo incertaine je me motive avec 2 possibilités d'abris en dur : un premier refuge DNT payant juste avant de quitter les rives du lac (Balvashytta, en gros au km 40), puis un autre avec une partie gratuite 10 km plus loin (Argaladhytta).

Par-dessus le lac et avec un plafond nuageux un peu remonté, j'aperçois un peu plus du Nordre Saulo (1768m), et de l'étonnant piton rocheux qui émerge à ses côtés. La Suède est juste derrière.

Nordre Saulo et son petit "satellite"
89TJAs08B.2023-07-18-17.jpeg

Autour de ces rives j'immortalise le selfie des 1100 km : la barbe pousse ... et pas facile de sourire avec le soleil dans les yeux !
89TaBs4Pv.2023-07-18-18.jpeg

Il est presque 20h quand, à l'approche d'une large rivière, un nouveau fléchage m'indique la direction d'un pont récemment posé. Il évite le franchissement à gué, mais il n'y a aucun chemin le long de ce nouveau marquage : charge aux randonneurs qui passent par là de, peu à peu, tracer un sentier ... Les petits buissons me frottent les mollets, puis une brindille plus costaude que les autres va accrocher puis arracher la réparation de ma chaussure à la super-glue : retour à la case départ pour ma chaussure qui prend l'air et l'eau cry  ...

Je finis par atteindre le pont et retrouver le sentier après un détour similaire de l'autre côté. Là, je vois émerger un vieux bonhomme dont j'ignore encore qu'il va décider de mes choix pour ce soir. Il émerge des berges du torrent qu'il vient de traverser à gué, n'ayant pas vu le marquage du pont. Il me semble épuisé, s'arrêtant tous les 20 mètres pour souffler, et je me sens obligé de lui demander si tout va bien. Il me dit être venu de Tjoarvihytta (que j'ai quitté à 16h40), mais il s'est longuement égaré dans une bifurcation et retrouve ici l'itinéraire ... À son rythme il ne sait pas s'il pourra maintenant atteindre Balvashytta d'ici minuit ... J'hésite à marcher à ses côtés, inquiet de laisser seul quelqu'un potentiellement en détresse. D'un autre côté, il ne me semble pas à l'article de la mort mais marcher à son rythme m'est impossible, il s'arrête littéralement tous les 20m pour souffler, tandis que je sens bien que ma cheville faiblarde exige que je me pose bientôt. Je finis par lui dire que je prends les devants jusqu'au refuge, abandonnant donc mon idée d'un trip du soir jusqu'à la cabane (gratuite ...) suivante, mais que je reviendrai à sa rencontre si je ne le vois pas arriver à une heure raisonnable.

Il y a un autre gué un peu délicat à peine plus loin, et je ne m'éloigne vraiment qu'une fois l'avoir vu émerger de ce franchissement. Le sentier se fait de moins bonne facture et de plus en plus souvent spongieux, mes derniers kilomètres sont assez fatigants. Le refuge de Balvashytta nécessite de prendre une bifurcation, franchir une passerelle sur un torrent qui se jette dans le lac, qu'il faut longer sur un peu moins d'un kilomètre. Il est 21h30 quand je parviens dans ce refuge tout neuf : l'ancienne cabane décrépite et très rustique est toujours là quelques dizaines de mètres plus loin, mais pour le même prix je préfère le grand confort de la nouvelle. L'une comme l'autre sont inoccupées, je suis donc la seule personne à savoir que quelqu'un est peut-être en détresse sur le chemin ... De la fenêtre je peux voir la rive où je suis passé tout-à-l'heure jusqu'à 2 km en amont du refuge, guettant l'arrivée de mon bonhomme tout en dînant. Je me donne jusqu'à 23h pour repartir à sa rencontre, et effectivement je ne le vois toujours pas ...

