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#401 09-12-2023 11:25:36

Matt81
Membre
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

De beaux jours qui se sont enchainés entre le partage de chemin avec Ewa, la discussion avec Arvit, puis les 2 visites de la famille !
Ca a du bien te rebooster tout ça !

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#402 09-12-2023 19:33:58

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#45 samedi 5 août 2023
Bellingstua - Ferslia
29km +634 -701 7h09 (+pauses 0h11)
Cumul 1757km D+36800m Marche 442h
Vidéo #45

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Nouvelle petite journée puisque je ne prévois de repartir qu'après le déjeuner, depuis le refuge DNT de Bellingstua où je m'offre 24h de repos en famille, à cheval sur 2 dates.

Arvit nous quitte en fin de matinée pour poursuivre sa marche, dont le thème est de refaire à l'envers la route empruntée par son arrière-grand-père, quand celui-ci a quitté son village d'origine après une série de calamités d'inondations, pour aller s'installer là où vivent aujourd'hui ses descendants. Bref, une rando à thème généalogique !

Malgré la facilité d'accès du refuge par la route, nous n'aurons vu personne d'autre. Ma fille m'a préparé un ravitaillement sans faute, et si je charge pour 4 jours c'est par excès de précaution et gourmandise. Dorénavant j'aurai presque tous les jours un refuge DNT offrant de l'épicerie en libre-service, et dans ces régions de Norvège un peu plus densément peuplées les bourgades avec supérette sont de plus en plus rapprochées.

Je procède à de derniers échanges de matériels pour les 3 à 4 semaines qui me restent (seulement ? la fin est proche !) :
- je remets dans le coffre de la voiture les Mescalito Planet utilisées pendant la semaine écoulée (arrivées à ~1200 km, toujours OK mais pas pour 1000 km de plus), pour leur substituer leur version "cuir" qui constitue plutôt mon chaussage d'hiver. J'en avais une paire juste entamée à la maison (~300 km), lesquelles devraient désormais pouvoir tenir la distance qui me reste. C'est donc la 4ème et, je l'espère, dernière paire de chaussures pour cette traversée (2 paires neuves auraient suffi si je n'avais pas dû anticiper le remplacement de la première, défectueuse). La version cuir est plus lourde et sera plus difficile à faire sécher, en revanche c'est le plus confortable des 2 modèles pour mes pieds souffreteux.
- mon matelas gonflable Thermarest Uberlite, très agréable en pleine longueur mais qui se dégonflait lentement lors des derniers bivouacs, et que je remplace par la dernière version du Klymit Inertia XLite achetée au printemps. J'ai la flemme de chercher la micro-fuite de l'Uberlite, et comme j'ai toujours eu trop chaud dans mon duvet je peux me permettre de perdre en isolation d'avec le sol. Sans la fuite j'aurai gardé l'Uberlite, mais bien que j'ai été soigneux à son égard je savais le risque de fragilité qu'il pouvait présenter ... Je remplace aussi mon complément d'Arkmat127 en 90 cm par un morceau plus grand en 110 cm, histoire de compenser une petite partie de la perte d'isolation.

Nous sommes samedi et je surveille depuis maintenant quelques jours l'arrivée qui se confirme d'une grosse perturbation dont la météo annonce le passage de lundi à mercredi, avec des lames d'eau estimées de 30 à 40 mm par jour. Avec ces gros cumuls de pluie et les difficultés que cela pourrait poser s'ils me surprenaient dans la montagne, je préfère être en mesure de me mettre à l'abri le moment venu. La prochaine bourgade sur mon itinéraire est à ~60km à Storlien en Suède : a priori rien de trop difficile pour moi d'ici demain soir tant que le temps se maintient.

Pour l'heure le ciel est nuageux, mais malgré tout lumineux avec un soleil voilé que la nébulosité ne bloque pas complètement.

Je suis pile dans les temps pour rallier Lindesnes d'ici ma date limite du 31 août, mais je n'ai pas la marge de manœuvre suffisante pour m'autoriser 3 jours d'immobilisation en attendant un ciel plus clément. Je commence donc à réfléchir aux éventuels plan B : détours, étapes neutralisées ...

Arrivant maintenant au seuil des 1000 km restants, j'ai psychologiquement enclenché le compte à rebours vers l'arrivée ...

Il est 15h00 quand, le coffre de la voiture rempli, femme et enfant me disent au-revoir sur le bord de la route à hauteur du refuge. Tel un chat séparé de ses maîtres lors de vacances lointaines, je dois maintenant tout seul retrouver le chemin de la maison ... Elles roulent vers le Sud pour aller attraper un ferry lundi soir jusqu'au Danemark, et ainsi économiser plusieurs centaines de kilomètres de route à travers le sud de la Suède.

MUL abandonné sur le bord de la route des vacances
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Bien reposé et avec le plein de calories d'une part, l'épée de Damoclès météorologique suspendue dans les cieux d'autre part, j'ai dès le départ l'intention de progresser aussi loin que possible dès ce soir. Je ne m'embarrasse pas de retourner en arrière retrouver le sentier, et emprunte le bord de route pour 5 km jusqu'au hameau de Sandvika (le sentier ne m'en aurait économisé que la moitié). Je passe près de nombreuses cabines, d'un camping, puis proche des rives du lac d'Innsvatnet, avant de faire jonction avec une route plus importante qui, 500m plus loin, entre en Suède. Je n'y marche que quelques centaines de mètres en sens opposé à la direction de la frontière, avant de retrouver le marquage du sentier et m'enfoncer de nouveau dans la Norvège sauvage.

Lac d'Innsvatnet : on joue à kebab cache-cache ?
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Sandvika : je pense qu'il s'agit d'un gîte
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Sandvika, disais-je ...
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Un peu d'élan est nécessaire pour l'étape du jour
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Dès la route quittée je commence à m'élever, d'abord en forêt entre sapins, pins et bouleaux, puis vite à nouveau dans les pentes marécageuses. Contrairement à la dernière section d'hier avant d'arriver à Bellingstua, pas encore d'aménagements de planches sur le chemin, mais je peux apercevoir ici et là quelques piles de bois neuf qui n'attendent plus que de la main d'oeuvre pour être installées. Les hauts piquets avec leur extrémité peinte en rouge marquent bien la direction à suivre, donc si les pieds chassent l'eau sur leur passage, la tête n'a pas à se fatiguer à leur chercher la direction à prendre.

Les pentes sont douces, le chemin est facile et l'environnement est verdoyant. Chaque petit lac apporte un instant paisible, et s'il n'y avait parfois le clapotis de l'eau je serais ici la seule source de bruit. Dans toutes mes traversées, il n'y a jusqu'à présent qu'en Norvège que j'ai rencontré ces moments de parfaite sérénité. Il y a certaines heures et certains endroits où aucun oiseau ne se fait plus entendre, et où l'âme peut se reposer de tous ses tumultes.

Deux heures après mon départ je suis remonté à un peu moins de 700m d'altitude, et je vais évoluer un long moment sur un grand plateau gondolé, passant d'un creux à une bosse, d'un petit lac à une prairie rase ... Parfois le sentier se faufile dans une petite gorge avant de retrouver une position dégagée sur l'éminence suivante : c'est un joli labyrinthe où j'entends parfois le tintement des clochettes de quelques moutons, lesquels parcourent la montagne en petits groupes timides de 5 ou 6 individus.

retour aux pentes herbeuses ...
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... aux lacs paisibles ...
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... à la toundra ...
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Sur ce plateau, peu après avoir croisé une piste qui serait carrossable par un bon 4x4, je fais mon unique rencontre de l'après-midi avec un vieux couple norvégien, sur le chemin du retour de leur cueillette de mûres arctiques. Ils doivent bien en porter 3 ou 4 kg chacun dans leurs seaux, de quoi faire une belle quantité de confitures ! Ils sont du coin et monsieur me confirme la disponibilité de tous les abris potentiels dont j'avais relevé l'existence : un refuge DNT à encore 9 km, un petit abri d'urgence à 13 km dont je n'étais pas certain, avant le refuge de Ferslia encore à 20 km. J'ai la forme et je garde toutes ces options ouvertes, en plus évidemment de la possibilité de bivouaquer. Sur le plan pratique, même si j'ai tout chargé à bloc à Bellingstua, le faible soleil de ce jours et les perspectives pluvieuses des suivants me font privilégier la recherche perpétuelle de prises de courant. Cette quête électrique motive désormais beaucoup de mes décisions.

labyrinthe de petits marais ...
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lacs aux eaux sombres ...
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petits défilés rocheux ...
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L'heure tourne, les lumières du soir s'installent ... Alors que je vais bientôt arriver au bout du plateau et commencer la descente dans une large vallée, j'ai sur ma gauche un trio de montagnes formant le massif du Kjølhaugan, dont le plus haut sommet n'est qu'à 1249m mais suffit à me donner la nostalgie des montagnes austères et enneigées que j'avais plus au Nord. Sur ma droite j'ai une succession de grands lacs, dont le dernier accueille près de ses rives le refuge DNT de Sulsjøhytta. Je passe à son niveau à 20h00, mais comme il est à plusieurs centaines de mètres du chemin je n'en vois que la toiture. Malgré l'absence de pause substantielle je me sens en bonne forme pour pousser encore plus loin ce soir, et décide d'aller chercher l'une ou l'autre des 2 options suivantes d'hébergement "en dur" repérées sur la suite du trajet.

Le sentier s'élargit à une piste de quad quand il commence à descendre vers la vallée, et la progression y est simple et plutôt rapide.

sur ma droite de grands lacs
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sur ma gauche un peu plus de montagne
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Quelques rennes se faufilent majestueusement sur une petite crête, toujours méfiants à l'égard des bipèdes, et je ne peux en montrer que ce dont mon téléphone est capable
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retour à une piste pour la douce redescente en vallée ...
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... mais ça n'interdit pas de regarder où poser le pied
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Je redescends dans la vallée de la Kjølhaugåa, cuvette de plus en plus marécageuse au fur et à mesure que je m'y engage. Mon chemin de quad est néanmoins facile à suivre, et j'arrive à ne pas trop y marcher dans la boue.

À 21h j'arrive au petit abri d'urgence, joliment niché dans la lande et quelques pins clairsemés. Ses abords sont un peu en désordre, avec les 3 marches de son petit escalier d'accès étrangement déplacées à l'écart du petit bâtiment, et pas mal de déjections d'oiseaux devant l'entrée. L'intérieur est néanmoins très propre, avec 2 grands coffres en bois de pin servant de banquettes (je n'ai pas regardé ce qu'ils pouvaient contenir) et une table centrale. L'abri est pratique et bien situé non loin du torrent, et je vais hésiter 1 minute à m'y installer, avant que mon côté joueur reprenne le dessus. Il n'y a plus que 5 ou 6 km de chemin que je suppose facile jusqu'au bon refuge DNT de Ferslia, et j'estime pouvoir bénéficier d'encore suffisamment de lumière du jour d'ici là.

une dernière percée du soleil
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nouvelle option pour une nuit en dur, mais je reste joueur
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Je franchis un beau pont de bois sur la petite rivière et suis mon bon chemin, mais je me fais piéger par plusieurs marquages qui s'entrecroisent. Je crois d'abord que la route d'hiver (les X de bois rouges sur de hauts piquets) se confond avec mon tracé, puis trouve une autre trace entre les 2 que j'essaye de suivre ... et me retrouve dans un environnement un peu fatigant de tourbières et de gadoue. J'en reviens au GPS, et constate que je peux soit me laisser guider dans le fond de vallée jusqu'aux rives du lac de Feren où je pourrai trouver la route et atteindre le refuge, ou bien regagner un peu de hauteur retrouver la trace "officielle de l'E1 dont je me suis laissé distraire. Ce dernier tracé aurait l'avantage de me mener directement au refuge, alors que le passage par le lac exige de faire un crochet. Je commence par la première option pour éviter de couper à travers, mais à force de patauger je me ravise, et me voilà à remonter la pente et, finalement, retrouver l'agréable sentier que je n'aurai jamais dû quitter.

Je peux marcher au sec sur un sentier qui déroule, et bénéficie d'une jolie vue vers le lac, alors que le soir tombe maintenant franchement et que la lumière baisse de plus en plus sensiblement. La présence des bruyères fleuries met une touche violacée au paysage, et une impression étrange que même les nuages s'imbibent de cette couleur : ce n'est pas un effet des photos et de mes (légères) retouches, c'est bien ce que j'ai l'impression de voir.

Lac de Feren
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Le sentier qui maintenant redescend lentement dans la forêt toujours plus épaisse est facile, du moment que l'on prend garde aux petits ruisseaux qui le traversent par des sillons plus ou moins profonds (et boueux ...). Pour la première fois depuis le Cap Nord je fais maintenant la course avec la nuit, et la traversée des sous-bois est particulièrement sombre. Pour un peu, je pourrais sortir ma frontale qui a si peu servi depuis mes débuts arctiques ...

Il fait moins sombre quand enfin j'atteins une large piste de terre, que je suis sur 1 km avant une ultime bifurcation et la pancarte qui m'indique le refuge à 200m, où j'arrive passé 22h. En guise d'une petite demie journée de marche débutée à 15h, je viens de marcher 7h d'affilée sur presque 30 km, tu parles d'un redémarrage tranquille !

Il y a de la lumière et un seul autre occupant : je fais ce soir la connaissance de Jens, marcheur tchèque qui remonte le Norge På Langs vers le Nord. Malade, il avait dû interrompre sa marche il y a 2 semaines, rentrer chez lui et revenir. Il ne reprend que maintenant sa remontée vers le Nord, et vu la date, l'énormité de son sac et son étonnement à l'égard de mes journées à 40km, je juge peu probable qu'il soit arrivé cette année au Cap Nord avant l'hiver ... Ce sera le dernier marcheur que je rencontrerai en Sud-Nord : désormais il y a encore Ewa devant moi, et une fois que je l'aurai rattrapée / dépassée je serai l'ultime représentant de cet itinéraire sur les chemins du Sud ...

la caméra corrige les sous-expositions : ma vision dans le sous-bois était plus sombre que ça ...
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22h : Refuge de Ferslia
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Jens se révèle plus bavard que moi (ceux qui me connaissent savent que c'est une performance), et je dois m'en débrouiller pour arriver à tenir la conversation tout en essayant de dîner et alors que la soirée avance. Quand je mets le nez à la fenêtre à 23h, c'est bel et bien la nuit que j'y vois.

Il est passé minuit quand je vais me coucher, mais Jens doit aussi être noctambule car il ne va cesser de déambuler dans le refuge, m'obligeant à faire usage de mes bouchons d'oreille pour cet unique voisin, alors que nous avons chacun notre propre dortoir.



à suivre ...

@Matt81 : boosté, c'est sûr ! Pour la suite il va cependant y avoir de l'eau dans le gaz, l'oncle Hansi va se rappeler au bon souvenir de l'Alsacien d'adoption que je suis désormais. Accrochez vos ceintures, ça va secouer !


Vidéo #45

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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

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#403 11-12-2023 20:10:21

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#46 dimanche 6 août 2023
Ferslia - Ramsjohytta
60km +1140 -844 12h18
Cumul 1816km D+38000m Marche 455h
Vidéo #46

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Tout a contribué à ce que je ne fasse qu'une petite nuit au refuge de Ferslia :
- je me suis couché très tard, à 0h30 ...
- Jens, mon colocataire d'une nuit, a été bruyant encore un long moment après que je sois allé me coucher ...
- je m'impose de me lever tôt pour pouvoir mettre en œuvre la stratégie développée pour faire face à la météo ...