Ici il faut bifurquer et prendre cette passerelle vers le refuge de Balvasshytta, tout juste visible dans les arbres en face
89TaBwtgX.2023-07-18-21.jpeg

1ère arrivée à Balvashytta
89TIITj9o.2023-07-18-21.jpeg

Je me rechausse donc et repars dans l'autre sens, avec un bâton de marche supplémentaire trouvé dans le vestibule, et l'intention a minima de porter le sac à dos du vieux marcheur épuisé. Je repasse la passerelle, retrouve le sentier principal et remonte la rive que je voyais de la fenêtre du refuge, un peu plus inquiet à chaque pas où je ne vois personne. Heureusement je finis par le trouver, se relevant après s'être allongé un instant dans l'herbe pour souffler ... Je lui dis que je suis heureux de le trouver car je m'inquiétais, puis lui propose de porter son sac ...

"non !"

ou en tout cas de prendre le bâton que je lui ai ramené ...

"non !"

Il se plaint de tous ces marécages, il ne s'attendait pas à ça en venant ici ... J'apprends au moins qu'il vient d'Oslo : un norvégien surpris par les chemins spongieux ?!?

Bon, d'accord ... Il est fatigué et ronchon, j'essaye de démarrer un peu de conversation. Il finit par me demander mon âge, pour me répondre qu'il a 15 ans de plus. J'aurai dit 25, mais tout le monde peut se tromper ...

Je n'ai fait que 1,5 km pour le retrouver, la même distance jusqu'au refuge va me sembler longue, très longue roll ... J'essaye néanmoins de lui indiquer les passages où les parties marécageuses sont plus praticables, de même que je le ferai passer par la plage plus facile que le sentier de caillasse et de buissons que j'avais emprunté à l'aller dans le dernier kilomètre avant le refuge.

Comme il n'est pas causant, je profite au moins d'imager les belles lumières de l'interminable coucher de soleil qui se faufile dans les nuées et se reflète dans les eaux sombres du lac.

23h45 soleil toujours pas couché. Moi non plus ...
89TaByKzH.2023-07-18-21.jpeg
89TaBAE5S.2023-07-18-22.jpeg

Retour au refuge à minuit, où il y a 2 chambres. Je prends vite l'une des 2 et ferme la porte en lui souhaitant une bonne nuit dans la seconde. Je n'ai pas eu un sourire, pas un merci, pas un "mais vous n'auriez pas dû ...". Je me suis même plutôt fait rabrouer. Fallait-il pour autant que je renonce à jouer au bon samaritain ? Le lendemain matin, quand je me lèverai pour aller faire usage de la "cabane au fond du jardin", je l'entendrai se lever précipitamment et sortir de sa chambre en demandant "où sont les toilettes ?", dont je lui indique fatalement la direction en me disant que, bon, je vais attendre ... Il sort alors sur le perron et de là pisse ostensiblement devant la cabane devil ! Dans des échanges ultérieurs de messages avec Wenche (cf rencontre de ce matin), elle me dira avoir croisé ce même bonhomme à Tjorvihytta, et lui avait déjà trouvé l'air épuisé et bizarre. La vie est ainsi faite ...


à suivre ...



Vidéo #29

89TaJAH4e.IntroJ29.s.jpeg


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#319 04-11-2023 09:34:05

Yapluka
Membre
Inscription : 23-05-2023

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Merci Hervé.  C'est un plaisir de suivre cette longue aventure. Le rythme et ta résistance à la fatigue physique et mentale impressionnent. Jusqu'à 50km/jour !

Hors ligne

#320 04-11-2023 15:18:58

bernard_lyon
Μηδὲν ἄγαν
Lieu : Lyon
Inscription : 16-12-2015

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Je suis curieux… tongue Tu pourrais nous dire quels aliments sont dans la photo "3 jours +" ? J'identifie les chips, les tortillas, le chocolat… mais derrière ?


Mon trombi | Liste | HRP Banyuls-Alos d'Isil | GR738
"Le soleil n'est jamais si beau qu'un jour où l'on se met en route." (Jean Giono, "Que ma joie demeure")
Modification non explicitée : orthographe ou syntaxe

Hors ligne

#321 04-11-2023 15:36:54

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

bernard_lyon a écrit :

#693702Je suis curieux… tongue Tu pourrais nous dire quels aliments sont dans la photo "3 jours +" ? J'identifie les chips, les tortillas, le chocolat… mais derrière ?

lol

pour la rangée du fond et de gauche à droite :
- un sachet de soupe à la tomate qui traînait en fond de sac depuis le début
- un reste de semoule dans un ziplock
- un sachet de soupe de légumes
- un « real turmat », plat déshydraté vendu sous la marque du DNT. Un peu cher, j’en prenais un seul par ravitaillement, que je gardais pour les soirs de journée méritante
- 2 sachets de nouilles chinoises


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#322 04-11-2023 15:40:11

bernard_lyon
Μηδὲν ἄγαν
Lieu : Lyon
Inscription : 16-12-2015

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#693705que je gardais pour les soirs de journée méritante

pouce  big_smile

Merci !


Mon trombi | Liste | HRP Banyuls-Alos d'Isil | GR738
"Le soleil n'est jamais si beau qu'un jour où l'on se met en route." (Jean Giono, "Que ma joie demeure")
Modification non explicitée : orthographe ou syntaxe

Hors ligne

#323 06-11-2023 14:46:59

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
Site Web

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#30 mercredi 19 juillet 2023
Balvasshytta - Lønsdal(+train pour Mo I Rana)
42km +844 -941 9h23 (+pauses 1h35)
Cumul 1150km D+22600m 286h
Vidéo #30

89XDIInk4.IntroJ30.s.jpeg


Courte mais bonne nuit dans le refuge tout neuf et très moderne de Balvashytta. Couché à 00h30 j'ai quand même besoin de prendre un peu plus de temps, et ce n'est qu'un peu avant 8h00 que je démarre après le temps de mon capuccino. Le temps est bouché, limite pluvieux, mais je n'aurai ce matin droit qu'à une légère brumisation, sans plus. Je laisse derrière moi le vieux ronchon ingrat à qui je croyais venir en aide hier, et qui ne répondra même pas à mon au-revoir ...

La réparation de ma chaussure à la super-glue a cédé hier en fin de journée, et comme elle est trempée je ne peux renouveler la tentative. Pour éviter que la déchirure ne s'aggrave, je la resserre cette fois avec de l'élastoplaste, espérant de façon très optimiste la faire tenir encore 2 ou 3 jours d'ici que je puisse me rendre en train à Mo I Rana et acheter une nouvelle paire.

Le refuge étant en cul-de-sac à l'écart de la Nordlandsruta (itinéraire que je vais suivre pour le futur prévisible), je reviens en arrière d'1 km par la rive du Balvatnet jusqu'à l'intersection. Avec mon "sauvetage" d'hier soir, c'est la 4ème et dernière fois que je passe là et franchis la passerelle, avant de quitter le Balvatnet qui m'accompagne depuis la mi-journée d'hier.

Je m'engage dans la jolie vallée de Skiejdevágge, commençant par un dénivelé positif presque insensible, qui me fait monter de 50m D+ sur 6 km. Autant dire que le passage du "col" est imperceptible, et seul le sens d'écoulement des cours d'eau m'indique que j'ai quitté le bassin versant du Balvatnet, et longe maintenant la belle rivière de la Skaitielva dans sa descente vers la mer (elle se jette dans la Junkerdalselva au bas de cette vallée).

je laisse le Balvatnet derrière moi
89XDHLqGA.2023-07-19-08.jpeg

haute vallée de Skiejdevágge
89XDHNvBc.2023-07-19-08.jpeg

Le chemin est plutôt simple et facile sous les pieds. Coincé entre deux flancs de montagne d'où l'eau ruisselle, j'ai de nombreux petits ruisseaux à enjamber. Plus j'avance, et surtout quand je commence à lentement descendre au rythme de la Skaitielva, la végétation s'étoffe et se pare de nouvelles couleurs. Dans l'ambiance grise et légèrement pluvieuse, j'ai l'impression de faire une course à la limite de l'automne et de l'été, la perte progressive d'altitude me rapprochant de ce dernier.