La journée de dimanche qui vient est correcte avec quelques averses, rien de très différent avec celle des jours précédents. En revanche ce sont des lames d'eau très conséquentes annoncées pour lundi - mardi - mercredi. Je peux marcher dans la montagne aujourd'hui, mais cela me parait totalement hors de question à partir de demain. En revanche il doit m'être possible de continuer à progresser par des bords de route dans les vallées habitées, pour peu que j'en dispose ...

aujourd'hui ça va, demain ça se complique ...
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Sur la carte ci-dessous, ma trace prévisionnelle est en bleu jusqu'à la bourgade de Stugudalen, à 2 grosses journées de marche à mon rythme par les chemins de montagne. La ligne rouge indique grossièrement l'axe montagneux qu'aucune route ne traverse : si le très mauvais temps m'atteint alors que je suis encore au Nord de cette ligne, j'ai de très fortes chances de rester immobilisé, ou de m'engager dans un détour si long qu'il ne me ferait rien gagner. Si je suis ce soir au Sud de cette ligne, j'ai des axes routiers plus accessibles / praticables que la montagne.

Mon prévisionnel en bleu m'amènerait ce soir par les sentiers jusqu'à la bourgade suédoise de Storlien, où je serai essentiellement coincé au Nord de la ligne rouge. En revanche, par le tracé en vert fait en grande partie de routes de terre ou asphaltées, je pourrai avancer beaucoup plus vite, et peut-être franchir dès ce soir la "ligne rouge" avec seulement une dizaine de km de sentiers (pointillés) via un col à ~900m, derrière lequel je peux retrouver une bonne route de terre pour marcher en relative sécurité même sous une forte pluie. Juste un bémol : ça me ferait a minima 55 km ...

Dans le pire des cas, au bout de la route avant la "ligne rouge", il y a un bon refuge DNT à Bjørneggen, où je pourrais éventuellement attendre une accalmie pour faire le saut par-dessus le col que j'ai repéré. J'ai un autre refuge peu après le col, d'où la route ne serait pas très loin (4 km en descente). D'un côté ou de l'autre de la ligne, je peux donc envisager de dormir en sécurité ce soir, pour aviser demain matin de la suite ...

ma stratégie sur la carte :
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C'est donc avec de petits yeux que je quitte à 6h45 le refuge de Ferslia, et la détermination "d'envoyer du bois" au long de l'itinéraire vert de la carte ci-dessus, et atteindre l'autre versant du massif avant que le temps ne tourne au déluge. De ce fait je prends la direction de Meråker, par où Ewa avait programmé de passer pour son ravitaillement. Peu de chance cependant que je l'y rattrape, car elle a repris une pleine journée d'avance et a dû en repartir dès ce matin.

Je tourne le dos au fléchage, et m'engage dans le sens de la descente sur les 20 km de route qui doivent me mener "en ville" au fond de la vallée.

C'est une petite route peu fréquentée et entourée de verdure. Je peux m'y laisser glisser paresseusement, activant le "pilote automatique" et mettant l'esprit au repos. Je passe proche de nombreuses cabines de villégiature, souvent arborant un drapeau sami plutôt que norvégien ...

À mon approche les moutons se mettent à courir devant moi le long de la route, s'arrêtant pour souffler après chaque sprint de 100m, puis reprenant la course en voyant que je poursuis ma progression à leur rencontre. J'ai beau essayer de me serrer d'un côté de la route quand ils sont de l'autre, histoire de manifester que je veux passer au large, mais rien n'y fait, ils cavalent encore ... Ils mettent en général 1 ou 2 km avant d'envisager de sortir de la route se réfugier dans la végétation ...

ma cabane en laponie ...
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moutons cavaleurs
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presque un village
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Quand la route passe plus proche du lac, je peux voir les nombreux hangars à bateaux le long des berges, et l'immensité piscicole dont ils disposent.
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Je quitte le lac de Feren pour celui de Funnsjøen, un peu plus petit. La route passe un long moment au plus près de la rive, et quand je peux bénéficier du double bénéfice d'un petit torrent pour prendre de l'eau et d'un rayon de soleil, je descends sur les rochers pour ce qui sera peut-être la seule pause ensoleillée de la journée. Le timing est parfait après un peu plus de 2 h déjà marchées et presque 12 km, et je profite d'une dernière belle lumière sur les eaux calmes avant la tempête que je redoute pour demain.

le calme avant la tempête ...
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au loin quelques montagnes enneigées, je n'y retourne pas tout de suite ...
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Je repars à 9h30 et bientôt la route laisse le lac derrière elle et devient asphaltée quand elle commence à descendre dans la vallée. Je m'y laisse descendre sans fatigue, mais c'est évidemment monotone. Le seul bon point c'est que mes chaussures sèchent peu à peu ... Rien n'entrave ma marche rapide, chaque kilomètre de progression ce matin étant versé dans l'escarcelle de mon objectif lointain de la journée. Je résiste même aux sirènes des framboises qui occupent les pentes, et où je croise plusieurs cueilleurs du dimanche. Je n'attrape que ce que je peux cueillir sans quitter la route  tongue

seulement ? petits joueurs ...
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pour un peu, je ralentirais ...
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Après avoir traversé les lotissements sur les hauteurs, à 11h30 je suis au centre de Meråker et au fond de la vallée sur la Route Nationale E14. J'hésite à me poser à nouveau à une table de pique-nique pour une nouvelle pause avant qu'il ne pleuve, car le temps s'est obscurci. J'y renonce car j'y serai en vue de tous et dans un courant d'air, et préfère poursuivre.

J'ai environ 4 km à faire le long de la route nationale, pas super évidente pour un marcheur de bord de route. Heureusement la conduite des norvégiens est exemplaire, et les automobilistes arrivant en face ralentissent, s'écartent et répondent aux petits gestes de remerciement que je leur fais de la main.

Meråker gare
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À midi je peux enfin bifurquer sur la route de terre qui remonte la vallée de Stordalen, et je saisis l'opportunité d'une météo encore sèche pour faire ma pause-déjeuner juste après le pont et au bord du torrent. Déjà 25 km au compteur à la mi-journée, j'ai mis toutes les chances de mon côté pour être dans le tempo nécessaire à l'exécution de ma stratégie du jour ...

pause torrent. On ne le voit pas mais je suis sous un pont, et à 100m de la Nationale ...
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Je repars à 13h, pour encore une très longue section de route de terre. Je me programme mentalement pour faire l'arrêt suivant au refuge de Bjørneggen, à 17km et pratiquement au bout de la route avant de retrouver du sentier. Il y a très peu de trafic, et je m'élève doucement. Meråker n'était qu'à ~125m d'altitude, et Bjørneggen est à presque 600m : sur 17km de distance, voilà du dénivelé bien étalé ... La pluie finit par arriver, bien régulière mais jamais trop intense. J'aperçois de temps à autre un cycliste, ou encore un roller nordique qui tue ainsi le temps en attendant la neige ...

Je croiserai un unique couple de randonneurs arrivant de Bjørneggen dont ils me vantent le confort. Le sentier qui suit après le refuge est parait-il bon et juste par endroits un peu boueux, mais vu d'où je viens ils m'assurent qu'il n'y aura là rien de bien compliqué pour moi.

Dis Papa, c'est encore loin  ? Tais-toi et marche ...
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Je passe à 15h à Stordalsvollen, village dispersé dans le fond de vallée, avec sa petite église de bois isolée dans la plaine. Je suis vraiment dans la Norvège agricole, et croise maintenant plus de vaches que de moutons. Leur présence m'incite d'ailleurs à ne plus prendre l'eau des ruisseaux et à faire patienter ma soif en attendant des approvisionnements sans risque de souillure ...

À 16h j'arrive à Bjørneggen, où je finis par trouver le vaste refuge ultra-moderne du DNT, doté d'un vaste parking.

Stordalsvollen
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Antiquités du bord de route
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refuge de Bjørneggen
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42 km de faits à 16h, il m'en reste 6 ou 7 jusqu'au col, et environ le double jusqu'au refuge que je vise si la météo de ce soir reste clémente. Je calcule environ 4 heures de marche, et que je peux avancer sans encombre à la lumière du soir jusqu'à passé 22h. Je peux donc m'autoriser à faire bon usage du refuge de Bjørneggen pour me réchauffer / sécher, faire le plein de calories, voire même m'octroyer une courte sieste. J'y entre et tiens la porte à une dame qui emménage depuis sa voiture avec des sacs de course lourdement chargés, puis me rends dans la salle commune où j'inscris mon passage dans le registre et m'acquitte de mon écot via l'application dédiée.

Je me pose dans un coin avec le hyttebok et le chocolat chaud que je viens de me faire avec la bouilloire, tandis que mes appareils rechargent : ce n'était pas avec la météo d'aujourd'hui que le panneau solaire allait compenser ma consommation électrique ... La dame croisée l'instant d'avant s'avère être une inspectrice du DNT, qui vient prendre la surveillance du refuge pour la quinzaine : l'idée de resquiller ne m'avait pas effleuré, mais je me félicite d'avoir tout fait dans les règles ... Nous échangeons quelques instants sur son métier, mon chemin, puis elle retourne à son installation et moi à mon 2ème chocolat chaud ...

Elle consulte un classeur puis m'interpelle à nouveau :
- "vous savez que le prochain pont est impraticable et qu'il y a un détour de 3,5 km ?"
- "hein, pardon, quoi, comment, quoi que qu'est-ce eek ?"

Effectivement dans chaque refuge il y a un classeur dans lequel quelques informations relatives aux itinéraires, franchissements etc. sont rassemblées. Au début je les consultais, puis me contentais de les feuilleter distraitement, avant de finir par les ignorer et négliger leur existence.

D'un coup le refuge est devenu un cul-de-sac d'où je dois repartir en arrière jusqu'à un embranchement où je suis passé tout-à-l'heure, pour pouvoir franchir la grosse rivière par un autre pont et remonter la vallée par l'autre rive. Cela rajoute une bonne heure à mon programme de ce soir, et compromet ma capacité à arriver au refuge de Ramsjohytta à une heure raisonnable, et c'est bien entendu sans parler de la distance et fatigue supplémentaires que cela impose à mon programme déjà ambitieux ...

À mon expression déconfite Ann-Kristin (c'est son nom) réagit aussitôt en me proposant de me déposer en voiture à ladite bifurcation, me faisant gagner ~1/2h sur l'heure additionnelle que vient de prendre mon programme.  Bien entendu je n'ai plus à ma disposition le temps de flâner sur le canapé confortable, et en quelques instants je remballe mon sac en prenant garde de ne rien laisser derrière dans la précipitation. Me voilà dans sa voiture et, peut-être à peine 20 mn après m'avoir prévenu de l'existence du détour, elle me dépose au début du chemin.

Je peux la remercier chaleureusement, car sans elle je me serais engagé sur le chemin normal pour me trouver bêtement devant le pont coupé, contraint de revenir à Bjørneggen sans plus pouvoir envisager de poursuivre ce soir. Sans elle, j'aurai ainsi très bien pu être coincé ici pendant plusieurs jours ...

retour au chemin : la couleur orange inhabituelle du marquage est celle, provisoire, du contournement du pont impraticable
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Il est 17h30 et j'emprunte une ancienne route de carriole, sur un sentier thématique qui me fait passer par un ancien relais de poste, puis m'élever dans la montagne en direction d'anciennes mines. Le chemin est très agréable sous un ciel cependant chargé : je débute mon trip du soir de retour sur un sentier après une longue cavale de bord de route, et j'apprécie le changement ...

En passant, j'immortalise en selfie le cap désormais franchi des 1800km ... et passe ainsi sous la barre des 1000 km restants !
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je croise les doigts pour que le temps se tienne
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Le bon sentier s'élève doucement, et s'affranchit progressivement des bouleaux pour me faire retrouver la toundra d'altitude. C'est à 19h30 que je passe au point le plus haut à 925m, et que je franchis la ligne rouge imaginaire qui me fait passer sur le "bon" versant pour gérer la tempête qui arrive. 52 km parcourus et encore 8 jusqu'au refuge, mais le chemin semble désormais devoir osciller presque à plat à flanc des pentes douces.

C'est aussi sur ce point haut que je visite brièvement les restes d'une anciennes mines : quelques pièces de métal d'anciennes machineries rouillent ça et là, des soubassements rectangulaires de pierre signalent la présence de cabanes de bois disparues, et un profond puits noyé est préventivement cerclé d'une solide clotûre ...

retour vers l'altitude
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mine noyée
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Je quitte l'antique mine en suivant le bon sentier, pour vite trouver une insistante signalisation pour ne pas rater la bifurcation vers le refuge. Mon nouveau chemin est plus discret, mais reste très roulant dans la végétation rase.

message reçu !
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La longue marche sur toute a bien tiré sur les tendons et la fatigue se fait sentir dans les jambes, je suis désormais pressé d'arriver, avec la double préoccupation de devancer la nuit (ça devrait le faire) et les averses possibles sous le ciel menaçant (ça, c'est pas gagné). Je m'efforce de garder la cadence, sans pour autant négliger de  continuer à documenter le parcours.

J'arrondis les collines sans trop changer d'altitude, pour passer à 20h30 sur la digue du lac de retenue de Finnkoisjøen. Je suis à 2 doigts de me laisser tenter par le bivouac sur sa berge sableuse, mais je me motive par la sécurité et le confort que m'apportera le refuge. La route qui dessert le barrage est la même que celle que je veux attraper demain, mais à cette heure seule la motivation du refuge me fait tenir debout : redescendre dès maintenant la route pour un bivouac mouillé et possiblement tempétueux ne me fait pas envie, j'attendrai demain pour rattraper cette piste.

Les T rouges restent photogéniques
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Finnkoisjøen quand je m'en éloigne
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Après le grand lac et pour rallier le refuge, il ne me reste plus qu'une large crête à franchir, au prix d'une remontée ridicule de 70m D+. Sur mes jambes fatiguées de la (trop) longue journée, le moindre dénivelé positif pourrait être pénible, mais je me surprends à franchir la modeste pente avec facilité. Je n'irai pas jusqu'à parler de second souffle, mais je constate qu'il me reste de l'énergie : si la nécessité avait voulu que je pousse encore plus loin ce soir, je l'aurai fait (en grimaçant).

Le refuge et son petit lac se rapprochent sur mon GPS, mais je ne les vois toujours pas. Ils ne se révèlent qu'au dernier moment au débouché d'un petit vallon, alors que comme hier je peux admirer l'étrange coloration violacée du paysage, comme si l'œil projetait les teintes des bruyères vers le ciel et la montagne.

monde violet
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Le lac de Ramsjøen et le refuge de Ramsjohytta sont à 775m d'altitude, dominés par le sommet du Fongen à 1441m. J'y retrouve quelques vues de montagne enneigée qui m'échappent depuis bientôt 10 jours que j'ai quitté le Børgefjell, mais il est 21h30, le ciel est bouché et il commence à faire sombre.

Le refuge DNT de Ramsjøhytta est constitué de plusieurs cabanes en bord de lac, et je trouve là un bien bel environnement. Les fondations de l'ancien refuge principal démonté l'an dernier sont encore là, et la nouvelle bâtisse est juste à côté.

Il y a beaucoup de monde, visiblement un même grand groupe de randonneurs rassemblés pour dîner dans la grande salle à manger du bâtiment neuf. J'y entre et demande à la première personne rencontrée s'il y a là de la place, et plusieurs discussions s'engagent visant à essayer de me libérer une petite chambre. Il y a cependant une autre cabane en face, et pour peu que je puisse y brancher mes appareils elle fera tout aussi bien l'affaire : c'est effectivement ce qu'il y a de mieux, puisque cette cabane à l'ancienne n'est occupée que par un binôme de randonneuses, et je peux y prendre une chambre de 4 lits pour moi seul. Il y fait frais car le poêle n'est pas allumé, mais je n'ai ni le temps ni l'énergie de faire un feu, ma doudoune me suffira ...