Les cours d'eau plus conséquents sont bien équipés en passerelles, facilitant la tâche du randonneur fatigué. Je ne croise directement personne sur ces premières heures, mis à part la tente d'un cyclo-randonneur où ça roupille toujours, plantée sur un spot que j'aurai trouvé un peu bancal.

la végétation s'étoffe
89XDHQeU0.2023-07-19-08.jpeg

cabane de berger
89XDHSJlf.2023-07-19-08.jpeg

un peu de botanique
89XDHV8jP.2023-07-19-09.jpeg

Le marquage est excellent, et a visiblement été récemment renouvelé : un rouge vif se superpose souvent à un autre plus ancien et terne. Sur une section je vais dédaigner le nouveau marquage, lequel me ferait remonter raide dans les buissons, sans doute pour aller chercher une passerelle nouvellement installée. Je m'en tiens à l'ancien chemin bien formé au sol, et effectivement j'arrive à un torrent que je dois passer à gué, mais sans aucune difficulté. Je ne peux de toute façon pas avoir les pieds plus mouillés qu'ils ne le sont déjà ...

Je perds lentement de l'altitude et les bouleaux refont leur apparition, se resserrant peu à peu pour reformer une forêt autour de moi.

marquage immanquable
89XDHXwFp.2023-07-19-09.jpeg

la verdure s'étoffe
89XDHZOqq.2023-07-19-09.jpeg

aménagements irréprochables
89XDI24AV.2023-07-19-10.jpeg

cyclorando qui pionce encore
89XDI4i7T.2023-07-19-10.jpeg

les 1ers cèpes ... bientôt ils seront des millions ...
89XDI71MD.2023-07-19-10.jpeg

J'enquille efficacement mes 1ers kilomètres de ce matin, et arrive à 10h25 au refuge d'Argaladhytta, formé de 2 cabanes nichées dans un paradis de verdure et un coude de la rivière, offrant un bel espace d'eaux tranquilles pour la baignade. Je suis à 10km de mon point de départ, et les lieux sont idéalement situés pour une pause, que je préfère faire en intérieur à l'abri de la fraîcheur humide et des moustiques.

Je fais ici la connaissance de Paul, marcheur danois qui se déplace en van à travers la Norvège, et vient "picorer" des morceaux d'itinéraires au gré de ses envies. Il me fait une place dans le petit espace qu'il a occupé cette nuit (il y a ici 2 abris distincts), et nous allons philosopher tous les 2 durant presque 2h, partageant café, chocolat et friandises diverses que nous sortons à tour de rôle de nos réserves ... Interagir avec ses semblables est un excellent remède à la fatigue qui empêche de bien réfléchir et de prendre les bonnes décisions. L'état de mes chaussures fait partie de notre discussion : je voulais tenir jusqu'à la gare de Bolna, encore à 2j de marche, pour de là faire un aller-retour en train à Mo I Rana pour ravitailler, et reprendre ensuite le chemin du même point. Je réalise que la solution raisonnable est d'anticiper ce trajet dès la gare de Lønsdal, que je pourrais atteindre ce soir ou demain matin. Très gentiment, Paul propose que, si ma chaussure devait définitivement rendre l'âme, j'attende son retour à 2 h de marche d'ici, au parking où il a garé son van et doit revenir d'ici la fin d'après-midi : il pourra alors me conduire à Mo I Rana. À mon départ et après avoir laissé trace de mon passage dans le Hyttebok, je remercie Paul de son offre en espérant qu'elle ne sera pas nécessaire ...