Ramsjøhytta
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derniers pas avant le repos
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Je chauffe un peu d'eau pour me faire à dîner, sacrifiant ici mon "Real Turmat" réservé aux jours méritants. Je discute un instant avec l'une de mes colocataires, laquelle marche sur le "Norge På Tvers", version Est-Ouest et combien plus courte de la traversée de la Norvège ... Elle écarquille les yeux en apprenant que j'arrive du Cap Nord et en voyant mon sac ... Elle me dit que je pourrais avoir un peu de réseau si je m'écarte du refuge, mais je n'ai pas le courage de ressortir, même pour aller stratégiquement actualiser la météo que je sais devoir devenir très mauvaise, ce dont d'ailleurs je l'informe car elle ne semblait pas trop s'en inquiéter ...

J'irai peu après m'écrouler de fatigue satisfaite sous la lourde couette à l'emblème DNT ...


à suivre ...

Vidéo #46

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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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l'ultralighter più estremo di sempre

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#404 12-12-2023 01:13:47

Javah
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Petite nuit et petite journée!  lol

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#405 12-12-2023 11:35:55

ASM
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Petite journée 30km - Grosse journée 60km.
C'est vraiment impressionnant, ça me donne le vertige ...

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#406 13-12-2023 14:38:30

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#47 lundi 7 août 2023
Ramsjøhytta - Kirkevollen
23km +214 -562 4h28
Cumul 1839km D+38200m Marche 459h
Vidéo #47

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Dès hier après-midi à Bjørneggen, j'avais pu voir via Meteoblue que l'épisode de très mauvais temps avait fait passer plusieurs régions en alerte rouge, mais que le pire va se dérouler plus loin au Sud de ma position. Je suis sur les marges de la tempête, et si je me dirige vers la zone la plus touchée je n'y passerai qu'après sa dissipation.

Au refuge de Ramsjøhytta où je me trouve, la pluie doit commencer tôt dans la matinée et c'est effectivement elle qui me réveille vers 5h. Ma résolution est de descendre d'ici vers une route de terre qui ne se trouve qu'à 4 km, rallier le fond de vallée civilisé, et suivre l'asphalte jusqu'à Stugudalen. La vallée peut si besoin offrir des opportunités de se mettre à l'abri, à commencer par la bourgade de Ås à un peu plus de 20 km.

La pluie qui tambourine sur la toiture m'incite à me lever pour voir ce qu'il en est, mais elle n'a pas l'air trop sévère : de la même manière que sur une toile de tente, le claquement des gouttes fait paraitre les précipitations plus impressionnantes qu'elles ne le sont en réalité ... Bien réveillé, je prends le temps d'un bon petit-déjeuner près de la fenêtre, histoire de suivre la tournure des évènements. Est-ce que je ne ferai pas mieux de rester ici pour laisser passer le coup de tabac ? Je n'ai pas de réseau pour actualiser mes prévisions (il faudrait pour cela que je sorte et remonte sur une éminence derrière le refuge).

J'ai des colocataires qui dorment et m'efforce de rester silencieux, tandis que je grignote mes tortillas à la pâte chocolat-noisette (l'imitation locale du Nutella s'appelle ici Nugatti), et sirote mes chocolats chauds.

J'en ai cependant vite assez d'attendre, sachant de toute manière que le temps ne va pas s'améliorer, en tout cas certainement pas aujourd'hui. Je me résous à réempaqueter, à m'équiper pour affronter la pluie, et à 6h45 je suis dehors sur le perron prêt au départ.

le programme à Røros, ma direction pour demain ...
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l'attente ...
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quand faut y aller, faut y aller ...
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La pluie n'est effectivement pas trop méchante, mais c'est la température qui a chuté avec seulement ~8°C. Avec les 3 couches merinos + polaire + veste de pluie, le bonnet et la jupe de pluie, je resterai confortable tant que je pourrai rester sec. Evidemment mes chaussures n'ont pas séché de la veille, donc aucun temps mort n'est accordé à mes pieds pour recommencer à patauger ...

J'ai un très bon sentier pour redescendre légèrement dans la large vallée, avec de multiples aménagements pour les sections potentiellement boueuses. Sous la pluie il faut toutefois prendre garde aux planches qui peuvent être glissantes, et sur lesquelles je vais à plusieurs reprises manquer de déraper, rattrapant heureusement mon équilibre à chaque fois.

Sombre atmosphère au départ de Ramjsøhytta
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chemin de pluie ...
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Malgré les planches ici et là pour éviter la boue, je ne peux que marcher dans les flaques d'une part, me frotter aux buissons et arbustes qui me déversent leur eau froide d'autre part. Je ne suis pas mécontent d'arriver au bout d'une heure au torrent, dont je ne sais dire si ses eaux rapides sont déjà sensiblement gonflées par la pluie. Je ne doute pas que d'ici quelques heures et avec ce qui est prévu, la vieille passerelle en cours de réfection paraitra bien fragile ... (certaines de ses planches sont défoncées, et une pile de bois neuf est prête à proximité pour poursuivre les travaux de remise en état).

la passerelle sera-t-elle encore là dans quelques heures ?
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Quelques minutes après j'atteins la route de gravier où quelques voitures sont garées, peut-être celles d'autres pensionnaires de Ramsjøhytta. J'ai maintenant plus de 15km à marcher sur cette route jusqu'au village de Ås, que je veux faire d'une seule traite. Il sera temps là-bas de me trouver une place au chaud et au sec pour déjeuner (je sais qu'il s'y trouve au moins une supérette).

Au moins je peux marcher vite sans trop me préoccuper de mon orientation, avec juste de rares bifurcations où prendre garde. Cela m'épargne de batailler avec un écran sous un étui mouillé ... J'alterne la vue fermée des forêts avec celles ouvertes des tourbières, et parfois les montagnes alentours quand la pluie n'est pas trop sévère.

Rien ne m'incite à traîner en chemin, pas même un auvent avec table de pique-nique sous lequel j'aurai pu m'abriter quelques instants. Entre la pluie et la condensation, l'eau fait son chemin dans mes couches de protection, et au bout de 3 heures de ce régime je suis passé en mode inconfortable sous l'averse froide. Je maintiens le rythme pour ne pas me refroidir plus, ne perdant que lentement de l'altitude dans cette longue vallée plate. Je n'ai que au mieux que 11°C quand je passe sur les bords d'un grand lac, où un van aménagé séjourne ... Beaucoup de vacances norvégiennes seront remises en cause aujourd'hui !

forêts et tourbières alternent dans le paysage
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par un autre temps, c'eut été bucolique ...
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À 10h30 je débouche de la forêt sur les hauteurs agricoles de Ås. Il pleut toujours autant, et je ne trouve pas là les températures plus douces que j'espérais, car il ne fait toujours que 10°C. Je descends entre les fermes et résidences individuelles jusqu'au bord de la route, que je commence à suivre en direction de Stugudalen, mais je ne veux pas aller plus loin sans avoir fait halte dans un lieu chaud et sec.

La providence veille sur moi, et aussitôt s'offre à moi une enseigne café - musée - souvenirs - salon de thé (tout ça à la fois !). La gérante me voit arriver et m'ouvre la porte pour que je m'abrite, quelques instants avant son heure d'ouverture normale qui n'est qu'à 11h. Je vais me poser près du chauffage, ainsi que me changer partiellement pour ne pas rester dans mes affaires mouillées. Je décide de faire là une unique grosse pause pour la journée, avant la longue et pénible section d'asphalte qui m'attend sous la pluie jusqu'à Stugudalen.

arrivée au-dessus d'Ås
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vite, au chaud et au sec !
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Je retourne plusieurs fois au comptoir renouveler ma commande de capuccino ou chocolat chaud, accompagnée des succulentes pâtisseries locales, et mets à jour mes informations météo peu engageantes. Je suis longtemps le seul client et la gérante vient discuter avec moi, et fait bien car elle me permet de comprendre que, si la chose était possible, l'alerte météo est beaucoup plus grave que ce que j'en lis déjà depuis Meteoblue : le trafic ferroviaire est interrompu,  les informations sur les routes coupées se multiplient, et le Sud du pays se met peu à peu à l'arrêt ... Surtout, le plus gros des précipitations n'est annoncé ici qu'à partir du début de l'après-midi et pour toute la nuit : n'en jetez plus !

Je suis ici au sec et à l'abri, et il n'est plus question de me lancer sur les 20 km qui me restent jusqu'à Stugudalen. Il s'agit maintenant de déterminer comment je peux passer au mieux un repos forcé (et pas malvenu), en attendant la suite. La gérante revient me proposer d'appeler un gîte voisin pour m'y trouver une place, mais je n'ai pas perdu de temps et par booking.com je me suis déjà trouvé une place dans ce que je crois être un hôtel, mais s'avèrera être un B&B, peut-être bien le même établissement qu'elle se proposait d'appeler ...

J'ai 2 km à faire pour m'y rendre, et donc guère de temps à perdre si la pluie doit bientôt se renforcer. Je retourne sur le bord de route et bien entendu sous la pluie, heureusement le long d'une piste cyclable qui limite un temps ma proximité aux véhicules de passage. Je m'offre le luxe d'un détour parce qu'au GPS j'ai mal positionné ma destination, que j'aurai pu atteindre plus vite si j'avais pris la bonne bifurcation. Ce n'est pas bien grave car la pluie n'a pas encore forci quand j'arrive à la pension de Kirkvollen, tenue par un couple surpris par ma réservation de dernière minute ... Ils venaient d'enregistrer l'annulation de 3 pensionnaires devant arriver ce soir de Stugudalen : nous sommes ici sur l'une des branches du Pilgrimsveg / Chemin de St Olav menant à Trondheim.

Chaleureusement accueilli, je dispose de tout le bâtiment pour moi seul : le confort est royal !

tout ça pour moi seul (image du lendemain)
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les chaussettes d'intérieur sont fournies : j'ai pu choisir mes couleurs dans un large assortiment !
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J'ai bien assez de provisions pour 2 jours pleins et ne me préoccupe pas d'un ravitaillement à la supérette (ce qui me ferait un A/R de 4 km !). Je ne bouge pas de mon confortable intérieur, passant l'après-midi sur une large banquette du séjour, une couverture sur les genoux ... Depuis ce midi, je reçois à intervalle régulier des SMS d'alerte. Sans allumer la TV, il me suffit de balayer quelques sites d'actualité sur mon téléphone pour comprendre que le pays est à l'arrêt.

La pluie tombe maintenant effectivement fortement, et j'en viens à me demander si la grosse rivière aperçue en arrivant n'est pas un peu trop proche ... Je suis à l'étage, donc pas trop de risque pour moi ?

La famille quittée samedi à Bellingstua a dormi à Lillehammer la nuit dernière, et fait la route aujourd'hui jusqu'aux environs d'Oslo dans des conditions ... chahutées ! Un peu partout des engins s'affairaient à faire dégorger les drainages bouchés le long des routes, les rivières en contrebas arrachaient leurs berges, et parfois le ballast de la voie ferrée ... Elles apprendront bientôt l'annulation de leur ferry du lendemain soir, et n'embarqueront que mercredi soir à la reprise du service ...

L'ami Lorenzo, qui est sur la route dans son van aménagé et devait arriver par ferry en Norvège aujourd'hui, s'est détourné par la route et la Suède et remonte droit au Nord pour éviter le mauvais temps. Nous faisions des plans pour nous retrouver vers Røros dans 1 ou 2 jours, mais ils sont désormais à l'eau !

Sur Instagram, les marcheurs du Norge På Langs remontant vers le Cap Nord partagent des sensations incroyables : dans l'Arctique, c'est grand soleil et 30°C eek ! Moi qui pensais aller vers l'été en descendant vers le Sud ...

Les SMS d'alerte tombent à intervalles réguliers
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je ne suis (heureusement pour moi) qu'aux marges de la carte des risques de la tempête
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Je commence à ausculter les cartes pour construire des plans B en cascade, mais ça attendra l'épisode suivant !

à suivre ...

Javah a écrit :

#695511Petite nuit et petite journée!  lol

ASM a écrit :

#695520Petite journée 30km - Grosse journée 60km.
C'est vraiment impressionnant, ça me donne le vertige ...

C'est l'alternance requise pour une moyenne quotidienne de 45 km cool


Vidéo #47

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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
l'ultralighter più estremo di sempre

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#407 13-12-2023 17:52:05

foxof
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Rooooh, je venais de me préparer mon chocolat chaud pour suivre tranquillement tes galères sous la tempête, et voilà que je vois que tu te retrouves avec autant de confort que moi! (Moi, sadique?)

lol  lol  lol


"Une fois là-haut, il n'y a plus qu'à continuer"

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#408 15-12-2023 15:57:53

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#48 mardi 8 août 2023
Kirkevollen - Reitan
43km +768 -652 9h19 (+pauses 1h58)
Cumul 1882km D+38900m Marche 468h
Vidéo #48

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Je ne me suis délibérément pas pressé ce matin, d'abord pour profiter du confort de mon B&B d'une part, ensuite pour laisser à la météo le temps de s'améliorer d'autre part. En effet, après le déluge d'hier et les images impressionnantes qui me parviennent sur mon téléphone, il est urgent de ne pas se presser. Les prévisions me disent désormais qu'ici le gros de la pluie s'est achevé ce matin, et que même s'il pleut encore aujourd'hui plus au Sud cela se dégagera au fur et à mesure que j'en approcherai. Signe de l'atmosphère très agitée après le passage de Hans, Meteoblue annonce une forte remontée des températures en milieu de matinée, avec 22°C annoncés ici. Il faut maintenant surtout que je laisse un maximum de temps pour que l'eau s'évacue de la montagne avant d'envisager y retourner, et donc autant profiter ce matin de la bonne table du petit-déjeuner de mes hôtes, dressée rien que pour moi.

Monsieur se sent obligé de rester près de moi pour me faire la conversation pendant que je déjeune : si ça me permet de socialiser un peu, cela limite la quantité de calories que je peux ingurgiter en un temps limité tout en parlant  lol !

à table !
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Mon plan est désormais de suivre le Pilgrimsveg jusqu'à Stugudalen (à ~20km), et là où le chemin pourrait s'avérer impraticable la route dans la même direction ne sera jamais trop loin. Après Stugudalen, il faudra dans l'après-midi que je choisisse entre revenir dans la montagne ou, bien plus probablement, emprunter les routes jusqu'à Røros, ma destination pour demain après-midi.

Je quitte ma pension à 9h30, rassasié, douché et habillé de propre. Le temps est brumeux et modérément frais, avec 13°C, évidemment saturé d'humidité. Le torrent non loin rugit, mais n'a pas quitté son lit. J'identifie vite le marquage que je dois suivre ce matin, par un bon chemin agricole le long du torrent. Il est bien drainé et pas du tout boueux, et les ruisseaux ce matin bien gonflés qui le coupent sont canalisés pour passer par-dessous. Bref, je marche à pieds secs tout en visitant la campagne norvégienne plutôt que que de patauger dans la montagne, et ne m'en porte pas plus mal !

La maison de mes hôtes (je vous ai montré le gîte voisin dans le récit d'hier)
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Pilgrimsveg
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je ne peux pas comparer avec son niveau normal, mais le torrent est bien gonflé
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De nombreux panneaux d'information agrémentent le chemin, mais ils sont ici exclusivement en norvégien, je me contente donc des images.
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Au moins, pas de question existentielle à se poser
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La route n'est pas très loin et je peux entendre le passage des voitures, et de temps à autre je croise quelques cabines parmi les marécages, petits lacs et pins clairsemés. À un moment mon regard est attiré par un mouvement dans la forêt, où un majestueux renne blanc se faufile sans hâte entre les arbres et vient à ma rencontre, bientôt suivi de deux autres à la robe plus sombre. D'habitude je ne vois les rennes que de loin, mais ici si proches des habitations ils sont très peu farouches. Un instant je crois qu'il va venir me solliciter d'une caresse ou d'un quignon de pain, mais non, il part à l'opposé suivi de ses deux disciples ...