à l'approche d'Argaladhytta, dans le coude de la rivière
89XDI9KC3.2023-07-19-10.jpeg

Argaladhytta
89XDIcmZB.2023-07-19-10.jpeg

Je repars à midi, toujours le long de la très belle Skaitielva qui me rappelle un peu la Reisa dans le Finnmark, il y a de cela 3 semaines (une éternité !). L'impression estivale se renforce, d'autant que le soleil semble vouloir percer. Le sous-bois de bouleaux s'épaissit d'une herbe drue et de belles fleurs, sur un sentier plutôt facile qui ne demande pas trop à réfléchir. En attendant de retrouver du réseau et pouvoir me pencher sur la réorganisation de ma logistique, je profite totalement d'un environnement bucolique ...

au long de la Skaitielva
89XDIf1Mn.2023-07-19-12.jpeg
89XDIhE2V.2023-07-19-12.jpeg
89XDIkCsR.2023-07-19-13.jpeg
89XDIniOb.2023-07-19-13.jpeg
89XDIpWS7.2023-07-19-13.jpeg

Arrivant après 2 heures de marche supplémentaires à hauteur du refuge suivant de Trygvebu, je décide de court-circuiter cette étape et de ne pas faire d'arrêt avant d'avoir retrouvé du réseau. La connaissance des horaires de train à Lønsdal est en effet primordiale pour mon organisation ... Je sors ici du Parc National de Junkerdal, et bien vite les 1ers signes de la campagne norvégienne apparaissent : quelques bâtiments de ferme, des prés de hautes herbes attendant les foins, un vieux rouleau de barbelés rouillés ...

La Skaitielva s'est élargie tout au long de la descente, et il faut une longue passerelle ondulante pour la franchir une dernière fois. Je voudrais bien pouvoir me tenir aux ridelles pour m'assurer un peu d'équilibre, mais des attaches de fil de fer torsadé tous les 50 cm menacent sans arrêt de m'écorcher les mains : tiens, au fait, de quand date mon dernier rappel anti-tétanos ?

barbelés abandonnés ...
89XDIsxAK.2023-07-19-13.jpeg

... peut-être le même fil de fer qui manque de m'écorcher au long des ridelles de cette ultime passerelle sur la Skaitielva ?
89XLhNeLl.2023-07-19-13.jpeg

La rivière une dernière fois traversée, je m'offre le 1er dénivelé substantiel de la journée, avec une grimpette très directe de 100m sur les flancs abrupts, jusqu'à atteindre une piste que je n'aurais plus qu'à gentiment redescendre. Elle me mène vite au hameau de Fredheim, avec quelques belles maisons proprettes et un petit camping, où j'aimerais trouver un banc et/ou une table de pique-nique pour une pause confortable ... Je trouve bien un banc, mais occupé par un jeune couple de randonneurs qui y déjeune et que je salue ...

Fredheim : la civilisation dans son habitat naturel
89XDIuTWa.2023-07-19-14.jpeg

pelouses impeccables, drapeau de rigueur
89XDIxcPl.2023-07-19-14.jpeg

Dans l'attente du spot qui me permettra de me poser, je profite de la monotonie de la route de graviers pour reconnecter mon téléphone dans le réseau retrouvé. Je consulte les horaires de train au départ de Lønsdal, avec comme idée première de dormir au refuge de Lønsdalstua (ou un peu avant si je n'y arrive pas ce soir), et de faire un aller-retour à Mo I Rana dans la journée de demain. Je vois cependant qu'il y a un train en soirée à 19h24, se pourrait-il que je puisse l'attraper ? Un retour rapide sur ma cartographie me dit que la gare de Lønsdal est encore à 21km, et il est 14h25 ... mais je n'ai pas fait ma pause déjeuner ...

La tentation est trop forte : bourrin un jour, bourrin toujours, et je me dis qu'être à Mo I Rana dès ce soir serait bien agréable. Je n'ai aucune certitude de pouvoir rallier la gare dans les temps : il me faut tenir une moyenne de 4,2 km/h pendant 5 heures supplémentaires sans pause (en plus des 2 heures que je viens de marcher depuis Argalad !), et j'ignore tout de la qualité des chemins devant moi ... Je me dis cependant que le coup vaut d'être joué, et me voilà abandonnant mon projet de pause, et forçant l'allure le long de la piste ...

J'hésite une seconde à faire tout ce trajet par le bord de piste pour maximiser l'allure, mais bientôt le sentier bien marqué s'en écarte et je dois faire un choix : j'opte pour le chemin pour ne pas avoir de regrets d'avoir gâché l'esthétique de la journée, et je fais bien ! Je découvre en effet un sentier pour une fois essentiellement sec, bien lisible au sol, assez peu accidenté pour permettre d'y prendre un bon rythme et de le tenir. Chemin et piste se croisent encore plusieurs fois, et plus j'avance plus mon esprit se focalise sur l'objectif ferroviaire de ce soir : je recalcule en permanence la distance qui me reste avec la vitesse moyenne qu'il me faut tenir, cherchant à prendre autant d'avance que possible dès le départ de ce trip, et être ainsi plus à l'aise sur le final ...

Ma chaussure déchirée supporte finalement bien ce régime (l'élastoplaste avec lequel je l'ai serrée ce matin n'a guère tenu ...), pourvu que je reste consciencieux dans ma façon de poser le pied. Je suis "au laser", scannant des yeux le chemin devant moi, et laissant le cerveau coordonner le positionnement de mes membres inférieurs sans que je n'ai plus à les regarder. C'est fou comme les automatismes peuvent s'acquérir après des millions et des millions de pas ...

on ne dirait pas, mais le chemin est facile et permet de carburer
89XNvNYVs.2023-07-19-15.jpeg

Je traverse un premier plateau un peu dénudé avant de redescendre profondément dans la forêt, pour couper en fond de vallée la route nationale 77, puis traverser la belle rivière de la Graddisselva et atteindre le gîte / camping de Graddis fjellstue : il est 15h30 et il me reste moins de 4 heures pour faire 16 km. C'est chaud et me laisse à la merci de la moindre section casse-pattes qui me ralentirait, mais tant que l'objectif reste possible je continue de pousser.

Je sacrifie 2 minutes tant que je suis en bord de rivière pour charger un peu d'eau d'une part, positionner quelques calories (graines et chocolat) dans les poches de l'ALD d'autre part. À 15h30, sans déjeuner et à ce rythme, le besoin énergétique se fait sentir !

ici, prendre garde à ne pas s'assommer
89XPikY8O.2023-07-19-15.jpeg

traversée en coup de vent de Graddis fjellstue
89XPsm9fk.2023-07-19-15.jpeg

Après Graddis le sentier repart à l'assaut de la montagne, avec un dénivelé de 300m D+ qui me fait retraverser forêt de pins puis de bouleaux, puis remonter par des dalles rocheuses où les chaussures continuent de bien agripper. La vitesse moyenne baisse un peu, mais reste au minimum requis pour tenir l'horaire. La vue se dégage derrière moi sur le parc du Junkerdal, tandis que j'entre déjà dans le site protégé suivant du Saltfjellet. Le ciel s'est de nouveau assombri, je crains la pluie mais sans qu'elle arrive jamais. Il fait également assez frais quand j'atteins la crête : 10°C au thermomètre, mais avec un petit vent et ma transpiration le ressenti est beaucoup plus frais ...

direction Lønsdal, encore 15 km ...
89XQ36esX.2023-07-19-15.jpeg

après l'ascension, derrière moi le Junkerdal d'où j'arrive
89XQiSfHd.2023-07-19-16.jpeg
89XDIzsds.2023-07-19-16.jpeg

de l'autre côté, une lente et très longue descente vers Lønsdal
89XDIBLGK.2023-07-19-16.jpeg

Juste quand je commence la descente sur l'autre versant, je croise deux randonneuses en marche vers Graddis, avec qui j'ai un échange amusé lorsque je dois leur dire que j'ai - littéralement - un train à prendre. Elles voudraient tout savoir de ma marche depuis le Cap Nord, et c'est en riant que je dois les renvoyer vers mon Instagram (et hop, 2 abonnées de plus !) ...