Une apparition
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La piste franchit le torrent sur un petit barrage, où un compteur affiche le débit. Les eaux s'écoulent puissamment, noyant les troncs des arbres en bordure du cours d'eau.

4,67 m3/s
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le temps reste chargé
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Le marquage m'invite à quitter la piste pour emprunter le sentier plus près des bords de la rivière, mais il est bien inondé. Je reste sur la piste tant que je peux, mais je finis par ne plus avoir le choix : adieu pieds secs, voilà que je marche dans la rivière qui déborde avec de l'eau jusqu'aux mollets, et un moment même jusqu'aux genoux ! Je ne m'engage que parce que je sais pouvoir retrouver une route de terre à la sortie de la forêt à quelques centaines de mètres, mais une fois revenu dans ce secteur plus agricole, même cette route carrossable est dans l'eau. Au moins l'eau est limpide et je vois et où je mets les pieds.

le ciel s'est vidé dans l'eau, ou l'inverse
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d'un côté la route, de l'autre la rivière
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La brume s'est levée et un rayon de soleil perce. Cette amélioration était prévue, et un point cartographique me dit que je peux tenter ici de pimenter mon itinéraire, ainsi que le raccourcir sans plus avoir à passer par Stugudalen : mon ravitaillement peut attendre demain, et si je peux m'épargner un peu de route c'est le moment ou jamais ... Seulement voilà, il s'agit de couper par la montagne via un col à presque 1100m d'altitude, pour y rattraper mon itinéraire prévisionnel d'origine et redescendre de là dans la vallée voisine . Je peux espérer bénéficier d'une bonne piste sur la première moitié de l'ascension, et en retrouver une autre peu après le col. J'ai tout de même au moins 10 km de sentiers incertains à franchir : j'ignore quel peut être leur état après toute cette eau ...

Je suis joueur, et voilà que je passe du plan B au plan C et que je bifurque !

Bleu : prévisionnel  / Vert : comment je veux d'abord reconnecter  / Rouge : ce que je fais au final
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le soleil perce
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et voilà que je m'élève ...
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La piste est excellente et j'y croise même un 4x4 qui redescend de la montagne : il y a là-haut un grand lac bordé de quelques cabines, et j'imagine que la villégiature doit y être bien agréable. La montée est franche mais j'avance vite, et je peux prendre la vue derrière moi quand la forêt se fait moins haute et moins dense. En même temps que je m'élève la température grimpe en flèche : alors que j'avais 13°C en quittant le bord de rivière dans la vallée, un vent chaud s'est levé et je passe à 19°C en seulement 1/4 h ... Je dois traverser une grosse ondée juste avant d'atteindre le lac, où le vent souffle fort : les eaux débordent sur la piste et viennent y déposer feuilles et branchages arrachés par les pluies de la nuit. Je me retrouve trempé sous la pluie et dans l'effort, mais comme c'est une pluie chaude je n'ai pas froid. La pluie cesse quand je finis de contourner le lac, là où la piste finit et que je dois trouver mon sentier.

rives incertaines du lac de Grønsjøen
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Je n'ai plus de marquage à suivre, juste un maigre sentier que mentionne la carte. Le départ est dans le fond d'un vallon, dans les hautes herbes et sous les bouleaux, et c'est évidemment une pataugeoire. Bien que sur le sentier j'ai de l'eau jusqu'aux mollets, avant de pouvoir m'élever dans la pente au-dessus du torrent et de retrouver un sol bien drainé.

Ensuite c'est une longue remontée dans une vallée très évasée qui se dénude au fur et à mesure que je prends de l'altitude, et mis à part les ondées passagères et un peu de vent que j'ai dans le dos, c'est avec plaisir que je retrouve ici un peu de montagne. Je n'ai pas toujours de sentier sous les pieds, et je progresse essentiellement à l'azimut sur la végétation rase. J'ai un peu d'appréhension à l'égard de 2 torrents transversaux que m'annonce la carte : le premier se révèle bien plus petit que mes craintes et je le passe d'une seule enjambée dans un resserrement. Le second s'annonce en revanche par une grosse cascade, mais en m'en approchant je découvre heureusement qu'il s'étale ensuite dans un lit d'une vingtaine de mètres de large. Bien sûr j'y remets les pieds à l'eau, mais à part la crainte d'une glissade vexante c'est sans danger.

Le torrent principal, qu'heureusement je n'ai pas à franchir
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je ne vois d'abord que la cascade, mais ouf, ça passe !
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Au bout de la longue vallée, j'atteins la crête vers 15h où une nouvelle ondée me rattrape, plus fraîche que les précédentes. J'ai retrouvé mon itinéraire prévisionnel quitté hier matin, et bientôt j'arrive au petit lac de Kjølitjønna bordé d'une cabane DNT à l'ancienne. Le cadenas est en place et j'ai donc les lieux pour moi : je décide d'y faire une longue pause, qui sera de fait la seule de la journée. Je m'installe confortablement sur une banquette et sous une couverture, et grignote mes provisions en m'accompagnant de boissons chaudes, avant de somnoler un instant ...

Je me réveille brutalement en entendant grincer la cabane, et la pluie battre sur la toiture et les fenêtres. Je jette un oeil par le carreau, et voit le lac s'agiter en tout sens dans les bourrasques, arrachant vagues et écume ! Je me pelotonne dans ma couverture pour attendre que ça passe ...

sur la crête, retour à mon itinéraire
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refuge de Kjølihytta
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au chaud et surtout, au sec ...
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Dehors, le coup de tabac
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La bourrasque finit par se calmer, et j'attends passé 17h pour me remettre en chemin. Histoire de parer à toute éventualité pour ce soir, je me fournis à l'épicerie libre-service de la cabane, avec un paquet de Wasa et une dosette de chocolat en poudre. J'ai ainsi mes calories additionnelles pour ce soir et demain matin, et envisager plus sereinement mon ravitaillement demain à Røros. Mon idée première était de bivouaquer, ce que je n'ai plus fait depuis 1 semaine, mais le coup de torchon de tout-à-l'heure m'a refroidi. Si je m'en tiens à mon itinéraire retrouvé, après la vallée où je dois descendre il me faut remonter dans la montagne en face, et je la vois bien prise dans les averses ... Ce qui finit de me convaincre, c'est qu'en consultant la carte j'ai pu voir qu'une bonne partie de l'itinéraire là-haut est hors-sentier, et cela fait un cumul de difficultés que je n'ai plus envie d'affronter à cette heure. Si je n'y remonte pas dès ce soir, alors autant suivre la piste en fond de vallée, laquelle rejoint ensuite la route pour Røros. La décision est donc prise, je vise désormais un long retour sur l'asphalte jusqu'à cette prochaine ville.

Après quelques centaines de mètres de chemin, c'est une ancienne piste minière qui descend vers la vallée, et il me suffit de m'y laisser descendre. Une autre cabane, a priori en libre accès et gratuite, se trouve près d'un autre lac mais je poursuis sans prendre la peine de visiter.

Certains marquages doivent attendre qu'il fasse beau pour être apposés ...
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En un peu plus d'une heure je suis sur la large route de terre en fond de vallée, où de temps en temps passe une voiture. Il y a là de l'habitat très dispersé, et comme je n'ai plus à m'inquiéter de là où je pose les pieds je peux laisser mon regard divaguer. Quelques moutons, le torrent bien rempli en contrebas, quelques averses d'une pluie fine ...

L'environnement ne semble pas se prêter à un bivouac, même si je prospecte : ce qui est plat et non marécageux est quand même détrempé par les pluies, et les terrains d'herbe sont visiblement privés aux abords des habitations, et e toute façon rester proche de la route ne m'intéresse pas trop.

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Je forme le plan de marcher le plus longtemps possible, avec en ligne de mire la petite gare de Reitan : peut-être est-il possible de squatter sa salle d'attente, profiter de ses toilettes et éventuellement d'une prise électrique (encore une journée perdue pour le panneau solaire ...). J'aligne donc les kilomètres, jusqu'à ce qu'à 21h je passe les voies et me rends à la minuscule gare. Chance, elle est bien ouverte et je peux discrètement m'installer ... Je ne verrai personne, mais il y a un logement occupé à l'étage (j'entends la TV et les pas des occupants) et je m'efforce d'être silencieux. Aucun train ne passe, et pour cause : les voies plus au Sud sont coupées et il faudra plus d'une semaine avant que le trafic ne reprenne !

L'éclairage de la pièce est déclenché par un détecteur de mouvement, et c'est ainsi que j'ajoute un usage supplémentaire à mon buff multi-fonctions : couvrir le capteur pour pouvoir dormir dans le noir !

Gare de Reitan, mon toit pour cette nuit !
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à suivre ...

@foxof : là où il ya des pieds il y a un chemin, on finit toujours par avancer !


Vidéo #48

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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

Trombi, Récits & Liste(s)
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#409 18-12-2023 14:31:21

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#49 mercredi 9 août 2023
Reitan - Narjordet
58km +912 -767 12h13 (+pauses 1h44)
Cumul 1940km D+39900m Marche 481h



Vidéo #49

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Le buff par-dessus le détecteur de mouvement a été efficace pour m'éviter l'allumage intempestif de la lumière dans la petite salle d'attente de la gare de Reitan. Aucun train n'est passé pour me réveiller, et pour cause : les dégâts plus au Sud sur les voies du fait de la tempête ont interrompu le trafic depuis maintenant 2 jours. Comme je n'ai pas envie de déclencher une alarme incendie avec mon réchaud à alcool, je fais mon café à l'eau chaude du robinet des toilettes ...

Le vent a soufflé dans la nuit et encore un peu ce matin. Dehors la température est un peu fraîche avec 11°C, et sous le ciel toujours couvert l'été semble déjà sur le point de perdre prise face aux coups de boutoir de l'automne ...

Je libère les lieux à 6h30, avec aujourd'hui un programme largement en fond de vallée et bord de route en direction de la ville de Røros. Dans cette partie de ma traversée il était incontournable d'avoir à emprunter l'asphalte sur des distances substantielles : l'activation du "plan B météo" ne fait que m'y amener un peu plus tôt et plus longtemps que l'itinéraire plus varié que j'avais tracé sur carte. Mon expérience d'hier après-midi m'a montré que, si les chemins de montagne sont encore bien détrempés, ils restent praticables : c'est la météo très instable qui m'incite à rester en vallée. Il y a évidemment là moins de charme, mais je peux y avancer très vite et conserver mon énergie pour plus tard. J'ai désormais quelques journées de transition par les vallées "urbanisées" d'ici au Parc National de Rondane, durant lesquelles j'essayerai de faire au mieux pour bonifier ma trajectoire ... et passer si possible entre les gouttes !

En passant exclusivement par la route je vais probablement arriver à Røros relativement tôt pour le ravitaillement que je compte y faire : je laisserai les circonstances guider mes choix une fois sur place.

bleu : itinéraire prévisionnel
rouge : itinéraire effectif pour aujourd'hui

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ce matin c'est la signalisation routière qui me guide
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Depuis la gare la route qui dessert le hameau descend encore jusqu'au torrent, qu'elle enjambe par un pont métallique. L'eau y coule là encore avec force, et je peux m'interroger sur le temps qu'il faudra avant que la montagne ne soit drainée des eaux de la tempête. Par chance je peux éviter de rejoindre immédiatement la route nationale 30, et attraper ici une route de graviers reliant entre elles quelques fermes : autant de désolant bitume en moins. Elle ondule à flanc de montagne, tantôt en forêt, tantôt dans les champs. Les voitures y sont d'autant plus rares que mon horaire est matinal, je peux en profiter pour laisser traîner mon regard et capter les détails, comme par exemple les boîtes aux lettres particulièrement soignées et élaborées ... Plus loin c'est un renne que je surprends dans un jardin, lequel s'enfuit nonchalamment par la route devant moi.

des eaux toujours furieuses et chargées en tanins
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la campagne norvégienne à l'heure des foins
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arts décoratifs
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la fuite .. ahhh, va, renne !
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Ce n'est qu'au 8ème kilomètre que je me retrouve sur la nationale et le long de la voie ferrée. Comme partout, le bas côté est étroit et n'a pas été prévu pour accommoder les marcheurs, il faut compter sur la bienveillance des automobilistes norvégiens pour ralentir et/ou faire un écart. Le moins cela durera et le mieux je m'en porterai : je ne prévois pas de faire de pause avant de passer par la petite ville de Glåmos (au 21ème km). Sur la voie ferrée passe un convoi d'entretien et de réparation : je n'y verrai rien d'autre ...

Un groupe d'une vingtaine de rennes broute en bord de route : ils s'éparpillent à mon approche, les uns dans les prés mais d'autres sur la chaussée. La circulation n'est pas intense, mais bientôt arrive un camion qui doit ralentir pour laisser aux animaux le temps de libérer le passage, et en un rien de temps un petit embouteillage s'est formé ...

Il y a des hameaux dans la vallée, et parfois quelques maisons ou cabines non loin de la route : il m'arrive de croiser quelques personnes qui traversent ou promènent leur chien, mais en général rien de plus qu'un bonjour.

rennes en pagaille
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Ancienne chaussée et pont à l'ancienne
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passé les bornes, y'a plus de limites
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Le vent souffle toujours, peut-être un peu moins désagréable ici qu'il ne le serait sur les hauteurs. Après une dizaine de kilomètres de régime bitumé, j'ai enfin l'option d'emprunter des chemins de campagne pour atteindre Glåmos, et le changement est bienvenu pour le confort des jambes, du regard et des oreilles, ces dernières pouvant un moment s'affranchir des bruits de moteur et de roulement ...

Quelques fermes, un quartier plus résidentiel et me voilà à Glåmos, où l'on a du mal à distinguer la "ville" des prés, forêts et lacs qui l'entourent. Les rives sont inondées, les lacs n'arrivant pas à évacuer assez vite les masses d'eau bouillonnantes qui leur arrivent par les rivières qui se rejoignent ici. Le vent souffle assez fort et ride la surface des étangs, et je suis maintenant en quête d'un lieu suffisamment confortable pour accueillir ma pause. Ce sera finalement la supérette que bientôt je trouve : à la mode norvégienne il y a à l'intérieur quelques tables près d'une cafetière où je peux m'installer bien à l'abri des rafales désagréables.

Tant qu'à faire ici ma pause, j'y anticipe également mon ravitaillement. D'ici 2 jours tout au plus je passerai encore dans une ville de fond de vallée, je peux donc oublier un peu les choix rationnels guidés par le rapport poids / calories, et m'abandonner aux fantaisies alimentaires. Mes appareils rechargent à une prise électrique pendant que je déjeune : le soleil a décidé de se montrer en même temps que ma pause, mais le 220 V sera plus efficace que le panneau solaire...

la campagne ...
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débordements ...
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Glåmos : la gare et, bientôt, une supérette
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Je repars à 11h45, par une route bien moins fréquentée que la nationale qui court sur l'autre rive et que je ne rejoindrai que plus tard. Je n'y vois en général qu'un véhicule toutes les 2 ou 3 minutes, rendant le périple un peu moins stressant.

Je n'évoque qu'en quelques mots la douzaine de kilomètres que je fais jusqu'à Røros sur un pas rapide, la première moitié sur ma route secondaire plus tranquille, la seconde de retour sur la nationale 30. Le bitume et la pause unique depuis le matin aidant, j'ai déjà 33 km au compteur quand j'arrive à 14h00 à Røros, ma première véritable ville depuis mon passage à Mo I Rana il y a (déjà !) 3 semaines ...

la rivière furieuse (la Glomma) en quittant Glåmos
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défilé de bornes
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mélange de concepts sportifs
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Depuis les hauteurs résidentielles avant de descendre en centre-ville, je peux apercevoir que de lourdes ondées parcourent la montagne. Il va m'être ici nécessaire de me poser, et bien définir les options à ma disposition.

Røros a fait de son histoire minière une richesse touristique : la vieille ville de maisons traditionnelles en bois est serrée près des anciennes installations d'extractions, lesquelles forment aujourd'hui un immense musée. Les lieux drainent une importante et cosmopolite fréquentation, laquelle m'est un peu étrange après mes longues semaines d'itinérance. Je déambule au long des rues piétonnes, avec d'abord l'idée d'aller me restaurer dans un établissement quelconque. Cette envie de m'attabler me passe en même temps que je prospecte, car en réalité je ne souhaite que de pouvoir m'asseoir quelques instants en un lieu abrité du vent, lequel souffle toujours encore un peu. Finalement j'avise un banc près d'une sculpture en bronze grandeur nature d'un renne, où les enfants s'amusent à grimper et se faire prendre en photo par leurs parents ... pendant que moi je grignote mes chips en arrière-plan !

Je consulte mes cartes et la météo : il semble que le soleil doive percer dans l'après-midi, et que la pluie ne revienne pas avant la seconde moitié de journée demain. Si je veux retourner un peu dans la montagne c'est donc maintenant le moment puisque je suis désormais de retour sur mon itinéraire. Gavé d'asphalte aujourd'hui j'aurai pu trouver un hébergement ici et faire un peu plus de tourisme, mais l'envie de la montagne est trop forte !

quelques vues glanées dans Røros, de la vieille ville ouvrière au patrimoine minier
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Je n'ai fait ici qu'1/2 heure de pause assise (en plus du temps de déambulation dans la vieille ville), et à 15h je m'éloigne déjà de la ville en traversant les zones commerciales. Bientôt je peux repartir à l'ascension, avec une petite route qui s'élève vers un restaurant d'altitude, et que je quitte ensuite pour un bon sentier au milieu des bouleaux. Je peux de nouveau faire travailler les muscles et tendons anesthésiés par les longues heures au long des routes depuis hier, et je peux dire que ça fait du bien ! L'énergie me revient, et avec l'altitude qui m'arrache au couvert forestier je retrouve de la vue. Le vent a faibli et le soleil a percé, je retrouve enfin le compagnonnage de mon ombre depuis si longtemps disparue ! Sans soleil je ne suis que l'ombre de moi-même : maintenant qu'elle est revenue, je me sens moins seul !

Je suis content de retrouver le sentier, mais les effets de Hans sont toujours bien là : l'eau ruisselle en abondance, et c'est par le chemin qu'elle circule le mieux. Quand le sentier ne s'est pas transformé en ruisseau, il faut y marcher à même les flaques. Mes chaussures oublient vite le séchage des bords de route ...

C'est quand j'arrive dans les hauteurs que je passe le seuil des 1900 km ... Chaque pas me porte à un nouveau record de distance dans mon catalogue personnel de traversées, et à partir de demain j'y ajouterai le record de durée en égalant mes 50 jours à travers les Alpes d'il y a 2 ans. J'ai l'impression d'arriver, même s'il me reste 900 km ...

Même s'il y a déjà quelque temps que je les vois, les lichens blancs deviennent maintenant omniprésent dans le tapis végétal. Quand il me faut couper à travers eux pour rattraper un peu de sentier, je découvre aussi leur capacité à faire perdre toute accroche à la semelle de mes chaussures : il faut alors prendre garde à la glissade ... Sous le soleil revenu, conformément aux prévisions, le moral remonte en flèche !

1900 !
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là ou il y a de l'eau, il y a un chemin, et inversement ...
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les lichens blancs envahissent mon paysage
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Les moments sur cette belle crête arrondie et ensoleillée sont bien agréables. Je dois passer un petit col sous les 1100 m avant de passer sur l'autre versant, et à son approche mes vues vont s'enjoliver d'un bel arc-en-ciel, fort esthétique mais hélas annonciateur de l'arrivée d'une série d'ondées. Une petite pluie commence quand je passe le col, et de là m'accompagne dans toute la zone où j'évolue au-dessus des 1000 m d'altitude. La pluie est bien froide et la température chute à seulement 7°C, au point que mes doigts s'engourdissent et que j'ai du mal à serrer mon bâton, et plus encore à faire usage de ma petite caméra pour imager ce plateau froid et désolé ... Je peste un peu contre la météo qui ne m'avait pas annoncé cette ligne d'averses : c'était bien la peine que je prenne le temps de l'actualiser pour en consulter le détail quand j'étais à Røros ...

À la limite d'être inconfortable en cette fin de journée où la fatigue commence à compter, j'aurai pu décider de faire halte à un petit abri rustique et a priori ouvert au bord d'un petit lac. A encore 1000m d'altitude et après une journée de 50km c'eut sans doute été ne belle villégiature (à condition d'être effectivement librement accessible, ce que je n'ai pas vérifié), mais j'ai ce soir envie du plein confort d'un abri DNT, que je peux aller trouver à 2 heures de marche plus loin sur l'itinéraire et le fond de la vallée.

L'arc en ciel est joli, mais il devance les ondées qui m'arrivent
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après les averses, et quand j'arrive à suffisamment dégourdir mes doigts pour imager
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bientôt la vallée
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Quand le chemin commence à descendre, en moins d'1/4 h je passe d'une toundra désolée à des prés verdoyants bordés par la forêt de bouleaux. Il ne fait pas particulièrement chaud, peut-être 8 ou 9°C, mais le vent a disparu et le soleil est revenu : je peux me réchauffer et sécher un peu ... Je pouvais viser d'aller attraper directement la petite route qui dessert les hameaux en fond de vallée, mais je préfère m'en tenir au marquage du sentier à travers la forêt. Je le regrette vite, car c'est une pataugeoire, où le sentier consiste parfois en un profond sillon où je marche dans l'eau jusqu'aux mollets ...

sans transition, mais bientôt je patauge
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si j'avais voulu de la rusticité, cette autre cabane dans les bois était accessible
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Un concert d'aboiements m'accueille quand je longe les hauteurs d'un chenil pour chiens d'attelage, et à la première opportunité je prends ce qui me semble être une sente transversale pour couper et rallier la route. J'y fais quelques centaines de mètres pour rattraper le marquage, cette fois sur une petite route qui dessert les fermes et hameaux au long de la rivière. Le soleil rasant passe sous les nuages, apportant un vif éclairage sur la campagne verdoyante et les façades colorées des bâtiments.

Depuis Røros des panneaux de bois neufs m'orientent vers le refuge DNT de Narjordet : celui-ci est installé dans un hameau au milieu des corps de ferme, au point qu'on hésite un peu à s'engager pour l'y trouver, de crainte d'arriver chez l'habitant. Je trouve cette vieille bâtisse de bois encore cadenassée, le refuge ce soir est pour moi seul (arrivé à 20h30, il est peu probable que quiconque m'y rejoigne ...). Cette bâtisse a été intégralement refaite de l'intérieur pour y héberger un refuge DNT, mais avec le souci de lui conserver tout son cachet de rusticité à l'ancienne. Tout est en bois brut et s'il y a bien le gaz pour la cuisine, il n'y a pas d'électricité : on s'éclaire à la bougie et ... je suis refait pour recharger mes appareils ! Heureusement pour moi, les occupants de la bâtisse voisine (et peut-être propriétaires ou gardiens du refuge ?) se sont montrés un instant dans la cour, et je sors leur demander s'il m'est possible d'abuser d'une prise électrique extérieure sur leur façade, ce à quoi ils accèdent avec le sourire, ouf !

hameau de Narjordet
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le refuge au milieu du hameau
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à la bougie
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la restauration a préservé les vieilles portes peintes
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Après les belles lumières du couchant les ondées reprennent : je dois aller veiller à ce que mes appareils branchés en extérieur ne prennent pas l'eau, mais tout ira bien de ce côté.

Par Instagram j'ai des nouvelles d'Ewa, qui a bien galéré dans la montagne avec la tempête. Elle est à Stugudalen, et quand elle voit dans mon post du jour que j'ai passé la nuit précédente dans une petite gare, elle veut savoir laquelle car cela pourrait lui être utile, et c'est effectivement là qu'elle ira s'abriter demain soir ...


à suivre ...




Vidéo #49

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#410 18-12-2023 15:00:15

bernard_lyon
Μηδὲν ἄγαν
Lieu : Lyon
Inscription : 16-12-2015

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#695710la fuite .. ahhh, va, renne !

Royal !  big_smile  pouce


Mon trombi | Liste | HRP Banyuls-Alos d'Isil | GR738
"Le soleil n'est jamais si beau qu'un jour où l'on se met en route." (Jean Giono, "Que ma joie demeure")
Modification non explicitée : orthographe ou syntaxe

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#411 18-12-2023 19:03:00

Archimboldi
Membre
Lieu : Ch'nord
Inscription : 12-03-2012

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

J’avais quelques semaines de retard, je viens de tout rattraper.
Merci encore pour prendre le temps de faire ce récit Hervé. calin


Pour avoir vécu en Norvège des épisodes météorologiques qui me semblaient engagés, mais dans lesquels les locaux et les transports en commun évoluaient sans aucune difficulté, j’imagine a quel point ça a du barder pour que des alertes soient déclenchées.
Et je pense que les épisodes suivants vont nous montrer les conséquences de la tempête. eek

J’avoue ne pratiquement jamais regarder les vidéos. Le récit écrit et quelques photos sufisent à faire travailler mon imagination, et je ne m’oriente vers les vidéos que si je prévois un jour de me rendre au même endroit, à la même saison. Et ton récit me confirme que ce parcours n’est pas pour moi.

J’attends tout de même avec impatience de pouvoir lire la suite et la fin, le compte à rebours est enclenché !  big_smile


"Life is full of wonders for someone who is prepared to accept them." Moominpappa

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#412 18-12-2023 19:56:20

Yapluka
Membre
Inscription : 23-05-2023

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Dans la vidéo précédente, l'apparition du renne blanc est magique.  On dirait un film Disney de Noël.

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#413 19-12-2023 19:08:33

laxmimittal
Membre
Inscription : 23-10-2016

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

a y est moi itou j'ai rattrapé xxx semaines.

on te poursuit plus qu'on te suit, car tu avale de telles distances que j'ai toujours l'impression de cavaler derrière toi.

courage !.

L.


La touche Majuscule de mon ordinateur fonctionne mal.

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#414 20-12-2023 14:06:57

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#50 jeudi 10 août 2023
Narjordet - Tynset
55km +315 -524 11h04 (+pauses 2h03)
Cumul 1995km D+40200m Marche 492h
Vidéo #50

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Dans la vie il y a le plan, et derrière il y a le monde réel. Basé sur les cartes, la météo et ce que j'ai pu voir de l'état des chemins de (petite) montagne après la tempête, j'ai jugé que depuis Røros hier il m'était possible de reprendre mon itinéraire prévisionnel. La météo me dit qu'il doit faire raisonnablement beau ce matin, pour un retour de la pluie cet après-midi : je veux donc chercher à avancer le plus possible en début de journée, afin de pouvoir aviser en cours de route ... Je me réveille donc tôt au refuge DNT de Narjordet, mais un œil à la fenêtre me montre qu'il pleut toujours, ainsi qu'il en a été toute la nuit sans discontinuer. Je me renfonce sous la couette, mais le temps reste obstinément bouché ...

Qui plus est la pluie est froide, la température dehors n'atteint pas 9°C. L'envie d'aller voir ce qu'il en est sur les plateaux à 1000m d'altitude est inexistante, et je retourne sur mon petit écran de téléphone pour ausculter les alternatives cartographiques. Le verdict est simple : suivre les fonds de vallée ! Il semble exister quelques bonnes possibilités d'éviter les routes principales par des pistes forestières ou routes secondaires, au moins jusqu'à la petite ville de Tolga à ~33 km. Les itinéraires sauvages commencent un peu à me manquer, mais la motivation pour la pluie froide dans la montagne me manque : je préfère réserver mon énergie pour des jours meilleurs.

Deux points positifs cependant à cette nouvelle journée d'itinéraire bis :
- les agglomérations et les commerces m'assurent le ravitaillement et les prises électriques (ce n'est pas encore aujourd'hui que le panneau solaire va tourner)
- je vais marcher vite sur un tracé plus court, et donc gagner du temps sur l'arrivée (mes calculs sont toujours ric-rac pour ma date limite au 31 août)

réveil sous la pluie mais sous un toit
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le plan (bleu) et la réalité (rouge)
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Ma décision prise en même temps que le petit-déjeuner s'achève, je passe un coup de balai dans le refuge que je quitte à 7h15. Le plafond est bas sous la petite pluie et les hauteurs sont invisibles, et je commence par retracer mes pas de la veille jusqu'à la route. Je passe devant ce qui était peut-être un autre refuge, mais ne prends pas le temps d'aller y regarder de plus près. Celui était peut-être tenu par le Statskog et gratuit, mais hier je disposais d'informations confuses quant à son existence et localisation. Je préfère ne pas aller vérifier si j'ai payé un hébergement dont j'aurais pu faire l'économie ...

en quittant Narjordet : ancien point de collecte du lait
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Cimetière boisé autour d'une chapelle
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la campagne norvégienne, gorgée d'eau
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La pluie s'étiole, le plafond nuageux remonte et dévoile le haut des collines, et je me demande déjà si j'ai bien fait d'opter pour le détour ...

Je marche 2 km sur le bord de route, et à hauteur du chenil qui m'avait accueilli hier soir dans un tonnerre d'aboiements, ce matin les chiens m'ignorent car je passe cette fois hors de leur vue. Ici commence une piste forestière, qui s'avère d'abord être un très agréable et paisible chemin de desserte des cabines disséminées dans la forêt et près des nombreux étangs au long de la rivière Nøra.

L'itinéraire évolue en parcours de découverte, agrémenté de quelques panneaux d'informations sur la faune, la flore, la géologie, l'occupation humaine et les métiers de la Norvège rurale. Quelques cabines traditionnelles peuvent abriter le randonneur, certaines cependant à l'abandon, d'autres payantes et pensées plutôt pour les pêcheurs ... Je marche ici longtemps et facilement, profitant de la détente mentale et physique d'un bon chemin sans mauvaises surprises. Hormis une dame sur le perron de sa cabane qui me retourne mon salut de la main, je ne croise personne. Les sons de cette promenade en forêt se limitent à mes pas, ma respiration, quelques chants d'oiseaux et le ruissellement de la pluie (revenue !) à travers les feuillages ou sur la surface des étangs ... Pour un détour qui aurait pu n'être qu'un long bord de route, c'est un bon début !

au long des étangs qui débordent
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Bonnes et moins bonnes cabines
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10 km après le départ je quitte les étangs et descends plus rapidement dans la vallée de la Glåma, en aval de Røros (j'aurai pu être ici dès hier soir si je n'étais passé par la montagne ...). À la sortie de la forêt je traverse une ferme à l'ancienne magnifiquement rénovée, avec toujours un peu le doute d'enfreindre sur une propriété privée ... mais les norvégiens ont une approche infiniment plus ouverte que la nôtre en la matière. Ici, on circule très librement, dans le respect des autres. De toute façon, le seul pont pour passer le torrent, encore furieux des eaux de la tempête et par où se vident tous les étangs que j'ai longé, est juste ici, donc pas vraiment le choix ...

la descente s'amorce
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Toujours sous la pluie, j'attrape la route jusqu'à la petite ville de Os, où je me dis qu'il serait bon de m'octroyer une pause. Hélas pour moi il est trop tôt pour un café-restaurant de bord de route. Je passe avec regret devant ses tables vides et sa porte fermée ... En "centre-ville" (la bourgade n'est pas grosse), il y a bien une aire récréative avec des bancs abrités, mais je n'ai pas envie d'être à la vue de tout le monde et juge la route toute proche trop bruyante. J'hésite aussi à aller chercher la supérette, où il y a toujours un lieu dédié pour s'asseoir et consommer, mais mon sac est toujours plein des courses de la veille. Je décide de remettre ma pause à plus tard et plus loin, quand je pourrai combiner plus de calme et de solitude, avec un quelconque spot abrité ...

sous les montagnes que je n'ai pas voulu traverser
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J'ai repéré qu'après Os il me faut suivre une route de terre entre forêt et voie ferrée, et je compte sur l'apparition d'un quelconque abri pour enfin m'offrir un peu de repos. Rien de satisfaisant au premier abord, jusqu'à ce que je me dise que les passages sous les voies pourraient n'être pas de si mauvais emplacements ... Le premier que je trouve est cependant inondé, et je dois aller jusqu'au suivant.

ceci est une route carrossable navigable sous une voie ferrée
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ici je serai au sec
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Pendant que le café chauffe les nuages se déchirent et le soleil s'installe : vite j'installe mon panneau solaire pour glaner quelques % de charge ... Il était supposé faire beau ce matin et j'ai marché sous une pluie régulière ... Il devait pleuvoir cet après-midi, et voilà le soleil ... Allez faire des plans avec ça !