Mis à part quelques petites sections de tourbières (mais j'ai maintenant l'habitude), le sentier me permet toujours de garder un rythme incroyablement élevé et régulier, ça me change bien de toutes les sections casse-pattes vécues jusqu'à présent. Peu à peu je réalise que je vais être bien en avance sur l'horaire du train qui m'intéresse, et je peux commencer à ralentir, tout en grignotant ce que j'avais prépositionné dans les poches du sac.

L'environnement est ici fait de labyrinthes de dalles rocheuses, entrecoupées de jolis lacs dont certains sont pourvus de plages de sable ... Je me prends à rêver de passer ici moins vite, avec un beau soleil et une invitation au farniente, plutôt que comme maintenant laisser des traces de gomme sur le rocher ...

au milieu de nulle part ...
89XDIE9mZ.2023-07-19-17.jpeg

La descente est très progressive mais aussi irrégulière : il faut parfois un peu remonter sur une éminence pour pouvoir descendre l'étage suivant. Les jambes fatiguées commencent à crier grâce et je continue de gérer mon avance en adoucissant le rythme. J'approche du fond de vallée, et il me fait tout drôle un instant de me dire que je suis sur le sentier au milieu des tourbières ... alors que mon quai de gare n'est plus qu'à 500 m mais encore totalement invisible ! Encore une belle rivière puissante (la Lønselva) à franchir sur une solide passerelle, puis la route nationale E6, et me voilà sur la petite route goudronnée qui dessert le refuge DNT de Lønstua, puis un centre de vacances, et enfin j'arrive à la petite gare isolée aux confins du Cercle Arctique ...

dernier franchissement du jour. La Nationale E6 est toute proche
89XTfwWXn.2023-07-19-18.jpeg

Lønsdal se confond avec sa gare
89XTjvy7u.2023-07-19-18.jpeg

J'ai 1/2 h d'avance et ai donc parcouru 21 km en 4h30 par les sentiers, ce qui n'est pas une mince performance en ce qui me concerne. Surtout, je n'ai fait aucune pause depuis  midi et mon départ d'Argaladhytta, soit 7h de marche consécutives et 31 km ! Pas raisonnable pour les pieds et les articulations, mais je suis maintenant décidé à m'offrir une pleine journée de repos à Mo I Rana. Je peux acheter mon billet depuis mon téléphone pendant que je patiente dans la salle d'attente (et profite des toilettes pour me réhydrater ...), ainsi que réserver un hôtel (cher !) en ville pour ce soir, et un gîte (beaucoup moins cher !) pour la seconde nuit (mais complet ce soir).

Cette balade m'a rajeuni de 20 ans !
89XDIGlST.2023-07-19-19.jpeg

Pour la 1ère fois depuis 1 mois je vais pouvoir faire pleinement relâche, j'en avais besoin !


à suivre ...



Vidéo #30

89XDIInk4.IntroJ30.s.jpeg


Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

Hors ligne

#324 06-11-2023 19:03:47

bernard_lyon
Μηδὲν ἄγαν
Lieu : Lyon
Inscription : 16-12-2015

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Suspense… quelles chaussures trouvera-t-il ?  eek  big_smile


Mon trombi | Liste | HRP Banyuls-Alos d'Isil | GR738
"Le soleil n'est jamais si beau qu'un jour où l'on se met en route." (Jean Giono, "Que ma joie demeure")
Modification non explicitée : orthographe ou syntaxe

Hors ligne

#325 07-11-2023 19:44:17

Hartza
Membre
Inscription : 11-08-2022

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Ou bien quelle colle? lol  tongue


Liste moyenne montagne printemps été: https://lighterpack.com/

Hors ligne

Pied de page des forums