Je repars à 11h45, toujours sur ma route de terre le long de la voie ferrée. La monotonie de la marche sur le plat, la digestion et, admettons-le, un rien de fatigue, se conjuguent pour que la somnolence me gagne tout en marchant ... Rien ne se prête à ce que je m'installe quelque part pour une sieste, et je continue de marcher jusqu'à passer près d'une minuscule gare, sûrement parmi les plus petites du pays ! Il y a là une table de pique-nique, et une pause y eût été parfaite s'il n'y avait à proximité de bruyants travaux sur la voie ... Aucun train en effet ne passe, le trafic est toujours interrompu, pour le 4ème jour consécutif ... L'envie d'un peu de sommeil m'a également passé, et je poursuis.

Ceci est bien une gare
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Si je n'étais pas totalement réveillé, le chemin change de nature quand, après une ferme, ce n'est plus qu'une piste forestière qui remonte dans une forte pente au fond d'un thalweg dans la forêt. Le dénivelé me fait retravailler quelques muscles laissés au repos depuis hier, et j'arrive sur un plateau féérique, par ailleurs réserve naturelle.

Je suis dans une forêt de pins, où le sous-bois consiste en un tapis de lichens blancs, bruyères violettes et plans de myrtilles verts. Les lumières pastels sous un soleil qui joue à cache-cache créent un environnement un peu irréel,  en tout cas pour moi qui ne fait que découvrir la Norvège. Les lichens blancs / crémeux feraient croire le paysage noyé par une intense bataille de mousse à raser ...

féérique
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forêt miniature
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et toujours les bolets massifs
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S'il était plus tard j'installerais volontiers ici mon bivouac, d'autant que je ne croise rigoureusement personne. Hélas le bel enchaînement de chemins s'achève, et à 14h30 je suis de retour sur la route avant d'arriver au village de Tolga. Là je me dirige vers la gare, afin d'y profiter de la salle d'attente, des toilettes et d'une prise électrique. Je me tiens un temps sur un banc à l'extérieur, le temps de m'aérer proprement les pieds : c'eut été olfactivement moins sympathique en intérieur ... Un agent des chemins de fer prend la peine de me rappeler qu'il est vain d'attendre qu'un train ne passe, et d'ailleurs des annonces précisent qu'aucun service de bus alternatif n'est encore pour l'heure mis à disposition, car les routes elles aussi sont encore coupées plus au Sud ...

autoportrait en gare de Tolga
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J'en repars à 16h, avec déjà 33 km au compteur et des plans incertains. La ville suivante de Tynset est encore à 22 km et ça fait beaucoup, même si je n'ai plus que du bord de route d'ici là. Il y a ici une route de chaque côté de la vallée, mais j'évite soigneusement le versant de la route nationale pour prendre celui d'une route secondaire 10 fois moins fréquentée. Avec les bonnes surprises de mon itinéraire de délestage depuis ce matin, je suis confiant dans la possibilité de me trouver un bivouac discret quelque part dans la vallée, depuis tout ce temps où je n'ai pas pu ou voulu monter l'abri !

Le soleil se fait chaud sur l'asphalte, et après une journée à changer sans arrêt de configuration face à la pluie intermittente, je marche pour une fois en T-shirt ... Et dire que c'était cet après-midi qu'il devait pleuvoir !

chaud soleil
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la pluie s'enfuit au Sud
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Je me fixe l'objectif d'avoir marché au moins 45 km avant de poser l'abri, ce qui m'amènerait vers 18h30, heure pour une fois très raisonnable. Les plans vont cependant être gâchés quand, vers 18h, une lourde cellule orageuse déboule derrière moi et, bientôt, me rattrape. La pluie recommence, cette fois bien drue ...

Même si j'ai eu le temps de renfiler ma configuration pluie, l'eau fait son chemin, qu'elle me vienne du ciel ou de la condensation de ma propre transpiration dans l'effort. L'inconfort gagne et je n'ai plus aucune envie d'un bivouac sous la tente : je veux à nouveau un abri en dur, au sec et au chaud, alors qu'il me reste 12 km à marcher jusqu'à Tynset ! Il y avait certainement d'autres possibilités, mais sous la pluie battante il m'était difficile d'accéder à d'autres informations que celles déjà pré-enregistrées dans mon téléphone : le camping de Tynset et une place en dortoir ou bungalow est la meilleure solution pour satisfaire mon envie soudaine de confort. Tant bien que mal sur l'écran mouillé, j'arrive à accéder à leur site et m'y inscrire pour ce soir ... Précaution utile, car il va m'être difficile d'y être d'ici 20h, heure de fermeture théorique de la réception (je ne suis pas trop inquiet, il y a toujours des solutions offertes pour les arrivées tardives) ...

Je paye donc ce soir pour tous les petits bonheurs de la première moitié de journée : en bord de route sous l'averse, je maintiens une cadence de marche élevée pour ne pas arriver trop tard d'une part, ne pas me laisser me refroidir d'autre part ... Au passage des voitures je dois prendre garde aux projections massives d'eau depuis les larges flaques, et dois pour cela en partie faire confiance à la délicatesse des conducteurs norvégiens ... Tout ira bien de ce côté !

Comme à chaque fois que l'impatience d'arriver me gagne, l'espace-temps se dilate et les distances semblent ne jamais se réduire aussi vite qu'espéré. Je passe ainsi au total presque 2 heures de marche rapide sous la pluie soutenue, vérifiant mon écran à intervalle régulier pour actualiser la projection de mon heure d'arrivée potentielle. Que les minutes sont longues quand il faut les compter !

Aïe !
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Conditions propices à la dilatation de l'espace-temps
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Des premières maisons au centre-ville et au camping, il me faut encore 1/2 heure, et c'est à 20h15 que j'arrive enfin à sa hauteur, juste quand je vois une dame sortir de la réception et la fermer à clé, avant de monter dans sa voiture et partir ... Il y a heureusement une sonnette pour les arrivées hors horaires d'ouverture, et c'est le patron qui arrive et vient m'ouvrir (il tient aussi le bar-restaurant attenant, et n'est donc jamais très loin).

Ma réservation de tout-à-l'heure était bien enregistrée, car j'avais un doute en raison d'un site un peu confus et de l'absence d'e-mail de confirmation. J'ai d'ailleurs très bien fait, car à cette heure l'établissement est complet : j'ai pris le dernier bungalow disponible et les dortoirs sont complets. Sans ça, au mieux je plantais la tente entre 2 campings-cars sur le terrain détrempé ...

Mon bungalow offre 4 couchages, une table et des plaques électriques, mais aucune vaisselle ou ustensile ... Je peux au moins activer le chauffage électrique pour chauffer la pièce et sécher mes affaires, après être allé prendre une douche à l'autre extrémité du camping ... Je n'ai pas l'énergie d'aller voir en ville où je pourrais me restaurer, et me lâche sur mes provisions en sacrifiant mon Real Turmat : la journée fut en effet méritante ...

Je suis à Tynset avec une journée d'avance sur ce que j'envisageais par l'itinéraire de montagne, et il sera temps demain matin de procéder au ravitaillement qui était prévu ici. Le camping est en effet coincé entre la rivière et la zone commerciale, entouré de pas moins de 3 supermarchés !

mon bungalow à Tynset
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plaques électriques à l'alcool
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je m'étale
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Demain devrait être l'ultime étape de liaison avant de renouer avec la montagne : j'espère être alors aux portes du Parc National de Rondane. Tout l'itinéraire que j'avais bricolé sur carte pour me transférer sans trop d'asphalte de la sortie du Trøndelag jusqu'au retour dans la montagne est littéralement tombé à l'eau. L'accumulation des itinéraires bis dans le mauvais temps me fait regretter les si belles journées estivales de l'Arctique ... N'étais-je pas supposé aller vers le Sud retrouver l'été ?


à suivre ...


Yapluka a écrit :

#695737Dans la vidéo précédente, l'apparition du renne blanc est magique.  On dirait un film Disney de Noël.

J'aurai dû filmer mes yeux ébahis, je suis sûr que ça devait pétiller là-dedans wink !

Archimboldi a écrit :

#695734J’avais quelques semaines de retard, je viens de tout rattraper.

laxmimittal a écrit :

#695777a y est moi itou j'ai rattrapé xxx semaines.
on te poursuit plus qu'on te suit, car tu avale de telles distances que j'ai toujours l'impression de cavaler derrière toi.

Créflûte, faut que j'accélère lol !


Archimboldi a écrit :

#695734Et je pense que les épisodes suivants vont nous montrer les conséquences de la tempête. eek

Comme j'arrondis par le Nord et l'Ouest la zone la plus touchée, ma perception va se limiter aux marges des plus gros dégâts : rivières gonflées, sentiers ruisselants, un peu de ravinement sur certaines pistes ... La plus grosse conséquence c'est que le passage à l'automne s'est fait précocement : je n'en ai pas fini avec la pluie et les détours ...

Archimboldi a écrit :

#695734Et ton récit me confirme que ce parcours n’est pas pour moi.

Intéressant cet avis. Pourquoi ?


Vidéo #50

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#415 20-12-2023 19:11:46

brons07
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Inscription : 27-06-2015

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Bonjour,
toujours plaisant à suivre, un peu humide quand même lol

les cèpes tu les manges?

ça améliore les soupes et bien frais ça ne demande pas beaucoup de cuisson.

Allez, la suite, on tient le rythme...

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#416 21-12-2023 10:36:33

foxof
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Lieu : Grenoble
Inscription : 15-05-2022

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Coucou Hervé!

Merci pour ce récit, je continue de le suivre assidument, courage pour la suite!

Quelques points qui m'ont plu ou amusé

La météo que tu décris s'apparente beaucoup à celle que je subissais en Bretagne. Il arrivait de temps en temps qu'en prévoyant de la pluie, je me retrouvais sous des éclaircies et vice versa. J'imagine qu'il est plus difficile pour les modèles de prévisions de travailler sur un climat océanique, avec des variations importantes et soudaines...
Le climat du sud de la Norvège est il plus océanique que celui du nord? (qui serait plus continental quant à lui peut-être?)

Je me reconnais dans la dilatation de l'espace temps que tu décris, et je pense qu'on est nombreux à avoir connu ça, lorsque l'objectif est simplement d'arriver au plus vite. smile

Félicitations aussi d'avoir garder la pêche malgré les chemins nettement moins montagneux que prévu. Souvent, des journées hors des montagnes à travers des paysages plus habituels (champs, fermes, petites villes...) me lassent rapidement...

Vivement la suite! smile smile


"Une fois là-haut, il n'y a plus qu'à continuer"

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#417 21-12-2023 11:11:30

Hervé27
éMULe
Lieu : Normandie
Inscription : 01-11-2017
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

brons07 a écrit :

#695811les cèpes tu les manges?
ça améliore les soupes et bien frais ça ne demande pas beaucoup de cuisson.

Juste une seule fois (et ils étaient diablement bons !), je n'ai pas le courage de cuisiner en rando ...


foxof a écrit :

#695811Le climat du sud de la Norvège est il plus océanique que celui du nord? (qui serait plus continental quant à lui peut-être?)

C'est totalement océanique du Nord au Sud, baigné et réchauffé par le Gulf Stream (je ne te l'apprends pas ...). En revanche les locaux m'ont souvent dit que la météo était souvent à l'opposé entre le Nord et le Sud, l'un chaud si l'autre est froid, l'autre humide si l'un est sec ... Question sans doute de positionnement des anticyclones, rarement assez grands ou bien centrés pour couvrir l'immense longueur du pays : il y a ainsi plus facilement une moitié du pays sous l'anticyclone, l'autre dans la dépression de passage ... Pendant Hans et sa suite de perturbations pluvieuses au Sud , les marcheurs vers le Nord avaient 30°C sous un soleil de plomb ...

Ceci étant dit, dans le Finnmark on sent très nettement la différence océanique / continentale entre la proximité des côtes (toute la péninsule qui mène au Cap Nord) et l'intérieur (région de Kautokeino).


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#418 21-12-2023 14:10:37

Archimboldi
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Lieu : Ch'nord
Inscription : 12-03-2012

Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hervé27 a écrit :

#695799

Archimboldi a écrit :

#695734Et ton récit me confirme que ce parcours n’est pas pour moi.

Intéressant cet avis. Pourquoi ?

Je ne suis pas certain que ce soit très intéressant. smile

Dans ces coins très humides, la présence d'abris en dur est très très appréciable, et s'en passer totalement est difficile.
J'adore les cabanes, l'ambiance, l'imaginaire auquel elles renvoient ... et j'avoue que les cabanes norvégiennes, mieux équipées et meublées que chez moi, avec des canapés, des tapis, des matelas et de la literie, c'est très éloigné de l'image que je me fais d'une "cabane".

De plus, la plupart sont payantes, et tout est tellement réglementé, codifié que l'on a parfois l'impression que juste avoir jeté un oeil à l'intérieur est suffisant pour devoir s'acquitter d'une obole. Dans certains endroits, non seulement la cabane principale est cadenassée, mais également les toilettes sèches à l'extérieur. Je trouve ça très désagréable. Et un peu contre-productif : si on met des toilettes sèches, c'est qu'on ne souhaite pas que les randonneurs se soulagent n'importe où. Mais si l'on ne paye pas, on doit donc se soulager n'importe où ? devil

C'est sans doute ma finnophilie qui me pousse à conclure que le problème de ce parcours norvégien, c'est qu'il ne passe pas assez en Finlande.  big_smile


La question de l'abri est centrale là-haut, et je note que tu utilises de plus en plus les abris en dur, te calant sur les locaux ayant tendance à se déplacer de cabane en cabane. J'avais la même tendance, et réussis peu à peu à m'en libérer en emmenant une tente plus spacieuse , confortable, facile et rapide à monter (Hilleberg Unna pour ne pas la nommer) qu'un tarp ultra-léger.
Si tu avais eu un autre abri que le Pioulou, est-ce que tu penses que tu aurais bivouaqué plus souvent ?  smile

Dernière modification par Archimboldi (21-12-2023 15:09:47)


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#419 21-12-2023 20:45:37

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

@Archimboldi

Effectivement je comprends mieux, et d'ailleurs je te rejoins sur les cabines DNT : elles seraient plus simples qu'on ne s'en porterait pas plus mal ... Après, avec la liberté de bivouac on n'est jamais totalement obligé d'en faire usage, et il y a quand même quelques cabines plus rustiques et gratuites (c'est très variable selon les régions et associations / organismes impliqués). Mais c'est vrai aussi que dans certains secteurs bien marécageux / chaotiques / broussailleux je n'apercevais absolument aucun spot de bivouac, ou alors très dégradés et pas motivants ...

Mon usage de plus en plus fréquent des cabines au fur et à mesure de la traversée a tenu à plusieurs facteurs :
- la météo parfois décourageante, et le réconfort du luxe d'un abri en dur pour garder le moral (et sécher les affaires ...)
- le choix de la facilité avec la fatigue, la récompense d'une cabine servant de motivation aux longues heures de marche des grosses étapes
- la course aux prises électriques, avec un panneau solaire devenu inopérant dans la longue période pluvieuse et la grosse consommation GPS sur les hors sentiers
- un besoin croissant de me resocialiser, et un effet de mimétisme avec les autres marcheurs

J'avais dès le départ envisagé que sur cette traversée je ferai plus souvent usage des refuges que dans les Alpes ou les Pyrénées : je pensais passer d'un ratio bivouac/refuge de ~80/20 à 60/40, et j'ai plutôt fini à 40/60, donc une minorité de bivouacs ... Un autre abri moins minimaliste m'aurait peut-être fait changer d'avis à la marge sur quelques nuits, mais n'aurait pas changé la tendance pour toutes les raisons précitées. Je pense que mes grosses journées étaient aussi responsables, ne voulant jamais m'arrêter trop tôt et laissant ainsi passer certains spots qui auraient été sympas sous la tente ...

À quelqu'un qui voudrait s'y lancer, je lui dirai de tabler sur un minimum d'une nuit en dur sur trois, quelle que soit la qualité de la tente. Dans 80% des cas ces nuits en dur seront payantes ...


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#420 22-12-2023 14:49:24

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#51 vendredi 11 août 2023
Tynset - Måsådalen
49km +836 -457 10h16 (+pauses 1h34)
Cumul 2044km D+41000m Marche 502h
Vidéo #51

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J'arrive à la mi-août et l'été m'échappe inexorablement comme le sable entre mes doigts : voici le 5ème jour depuis le passage de Hans, et si la pluie violente a été concentrée sur les premières heures de la tempête, derrière elle passe une longue suite de perturbations. En allant au Sud je ne descends pas vers l'été, mais je m'enfonce dans l'automne ...

J'ai encore une dernière section aujourd'hui à zigzaguer entre les grandes vallées pour rallier la montagne, et arriver au plus près du parc national de Rondane, et enchaîner après cela avec Jotunheimen, Hardangervidda et ... l'arrivée ! Ma grosse journée d'hier m'a conforté pour tenir l'objectif du 31 août, et je commence même à envisager de pouvoir gratter quelques jours. La météo chagrine ne m'incite pas à m'attarder, il est temps d'en finir !

Avant toutes choses ce matin je dois procéder au ravitaillement : sauf à me détourner je ne croise pas aujourd'hui d'autres commerces sur cette dernière étape de transition, et avec 110 km estimés jusqu'à la prochaine supérette identifiée je dois ravitailler pour 3 jours. Les 3 supermarchés qui encadrent le camping ouvrent dès 7h, et je peux donc reconstituer mes stocks sans me mettre particulièrement en retard. Le temps est toujours bouché et les températures un peu fraîches, même si je ne peux plus les mesurer car la pile de mon thermomètre s'est déchargée prématurément à force d'exposition à l'eau ... Même si je cherche dans les rayons, ce sont des piles trop particulières pour espérer en trouver dans un commerce généraliste : tant pis, je me passerai désormais de mesure de la température !

Mon aller-retour au supermarché une fois conclu, je peux reconditionner mon sac, rendre ma clé et reprendre la route juste après 8h30. Je suis ici sur mon itinéraire tel que je l'avais prévu, faute d'avoir trouvé de beaux sentiers de montagne qui me permettent de mieux gérer la transition, sans tout à la fois rallonger le parcours et court-circuiter les villes de ravitaillement. Évidemment je n'avais pas anticipé que je serais météorologiquement contraint de fortement rallonger cette transition par les vallées et les bords de route ... Allez, courage, c'est bientôt fini et la montagne est au bout de la journée !

J'ai eu des voisins qui sont arrivés bruyamment hier soir ...
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Je retraverse le petit centre-ville puis m'en éloigne au long de la piste cyclable qui borde la route tant qu'il y a encore des habitations. Le long de la zone artisanale, un agneau me hèle depuis l'autre côté de la clôture d'un entrepôt : il a dû se faufiler là par quelque trou dans le grillage et ne retrouve plus la sortie, et visiblement réclame mon assistance ... J'estime cependant que c'est encore là qu'il est le mieux gardé en attendant que son propriétaire ne le récupère, et je m'abstiens d'essayer de l'aider à s'enfuir sur la route ... (De toute façon je suis piètre cuisinier et je n'ai pas sur moi de recette d'agneau aux cèpes).

sortez-moi de là !
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je trolle les boîtes aux lettres
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Après 40mn je peux quitter l'asphalte et bifurquer sur la route forestière qui passe un peu plus dans la hauteur et s'éloigne de la route et des zones agricoles. J'y retrouve la forêt et les tapis de lichens blancs, et me dis qu'il y avait là bien des opportunités de bivouac. Ma tranquillité sur ce chemin n'est troublée qu'une seule fois, quand passe un tracteur avec sa remorque. Je remonte un temps au-dessus de 600m d'altitude (c'est peu, hein ?), puis redescends dans la vallée de la Glåma après cette agréable alternative à l'asphalte. Je suis pour ce faire un balisage que je suppose être celui d'un biathlon, en raison d'un petit stand de tir près duquel passe l'itinéraire. Dans le fond de vallée je traverse une vaste aire de stockage du bois de coupe, avec sa vieille desserte ferroviaire (je suppose que les camions font aujourd'hui tout le boulot).

Une montagne isolée au pied de laquelle je passe enfonce son sommet dans le plafond nuageux, le mont Tron qui s'élève à 1665m et qui me servira de repère une grande partie de la journée. Un petit bord de route pour pouvoir attraper et traverser le pont sur la Glåma, et d'une certaine manière me voilà symboliquement passé "à l'Ouest" du Sud de la Norvège.

piste forestière et première vue sur les pentes du mont Tron
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je passe à l'Ouest
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la Glåma aux eaux puissantes, et toujours les pentes du Tron
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Encore (!) 2km d'une petite route au long des fermes, et je bifurque sur une route de terre à hauteur du village de Strømmen. Là je trouve une petite aire de loisirs passablement à l'abandon, mais la mise à disposition d'une table de pique-nique m'y fait de l'œil. C'est aussi le moment où un beau soleil perce les nuages, et je vais finalement faire là une pause très agréable ... Il y a aussi ici un petit abri ouvert, mais chose rare en Norvège l'intérieur est vandalisé et souillé : dommage pour les marcheurs ou cyclo-randonneurs ...

aperçu d'une vallée agricole de Norvège
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lieu de pause
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Je me relance à 12h30 sous un franc soleil (ça fait du bien !), et pour une fois le panneau solaire tourne à plein régime. La charge de mon téléphone remonte vite, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas eu un soleil d'été !

Je marche le long d'une jolie route de terre qui s'élève dans le massif, dont il faut savoir qu'il s'agit d'une route à péage ! J'ai ainsi rencontré beaucoup de ces routes (privées ?), dont l'utilisation est soumise au versement d'une obole. Je ne me préoccupe heureusement pas de savoir si c'est aussi payant pour les piétons, et je fais mon plus beau sourire à la caméra qui est là pour lire les plaques des véhicules qui l'empruntent. Quelques rares voitures et motos passent par là, mais essentiellement je marche dans une belle forêt tranquille (et de fait cesse de charger par mon panneau solaire).

Enfin du soleil, et toujours le mont Tron maintenant derrière moi pour servir de repère
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étonnante route à péage (pour un français !)
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J'avais l'option d'emprunter un sentier plutôt que la piste pour traverser la montagne, qui plus est par les crêtes qui auraient pu m'offrir de jolies vues. C'est encore un regret à ce jour, mais j'opte pour rester sur la piste et contourner la montagne. Si j'ai en effet un bon soleil au moment de faire ce choix, la pluie est annoncée me revenir bientôt, et je mets toute mon énergie à être ce soir au plus près du Parc de Rondane. Je suis maintenant sur une plus petite route, finalement très agréable alors que le temps se couvre à nouveau, jusqu'à atteindre un joli lac dans les hauteurs toujours boisées.

Il y a là quelques hangars à bateaux qui peuvent servir d'abri, et même un petit quai où une barque est proposée à la location en libre-service. J'aurai bien fait là une nouvelle pause, mais c'est le moment où la petite pluie annoncée arrive. J'attends un instant aux abords d'une cabane près de laquelle rôdent quelques moutons, me demandant si la pluie va forcir et si je n'aurai pas intérêt à me mettre au sec en attendant qu'elle passe, mais elle reste très légère et je préfère l'affronter en marchant.

si la pluie ne m'avait pas rattrapé, je me posais là
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La piste passe ensuite à flanc de montagne, toujours dans la forêt mais avec maintenant des vues vers de plus en plus de montagnes. Rien de très spectaculaire après les merveilles du Nord, mais après des jours de basses altitudes et de vues bouchées, je peux enfin envisager de reprendre de la hauteur. La petite pluie a cessé et c'est là, au long d'un chemin quelconque, au point où je me tiens qui en vaudrait un autre, que je m'organise une petite cérémonie selfique pour célébrer le passage des 2000 km ... Le hasard veut ainsi les choses, seulement 30 m plus loin je trouve une roulotte et une confortable pente herbeuse au soleil, lieu idéal de pause dans ma vie de bohême ...

le retour de la vue
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2000 km de barbe ! Spoiler : je me suis totalement planté ce jour là dans mes totaux, ayant dépassé les 2000km bien plus tôt ce matin peu après la sortie de Tynset ... Il s'en faut de 20km ...
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Roulotte de bûcheron (cadenassée). Par la fenêtre je peux voir un lit, un poêle et quelques affaires
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Je retrouve bientôt un chemin balisé qui descend à même la pente vers le fond de la vallée suivante, m'évitant les larges virages que la route forestière doit faire pour arriver au même point. J'arrive ainsi à Plassen, petite agglomération très dispersée à mi-chemin entre la vie agricole et une villégiature de montagne. Je traverse la rivière encore bien remplie, dont les eaux ont visiblement léché les abords du camping, qui a très certainement dû être évacué au moment de la crue ...

Camping de Plassen : l'eau n'est pas passée loin !
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J'ai maintenant une très longue vallée à remonter (30 km ?), laquelle va me ramener lentement vers les 1000m d'altitude, avant que je n'ai demain un choix à faire entre le passage d'un col à 1500m ou le contournement de la montagne. Tout dépendra de la météo, et je veux ce soir être le plus près possible de l'endroit où il me faudra faire ce choix d'itinéraire, comptant sur de bonnes prévisions pour demain matin. Un dernier petit morceau d'asphalte pour m'extraire de Plassen, et je renoue avec de la piste. J'espérais passer à du sentier, mais tous les chemins que j'emprunte se révèlent carrossables et bien plus larges que ce qua ma carte laissait supposer. J'y perds en charme ce que je gagne en efficacité, et les kilomètres défilent vite ...

L'environnement se fait de plus en plus sauvage, dans une forêt continue de pins poussant sur les épais dépôts glaciaires, parfois entaillés par des petites carrières de sable le long de la route. Le tapis de mousse blanche est toujours omniprésent, et seules se font entendre les clochettes des moutons dispersés dans la vallée.

Je ne peux m'empêcher de penser à la main blanche de Saroumane, mais celle-ci est rouge ...
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les mousses blanches s'épaississent
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Je m'enfonce dans la vallée, l'heure avance et les kilomètres s'accumulent, en même temps que le ciel se dégage une nouvelle fois. Les lumières du soir sont vraiment belles dans cet environnement. Je suis bien résolu cette fois à bivouaquer, et veux pour cela me retrouver le plus haut possible, affranchi des arbres et avec la vue sur les montagnes.

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À 19h je change de versant en descendant traverser le torrent, croisant un tracteur qui traîne derrière lui un attirail de chaînes pour damer la route de terre et de sable après le ravinement des eaux de Hans. La piste sur l'autre versant est un peu plus fréquentée, il passera une poignée de voitures. Il y a là-haut des cabines de villégiatures, ainsi que plusieurs gîtes ... À cette heure et après un plein d'eau dans un petit torrent, j'entre désormais en mode de prospection de mon bivouac, mais les choses s'avèrent plus difficiles que je ne l'envisageais en raison de la portion plus abrupte que je traverse.

Je croise une nouvelle roulotte "de bûcheron" (la 3ème ou 4ème de la journée), celle-ci ouverte et au petit intérieur impeccable. J'avoue hésiter quelques instants à en faire usage, mais malgré toutes les apparences en ce sens je ne suis pas certain qu'elle soit ainsi librement ouverte au public en bord de route ... et je me dis que ce soir j'ai surtout envie de planter à nouveau la tente, depuis 8 jours que je n'ai plus campé ! Un peu plus loin c'est une table de pique-nique, toujours proche du bord de route mais avec peu d'espace pour installer l'abri, et de toute façon déjà à l'ombre alors que j'aimerais avoir les lumières du couchant.

Me voilà donc à pousser, pousser, arrivant là où le fond de vallée s'ouvre et s'aplanit. À plusieurs reprises je quitte la route pour explorer là une petite colline, ici un éperon, mais à chaque fois je découvre que la mousse blanche gorgée d'eau cache un sol irrégulier de caillasse ...

un cabanon impeccable : j'ai été à 2 doigts d'y perdre mes bonnes résolutions
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le soir arrive, je veux de la vue et le soleil couchant pour bivouaquer
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sous la mousse la caillasse, je ne peux rien planter ...
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Finalement je trouve un emplacement sous la forme d'un espace creusé dans le sable en contrebas de la route. Des pierres au sol indiquent que d'autres ont déjà fait usage des lieux pour y planter leur abri, et consolider leurs piquets dans le sol sableux. Je regarde un peu inquiet les petites flaques, me demandant si en cas de pluie je ne vais pas me retrouver à patauger ... Il semble que je bénéficie d'une légère surélévation, et que l'eau éventuelle devrait pouvoir s'écouler par ailleurs. Dans ce creux je suis en plus abrité du vent du soir qui descend de la montagne, et je n'en demande finalement pas plus. La route n'est qu'à 10 m et il passera encore une voiture ce soir, dont les occupants me feront un petit salut de la main ...

1er piquage du Pioulou depuis 8 jours !
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J'ai vaincu la malédiction, je bivouaque enfin à nouveau !


à suivre ...


Vidéo #51

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#421 23-12-2023 16:23:56

Matt81
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Hello,
pour une fois, je suis à jour pour les vidéos, mais je n'ai pas lu  big_smile
c'est vrai que la séquence vidéo du renne albinos est très chouette  smile
Finalement, mise à part un itinéraire plus adapté (moins sauvage), Hans ne t'a pas trop coûté en retard d'avancée.

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#422 23-12-2023 19:59:37

Hervé27
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Matt81 a écrit :

#695937Hello,
pour une fois, je suis à jour pour les vidéos, mais je n'ai pas lu  big_smile
c'est vrai que la séquence vidéo du renne albinos est très chouette  smile
Finalement, mise à part un itinéraire plus adapté (moins sauvage), Hans ne t'a pas trop coûté en retard d'avancée.

Bravo pour les vidéos, il y faut du courage pouce

Mes plans B ont plutôt raccourci l’itinéraire, les routes / pistes m’ont permis de marcher vite, et comme j’étais pressé d’en finir j’ai fait de grosses journées. Au final j’ai bien gratté 2 jours sur l’arrivée avec ma gestion de la phase « tempête »


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#423 24-12-2023 15:51:04

Hervé27
éMULe
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

#52 samedi 12 août 2023
Måsådalen - Bjørnhollia
40km +873 -782 9h17 (+pauses 1h30)
Cumul 2083km D+41900m Marche 511h
Vidéo #52

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Pour une fois que je renoue avec le bivouac, la nuit aura été humide et pluvieuse. Si les flaques près desquelles j'ai campé se sont un peu élargies, la poignée de centimètres en surélévation de mon emplacement auront cependant suffi à me protéger de toute intrusion d'eau. Quand je jette un œil dehors, je vois partir vers l'Est la sombre masse qui m'a arrosé de la dernière averse en date, tandis qu'à l'Ouest j'ai le spectacle magique de la brume qui déborde de la montagne double de Storsølnkletten (1827m), soufflée par un vent bien établi.

Je dispose d'une météo qui me propose du beau temps pour ce matin, mais ce n'est pas ce que j'ai sous les yeux. Le massif devant moi enchâssé dans les brumes est tout ce qui me sépare de l'arrivée dans le Parc National de Rondane, et je n'ai pas tranché sur la manière de le franchir. Le tracé direct tel que je l'ai prévu me fait passer par un col à 1600m, altitude qui ferait sourire si je n'étais en Norvège. Dans mon nouveau référentiel bâti depuis le Cap Nord, c'est un himalaya ... Mon plus haut passage jusqu'à présent a été à 1200m, dans une ambiance proche d'un 3000m alpin. Comprenez que j'ai des réticences à vouloir m'y lancer si ce doit être dans la brume, le vent et le froid ...

Bien efficace à remballer la tente mouillée, je reprends la piste à 6h20, avec encore une courte distance devant moi pour faire un choix d'itinéraire. Le temps est plutôt dégagé et venté dans la vallée de Måsådalen où je me trouve encore, mais les masses de brume restent bien accrochées en travers de mon itinéraire ...

au réveil, le spectacle hypnotique du chaudron de brumes débordant sur la montagne de Storsølnkletten
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les pluies de la nuit s'enfuient au-delà de la vallée de Måsådalen
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Mon choix est fait après 2 km sur la piste, quand je passe à hauteur du gîte / refuge de Follandsvangen (non DNT). La brume ne donne toujours aucun signe de vouloir se lever sur le massif en face, et ici j'ai le marquage DNT par les sentiers pour commencer à le contourner via le refuge de Breisjøseter. Si la météo reste défavorable après ce point, une piste permet de rallier facilement la grande vallée au pied du Rondane. Si au contraire elle s'améliore, un sentier coupe par la montagne via un col à 1500 m. En procédant ainsi je me donne plus de temps pour voir comment la météo évolue, sans encore m'engager inconsidérément trop en altitude dans un potentiel mauvais temps.

La direction fléchée vers Breisjøseter doit me faire passer au pied du Storsølnkletten, sur lequel la brume s'écoule toujours ...
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La carte des hésitations :
bleu : le plan initial, avec col à 1600m
rouge : le contournement
orange : l'itinéraire de rattrapage, avec col à 1500m

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Après toutes les routes et pistes que je me suis récemment fadé, je ne suis pas mécontent de reprendre du sentier. Certes il y a ici et là quelques flaques, mais l'environnement plutôt rocheux m'épargne les habituelles sections spongieuses. Relativement à d'autres, le chemin est plutôt sec et oserai-je dire, charmant. Je passe la rivière par un solide pont de bois, puis zigzague entre de plus ou moins grands lacs, avant de progressivement m'élever sur les pentes.

Si je suis sous un bon soleil matinal, le vent d'Ouest continue de souffler les brumes par-dessus la crête vers laquelle je me dirige. Selon toute vraisemblance, après un point haut à ~1150m, l'autre versant me verra m'enfoncer dans la nébulosité. L'air matinal est plutôt frais, le ressenti avec le vent est presque désagréable. Je voudrais trouver un endroit abrité du vent et ensoleillé pour y faire une jolie pause avant de rentrer dans le couvert nuageux, mais ce qui est abrité est à l'ombre et au froid, et tout ce qui est au soleil est au vent et donc aussi au froid ... Tant pis, je profite une dernière fois du spectacle de la nébulosité qui lèche le relief, et poursuis ma route pour brutalement plonger dans la masse de brume qui ne laisse plus rien voir.

la rivière est haute, mais le pont encore plus et je passe à pieds secs
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charmant !
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les nuages chassés par le vent me survolent ...
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je n'arrive pas à détacher les yeux de cette montagne ...
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passé le point haut, je passe du côté obscur
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De l'autre côté le contraste est saisissant : la lumière et la température chutent, et si je n'avais eu le soleil seulement quelques minutes auparavant, je pourrais croire à une prochaine averse. Par-dessous la brume je peux parfois apercevoir les contours de quelques lacs, mais la plupart du temps la vue est complètement bouchée. Je navigue sur le sentier d'une marque à l'autre, descendant lentement dans la large vallée très ouverte.

Le sentier s'aplanit en repassant sous les 1000m, en même temps qu'il me ramène sous la chape de brume et que je peux de nouveau voir mon environnement. C'est à 10h que j'arrive au refuge de Breisjøseter, établissement gardé formé de plusieurs bâtiments entre lacs et rivières. Après plus de 3h30 de marche j'ai besoin de faire la pause que je n'ai pu trouver plus tôt au soleil, et avec le vent froid et la brumisation le confort d'un intérieur est bien tentant. Je ne vois personne aux abords du refuge, et à l'intérieur pas plus, la réception est déserte. Je voulais d'abord m'arrêter ici un long moment, prendre une boisson chaude, consommer, recharger les batteries ... Je m'assois sur une  banquette près d'une prise électrique sur laquelle je branche téléphone et caméra, attendant que l'un ou l'autre des gardiens de ce vaste complexe revienne à sa tâche.

Après 1/4 h je n'ai encore vu personne, et ce court repos au sec et abrité du vent a suffi à me requinquer. L'envie de dépenser quelque argent m'a passé, et me voilà déjà dehors à renfiler mes chaussures mouillées, et je repars sans avoir vu âme qui vive ... L'ambiance est toujours bouchée, ventée et sombre : je marche sur la piste jusqu'à l'embranchement pour le sentier qui coupe dans la montagne et un col à 1500m, mais je n'ai clairement pas le cœur à l'ouvrage et n'ose pas m'y engager. Me voilà donc lancé pour le contournement intégrale de la montagne par la piste, pour le repos de mes jambes et de mes neurones ...

arrivée à Breisjøseter sous une chape de brume
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J'ai fait le mauvais choix ! La piste est facile à marcher, mais après 10 mn j’aperçois le col en question alors que la brume se déchire et que je repasse au soleil. Là où j'imaginais un environnement rocheux et accidenté, je ne vois que de douces pentes herbeuses, qui devaient être très faciles d’accès et dégagées de la brume. J'hésite à rebrousser chemin pour revenir à la bifurcation, ou même à couper dans les pentes pour rattraper le sentier ... mais finalement m'entête dans ma décision de facilité sur la piste. Si j'avais pris à cet instant le temps de vérifier ma cartographie, j'aurais pu mieux mesurer la rallonge kilométrique que je me suis alors imposé ... J’en suis maintenant quitte pour encore de longs kilomètres supplémentaires de piste, puis 5 km sur la route asphaltée dans la vallée : comme si je n’en avais pas déjà eu assez !

au moment du choix, grimper dans la montagne et la brume froide n'était pas engageant
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Quand la brume se lève et que je me retourne, je n'ose faire demi-tour pour revenir au chemin finalement facile qui s'offrait dans la pente douce...
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La piste arrondit la montagne par un large arc de cercle, passe au plus haut à un peu moins de 1200m d'altitude, et quand elle commence à descendre vers la vallée je découvre peu à peu les sommets des deux parcs nationaux voisins de Dovre et Rondane. Pour une fois je peux voir des montagnes élancées et resserrées, dans une vision plus "alpine" que les massifs rabotés et arrondis par les glaciers traversés jusqu'à présent.

Enfin libéré de la brume, je suis de temps à autre au soleil au gré de l'humeur des nuages, et commence bientôt à croiser quelques randonneurs en direction de Breisjøseter, puis des cabines de villégiature.

Un peu fâché après moi-même de m'être privé d'un peu de montagne et d'altitude faciles, je vous épargne d'un récit pour les 5 km de bitume que je dois faire une fois touché le fond de vallée. Je me punis de ma sottise en m'imposant de ne pas faire de pause avant d'avoir rattrapé l'itinéraire, et ce alors que je n'ai fait qu'un seul très court arrêt depuis mon départ à 6h20 ... Un comble en Norvège en période d'inondations, j'arrive à être à court d'eau et assoiffé, mais finis par trouver une belle source d'eau cristalline et glacée à 2 mètres du passage des (rares) voitures ...

C'est donc avec des pieds et jambes douloureux que j'arrive à 14h20 à la petite aire de repos de Straumbu, porte d'entrée du Parc de Rondane, au bord de la rivière bien gonflée de l'Atna. Outre un vaste parking un peu désert aujourd'hui, il y a là un hideux ouvrage de béton abritant une buvette et des toilettes. On peut y boire un mauvais café et consommer quelques snacks, de même qu'acheter quelques compléments de ravitaillement (chips, chocolat ...), ou s'offrir une panoplie d'objets attrape-touristes ...

Je prends là un café (et c'est d'ailleurs comme ça que je sais qu'il est mauvais), et rajoute une plaquette de chocolat à mes réserves (ça, c'est essentiel !). Je peux ainsi fainéanter à une table tout en rechargeant les appareils, et me projeter sur la suite du programme.

plus Dovre que Rondane sur cette vue
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au moins, les vues du bord de route sont belles
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Straumbu. Ne me demandez pas pourquoi on y parle de billets de banque ...
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Je repars au bout d'une heure, m'engageant par le sentier sur les bords de la tumultueuse rivière. Bien vite je mesure à quelle hauteur les eaux sont montées en début de semaine : ici des langues de sables coupent le sentier, là des ravines l'entaillent profondément ... J'arrive vite à la passerelle tendue par-dessus le torrent, et vois que l'ouvrage a été entravé par des sangles pour signifier sa fermeture ! Les planches sont jonchées de débris végétaux, montrant que l'eau est passée par-dessus ... Il y a un pont routier 2 km plus en amont (et autant à faire dans l'autre sens ...), mais si la passerelle est salie elle n'a pas l'air endommagée, et d'ailleurs je vois arriver des marcheurs qui l'empruntent en sens inverse ...

Je traverse donc à mon tour en me faufilant à travers la barrière de sangles, sans difficulté aucune. J'ai droit au spectacle répété de promeneurs qui arrivent pieds nus, leurs chaussures à la main. Je n'arrive pas à juger si les uns et les autres n'ont fait qu'une brève excursion depuis le parking, ou si parmi eux certains viennent de plus loin. Tous me disent que c'est bien inondé de l'autre côté, mais comme ôter mes chaussures est bien la dernière idée qui me viendrait à l'esprit pour traverser un cours d'eau, je me dis que les conseilleurs ne sont pas les payeurs et qu'entre eux et moi je suis peut-être bien - et sans vantardise - le plus expérimenté ...

Dans la poignée de rencontres il y a même toute une famille française, laquelle me parle des difficultés rencontrées à arriver jusqu'ici en voiture, à force de déviations et d'interdictions : je les mets au courant du passage récent de Hans dont ils ignoraient tout, et mesure un peu plus de mon côté l'impact très étendu et durable de cet épisode de très mauvais temps, dont je n'avais pas pleinement conscience jusqu'à présent ...

Par-delà la passerelle il y a une section boisée plane et alluviale à traverser, et effectivement le chemin a souvent été recouvert de limons ou de graviers charriés par l'eau, et il faut à plusieurs reprises mettre les pieds dans les ruisseaux pour les traverser. J'ai vu bien pire en terme de franchissement depuis le Cap Nord, mais c'est la première fois que je vois des sentiers de randonnée endommagés ...

l'eau est encore bien près de la passerelle, mais il y a quelques jours elle passait par-dessus
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le sentier est sous les eaux et les limons
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Passée cette partie basse un peu inondée, c’est ensuite un très bon et large chemin que je trouve, aménagé pour la forte fréquentation du parc national. Il s'élève gentiment en direction du refuge de Bjørnhollia où je compte arriver vite, seulement 6 ou 7 km après Straumbu. Après les quelques rencontres à proximité du parking et de la passerelle, je ne vois désormais plus personne, et au sol je n'observe plus qu'une unique trace de pas en sens contraire, peut-être l'une des personnes croisées en bas. Alors que j'entre dans l'un des parcs nationaux les plus arpentés de Norvège, je suis ici tout seul grâce à la pagaille mise par Hans dans la fréquentation touristique ...

Je croise dans les bois de pins une nouvelle minuscule et mignonette cabane où, peut-être, il était possible de dormir, mais à 16 heures il est bien trop tôt pour envisager l'arrêt. En m'élevant je retrouve de la vue, mais aussi la perception que le ciel s'est rechargé en nuages et qu'ici et là circulent de petites ondées, lesquelles ne feront que me frôler.

sous-bois de mousses blanches et de champignons (ici russules et bolets)
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bien cachée sous les pins et près d'un étang, une micro-cabane ...
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sur les hauteurs, derrière moi un soupçon d'arc en ciel trahit le passage d'une ondée
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Je finis par apercevoir le refuge de Bjørnhollia de l'autre côté d'une petite gorge, dans laquelle je dois d'abord descendre avant d'en remonter. Pour éviter le ravinement avec la forte fréquentation du parc, le sentier est aménagé de lourdes pierres pour former des escaliers, et c'est là que je ressens que mes jambes sont bien fatiguées. La pluie menace et j'ai besoin d'un nouvel arrêt substantiel avant ou non de poursuivre. C'est à 17h que j'arrive au refuge, réputé l'un des plus modernes et confortables de Norvège, et cette réputation n'est pas usurpée.

Fatigué, je me dis que c'est ici ou jamais que je peux m'offrir une nuit et un dîner dans un refuge gardé, sans l'oppression du surnombre de mes congénères. À la lecture de la carte, je suis encore à 2 heures de marche de ce que je suppose pouvoir être de jolis spots de bivouacs, et je me sens aujourd'hui trop raplapla pour mon traditionnel trip du soir. Je cède à la tentation et prends place pour le dîner et la nuit. Alors que je voulais me contenter d'une place en dortoir (ou j'aurais été seul de toute façon), je me vois pour le même prix surclassé en chambre familiale ...

le vieux hameau de Gammelsætra, au pied du refuge de Bjørnhollia
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vues de la fenêtre de ma chambre, à 2 horaires différents
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Il y a là très peu de monde aujourd'hui, je compte 10 personnes pour 90 places annoncées, et pourtant nous sommes un samedi soir au pic de la saison dans un parc national à haute fréquentation. Il y a là un seul autre randonneur itinérant allemand, les autres présents formés d'un unique groupe de 3 pères de famille en virée avec leurs 5 enfants, venus séjourner ici à Bjørnhollia et rayonner à la journée ...

Nous formons une unique table au dîner, et je peux sympathiser avec les 3 papas norvégiens et leurs enfants. Je suis épaté de la capacité des jeunes à converser en anglais, en français et en allemand en fonction de leur interlocuteur et de la nature de la conversation, les âges devant s'étaler de 8 à 16 ans ... Ma traversée et mon sac ont attiré l'attention, et la soirée se finit en revue de paquetage (ça ne m'était pas encore arrivé depuis le Cap Nord !) ...


à suivre, et bien sûr Joyeux Noël à tous !


Vidéo #52

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Sans peurs à surmonter, l'aventure n'est que promenade

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#424 24-12-2023 18:01:37

Schum
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Joyeux Noël à toi aussi (et à tout qui lira ceci) et encore merci pour cet extraordinaire récit  calin

Edit : ajout

Dernière modification par Schum (24-12-2023 18:02:49)

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#425 25-12-2023 02:04:04

Magne2
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Re : [Récit + liste] Nuits du Sud : Norge På Langs été 2023 - 2822km - 70j

Merci pour ton récit ,joyeux Noël alias
καλά Χριστούγεννα


kalo taxidi alias bon voyage en Grec bien sur

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